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in-

1. in- Élément négatif, du préfixe lat. in- (var. il- devant l, im- devant b, m, p, ir- devant r). in- 2. in- Élément locatif, du lat. in « en, dans » (var. il-, im-, ir-).

in- Préfixe exprimant l'idée de négation, de contraire (incapable). [In- devient il- devant l (illettré), im- devant b, m, et p (imberbe, immoral, impoli), ir- devant r (irréel).]

in- ou il-, im-, ir-
élément, du lat. in-, qui indique la négation, la privation (devant l, in devient il-; devant b, m, p, im-; devant r, ir-).
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in- ou im-
élément, du lat. in, "en, dans".

I.
IN-1, IL-, IM-, IR-, préf.
Préf. négatif, issu du préf. négatif lat. in-, entrant dans la formation de très nombreux adj. (notamment en -able et en -é/-ée), plus rarement de subst.; il sert à indiquer la négation, la privation, l'absence ou le contraire de qqc.; le rad., gén. un adj., parfois un verbe, existe aussi dans d'assez nombreux termes empr. directement au latin.
A. — Adj., part. passé-adj.
1. Adj. (notamment en able/ible, où le préf. reste créatif). V. illisible, illogique; imbattable, imbuvable, immangeable, immanquable, immariable, immoral, imparable, impardonnable, impitoyable, imprécis; inabordable, inadmissible, inamissible, inappréciable, inapte, incapable, incertain, incessible, incroyable, indépendant, inébranlable, ineffaçable, inégalable, inesthétique, infaisable, inharmonieux, inhospitalier, inimaginable, ininflammable, introuvable, inusable, invraisemblable; irrattrapable, irrecevable, irréel, irremplaçable, irrespirable, irresponsable, irréversible, etc. Faites avec moi l'anatomie du mot INCONTESTABLE : vous y trouverez la négation IN, le signe du moyen et de la simultanéité CUM, la racine antique TEST, commune, si je ne me trompe, aux Latins et aux Celtes, et le signe de la capacité ABLE, du latin HABILIS(J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 123). V. aussi :
inchassable. « Qu'il est impossible ou difficile de chasser ». D'invincibles réminiscences d'Alma-Tadéma reviennent encore dans nombre de ses planches ainsi que d'inchassables souvenirs des albums d'Okou-Saï (HUYSMANS, Art. mod., 1883, p. 222). La nuit où revient, entre l'époux et l'épouse pardonnée, le souvenir inchassable de l'adultère (GONCOURT, Journal, 1895, p. 734). Puis, les jours, les mois avaient passé, sans nouvelles. Et l'ombre insaisissable s'épaississait autour de ce cœur de père, l'ombre inchassable de la souffrance humaine à laquelle cet heureux n'avait pas cru jusqu'ici (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 216)
incompossible, in-compossible , philos. « Qui ne peut exister en même temps qu'une autre chose ». Synon. incompatible. V. compossible rem. Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Une sorte d'absolu sans forme, fait d'une exaltation de tous les incompossibles dans l'irréalisable (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 152). Quand le savoir trouvera-t-il l'existence consistante et la consistance existante, le quid avec le quod, les incompossibles cumulés (JANKÉL, Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 56)
indécourageable. « Qu'il est impossible ou difficile de décourager ». Il aurait fallu la volonté unanime, la coalition permanente, obstinée, indécourageable, de toutes les puissances, et c'est la honte indicible de l'Europe que la vermine de Mahomet soit toujours sur les parties sexuelles du monde civilisé (BLOY, Journal, 1903, p. 193). Paisible et têtu, indécourageable (...), il aura répondu sans fin aux silences, aux lenteurs, aux difficultés de son retraitant (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 323)
indécouvrable. « Qu'il est impossible ou difficile de découvrir ». Je m'endormis d'un sommeil frère de la mort, comme une bête fauve longtemps chassée par les chiens et qui trouve enfin un gîte indécouvrable (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p. 83). Je suis amoureux du vrai en histoire, ce vrai que les passions politiques font, à l'heure qu'il est, indécouvrable (GONCOURT, Journal, 1872, p. 903). Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Je ne saurais ni découvrir ma mort, ni l'attendre, ni prendre une attitude envers elle, car elle est ce qui se révèle comme l'indécouvrable, ce qui désarme toutes les attentes, ce qui se glisse dans toutes les attitudes (SARTRE, Être et Néant, 1943, p. 630).
indéfaisable. « Qu'il est impossible ou difficile de défaire ». Des liens inextricables, indéfaisables, éternels (BALZAC, Lettres Étr., t. 3, 1850, p. 175). Après Jésus, avec Jésus (...), ils inventèrent la chrétienté. À présent que c'est fait, c'est pas malin, il est facile de parler d'eux à la légère, fait pour toujours, fait pour éternellement, fait par eux et indéfaisable (PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 132). Son calme regard dur voyait (...) l'événement passé, définitif, indéfaisable dont cet homme était cause (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 229)
indétachable. « Qu'il est impossible ou difficile de détacher ». Il y a aussi les feuilles indétachables du chêne qui remuent comme des oiseaux (RENARD, Journal, 1904, p. 892). Comme pour presque tous les fruits de ce pays, la chair est indétachable du noyau, ce qui fait qu'on ne peut que les sucer un peu, avant de les cracher (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 981). Le grand renom d'Auguste Comte (...) ne retraversait plus la mer! Il collait sur la Plata, indélébile, indétachable (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 408).
inémotif, -ive. « Qui n'est pas émotif ». La Sœur aidait avec une précieuse et inémotive efficacité (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 363). Quand il est inémotif, il est livré sans réactions aux événements occasionnels (MOUNIER, Traité caract., 1946p. 398). Emploi subst., psychol. Anton. émotif. L'inémotif-inactif (NENA), par obtusion, l'inémotif-actif (NEA), par objectivation (MOUNIER, Traité caract., 1946p. 280).
