1. foutre [ futr ] v. tr. <conjug. : je fous, nous foutons; je foutais; je foutrai; que je foute, que nous foutions; foutant; foutu; inus. aux passés simple et antérieur de l'ind., aux passé et plus-que-parfait du subj.>
• XIIIe; XVIIIe au fig.; du lat. futuere « avoir des rapports avec une femme »
I ♦ Vieilli et trivial
1 ♦ Posséder sexuellement, pénétrer. ⇒vulg. enfiler, tringler. « J'ai foutu trois femmes et tiré quatre coups » (Flaubert).
♢ Fig. et mod. Va te faire foutre ! va-t'en. Tu peux aller te faire foutre ! tu n'auras rien de moi. Envoyer qqn se faire foutre. ⇒vulg. chier.
2 ♦ Faire l'amour. ⇒ 1. baiser. « Une jolie fille ne doit s'occuper que de foutre et jamais d'engendrer » (Sade).
II ♦ Fam.
A ♦ V. tr.
1 ♦ Faire. ⇒ 1. ficher (II), 2. fiche. Il ne fout rien de la journée. Tu n'as vraiment rien d'autre à foutre ? Ne pas en foutre une rame.
♢ Qu'est-ce que j'ai foutu de mon stylo ? « Qu'est-ce que ça peut me foutre ? Ça me fout que je te nourris et que tu n'es qu'un propre à rien » (Ch.-L. Philippe). Je n'en ai rien à foutre : cela m'est bien égal, je m'en moque. « Je n'en ai rien à foutre de vos mijaurées, de vos bouchencus toujours repincées » (Sollers) . Ton problème, j'en ai rien à foutre (cf. Rien à branler, à cirer).
♢ Fam. Qu'est-ce qu'il fout ? ça fait une heure qu'on l'attend. ⇒ fabriquer. Qu'est-ce que tu fous là ?
2 ♦ Mettre. ⇒ 1. ficher, 2. flanquer. Foutez tout ça dans un coin. Où as-tu foutu mon bouquin ? — Foutre une baffe, une beigne à qqn. Il lui a foutu son pied au derrière. « Et si je te foutais mon poing sur la gueule [...] tu t'en foutrais peut-être un peu moins ? » (A. Gide). — Absolt Foutre sur la gueule à qqn, le frapper. Arrête ou je te fous sur la gueule.
♢ Spécialt Mettre avec violence. ⇒ jeter. Foutre qqch. par terre, le renverser brusquement. (Suisse) Foutre bas. « Ils ont fait tomber le pont-levis [...] Ils sont entrés, ils ont tout foutu bas » (Ramuz). Foutre en l'air (⇒ 1. air) . Fous-moi ça au panier, à la poubelle : jette-moi ça. — Foutre qqn à la porte, le renvoyer. Foutre qqn en tôle. Foutre le camp. Foutre qqn dedans, l'abuser, le tromper.
♢ Ça la fout mal : cela fait mauvais effet. Être en retard dès le premier jour, ça la fout mal.
3 ♦ Vx Donner. Mod. Loc. Je t'en fous (formule de refus) :ça n'est pas vrai, contrairement à ce que tu crois. « Tu peux rentrer en Europe. Mais je t'en fous ! Je suis sûr que tu ne partiras pas ! » (Césaire). Je t'en foutrais des... (formule de refus) :tu n'en auras pas, je ne te donnerai rien. « Je te leur en foutrais des permis » (Courchay). — Foutre la paix à qqn. Foutre les jetons, les boules.
B ♦ SE FOUTREv. pron.
1 ♦ (Réfl.) Se mettre (avec violence, rapidité). ⇒ se jeter. Se foutre par terre : tomber. Se foutre à l'eau. Se foutre en l'air : se tuer. Se foutre dans un sacré pétrin. Se foutre dedans : se tromper. — (Récipr.) Se foutre sur la gueule, se foutre dessus : se battre.
♢ Se foutre à (et l'inf.) :se mettre à. Il s'est foutu à chialer.
2 ♦ SE FOUTRE DE : se moquer de. Tu te fous de moi ? Tu te fous de ma gueule ?
♢ Ne pas s'intéresser, être indifférent à. Il se fout vraiment du monde. Il s'en fout complètement. Il s'en fout et contrefout. Il se fout de tout (⇒ je-m'en-foutiste) . — (Avec que et le subj.) Ne pas se soucier que. Je me fous qu'il parte ou qu'il reste. « Les Américains se foutent qu'on continue à crever dans les camps » (Beauvoir).
foutre 2. foutre [ futr ] interj.
• 1618; de 1. foutre
♦ Fam. et vieilli ⇒ fichtre ; diable.
foutre 3. foutre [ futr ] n. m.
• XVe; de 1. foutre
♦ Vulg. Sperme.
● foutre nom masculin (de foutre) Populaire. Sperme. ● foutre (expressions) verbe transitif (latin futuere, avoir des rapports avec une femme) Populaire Aller se faire foutre, aller au diable. Ça la fout mal, ça fait mauvais effet. Envoyer quelqu'un se faire foutre, l'envoyer promener, balader. Foutre en l'air, abîmer, détériorer quelque chose ; épuiser, ruiner quelqu'un ; compromettre, ruiner quelque chose ; jeter quelque chose, s'en débarrasser. Je t'en fous !, allons donc ! (exprime le doute). Je t'en foutrai, moi, de…, se dit à quelqu'un qui n'est pas satisfait de ce qu'il a, reçoit ou constate. N'avoir rien à foutre, ne pas se soucier de quelque chose, de quelqu'un, ne leur attacher aucune importance, y être indifférent. ● foutre (synonymes) verbe transitif (latin futuere, avoir des rapports avec une femme) Populaire Lancer avec violence, donner, mettre, flanquer
Synonymes :
- flanquer (populaire)
foutre
n. m. Vulg. Sperme.
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foutre
v. (mais je fous, tu fous)
rI./r v. tr.
d1./d Vulg., vieilli Posséder sexuellement, forniquer.
d2./d Fig., Fam. (Plus Fam. que ficher.) Faire. Je n'ai rien à foutre.
|| Flanquer (un coup). Foutre une gifle à qqn.
|| Mettre. Foutre qqch à la poubelle.
|| Loc. Foutre le camp: s'en aller. Foutez-moi la paix: laissez-moi tranquille.
rII./r v. Pron. Fam. Se foutre de: se moquer de, être indifférent à. Il se fout de nous. Il se fout de tout.
I.
⇒FOUTRE1, verbe trans.
