1. patience [ pasjɑ̃s ] n. f.
• pacience 1120; lat. patientia, de pati « souffrir »
I ♦
1 ♦ Vertu qui consiste à supporter les désagréments, les malheurs. ⇒ résignation, sang-froid. Prendre patience. Souffrir avec patience. ⇒ endurer, 1. supporter, tolérer. « Ces braves gens souffrent les maux de la guerre avec une patience d'ange » (Balzac). « Les hommes de ma génération n'ont pas votre patience; ils sont plus chatouilleux » (Martin du Gard). Avoir de la patience, beaucoup de patience avec qqn. Prendre son mal en patience. La patience a des limites. Être à bout de patience. Perdre patience. Ma patience est à bout. Abuser de la patience de qqn. ⇒ longanimité.
2 ♦ Qualité qui fait qu'on persévère dans une activité, un travail de longue haleine, sans se décourager. ⇒ constance, courage, persévérance. « C'est une grande et rare vertu que la patience, que de savoir attendre et mûrir, que se corriger, se reprendre et [...] tendre à la perfection » (A. Gide). Ce travail exige beaucoup de patience. Il a fallu des années de patience pour obtenir ce résultat. ⇒ effort. Je n'ai plus la patience de faire cela. — Loc. prov. Le génie est une longue patience (d'apr. un mot de Buffon). « Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage » (La Fontaine). — Ouvrage de patience, qui demande de la minutie et de la persévérance plutôt qu'une grande dépense d'énergie.
3 ♦ Qualité, disposition d'esprit d'une personne qui sait attendre, en gardant son calme. Attendre avec patience. Après une heure d'attente, il a perdu patience. Encore un instant de patience. « Il faut nous armer de patience, dit Roubaud. Nous sommes là pour deux bonnes heures » (Zola). C'est une affaire de patience. User de patience.
4 ♦ (XVIe) PATIENCE ! interjection pour exhorter à la patience, pour répondre à une objection prématurée. « Patience ! C'est un mauvais moment à passer » (Duhamel). Interjection exprimant la menace. Patience, je saurai me venger !
5 ♦ JEU DE PATIENCE : jeu qui consiste à remettre en ordre des pièces irrégulièrement découpées, de manière à reconstituer une carte de géographie, un dessin, etc. ⇒ casse-tête, puzzle. — Fig. Travail extrêmement minutieux.
II ♦
1 ♦ (1846) Combinaison de cartes à jouer. ⇒ réussite. « Je fais des patiences, ça distrait [...] Les cartes se disposaient en croix, une au centre, en paquets » (Aragon).
2 ♦ Vx Petite planchette, percée d'une rainure, dont les soldats se servaient pour astiquer les boutons d'uniforme sans salir l'étoffe.
⊗ CONTR. Brusquerie, exaspération, impatience.
patience 2. patience [ pasjɑ̃s ] n. f.
• 1544; altér. de lapacion (XVIe); lat. lapathium, lapathum
♦ Patience sauvage : plante proche de l'oseille (polygonacées), dont les feuilles, toniques et dépuratives, se préparent comme celles de l'épinard.