insoulevable. « Qu'il est impossible ou difficile de soulever ». Ce qui mettait sur son cœur un poids qu'il sentait dès lors insoulevable (BOURGET, Crime am., 1886, p. 263). Une sorte de voile insoulevable s'interposait entre le marbre et lui (, Aphrodite, 1896, p. 226). Mollement étalés (...) comme de rondes toiles d'araignées dont les fils minces et solides tiennent un cylindre noir, lourd, insoulevable, un coffre-fort! (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 403). Emploi subst. Ils commencèrent [au Louvre] par les insoulevables, par les cinquante tonnes, par les sphinx de granit (MORAND, Homme pressé, 1941, p. 150). P. métaph. et au fig. Pourquoi cette insoulevable timidité sur mes paupières? (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 242). Le jour mat des Toussaints, un de ces paysages désespérés, au deuil lourd et insoulevable (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 317)
2. Part. passé-adj. (notamment en -é/-ée) où le préf. reste créatif. V. immérité, immotivé, impayé, impoli; inabrité, inaccentué, inaccoutumé, inachevé, inadapté, inanimé, inconditionné, indu, inégalé, inhabité, inoccupé, insoupçonné, invendu; irraisonné, irréfléchi, irrésolu, etc., et aussi :
inapproprié, -ée. « Qui n'est pas approprié; impropre ». Un lapsus (...) peut revêtir mille forme différentes; je puis prononcer, à la place du mot juste, mille mots inappropriés, imprimer au mot juste mille déformations (FREUD, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1923, p. 42). On peut faire retrouver une signification perdue, en changeant un rythme inapproprié (RUYER, Cybern., 1954, p. 194). Symboliser la mainmise du défricheur sur un ancien terrain collectif ou inapproprié (MEYNIER, Paysages agraires, 1958, p. 118).
inconfessé, -ée. « Qui n'est pas confessé, avoué ». Elle avait maintenant pour le souvenir de celui à qui elle s'était donnée un mélange de rancune et d'attrait inconfessés (ROLLAND, Âme ench., t. 2, 1925, p. 162). Du reposoir du Matterhorn, dressé sur le ciel translucide à des hauteurs de paradis, semblait descendre enfin l'indulgence plénière. La montagne protectrice de Zermatt, son autre Dieu inconfessé, lui serait-elle également propice? (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 13). Il y a beaucoup de suicides (...) qui ne se manifestent pas même à ceux qui en sont à la fois les victimes dociles et les auteurs inconfessés (ARNOUX, Seigneur, 1955, p. 141)
inéclos, -ose , littér. « Qui n'est pas éclos ». Les cloches des dolents dimanches sont des gloses Élucidant le cas des choses inécloses, De ce qui fut naguère et qui n'a pas duré : Raisin qui s'évapore aussitôt pressuré (RODENBACH, Règne silence, 1891, p. 131). Rebutée par le positif, son âme inéclose et froissée essayait de la poésie (GIDE, Caves, 1914, p. 760). Chaussée de crêpe ou d'amarante Entre vos hautes malles inécloses (SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p. 290)
inéprouvé, -ée. « Qui n'a pas ou jamais été éprouvé ». Bonheur inéprouvé; sensation inéprouvée. Je cherche des parfums nouveaux, des fleurs plus larges, des plaisirs inéprouvés (FLAUB., Tentation, 1874, p. 189). C'était le désir de m'assimiler des émotions inéprouvées qui m'avait ensorcelé (BOURGET, Disciple, 1889, p. 147). Il connut quelques moments de clarté et de calme inéprouvés depuis des mois, antérieurs à ce long temps de passion et de douleur (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 413)
irréconcilié, -ée. « Qui n'est pas réconcilié ». Conscience et révolte, ces refus sont le contraire du renoncement. Tout ce qu'il y a d'irréductible et de passionné dans un cœur humain les anime au contraire de sa vie. Il s'agit de mourir irréconcilié et pas de plein gré (CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 78). Mathieu haussa les épaules, et ils se turent, irréconciliés (SARTRE, Âge de raison, 1945, p. 196)
B. — Subst. abstr. V. immatérialisme, impasse, imprécision, impréparation, imprévision, imprévoyance, impuberté, impudeur; inaction, inaptitude, inattention, incapacité, incivisme, incompétence, inconduite, inconfort, indiscipline, inémotivité, inexistence, insatisfaction, insécurité, insuccès, invraisemblance; irrespect, etc., et aussi :
inhomogénéité, subst. fém. « Absence d'homogénéité ». Sous peine aussi de créer des inhomogénéités dans la masse développée, provoquant dans les tranches d'émulsion des différences de granulation (LEPRINCE-RINGUET, Atomes et hommes, 1957, p. 80). Le corpuscule (...) doit (...) appartenir à la structure même du champ et en constituer une sorte d'inhomogénéité locale (L. DE BROGLIE, Base de l'interprétation actuelle de la mécan. ondul., 1963, p. 44). Si l'on observe une préparation qui présente une transparence uniforme, mais une inhomogénéité optiquement sensible (comme une préparation qui contient des germes vivants et non colorés), (...) au contraire chaque petite inhomogénéité devient visible lorsque cette lame entre en action (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 212)
inordination, subst. fém. « Absence d'ordination, d'organisation ». Son œuvre [du réformateur] n'est qu'un essai de réorganisation selon sa raison, sa logique, du désordre qu'il sent en lui; car l'état d'inordination lui est intolérable (GIDE, Feuillets, 1918, p. 665)
insatiété, subst. fém. « Absence de satiété ». Que les médiocres gourmandises et leurs assouvissements de l'âge mûr paraissent médiocres (...) sans substance universelle, au prix de ces plénitudes d'insatiété! (ARNOUX, Calendr. Fl., 1946, p. 253). Chaque jour augmentait l'anémie qui provenait de son insatiété, de cette façon inassouvie qu'il avait d'elle (LA VARENDE, Goût esp., 1946, p. 193)
C. — Adv., rare :
indiscontinûment. « Sans arrêt, sans discontinuer ». J'accusai le temps (il pleuvait indiscontinûment, cette année) (GIDE, Journal, 1904, p. 144). Ces considérations morales qui s'exposent à la pensée, Mais tout de même, je le sais, indiscontinûment dans la nuit qui se prolonge comme le Symbole des Apôtres, Juste comme ces vérités en marche qui procèdent l'une après l'autre (CLAUDEL, Visages radieux, 1947, p. 773)
Formation et vitalité :
