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obscur

obscur, ure [ ɔpskyr ] adj.
XIIe; lat. obscurus
I
1Qui est privé (momentanément ou habituellement) de lumière. enténébré, noir, sombre. « Nuit sans étoiles, nuit obscure ! » (Baudelaire). « une de ces cours obscures où le soleil ne pénètre jamais » (Balzac). « Un enchevêtrement de ruelles obscures » (Courteline). Loc. Les salles obscures : les salles de cinéma.
2Qui est foncé, peu lumineux. sombre. « Les écueils se dessinent en grisailles obscures » (Loti). Subst. « Une insensible dégradation du clair à l'obscur » (A. Gide). aussi clair-obscur.
II Abstrait
1(Discours, texte) Qui est difficile à comprendre, à expliquer (par sa nature ou par la faute de la personne qui expose). abscons, abstrus, incompréhensible. « Cet amas de phrases louches, irrégulières, incohérentes, obscures » (Voltaire). brumeux, confus, embrouillé, équivoque, fumeux, jargonneux. Déchiffrer, éclaircir un texte, un passage obscur. Poème obscur. ésotérique, hermétique. Par ext. Poète obscur.
2Mal connu, difficile à connaître, à expliquer. inexplicable, mystérieux. « Des questions complexes ou obscures non encore étudiées » (Cl. Bernard). « Pour des raisons qui me sont demeurées obscures » (Duhamel). « Il y a deux points que je trouve encore obscurs » (Romains). Périodes obscures de l'histoire.
3Qui n'est pas net, pas défini; que l'on sent, perçoit ou conçoit confusément, sans pouvoir l'analyser. 3. vague. « Un obscur instinct de conservation » (Gautier). Un obscur pressentiment. « Un sentiment encore obscur et à peine éveillé » (Maupassant).
Dont on sent les effets sans en connaître la nature, l'origine. « L'histoire n'est pas le résultat de hasards obscurs » (Daniel-Rops).
4(Personnes) Qui n'a aucun renom, qui n'est pas connu. ignoré, inconnu. « Je crèverai obscur ou illustre » (Flaubert). « Un obscur et inepte compilateur » (Chamfort). N. « Et nous les petits, les obscurs, les sans-grade » (Ed. Rostand).
Qui est d'une condition sociale modeste. humble . « Tous gens obscurs, de pauvres gens » (Michelet). Vie obscure. Ils s'employaient « à des besognes obscures et mal payées » (Martin du Gard).
⊗ CONTR. Clair, éblouissant, éclatant, lumineux. — Connu, distinct ; intelligible, 2. net, 1. précis. Célèbre, fameux, illustre.

obscur, obscure adjectif (latin obscurus) Se dit d'un lieu privé de lumière, sans lumière suffisante : Une ruelle obscure. Qu'il est difficile de comprendre, de pénétrer : Un texte obscur. Qu'il est difficile d'exprimer, d'analyser : Un malaise dû à un obscur pressentiment. Qui reste dans l'ombre, sans renom, ignoré et humble : Un romancier obscur. Mener une existence obscure.obscur, obscure (citations) adjectif (latin obscurus) Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. Le Cid, IV, 3, Rodrigue Pierre Fournier, dit Pierre Gascar Paris 1916-Lons-le-Saunier 1997 Les vérités de l'obscur ne se formulent pas. L'Arche Gallimard Jules Lagneau Metz 1851-Paris 1894 Disons-le hardiment, philosopher c'est expliquer […] le clair par l'obscur, clarum per obscurius. In Revue philosophique février 1880 Jean Paulhan Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968 Académie française, 1963 L'esprit est un monde à l'envers. Le clair y procède de l'obscur, la pensée y sort des mots. Les Fleurs de Tarbes Gallimardobscur, obscure (expressions) adjectif (latin obscurus) Nuit obscure, très sombre. Salle obscure, salle de cinéma. ● obscur, obscure (synonymes) adjectif (latin obscurus) Se dit d'un lieu privé de lumière, sans lumière suffisante
Synonymes :
- crépusculaire
- noir
- ombreux
- opaque
- sombre
- ténébreux
Contraires :
- clair
- éblouissant
- ensoleillé
- limpide
- lumineux
- radieux
Qu'il est difficile de comprendre, de pénétrer
Synonymes :
- abscons
- abstrus
- ésotérique
- fuligineux
- fumeux
- hermétique
- incompréhensible
- inintelligible
- sibyllin
Contraires :
- accessible
- clair
- compréhensible
- intelligible
- limpide
- net
- précis
- simple
Qu'il est difficile d'exprimer, d'analyser
Synonymes :
- ambigu
- confus
- insaisissable
- irraisonné
- mystérieux
Contraires :
- conscient
- raisonné
- réfléchi
Qui reste dans l'ombre, sans renom, ignoré et humble
Synonymes :
- humble
- ignoré
- méconnu
- oublié
Contraires :
- célèbre
- connu
- fameux
- glorieux
- illustre
- prestigieux
- renommé
- réputé

obscur, ure
adj.