A.— Trivial. Posséder charnellement. Synon. baiser (vulg.), enculer (trivial). La femme (...) est en rut et veut être foutue. Le beau mérite! (BAUDEL., Cœur nu, 1867, p. 643). Je suis ce soir, au chemin de fer, à côté d'un ouvrier complètement saoul, qui répète à tout moment : « Non, je ne la foutrais pas, quand on me donnerait tout Paris... oui, tout Paris, non, je ne la foutrais pas! » (GONCOURT, Journal, 1872, p. 900).
♦ Emploi abs. Faire l'amour. Synon. baiser (vulg.). Plus l'homme cultive les arts, moins il bande (...). Foutre, c'est aspirer à entrer dans un autre, et l'artiste ne sort jamais de lui-même (BAUDEL., Cœur nu, 1867 p. 663) :
• 1. M. de Lameth, qui avait conservé dans un âge très avancé la puissance ithyphallique, disait que, dans sa jeunesse, il bandait tous les jours, mais ne foutait que le dimanche.
MÉRIMÉE, Lettres F. Michel, 1870, p. 46.
— Au fig., vulg.
♦ Envoyer (qqn, qqc.) (se) faire foutre. Envoyer promener (qqn, qqc.). Le grec va marcher de nouveau et si, dans deux ans, je ne le lis pas, je l'envoie faire foutre définitivement (FLAUB., Corresp., 1845, p. 182).
♦ Aller se faire foutre. [S'emploie pour signifier à qqn qu'on ne veut plus le voir, qu'on ne veut plus entendre parler de lui] Synon. aller se faire fiche/voir. L'infortunée Mars, dont on n'avait pu tirer une parole jusque-là, se retourne tout à coup et répond :Va te faire f...tre! (DELÉCLUZE, Journal, 1825, p. 96). Avez-vous besoin de quelque chose? demande [le geôlier] (...) — Non. — En ce cas, allez vous faire f..., et il referme la porte ([L'HÉRITIER], Suppl. Mém. Vidocq, t. 2, 1830, p. 5).
♦ Va te faire foutre. [S'emploie pour présenter un fait ou une situation comme contraire à ce qui était attendu]. Synon. penses-tu, va te faire fiche (fam.). Si je retrouvais quand je prends la plume les choses qui me passent dans la tête et qui me font dire, à part moi :« Je lui écrirai ça », tu aurais vraiment peut-être des lettres amusantes. Mais, va te faire foutre, cela s'en va aussitôt que j'ouvre mon carton (FLAUB., Corresp., 1850, p. 250).
B.— Vulg. Emploi trans. sans compl. explicité. [Le compl. réfère à une activité] Faire. Qu'est-ce que tu fous? Synon. fabriquer, ficheicher (fam.). Vous v'là, eh! Salauds! Tas de cochons, qu'est-ce que vous venez foute ici? (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 6e tabl., III, p. 259). Qu'est-ce que tu veux que je foute d'un couteau, je suis jardinier, moi, dans le civil (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 180).
— [Le compl. est explicité] Foutre la zizanie, la pagaille. Synon. ficheicher (fam.). Comme j'foutais plus d'ouvrages que les autres, j'm'ai vu en avant. Les autres élargissaient et consolidaient derrière (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 216). Après sept heures, pour rembobiner, c'est un monde! Y en a trop qui foutent le bordel (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 163).
— Locutions
♦ Ne pas en foutre une datte, une rame, une secousse. Ne rien faire. Le boucher le regardait avec malice : — M'sieu est-il chargé d'la cuistance? — Un peu, dit Gaspard, les aut' veulent pas en foute une datte! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 32).
♦ En foutre un coup. Travailler dur (cf. BRUANT 1901, p. 425).
♦ Qu'est-ce que ça fout? Qu'importe! Qu'est-ce que ça fout, tout cela? il n'y a de défaites que celles que l'on a tout seul devant sa glace, dans sa conscience (FLAUB., Corresp., 1853, p. 178).
♦ Qu'est-ce que j'ai/tu as, etc., à foutre (de qqc.)? En quoi cela me/te, etc., concerne? Tu as bien signé une feuille d'embauche (...) je m'en tape, moi, de leur feuille d'embauche. Qu'est-ce que j'ai à en foutre? Je l'ai jamais lue (SIMONIN, BAZIN, Voilà taxi! 1935, p. 14).
♦ N'avoir rien à foutre de (qqc., qqn). N'avoir cure de (quelque chose). Ces deux Espagnols, la barmaid m'en a dit deux mots, un soir, mais j'en avais rien à foutre, de ces mecs (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 208).
♦ Foutre le camp
S'en aller promptement. Foutez le camp d'ici. Synon. déguerpir, ficheicher le camp (fam.). Il a foutu le camp comme si le diable le fouaillait (BARBEY D'AUREV., Memor. 2, 1838, p. 285). Mes paquets sont faits et demain matin, je fous le camp, en attendant que je foute autre chose (FLAUB., Corresp., 1878, p. 111).
S'altérer, se dégrader, tomber en ruines. Tout fout le camp avec la république. Vous pensez bien qu'à mon âge, on ne peut plus recommencer à faire sa vie (GONCOURT, Journal, 1870, p. 651). Tu finiras par y laisser la peau. Regarde, tu as les yeux injectés, le teint jaune, le ventre qui fout le camp, les jambes molles et je ne dis rien de ton foie (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 44).
C.— Vulg. [Accompagné d'un compl. prép. locatif; avec indication de mouvement] Envoyer, mettre (quelque chose, quelqu'un) quelque part; en partic. jeter brusquement, violemment. Foutre qqn à la porte; foutre en l'air, par terre. Synon. flanquer (fam.), ficheicher (fam.), jeter. — Voilà le dénoûment, dis-je. Brûlons! Je reste. — On me foutrait en prison, dit Antoine qui sort (RENARD, Journal, 1909, p. 1225) :
• 2. — D'abord, toi, n'en faut plus, tu es trop laid. Dans la société future, il n'y aura plus de boscos. On les fout à l'eau en naissant.
ROLLAND, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1306.
— [Avec un datif éthique] Foutez-moi ça au feu. Fouts-moi toutes ces canailles-là à la porte quand ils se présentent (FLAUB., Corresp., 1853, p. 241). Mais il recula devant la troisième [assiettée], que le fermier voulait lui faire manger de force, en répétant :« Allons fous-toi ça dans le ventre. T'engraisseras ou tu diras pourquoi, va, mon cochon! » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2 St-Antoine, 1883, p. 195).