A. — Le préf. était déjà très vivant en lat. et se retrouve dans des termes d'empr., p. ex. enfant (< lat. infans « qui ne parle pas »), illégal (< lat. médiév. illegalis < in- + legalis), imberbe (< lat. imbarbis < in- + barba « barbe »), immaculé (< lat. immaculatus < in- + macula « tache »), imperturbable (< lat. imperturbabilis < in- + perturbare « troubler »), ingrat (< lat. ingratus), injuste (< lat. injustus), irréconciliable (< lat. irreconciliabilis < in- + reconciliare), etc. Certains mots ont été refaits à partir du mot positif, p. ex. inconnu (d'après le lat. incognitus, refait sur connu), inégal (d'après le lat. inœqualis, refait sur égal), invariant (de in- + varier, d'après l'angl. invariant), etc. Le rad. est gén. un adj.; dans certains cas, l'adj. positif correspondant n'existe pas ou est inusité (p. ex. increvable, indéfectible, indéfrisable, indémaillable, inlassable, innommable, insalissable; incessant, insouciant; inouï), et le terme négatif a été tiré d'un rad. verbal, p. ex. indéniable (de in- + dénier), indescriptible (de in- + lat. describere « décrire »), indispensable (de in- + dispenser), inoubliable (de in- + oublier), insouciant (de in- + soucier), introuvable (de in- + trouver), inusable (de in- + user), irréprochable (de in- + reprocher), etc. Parfois le rad. est un subst. : indémaillable (rad. maille). Les subst. négatifs formés sur un subst. positif (abstr.) sont rares et paraissent anormaux lorsque le rad. n'est pas un déverbal :
infranchise, subst. fém. « Manque de franchise » V. épidémie ex. de Clemenceau
inindulgence, subst. fém. « Manque d'indulgence ». L'inindulgence pour les idées des autres (HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 201)
inorthodoxie, subst. fém. « Manque d'orthodoxie ». La seconde constatation (...), c'est que le drame même du livre n'existe qu'en raison de son inorthodoxie (GIDE, Corresp. [avec Claudel], 1909, p. 103)
irréciprocité, subst. fém. « Manque de réciprocité ». Alors par toute la peau et sur un visage à des kilomètres, je sentis la sourde horreur de l'irréciprocité. Un visage qui change, c'est le pire. On reste seul sur la terre (COCTEAU, Potomak, 1919, p. 316)
B. — Le préf. est l'un des plus productifs au XXe s. (notamment dans la lang. publicitaire où il indique une qualité ou une protection : incollable, indéchirable, infeutrable, etc.), où apparaissent de nombreux néol.
1. Néol. usuels, surtout en -able/-ible et en -é/-ée : importable; inactinique, inchauffable, incollable, incompréhensif, indatable, indécidable, indémaillable, indémontable, infeutrable, infroissable, invivable, etc.
2. Néol. éphémère, hapax ou néol. rares
Adjectif :
incaractérisable. « Qui ne peut être caractérisé ». Le [ce désir de Dieu] biffer de la cosmologie objective pour en retrouver la vraie dimension, incaractérisable, inobjectivable, métaproblématique (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 181)
incueillissable. « Qui ne peut être cueilli ». Et, comme une pervenche incueillissable et refleurie, ses yeux ensoleillés d'un sourire bleu (PROUST, Guermantes, 1920, p. 12)
inétreignable, « Qui ne peut être étreint ». Je ne sais quel angoissant besoin de m'élever, sans pouvoir y atteindre, jusqu'à des idées et des formes inétreignables (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 161). Dans mes rêves, elle m'apparaissait constamment comme une figure inétreignable, insaissable (GIDE, Et nunc manet, 1951, p. 1132)
infixable. « Qui ne peut être fixé ». Desnos (...) emprunte la personnalité de l'homme vivant le plus rare, le plus infixable, le plus décevant (BRETON, Nadja, 1928, p. 28). Une région sans contour défini, incandescente et infixable (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 11)
intransgressible. « Qui ne peut être transgressé ». V. escapade ex. de Arnoux
Part. passé-adj. :
inécrit, -ite. « Qui n'est pas écrit ». On essaie d'altérer le texte de ces lois inécrites pour nous fermer les yeux sur des résultats désolants (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. XIV). Lacédémone (...) l'a laissé [un poème], mais inécrit, sinon dans Hérodote (THIBAUDET, Réfl. litt., 1936, p. 212)
irrésigné, -ée. « Qui n'est pas résigné ». Une femme (...) aux prunelles irrésignées et pensives (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 240). La pitié produite « par ma vieillesse irrésignée, se donnant l'illusion de produire » (GONCOURT, Journal, 1896, p. 945)
C. — Pour le sens, le préf. in- peut entrer en concurrence (ou être voisin de sens) avec d'autres préf. négatifs ou privatifs (p. ex. insensibiliser/désensibiliser, amoral/immoral, inconnu/méconnu, inharmonieux/disharmonieux, impesanteur/apesanteur/non-pesanteur). Ailleurs, il est voisin du préf. anti- (Des sensations aussi profondément inartistiques, anti-artistiques, que celles de l'alpinisme (GIDE, Journal, 1910, p. 310)) ou du préf. dé- (Simple in-arrangement ou dérangement physiques d'abord, au niveau de la matière (TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p. 346))
Sert à former des mots ayant une valeur intensive : superl. (incroyable, indescriptible, insondable, insoupçonnable; inouï), méliorative (inattendu; inespéré, insoupçonné, inégalé; incomparable, inégalable, inestimable, inoubliable), péj. (insignifiant; innommable, inqualifiable). Dans leur accept. techn., certains termes prennent la négation non à la place du préf. in- : inadmissible/non admissible, inacceptation/non acceptation, inconsommable/non consommable, inévident/non évident, irrecevable/non recevable (dr.), etc. Pour le subst., l'emploi de non- l'emporte sur in- : non-traitement, non-ingérence, non-existence, etc.
Sert à former des mots exprimant une idée de refus (à des principes, à des règles p. ex.) : inconvenant, incorrect, indélicat, inhospitalier, impoli, intolérant; indiscipliné, indompté, insermenté, insoumis, insubordonné; impolitesse, impudeur, inacceptation (néol.), incivisme (vieilli), inconduite, inconvenance, incorrection, indiscipline, inobservance, inobservation, insoumission, insubordination, intolérance, irrespect.
Prononc. et Orth. :
I. — In- + voyelle ou h muet > in- [in-] : in-1 : inactif, inhabituel; in-2 : inaugurer, inhérent, etc. Ds innocent... (in-1), innerver, innover... (in-2) in = i car n < nuire, nerf, neuf.
II. — In- + consonne
1. In- + l > ill- [il(l)-] par assimilation de [n] à [l] : in-1; illégal, illisible; in-2 : illusion, illustrer. Except. : inlassable (au lieu de illassable) généralisé à la fin du 19e s. (cf. GREV. 1964 § 147).
2. In- + b ou p > imb-, imp- [-], [-] par nasalisation de la voyelle et labialisation de [n] en
sous l'influence de ou [p]; in-1 : imberbe, imbuvable, impatient, etc.; in-2 : imbiber, imbriquer, implorer, importer, etc.