d1./d Privé de lumière. Cour obscure. Syn. sombre.
d2./d Fig. Difficile à comprendre. Discours obscur.
|| Vague, confus. être tourmenté par d'obscurs désirs.
d3./d Qui n'a pas de notoriété. Né de parents obscurs, d'un milieu modeste.

⇒OBSCUR, -URE, adj.
A. —Qui est sans lumière. Synon. noir, sombre, ténébreux; anton. clair, lumineux.
1. Qui ne répand pas, ne reçoit pas de clarté. Cave, cour, pièce, rue, salle obscure; nuit obscure; ciel obscur; ténèbres obscures. Par une matinée obscure de novembre, à la lueur des douze cierges du catafalque, je lis (BARRÈS, Cahiers, t.5, 1907, p.219). Un insolite lumignon éclairait un angle généralement obscur de la pièce (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p.1252):
1. Le corridor était encore trop obscur pour qu'on pût distinguer son visage; mais quand l'homme arriva à l'escalier, un rayon de lumière du dehors le fit saillir comme une silhouette, et Jean Valjean le vit de dos complètement.
HUGO, Misér., t.1, 1862, p.533.
P. allus. littér. [P. réf. au vers de Corneille, Le Cid, IV, 3: Cette obscure clarté qui tombe des étoiles; v. aussi clarté A 1 a] Nous nous passions fort bien de l'électricité, Pour faire des orgies; On y voyait assez à l'obscure clarté Qui tombe des bougies (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p.37).
Locutions
PHOT. Chambre obscure. Synon. de chambre noire (v. chambre I C 2 h).
P. métaph. Dans la chambre obscure de mon esprit, chaque chose se peignait en couleurs charmantes (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.8). L'homme, (...) en présence d'une peinture, (...) croit voir (...) la réalité dans l'apparence. Ce que ne voit point son oeil, il l'aperçoit au fond de cette chambre obscure qui s'appelle l'imagination (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p.489).
PHYS., vx. Chaleur obscure. Chaleur émise par un corps porté à haute température, mais qui ne s'accompagne pas d'incandescence. (Dict. XIXe et XXe s.). Au delà des rayons rouges, existent des rayons infra-rouges, que l'on peut mettre en évidence par leur action thermique (rayons calorifiques obscurs) (COFFIGNIER, Coul. et peint., 1924, p.21).
P. métaph. Comme le spectre solaire, plus ample que les rayons colorés, l'action est à la fois lumière et chaleur obscure (BLONDEL, Action, 1893, p.306).
Les salles obscures. Les salles de cinéma; p. méton., l'industrie cinématographique. Une crise du cinéma qui, avant la fin de 1897, avait fait fermer presque toutes les salles obscures (SADOUL, Cin., 1949, p.26).