● patience nom féminin (moyen français lapatience, altération de lapacion, du latin lapathium, oseille) Herbe vivace (polygonacée) telle que l'oseille. (Ces plantes, à goût acidulé, comprennent trois espèces extrêmement communes en France : Rumex acetosa [oseille], R. acetosella [petite oseille] et la patience au sens strict [Rumex patientia], cultivée dans les jardins comme épinard.) ● patience nom féminin (latin patientia) Aptitude à ne pas s'énerver des difficultés, à supporter les défaillances, les erreurs, etc. : Faire preuve de patience. Qualité de quelqu'un qui sait attendre avec calme : Montrer une patience inlassable. Persévérance, constance à faire quelque chose, à poursuivre un dessein : Sa patience a été récompensée. Synonyme de réussite (jeu de cartes). Synonyme de miséricorde (mobilier). Rail suspendu dans les cintres, sur lequel on équipe des rideaux qui peuvent coulisser sur des anneaux, s'ouvrir et se fermer. ● patience (citations) nom féminin (latin patientia) Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 Le génie n'est qu'une plus grande aptitude à la patience. Commentaire Parole attribuée à Buffon par Hérault de Séchelles. Jean Dutourd Paris 1920 Académie française, 1978 Les impatients arrivent toujours trop tard. Le Fond et la forme Gallimard Marie Jean Hérault de Séchelles Paris 1759-Paris 1794 M. de Buffon me dit […] : « Le génie n'est qu'une plus grande aptitude à la patience. » Voyage à Montbard, Visite à Buffon Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage. Fables, le Lion et le Rat Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Si vous aimez à étudier les hommes, apprenez jusqu'où peut aller la patience, et tout ce qu'on peut dévorer ! Cité par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Patience, patience, Patience dans l'azur ! Chaque atome de silence Est la chance d'un fruit mûr ! Charmes, Palme Gallimard Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 La patience est l'art d'espérer. Réflexions et Maximes Boris Vian Ville-d'Avray 1920-Paris 1959 Le génie est une longue patience, c'est une réflexion de génie pas doué. Textes et Chansons Julliard Cicéron, en latin Marcus Tullius Cicero Arpinum 106-Formies 43 avant J.-C. Jusques à quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? Catilinaires, I, 1 Commentaire Apostrophe fameuse à Catilina, qui a l'audace de se présenter en plein sénat. Plutarque Chéronée, en Béotie, vers 50 après J.-C.-Chéronée, en Béotie, vers 125 La patience a beaucoup plus de pouvoir que la force. Vies parallèles, Vie de Sertorius, XVI (traduction D. Ricard) Ambrose Gwinnet Bierce Meigs County, Ohio, 1842-Mexico 1914 Patience. Forme mineure de désespoir, déguisée en vertu. Patience. A minor form of despair, disguised as a virtue. The Devil's Dictionary sainte Catherine de Sienne [Caterina Benincasa] Sienne 1347-Rome 1380 La patience est la moelle de la charité. La pazienzia è il midollo della carità. Lettere, A frere Filippo di Vannuccio Giacomo Leopardi Recanati, Marches, 1798-Naples 1837 La patience est la plus héroïque des vertus, précisément parce qu'elle n'a pas la moindre apparence d'héroïsme. La pazienza è la più eroica delle virtù, giusto perchè non ha nessuna apparenza d'eroico. Zibaldone, I, 223 Frédéric Mistral Maillane, Bouches-du-Rhône, 1830-Maillane, Bouches-du-Rhône, 1914 Si ce n'est aujourd'hui, ce sera demain : rappelons-nous que la patience est le pilier de la sagesse. S'acò's pas vuei, sara deman : Rapelen-nous que la paciènci Es lou cepoun de la sapiènci. Les Olivades ● patience (expressions) nom féminin (latin patientia) Jeu de patience, type de jeu auquel on joue généralement seul et dont le but est de réaliser une construction, un assemblage, de reproduire un motif, etc. ; en langue courante, travail très minutieux, casse-tête. Patience !, exhortation au calme ou menace d'une riposte à venir. Perdre patience, s'impatienter, montrer de l'agacement. Prendre patience, attendre avec calme. Prendre quelque chose en patience, le supporter sans se plaindre : Prendre son mal en patience. ● patience (synonymes) nom féminin (latin patientia) Aptitude à ne pas s'énerver des difficultés, à supporter les...
Synonymes :
- longanimité (littéraire)
- résignation
- sérénité
- stoïcisme
Contraires :
- exaspération
- irritabilité
- révolte
Qualité de quelqu'un qui sait attendre avec calme
Synonymes :
- calme
- flegme
- impassibilité
- imperturhahilité
- placidité
Contraires :
Persévérance, constance à faire quelque chose, à poursuivre un dessein
Synonymes :
- courage
- persévérance
- ténacité
Contraires :
- instabilité
- légèreté
- variabilité
- versatilité
Synonymes :
- réussite (jeu de cartes)
- miséricorde (mobilier)
patience
n. f. et Interj.
rI./r n. f.
d1./d Vertu qui permet de supporter ce qui est irritant ou pénible.
d2./d Persévérance dans une longue tâche. Ouvrage de patience.
d3./d Calme, sang-froid dans l'attente. S'armer de patience.
d4./d Jeu de patience: puzzle.
d5./d Syn. de réussite (sens 2).
rII./r Interj. (Pour inciter qqn à garder son calme.) Patience! ce sera bientôt fini.
I.
⇒PATIENCE1, subst. fém.