— Loc. Foutre qqc. plein + compl. locatif avec ou sans prép. Mettre en grande quantité. Foutez-moi des grenades plein vos poches et en bas! (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 243).
Emploi pronom. réfl. indir. S'en foutre plein la panse. — Les officiers ne disaient trop rien quand on chapardait? — I' s'en foutaient eux-mêmes plein la lampe, et comment! (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 37).
♦ Au fig. En foutre plein la vue à qqn. Épater quelqu'un. Foutre (qqn) dedans, se foutre dedans (cf. ce mot I B 3). Foutre (qqn) sur la paille.
— Emploi pronom. réfl. Synon. de s'envoyer, se flanquer (fam.), se fiche (fam.). Se foutre en bas d'une échelle. Ah, j'aurais donné dix francs pour être là à le surveiller quand il irait se foutre à l'eau, je l'aurais laissé faire, ah oui! (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 199).
D.— Vulg. [Avec un compl. prép. désignant un état phys. ou psychol.]
1. [Le compl. est un subst.] Mettre (quelqu'un) dans tel ou tel état. Il m'a foutu en boule; ça le fout en colère. — Et les Boches, ils n'en ont pas de canons, non? Tas de vieux jetons. Ça me fout en rogne d'entendre ça (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 173). Après, un coup de tonnerre sec qui me fout au garde à vous, raide comme la justice, et un bruit doux de soie froissée (GIONO, Baumugnes, 1929 p. 112). Maman en plus, et sa guibole, ça le foutait à crans pour des riens (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 68).
— Emploi pronom. Se mettre dans un état tel ou tel. Se foutre en colère, à poil.
— Loc. Ça la fout mal. Ça a mauvais aspect, c'est ennuyeux, regrettable. « Où que vous allez, vous autres? » — « Sais pas... le capiston attend des ordres. » — « Ça la fout mal, hein? » — « Oui, plutôt... paraît qu'on a signalé des Uhlans, au nord... » (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 750). Ça la fout mal, le dimanche, quand Fred sort avec ses copains. À propos de copains, Max Bartolomi ne vaut pas tripette (H. BAZIN, Mort pt cheval, 1949, p. 49).
2. [Le compl. est un inf.] Rare. Faire que quelqu'un se mette à faire quelque chose. Ça le fout à roter l'effort (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 329).
— Emploi pronom., usuel. Se mettre à faire quelque chose. Se foutre à crier. « Je suis fâché avec une putain que j'adore et je viens de la chasse avec des amis... eh bien, quand un lapin partait, au lieu de tirer dessus, je me foutais à pleurer » (GONCOURT, Journal, 1883, p. 285).
E.— Vulg. [Avec un compl. datif]
1. Donner. Je t'en fous mon billet. Synon. fiche/ ficher (fam.). Un médecin y t'en foutrait pour quinze francs de drogue et puis de la diète, en veux-tu en voilà. Ça, c'est le médecin des pauvres (GIONO, Colline, 1929, p. 104). — Voilà que ça la reprend, foutez-lui à boire pour la faire taire et enfermez-la dans un placard! (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 88). Qu'est-ce qui m'a foutu des goinfres pareils, qu'ils sont toujours à sangloter dans mon gilet, ces cochons goitreux! (AYMÉ, Tête autres, 1952, p. 215).
— Locutions
♦ Je vous/t'en foutrai (de qqc.). [S'emploie, accompagnant une reprise partielle des propos de l'interlocuteur, pour marquer le désaccord, la désapprobation du locuteur] Il lui faut ses dix heures de pucier, tout comme à un mignard. Sans ça, monsieur a la cosse toute la journée. — J'ten foutrai, moi! gronde Lamuse (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 25). Une marque de fabrique! On t'en foutra des marques de fabrique! Ce n'est pas une marque de fabrique, c'est un garçon de café (CLAUDEL, Lune, 1949, p. 1284). Ils se disent : pauvre Paul n'a pas eu de veine, et ils se frottent en pensant à moi. Je leur en foutrai, tiens, du pauvre Paul (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 110).
♦ Je t'en fous. [S'emploie après une question rhétorique pour détromper le destinataire] Synon. penses-tu. Ils [les officiers] couchent les types sur la route et ils passent dessus avec des camions (...) Tu crois qu'ils achèveraient les types? Je t'en fous (SARTRE, Mur, 1939, p. 13).
2. [Le compl. désigne une action nuisible ou désagréable pour qqn] Donner. Foutre un coup de poing à qqn; il lui a foutu une torniole; foutre une volée; foutre son pied au cul de qqn; foutre un procès, une contravention. Synon. flanquer, ficheicher (fam.). Je vais maintenant lui foutre une belle vérole! (FLAUB., Corresp., 1878, p. 139). C'est une boule de pain en rab, elle est moisie. Si tu manges le bleu, ça te fout la chiasse... (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 235) :
• 3. — Regardez-le-moi, toujours en train de faire des grimaces. Je te lui foutrais mon balai par le travers de la gueule quand je le vois s'amuser comme ça.
QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 56.
— P. ell. Foutre sur la gueule (à qqn). Frapper quelqu'un, se battre avec quelqu'un. — Mon capitaine, dit Gaspard, j'demande à r'partir tout de suite foute su la gueule aux Boches! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 128). Batiss' avait foutu sus l'gueule à un flic (M. STÉPHANE, Ceux du trimard, 1928, p. 162).
— Emploi pronom. réciproque. Se donner. Synon. se flanquer, se ficheicher (fam.). N'empêche qu'on s'abordait dans la tranchée, et qu'on se foutait de rudes coups de pelle sur la gueule (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 50). Eux-mêmes!... Ils se foutaient des raclées terribles (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 599).
3. [Le compl. désigne un état psychol. ou phys., une situation] Mettre (quelqu'un) dans tel ou tel état. Ça me fout la trouille, le trac. Synon. donner, flanquer, ficheicher (fam.). Que nous foutait à tous, que Dreyfus ait ou non trahi? (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 153). Je voudrais vous contenter. Seulement j'ai pas l'habitude, c'est dur, ça me fout le cafard (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 476). Il m'en foutait la berlue, tellement qu'il s'embarbouillait dans ses propres explications (CÉLINE, Mort à crédit, 1936 p. 155).
— Locutions
♦ Foutre la paix (à qqn). Laisser (quelqu'un) tranquille. Je vas vous démolir, moi, dans votre chalet!... Nom de Dieu! Voulez-vous me foutre la paix! (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 783). Et voilà ce jour du Seigneur, ce dimanche qui m'est dû. Elle me foutra une paix royale, la mégère! (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 250).