Emploi adv. Il fait obscur. Le soir (...) Il faisait obscur: je me suis promis de revenir et de faire ici quelques dessins (DELACROIX, Journal, 1854, p.249). Je t'ai vu mort, en songe, sur une place de Milan, (...) c'était à midi, en même temps il faisait obscur (JOUVE, Paulina, 1925, p.164).
Emploi subst. masc. Obscurité. Édouard aussi s'enfiévrait. Dans l'obscur, il griffonnait à tâtons des notes (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.199). Il s'avance dans l'épaisseur de l'obscur, les mains étendues devant soi, crainte de se heurter (VALÉRY, Tel quel II, 1943, p.56).
2. P. méton. [En parlant d'une couleur] Foncé, peu lumineux, terne. Anton. éclatant, vif. De longs cheveux châtain obscur et bouclés naturellement (MÉRIMÉE, Portr. hist. et littér., 1870, p.101). Vers lui arrivait au galop, pourchassé, un petit taureau d'un rouge obscur de cuir patiné (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.420).
Emploi subst. masc.
PEINT. Parties obscures d'un tableau. Le mieux conservé des ouvrages de Giunta Pisano se trouve dans l'église des Anges à Assise: c'est un Christ peint sur une croix de bois (...) on aperçoit quelques traces de la science des clairs et des obscurs (STENDHAL, Hist. peint., t.1, 1817, p.73). Clair-obscur.
CHASSE. ,,Faisan au plumage vert très sombre`` (BURN. 1970).
B.Au fig.
1. Domaine intellectuel. Qui n'est pas clair pour l'esprit, qui est difficile à comprendre, à expliquer. Synon. incompréhensible, inintelligible; anton. clair, limpide.
a) [Qualifie un fait, une situation] Affaire obscure; événement, mal obscur. L'histoire ancienne est obscure par le défaut de documents. Ils abondent dans le moderne (FLAUB., Bouvard, t.1, 1880, p.124). La situation était fort obscure après dix mois de cabinet Poincaré (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.199):
2. Le passé n'est pas fugace, il reste sur place. (...) ce n'est pas seulement quinze ans après un crime resté obscur qu'un magistrat peut encore trouver les éléments qui serviront à l'éclaircir...
PROUST, Guermantes 2, 1921, p.418.
b) [Qualifie l'activité de l'esprit, une de ses manifestations, en partic. dans le domaine de l'expression écrite ou orale] Idées, paroles, phrases obscures; langage, style obscur; passage, point, texte obscur. Quelle que soit l'interprétation donnée sur ce point à la pensée incertaine et obscure de Marx et de Engels, il importe peu (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.XLIX). La cybernétique, terme encore obscur au grand public (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p.172):
3. ... quand l'homme aborde un sujet obscur dans lequel tout est obscur pour lui ou dans lequel il n'a pour se guider que la lueur trompeuse de quelques notions incertaines, alors l'homme n'a plus de critérium; il va alors réellement de l'inconnu à l'inconnu...
Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p.209.
Emploi subst. masc. Quand les poëtes de l'époque classique n'y prennent pas garde, ils deviennent aisément prosaïques et languissants, comme les autres de l'école contraire tendent très-vite, s'ils ne se soignent, au boursouflé, au bigarré ou à l'obscur (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t.1, 1844-64, p.236). Un fervent du chef-d'oeuvre de Valéry [La Jeune Parque] a plongé et s'est établi, comme dans une cloche de verre, au plus profond et au plus obscur du poème (MAURIAC, Bloc-Notes, 1958, p.374).