A. —1. Vertu qui consiste à endurer avec constance et résignation les vicissitudes, les malheurs. Synon. résignation, endurance; anton. impatience, impétuosité, fougue. Ses fautes passées lui donnaient l'humble patience et la foi persévérante du martyr (SAND, Lélia, 1839, p.428):
• 1. Même ce rictus hagard de l'ivresse qu'elle hait tant sur la face de son père (...) ne lui inspire qu'une espèce de compassion tendre, et un autre sentiment qu'elle ne connaît pas du tout —car les gosses lui font horreur —d'humilité protectrice, d'inaltérable patience, d'une patience plus forte que tous les dégoûts —l'instinct maternel frais éclos dans sa conscience, aussi fragile qu'une rose de mai.
BERNANOS, Mouchette, 1937, p.1289.
2. En partic.
a) Qualité qui consiste à supporter sans impatience le comportement pénible d'une personne. Synon. gentillesse, indulgence, longanimité; anton. agacement, brusquerie, énervement, exaspération. Madame Trevor se prêtait à la bizarrerie de mon manège avec une patience admirable (CONSTANT, «Cahier rouge», 1830, p.21). Oh! Que tu n'es pas gentille! Tu ne vois même pas toute ma patience à t'attendre, à supporter tes façons de toujours me rebuter (COLETTE, Cl. école, 1900, p.227).
b) Qualité qui consiste à persévérer dans une entreprise longue et pleine d'obstacles. Synon. constance, courage, endurance, persévérance; anton. fièvre, hâte. C'est la construction la plus considérable, la plus importante qui témoigne du génie des insectes; travail d'infinie patience et d'un art audacieux (MICHELET, Insecte, 1857, p.233). Il écrivait beaucoup. Il s'acharnait à écrire son journal (...) avec une patience idiote et presque héroïque, les notes détaillées de ce qu'il a, chaque jour, vu, dit, fait, entendu, bu, pensé et mangé (ROLLAND, J.-Chr., Antoinette, 1908, p.840).
c) Qualité qui consiste à attendre quelqu'un ou quelque chose qui tarde sans marquer d'impatience. Synon. calme, flegme, sérénité; anton. empressement, énervement. Ils s'appuyaient profondément au gazon vert, attendant quelque chose qui tardait à venir, avec la patience infinie et charmante que de si belles personnes développent à attendre (JOUVE, Scène capit., 1935, p.47). Ces repas interminables, sur la petite table de malade, ces attentes qui usent la patience, qui coupent le peu d'appétit qu'on pourrait avoir! (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p.934).
SYNT. Patience attentive, douce, exemplaire, inépuisable, infatigable, inlassable, inouïe, soutenue; patience à toute épreuve; grande, longue patience; la patience échappe, se lasse, manque; abuser, éprouver, épuiser, fatiguer, irriter, lasser la patience de qnn; s'armer, manquer de patience; mettre la patience de qqn à bout, à rude épreuve; attendre, écouter, endurer, souffrir, supporter avec patience.
3. [Formant des loc.]
a) [Des loc. ou des syntagmes prép.]
— [Avec une valeur intensive, il est déterminé par un adj. ou par un subst. désignant un archétype de la patience] Patience d'ange, d'archange, de bénédictin, de fourmi, d'insecte; patience angélique, évangélique. Le coeur le plus froid, doublé de la tête la plus méthodique et d'une patience allemande, réussira cent fois mieux au piano que l'âme de Pergolèse (STENDHAL, Rossini, 1823, pp.102-103). La plupart sont porteurs de bouquets craonnais, de ces bouquets serrés, fleur à fleur, ces mosaïques qui sont des chefs-d'oeuvre de la patience paysanne (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.237):
• 2. Avec une patience de chat, il pouvait demeurer des heures couché à la gueule d'un terrier, le corps inerte ainsi qu'une souche, mais la main suspendue, le bras bandé pour la détente.
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.289.
— De patience, loc. adj. Qui est relatif à, qui requiert de la patience. Affaire, école, esprit, exercice, leçon, question de patience. Lorsque onze heures sonnaient, l'Anglais (...) ramassait prestement les bouts de crin (...), les outils délicats, avec lesquels il façonnait ses oeuvres de patience (E. DE GONCOURT, Faustin, 1882, p.306).
♦Ouvrage de patience. Un fauteuil de tapisserie au petit point, ouvrage de patience et de loisir mené à fin par quelque aïeule (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.8).
