huile [ ɥil ] n. f.
1 ♦ Substance grasse, onctueuse et inflammable, liquide à la température ordinaire et insoluble dans l'eau, d'origine végétale, animale ou minérale. ⇒ graisse; oléi-, oléo-. Huile froide, figée, huile bouillante. Viscosité d'une huile. Émulsion eau dans l'huile. Tache d'huile. Huiles grasses (végétales, animales) :corps gras, saponifiables, à base d'oléine. Huiles végétales alimentaires : huile d'arachide, de tournesol, de maïs, de soja, de colza, de navette, de noix, d'œillette, d'olive. Huile de coton, de lin (huiles industrielles). Huile de ricin, purgatif. Graines, pulpes dont on tire de l'huile. ⇒ oléagineux. — Huiles animales. Huile de baleine, de phoque. Huile de vison. Huile de foie de morue.
♢ Chim. Huiles minérales : hydrocarbures liquides. Huiles lourdes : hydrocarbures distillant à haute température. Huile minérale brute ou huile de naphte. ⇒ pétrole. Huiles de goudron, de pétrole, obtenues par distillation des goudrons de bois (⇒ créosote) ou de houille (huiles légères [⇒ benzène] , huiles phénoliques, anthracéniques), du pétrole et de ses dérivés (⇒ fioul, gazole, mazout) . Huile de graissage, huile multigrade. Huile de paraffine, de vaseline.
♢ Huiles médicamenteuses, ou médicinales (huile camphrée, goménolée, iodée). Huile d'amandes douces. Huile solaire, pour protéger la peau de l'action du soleil et faire bronzer. S'enduire d'huile solaire. Huile essentielle, ou volatile, obtenue par distillation de substances aromatiques contenues dans diverses plantes. ⇒ essence; aromathérapie.
2 ♦ Cour. Huile comestible. Bouteille d'huile. Huile de table. Huile vierge. Assaisonner avec de l'huile et du vinaigre (⇒ vinaigrette) . Sauces froides à l'huile. ⇒ mayonnaise, rémoulade. Pommes à l'huile. Sardines, thon à l'huile. Faire revenir, faire frire dans l'huile. « son médecin lui interdit la cuisine à l'huile » (Colette). Nager dans l'huile.
♢ Huile de graissage. ⇒ dégrippant, lubrifiant. Burette d'huile. Bidon d'huile. Vidanger l'huile d'une voiture. Vérifier le niveau d'huile. Ça manque d'huile : ça grince, nécessite un lubrifiant. — Huile de lampe. Lampe à huile.
3 ♦ Mélange d'huile (de lin, d'œillette) et d'une matière colorante. Peinture à l'huile (opposé à peinture à l'eau) . Ellipt L'huile a détrôné la détrempe.
♢ Une huile : un tableau peint à l'huile. Une huile de Degas.
4 ♦ Liturg. Huile sainte, huile d'onction, utilisée pour sacrer les rois dans les religions juive et chrétienne. — Liturg. rom. Les saintes huiles. ⇒ chrême, extrême-onction.
5 ♦ Par compar. ou fig. (allus. à la fluidité, à l'onctuosité de l'huile) Couler comme de l'huile. — Mer d'huile, très calme, sans vagues (comme une nappe d'huile). — Tache d'huile : ce qui se propage, gagne du terrain de manière insensible mais continue. Idée qui fait tache d'huile (cf. Faire boule de neige). « il rayonne de tribu en tribu, fait la politique de la tache d'huile, gagne de proche en proche » (Maurois).
♢ Littér. Ouvrage qui sent l'huile, qui porte la marque de longs et laborieux efforts (par allusion aux nombreuses veilles [à la lumière de la lampe à huile] qu'il semble avoir coûté à son auteur). Vieilli Mettre, verser de l'huile sur les plaies de qqn, l'apaiser (cf. Verser un baume sur une blessure). — Mod. (combustibilité) Jeter de l'huile sur le feu : attiser un désir, pousser à la dispute. ⇒ attiser, envenimer, exciter. « Ces difficultés, loin d'abattre mon désir, furent comme de l'huile sur le feu » (Baudelaire).
♢ Fam. (caractère de lubrifiant) Huile de bras, de coude, de poignet : énergie déployée dans un effort physique. ⇒ force. « Plus on met de l'huile de coude, plus ça reluit » (Zola). — Fam. Dans l'huile : avec une grande aisance, facilement. Ça baigne dans l'huile.
6 ♦ (fin XIXe nager dans les huiles « être en relation avec des personnages influents ») Fam. Les huiles : personnages importants, autorités. ⇒ légume. — Au sing. « Le père est un grand manitou dans les chemins de fer... C'est une huile » (Céline).
● Huile matière grasse végétale ou animale, liquide à température ordinaire, utilisée dans l'alimentation, soit pour assaisonner, soit pour cuire ou pour conserver les aliments.
huile
n. f.
d1./d Liquide gras, onctueux et inflammable, d'origine végétale, animale ou minérale. Les huiles végétale et animale sont des mélanges d'esters de la glycérine; l'huile minérale est un mélange d'hydrocarbures. Huile de table, de graissage. Huile d'arachide, de palme, de palmiste.
— (Afr. subsah.) Huile de coco: corps gras tiré du coprah, à usage culinaire ou cosmétique.
— Huile de schiste, tirée du schiste bitumineux.
|| Loc. fig., Fam. Huile de coude.
|| Loc. fig. Faire tache d'huile.
— Jeter de l'huile sur le feu: exciter des passions déjà vives.
— Mer d'huile, parfaitement calme.
— Mettre de l'huile dans les rouages, dans les engrenages: user de diplomatie pour éviter les heurts entre les personnes.
d2./d Peinture dont le liant est l'huile. Peindre à l'huile.
|| Par ext. Tableau exécuté à l'huile.
d4./d RELIG CATHOL Saintes huiles: huiles consacrées pour l'usage sacramentel.
d5./d Fig., Fam. Personnage influent.
Encycl. Une huile diffère d'une graisse en ce qu'elle est liquide à la température ordinaire. Les principaux acides qui concourent à la formation des huiles sont les acides oléique, palmitique, linoléique et stéarique. On distingue trois catégories d'huiles: les huiles végétales (arachide, palme, palmiste, olive, colza, tournesol, ricin, etc.), dont certaines sont comestibles, et d'autres utilisées en peinture, savonnerie, pharmacie, etc.; les huiles animales (baleine, cachalot, foie de morue, etc.), utilisées en savonnerie, en pharmacie, dans l'industrie, etc.; les huiles minérales, obtenues par distillation de la houille et du pétrole ou extraites des schistes et des sables bitumineux, et qui servent surtout à lubrifier les organes mécaniques.
⇒HUILE, subst. fém.
I. — Substance grasse, onctueuse et inflammable, d'origine végétale, animale ou minérale, généralement liquide au-dessus de 10° centigrade, se figeant ou se solidifiant à une température inférieure, employée dans différents usages. Brusquement, l'ombre les enveloppa, la lampe venait de s'éteindre, après avoir craché sa dernière goutte d'huile (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1572). L'archevêque d'Auch, un Mgr Enard, ne veut pas du martyre procuré par l'huile bouillante, les tenailles ou le gril (BLOY, Journal, 1906, p. 321) :
• 1. Je regarde longuement la préparation de l'huile de palme, cette première huile qu'on extrait de la pulpe ligneuse. Une autre huile sera plus tard extraite de l'amande, après écrasement du noyau. Mais d'abord il s'agit de séparer celui-ci de la pulpe qui l'enveloppe. Pour cela l'on fait bouillir la graine, puis on la pile dans un mortier, avec le manche du pilon qui offre si peu de surface que la coque dure fuit de côté tandis que son enveloppe froissée se détache. Elle forme bientôt une étoupe couleur safran qui, pressée entre les doigts, laisse échapper son huile.
GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 715.
SYNT. Huiles alimentaires, industrielles, pharmaceutiques; bidon, bouteille, flacon, jarre, litre, tonneau d'huile; burette à huile; consommation, provision d'huile; cuillerée, goutte d'huile; lampe, veilleuse à huile; marchand d'huile; nappe, tache d'huile; huile qui se fige.
A. — [Huiles d'orig. végét. ou animale]
1. Dans le domaine de la cuisine. Huile bouillante, frémissante, fumante, frissonnante; olives, piments confits dans l'huile; faire revenir, frire dans l'huile. On aime en même temps la salade avec beaucoup de vinaigre et avec beaucoup d'huile (GONCOURT, Journal, 1863, p. 1288). Les servantes arrivaient (...) chargées de poissons farcis, de lièvres cuits dans l'huile (NIZAN, Conspir., 1938, p. 119) :
• 2. ... la marchande de churros m'entretient du temps qu'il fait pendant qu'elle me prépare ses friandises. C'est un cordon de pâte que l'on fait sortir d'un piston de métal et tomber en une longue spirale dans de l'huile bouillante. On attend qu'il se dore, en le remuant avec une tige de bois. Puis on le sort de la friture, on le saupoudre de sucre et on le coupe en bâtonnets qu'on enveloppe dans du papier blanc.
T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 107.
— LÉGISL. ALIM. [La fabrication et la commercialisation des huiles alimentaires font l'objet d'une réglementation] Huile végétale. Huile composée d'un mélange d'huiles végétales alimentaires extraites des oléagineux (d'apr. R.-A. DEHOVE, La réglementation des produits alim. et autres. Qualité et répression des fraudes, Paris, Commerce édition, 1954).
a) Huile + adj. ou compl. prép. introd. par de, pour ou à indiquant l'usage. Huile alimentaire, comestible; huile de table, huile à frites, à friture, pour friture; huile à frire. Tout était hors de prix. 60 francs pour une bouteille de vin médiocre (...) 80 francs pour un litre d'huile à salade (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 149).
— LÉGISL. ALIM. Huile végétale pour friture et assaisonnement. Huile dont le chauffage n'est pas à déconseiller dans certaines conditions (d'apr. R.-A. DEHOVE, op. cit.).
b) Huile + compl. prép. introd. par de désignant la graine ou le fruit dont l'huile est extraite. Huile d'arachide, de colza, de germe de maïs, de noix, d'œillette (huile blanche) (ds Ac. Gastr. 1962, Lar. mén. 1926, BOUILLET 1859), Huile de pépins de raisins, de tournesol. Mancheca, fromage de brebis dur comme le parmesan et mariné dans l'huile d'olive (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 48). Des fricandeaux (...). Je n'aime pas ça. Si encore vous me les faisiez à la grecque, nageant dans l'huile d'olive et la farce pimentée, grains de poivre alternant avec des raisins de Corinthe et des câpres (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 274).
— LÉGISL. ALIM. Huile de + nom de graine ou de fruit. Huile, ayant subi une opération de raffinage (cf. infra huile raffinée), extraite uniquement de la graine ou du fruit mentionné dans la dénomination. Huile d'olive.
c) Huile + adj. ou compl. prép. introd. par de indiquant la qualité. Huile douce, claire, fine, légère, parfumée, pure, rance. Maria et les enfants s'étaient assis autour de la table, où fumait la soupe du soir, et que le saladier sentait l'huile fruitée (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 308).
— LÉGISL. ALIM.
♦ [Dans la législ. gén.] Huile naturelle ou huile vierge (de + nom d'une graine ou d'un fruit). Huile pure, extraite uniquement par des procédés mécaniques de graines ou de fruits (figurant dans la dénomination) en parfait état de conservation et arrivés à maturité (d'apr. R.-A. DEHOVE, op. cit.). Huile raffinée. Huile pure ou mélange d'huiles ayant subi des traitements chimiques (d'apr. Lar. encyclop.).
♦ [Dans la législ. des huiles d'olive] Huile d'olive vierge. Huile extraite de l'olive par pression, centrifugation, clarifiée par décantation, centrifugation ou filtration (d'apr. CLÉM. Alim. 1978). Huile d'olive vierge extra. Huile d'olive vierge fine; huile d'olive raffinée, huile pure d'olive raffinée ou huile d'olive pure raffinée. Huile obtenue par le raffinage d'huiles d'olive vierges (d'apr. R.-A. DEHOVE, op. cit.).
d) Loc. À l'huile. Fait, préparé ou assaisonné avec de l'huile; conservé dans l'huile.
— [En parlant de la cuisson] Friture à l'huile; cuire, faire revenir, rissoler, frire à l'huile. Les deux femmes étaient servies par une voisine criarde et ridée qui venait faire le ménage et leur préparait une lourde cuisine à l'huile (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 140).
— [En parlant d'un mets] Anchois, harengs, thon à l'huile; pommes à l'huile; salade à l'huile et au vinaigre. Cette famille nourrie de haricots et de sardines à l'huile (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 57) :
• 3. ... s'accoudant sur la nappe de toute la longueur de son bras, il s'écriait qu'on ne pouvait plus dîner à Paris! Enfin, ne sachant qu'imaginer pour sa bouche, Regimbart se commanda des haricots à l'huile, « tout bonnement », lesquels, bien qu'à moitié réussis, l'apaisèrent un peu.
FLAUB., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 86.
2. Dans le domaine de la peinture
a) Loc. À l'huile. Préparé avec de l'huile, à base d'huile de lin ou d'œillette. Enduit à l'huile. Enduit constitué par un mélange de céruse et d'huile de lin (ROB.). Vernis à l'huile. Vernis constitué par un mélange de résine et d'huile de lin. Tous [les violons de J. Stainer] ont un vernis à l'huile dont la couleur est rouge-jaune (MAIGNE, MAUGIN, Nouv. manuel luthier, 1929, p. 31).
— Peinture à l'huile, couleur à l'huile ou p. ell. huile. Mélange d'huile (généralement de lin ou d'œillette) et de produits colorants. Une toile préparée pour la peinture à l'huile (STENDHAL, Brulard, t. 2, 1836, p. 369). Toutes ces figures étaient recouvertes d'une épaisse couche de peinture à l'huile (LAMART., Nouv. Conf., 1851, p. 27) :
• 4. ... vous verrez les couleurs et les formes (...) se transformer en vue de la composition proprement dite, subir une (...) métamorphose en accord avec le parti-pris de l'artiste : clair-obscur ou prisme, intimité ou décoration et, enfin, se décanter selon les exigences du procédé choisi : peinture à l'huile ou gouache ou aquarelle ou pastel. Car la matière que manie l'artisan a encore plus d'influence sur le choix des éléments plastiques que sa vision synthétique ou analytique, documentaire ou métaphorique, ou que le sentiment plus ou moins poétique qu'il a de la nature, ou que les influences qu'il puise dans les musées...
LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 15.