PHILOS. Idée obscure. ,,Chez Descartes, est obscur tout ce qui s'ajoute à ce que l'esprit saisit directement et dans l'évidence, et qui vient des sens, de l'imagination et de la mémoire. Chez Leibniz, est obscure l'idée qui ne suffit pas à faire reconnaître la chose qu'elle représente; ainsi en va-t-il du souvenir d'un objet vu auparavant, dans la mesure où il n'est pas suffisamment précis pour permettre de le reconnaître au milieu d'autres quand il apparaît à nouveau`` (THINÈS-LEMP. 1975):
4. Comme, depuis Descartes, beaucoup de termes dont nous avons ici besoin ont changé de sens, il est nécessaire de rappeler la terminologie de l'École. On y oppose l'idée claire à l'idée obscure. On définit l'idée claire, celle qui distingue son objet de tout autre objet, l'idée obscure [it. ds le texte], celle qui ne le distingue pas ainsi.
Théol. cath. t.4, 1 1920, p.875.
RELIG. Nuit obscure:
5. Le thème favori de saint Jean de la Croix est un état qu'il nomme la «Nuit obscure». La foi exige ou se crée cette nuit, qui doit être l'absence de toute lumière naturelle, et le règne de ces ténèbres que peuvent seules dissiper des lumières toutes surnaturelles. Il lui importe donc, sur toute chose, de s'appliquer à conserver cette précieuse obscurité, à la préserver de toute clarté figurée ou intellectuelle (...). Demeurer dans la Nuit obscure et l'entretenir en soi doit donc consister à ne rien céder à la connaissance ordinaire...
VALÉRY, Variété V, 1944, p.166.
c) [P. méton., qualifie une pers., notamment un écrivain, un philosophe] N'être pas assez clair, pour le bon écrivain, c'est être obscur (RENARD, Corresp., 1902, p.270):
6. Mallarmé a compris le langage comme s'il l'eût inventé. Cet écrivain si obscur a compris l'instrument de compréhension et de coordination au point de substituer au désir et au dessein naïfs et toujours particuliers des auteurs, l'ambition extraordinaire de concevoir et de dominer le système entier de l'expression verbale.
VALÉRY, Variété III, 1936, p.27.
2. Domaine affectif. [Qualifie une réalité abstr., notamment une manifestation de l'esprit hum.] Qui est ou semble être confus, vague; qui ne se manifeste, ne se perçoit pas nettement. Synon. indéfinissable, indistinct, trouble, mystérieux; anton. net, précis. Certitude, menace obscure; instinct, sentiment obscur. Il y a tout au fond de nous un domaine, le plus riche domaine d'aspirations confuses, un domaine obscur, et ces psychologues scientifiques le reconnaissent comme la nappe profonde qui alimente nos pensées claires (BARRÈS, Pitié églises, 1914, p.90). Le romancier anglais Thomas Hardy a peint, dans son célèbre ouvrage Jude l'Obscur, un ouvrier courageux, opprimé et comme meurtri par les obscures chimères de son temps (L. DAUDET, Stup. XIXe s., 1922, p.236):
7. [Les Juifs] exécraient en lui [le Führer] le furieux démagogue qui faisait de l'antisémitisme le premier point de son programme, et de plus ils le méprisaient, parce que ces intellectuels-nés commettent naturellement l'erreur de ne pas estimer à leurs prix les forces obscures, instinctives, sentimentales, qui ne sont pourtant nulle part plus agissantes qu'en Allemagne.
THARAUD, Qd Israël n'est plus roi, 1933, p.147.
En partic. [En parlant d'une action gén. néfaste] Qui se prépare secrètement, dans l'ombre. Synon. clandestin, occulte. Menées obscures. Les pêcheurs ramenaient souvent du fond de l'eau quelque cadavre d'Allemand (...) les vases du fleuve ensevelissaient ces vengeances obscures (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Boule de suif, 1880, p.117).
3. Domaine soc. Qui n'est pas connu; qui demeure dans l'ombre. Synon. humble, inconnu; anton. célèbre, fameux, illustre.
a) [Qualifie une chose, une situation] [Le journaliste] rend compte des théâtres dans deux journaux obscurs, quoiqu'il soit assez instruit pour écrire dans les grands journaux (BALZAC, Gambara, 1837, p.49). Je sentais bien qu'il fallait renoncer pour toujours à la gloire, heureux encore si je pouvais me réfugier dans une obscure médiocrité! (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.361).
b) [Qualifie une pers.]
