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forcer

forcer [ fɔrse ] v. <conjug. : 3>
XIe; lat. pop. °fortiare, de fortia force
I V. tr.
1Faire céder (qqch.) par force. Forcer une porte, un coffre. briser, enfoncer, fracturer, rompre. Forcer une serrure. crocheter. « sa femme avait forcé tous les tiroirs et le secrétaire » (Balzac).
Forcer un passage, l'entrée d'une ville. s'emparer, emporter, prendre. Forcer le blocus, un barrage. Fig. Forcer la porte de qqn, pénétrer chez lui malgré son interdiction.
2Faire céder (qqn) par la force ou la contrainte. astreindre, contraindre, obliger. Il faut le forcer. Forcer la main à qqn, le faire agir contre son gré. Agir contraint et forcé.
FORCER À... (qqch.). Cela me force à des démarches compliquées. condamner, entraîner, obliger, réduire. J'y suis forcé ! Forcer à, forcer de (et inf.). Forcer un malade à manger. Me voilà forcé de partir. Il y aura toujours des gens pour faire « des choses qu'ils ne veulent pas faire et qu'on les forcera de faire » (Duhamel).
3Vx Venir à bout de (un adversaire). « il fallut les poursuivre et les forcer [les assiégés] de maison en maison » (Rollin). traquer. Forcer une femme. violer.
Par anal. S'assurer la maîtrise, la disposition d'une puissance comparable à un adversaire humain. Forcer le destin, le succès. Forcer la chance.
4Vieilli Soumettre à une pression, une sujétion (les sentiments, les volontés). Il prétend forcer les consciences. tyranniser. Je ne veux pas forcer ton cœur, ton inclination. violenter (cf. Faire violence à).
Mod. Obtenir, soit par la contrainte, soit par l'effet d'un ascendant irrésistible. Forcer l'admiration, l'estime de tout le monde. s'attirer, emporter, gagner. Forcer le respect. Un ambassadeur « ne doit pas avoir l'air de forcer la confiance » (Stendhal).
5Pousser au-delà de l'activité normale, de l'état normal; imposer un effort excessif à. Forcer un cheval. claquer, crever, fatiguer. Vén. Forcer un cerf, un lièvre à la course, les épuiser par une longue poursuite jusqu'à ce qu'ils soient aux abois.
Soumettre à un exercice ou un rythme excessif. Forcer son talent. Chanteur, orateur qui force sa voix. Jockey, coureur qui passe en tête pour forcer l'allure. accélérer. Forcer un moteur. pousser.
Hortic. Forcer des fleurs, des plantes fourragères, en hâter la floraison et la maturation, les faire produire hors de saison ( forçage) . — P. p. adj. Cultures forcées.
6Dépasser (la mesure normale). augmenter, exagérer. Forcer la dose. Forcer la note.
7Altérer, déformer par une interprétation abusive. dénaturer, solliciter. Forcer la vérité. « Je ne veux pas forcer ce vers de Corneille. Je ne veux pas en forcer le sens » (Péguy).
II V. intr.
1Mar. Forcer de voiles, de rames, de vapeur : aller vite en faisant agir les voiles, les rames, etc., le plus possible (cf. Faire force de...). Forcer sur les avirons : ramer le plus vigoureusement possible. La brise force, devient plus violente. ⇒ forcir, fraîchir.
Techn. Fournir ou subir un effort excessif (pièce, mécanisme).
Fam. Forcer sur qqch., en user sans modération. Le cuisinier a forcé sur le sel. abuser (de). « un bombardier palestinien qui aurait forcé sur les amphétamines » (Pennac).
2Aux cartes, Monter.
3Fournir un gros effort, se dépenser. Il est arrivé sans forcer. Prends ton temps, ne force pas.
III ♦ SE FORCER v. pron. Faire un effort sur soi-même. se contraindre, se dominer. Mange, force-toi un peu ! Il n'aime pas se forcer. « quelque garçon d'honneur qui se force pour faire rire la noce » (Romains). Se forcer à : s'imposer la pénible obligation de. ⇒ s'obliger. « Il faut donc se forcer à travailler tous les jours » (Stendhal).