♦ Foutre un enfant à qqn. Faire un enfant à quelqu'un. Il lui jetait d'un bout de la table à l'autre :« Si tu continues, ce soir, je te fous un enfant » (GONCOURT, Journal, 1882, p. 185). La vierge Lorraine! Je lui fouterai un gosse de force (MONTHERL., Celles qu'on prend, 1950, II, 6, p. 811).
F.— Vulg. Emploi pronom.
1. [Avec un compl. introduit par de] Ne pas se soucier, se moquer (de quelque chose, de quelqu'un). On s'en fout; ils se foutent de nous. Synon. se ficheicher (fam.), se balancer de (fam.). Mon petit Mithoerg, nous nous en foutons inexprimablement, de Janotte... N'est-ce pas petite fille?... (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 29). — Qu'est-ce que nous allons devenir? il n'y eut aucune réponse; les types se foutaient de ce qu'ils allaient devenir (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 96). — M'en fous, Grégoire, m'en contrefous (ARNOUX, Solde, 1958, p. 39).
— Loc. Se foutre de qqc./qqn comme de l'an quarante, de colin-tampon, de sa première chemise, d'une guigne, d'une pomme (vx). N'avoir cure de quelque chose, de quelqu'un; n'en faire aucun cas.
2. [Avec un compl. propositionnel] Ne pas se soucier que. Maintenant on s'aperçoit que les Américains sont des brutes aussi racistes que les nazis et qu'ils se foutent qu'on continue à crever dans les camps (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 134).
REM. Fouteur, subst. masc., trivial, vx. Homme qui fout, qui aime foutre. Synon. baiseur (vulg.). Un fouteur sentant le sperme qui monte et la décharge qui s'apprête (FLAUB., Corresp., 1866, p. 94). Et nous voilà dans la rue du Caire, où le soir, converge toute la curiosité libertine de Paris, dans cette rue du Caire aux âniers obscènes, aux grands Africains, dans des attitudes lascives, promenant des regards de fouteurs sur les femmes qui passent (...) la rue du Caire, une rue qu'on pourrait appeler la rue du rut (GONCOURT, Journal, 1889, p. 999).
Prononc. et Orth. :[]. La prononc. relâchée se réduit à [fut] à l'inf.; on peut rencontrer la graph. foute (cf. COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 6e tabl., 3, p. 259 et BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 32, 128). Conjug. : ne s'emploie pas aux temps suiv. : passé ant., passé simple, cond. prés. et passé, subj. imp. et passé. Cf. ficher3, fiche2. Étymol. et Hist. 1. 1175-80 vulg. trans. « posséder charnellement » (Renart, éd. M. Roques, br. XVII, 1568); d'où 1731, avr. pop. se faire f... (cité ds BRUNOT t. 6, 1124 et note 2); 2. mil. XVIIe s. pronom. « ne pas se soucier de quelque chose; se moquer de » (cité ds A. ADAM, Les Libertins au XVIIe s., 84 ds QUEM. DDL t. 15); 3. a) 1751 vulg. je vous en fous (VADÉ, Pip. cass., ch. II, p. 228 ds BRUNOT t. 10, p. 164 et note 1); b) 1789 trans. foutre son pied [quelque part] (Ibid., note 6); 1790 foutez lui la paix (P. Duch. Royal, pièce 18, ibid., p. 179 et note 5); 4. 1790 foutre le camp (ibid., ibid., p. 181); ca 1791 « mettre brusquement » foutre sur un trône (Nouveau te Deum, ibid., p. 172); 5. 1790, 10 oct. fam. « faire » (P. Duch., n° VI, ibid., p. 179 et note 2 : continuez a bien aimer votre femme, elle est foutue pour ça); cf. 1853 (FLAUB., Corresp., p. 178 : Qu'est-ce que ça fout tout cela? il n'y a de défaites que celles que l'on a tout seul); 6. 1790 foutant part. prés. adj. « fâcheux » J. BART, n° 97 ds QUEM. DDL t. 15 (s.v. foutant). Du lat. futuere « avoir des rapports avec une femme ». Bbg. MARTINET (A.). Homon. et polysèmes. Linguistique. Paris. 1974, t. 10, p. 39. — ORR (J.). Qq. étymol. « douteuses ». In : Essais d'étymol. et de philol. fr. Paris, 1963, pp. 55-56. — PAULI 1921, p. 46. — QUEM. DDL t. 2, 15. — SPITZER (L.). Fr. mod. 1935, t. 3, pp. 180-187.
II.
⇒FOUTRE2, subst. masc.
Trivial. Sperme. Finir par un morceau : de la nécessité de la barbarie dans la Rome échignée et des ouvriers infiltrant leur foutre jeune et leurs estomacs neufs dans cette société pourrie et gastralgique (GONCOURT, Journal, 1855, p. 229). Je vais lui décharger au nez, aux lèvres, j'ai l'impression qu'il attend pour me happer le foutre (T. DUVERT, Journal d'un innocent, Paris, Éd. de Minuit, 1976, p. 154).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. Fin XVe s. [ms.] (Le Parnasse satyrique du XVe siècle éd. M. Schwob, LXV). Inf. subst. de foutre1.
III.
⇒FOUTRE3, interj.
Vieilli, vulg. [S'emploie, comme un juron, soit pour appuyer une déclaration, soit en manière de réponse exclam. aux propos de l'interlocuteur]. Synon. diantre, fichtre (fam.), fouchtra (région.).
A.— [Foutre précède ou suit l'énoncé] Ah! Cré nom de Dieu! Foutre! Qu'est-ce que c'est? Jacques, encore un manquement de service! Foutre! (GONCOURT, Journal, 1853, p. 111). Elle surveille du coin de l'œil l'invité (...). Foutre! Quelle distinction! (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 36). Vive le père Duchêne, foutre! (FEBVRE, Combats pour hist., 1945, p. 111). Goetz. — M'aimes-tu, toi? Catherine. — Foutre non! (SARTRE, Diable et Bon Dieu, 1951, I, 2, p. 51).
B.— [Foutre se trouve inséré dans l'énoncé] Ghil est un imbécile. Moréas N'en est foutre pas un lui (VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 317). Les jours de bataille, j'ai toujours été volontaire pour aller à l'abordage et ce n'était foutre pas pour les beaux yeux du roi (AYMÉ, Vogue, 1944, p. 167).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1618 (SIGOGNE, Œuvres satyriques, Satyre contre une dame sale, 180 [Bibl. des Curieux] ds QUEM. DDL t. 15). Emploi exclamatif de foutre1.