♦ P. méton. Tableau peint à l'huile. Trois examens : un premier où le candidat ferait la distinction d'une peinture à l'huile avec une aquarelle; un second, d'une eau-forte avec une lithographie; un troisième, d'un Rubens avec un Raphaël (GONCOURT, Journal, 1887, p. 732). Le cintre de cette baie était remplie par une peinture à l'huile représentant « le Sicilien ou l'amour peintre », d'après une composition de Boucher (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 27). Au centre du panneau, attirant le regard comme une présence, était accroché un portrait de Jacques, grandeur nature : une peinture à l'huile, de facture moderne (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 834). [Huile avec une valeur générique] Jongkind, dont l'huile ne vaut pas les aquarelles (TOULET, Notes art, 1920, p. 97).
♦ Étude, paysage, portrait (exécuté) à l'huile. Sa pauvre miniature à l'huile de la princesse n'a guère plus de valeur qu'une gravure en couleur d'alors : la Dugazon d'après Isabey (GONCOURT, Journal, 1867, p. 385). Elle rapportait de tout, des toiles à l'huile, des améthystes, des buissons de candélabres (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 60).
b) Huile siccative. Huile ayant la propriété de former une pellicule solide en séchant lorsqu'elle est étalée en couche mince. On pourrait substituer aux mastics de céruse des mastics d'huile siccative au blanc de zinc (MACAIGNE, Précis hyg., 1911, p. 315). L'huile de lin est siccative, c'est-à-dire qu'elle sèche (et fait sécher le pigment avec lequel elle est incorporée) en formant une sorte de résine par oxydation à l'air (BÉG. Estampe 1977).
3. Dans le domaine de la pharmacie, de la parfumerie ou de la cosmétologie.
a) Huile (végétale ou animale) utilisée à des fins thérapeutiques, ou comme base de cosmétique. Huile de baleine, de vison. Le docteur, laissant la blessure en observation, se contentait donc de la panser avec de la charpie imbibée d'huile d'olive et d'acide phénique (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 490).
— Huile de + nom de graine, de fruit ou de plante dont l'huile est extraite. On donnera par cuillerée soit le loock blanc, soit une potion composée d'huile d'amandes douces et de sirop de guimauve (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 152). Elle connaissait toutes les tisanes... tous les mélanges... les infusions... et puis une huile de réséda pour se masser la jambe le soir (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 567) :
• 5. Un coup de chaleur sur une purge, et voilà l'huile qui revient sur le cœur, ou encore qui se mélange au sang. On en avait déjà bien vu autant. L'homme à la mère Dominé n'était pas parti autrement; un 14 juillet, qu'il avait voulu évacuer à toute force, ses trois cuillerées d'huile de ricin lui avaient tourné toute la journée sur l'estomac, et le soir, il était dans les sueurs, bien parti pour mourir sur la minuit comme c'était arrivé.
AYMÉ, Jument, 1933, p. 176.
SYNT. Huile d'abrasin (de bois de Chine, de tung), de bouleau, de cade, de chaulmoogra, de chènevis, de cocotier (de coprah, de noix de coco), de curcas (de grand pignon d'Inde, de médicinier), de fenouil bâtard, de lin, de sésame.
— Huile de foie de morue. En 1827, Bretonneau préconisait déjà l'administration d'huile de foie de poisson dans le traitement du rachitisme (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p. 687).
b) Huile médicinale. Médicament obtenu en dissolvant diverses substances médicamenteuses dans une huile (huile d'olive, d'amandes douces, d'arachide ou d'œillette) (d'apr. Méd. Biol. t. 2, 1971).
— Huile camphrée. Huile médicinale obtenue en dissolvant, à froid, 100 grammes de camphre naturel ou synthétique dans 900 grammes d'huile d'olive ou d'arachide (d'apr. Méd. Biol. t. 2, 1971). Elle parla d'une voix faible et coupée, mais distincte, peut-être à cause de la caféine et de l'huile camphrée qui la soutenaient (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 357). Il faut (...) soutenir le cœur et l'aider (...) par des injections intramusculaires d'huile camphrée renouvelées trois et quatre fois par jour (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 187).
— Huile iodée ou huile d'œillette iodée. Huile médicinale composée d'un mélange d'huile d'œillette et d'acide iodhydrique. Le titre de gloire essentiel de Sicard (...) est d'avoir avec l'huile iodée (...) introduit dans (...) l'espace sous-arachnoïdien (...) un produit opaque permettant l'exploration radiologique de ces cavités (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p. 266).
— Huile de jusquiame composée. Huile médicinale obtenue en additionnant à de l'huile d'œillette un alcoolat de feuilles de jusquiame, de belladone, de morelle, de pavot, de stramoine et diverses essences végétales (lavande, menthe, romarin et thym) (d'apr. Méd. Biol. t. 2, 1971).
c) Huile essentielle ou huile volatile. Liquide, odorant et volatil, extrait par distillation de certaines plantes aromatiques ou d'agrumes. Synon. essence. Huile essentielle de citron, de lavande, de violette. Huile de fleurs d'orangers (néroli). Huile essentielle obtenue en distillant avec de l'eau les fleurs de l'oranger (KAPELER, CAVENTOU, Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 507). L'huile volatile de camomille est d'un bleu de ciel foncé; elle est un peu épaisse; elle a absolument l'odeur et la saveur des fleurs de camomille (KAPELER, CAVENTOU, Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821p. 140).
— P. métaph. Le poème en prose représentait, pour Des Esseintes, le suc concret, l'osmazone de la littérature, l'huile essentielle de l'art (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 265).
4. Dans le domaine de la liturgie. Huile sainte, huile consacrée, ou p. ell. huile. Huile d'onction utilisée, notamment dans les religions juives et chrétiennes, dans diverses cérémonies et pour certains rites, en particulier pour l'administration de plusieurs sacrements. Le divin vieillard trempe un peu de coton dans une huile consacrée; il en frotte les tempes d'Atala (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 256). Venez verser l'huile sainte qui enlève toutes les souillures de la vie (SAND, Lélia, 1833, p. 306). L'oncle Blaise se reposera dans la belle tombe de sa concession à perpétuité, dûment confessé, administré, oint d'huile et enfin mort (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 50).
— En partic., LITURG. ROMAINE. Les Saintes huiles. Huiles consacrées par l'évêque servant pour les onctions saintes, chacune étant réservée à un sacrement : le (Saint) Chrême dont sont oints les nouveaux chrétiens à leur baptême, l'huile des catéchumènes pour les onctions pré-baptismales, l'huile des infirmes pour le sacrement des malades. Le prêtre oignit des huiles saintes les pieds, les mains et le front de la mourante, récita une courte prière (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 294). Je m'étais agenouillé à ses pieds. Avec l'huile des catéchumènes, il [l'évêque] me fit une large onction en forme de croix dans l'intérieur des deux mains, puis étendit l'huile sur chaque paume (BILLY, Introïbo, 1939, p. 149) :
• 6. Monseigneur s'était recueilli, les regards de nouveau sur Angélique, s'assurant que le petit souffle n'avait pas cessé (...). Son pouce ne trembla pas, lorsqu'il le trempa doucement dans les saintes huiles et qu'il commença les onctions sur les cinq parties du corps où résident les sens, les cinq fenêtres par lesquelles le mal entre dans l'âme. D'abord, sur les yeux, sur les paupières fermées, la droite, la gauche; et le pouce, légèrement, traçait le signe de la croix.
ZOLA, Rêve, 1888, p. 190.
Rem. Dans la tradition chrét. et juive, l'huile est signe de bénédiction, symbole d'élément vital, symbole de joie. Qu'elle se fasse entendre [la parole du Seigneur], et la lumière va nous remplir et nous embraser. L'huile de joie va couler dans le cœur de l'homme (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 73). Ton nom est une huile répandue dit le cantique. (...). Cette huile qui ruisselle sur la tête d'Aaron, cette huile de joie qui pénètre jusqu'à nos os (ps. CVIII, 18) (CLAUDEL, Poète regarde Croix, 1938, p. 264).