forcer verbe transitif (latin populaire fortiare, du bas latin fortia, force) Employer la force ou un autre moyen que le moyen adéquat pour ouvrir quelque chose, faire fonctionner un mécanisme : Forcer une serrure avec un crochet. Fausser quelque chose en exerçant une trop grande pression sur lui : Forcer une vis. Franchir un passage malgré une forte résistance : Les manifestants ont forcé le barrage. Pénétrer de force malgré une interdiction : Les journalistes ont forcé sa porte. Exercer une pression morale sur autrui, obliger quelqu'un à ouvrir son cœur ou à aller contre ses idées : Forcer la conscience de quelqu'un. Ne pas se soumettre à l'influence, à l'action d'une force, d'une puissance supérieure à soi, aller contre quelque chose pour arriver à ses fins : Forcer la nature, le destin. Faire naître un sentiment, une attitude, sous l'effet d'un ascendant irrésistible ou d'une pression : Acte courageux qui force l'admiration. Solliciter quelqu'un, quelque chose à l'excès, exiger d'eux un travail, un rendement supérieur à celui fourni d'habitude : Forcer un moteur. Forcer un élève. Augmenter fortement une quantité, un rythme : Forcer son allure. Aller au-delà de ce qui est offert, présenté normalement : Forcer le sens d'un mot. Contraindre quelqu'un, l'obliger à faire quelque chose : On l'a forcé à démissionner. Équitation Pousser trop un cheval, le faire trop courir. Horticulture Soumettre une plante au forçage. Vénerie Courir un animal jusqu'à ce qu'il soit pris par la meute. ● forcer (difficultés) verbe transitif (latin populaire fortiare, du bas latin fortia, force) Conjugaison Le c devient ç devant o et a : je force, nous forçons ; il força. Construction 1. Forcer à (+ infinitif) : on m'a forcé à le faire. Remarque La construction avec de est aujourd'hui sortie de l'usage : « Un devoir impérieux me forçait de retourner à Paris »(G. de Nerval). 2. Être forcé de (+ infinitif) : j'étais forcé d'accepter ; il était bien forcé de dire la vérité. ● forcer (expressions) verbe transitif (latin populaire fortiare, du bas latin fortia, force) Forcer la décision, faire basculer le sort en faveur de quelqu'un, de quelque chose ; trancher, décider du résultat. Vieux. Forcer une femme, la violer. Forcer la main à quelqu'un, l'obliger à agir contre sa volonté. Familier. Forcer la note, la dose, en rajouter, exagérer. Forcer la main, se dit du cheval qui n'obéit plus à la main de son cavalier. Forcer la carte, faire croire à un spectateur à qui est présenté un jeu de cartes qu'il choisit une carte librement alors qu'il ne fait que prendre celle souhaitée par le prestidigitateur. ● forcer (homonymes) verbe transitif (latin populaire fortiare, du bas latin fortia, force)forcer (synonymes) verbe transitif (latin populaire fortiare, du bas latin fortia, force) Employer la force ou un autre moyen que le moyen...
Synonymes :
- crocheter
- fracturer
Fausser quelque chose en exerçant une trop grande pression sur lui
Synonymes :
- déformer
- gauchir
Exercer une pression morale sur autrui, obliger quelqu'un à ouvrir...
Synonymes :
- assujettir
- astreindre
- imposer
- réduire
Faire naître un sentiment, une attitude, sous l'effet d'un ascendant...
Synonymes :
- arracher
- conquérir
- emporter
Augmenter fortement une quantité, un rythme
Synonymes :
- hâter
- précipiter
- presser
Aller au-delà de ce qui est offert, présenté normalement
Synonymes :
- accentuer
- altérer
- déformer
- dénaturer
- détourner
- exagérer
- grossir
- outrer
Contraindre quelqu'un, l'obliger à faire quelque chose
Synonymes :
- acculer
- contraindre
- obliger
forcer verbe transitif indirect Familier. User avec excès de quelque chose : Le cuisinier a un peu forcé sur le poivre.forcer verbe intransitif Fournir un effort exagéré, trop grand : Courez sans forcer. Fournir ou subir un effort excessif : Cordage qui force trop. Jeter une carte de la couleur demandée, mais plus forte que les cartes déjà jouées. En parlant d'une manœuvre, d'une amarre, être fortement raidie par l'effort qui s'exerce sur elle. Synonyme de forcir. ● forcer (homonymes) verbe transitif indirectforcer (homonymes) verbe intransitifforcer (synonymes) verbe intransitif Jeter une carte de la couleur demandée, mais plus forte...
Synonymes :
- monter
Synonymes :
- forcir

forcer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Prendre, faire céder par force. Forcer des obstacles. Forcer une porte.
Fig. Forcer la porte de qqn, entrer chez lui malgré lui.
d2./d Contraindre, obliger. Forcer un enfant à manger.
Par anal. Forcer la main à qqn, l'obliger à agir contre son gré.
Forcer le respect, l'admiration: obliger au respect, à l'admiration.
d3./d Pousser au-delà de ses limites, de ses forces naturelles. Forcer un cheval, le faire galoper trop vite.
Forcer une plante, en hâter la végétation.
d4./d Outrepasser (ce qui est normal, permis).
Forcer la dose: l'augmenter exagérément; fig., Fam. exagérer.
d5./d Dénaturer, altérer. Forcer le sens d'un mot.
rII./r v. intr.
d1./d (Choses) Supporter, fournir un effort excessif. Charnière qui force.
d2./d SPORT Fournir un gros effort physique.
|| Cour., Fam. Fournir un effort, se fatiguer. ça va, vous ne forcez pas trop?
d3./d Fam. Forcer sur: abuser de. Il a tendance à forcer sur l'alcool.
rIII/r v. Pron. Faire effort sur soi-même, se contraindre. Je me suis forcé à l'avaler.

⇒FORCER, verbe.
I.— Exercer une vive pression sur.
A.— Emploi trans. [Les masseurs qui] moulaient, pétrissaient, écrasaient sous leurs paumes ointes les muscles un à un, tiraient et forçaient les jointures (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 60). La grande barre de fer, où quatre hommes sont attelés, s'arrête de forcer les charpentes (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 223).
Fausser en exerçant une pression trop forte. Sous peine de forcer la barre, il ne faut pas serrer un côté du châssis avant d'avoir arrêté l'autre par les coins (E. LECLERC, Nouv. manuel typogr., 1932, p. 294).
Faire pénétrer en poussant fort. Synon. bourrer. L'étable de troncs bruts entre lesquels on avait forcé des chiffons et de la terre (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 58).
Faire céder, fracturer. Forcer un coffre, une serrure :
1. Je vois un type sans col, chemise sale, gilet ouvert et pantalon à raies, en train de forcer des robinets à bière.
MALRAUX, Espoir, 1937, p. 589.