STAT. — Foutre1, 2 et 3. Fréq. abs. littér. :1 164. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 49 b) 650; XXe s. : a) 2 480 b) 3 067.
1. foutre [futʀ] v. tr.
CONJUG. je fous, nous foutons; je foutais; je foutrai; j'ai foutu; je foutis; je foutrais; que je foute, que nous foutions; foutant; foutu; rare au passé simple et au passé antérieur de l'indic., au passé et au plus-que-parfait du subj.
ÉTYM. XIIIe; sens fig., fin XVIIIe; lat. futuere « avoir des rapports avec une femme ».
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I Vieilli et trivial.
1 Posséder sexuellement; pénétrer de sa verge. ⇒ (vulg.) Enfiler, tringler.
0.1 J'ai foutu trois femmes et tiré quatre coups, dont trois avant le déjeuner, le quatrième après le dessert. J'ai même proposé à la maquerelle de l'y faire passer, à la fin. Mais comme je l'avais refusée au commencement, à son tour elle n'a pas voulu.
Flaubert, Lettre à L. Bouilhet, 22 août 1850, in Correspondance, t. I, Pl., p. 668.
0.2 Les femmes s'impatientaient. — On monte ? qu'elles demandaient toutes les cinq minutes (…) Alors ils montèrent, foutirent et redescendirent continuer à boire.
R. Queneau, le Chiendent, p. 416.
REM. Dans ce sens, le verbe s'applique également à la femme :
0.3 Une jolie fille ne doit s'occuper que de foutre et jamais d'engendrer. Nous glisserons sur tout ce qui tient au plat mécanisme de la population, pour nous attacher principalement et uniquement aux voluptés libertines (…)
Sade, la Philosophie dans le boudoir, II, p. 33.
3 ☑ Loc. Se faire foutre : se faire posséder sexuellement (idée de pénétration vaginale ou anale, selon les contextes).
♦ ☑ (Déb. XVIIIe). Fig. Envoyer faire foutre qqn, envoyer qqn se faire foutre : envoyer au diable, renvoyer (→ Se faire voir). ☑ Va te faire foutre ! : va-t'en ! || Tu peux aller te faire foutre ! (même sens). — Au fig. → cit. 0.4, Flaubert. — (En incise). || Il a cru que ça y était et puis, va te faire foutre !, tout a raté. || Il comptait gagner son procès, va te faire foutre, c'est lui qui est condamné ! (→ Va te promener !).
0.4 Le grec va marcher de nouveau et si dans deux ans je ne le lis pas je l'envoie faire foutre définitivement, car il y a longtemps que je me traîne dessus sans en rien savoir.
Flaubert, Lettre à E. Chevalier, 15 juin 1845, in Correspondance, t. I, Pl., p. 238.
1 (…) tu aurais vraiment peut-être des lettres amusantes. Mais, va te faire foutre, cela s'en va aussitôt que j'ouvre mon carton.
Flaubert, Correspondance, 270, 14 nov. 1850.
REM. Cet emploi est démotivé en grande partie, et le verbe, dans son sens érotique, n'est plus d'usage normal (l'usage courant emploie faire l'amour, la langue familière baiser).
———
II (1797, Restif de La Bretonne, dans la loc. foutre la paix, foutre le camp, in Cellard et Rey; probablt antérieur; généralisation d'emploi au XIXe). Familier.
REM. 1. Le rapport entre l'acte sexuel de l'homme, considéré comme le prototype de toute action, et le fait de frapper, de porter un coup (mouvement volontaire qui entraîne un contact brutal, qui modifie qqch. par le choc) a été étudié par P. Guiraud (cf. notamment les Gros Mots, p. 41 sqq.). Mais, bien que la substitution de foutre à des verbes très courants (donner, faire) soit relativement récente (→ ci-dessous), ce verbe, du fait de sa fréquence, est assez « démotivé » par rapport à foutre, I. Il donne lieu à de nombreuses constructions plus ou moins figées, dont en foutre un coup « agir, travailler dur » exprime la nature fondamentale.
1.1 Cette superbe flemme le prenait par accès; alors, il n'en foutait plus un coup, tapait ferme sur le gin, le whisky, le brandy et autres alcools.
A. Bruant, les Bas-fonds de Paris, p. 324.
2. Les premiers emplois de foutre non sexuel, au XVIIIe s., sont apparemment les expressions foutre la paix et foutre le camp, cette dernière ayant pris un sens assez contraire à l'étymologie (« ficher », « planter » le camp). → Camp (I., A., 5., cit. 6.1).
1.2 Il vint à luy, le saisit à l'étouffer. « Tu manques à nos conventions ! (luy dit-il); je ne les tiendrai pas non plûs : fous-moy le camp, Malhonnête-homme ! »
Restif de La Bretonne, l'Anti-Justine, p. 287.
2 Fous le camp, quitte vite et plus tôt que cela
Nos honnêtes Ardennes.
Verlaine, Invectives, XVIII.
2.1 Tu sais ce que tu vas faire, maintenant ?… Tu vas te lever, tu vas mettre ton petit chapeau (Il le lui tend.) sur ta petite tête… et puis tu vas partir (Criant presque.) tu entends ?… Partir immédiatement… C'est-à-dire foutre le camp…
1 Faire. — REM. Ficher, employé avec cette valeur à partir du XVIIe s., ne semble pas être, du moins historiquement, un euphémisme de foutre. Ce dernier verbe a d'ailleurs perdu ses connotations sexuelles au cours du XIXe s. — (Avec un compl. indéterminé). || Qu'est-ce qu'il fout ? || Elle ne fout rien de toute la journée. || Il ne veut rien foutre. || Elle n'a rien foutu depuis un mois. || Qu'est-ce qu'on peut foutre, maintenant ? || Qu'est-ce que tu veux qu'on foute ? || Qu'est-ce que je pourrais bien foutre de cet outil ?
2.2 Oui, je vieillis; il me semble que je ne peux plus rien foutre de bon. J'ai peur de tout en fait de style. Que vais-je écrire à mon retour ? Voilà ce que je me demande sans cesse.
Flaubert, Lettre à L. Bouilhet, 10 févr. 1851, in Correspondance, t. I, Pl., p. 750.
♦ ☑ Loc. Foutre qqch. à qqn, importer à, intéresser.
3 Qu'est-ce que ça peut me foutre ? Ça me fout que je te nourris et que tu n'es qu'un propre à rien, un imbécile, un mal élevé.
Ch.-L. Philippe, Père Perdrix, II, III.