Qui est de basse extraction, de condition sociale modeste. Rougissant de ses obscurs parents, l'avoué fit rester sa mère à Mansle où elle s'était retirée (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.685).
Qui n'a pas acquis la gloire, la renommée; qui mène une existence effacée. Savant obscur. Omer jugea que cet homme eût pu être tout, et que volontairement il restait un obscur ecclésiastique (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.206). Ce n'est pas seulement en effet comme un praticien obscur, devenu, à la longue, notoriété européenne, que ses confrères considéraient Cottard (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.433):
8. ... la phrase où Gérard se donne à Jenny pour le pauvre et obscur descendant d'un châtelain du Périgord, révèle plus que le souhait naïf de se faire valoir auprès de la femme aimée.
DURRY, Nerval, 1956, p.48.
Emploi subst. Il me semble que les noms de Janvier-Dupont, du colonel Herpin (...) et de Paul Floche ne sont pas baignés d'une lumière éclatante. Vous mêlez les illustres et les obscurs dans l'album (A. FRANCE, Pt bonh., 1898, 5, p.514):
9. Et nous, les petits, les obscurs, les sans-grades,
Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades,
Sans espoir de duchés ni de dotations;
Nous qui marchions toujours et jamais n'avancions...
ROSTAND, Aiglon, 1900, II, 9, p.91.
REM. 1. [Néol. d'aut.] a) Obscurant, -ante, adj. Qui assombrit, obscurcit. Des arbres blancs, des arbres roses, dans lesquels les aquarellistes japonais n'introduisent même pas les obscurantes ombres de l'Occident (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, t.1, 1881, p.196). b) Obscuré, -ée, adj. Devenu, rendu obscur. En face du château complètement obscuré, sauf une chambre de domestique, où il y avait une lumière (GONCOURT, Journal, 1858, p.479). c) Obscurer, verbe trans. Plonger dans l'obscurité. Le chaos redoutable du fond entrait dans le chaos de la nuit, obscurant le public (GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p.87). 2. Obscurisme, subst. masc. Recherche délibérée de l'obscurité, de la difficulté intellectuelle (chez un artiste, un écrivain). Ce que Planche reprochait à Sainte-Beuve n'était rien de moins que ce qu'on appelle depuis Fernand Vandérem de l'obscurisme, mais alors que l'obscurisme d'un Mallarmé ou d'un Valéry s'explique par une recherche extrême de l'expression, celui de Sainte-Beuve avait au contraire sa source, du moins s'il faut en croire Planche, dans l'insuffisance de l'élaboration intellectuelle (A. BILLY, Sainte-Beuve, 1952, p.268 ds ROB. Suppl. 1970).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1160 oscur «privé de lumière» (Eneas, 195 ds T.-L.); 2. 1160-74 subst. oscur «l'obscurité» (WACE, Rou, éd. H. Andresen, II, 2304); 1549 l'obscur (DU BELLAY, Olive, 100 ds HUG.); 3. ca 1165 «de couleur sombre» (BENOÎT DE SAINTE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 3564); 1690 subst. «partie sombre d'un tableau» (FUR.). B. 1. 1160-74 «qui est difficile à comprendre» (WACE, Rou, éd. H. Andresen, II, 1264); 1549 subst. «ce qui est inintelligible» (DU BELLAY, OEuvres, éd. H. Chamard, I, 142) ; 2. 1662 «qui comprend mal» (Port-Royal, Logique, III, 19 ds LITTRÉ); 3. 1559 «inconnu, sans renom» (AMYOT, Demosth., 1, ibid.); 1611 «de basse naissance» (COTGR.). Empr. au lat. obscurus «sombre, ténébreux; difficile à comprendre; inconnu; caché, secret». Fréq. abs. littér.:6052. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 7450, b) 7994; XXe s.: a) 9817, b) 9193.