5. TECHNOLOGIE
a) MAR. Filer de l'huile, filage de l'huile. Cf. filer I B 1 b.
b) PEAUSS., loc. En huile. Cuir, peau, peausserie en huile. ,,Auquel, à laquelle on a fait absorber, au cours des opérations de corroyage, une quantité importante de corps gras, généralement en vue d'imperméabilisation, et qui est fini sur fleur ou sur chair`` (RAMA 1973).
6. CHIM. ORGANIQUE. Huiles grasses, ou p. ell. huiles. Corps gras (d'origine animale ou végétale) formés d'esters de la glycérine, à base d'oléine et saponifiable. L'indice de saponification est le nombre de milligrammes de KOH absorbés par la saponification de 1 g d'huile grasse (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 141).
Rem. Les huiles grasses sont artificiellement divisées en huiles comestibles et en huiles industrielles, elles-mêmes subdivisées en huiles siccatives, semi-siccatives et non-siccatives (d'apr. GRAND. 1962).
— INDUSTR. CHIM.
♦ Huile de froissage. ,,Huile obtenue par compression d'une graine ou d'un fruit oléagineux`` (DUVAL 1959).
♦ Huile de créosote, huile de goudron de pin (DELORME 1962). Huiles provenant de la distillation de goudrons obtenus par la distillation de bois, ou directement de la distillation de bois. Les huiles de pins proviennent de la distillation des cônes et des aiguilles de diverses variétés de pins (COFFIGNIER, Vernis, 1921, p. 333).
B. — [Huiles d'orig. minérale]
1. Dans le domaine de la mécanique, des moteurs, de l'automobile. Huile de vidange; faire le plein d'huile, la vidange d'huile; vérifier le niveau d'huile, la pression d'huile; pompe à huile; réservoir d'huile; indice de viscosité d'une huile. Les boîtes à huile sont les organes dans lesquels tournent les essieux et qui leur transmettent la charge qu'eux-mêmes reçoivent des ressorts de suspension (HERDNER, Constr. et conduite locomot., 1887, p. 273). Il me semblait que mon moteur baissait de régime, qu'il chauffait, que la pression d'huile tombait (SAINT-EXUP., Vol nuit, 1931, p. 110). Ils [les pétroliers] fabriqueraient pour lui une huile non pas vraiment spéciale, mais d'une viscosité un peu autre que celle de l'huile courante (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 167).
— PÉTROCHIM. Huile de graissage (ou huile lubrifiante). Huile minérale, généralement raffinée, extraite du pétrole brut et utilisée pour la lubrification. L'huile de vaseline ou huile blanche, est une huile de graissage légère (huile à broche) surraffinée par traitement à l'oleum et complètement décolorée par adsorption (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 146).
— Huile + nom apposé indiquant l'usage de l'huile. Huile anti-corrosion, huile aviation, huile (pour) cylindre, huile machine, huile marine, huile mouvement (Pétrol. 1964).
♦ En partic. Huile auto. Huile de graissage utilisée pour lubrifier les moteurs et les organes de transmission des véhicules automobiles. Huiles (à, pour) moteur, huile utilisée pour lubrifier les moteurs de véhicules automobiles (Pétrol. 1964).
Rem. Les qualités requises pour leur usage (résistance, fluidité, viscosité, etc.) sont données par des additifs chimiques aux huiles lubrifiantes qui sont commercialisées sous des noms divers : huile détergente, huile multigrade, etc. (infra 4 b).
2. Dans le domaine de la pharmacie, de la parfumerie ou de la cosmétologie. Huile de paraffine, huile de vaseline. Huile extraite des hydrocarbures de la série des paraffines utilisée comme excipient ou comme laxatif mécanique. L'huile de vaseline est utilisée comme excipient, mais doit être exclue de la préparation des injections hypodermiques. Elle sert également comme laxatif (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 146). La constipation sera combattue par l'usage régulier des mucilages et de l'huile de paraffine (QUILLET Méd. 1965, p. 172).
3. Dans le domaine technologie ou industrie
— Huile de + subst. indiquant l'usage de l'huile. Huile de (à) broches, huile de (dé)coffrage, huile de coupe, huile d'ensimage, huile de flottation, huile de moulage, huile de trempe (Pétrol. 1964).
— Huile + adj. indiquant l'usage de l'huile et/ou ses propriétés. Huile absorbante, huile neutre, huile pénétrante (Pétrol. 1964).
♦ En partic. Huile isolante (huile de transformateur ou huile transfo). Huile à grand pouvoir isolant utilisée dans les transformateurs, disjoncteurs et condensateurs, ainsi que pour imprégner les câbles électriques (d'apr. Pétrol. 1964).
— CHIM. ORGANIQUE
a) CARBOCHIM. Huiles de goudron de houille. Huiles obtenues par la distillation des goudrons de houille, distinguées, selon le degré de la fraction obtenue au cours de la distillation, en : huiles légères, huiles phénoliques, huiles naphtaléniques, huiles lourdes et huiles anthracéniques. L'huile lourde provient de la distillation de la houille (BOURDE, Trav. publ., 1929, p. 93) :
• 7. Quand le brai est évacué, on recharge aussitôt la chaudière en goudron, de façon à répéter les opérations toutes les vingt-quatre heures. De la chaudière on retire : (...) eau; (...) huile légère; (...) huile lourde; (...) huile d'anthracène; le reste en brai, chaque espèce d'huile est alors traitée séparément pour en retirer les produits qu'elle contient; c'est ainsi qu'on recueille le benzol, la benzine, le phénol, la naphtaline, l'anthracène, etc.
QUÉRET, Industr. gaz, 1923, p. 258.
b) PÉTROCHIM. Huiles minérales. Hydrocarbures soit à l'état naturel, soit provenant de la distillation des pétroles bruts. Les Antilles produisent des quantités intéressantes d'huiles minérales. Les Barbades et Trinidad renferment de puissants gisements d'asphalte (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 158). Le pouvoir calorifique d'une huile minérale dépend de sa composition, ainsi que de sa place dans l'échelle de fractionnement (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931p. 31).
♦ Huile brute. Pétrole brut contenant au moins 65 % d'hydrocarbures. L'huile brute recueillie, de densité comprise (...) est fractionnée par distillation (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931p. 180).
♦ Huile de schiste. Huile minérale obtenue par distillation de schistes bitumineux. À Autun, les schistes primaires, renfermant des substances bitumineuses, donnent, par la distillation, l'huile de schiste, analogue au pétrole (BOULE, Conf. géol., 1907, p. 99).
♦ Huile de base. Huile non finie, obtenue par raffinage, fournissant un produit spécifique après raffinage et mélange avec d'autres huiles de base (d'apr. Pétrol. 1964).
) Huile de + subst. indiquant un mode de fabrication. Huile d'égouttage, huile de fluxage (DUVAL 1959).
) Huile + adj. indiquant la qualité de l'huile. Huile clarifiée, huile légère, huile noire (Pétrol. 1964).
♦ Huile blanche. Huile hautement raffinée, pratiquement incolore (Pétrol. 1964).
♦ Huile compound (ou compoundée). Huile de pétrole lubrifiante mélangée à une certaine proportion d'huile organique d'origine animale ou végétale. V. compoundé ex.