B.— Emploi abs. Avant que la nécessité s'impose à nous de forcer à bloc et que le corps crie sous le cric (CLAUDEL, Poète regarde Croix, 1938, p. 63). Le menton appuyé sur la nuque de Paul, forçant avec sa grande force de charpentier, avec ses vingt-six ans solides (GIONO, Batailles ds mont., 1937, p. 121).
Forcer + compl. locatif. Pièces qui s'emboîtent juste et qui forcent l'une sur l'autre (ROMAINS, Vie unan., 1908, p. 258). Le petit taureau qui joyeusement chargeait le picador, forçait sur le fer (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 421). Un bateau longeait la rive... Il forçait contre courant (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 254).
II.— Augmenter la force, l'intensité de quelque chose au delà de la limite normale.
A.— Augmenter l'intensité, le rythme de quelque chose. Synon. intensifier, pousser, renforcer.
1. Emploi trans. Forcer l'allure, le pas. Il força les feux, pour chauffer les pièces (HUYSMANS, Là-bas, t. 2, 1891, p. 39). Aline calcula-t-elle mal la dose? ou voulut-elle la forcer?... Elle en prit tant, qu'une heure après elle était morte (GIDE, Journal, 1902, p. 112).
Rem. Vieilli ou région. Augmenter. Elle forçait ses approvisionnements comme si Paris eût été menacé d'un siège (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 163). Un courage inutile assaillit le Survenant. Une ardeur nouvelle força son sang (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 191).
Forcer de (vieilli). Et la noire gondole força de rames, se glissant le long des palais de marbre (BERTRAND, Gaspard, 1841, p. 212). Elle fuyait (...) poursuivie par les sangliers qui filaient ventre à terre. J'avais beau forcer de vitesse, je n'arrivais pas (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 156).
Au fig. Pousser trop loin. Synon. exagérer, outrer. Forcer son style, son talent. Quand il faut s'arrêter, il continue. On veut forcer l'analyse, et tout se disperse en atomes (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 282). Ça nous faisait en calculant juste, sans forcer du tout les chiffres, à peu près dans les trois millions (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 518).
Forcer les limites. Aller au delà de. Prenez garde à votre défaut. Vous forcez les limites de la nature humaine; vous la faussez par votre grandeur (RENAN, Drames philos., Abbesse Jouarre, 1886, V, 2, p. 673).
Forcer le ton. Exagérer. Les mauvais Français nous accusent de forcer le ton et de faire parade de sentiments conventionnels (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 180).
Emploi pronom. Sa voix frêle se força si drôlement sur la dernière syllabe qu'il crut devoir achever par une petite toux aiguë de coquette (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 383).
2. Forcer sur. Insister avec excès. Synon. en rajouter (fam.). Je forçais un peu sur la note... je faisais de la consolation... je faisais ce que je pouvais... Alors elle tournait en fontaine... — Pleurez pas madame! Pleurez pas!... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 663) :
2. À la vérité, il forçait un peu sur le sublime : c'était un homme du XIXe siècle qui se prenait, comme tant d'autres, comme Victor Hugo lui-même, pour Victor Hugo.
SARTRE, Mots, 1964, p. 15.
B.— Hâter la croissance de plantes, la maturation de fruits (cf. forçage).
Au fig. Modifier artificiellement ce qui vient de la nature. Mais, je vous demande, est-ce qu'on peut forcer son tempérament. C'est de naissance! (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 468) :
3. ... je ne vis vraiment, que si je fuis la vie au sens courant du terme, dans l'exaltation ou dans la création; et ce qui doit se passer dans les autres moments, c'est qu'exaspéré de ne point parvenir à vivre autrement, je veux alors, si je puis dire forcer [it. ds le texte] la vie, la susciter, fût-ce artificiellement...
DU BOS, Journal, 1926, p. 104.
C.— Imposer à (une personne, un animal) un effort au-delà de ses capacités physiques normales. Forcer un cheval. Tu as modifié ton programme, tu as couru une épreuve qui n'est pas faite pour toi, tu as forcé ton organisme (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 318).
III.— Dominer en usant de la force, de la violence. Synon. contraindre.
A.— [Le compl. désigne un animé]
1. Poursuivre (un gibier) jusqu'à ce qu'il soit à bout de force. Synon. réduire aux abois. Partout ils [les loups, les renards] trouveront un lièvre à forcer ou un agneau à ravir (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 86) :
4. Dans les bois des environs, on forçait un malheureux cerf et le grand hourvari des aboiements arrivait jusqu'à nous. Un vieux monsieur à cheval est passé, sanglé dans son habit rouge et le nez surmonté d'un binocle.
GREEN, Journal, 1938, p. 158.
Forcer (qqn) dans (ou autre compl. locatif). Synon. acculer, cerner. Forcer l'ennemi dans ses derniers retranchements. Le réduire à merci :
5. Les autres vaches, ils me rebousculent, ils me poussent, ils sont les plus forts... Ils sont extrêmement brutaux... Ils me projettent dans l'escalier... Ils écoutent même pas ma mère... Ils me forcent dans la pièce en-dessous... Je prends tous les coups, comme ils viennent... Je résiste plus...
CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 390.
P. métaph. La dialectique, poursuivant passionnément cette proie merveilleuse, la pressa, la traqua, la força dans le bosquet des notions pures (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 245) :
6. Nous rentrerons sans doute un peu dans nos raisonnemens antérieurs; mais il le faut pour poursuivre et forcer dans son dernier retranchement la théorie de Locke.