DÉR. Obscurateur, subst. masc. ,,Enveloppe cylindrique opaque, échancrée ou percée d'un voyant, qu'on met autour d'un tube contenant un liquide, pour en voir la surface`` (ROB. Suppl. 1970; ds Lar. 19e Suppl. 1878, dict. XXe s.). []. 1re attest. 1878 (Lar. 19e Suppl.); de obscur, suff. -(at)eur2.
BBG. —GREIMAS (A.-J.). Nouv. dat. Fr. mod. 1952, t.20, p.304 (s.v. obscurant). — KRISTOL (A. M.). Color ... Berne, 1978, pp.130-135. — VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], p.274 (s.v. obscurant).

obscur, ure [ɔpskyʀ] adj.
ÉTYM. XIIe; oscur, fin XIe; lat. obscurus.
———
I (Concret).
1 (Fin XIe). Qui est privé (momentanément ou habituellement) de lumière. Noir, sombre, ténébreux; → Demi-cercle, cit. 1 || Nuit obscure, ténèbres obscures. Aveugle. || Endroit, lieu obscur. || Ciel obscur, rendu obscur par d'épais nuages. Assombri, chargé, couvert, embrumé, épais, nébuleux, nuageux. || « Une atmosphère obscure enveloppe (cit. 8) la ville ». Triste. || Forêt obscure. Ombreux (→ Impénétrable, cit. 4, et aussi farouche, cit. 12, Hugo). || Antre (cit. 6), souterrain obscur. || Cave, caverne, crypte obscure. || Plonger qqn dans un cachot obscur, une prison obscure ( Oubliette). || Angle, coin, recoin, réduit obscur (→ Alcôve, cit. 2). || Pièce, salle obscure (→ Côté, cit. 6). — ☑ (1917). Loc. Les salles obscures (de cinéma).Nef obscure (→ Abside, cit. 2).Ruelle, impasse (cit. 2) obscure (→ Fourvoyer, cit. 2).Phys. || Milieu obscur. Opaque (→ Illumination, cit. 4). || Chambre obscure (ou noire). → Infléchir, cit. 3.
1 (…) je pousse une vieille porte cochère, et vois une de ces cours obscures où le soleil ne pénètre jamais.
Balzac, Gobseck, t. II, p. 631.
2 La salle, massive, obscure, soutenue par de lourds piliers romans (…) était éclairée par un jour déteint que filtraient au travers de leurs résilles de plomb, d'étroits carreaux. L'azur du plafond se fonçait (…) dans les ténèbres des voûtes, l'hermine des armes ducales apparaissait, confuse (…)
Huysmans, Là-bas, XVII.
3 Elle traversa une cour et, se perdant, se retrouvant parmi des recoins, des escaliers délabrés, des murs sans fenêtres, des couloirs sans air, de plus en plus sombres, elle s'arrêta sur un palier complètement obscur (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 204.
4 (…) ces salles que les jeunes critiques appellent les salles obscures parce qu'elles sont, en effet, chargées de répandre les ténèbres sur l'intelligence humaine.
G. Duhamel, Manuel du protestataire, V, p. 140.
Par métaphore. || Sommeil obscur, sans rêves, profond (→ Endormir, cit. 18).Il fait obscur ( Noir; sombre) : le temps est sombre, couvert, ou encore, ce lieu est mal éclairé.
Allus. littér. || « Cette obscure clarté (cit. 1) qui tombe des étoiles » (Corneille).
N. || L'obscur. Noir, obscurité.
5 Il (l'homme dans la nuit) s'avance dans l'épaisseur de l'obscur, les mains étendues devant soi, crainte de se heurter (…)
Valéry, Rhumbs, p. 152.