♦ ☑ N'en avoir rien à foutre de : n'avoir pas à tenir compte de; se moquer de. || Je n'ai rien à foutre de vos explications, mon petit vieux !, elles ne m'intéressent pas. || J'en ai rien à foutre, moi, de ses états d'âme ! || Qu'est-ce que j'en ai à foutre ? : en quoi cela me regarde-t-il ?
3.1 Sûr qu'on mettrait pas un jour au coin de la rue Fessart et de la rue des Alouettes, une plaque émaillée avec dessus « Ici Max-le-Menteur, enfant, a joué aux gendarmes et aux voleurs », et j'en avais rien à foutre de mes jeunes années, ni de mes petits camarades !
Albert Simonin, Touchez pas au grisbi, p. 109.
2 Mettre. (Concret). || Foutre qqch. quelque part. || Où est-ce que tu as foutu mon bouquin ? || Je me demande quelle essence (cit. 23) il m'a foutue dans le réservoir. || Il fout ses affaires n'importe où. || Il en a foutu plein ses poches.
♦ Spécialt (→ ci-dessous, 3. « donner »). || Foutre un coup, des coups à qqn. ⇒ Donner, flanquer. || Tais-toi, ou je te fous une baffe ! || Il lui a foutu son pied au derrière.
4 Et si je te foutais mon poing sur la gueule, personnellement…, tu t'en foutrais peut-être un peu moins ?
Gide, Œdipe, II.
4.1 Elle lui foutit un bon coup de pied dans la cheville. Gabriel se mit à sauter à cloche-pied en faisant des simagrées. « Houille, qu'il disait, houïe là là aouïe ».
R. Queneau, Zazie dans le métro, p. 94.
♦ ☑ Loc. En foutre un coup : faire un gros effort. ☑ Ne pas en foutre un coup, une secousse : ne rien faire.
♦ Absolt. ☑ Foutre sur la gueule à qqn, frapper, battre.
♦ Spécialt. Mettre avec violence. ⇒ Jeter. || Foutre qqch. par terre, faire tomber; renverser brusquement. || Attention ! tu vas foutre la pile par terre ! || Il lui a foutu un livre dans la gueule. ⇒ Jeter, lancer. — ☑ Loc. Foutre (qqch.) en l'air (→ Fâcher, cit. 14), démolir; et, fig, se débarrasser de. || Il a tout foutu en l'air et il est parti. || L'opposition veut tout foutre en l'air. ☑ Foutre qqch. par la fenêtre, par-dessus bord : (au fig.) se débarrasser de. ☑ Fous-moi ça au panier, fous-le aux chiottes (même sens).
♦ (Compl. n. de personne). || Si ça continue, je vais te foutre par la fenêtre ! || Foutez-le à l'eau ! || Il nous a foutu à la plus mauvaise place, au dernier rang. — ☑ Loc. Foutre qqn à la porte, le renvoyer. ☑ Foutre dehors (même sens). — ☑ Foutre qqn au bloc, au gnouf, en tôle, le mettre en prison.
♦ ☑ Loc. (argot milit.) Foutre qqn dedans, le mettre en prison ou le consigner. — Fig. || Foutre qqn dedans : abuser, tromper. || « Il faut les foutre dedans, les électeurs » (Goncourt).
4.2 Alors, tu ne crois pas qu'il nous foutra dedans, demanda Kahn pour forcer Sauran à peindre à nouveau cette scène mémorable. — Tu n'es pas fou, répondit Sauran, lui, foutre quelqu'un dedans ! Mais je te dis qu'il regardait d'un air d'envie votre champagne.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 563.
♦ ☑ Loc. Régional (Suisse). Foutre bas (qqch.), démolir, abattre.
4.3 Ils ont fait tomber le pont-levis à coups de hache, ils sont entrés, ils ont tout foutu bas (…)
C.-F. Ramuz, la Guerre dans le Haut-Pays, p. 80.
♦ (Avec un compl. de personne). Abattre, tuer (qqn). — REM. On dit aussi foutre en bas :
4.4 (…) attends que je te foute en bas de ton char !
C.-F. Ramuz, Vie de Samuel Belet, éd. Rencontre, t. VI, p. 311.
♦ (Abstrait). || « Vous fouterez (sic) cet homme à la diète » (Huysmans, in Cressot). ☑ Foutre qqn en colère, en rogne, en boule. || Moi, ce qui me fout en colère, c'est…
5 (…) de temps à autre, ça foutait Pierre dans de ces colères !
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XIII.
3 Vx. Donner (qqch.) à (qqn). || « Une salope qui ne lui foutra pas un radis » (L. Bloy).
♦ ☑ Loc. mod. Foutre son billet à qqn que…, lui assurer que…
♦ Fig. et iron. (par antiphr.). Formule de démenti. ☑ Je t'en fous ! : contrairement à ce que tu crois !
5.1 Et regarde bien (dit l'homme-sandwich) : la poule que je porte sur le dos, c'était ma poule, à moi. Je me suis ruiné pour elle. Tu parles d'un film qu'on tirerait de notre histoire ! mais j't'en fous… C'est la vie !
F. Carco, Nostalgie de Paris, p. 57.
♦ ☑ Je t'en foutrai !, formule de refus (« je ne t'en donnerai pas, tu n'auras rien »). || Une gratification ? Je lui en foutrai, moi, à ce flemmard, des gratifications !
5.2 Je te leur en foutrais des permis… À la mine, oui…
Claude Courchay, La vie finira bien par commencer, p. 166.
♦ ☑ Loc. Foutre la paix à qqn, le laisser en paix, le laisser tranquille. || Fous-moi la paix ! || « Elle me foutra une paix royale, la mégère » (Hervé Bazin, Vipère au poing, p. 250).
♦ ☑ Foutre la trouille, la pétoche, le trac à qqn, lui faire peur. || Moi, ça me fout les jetons. || Ça va nous foutre le cafard.
♦ ☑ Foutre la pagaille : créer le désordre. — (Même sens). || Foutre le bordel partout. ☑ Foutre la merde, sa merde (quelque part) : être une cause de désordre. ⇒ Fouteur (de merde).
♦ ☑ Ça la fout mal : cela manque d'allure; c'est fâcheux, regrettable; et aussi : c'est inadmissible, scandaleux.
6 « Ça la fout mal, hein ? » — « Oui, plutôt… Paraît qu'on a signalé des uhlans, au Nord… ».
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 177.
——————
se foutre v. pron.
ÉTYM. (Déb. XXe).
♦ Familier.