♦ Huile détergente. Huile lubrifiante possédant, grâce à des additifs appropriés, la propriété de dispenser ou de maintenir en suspension les produits d'altération qui se forment au cours du fonctionnement d'un moteur à combustion interne. V. détergent ex.
♦ Huile lourde, synon. gas-oil. Hydrocarbure provenant de la distillation du pétrole, utilisé comme carburant pour certains moteurs à combustion interne et comme combustible. Pour la mise en mouvement des gros engins (les 10 tonnes sont maintenant d'usage courant) le moteur diesel à huile lourde, à quatre ou six cylindres, est de plus en plus apprécié (TINARD, Automob., 1951, p. 336). N'importe quel dérivé du pétrole, gas-oil ou huile lourde à bon marché (P. ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p. 501).
♦ Huile multigrade.
4. Région. (Canada). Synon. mazout. Chauffage à l'huile, chauffage au mazout (BÉL. 1957).
II. — Au fig. ou p. métaph. C'était Limousin qui servait d'huile et de tampon entre Henriette et lui (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 588). Une dépression exquise accable Antoine et glisse dans tous les membres l'huile bienfaisante de la lâcheté (COLETTE, Ingénue libert., 1909, p. 69). La richesse est une huile qui adoucit les machines de la vie (VALÉRY, Tel quel I, 1941, p. 102).
— P. compar. Doux comme de l'huile. Il a des mains solides; la force coule comme de l'huile jusqu'au bout de ses doigts (GIONO, Regain, 1930, p. 50) :
• 8. Ce n'était pas d'ailleurs seulement dans les joues ou mieux les bajoues de ce visage fardé, dans la poitrine tétonnière, la croupe rebondie de ce corps livré au laisser aller et envahi par l'embonpoint, que surnageait maintenant, étalé comme de l'huile, le vice jadis si intimement renfoncé par M. de Charlus au plus secret de lui-même. Il débordait maintenant dans ses propos.
PROUST, Prisonn., 1922, p. 207.
A. — Loc. et expr.
— Faire tache d'huile. Se répandre de manière lente, insensible et continue. Cette douleur me fait oublier mon malaise, qui fait pourtant tache d'huile (AMIEL, Journal, 1866, p. 104). Gide, qui a bloqué toute la véhémence de sa protestation sur le seul thème pédérastique, s'est tu sur tout le reste parce que l'idée fixe a fait tache d'huile et lui a masqué tout ce reste (DU BOS, Journal, 1928, p. 197). Des pauvres devenus puissants. Cette puissance nouvelle fait tache d'huile. Des pauvres, ici et là ont vu d'autres pauvres devenir puissants par des moyens tout différents de ceux de l'enrichissement classique (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 586).
♦ C'est une tache d'huile. ,,Flétrissure (...) atteinte à la réputation qui ne peut s'effacer, se réparer (...); chose qu'on regarde comme un mal qui va toujours en augmentant`` (Ac.).
— Huile de bras (v. ce mot I B 2 a), huile de coude (v. ce mot I B b 5), huile de poignet. Énergie, force, vigueur déployée dans l'accomplissement d'une tâche.
Rem. Queneau a forgé sur ce modèle huile de rotule : Ce genre de sport ne demandait ni génie ni originalité, n'exigeait qu'un peu d'huile de rotule, rien de quoi se vanter (Loin Rueil, 1944, p. 64).
— Vieilli. Il n'y a plus d'huile dans la lampe. [En parlant d'une pers.] S'éteindre doucement, mourir de vieillesse, d'épuisement. Mme de Beaumont m'écrit du Mont-d'Or des lettres qui me font trembler : elle dit qu'elle sent qu'elle s'éteint, qu'il n'y a plus d'huile dans la lampe (CHATEAUBR., Corresp., t. 1, 1803, p. 125). Je ne pouvais plus vivre, et pour me servir d'une vieille comparaison très juste, je vous dirai : il n'y avait plus d'huile dans la lampe, elle s'éteint et nul ne peut la rallumer (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p. 306).
♦ Tant qu'il y a de l'huile dans la lampe. Tant qu'on vit. Amis, mangeons et buvons joyeusement tant qu'il y a de l'huile dans la lampe : qui sait si dans l'autre monde nous nous reverrons? Qui sait si dans l'autre monde il y a une taverne? (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 303).
♦ La dernière goutte d'huile. Le dernier souffle de vie (Dict. XXes.).
— Jeter, mettre, verser de l'huile sur le feu. Attiser (un désir), pousser à (la dispute), envenimer (quelque chose). C'était toi, l'autre jour, qui jetais de l'huile sur le feu : tu étais déchaînée! (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, p. 223). Les avocats qui fomentent les procès et jettent de l'huile sur le feu de peur que les plaideurs ne se réconcilient (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 184).
♦ La goutte d'huile sur le feu. Chaque courrier vide me laisse accablée pendant une heure, influe sur toute ma journée. Un mot de vous, au contraire, c'est la goutte d'huile sur le feu, cela anime en moi une ferveur passionnée (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 997).
— Mer d'huile, p. anal. lac d'huile. Sans vagues, très calme. Une mer d'huile, que ne ridait aucun souffle (LAMART., Graziella, 1849, p. 158). La nuit est belle. La mer plate comme un lac d'huile (FLAUB., Corresp., 1858, p. 256). La nuit descend sur la baie, sous cette couverture de lourds nuages, sur cette mer d'huile (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 156).
— Mettre, verser de l'huile sur, dans les plaies (de qqn). Consoler, apaiser les souffrances (de quelqu'un). La France a besoin de repos : il faut verser de l'huile dans nos plaies, et non les ranimer et les élargir (CHATEAUBR., Mél. pol., 1816-24, p. 123). Emportez aussi les évangiles, fit l'abbé (...) ce seront les célestes ampoules où vous puiserez l'huile nécessaire pour panser vos plaies (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 273).
— Mettre de l'huile dans les rouages, aux rouages; (mettre) une goutte d'huile dans les, aux rouages. Réduire les antagonismes, les difficultés, se montrer conciliant. Il me parut bon de mettre de l'huile aux rouages des relations franco-américaines à l'instant où les Anglais faisaient savoir officiellement qu'ils étaient prêts à attaquer les troupes françaises en Syrie (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 182) :
• 9. Leuwen vola chez Mgr l'évêque; il fut reçu avec une hauteur, un dédain, une insolence même qui l'amusèrent. Il se disait en riant à soi-même, et parodiant la phrase favorite du saint prélat : « Je mettrai ceci au pied de la croix. » Il ne traita nullement d'affaires avec Mgr l'évêque. « Ceci est une goutte d'huile dans les rouages, rien de plus. »
STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 163.
— (Ouvrage qui) sent l'huile (littér. et vieilli). [P. réf. au travail nocturne à la lumière de la lampe à huile] Produit avec effort, où les traces du travail sont visibles. La correspondance avec Chateaubriand [de Béranger] était déjà en partie connue : elle est apprêtée, travaillée, et sent l'huile (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 1, 1863-1869, p. 200).
— Tirer de l'huile d'un caillou, d'un mur (vieilli). Tirer un gain (de quelque chose ou de quelqu'un) là où cela semble impossible. Tout le monde, excepté les ministres de l'état et les fonctionnaires du gouvernement, savait qu'il était plus facile de tirer de l'huile d'un caillou qu'un centime de Maubec (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 265).
Rem. Lar. Lang. fr. mentionne jeter de l'huile : être vêtu avec recherche.