2 Indistinct, peu visible (à cause de l'éloignement…). || Des lointains obscurs (→ Enfoncer, cit. 35).
3 (V. 1160). En parlant d'une couleur. Qui est foncé, peu lumineux. Foncé, terne. || Grisailles obscures (→ Écume, cit. 2). || Un vert, un rouge obscur. Sombre, triste.Peint. || Ton obscur. || Parties obscures d'un tableau.
6 Mon enfant a des yeux obscurs, profonds et vastes,
Comme toi, Nuit immense, éclairés comme toi !
Baudelaire, les Épaves, Galanteries, IX.
N. || Le clair et l'obscur (→ Arrondir, cit. 5; détacher, cit. 11). aussi Clair-obscur.
———
II (Abstrait).
1 (Fin XIIe). Qui est difficile ou impossible à comprendre, à expliquer (de par sa nature ou par la faute de celui qui expose). Abstrus, difficile, énigmatique, impénétrable, incompréhensible, indéchiffrable, inexplicable, inintelligible, insaisissable, mystérieux. || Énigme (cit. 1) obscure. || Événements obscurs (→ Détective, cit. 2). || Intrigue obscure et embrouillée. Imbroglio; dédale. || Questions obscures (→ Enfance, cit. 14; espace, cit. 4). || Pour des raisons obscures, inconnues (→ Chahuter, cit. 1). || Point obscur (→ La bouteille à l'encre). || Discours, langage, parler obscur et non intelligible (cit. 4), par manque de netteté ( Ambigu [cit. 1], amphibologique, brumeux, confus, diffus, douteux, enveloppé, équivoque, flou, fuligineux, fumeux, indistinct, louche, nébuleux, trouble, vague, vaporeux), par excès de complication ( Complexe, compliqué, embrouillé, embroussaillé, entortillé). || Phrase obscure (→ Impropriété, cit. 2). || Style obscur et ampoulé. Amphigourique; amphigouri, phébus (vx). || Explications obscures et maladroites. Embarrassé.Sens clair et sens obscur. Cabalistique, caché, ésotérique, hermétique, secret, sibyllin, voilé. || Déchiffrer un texte obscur. || Éclaircissement d'un passage obscur. || Poème obscur. Hermétique.Exprimer (cit. 28) ce qui est obscur.Philosophie obscure par excès d'abstraction, trop abstraite. || Idées, pensées obscures (→ Ampoule, cit. 3; inconséquent, cit. 1).Périodes obscures de l'histoire, mal connues. Ignoré, incertain, inconnu (→ Ancien, cit. 2; embrasser, cit. 25).
7 Mes contes, à son avis,
Sont obscurs; les beaux esprits
N'entendent pas toute chose.
La Fontaine, Fables, VIII, 13.
8 Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Boileau, l'Art poétique, I.
N. m. || L'obscur et le clair.
9 — Insatiablement avide
De l'obscur et de l'incertain (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », LXXXII.
10 Moi, je travaille dans le rare, et, l'on prétend même, dans l'obscur.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XII, XII, p. 118.
(Fin XIIe). Par ext. || Auteur, philosophe, poète obscur (→ Alambiqué, cit. 5). || Être profond, concis sans être obscur (→ Maître, cit. 82).
2 (1662). Par métonymie. Qui comprend mal, manque d'intelligence. || Esprit obscur (Logique de Port-Royal, in Littré).
3 Qui n'est pas net, pas défini; que l'on sent, perçoit ou conçoit confusément, sans pouvoir l'analyser. Vague. || Cette idée obscure d'Ordre, de Loi… (→ Éclair, cit. 18).(En parlant de ce qui est à demi-conscient). || « Les désirs troubles, les obscures pensées… » (→ Avilir, cit. 20). || Tristesse vague, obscure (→ Ennui, cit. 24), sentiment obscur (→ Blottir, cit. 7). || Repli obscur de la conscience (→ Inexploré, cit. 4). || Conscience obscure (→ Irrationnel, cit. 2). || Pressentiment obscur. || Sentiments obscurs et ambigus. || Obscure tendresse (→ Ardeur, cit. 25; maman, cit. 3).