♦Jeu(x) de patience. Puzzle, boulier, jeux orientaux. Le dimanche matin, l'arrangement des assistances à la messe s'emboîtait comme un jeu de patience (MALÈGUE, Augustin, t.1, 1933, p.65). Au fig. C'est un jeu de patience. C'est un travail minutieux.
— En patience, loc. adv. En paix, patiemment.
♦Prendre qqn, qqc. en patience. Je prends mon mal en patience, je me livre avec courage à des travaux qui finiront par me rendre indépendant (HUGO, Lettres fiancée, 1820, p.15). Ils s'extasiaient ensemble sur les oeuvres des jeunes poètes, elle de bonne foi, lui s'ennuyant, mais prenant en patience les poètes romantiques, qu'en homme de l'école impériale il comprenait peu (BALZAC, Illus. perdues, 1837, p.53):
• 3. Est-elle immobile, cette terre? Dans les prairies, je la vois onduler, le noir mineur, la taupe, continue son travail. Plus haut, dans les lieux secs, s'étendent des greniers où le rat philosophe, sur un bon tas de blé, prend la saison en patience.
MICHELET, Oiseau, 1856, p.172.
♦Attendre, supporter qqc. en patience (vieilli, littér.). Attendre en patience et en paix ce que Dieu décidera du monde (LAMENNAIS, Religion, 1826, p.260). Elle tient ma main, attend en patience et parfois se penche un peu (COLETTE, Cl. ménage, 1902, p.235).
— Patience à, de + inf. Ils sont remarquables par leur patience à supporter la faim (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p.83). Personne, hors les intéressés, n'eut la patience de l'écouter (COURIER, Pamphlets pol., Procès, 1821, p.103).
— Patience à + subst. Le goût de la perfection implique alors une puissance et une ampleur de l'esprit, une patience au travail, une capacité d'abstraction et en même temps un sens frémissant de la matière, qui ne sont pas des manies vétilleuses (MOUNIER, Traité caract., 1946, p.449).
b) [Des loc. verb.]
♦[Souvent à la forme impér.] Avoir patience. Ayez patience avec moi! (ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.87).
♦(Ne pas) avoir la patience de + inf. (Ne pas) faire preuve de calme, de maîtrise de soi. J'admire, en vérité, que vous ayez la patience de courir chez ce bottier et de vous occuper comme vous faites de toutes mes affaires (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1809, p.794).
♦Donner patience à qqn. Faire patienter quelqu'un. Tout leur rôle consiste, autant que j'ai compris, À donner patience à nos futurs maris (AUGIER, P. Forestier, 1868, p.71).
♦Se donner patience (vx). Prendre patience. (Ac. 1798-1878).
♦Demander patience à qqn. Demander un atermoiement à quelqu'un. Demander patience aux créanciers (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.404).
♦Être à bout de patience. Avoir épuisé toute sa patience. Je n'en puis plus; suis à bout de patience, et de force, et d'attente (GIDE, Journal, 1917, p.639).
♦Prendre patience. Se résigner à attendre, être patient. Synon. patienter. Quand ils voudront entrer au paradis, je serai à la porte et je les accuserai au tribunal de Dieu. Ainsi, hélas! ils prenaient patience (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p.23). Henri et Nadine avaient regardé avec colère les bourgeoises aux fourrures épaisses qui répondaient majestueusement aux mendiants: «Prenez patience!» (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.95).
♦Perdre patience. S'impatienter. Il perdit patience, devint enragé, la menaça de son révolver (A. FRANCE, Île ping., 1908, p.380). Un créancier de Noémie qui perdait patience (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p.787).
♦User de patience. Être patient. Mais il est vain De parler. Agissons. Usons de patience. D'abord. Il le faut bien. Puisque l'âpre science Et l'âpre maladie, en leurs mornes combats, Me piétinent, champ de bataille aux mille pas (VERLAINE, Poèmes div., À ma femme, 1896, p.185).
4. [Dans des empl. interj. ell.]
a) [Pour exhorter au calme, à la patience] Patience! Un jour viendra, on se retrouvera tous au port (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1570):
• 4. Patience, patience,
Patience dans l'azur!
Chaque atome de silence
Est la chance d'un fruit mûr!