1 Se mettre (avec violence, rapidité). ⇒ Jeter (se). || Il est allé se foutre dans le ruisseau, entre les pattes de ses ennemis. ☑ Se foutre à l'eau : (fig.) se lancer. ☑ Il y a de quoi se foutre à l'eau : c'est désespérant. — ☑ Se foutre par terre : tomber, faire une chute. — ☑ Se foutre en l'air : se faire lancer par accident. || Il roulait trop vite : il est allé se foutre en l'air dans un tournant.
♦ ☑ Se foutre à… (et inf.) : se mettre à… || Il s'est foutu à chialer comme un môme.
♦ ☑ Loc. fig. Se foutre dedans : se tromper.
2 Se donner (à soi-même). || Il s'est foutu des claques. — Se foutre de qqch. : s'en donner abondamment. ☑ On s'en est foutu plein la lampe : on a mangé abondamment. ⇒ Empiffrer (s').
♦ (Récipr.). ☑ Se foutre dessus, se foutre sur la gueule : se battre.
B ☑ Se foutre de…, que… (Déb. XVIIe; orig. incert.; les premiers emplois sont antérieurs à ceux de foutre, II.; il s'agit d'un réfléchi, probablt avec une valeur sexuelle [→ Se branler, fig.; baiser, fig., etc.] mais qui a perdu progressivement cette valeur, encore sensible aux XVIIe et XVIIIe s., où les emplois ont une connotation blasphématoire ou érotique).
7 Qu'une Vierge soit la mère
D'un Sauveur ressuscité,
Et que l'esprit en colombe
Descende comme une bombe,
Je me fous de leurs destins
Pourveu que j'aye du vin.
7.1 Hudson, impatienté de ces questions, et bien convaincu que Richard ne le prendrait pas pour un saint, lui dit brusquement : Mon cher Richard, vous vous foutez de moi et vous avez raison. (…) Mon cher lecteur, pardonnez-moi la propriété de cette expression; et convenez qu'ici (…) le mot honnête gâterait tout.
Diderot, Jacques le Fataliste, éd. critique, p. 254.
REM. Le personnage de Hudson a « le goût le plus effréné du plaisir et des femmes, et les mœurs les plus dissolues ».
7.2 — Mais que veux-tu faire d'un pareil monstre ?
— Ce que j'en veux faire ? Parbleu, belle demande ! la piller, la gruger, et me foutre d'elle tout en la foutant.
Mirabeau, Ma conversion, p. 108.
1 ☑ Se foutre de… : se moquer de (qqn), soit en exerçant à son égard de la dérision, soit en le trompant (→ Propriété, cit. 21). || Mais il se fout de nous, ce salaud ! || Si tu fais ça, tu vas te faire foutre de toi. — ☑ Loc. Se foutre du monde, du peuple (→ 1. Peuple, cit. 33).
7.3 « Je m'en f… »
Louis XV, apprenant la victoire des Autrichiens le 3 déc. 1746, in Marville, cité par F. Brunot, Hist. de la langue franç.
8 Comment ! à cent francs l'hectare ! est-ce que vous vous foutez de nous, papa ?
Zola, la Terre, I, II.
9 (…) une petite farceuse qui lui prend son argent, lui fume son tabac, lui gâche en injustes querelles le peu de jeunesse qui lui reste, et se fout outrageusement de lui, si j'ose parler un tel langage.
Courteline, Boubouroche, Nouvelle, II.
10 Pas mal ? dit le patron. Vous vous foutez du monde ? Elle est belle, très belle.
A. Maurois, la Terre promise, XIX.
11 Que les Débats me vident demain, tous ces salauds et salopes se foutront de moi.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III.
♦ Ne pas s'intéresser à (qqch.); être complètement indifférent à… || Il s'en fout complètement. ⇒ Ficher (s'en ficher), moquer (s'en moquer); je-m'en-foutiste; → Ça lui est égal, indifférent; s'asseoir dessus. ☑ Je m'en fous comme de ma première chemise. || On s'en fout et on s'en contrefout. || On dirait qu'il se fout de tout.
12 Ne me demandez pas, disait-il, si la peinture doit être objective ou subjective, je vous avouerais que je m'en fous.
A. Maurois, les Discours du Dr O'Grady, X.
2 ☑ Se foutre que… : ne pas se soucier que… || Il se fout complètement qu'on aille le voir.
12.1 (…) ils (les Américains) se foutent qu'on continue à crever dans les camps (…)
S. de Beauvoir, les Mandarins, p. 134.
——————
foutu, ue p. p. adj.
♦ Familier.
———
I P. p. du v. foutre. — (Au sens I.). Possédé(e) physiquement; pénétré(e).
♦ (Au sens II., 3.). || Des objets foutus par terre, en l'air. || Un type foutu à l'eau. || Calmer des gens foutus en rogne.
REM. Les transformations régulières du verbe au participe passé sont peu nombreuses; les emplois dominants de foutu, ue, comme ceux de se foutre (B.), sont spécifiques (→ ci-dessous, II.) et ne correspondent pas à ceux du verbe : il s'agit en fait d'un adj. indépendant.
———
II
A (Épithète antéposée). Mauvais, désagréable, exécrable. ⇒ Fichu, sacré. || Il a un foutu caractère. || C'est une foutue bête (cit. 31). ⇒ Sale, vilain. || Toujours mes foutues jambes qui me font souffrir !
13 Je suis dans un foutu état; à la moindre sensation, tous mes nerfs tressaillent comme des cordes à violon, mes genoux, mes épaules et mon ventre tremblent comme la feuille.
Flaubert, Correspondance, 84, fin janv.-début févr. 1844.
B (Épithète postposée ou attribut).
1 Perdu; appelé à disparaître, à mourir, à finir. || Le malade est foutu; un malade foutu. ⇒ Fichu; condamné. || Rien à faire, il est foutu. — (Choses). || Ton poste de télé est foutu, il ne marchera plus, il est irréparable. ⇒ Nase (très fam.). — ☑ Café bouillu (bouilli),café foutu (dicton), mauvais, imbuvable. || La mayonnaise est foutue. ⇒ Raté. — (Abstrait; personnes et choses). Perdu; dépourvu d'espoir. || Après un tel scandale, X est foutu, sa carrière est brisée. || Un homme, un type complètement foutu. ⇒ Fini. || L'affaire est foutue. ⇒ Manqué, raté (→ Dans l'eau, dans le lac). || Tout est foutu (→ 4. Pile, cit. 2).
14 Les mots n'étaient pas dépourvus d'un certain charme sombre. « Un type foutu. » On imaginait de beaux désastres, le suicide, la révolte, d'autres issues extrêmes.