11 À un heurt violent du char contre une pierre, un obscur instinct de conservation lui fit crisper les mains sur l'épaule du roi et se serrer contre lui (…)
Th. Gautier, le Roman de la momie, XIII.
12 Dargoult, qui venait de boire une gorgée d'eau fraîche, s'arrêta net, le verre aux lèvres, saisi d'un obscur malaise. Il eut soudain le sentiment qu'un drame incompréhensible pour lui se poursuivait entre ces deux personnages.
G. Duhamel, Salavin, VI, XX.
N. m. :
13 Le combat entre les deux principes, le duel entre son côté terrestre et son côté céleste, s'était passé au plus obscur de lui-même, et à de telles profondeurs qu'il ne s'en était que très confusément aperçu.
Hugo, l'Homme qui rit, II, III, VIII.
Dont on sent les effets sans en connaître la nature, l'origine. || Puissance obscure et sans visage (→ Compagnie, cit. 12). || Hasards obscurs (→ Automatisme, cit. 9).
14 (…) les puissances obscures qui agissent en nous, sans que nous en ayons conscience, et qui sont les souveraines aveugles de notre vie.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 292.
4 (1559). Personnes. Qui n'a aucun renom; qui n'est pas connu. Ignoré, inconnu (→ Avilir, cit. 24). || Être obscur ou illustre (cit. 4). || Un vieux raté obscur (→ Maître, cit. 100). || Obscur compilateur (→ Inepte, cit. 6). || Héros (cit. 26), martyr (cit. 6) obscur.Par ext. || Perdu dans la foule obscure, anonyme (→ Déployer, cit. 15).
15 N'était-il pas aussi ridicule que téméraire à un homme obscur, de s'opposer à un mouvement philosophique tellement irrésistible qu'il avait produit la Révolution ?
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 201.
16 (…) je ne me sens bien que dans l'ombre. Je suis obscur, par vocation. Je ne serai jamais, malgré les publicistes, qu'un très obscur homme célèbre.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, IV, II.
N. || « Les petits, les obscurs, les sans grade… » (→ Marcher, cit. 26).
Spécialt. Qui est d'une condition sociale modeste, inférieure. Humble.Par ext. || Famille, lignée (cit. 4) obscure de petites gens.
17 Les douze (victimes de la fusillade du Champ-de-Mars) sont tous gens obscurs, de pauvres gens de la classe ouvrière (…)
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, IX.
Par ext. || État (cit. 75) obscur (→ Heureux, cit. 46). || Existence (cit. 29), vie obscure (→ État, cit. 78). || Végéter dans une situation, une position obscure.Besognes obscures et mal payées (→ Employer, cit. 21).Un de ces moines… qui vivent dans un couvent obscur (→ Dignité, cit. 2).
18 Voudrais-je, de la terre inutile fardeau (…)
(…) Attendre chez mon père une obscure vieillesse (…)
Racine, Iphigénie, I, 2.
19 À côté de l'œuvre savante de l'architecte, il y a dans la science l'œuvre pénible du manœuvre, qui exige une obscure patience et des labeurs réunis.
Renan, l'Avenir de la science, Œ. compl., t. III, XV, p. 930.
CONTR. Clair; brillant, éblouissant, éclairé, éclatant, étincelant, limpide, luisant, lumineux, transparent; blanc, diaphane, vif. — Connu, distinct; évident, formel, intelligible, net, manifeste, précis. — Célèbre, fameux, glorieux, illustre.
DÉR. Obscurateur, obscuration, obscurcir, obscurément, obscurisme. — V. Obscurant.

Encyclopédie Universelle. 2012.