[b]3. In- + m
a) > imm- [im(m)-] par assimilation de [n] à
dans les dérivés formés dès le lat. : in-1 : immaculé, immuable; in-2 : immanent, immerger.
b) > imm- [-] par nasalisation et assimilation de [n] à
dans les dérivés formés à partir du fr. : in-1 : immangeable, immanquable, immariable, immettable. Pas de dérivés pour in-2.
4. in- + r > irr- [()-] par assimilation de [n] à [] : in-1 : irraisonné, irréel; in-2 : irradiation, irriguer, etc. Except. : inracontable. Bien que savants, les mots ainsi formés perdent la prononc. géminée en se banalisant : comparer innocent [] et innocuité [in(n)], illustre [il(l)] et illustré [], irradiation [()] et irritation []. Rarement in-1 s'écrit détaché pour insister sur la négation : in-aimable (TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p. 297), in-médiatisable (MARCEL, Journal, 1920, p. 241).
BBG. — GALL. 1955, p. 365. - PINCHON (J.). Les Préf. négatifs : in-, non-, a-. Fr. Monde. 1971, n° 82, pp. 45-46; 1972, n° 86, pp. 45-46. - STAAFF (E.). Ét. sur les mots composés av. le préf. négatif in- en fr. St. neophilol. 1928, n° 1, pp. 45-73.
II.
⇒IN-2, élém. formant
Élém. initial issu de la prép. lat. in « dans, en, parmi, sur », à valeur locative et inchoative, entrant dans la formation de qq. termes fr., princ. des subst. abstr., où il indique un mouvement vers l'intérieur (idée de pénétration ou bien de recourbement, d'enroulement) ou la position intérieure (dans l'espace ou le temps); apparaît dans de nombreux termes empr. directement au lat. Ainsi, in, privatif et expulsif (...) est positif et collectif dans incorporé, incarcéré : mais, ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'il signifie à la fois dedans et dehors dans les mêmes dérivés. Incorporé veut dire entré dans un corps, et incorporable, qui n'y est pas encore entré. Il en est de même d'incarcéré et d'incarcérable (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 270).
A. — Idée de « pénétration dans », d'« imprégnation »
1. Verbe. V. imboire, inclure, infiltrer et aussi :
intuméfier (s') (d'apr. le lat. intumescere), verbe pronom., néol. d'aut., littér. « S'enfler, prendre de l'importance ». Le moi se gonfle, s'intuméfie, s'étale, expose toutes ses hideurs (GIDE, Journal, 1927, p. 833)
2. Subst. d'action. V. impaludation, incération, innervation, insalivation et aussi :
implacentation (de placenta), subst. fém., hapax. Une réussite extraordinaire de fécondité charnelle (...) comme une implacentation charnelle (PÉGUY, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 733)
incrétion, subst. fém., biol. Synon. rare de sécrétion interne. Anton. excrétion. Étendre (...) aux besoins habituels d'incrétion, ce sentiment de honte qui (...) accompagne de plus en plus la satisfaction des divers besoins d'excrétion (COMTE, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 503, note 1)
inculturation (de culture), subst. fém., , néol.anthropol., théol. Insertion du message chrétien dans une culture donnée. [Le] Père Dis Amoltavadass, théologien indien qui travaille en faveur de l'« inculturation » de la foi chrétienne en Inde (Le Monde, 15 juill. 1981, p. 16, col. 2)
intubation, subst. fém., méd. « Introduction dans la trachée d'un tube souple relié à un appareil d'anesthésie ». Synon. tubage. On pourrait, pour pallier immédiatement aux symptômes asphyxiques (...), pratiquer l'intubation avec un tube long (BORY ds Nouv. Traité Méd., fasc. 8, 1925, p. 288). Intubation du larynx (Catal. instrum. chir. (Collin), 1935, p. 197)
invigoration (du lat. vigor « vigueur »), subst. fém., physiol. et psychol. « Période d'acquisition du plein développement du corps et des facultés chez l'homme; fait de donner de la vigueur ». Psychothérapies de soutien et d'invigoration (Lexis 1975; ds LITTRÉ, GUÉRIN 1892 et ROB. Suppl. 1970)
Rem. Inquart, inquartation, est une formation isolée.
B. — Idée de « recourbement », d'« enroulement »
1. Verbe. V. infléchir.
2. Subst. d'action. V. invagination et aussi :
incubitation (du lat. cubitus « coude »), subst. fém., hapax. « Manière romaine de se coucher à table en s'appuyant sur le coude ». (Ds LITTRÉ, GUÉRIN 1892). Physiquement envisagée, l'incubitation exige un certain déploiement de forces pour garder l'équilibre, et ce n'est pas sans quelque douleur que le poids d'une partie du corps porte sur l'articulation du bras (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 270)
infrutescence (du lat. frutescere « se couvrir de rejetons », d'apr. inflorescence), subst. fém., bot. « Mode de groupement des fruits d'une plante; p. méton., groupe de fruits en grappes, faisant suite à une inflorescence ». Les grappes (inflorescences puis infrutescences), lorsqu'elles existent, occupent l'emplacement des vrilles dont elles peuvent être considérées comme homologues (LEVADOUX, Vigne, 1961, p. 13)
intorsion (du lat. intorquere « entortiller »), subst. fém., bot. « Enroulement du dehors en dedans ». Synon. involution. Intorsion d'une feuille. (Ds ROB., Lar. Lang. fr.)
C. — Adj. en -é. Idée de « position intérieure ». V. involuté et aussi :
incardiné (du lat. cardo, cardinis « pivot »), adj. masc. « Qui est incorporé à un diocèse, par opposition au clerc sans attache juridictionnelle » (Lar. 20e, Lar. Lang. fr.). Prêtre incardiné (à un diocèse)
inviscéré, -ée (de viscère), adj. « Fixé dans, faisant partie intrinsèque de ». Ce qui compte en politique ce ne sont pas les intentions, mais les résultats. Sans doute touchons-nous là au comportement le plus profondément inviscéré dans l'esprit marxiste (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 17). C'est au niveau de ces savoir-faire préformés que l'action du corps est inviscérée dans la connaissance du monde (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 232)
Formation et vitalité :
A. — In-2 est d'orig. sav.; correspond à la particule en-, de même sens, de formation pop. (p. ex. implicare > employer, inflare > enfler, inflammare > enflammer, inducere > enduire, invadere > envahir, etc.), ce qui donne un certain nombre de couples caractéristiques de la morphologie française comme enflammer/inflammation, envahir/invasion, enchanter/incantation, etc. Le préf. locatif in- était très vivace en lat. et il se retrouve en fr. dans de très nombreux termes d'empr. : incarcérer (lat. incarcerare « mettre en prison »), incarner (lat. incarnare), incliner (lat. inclinare « pencher vers »), incomber (lat. incumbere « peser sur »), incorporer (b. lat. incorporare, de corpus « corps »), influer (lat. influere « couler dans »), ingérer (lat. ingerere « porter dans »), ingrédient (lat. ingredi « entrer dans »), inscrire (lat. inscribere « écrire dans »), inséminer (lat. inseminare), installer (lat. installare « mettre dans sa stalle »), instiller (lat. instillere), insuffler (lat. insufflare), involution (lat. involvere), etc.