— Loc. adv. Dans l'huile. Avec facilité, aisance, sans problème. Évidemment, tout roulait dans l'huile, mais cependant... (ARNOUX, Solde, 1958, p. 180). La première (représentation d'un spectacle de ballets) se déroula « dans l'huile » et sans la moindre anicroche (Le Monde, 21 mars 1954 ds GILB. 1971). Ça baigne dans l'huile.
B. — Pop. et fam. Personnage important, haut placé, influent. Le père est un grand manitou dans les chemins de fer, qu'on m'a raconté... c'est une huile (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 135). Zézette regarda Brunet hardiment (...). Elle n'avait pas peur des hommes, celle-là, même que ce soit des bourgeois ou des huiles du Parti (SARTRE, Sursis, 1945, p. 17) :
• 10. ... ils entendirent des bruits de roues : c'était une berline qui arrivait au pas; quatre lanciers l'escortaient (...). Le cocher conduisait comme s'il était en train de porter le Saint-Sacrement. — On doit trimbaler un bonnet fameusement gros. Les lanciers cependant n'avaient pas l'air d'être « en service d'huiles ». L'un d'eux fumait même la pipe.
GIONO, Bonh. fou, 1957, p. 373.
♦ Être, nager dans, parmi les huiles. Fréquenter des gens importants, être un personnage haut placé. J'aurais pu en rester là et, comme d'autres, nager parmi les huiles et les honneurs (CENDRARS, Main coupée, 1946, p. 103).
— En partic., arg. milit. Officier supérieur. On voyait les galonnés (...) Judex (...) disait dans son jargon! — Vise! les « huiles » qui « font vinaigre »! (VIALAR, Morts viv., 1947, p. 98).
Rem. On relève ds MICHEL 1856, LARCH. 1880, FRANCE 1907, un emploi arg. vx au sens de « argent ».
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Le h initial n'était pas dans le lat., mais il fut introduit pour distinguer entre les sons [y] et [v] à l'époque où les lettres u et v pouvaient, chacune, avoir ces deux sons. Ex. user ou vser; uenir ou venir. En conséquence uile pouvaient être notre huile ou l'adj. vile. Avec h, la confusion n'est plus possible. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. oile (Psautier Cambridge, éd. F. Michel, XXII, 5 : tu encressas en oile mun chief [impinguasti in oleo]); 1260 (E. BOILEAU, Métiers, éd. G.B. Depping, p. 159 : huile de olives, amandes, de nois, de cheneviz et de pavoz); 1752 peindre à l'huile (Trév.); 1768 peinture à huile (Encyclop.) 2. 1887 arg. des soldats « personnage important » (ESN.). Du lat. oleum « huile d'olive, huile (en gén.) », de olea « olivier; olive » (gr. « olive », « olivier »). H- graph. a été utilisé pour indiquer la valeur vocalique de u-. Fréq. abs. littér. : 1 808. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 511, b) 3 167; XXe s. : a) 2 388, b) 2 412. Bbg. QUEM. DDL t. 5, 8, 15, 16.
huile [ɥil] n. f.
ÉTYM. V. 1112, oile, var. olie; uile, puis huile (1260) pour éviter la lecture vile, le u servant aussi à noter v [v]; du lat. oleum « huile ». → Oléo-.
❖
1 Substance grasse, onctueuse et inflammable, liquide à la température ordinaire et insoluble dans l'eau, d'origine végétale, animale ou minérale. ⇒ Graisse (cit. 19). || Huile d'olive. || Huile de ricin. || Huile de baleine (→ Article, cit. 17). || Huile de goudron (cit. 4).
1 L'expérience a appris qu'on ne doit se servir d'huile d'olive que pour les opérations qui peuvent s'achever en peu de temps ou qui n'exigent pas une grande chaleur, parce que l'ébullition prolongée y développe un goût empyreumatique et désagréable.
Brillat-Savarin, Physiologie du goût, Méditation, VII, 48 (→ Empyreumatique, cit. 1).
2 (…) je prônerai l'excellence de quelque vieux plat provençal, les vertus de l'ail, la transcendance de l'huile d'olive (…)
Colette, Prisons et Paradis, p. 51.
3 Il alla même jusqu'à chiper à sa mère de l'huile de ricin et à en boire à la dérobade pour se punir.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, X.
♦ Huiles grasses, huiles animales, huiles végétales, corps gras saponifiables, à base d'oléine. ⇒ Olé(i)-. — Huiles végétales alimentaires : huile d'arachide (1801, in D. D. L.), huile de noix, huile d'olive, huile de tournesol, de lin, d'œillette… (⇒ Arachide, coco, coprah, navette, noix, œillette, olive, sésame, soja, tournesol). || Huiles industrielles (⇒ Cameline, colza, coton, lin, madi, palme). || Huiles médicinales. ⇒ Amande (amère, douce), cade, croton, ricin. || Palmier à huile. ⇒ Éléis. || Graines, pulpes dont on tire des huiles végétales. ⇒ Oléagineux; émulsif. || Défruiter de l'huile d'olive. || Extraction des huiles par pression et épuisement, par dissolvant (⇒ Huilerie; tourteau). || Moulin (⇒ Oliverie), pressoir à huile. — Huiles animales industrielles; huile de baleine, de phoque, huile de pied de bœuf, huile de poisson. || Huiles (de bœuf, de mouton) médicinales. — (1836). || Huile de foie de morue. — (1831). || Huile de ricin, utilisée comme laxatif. — Utilisation des huiles grasses, dans les industries de conserves alimentaires et de saponification, pour la préparation des matières plastiques, des peintures et des vernis (huiles siccatives), le travail du cuir, en pharmacie (⇒ Cérat, embrocation, émulsion, friction), parfumerie (⇒ Brillantine, cold-cream, cosmétique, musc, rosat).
4 Les huiles végétales sont extraites : 1o De la chair ou pulpe de certains fruits, ceux-ci sont toujours des fruits à noyaux ou drupes telle la drupe de l'olivier ou olive et celle du palmier à huile; 2o Des graines d'un grand nombre de végétaux supérieurs. Les fruits à huile sont rares; l'olive est restée pendant une longue suite de siècles à peu près le seul fruit de ce genre (…) la famille des Palmiers compte un assez grand nombre d'espèces (…) Une seule d'entre elles, le palmier à huile ou palmier Éléide est exploitée par l'homme pour produire une huile de pulpe.
Émile André, les Corps gras, p. 42.
5 Il n'existe pas de procédés généraux pour extraire les huiles animales, car on ne les tire pas toutes des mêmes organes.
P. Poiré, Dict. des sciences, art. Huile.
♦ Huiles minérales : hydrocarbures liquides. — (1857, Année sc. et industr. 1858, p. 223). || Huiles lourdes : hydrocarbures distillant à haute température (⇒ Gas-oil). || Huile de schiste; huile sulfureuse (⇒ Ichtyol). || Huile minérale brute ou huile de naphte. ⇒ Pétrole. || Huiles de goudrons de bois (⇒ Créosote), de goudrons de houille. || Huiles légères (⇒ Benzène; → Extraire, cit. 11), huiles phénoliques. || Huiles anthracéniques. || Huile de pétrole, tirée du pétrole et de ses dérivés (⇒ Fuel-oil, gas-oil, mazout). || Huile lampante. || Huiles de graissage (cit. 2) classées selon leur indice de viscosité (épaisses, fluides, extra-fluides). ⇒ S. A. E. || Huiles de vidange. || Huile de paraffine, de vaseline. — Vx. || Huile détonante. ⇒ Nitroglycérine. — Emploi des huiles minérales pour l'éclairage, le chauffage industriel et domestique, comme combustibles dans les moteurs à explosion ou à combustion interne (moteur Diesel à huile lourde), comme lubrifiants (⇒ Graissage; cambouis), et comme insecticides. — REM. Au Québec (loc. critiquée; angl. oil), huile de chauffage, huile de, à fournaise : mazout.