Sartre, l'Âge de raison, XI.
15 La mayonnaise est ratée ! (…) — Je te dis que ça peut se reprendre, continue, dit Nadine. — Mais non, elle est foutue ! — Tu la bats trop fort. — Je te dis qu'elle est foutue, répéta Lambert avec colère.
S. de Beauvoir, les Mandarins, IV, p. 214.
♦ (En parlant du temps passé, du travail effectué). Perdu, inutile.
15.1 Toutes mes substances essentielles vont demander une nouvelle dessiccation ! Des années perdues ! que dis-je : foutues !
R. Queneau, les Fleurs bleues, p. 137.
2 (Qualifié par un adv. de manière antéposé ou par un compl. de manière introduit par comme). Arrangé, fait (plus ou moins bien); dans (tel) état. || C'est drôlement, bizarrement foutu, chez lui. ☑ Une fille bien foutue, drôlement bien foutue, bien faite, très belle. ☑ Ils sont gentils, mais mal foutus, laids, moches (de corps; ne s'applique guère au visage). ☑ Il, elle est foutu(e) comme quatre sous, comme l'as de pique, mal arrangé(e), mal vêtu(e). — Fig. (Bien, mal) fait, composé, réalisé. || Son bouquin, son film est assez bien foutu. || Cette exposition est drôlement mal foutue.
16 C'est mon corps qui m'inquiète, comprends-tu ?
J'ai un sale corps mal foutu avec des nerfs de femme.
Sartre, Morts sans sépulture, I, 1.
♦ Spécialt. ☑ Mal foutu, pas bien foutu : en mauvais état, en mauvaise forme physique. ⇒ Fatigué, malade.
♦ N. || Des mal foutus, des éclopés.
3 (En attribut; suivi d'un infinitif introduit par de). Capable. || Il est foutu de remporter le prix; il en est foutu. || « Ces saloperies-là, ce serait encore foutu de nous faire dérailler » (Malraux, l'Espoir, Pl., p. 483). — Plus cour. (emploi négatif). || Il n'est même pas foutu de répondre, cet idiot ! || Il ne sera jamais foutu d'y arriver. ⇒ Infoutu.
REM. Le verbe, dans tous ses emplois est parfois écrit f… ou f…tre, f…u, par euphémisme.
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DÉR. Foutaise, foutant, fouterie, fouteur, foutoir, 2. foutre, 3. foutre, foutriquet. — (Du p. p.) Foutûment.
COMP. Contrefoutre (se); jean-foutre, je-m'en-foutisme, je-m'en-foutiste. (Du p. p.) Infoutu.
HOM. 2. Foutre, 3. foutre.
————————
2. foutre [futʀ] interj. et adv.
❖
♦ Familier.
1 Interj. Exprime la colère, la surprise, et, par ext., l'admiration. ⇒ Bougre, fichtre.
1 Foutre, fichtre, bougre (…) marquent la « surprise » et secondairement, l'« admiration », les deux notions étant liées : foutre ! comme il court; foutre ! que c'est beau; par ailleurs, il sert à intensifier une assertion : je le crois foutre bien; je n'en crois foutre rien, ce qui est aussi un emploi (…) de diable.
Pierre Guiraud, les Gros Mots, p. 113.
2 Elle surveille du coin de l'œil l'invité. Il se tient rudement bien. Foutre ! quelle distinction ! Il a dû claper dans le monde, probable.
R. Queneau, Pierrot mon ami, éd. L. de Poche, p. 31.
♦ Renforcé. (Vx). || Foutre Dieu ! — (Par euphémisme). || Foutrebleu.
3 (…) il soumet sa femme au devoir conjugal il réclame (…) qu'elle crie foutredieu en jouissant comme les grognasses du Périgord.
Tony Duvert, Paysage de fantaisie, p. 41.
➪ tableau Principales interjections.
2 Emploi adverbial (→ ci-dessus, cit. 1, Guiraud). Certes, sûrement.
4 Ghil est un imbécile. Moréas
N'en est foutre pas un, lui (…)
Verlaine, Invectives, XI.
REM. C'est la brutale rhétorique révolutionnaire, notamment chez Hébert (le Père Duchesne) qui a donné au mot son statut non sexuel. — Comme pour le verbe, le passage du sens concret aux emplois exclamatifs est assuré dès le XVIIIe s. Cependant l'interjection, aujourd'hui « démotivée », était encore à cette époque fréquemment liée à un contexte érotique.
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DÉR. Foutral, foutrement.
HOM. 1. Foutre, 3. foutre.
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3. foutre [futʀ] n. m.
ÉTYM. XVe; de 1. foutre.
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♦ Vulgaire.
1 Sperme.
1 Alors que tu es pleine de foutre comme une outre (référence à Baudelaire). Charogne ! (id.). Le foutre de Gilles et de moi… (…) — Dieu ça ne la dégoûte pas. Il n'y a que les hommes que le sperme dégoûte.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 92.
♦ Semence (d'un animal). || Le foutre des saumons mâles à la saison du frai (→ 1. Frai, cit. 3).
2 (Moins cour.). Sécrétions vaginales. ⇒ 2. Cyprine (didact.). — REM. Les connaissances sur la génération font que le mot, comme sperme, est employé jusqu'au XIXe s. indifféremment aux sens 1. et 2.
2 (La matrice) qui reçoit le foutre produit chez la femme par le suintement des glandes et chez l'homme par l'éjaculation (…) et du mélange de ces liqueurs naît le germe, qui produit tour à tour des garçons et des filles.
— Eugénie. Ah ! j'entends; cette définition (de matrice) m'explique en même temps le mot foutre que je n'avais pas d'abord bien compris.
Sade, la Philosophie dans le boudoir, III, p. 41.
REM. À la différence du verbe et de l'interjection, ce substantif n'a pas perdu sa valeur sexuelle. Il est longtemps resté absent de tout dictionnaire général. Un passage en français de Shakespeare atteste sa fréquence, dans les milieux les plus élevés, au début du XVIIe s. :
3 — Katharine (…) Comment appelez-vous le pied et la robe ?
— Alice. De foot, madame, et de coun (gown).
— Kath. De foot et de coun ! Ô Seigneur Dieu ! ce sont mots de son mauvais, corruptible, gros et impudique, et non pour les dames d'honneur d'user; je ne voudrais prononcer ces mots devant les seigneurs de France pour tout le monde. Il faut de fout et de coun néanmoins.
Shakespeare, Henry V, III, 3 (en français dans le texte).
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HOM. 1. Foutre, 2. foutre.
Encyclopédie Universelle. 2012.