B. — Pour le sens, in-2 s'oppose 1. au préf. é-/ex- (intérieur/extérieur, dedans/dehors), p. ex. : immerger/émerger, immigrer/émigrer, implicite/explicite, importer/exporter, inclure/exclure, incrétion/excrétion, inhalation/exhalation; cf. implosif (d'apr. l'angl. explosive); 2. ou parfois au préf. dé- : impartir/départir, induire/déduire, inflation/déflation, ingurgiter/dégurgiter, invaginé/dévaginé.
Prononc. et Orth. V. in-1. Bbg. GOOSSE 1975, pp. 21-22.
III.
⇒IN(-)3, (IN, IN-)élém. de loc.
Prép. lat. signifiant « en, dans, parmi, sur », entrant dans des loc. lat. passées telles quelles en fr., notamment dans la lang. didact., dans les domaines du dr. et de la liturg. lat., dans des termes d'impr. (subst. masc., gén. inv.) indiquant un format d'ouvrage; prép. ital., de même sens, dans qq. loc. passées en français.
A. — ÉD., IMPR., adj. et subst. masc. gén. inv. [Dans des termes indiquant un format de livre imprimé]
1. [Le 2e terme est d'orig. lat.] V. in-folio, in-octavo, in-plano, in-quarto, etc.
2. [Le 2e terme est un nombre fr.] V. in-dix-huit, in-douze, in-seize, in-trente-deux et aussi :
in-quatre-vingt, adj. et subst. masc. inv., hapax. « Où la feuille est pliée en quatre-vingts feuillets, soit cent soixante pages ». Format in-quatre-vingt. Dans ces « petits sacs de papier » où Rivarol jetait ses pensées au fur et à mesure qu'il les écrivait, il s'en est trouvé encore assez pour former un vol. in-80 « du plus haut intérêt » (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1832, p. 138)
in-soixante-quatre, adj. et subst. masc. inv. « Où la feuille est pliée en soixante-quatre feuillets, soit cent vingt-huit pages ». Édition, format, volume in-soixante-quatre; un/des in-soixante-quatre. Cet almanach, qui se vend un sou, consiste en une feuille pliée soixante-quatre fois, ce qui constitue un in-64, de cent vingt huit pages (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 557)
Rem. 1. Plus rare a) In-cent-vingt-huit. Comment on doit exécuter toutes les impositions, depuis l'in-folio jusqu'à l'in-128 (MOMORO, Impr., 1793, p. 196). Voir ID., op. cit., p. 208. b) In-quarante-huit. Voir ID., op. cit., p. 207 et SCHUWER. Éd. 1977. c) In-quatre-vingt-seize. Voir MOMORO, op. cit., p. 208. d) In-six. L'in-6 comprend 12 pages ou 6 feuillets, réunion de 3 in-folio (É. LECLERC, Nouv. manuel typogr., 1932, p. 287). e) In-soixante-douze. Voir MOMORO, op. cit., p. 208. f) In-trente-six, in-36. (Ds Lar. 19e-20e). g) In-vingt-quatre. (Ds Lar. 19e-20e). 2. P. plaisant. Son livre de la vie fut in-soixante-quinze ans (RENARD, Journal, 1895, p. 276).
B. — Élément de loc. lat. ou ital.
1. Prép. lat., élém. de loc. adv. (et adj.)
a) Loc. adv. didact. V. in extenso, in extremis, in fine, in pace, in partibus, in situ et aussi :
in abstracto (loc. lat. « dans l'abstrait », du lat. class. abstrahere « abstraire »), loc. adv., philos. et usuel. « De façon abstraite, sans tenir compte de la réalité des faits, sans considérer un cas particulier d'expérience ». Anton. « in concreto » (infra), en pratique. Juger, raisonner « in abstracto »; principe élaboré « in abstracto »; théorie « in abstracto ». C'est en ce sens que nous devons regarder les instants et les intervalles (ainsi que nous l'avons fait in abstracto, en exposant les catégories) comme n'étant donnés qu'avec leurs synthèses, qui sont les durées (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. 40). L'on ne peut pas opérer sur elles [les raisons] in abstracto, du dehors, comme en géométrie, ni résoudre pour autrui les problèmes que la vie lui pose (BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 7). Capable il est vrai des attachements les plus fidèles, mais toujours quelque peu in abstracto (GIDE, Journal, 1931, p. 1045).
in articulo mortis, loc. adv., théol. « À l'article de la mort ». À cette heure où je résume ma vie avec le même calme et le même esprit de justice que si j'étais, avec la pleine possession de ma lucidité, in articulo mortis (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 286).
in concreto (lat. « dans le concret »), loc. adv., philos. « Dans la réalité des faits, en pratique ». Synon. concrètement; anton. « in abstracto » (supra). Je retrouve ici in concreto ce que j'ai dit plus haut. Ma prière ne peut pas être pensée comme n'intéressant, n'atteignant pas Dieu (G. MARCEL, Journal, 1918, p. 159). Car c'est lui [le jugement pratique] qui applique in concreto à une action ce qui était dit universellement et in abstracto dans la règle (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 233).
in cute (p. ell. de intus et in cute, fragment d'un vers de Perse, Satires, III, v. 30 : Je te connais à fond et dans la peau; la loc. sert d'épigraphe aux Confessions de J.-J. Rousseau), loc. adv., littér. « À fond et dans la peau ». Elle le connaît in cute (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 113). Tu prétends te peindre intus et in cute, mais ta vertu t'habille et elle a fini par si bien t'envelopper que tu ne peux plus même voir ta peau (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 9).