VALÉRY, Charmes, 1922, p.155.
b) [Pour couper court à une intervention, à une objection considérée comme prématurée] Eh! Mon cher, patience! Un moment, je vous prie. Vous avez été trois ans absent sans vous inquiéter de moi (SAINTE-BEUVE, Pensées, 1868, p.59).
c) [Pour menacer] Patience! Nous vous rendrons un jour la vie dure (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p.85). Patience! L'exterminateur viendra, on passera toutes les rues au flytox (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.84).
d) [Dans des exclam. pop. et région.] Sainte patience! Passe ed'vant! Sainte-patience! Et va-t'en pelauder tes carottes! Dire qu'à près d'une heure, la soupe elle est seul'ment point trempée! (MARTIN DU G., Gonfle, 1928, I, 6, p.1191).
5. [Empl. dans des allus. littér.]
a) [P. allus. à la morale de la fable de La Fontaine, Le lion et le rat (II, 11): Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, en opposant patience et impatience] Vous voyez bien que nous finirons par sortir, dit ce bon géant avec un doux sourire. Patience et longueur de temps... (A. FRANCE, Île ping., 1908, p.231).
b) [P. allus. à la phrase de Buffon:Le génie n'est qu'une plus grande aptitude à la patience, en opposant patience et intelligence] Le mot de Buffon est un grand blasphème: Le génie n'est pas une longue patience. Mais il a du vrai, et plus qu'on ne le croit, de nos jours surtout (FLAUB., Corresp., 1846, p.255). Le talent —suivant le mot de Buffon —n'est qu'une longue patience (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p.281).
B. —[P. allus. à cette vertu; désignant un objet concr.]
1. ART RELIG. Appui dans une stalle, miséricorde (d'apr. CHABAT 1881).
2. HABILL. MILIT., vieilli. Planchette de bois munie d'une rainure dans laquelle tous les boutons d'un uniforme pouvaient être astiqués en même temps sans risquer de souiller le tissu (d'apr. HAVARD 1980).
3. HÉRALD. Sur un écu, salamandre dans son brasier, signifiant cette vertu. (Dict.XIXe et XXes.).
4. JEUX. Réussite. Elle s'était installée là devant, et machinalement, elle battait les cartes. Elle surprit le regard d'Armand: «Je fais des patiences, ça distrait (...)» (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.355).
5. THÉÂTRE. ,,Rail horizontal équipé pour le coulissage des rideaux drapés ou des décors mobiles`` (GITEAU 1970). Un autre rideau? Lechy Elbernon: Une patience! Ce que nous appelons une patience! Quelque chose qui fait prendre patience! Un rideau qui bouge! (CLAUDEL, Échange, 1954, I, p.746).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.I. 1. 1re moitié du XIIes. «vertu qui fait supporter les adversités» (Psautier d'Oxford, 51, 5 ds T.-L.); 1174-78 prendre en pacïence (ETIENNE DE FOUGÈRES, Le Livre des Manières, éd. R. A. Lodge, 783); 2. 1176 «fait de supporter avec douceur les défauts d'autrui» (CHRÉTIEN DE TROYES, Cliges, éd. A. Michea, 5731); 3. 1256 «persévérance à faire quelque chose malgré les obstacles» (Jeux-Partis Français, Jehan Bretel a Lambert Ferri, éd. A. Lånfgors, 62, 50, I, 234); 1798 ouvrage de patience (Ac.); 1845-46 jeu de patience (BESCH.); 4. 1549 «tranquillité avec laquelle on attend ce qui tarde à venir ou à se faire» (EST.); 1604 prendre patience (MONTCHRESTIEN, Carthaginois, 119 ds IGLF); 1798 patience d'Allemand (Ac.); 5. 1548 «interjection invitant à prendre patience» (RABELAIS, Quart Livre, VI, éd. R. Marichal, p.54). II. 1. 1752 terme de blason «salamandre représentée dans le feu» (Trév.); 2. 1811, 9 juill. «jeu de cartes» (STENDHAL, Journal, t.3, p.287: elle a fait une patience pour voir si je me marierais); 3. 1831, 16 avr. patience à nettoyer les boutons (Arrêté, in P. J. BEMELMANS, Recueil administratif, t.3, p.447 ds QUEM. DDL t.16); 4. 1868 «appui de stalle sur lequel on peut se reposer lorsqu'on est debout» (LITTRÉ). Empr. au lat. patientia «action de supporter, d'endurer». Fréq. abs. littér.:2757. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 3767, b) 4453; XXes.: a) 3427, b) 4062.