6 L'huile anthracénique a été, durant les hostilités, à la base de l'industrie des lubrifiants de remplacement. Maintenant que les produits pétroliers sont largement utilisés, la fabrication des huiles de graissage, depuis les huiles de houille, peu abondantes et plus chères, n'offre plus d'autre intérêt que d'économiser des devises.
Jean Beck, le Goudron de houille, p. 51.
♦ Absolt et vx. || L'huile : le pétrole, les hydrocarbures naturels.
6.1 On sait que le sol de l'Asie centrale est comme une éponge imprégnée de carbures d'hydrogène liquides. Au port de Bakou, sur la frontière persane, à la presqu'île d'Apchéron, sur la Caspienne, dans l'Asie Mineure, en Chine, dans le Youg-Hyan, dans le Birman, les sources d'huiles minérales sourdent par milliers à la surface des terrains. C'est le « pays de l'huile », semblable à celui qui porte maintenant ce nom dans le Nord-Amérique.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 435.
REM. Cet emploi semble ici être un calque de l'angl. oil (oil country « pays du pétrole »).
2 (Qualifié : adj. ou de et subst.). Produit obtenu par macération ou décoction de substances végétales ou animales dans de l'huile fine. || Huile de camomille, de jusquiame. || Huile camphrée (→ Hasarder, cit. 9), huile goménolée, iodée, phosphorée. — Huile de roses. || Huiles aromatiques (→ Étoile, cit. 30). || Athlètes antiques oints d'huiles parfumées (→ Badigeonner, cit. 2). — Huile solaire, pour protéger la peau de l'action du soleil et faire bronzer (→ Huiler, cit. 3).
7 (…) j'ai découvert une essence pour faire pousser les cheveux, une Huile Comagène ! Livingston m'a posé là-bas une presse hydraulique pour fabriquer mon huile avec des noisettes qui, sous cette forte pression, rendront aussitôt toute leur huile (…) Voilà trois mois que le succès de l'Huile de Macassar m'empêche de dormir.
Balzac, César Birotteau, Pl., t. V, p. 333.
♦ Huiles essentielles, huiles volatiles, obtenues par distillation de substances aromatiques contenues dans diverses plantes. ⇒ Essence (II.), oléolat. || Huile d'aspic (cit.), de bouleau (⇒ Dioggot), de cajeput, de cardamome, de citron (cit. 1), d'eucalyptus (⇒ Eucalyptol), de fleurs d'oranger (⇒ Néroli), de rose.
8 L'huile essentielle du jus d'oignon s'oppose complètement à la formation de la levure de bière : elle paraît nuire également aux infusions.
Pasteur, cité par Henri Mondor, Pasteur, IV.
➪ tableau Noms de remèdes.
3 Cour. a Absolt. Huile (1.) combustible ou servant de lubrifiant. || Bouteille, jarre, tonneau d'huile. || Bidon à huile. ⇒ Estagnon. || Burette à huile. || Tache d'huile. || Lampe à huile (⇒ Quinquet). — ☑ Loc. Le temps des lampes à huile. || Veilleuse à huile (→ Fil, cit. 27). || Lampe qui s'éteint (cit. 35) faute d'huile. || Huile qui se fige (→ Geler, cit. 7). || Congélation de l'huile. — ☑ Loc. Huile bouillante, servant de projectile (→ Forteresse, cit. 1) ou pour infliger des supplices (→ ci-dessous, cit. 11). — Grésillement (cit. 1) de l'huile. || Bistouris (cit. 1) graissés à l'huile.
9 Vous savez bien, Monsieur, qu'un des devants de mon pourpoint est couvert d'une grande tache de l'huile de la lampe.
Molière, l'Avare, III, 1.
10 (…) je me dépouillai de mes habits : on fit couler des flots d'huile douce et luisante sur tous les membres de mon corps; et je me mêlai parmi les combattants.
Fénelon, Télémaque, V.
11 On lui versa du plomb fondu avec de la poix-résine et de l'huile bouillante sur toutes ses plaies. Ces supplices réitérés lui arrachaient les plus affreux hurlements.
Voltaire, Hist. du parlement de Paris, LXVII.
12 Je consommais plus d'huile que de pain : la lumière qui m'éclairait pendant ces nuits obstinées me coûtait plus cher que ma nourriture.
Balzac, la Messe de l'athée, Pl., t. II, p. 1158.
13 Ils faisaient aussi des guérisons, soit par l'imposition des mains, soit par l'onction de l'huile, l'un des procédés fondamentaux de la médecine orientale.
Renan, Vie de Jésus, XVIII, Œuvres, t. IV, p. 269.
♦ Spécialt, mod. Huile servant de lubrifiant, notamment pour les moteurs, les machines. → Articulation, cit. 3. || Faire le plein d'huile. → Halte, cit. 3. || Vérifier le niveau d'huile. || Indice de viscosité d'une huile. || Huile toutes températures. || Bidon, burette d'huile.
14 Il en était venu à proposer aux pétroliers la combinaison suivante : ils fabriqueraient pour lui une huile, non pas vraiment spéciale, mais d'une viscosité un peu autre que celle de l'huile courante; ils la logeraient dans des bidons de forme particulière (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, XVI, t. I, p. 167.
b (1560). Absolt ou dans des syntagmes ne spécifiant pas la nature de l'huile (→ ci-dessus, 1. : Huile d'olive, etc.). Huile comestible ou entrant dans une préparation culinaire. → Beurre de Marseille (régional). || Huile de table, à consommer froide (salades, etc.). || Huile à friture. || De l'excellente huile (→ Beurre, cit. 2). || Huile vierge, obtenue après premier pressurage des olives. || Huile fruitée, surfine. || Huile rance. — Cuisine à l'huile. || Assaisonner une salade avec de l'huile et du vinaigre. ⇒ Vinaigrette. || Pommes à l'huile. || Manger des artichauts à l'huile. || Sauces froides à l'huile. ⇒ Mayonnaise, rémoulade.
15 Ils nous rapportaient toujours, pour le repas de midi, quelques crabes ou quelques anguilles de mer (…) La mère les faisait frire dans l'huile des oliviers.
Lamartine, les Confidences, VIII, I.
16 Ensuite viennent les poulets à l'huile, car le beurre est une chose inconnue en Espagne (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 12.
17 Il fait observer que son estomac ne digère pas l'ail et que son médecin lui interdit la cuisine à l'huile.
Colette, Prisons et Paradis, p. 51.
♦ Sardines à l'huile; thon à l'huile : conserves de sardines, de thon, dans l'huile (opposé à : au naturel, à la tomate, etc.).
4 Absolt. a Mélange d'huile (de lin, d'œillette) et d'une matière colorante. — (Dans à l'huile). || Peindre à l'huile. || Étude (cit. 46), portrait à l'huile. — (1847, Delacroix). || Peinture à l'huile (→ Azur, cit. 1; gouache, cit. 1).
18 Le mat de la détrempe ou de la fresque ne peut montrer que les colorations. L'huile sait reproduire toutes les combinaisons par lesquelles la lumière jouant sur les volumes permet de discerner ce qui les constitue. En empâtement, l'huile imite les matières opaques et réfléchissantes; elle est assez grasse pour se prêter aux caprices du pinceau et devenir à souhait rugueuse ou lisse, calme ou agitée. En glacis, elle se laisse pénétrer à des profondeurs variables et traduit les matières translucides où le rayon, au lieu de rebondir, s'infiltre et se réfracte. Ainsi toute la gamme qui peut s'offrir à l'œil devient susceptible d'être rendue. La totalité de la perception optique se rend sans conditions.