COUSIN, Hist. philos., t. 2, 1829, p. 439.
2. P. anal. Obtenir de haute lutte. Au combat, ces garçons (...) enfonçaient n'importe quelle troupe et forçaient la victoire (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 224). L'espoir de forcer la chance (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 220).
♦ Prendre une femme de force. Synon. violer. Un homme qui va forcer sur un lit une femme qu'il épouse parce qu'il n'a pas découvert d'autres moyens de lui voler sa dot (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 25).
3. SP., rare. Attaquer un adversaire pour le réduire à la défensive (cf. forcing). Tu t'es obstiné à jouer fignolé devant un adversaire qui n'avait plus de souffle, au lieu de le forcer par un jeu rapide (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 291).
B.— [Le compl. d'obj. désigne un inanimé concr.] S'emparer d'un lieu, obtenir le passage vers (un lieu) en recourant à la violence. Forcer une ville. Reconquérir Metz et Strasbourg, et par là forcer les accès faciles de Paris (BARRÈS, Cahiers, t. 13, 1921-22, p. 179) :
7. ... le solitaire se ramasse. C'est forcer le passage ou mourir qu'il faut! Le chien l'étourdit de son hurlement sans oser l'assaillir : il va le charger; déjà il baisse ses défenses.
PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 11.
8. Et d'ailleurs tu sais nos conventions, je fonce droit devant moi, toujours. Si la vie n'est qu'un obstacle à forcer, je la force, je sortirai de l'autre côté tout écumant, tout sanglant.
BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1381.
Forcer la porte de qqn. Parvenir auprès de quelqu'un malgré la consigne de n'ouvrir à personne :
9. Pardonnez-moi de forcer votre porte. (Regardant vers Christine). Ah! elle est encore là! Je craignais d'arriver trop tard. (Il prend Christine par la main, la fait lever). Vous permettez... et je l'emmène!
MONTHERL., Celles qu'on prend, 1950, III, 5, p. 826.
Forcer la consigne. [Même sens]. Decraemer veillait la petite morte. Il n'avait voulu voir personne. Mayet son comptable, un matin, força la consigne (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 145).
Au fig. La pensée d'Hélène avait été prompte à forcer la maison, le repos de Vial (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 39). Je crois bien que j'ai rêvé d'Allan : cet être qui m'absorbe depuis huit jours va-t-il forcer jusqu'à mon sommeil? (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 67).
IV.— Mettre dans la nécessité d'accomplir une action.
A.— Forcer à, forcer de. Synon. contraindre, obliger.
1. [Le compl. indir. est un inf.]
a) [À la forme active, la prép. est soit à, soit de (70 % pour à, 30 % pour de dans le corpus littér. TLF)] Ceux-ci entrèrent parce que nous les y forçâmes (LEROUX, Parfum, 1908, p. 111). [Quelqu'un] qui voudrait m'influencer, me contrôler, m'embrigader. Me forcer à dire autre chose que ce que je voulais dire (MONTHERL., Notes théâtre, 1954, p. 1074). Une sourde inquiétude le forçait à aller et venir (GREEN, Moïra, 1950, p. 39). Cette triste myopie qui le [l'écrivain] forçait à examiner de tout près chaque objet (SARRAUTE, Ère soupçon, 1956, p. 14).
Forcer de + inf. Elle me força de rester immobile et de la regarder sourire (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 223). Cette indigestion qui te forcera de te refaire en ta maison (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 876). Quelque chose le força d'écouter ce bruit doux et tranquille (GREEN, Moïra, 1950, p. 32) :
10. Nous-même qui aspirons à la vie éternelle, nous qui en avons reçu l'espérance, un chant humain suffit pour nous forcer d'aimer, pendant quelques instants, le désespoir...
MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 122.
Emploi abs. Attendez! Je ne veux forcer personne. J'ai pour principe d'être correct (CAMUS, État de siège, 1948, p. 217).
Rem. Ne se construit gén. pas avec une complétive. Par exception : ah, qui se donne comme il faut, il forcera bien qu'on l'accepte! (CLAUDEL, Part. midi, 1906, I, p. 1012).
b) [À la forme passive, la préposition est de] Quand il sera forcé par la faim de redescendre (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1338) :
11. Par exemple, je suis forcé de reconnaître qu'il n'est pas encore bien joli; il est probable que cela viendra plus tard...
LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 194.
Rem. La constr. avec la prép. à est répandue dans les œuvres antérieures au XIXe s. On la trouve encore parfois sous la plume d'écrivains de la 1re moitié du XIXe s. Nous espérons être vainqueurs si nous sommes forcés à combattre (LAMART., Corresp., 1832, p. 291; cf. aussi ID., Chute, 1838, p. 996). [Elle] attendait d'être forcée à parler (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 297). Forcée à vivre de mon travail de chaque jour (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 302). Tu es donc forcée à prendre un brave garçon inférieur (FLAUB., Corresp., 1863, p. 124; cf. aussi ID., Hérodias, 1877, p. 152).
2. [Le compl. indir. est un subst. verbal (action ou état); la prép. est toujours à]
[À la forme active] On peut le molester, mais on ne saurait le forcer au travail (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 305). La maladie qui, apparemment, avait forcé les habitants à une solidarité d'assiégés (CAMUS, Peste, 1947, p. 1355) :
12. Il répondit « oui », voulant forcer son visage à une expression désolée, mais les deux hommes s'étaient pénétrés d'un coup d'œil...