in globo (lat. « dans la foule; en masse »), loc. adv. « Dans l'ensemble, sans examiner le détail ». Synon. globalement, en gros. Je te parlerai de mes professeurs in globo, et (...) ce sera un sujet de conversation éternel pour l'avenir (J.-J. AMPÈRE, Corresp., 1827, p. 420). Dans les cas où le Conseil vote une résolution, il arrive que cette résolution soit éclairée ou même complétée par des énonciations du rapport lui-même. Il est arrivé que le Conseil ait approuvé un rapport in globo (Conseil S.D.N., 1938, p. 71). Elles [les banques centrales] ne font nullement la théorie des réactions d'un système bancaire considéré in globo à la demande de monnaie des agents économiques (Univers écon. et soc., 1960, p. 28-14).
in medias res (fragment d'un vers d'Horace, Art poétique, v. 148 : [Homère jette le lecteur] au milieu des choses), loc. adv., littér. « En plein sujet; au milieu de l'action ». C'est pour me conformer au précepte d'Horace, que je me suis lancé d'abord in medias res (MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 42). Le docteur Follin (...) qui comprend de suite ce que nous voulons et qu'il nous faut entrer in medias res, en suivant la clinique et en dînant avec les internes, avec la salle de garde (GONCOURT, Journal, 1860, p. 788). Quels épisodes présentera-t-il? Le choix en semble déterminé fatalement par une idée qui éclatera peu avant la fin de l'ouvrage, quand Gide sera in medias res (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 194).
in vitro (loc. lat. « dans le verre »), loc. adv. et adj., sc. nat., biol. « En dehors de l'organisme vivant, en milieu artificiel, en laboratoire (par exemple dans des tubes, des éprouvettes, etc.) ». Anton. in situ, in vivo (infra). Cultiver des cellules, des tissus « in vitro »; constatations, expériences, observations (faites) « in vitro ». Lorsque fut réalisée la culture in vitro d'éléments cellulaires normaux, on chercha à appliquer la technique à l'étude d'éléments cancéreux (J. VERNE, Vie cellul., 1937, p. 173). Holtfreter a réalisé in vitro l'expérience fondamentale de Spemann. Au fond d'un vase rempli d'une solution physiologique, on place un petit fragment d'organiseur, et l'on dépose, par-dessus, un morceau d'épiderme ventral prélevé sur un jeune embryon : le lendemain, on aperçoit, sur cet épiderme, l'indication d'une vésicule nerveuse (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p. 41). P. métaph. et au fig. Rien de plus émouvant que ce combat contre un ennemi qu'on ne peut apercevoir, qu'on ne peut même pas cultiver in vitro, contre un ennemi tout aussi insaisissable qu'une pensée ou que le génie du mal en personne (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 175).
in vivo (loc. lat. « dans l'être vivant »), loc. adv. et adj., sc. nat., biol. « Dans l'organisme vivant ou chez un animal d'expérience ». Anton. in vitro (supra). Croissance, culture, essais, études, expériences « in vivo ». On peut étudier aisément le phénomène [de la division cellulaire de l'oocyte] in vivo, sous le microscope, par exemple avec les œufs des étoiles de mer (CAULLERY, Embryol., 1942, p. 15). Les premiers essais in vivo de chimiothérapie, infructueux d'ailleurs, furent tentés par Chamberland (...) sur la bactéridie charbonneuse (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p. 81). Ces mêmes prodiges surviennent quand le somnambulisme est artificiellement produit et cette dernière production va devenir l'instrument favori de tous ceux qui voudront constater in vivo les facultés de clairvoyance (AMADOU, Parapsychol., 1954, p. 92).
b) En partic., loc. jur. (souvent issues de termes de dr. romain) :
in absentia (loc. lat. « en l'absence [de qqn] »), loc. adv. « En l'absence (de la personne intéressée; de ce qui est concerné) ». Anton. in praesentia. Le rapport syntagmatique est in praesentia : il repose sur deux ou plusieurs termes également présents dans une série effective. Au contraire le rapport associatif unit des termes in absentia dans une série mnémonique virtuelle (SAUSSURE, Ling. gén., 1916, p. 171).
in praesentia (loc. lat. « en présence [de qqn] »), loc. adv. « En présence (de la personne intéressée; de ce qui est concerné) ». Anton. in absentia (supra)
in prima instantia, loc. adv., dr. anc., dr. féod. « En premier ressort ». N'était-ce rien que d'exercer haute et basse justice (...) sans compter la menue juridiction en premier ressort, in prima instantia, comme disent les chartes, sur cette vicomté de Paris (...)? (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 227).
in re (loc. lat. « dans la chose »), loc. adv., dr., philos. 1. (Jus) in re. « (Droit) sur la chose ». Anton. ad rem. Le jus in re, droit dans la chose, droit par lequel je puis réclamer la propriété qui m'est acquise, en quelques mains que je la trouve (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 157). 2. « Qui est réel, positif, effectif ». Une solidarité effective, « in re » (Lar. Encyclop.)
in rem, loc. adv., dr. pénal. « Concernant la chose ». Au niveau de l'intruction, le juge qui en a la charge est saisi in rem (...) il ne peut instruire que sur les faits qui lui ont été soumis par le parquet ou la partie civile (H. ROLAND, L. BOYER, Loc. lat. et adages du dr. fr. contemp., Lyon, éd. L'Hermès, t. 1, 1977, p. 174).
in specie, loc. adv., « Dans son espèce ». Je ne les connais pas in specie [les gens de La Syrinx] — mais on en conte des choses! (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1892, p. 169). La controverse entre partisans de l'institution in genere et l'institution in specie (Théol. cath. t. 14, 1 1939, p. 576). Indique que la chose, objet du droit, est considérée non à raison de sa valeur (chose de genre), mais dans son irréductible identité (chose déterminée, certa res (...)). À l'inverse, la novation par changement d'objet suppose une modification in specie de l'objet de l'obligation (H. ROLAND, L. BOYER, Loc. lat. et adages du dr. fr. contemp., Lyon, éd. L'Hermès, t. 1, 1977, p. 174).
in statu quo, loc. adv. « Dans la situation présente, dans l'état actuel des choses ». Remettez-vous in statu quo. Puisque le tyran est à bas (BÉRANGER, Chans, t. 1, 1829, p. 123). Depuis ce temps, les affaires restent in statu quo, parce que ni le gouvernement, ni les États-Généraux n'ont le courage de régler, par un grand coup, les affaires embrouillées de la société (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 197).