René Huyghe, Dialogue avec le visible, p. 139-140.
♦ Enduità l'huile (huile de lin et céruse). || Vernis à l'huile (huile de lin et résine).
b (Fin XIXe). || L'huile : la peinture à l'huile. || L'huile a détrôné la détrempe (→ 1. Détrempe, cit. 1) dès le XVe siècle. — Une huile : un tableau peint à l'huile (opposé à une aquarelle, une gouache). || Embu qui dépare une huile.
5 (XVIIe; saint huile « extrême onction », XVIe). Liturgie || Huile sainte : huile à onction utilisée pour sacrer les rois dans les religions juive et chrétienne.
19 Samuel prit donc la corne d'huile qu'il avait apportée, et le sacra (David) au milieu de ses frères.
Bible (Sacy), les Rois, I, XVI, 13.
20 (…) Joas vient d'être couronné.
Le grand prêtre a sur lui répandu l'huile sainte.
Racine, Athalie, V, 1.
21 Charles VII fut oint par l'archevêque de l'huile de la Sainte-Ampoule qu'on apporta de Saint-Rémy.
Michelet, Hist. de France, X, III.
♦ Liturgie romaine. Vx. || L'huile sainte, sacrée. ⇒ Chrême, extrême-onction (cit. 2).
22 Elle demande d'elle-même les sacrements de l'Église (…) la sainte Onction des mourants avec un pieux empressement (…) on lui voit paisiblement présenter son corps à cette huile sacrée (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette d'Angleterre.
♦ Mod. (au plur.). || Les saintes huiles (→ Dais, cit. 5). || Les burettes qui contiennent les saintes huiles.
1 Loc. compar. ou fig. a (Par allus. à la fluidité, à l'onctuosité de l'huile). ☑ Doux comme de l'huile (→ Absinthe, cit. 1). || Couler comme de l'huile.
23 (…) on voyait la foule couler comme une huile et s'arrêter soudain, contenue par d'invisibles parois. C'est ainsi que s'aligna la compagnie.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, V, La Belle-Étoile.
♦ … d'huile. ☑ Loc. Mer d'huile, très calme, sans vagues (comme une nappe d'huile).
24 Un jour, nous partîmes de la Margellina par une mer d'huile, que ne ridait aucun souffle (…)
Lamartine, Graziella, I, Épisode VII.
♦ ☑ Tache d'huile : ce qui se propage, gagne du terrain de manière insensible mais continue. || Politique de la tache d'huile. || Faire tache d'huile. || Idée qui fait tache d'huile. → Faire boule de neige.
25 Je flétris tout ce que je touche; ainsi que la tache d'huile, la flétrissure s'étend, et elle gagne de proche en proche et de génération en génération.
Balzac, Souvenirs d'un paria, I, Œuvres diverses, t. I, p. 220.
26 Partant de ces centres il rayonne de tribu en tribu, fait la politique de la tache d'huile, gagne de proche en proche et après de longs efforts réduit la dissidence à n'être plus qu'une frange mince.
A. Maurois, Un art de vivre, III, 1.
b ☑ Loc. prov. (allus. à l'huile d'éclairage, anciennt). Il n'y a plus d'huile dans la lampe (fam.), se dit d'une personne qui s'éteint (cit. 44) de vieillesse, d'épuisement — ☑ La dernière goutte d'huile : le dernier souffle de vie.
27 Ses médecins disent (…) que (…) elle (Mme de La Fayette) pourrait être du nombre de ceux qui traînent leur misérable vie jusqu'à la dernière goutte d'huile.
Mme de Sévigné, Lettres, 623, 9 juil. 1677.
♦ ☑ Loc. vieillie. Sentir l'huile : porter la marque de longs et laborieux efforts (par allus. aux nombreuses veilles qu'il semble en avoir coûté à son auteur). || Cet ouvrage sent l'huile.
28 Nous disons d'aucuns ouvrages qu'ils puent l'huile et la lampe, pour certaine âpreté et rudesse que le travail imprime en ceux où il a grande part.
Montaigne, Essais, I, X.
29 Quand un ouvrage sent la lime, c'est qu'il n'est pas assez poli; s'il sent l'huile, c'est qu'on a trop peu veillé.
Joseph Joubert, Pensées, XXIII, XLIX.
c (Allus. aux propriétés lubrifiantes). Vieilli. ☑ Mettre de l'huile dans les rouages. ⇒ Huiler (les rouages). — ☑ Mettre, verser de l'huile sur les plaies de quelqu'un, l'apaiser. → Verser un baume sur une blessure.
30 (…) c'est par des insinuations perfides qu'il (Chateaubriand) invite à la concorde : il dit qu'il faut verser de l'huile sur les plaies, pendant que sa main y répand des poisons.
Sainte-Beuve, Chateaubriand, t. II, p. 336.
♦ Fam. || Dans l'huile : avec une grande aisance. || « La première (représentation) s'est déroulée dans l'huile et sans la moindre anicroche » (le Monde, 21 mars 1954, in P. Gilbert). — ☑ Baigner dans l'huile : se dérouler parfaitement. || Tout baigne dans l'huile. ⇒ Baigner (II., 1.)
d (Allus. au caractère combustible de l'huile). ☑ Jeter de l'huile, une goutte (cit. 11) d'huile sur le feu. ⇒ Attiser, envenimer, exciter; dispute (inciter à, pousser à la dispute).
31 Vos paroles sont tranchantes, et mettent de l'huile dans le feu.
Mme de Sévigné, Lettres, 345, 13 nov. 1673.
32 Le goût que Lucile m'avait inspiré pour la poésie fut de l'huile jetée sur le feu. Mes sentiments prirent un nouveau degré de force (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 123.
33 Mais ces difficultés, loin d'abattre mon désir, furent comme de l'huile sur le feu.
Baudelaire, Trad. E. Poe, « Les aventures d'A. G. Pym », II.
e ☑ Fam. Huile de bras, de coude, de poignet. ⇒ Force. || Il n'épargne pas l'huile de bras. — Huile de cotret.
34 Dites-donc, madame Coupeau ! cria Virginie qui suivait le travail de la laveuse (…) vous laissez de la crasse, là-bas, dans ce coin. Frottez-moi donc un peu mieux ça !— Gervaise obéit (…)— Plus on met de l'huile de coude, plus ça reluit, dit sentencieusement Lantier (…)
Zola, l'Assommoir, II, p. 186.
34.1 Mais après tout ce genre de sport ne demandait ni génie ni originalité, n'exigeait qu'un peu d'huile de rotule rien de quoi se vanter.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 64.
2 (1887; nager dans les huiles « être en relation avec des personnages influents »). Fig. Fam. || Les huiles : personnages importants, autorités (⇒ Légume); spécialt, officiers supérieurs. — Au sing. || Une huile.
35 (…) ne restez pas ici. Vous comptez pour zéro à l'hôpital. Tout le monde, dans les huiles, est contre vous.
Montherlant, les Célibataires, II.
36 Le père est un grand manitou dans les chemins de fer… C'est une huile (…)
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 102.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 182.
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DÉR. Huiler, huilerie, huileux, 1. huilier, 2. huilier.
Encyclopédie Universelle. 2012.