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 488.
[À la forme passive] Le bilieux est forcé aux grandes choses par son organisation physique (STENDHAL, Hist. peint. Ital., t. 2, 1817, p. 46). Mais, que veux-tu? On est forcé à des ménagements (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 170). [J'étais] un peu gêné, non pas pauvre, mais pauvret, mais soucieux, forcé à une économie de tous les instants (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Divorce, 1888, p. 1095).
Contraint et forcé. [Expression à valeur intensive] [Il] se taisait farouchement, n'ouvrait la bouche, contraint et forcé, que pour nier contre toute évidence (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 78).
B.— Forcer + subst. d'action. Ma rancune revient, de sentir si près de moi celle qui a forcé la tendresse de cette petite Aimée si peu sûre (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 65). Mais avant qu'elle eût pu s'écarter, il avait glissé à ses pieds et posé la joue contre sa hanche, comme un enfant qui veut forcer le pardon (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 663). La famille du maquignon donnait l'exemple avec une vigueur qui forçait l'admiration (AYMÉ, Jument, 1933, p. 13). Il avait les yeux fiévreux, une agitation qui cette fois parut forcer l'attention du docteur (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 225) :
13. L'ordre dans lequel les pensées nous sont présentées, toute la composition même du livre n'ont d'autre objet que de gagner, sans jamais le forcer, notre assentiment.
DU BOS, Journal, 1922, p. 60.
C.— Forcer la main à qqn. Imposer quelque chose à quelqu'un contre son gré. Je n'aime pas cette façon de me forcer la main. Tu me traînes à cet acte. Tu commences, pour m'obliger à finir (CAMUS, Malentendu, 1944, II, 8, p. 159) :
14. Drôle de fille! Il fallait toujours qu'elle vous arrachât de haute lutte ce qu'on était tout disposé à lui donner. Henri était certain qu'elle avait machiné sa grossesse, en trichant sur les dates, pour lui forcer la main; et après ça bien sûr, elle s'était convaincue qu'en le mettant devant le fait accompli elle l'avait seulement aidé à prendre conscience de ses vrais désirs.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 540.
Avoir la main forcée. Se voir imposer quelque chose contre son gré. Il semble qu'il veuille avoir la main forcée, de façon à être couvert par un ordre, par une imposition ministérielle de son rôle (GONCOURT, Journal, 1865, p. 199). On le menaçait de se passer de lui, (...) il avait donc la main forcée (HUGO, Corresp., 1852, p. 123).
V.— Verbe pronom.
A.— Se forcer. Faire des efforts pour aller contre une réaction naturelle, pour faire une chose qu'on n'a pas envie de faire. Elle dut lui couper sa viande. — Forcez-vous un peu, répétait-elle. Le vieux restait le nez dans son assiette (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 233). Le moderne ne réussit pas à Londres; parfois les urbanistes anglais se forcent; ils imaginent alors une cage de verre (comme celle du Daily Express, dans Fleet Street) (MORAND, Londres, 1933, p. 73) :
15. Il vint en avant, il vint encore un peu en avant, puis il s'arrêta, comme n'osant pas aller plus loin; pourtant, la nuit était tout à fait venue. Il était dans une nuit d'autant plus noire qu'il y manquait les étoiles, il aurait pu venir sans crainte, alors quoi? Il a dû se raidir, il a dû se dire : « Il faut », et se forcer; puis s'avance, descend la pente.
RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 205.
B.— Se forcer à (pour). Synon. se contraindre à, s'obliger à. Se forcer à sortir. Il serrait les mâchoires, mordait ses lèvres pour se forcer à la maîtrise de soi (MONTHERL., Songe, 1922, p. 134). La nécessité de s'imposer dans un sens qui n'était pas celui de sa nature, de se forcer pour rire (MONTHERL., Songe, 1922 p. 58).
Rem. Se forcer de est rare. Il se força de ne point allonger le pas malgré qu'il l'eût très élastique (GIDE, Caves, 1914, p. 723; cf. aussi ID., ibid., p. 833). Je m'approchai de la bergère, je me forçai d'arriver jusqu'à son corps, qui me terrifiait (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 200).
Prononc. et Orth. :[], (il) force []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Faire céder par la force a) XIe s. « faire violence (à une femme) » d'apr. FEW t. 3, p. 730a; XIIIe s. [ms.] (CHR. DE TROYES, Chevalier Charrette [var. ms. V] 1321 ds T.-L.); ca 1200 plus gén. (Antioche, éd. P. Paris, VIII, 1381); b) ca 1230 « prendre de vive force une position militaire » ici pronom. (Chevalier deux épées, 9496 ds T.-L.); cf. 1588 Alexandre forçant la ville (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, livre I, chap. 1, p. 30); c) mil. XVe s. « exercer une pression morale sur autrui » (CH. D'ORLÉANS, La Retenue d'amours, éd. P. Champion, 83); d) av. 1549 « vaincre, maîtriser ses propres sentiments » forcer sa complexion (MARG., Lett., 78 ds LITTRÉ); e) 1552 « s'assurer la maîtrise de quelque chose » forçant ton Destin (RONSARD, Odes, livre V, IX, 27 ds Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 3); f) 1573 forcer la porte (DUPUYS); 2. pousser au-delà de l'activité normale, de l'état normal a) ca 1210 « fausser, tordre » (Estoire d'Eustachius d'apr. Lar. Lang. fr.); b) 1573 forcer un animal (DUPUYS); 1605 [éd.] plantes forcées (O. DE SERRES, 545 ds LITTRÉ); c) 1668 forcer son talent (LA FONTAINE, Fables, éd. H. Régnier, livre IV, 5, vers 1); d) 1690 forcer son stile (FUR.); e) 1859 emploi abs. « agir avec force, fournir un effort intense » (ici en parlant du vent) (BONN.-PARIS : le vent force lorsqu'il augmente); 1910 (CLAUDEL, Gdes odes, p. 239). Prob. d'un lat. vulg. fortiare, du lat. fortia, v. force. Fréq. abs. littér. :4 176. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 7 524, b) 6 477; XXe s. : a) 6 494, b) 6 621.