in terminis (loc. lat. « en dernier lieu; dans les termes »), loc. adv. 1. Philos. « Dans les termes ». Chez lui [Nietzsche], elle [la contradiction] n'est pas tant dans les termes, in terminis, que dans les choses (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1899, p. 344). C'est incontestablement lui qui est accessible à l'invocation; et je vois bien la contradiction in terminis (G. MARCEL, Journal, 1919, p. 171). 2. Dr. « En termes formels; dans les propres termes (pour marquer qu'une interprétation littérale s'impose) » (d'apr. H. ROLAND, L. BOYER, op. cit., p. 178). La seule des cinq Propositions condamnées qui, selon la remarque de Du Pin, se trouve dans le livre en termes formels, in terminis (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 103). 3. Dr. eccl. (juridiction), vx. « (Décision) qui met fin à l'instance, au procès ». Décision rendue « in terminis » (Lar. encyclop.)
in utroque jure, loc. adv., vieilli « (Docteur) en droit civil et en droit canonique ». Les noms de la plupart d'entre eux figurent dans les pièces de procédure (...), Guillaume Groyguet et Robert de la Rivière, licenciés in utroque jure (HUYSMANS, là-bas, t. 2, 1891, p. 104). Enfin, un François de la Chaise, dont nous reprendrons l'histoire, bachelier « in utroque jure » de l'université de Dijon (E. SCHNEIDER, Charbon, 1945, p. 141).
in sensu obvio, loc. adv., philos. «Au sens apparent ». Cette proposition, prise, comme l'on dit, in sensu obvio, apparent et vulgaire, est fausse, absurde, injuste, contradictoire (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 220). Un de ses amis avait signé purement et simplement le formulaire sans ajouter d'explication, le croyant pouvoir faire en conscience d'après les termes du Bref d'Innoncent XII (in sensu obvio) (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 500).
in temporalibus (loc. lat. « dans les choses temporelles »), loc. adv., dr. eccl., vx. « Dans le domaine temporel ». Pouvoir direct « in temporalibus ». Attribuer à l'Église un haut domaine sur l'universalité des souverainetés temporelles elles-mêmes dans la ligne même du bien temporel à procurer, de telle sorte que les princes fussent tenus purement et simplement pour ses ministres ou délégués in temporalibus (MARITAIN, Primauté spirit., 1927, p. 184).
c) Loc. lat. de la liturg. romaine
Loc. usuelles :
in aeternum (lat. « pour l'éternité »). « Pour toujours ». Synon. in perpetuum. S'engager « in aeternum » par des vœux religieux. Je ne sais si l'on est « sacerdos in aeternum », mais on l'est certainement pour longtemps (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 267). Dans le lang. cour. (pour désigner une très longue durée). Un peigne (cassé), une glace (cassée), un stylo (cassé), un portefeuille, un tube à parfum vide, tout ce qui bourre in aeternum les poches des garçons, hors desquelles cela glisse à chaque coup qu'ils s'étendent (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 989). Mon problème, alors, c'était d'être bon in aeternum. Tout changea quand ma vie prit de la vitesse (SARTRE, Mots, 1964, p. 196).
in memoriam (lat. « à la mémoire (de qqn) »). « En souvenir (inscription funéraire ou écrit en hommage à un défunt) ». In memoriam Henry de Bruchard. Ici repose Henry de Bruchard (TOULET, Contrerimes, 1920, p. 151). Chapitre XIX (...). Une catastrophe. Intervention regrettable de M. Ruaux. Jupiter et la foudre. Un soir d'orage. Silence et douleur. In memoriam (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 220).
in saecula saeculorum (lat. « pour les siècles des siècles », formule finale de nombreuses prières d'Église) , dans le lang. cour. (pour indiquer une chose de longue durée). L'Et nunc et semper et in secula seculorum de la liturgie est la devise de ces sublimes poètes inconnus dont les œuvres consistent en de magnifiques épopées enfantées et perdues entre deux cœurs! (BALZAC, Illus. perdues, 1837, p. 26).
Subst. masc. inv., hymnes liturg. lat. (chantés en grégorien) :
In exitu (p. ell. de In exitu Israël de Aegypto, « à la sortie d'Israël du pays d'Égypte », psaume de la délivrance) . « Psaume chanté à l'Office des défunts ». La plupart des psaumes sont sublimes de gravité (...). L'In exitu, arrangé par Rameau (...) est peut-être (...) du siècle de Charlemagne (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 5). Cette fête du passage (...) qui a fait chanter l'In exitu, l'O Filii (E. DE GUÉRIN, Journal, 1840, p. 369). À la mort de la mère Agnès, pendant l'office de la sépulture (...), quand le chœur en vient à l'In exitu, les religieuses ne peuvent retenir leurs larmes (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 28).
in manus (p. ell. de In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum, « en tes mains, Seigneur, je remets mon esprit ») . « Répons bref des Complies ». Nous ignorons l'In manus tuas, Domine, qui est une des rares leçons brèves que les paroisses chantent (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 131). Dire son « in manus », loc. verb. « Recommander son âme à Dieu juste avant de mourir ». On lui dit avant de le tuer : Recommande ton âme à Dieu; pardonne-moi et fais un acte de contrition. Il dit son in manus, pardonne, et on l'égorge (COURIER, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 2, 1822, p. 159). Le bossu se jeta dans ses jambes pour le renverser. Il n'eut que le temps de dire son in manus. Le vieux avait tiré un couteau tout ouvert de la poche de sa houppelande et lui scia le cou (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 191)
In Paradisum (lat. « au paradis ») . « Antienne de l'absoute, chantée après la Messe des défunts; p. méton. et p. ext., pièce de musique religieuse composée sur cet hymne ». J'étais à Fauré définitivement conquis (...) : je ne sais si rien dans la musique est plus proche de l'ingénue, de la florale suavité de Fra Angelico que le In Paradisum (DU BOS, Journal, 1928, p. 54). L'In Paradisum de Fauré, musique admirable et qui semble baignée dans une lumière très douce, une lumière de fin d'après-midi (GREEN, Journal, 1949, p. 297).
2. Prép. ital., élém. de loc. adv. V. in-petto et aussi :
in fiocchi, loc. adv. « En tenue de gala ». Je (...) me dirigeai en silence vers la cuisine, moi ouvrant la procession, les époux servant d'acolytes, la famille représentant les fidèles, et la cuisinière in fiocchi fermant la marche (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 337). L'assemblée était nombreuse, conviés et visiteurs se mettaient in fiocchi (BALZAC, Vieille fille, 1836, p. 306). Des dames de la ville s'étaient mises sous les armes, et comme on dit à Rome, in fiocchi. Pas un diamant ne restait dans les écrins, et tout cela brillait et scintillait sur des poitrines plus ou moins blanches (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 262).
Formation et vitalité. Les loc. lat. passées telles quelles en fr. mod. restent vivaces en emploi adv., notamment dans la lang. didact., dans le domaine du dr.; en emploi subst., dans le domaine de l'impr. La liturg. lat. romaine maintient les hymnes lat. par la survivance du chant grégorien que le Concile Vatican II recommande, bien que le lat. d'Église soit supplanté par la lang. vernaculaire; les loc. ital. sont rares.
Prononc. et Orth. : [in]. Trait d'union dans les formats d'impr. V. in-folio. Étymol. et hist. Pour la prép. lat., v. en-étymol.

1. in-
Élément négatif, du lat. in-, préfixe.
Ce préfixe négatif (variantes im-, il-, ir-) est surtout productif avec des adjectifs et participes, notamment avec les adjectifs en -able. La combinaison qui en résulte, formée à partir du positif ou du radical verbal qui lui sert de support, marque l'impossibilité. Cette combinaison, pratiquement sans limite, admet des mots de formation très libre dont l'emploi reste isolé ou restreint, comme en témoignent les exemples ci-après.
1 Si certaines des nouveautés proposées (par Pougens, dans son Vocabulaire des privatifs français, en 1794) surprennent (…) imblessé, indéplorable, indéshonoré (…) illumineux, improgrès, inhumble, illatiniste, illittérature, il n'en manque pas qui agréent plus ou moins : immariable, inadouci, inassorti, ingouverné, ingravement, (…) inassouvi (…) inavoué, incohérence, incompris, inestimé, inharmonieux, inhospitalier, ininflammable, inintelligent, irréel, irréfléchi, irrespect, insincère, instable, insuccès, intenable. Certains de ces mots, le lecteur l'a déjà remarqué, sont aujourd'hui d'usage courant.
F. Brunot, Hist. de la langue franç., t. X, II, p. 603.
2 Impeccable, impavide, indifférente, inaccessible. Juliette semblait illustrer la liste complète des adjectifs commençant par in. « Inamovible ! » murmurai-je un jour (…)« Inamovible ?… demanda-t-elle.— Inaccordable, inaccostable, inaccusable… (…) »
P. Guth, le Mariage du naïf, XVII, p. 182.
3 J'aimais les maths mais, dans ma famille, on disait que ce n'était pas féminin. Une fille qui fait des maths c'était, paraît-il, « incasable » ou alors avec un prof de maths.
Marie Cardinal, les Mots pour le dire, p. 51-52.
4 (…) quand (…) elle avait vu sa mère, jusque-là comme elle-même incernable, infinie, projetée brusquement à distance, se pétrifier tout à coup en une forme inconnue aux contours très précis (…) elle avait eu envie de fermer les yeux (…)
N. Sarraute, le Planétarium, p. 71.
5 (…) comme une pervenche incueillissable et refleurie, ses yeux ensoleillés d'un sourire bleu.
Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 12.
6 (…) toujours le même calme, la même absence de peur, de doute, faite non pas de courage mais de cette indynamitable certitude d'être physiquement et moralement hors d'atteinte (…)
Claude Simon, le Vent, p. 114.
7 (…) je ne sais quel angoissant besoin de m'élever, sans pouvoir y atteindre, jusqu'à des idées et des formes inétreignables (…)
O. Mirbeau, le Journal d'une femme de chambre, p. 173.
8 Détesté des autres joueurs, redouté des directeurs et prêteurs, à cause de sa formidable situation au Figaro, il règne en despote, là comme ailleurs, abhorré, mais inexpulsable.
Léon Bloy, le Désespéré, p. 249.
9 Je dirai qu'elle était « inhumiliable », parce qu'elle était fort humble de nature (…)
J. Dutourd, les Horreurs de l'amour, p. 245.
10 (…) à le supposer gratuit, l'acte mauvais, le crime, le voici tout inimputable; et imprenable celui qui l'a commis.
Gide, les Caves du Vatican, IV, 7, in Romans, Pl., p. 818.
11 (…) c'est après que Marc (Allégret) a cessé de tourner (…) que le geste naïf, exquis, ininventable, irrefaisable est donné.
Gide, le Retour du Tchad, IV, in Souvenirs, Pl., p. 925.
12 Parvenu enfin à la plénitude de sa force intellectuelle et physiologique, il était, de tous les hommes, le plus tendre et le plus inséductible.
Léon Bloy, le Désespéré, p. 53.
13 Ce n'est pas parce que Mesnard a renoncé à divorcer (…) que je puis lui demander de partager avec moi le fardeau des dettes de Georges. Au contraire. Il me semble qu'il est encore plus intapable, si j'ose risquer ce néologisme (…)
J. Dutourd, Pluche, XIII, p. 226.
14 Les experts sont incorruptibles et invampables.
A. Sarrazin, la Cavale, p. 51.
15 Ah, ah ! Monsieur se vexe. Où la vanité littéraire ne va-t-elle se nicher !— Non, mon vieux ! Je suis invexable.
J. Dutourd, les Horreurs de l'amour, p. 185.
Les composés de in- négatif avec une base substantive sont, en revanche, plus rares, et souvent anormaux (quand il ne s'agit pas d'un substantif verbal).
16 (…) je bâtis, au-delà du rêve confortable, des illimites de tendresse et de joie (…)
A. Sarrazin, la Cavale, p. 313.
17 (…) le plus touchant, c'était, aux heures de l'extase sans frémissement, de l'inagitation absolue familière aux contemplatifs, un crépuscule de lune diamanté de pleurs, inexprimable et divin (…)
Léon Bloy, le Désespéré, p. 154.
18 (…) cette inéclosion surprenante de l'œuf (…)
Léon Bloy, le Désespéré, p. 86.
L'emploi du préfixe sous la forme in-, à la place des formes assimilées il-, ir-, est de plus en plus courant pour les formations nouvelles (inracontable, etc.). On rencontre des réfections destinées à introduire une variante de sens ( Inréel, par rapport à irréel).
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2. in-
Préfixe locatif, du lat. in, prép., « en, dans, sur » : incorporer, infiltrer, inspecter… Var. : il-, im-, ir-.

Encyclopédie Universelle. 2012.