forcer [fɔʀse] v. [CONJUG. placer.]
ÉTYM. XIe, « faire violence à une femme »; du lat. vulg. fortiare, de fortia. → Force.
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I V. tr.
1 a Faire céder (qqch.) par force. || Forcer une porte, un coffre. Briser, enfoncer, fracturer, ouvrir, rompre. || Forcer une serrure. Crocheter. || Forcer une clef, une fermeture, les détériorer par une manœuvre violente de sorte qu'elles ne jouent plus. Fausser, tordre.
1 À peine le comte était-il expiré, que sa femme avait forcé tous les tiroirs et le secrétaire, autour d'elle le tapis était couvert de débris, quelques meubles et plusieurs portefeuilles avaient été brisés, tout portait l'empreinte de ses mains hardies.
Balzac, Gobseck, Pl., t. II, p. 666.
2 Vous rossez mes valets; vous forcez mes verrous (…)
A. de Musset, Premières poésies, « À quoi rêvent les jeunes filles ».
Escr. || Forcer le fer : exercer une pression sur le fer de l'adversaire.
Par ext. || Forcer un muscle, une articulation. Claquer.
b S'emparer de (un lieu), obtenir le passage vers. || Forcer un passage, un retranchement, une ville. Emporter, prendre (→ Estacade, cit. 1). || Forcer le blocus. || Forcer l'entrée d'une place.
3 Ils forcent le poste, envahissent la salle, poussent la barrière, pressent les électeurs jusque sur leur bureau.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, VII.
4 Seigneur, ils ont forcé le passage ! la poterne cède.
Giraudoux, Électre, II, 8.
c Loc. (1835). Forcer la porte de quelqu'un, pénétrer chez lui malgré son interdiction. Entrer (de force), introduire (s'); → Intrusion.
d Abstrait. || Forcer la consigne, ne pas s'y conformer. Enfreindre.
5 (…) il avait condamné sa porte; et Jacques, que Jenny, exténuée, suivait comme une ombre, n'essaya pas de forcer la consigne.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 278.
Forcer un obstacle. Surmonter. || Forcer les résistances de quelqu'un (→ Arme, cit. 34).
2 Faire céder (qqn) par la force ou la contrainte. Astreindre, contraindre, imposer, obliger (→ Assujettir, cit. 23). || Il faut le forcer. || On ne force personne (→ Chanter, cit. 15). || Personne ne te force.
6 Mazarin voulut essayer de faire Louis XIV empereur. Ce dessein était chimérique; il eût fallu ou forcer les électeurs ou les séduire.
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, VI.
Au passif et p. p. || Forcé par la nécessité (→ Allécher, cit. 2), par les circonstances (→ Attendre, cit. 46).
(XVIIe). Forcer la main à qqn, le faire agir contre son gré. || On lui a forcé la main. || Forcer la main de qqn.
6.1 Il (de Gaulle) aura essayé, au moins une fois, de nous forcer la main, non pour sa gloire mais pour la nôtre.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 91.
7 (…) ce journal appartient aux Cointet, ils sont absolument les maîtres d'y insérer des articles, et ne peuvent avoir la main forcée que par la Préfecture ou par l'Évêché.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 975.
Forcer à (et subst.). || Pauvreté d'une langue qui force à des périphrases. Amener, entraîner (→ Appellation, cit. 2). || Cela me force à des démarches compliquées. Condamner, obliger. || Forcer à l'immobilité et au silence. Réduire. || Je saurai bien t'y forcer.
8 (…) force par ta vaillance
Ce monarque au pardon et Chimène au silence (…)
Corneille, le Cid, III, 6.
(Passif et p. p.). || Forcé à l'économie. || « On est forcé à des ménagements » (Zola, in T. L. F.). — ☑ Loc. Contraint et forcé.
(Suivi de l'inf.). || On me force à partir, à me retirer. Chasser. || Tyran qui force le peuple à obéir sans discussion. || Forcer une troupe à rester sur ses positions (→ Accrocher, cit. 4). || Forcer quelqu'un à se taire (→ Contraindre, cit. 6), à payer (→ Corvée, cit. 3).(Vieilli ou littér.). || Forcer de. || Ce qui nous force d'aimer (→ Amour, cit. 9; attacher, cit. 49).REM. Littré note que « l'usage des auteurs ne permet aucune distinction réelle » entre forcer à et forcer de; cependant le premier tend à être réservé à l'actif, le second au passif : on nous a forcés à l'avouer; nous avons été forcés de le reconnaître.(Au passif). || Me voilà forcé de partir. || Tu n'es pas forcé de lui dire.
9 (…) je ne la forcerais point à se marier (…)
Molière, le Malade imaginaire, II, 6.
10 (…) je vous conjure au moins de ne me point forcer d'en épouser un autre.
Molière, le Malade imaginaire, III, 14.
11 (…) ils me reprochaient la faute de ma mère et voulaient me forcer à rougir d'elle.
G. Sand, la Petite Fadette, XVIII.
12 (…) prié d'assister au repas du soir, il dut s'excuser, forcé justement, ce jour-là, d'aller coucher à Chartres, pour un procès (…)
Zola, la Terre, II, VII.
13 Rien ne force les souvenirs à se montrer comme les odeurs et les flammes.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 163.
14 (…) il y aura toujours des gens pour souffrir dans l'ombre inférieure et faire, avec peine et douleur, des choses qu'ils ne veulent pas faire et qu'on les forcera de faire.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, I.
3 Venir à bout de la résistance de (un adversaire). Triompher, vaincre. || Pousser, forcer l'ennemi dans ses retranchements. || Forcer un bandit jusque dans sa retraite. Traquer.
15 Les assiégés se défendirent encore longtemps avec un courage incroyable, et il fallut les poursuivre et les forcer de maison en maison.
Rollin, Hist. ancienne, t. V, in Littré.
Forcer une femme, la prendre de force. Violenter, violer.
16 (…) la béatitude d'un homme qui va forcer sur un lit une femme qu'il épouse parce qu'il n'a pas découvert d'autre moyen de lui voler sa dot.
Huysmans, En route, p. 17.
(Compl. n. abstrait). S'assurer la maîtrise, la disposition de quelque chose. || Forcer le destin, la destinée, le sort, la chance. || Forcer le succès (→ Carrière, cit. 8). || Forcer la nature. Brusquer.
17 Ô qu'il est mal-aisé de forcer la nature !
Toujours quelque Génie, ou l'influence dure
D'un Astre, nous invite à suivre malgré tous
Le destin qu'en naissant il versa desur nous.
Ronsard, le Second livre des poèmes, Discours à P. l'Escot.
18 La véhémence et l'ingénuité de tels désirs ont, tout au moins chez de tels êtres, une vertu d'incantation qui peut solliciter et forcer le destin.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, IV, X.
4 Soumettre à une pression, à une sujétion (les sentiments, les volontés). || Il prétend forcer les consciences. Tyranniser. || Je ne veux pas forcer ton cœur, ton inclination. Violence (faire), violenter.
19 (…) si ton cœur demeure insensible, je n'entreprendrai point de le forcer.
Molière, la Princesse d'Élide, II, 4.
(La pression est exercée sur soi-même). Contrarier, dominer, dompter, surmonter, triompher, vaincre. || Forcer son cœur, sa nature, son naturel.
20 Apprends d'elle à forcer ton propre sentiment (…)
Corneille, Polyeucte, V, 3.
21 (…) il m'est impossible de forcer cette aversion naturelle.
Molière, la Princesse d'Élide, II, 4.
Par ext. Obtenir soit par la contrainte, soit par l'effet d'un ascendant irrésistible. || Forcer le consentement, le vote de quelqu'un. Arracher.Forcer l'admiration, l'estime, le respect de tout le monde. Acquérir, attirer (s'), gagner. || Forcer l'attention (cit. 34), l'intérêt (→ Caractère, cit. 29), l'adhésion (→ Croire, cit. 36), la conviction. Emparer (s'), emporter.
22 N'oubliez jamais qu'un ambassadeur, et de votre âge encore, ne doit pas avoir l'air de forcer la confiance.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XXI.
23 Ces scènes où l'un offre plus de son cœur qu'on ne lui demande, sont toujours pénibles. Sans doute pensait-il forcer ma sympathie.
Gide, les Faux-monnayeurs, I, XII.
5 (1636). Pousser au-delà de l'activité normale, de l'état normal; imposer un effort excessif à (un animal). || Forcer un cheval. Claquer, crever, fatiguer, surmener. Vén. || Forcer un cerf (→ Brisées, cit. 1), un lièvre à la course; forcer un sanglier, les épuiser par une longue poursuite jusqu'à ce qu'ils soient aux abois. Chasser; courre.
24 Il (le loup) est infatigable, et c'est peut-être de tous les animaux le plus difficile à forcer à la course.
Buffon, Hist. nat. des animaux, Le loup, in Œ., t. II, p. 577.
Soumettre à un exercice ou un rythme excessif. || Forcer ses aptitudes, son talent, en les employant à des sujets qui les dépassent. || Chanteur, orateur qui force sa voix. || Forcer le pas, la marche.
Loc. (au p. p.). À marches forcées.Jockey, coureur qui passe en tête pour forcer le train, l'allure. Accélérer, accentuer, hâter, précipiter, presser.
25 Ne forçons point notre talent :
Nous ne ferions rien avec grâce.
La Fontaine, Fables, IV, 5.
26 (…) cet homme s'interrompait au milieu de son discours et se taisait au passage d'une voiture, afin de ne pas forcer sa voix.
Balzac, Gobseck, Pl., t. II, p. 625.
6 Hortic. || Forcer des fleurs, des plantes potagères, des arbres fruitiers, en hâter la floraison et la maturation, et, par ext., les faire produire à contre-saison. Forçage, forcerie.Au p. p. || Cultures forcées.
7 Dépasser (la mesure normale). Augmenter, exagérer.Forcer la dose (cit. 1).Forcer la recette, la dépense : porter en recette, en dépense plus qu'il n'a été reçu ou dépensé. — ☑ Forcer la note (cit. 13).
8 Altérer, déformer par une interprétation abusive. || Forcer le sens d'un mot. Abus. || Exégète, traducteur qui force le sens d'un passage, qui force le texte. Contourner, dénaturer, solliciter, torturer. || Cabotin qui force son rôle. Charger. || Forcer la vérité (→ Choyer, cit. 18), un tableau, une description.
27 Je ne veux pas forcer ce vers de Corneille. Je ne veux pas en forcer le sens.
Ch. Péguy, Note conjointe, Sur Descartes, p. 105.
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II V. intr.
1 Mar. (vx). || Forcer de voiles, de rames, de vapeur : aller vite en faisant agir les voiles, les rames, etc., le plus possible. → Faire force de. || Forcer sur les avirons : ramer le plus vigoureusement possible. || Forcer contre le courant.Absolt. (Sujet n. de chose). || La brise force, devient plus violente. || Mât, cordage qui force, qui supporte un trop grand effort.Par anal. Techn. Fournir ou subir un effort excessif (pièce, mécanisme, appareil…).
2 Aux cartes, Jeter une carte, de la couleur demandée, plus forte que les cartes déjà jouées. || À l'écarté, à la belote, on est tenu de forcer. Monter.
3 Sports. Fournir un gros effort, se dépenser. || Il a gagné la course sans donner l'impression de forcer beaucoup. || Il est arrivé sans forcer.
Cour. et fam. Faire un (gros) effort physique. || Ne forcez pas trop.
——————
se forcer v. pron.
1 Rare. Faire un effort excessif. || Se forcer en portant un fardeau. || Ne vous forcez point, vous vous ferez mal (Académie).
2 Cour. Faire un effort sur soi-même. Contraindre (se), dominer (se), violence (se faire). || Avale cette purge, force-toi un peu ! || J'ai dû me forcer pour aller chez le dentiste. || Je me force, mais je n'y arrive pas. || Ne vous forcez pas.
28 Ainsi Néron commence à ne se plus forcer.
Racine, Britannicus, III, 8.
29 (…) quelque garçon d'honneur qui se force pour faire rire la noce (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, I, p. 6.
Se forcer à, de… : s'imposer la pénible obligation de… Obliger (s'). || Se forcer à manger.(Avec un nom). || Se forcer au travail.
30 (…) je vous crois, et je ne puis penser
Qu'à feindre si longtemps vous puissiez vous forcer.
Racine, Mithridate, III, 5.
31 Il faut donc se forcer à travailler tous les jours.
Stendhal, Journal, p. 87.
32 Il avait beau se répéter que s'il n'étudiait pas, il n'arriverait à rien. Il avait beau se pincer pour se rappeler sa soif d'honneurs, de gloire. Il avait beau se forcer à rester plus que de raison au labo devant des coupes de cervelle, du sang de typhique ou des urines problématiques, rien n'y faisait.
Aragon, les Beaux Quartiers, XVIII.
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forcé, ée p. p. adj.
1 Qui est imposé par la force des hommes ou des choses. || Conséquence forcée. Inéluctable, inévitable, nécessaire. || Résidence forcée. || Emprunt forcé. Obligatoire. || Cours (cit. 20) forcé d'une monnaie. || Bagnard qui purge sa peine de travaux forcés ( Forçat).L'avion a dû faire un atterrissage forcé. || Un bain forcé. Involontaire.Aux échecs. || Mat forcé.Carte forcée.
33 Les personnes valides croient toujours que de l'immobilité forcée naît l'ennui.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 9.
34 Dans la marchandise qu'il offrira, deux grandes catégories : les affaires mêmes de l'agence; les ventes au tribunal. Ces dernières se divisent à leur tour en ventes libres et ventes forcées.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, IV, p. 30.
Le Mariage forcé, comédie de Molière (1664).
Fam. (Pour marquer le caractère nécessaire d'un événement passé ou futur). || C'est forcé. Évident, inévitable; automatique (fam.). || Il n'a rien fait, c'était forcé qu'il échoue ! || Il perdra, c'est forcé ! Forcément.
2 Vieilli ou littér. (Comportements humains). Qui manque de sincérité ou de naturel. Affecté, artificiel, contraint, embarrassé. || Attitude, contenance forcée (→ Capitan, cit.). || Il n'a rien de gauche ni de forcé. || Rire, sourire forcé. || Une amabilité forcée. Emprunt (d'), factice, 1. faux.
35 Il a (…) un ris forcé, des caresses contrefaites (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 62.
36 Vous vous moquez, me dit-il d'un air forcé; ne savez-vous pas le plaisir que j'ai d'être avec vous ?
Marivaux, la Vie de Marianne, VIII.
3 Littér. Qui s'écarte du vrai ou du naturel. || Style forcé. || Une comparaison forcée (→ Tiré par les cheveux). || Donner à un passage, à un mot un sens forcé, abusif, altéré. || Situations forcées qui diminuent la valeur d'une pièce de théâtre (→ Bienséance, cit. 5). || Effet forcé, mal amené, trop recherché.Coloris forcés d'un tableau. || Expression forcée des figures. Outré.
CONTR. Autoriser, dispenser, exempter, permettre, tolérer. — Affranchir, libérer. — Garder, observer, respecter. — (Du p. p.) Bénévole, facultatif, libre, spontané, volontaire. — Naturel, vrai.
DÉR. Forçage, forcement, forcément, forcerie, forceur.
COMP. V. Efforcer, renforcer.

Encyclopédie Universelle. 2012.