II.
⇒PATIENCE2, subst. fém.
BOT. Plante voisine de l'oseille (rumex vulgaris) utilisée pour ses propriétés toniques et dépuratives. Dès qu'une personne sera attaquée de la gale, on commencera par lui prescrire un régime très-doux, lui interdisant tous les alimens salés et épicés, et les ragoûts un peu composés. Sa boisson sera une tisane de patience sauvage, faite avec une once de cette racine bouillie dans chaque pinte d'eau (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p.435).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1544 (L. DUCHESNE, In Ruellium de Stirpibus epitome d'apr. ROLL. Flore t.9, p.168). Altération d'apr. patience1 du lat. lapatium, -cium, att. à côté de lapathum empr. au gr. , -, - (v. ANDRÉ Bot., p.178) avec suppression de la 1re syll. prise pour l'art; on trouve également la forme lapacion (1581, ARNOUL DE VILLE-NOVE, Le Trésor des pauvres, fol. 101r° ds GDF.), transcr. sav. de lapatium, dont la prononc. a suscité un découpage en la passion (d'où le jeu de mot de RABELAIS, Tiers Livre, Prol., éd. M. A. Screech, p.16: «je n'y fauldray par lapathium acutum de Dieu». Lapathium étant prononcé lapation devient homon. de la passion de Dieu) et la transformation p.plaisant., prob. dans le milieu méd. de lapacion en lapatience (v. FEW t.5, p.169a). À côté de ces formes on rencontre des formes pop. du type lavase (v. FEW t.5, p.168a).
1. patience [pasjɑ̃s] n. f.
ÉTYM. 1120, pacience; du lat. patientia, de pati « souffrir ».
❖
1 Trait de caractère, comportement (considéré comme une vertu), qui consiste à savoir souffrir sans se plaindre, à supporter sans révolte et sans colère les désagréments, les malheurs de la vie, les défauts, les actions d'autrui (…) ⇒ Calme, douceur (cit. 28), endurance, flegme, indulgence, longanimité (cit. 1), résignation, sang-froid. || La douceur, la patience, la résignation (→ Arme, cit. 25; atteinte, cit. 11; enrichir, cit. 14; faim, cit. 12; garder, cit. 48; héroïsme, cit. 9). || Patience inaltérable. || La patience de Job. || Une patience d'ange, de saint. || Écouter, répondre avec patience (→ Insistant, cit. 1). || Montrer (→ Combat, cit. 13), déployer de la patience (→ Empoisonnement, cit. 3). || S'armer de patience (→ Ampoulé, cit. 2). || Prendre patience (→ Fortune, cit. 13). || Qui fait preuve de patience. ⇒ Patient. || Souffrir avec patience. ⇒ Endurer (cit. 3), tolérer. || Supporter avec patience les injustices, les vexations (→ Se laisser tondre la laine sur le dos). || Je n'aurai jamais la patience de supporter cela. — Prendre ses maux, la vie en patience. ⇒ Supporter (→ Massacrant, cit. 1). — Manque de patience. ⇒ Impatience. || La patience a des limites (→ Il n'est bois si vert qui ne s'allume). || Ma patience est poussée à bout (→ Malhonnête, cit. 3). || Il mit ma patience à bout (cit. 34). || Être à bout de patience (→ Disputer, cit. 12). || La patience me manqua (→ Diable, cit. 30). || La patience lui échappe, il ne peut plus contenir sa mauvaise humeur, son irritation. — (1648). || Perdre patience. ⇒ Désespérer (se); impatienter (s'); → Faquin, cit. 4. — Abuser de la patience, exercer, lasser (cit. 7), mettre à rude épreuve la patience de qqn. ⇒ Impatienter. ☑ Il lasserait la patience d'un saint : il est insupportable, exaspérant. — ☑ Prov. La patience est la vertu des ânes (→ Bât, cit. 3) : c'est une sottise de supporter des désagréments, des vexations qu'on pourrait faire cesser.
1 J'ai cent fois, dans le cours de ma gloire passée,
Tenté leur patience, et ne l'ai point lassée.
Racine, Britannicus, IV, 4.
2 Ces braves gens souffrent les maux de la guerre avec une patience d'ange.
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 380.
3 La sobriété et la patience des Espagnols à supporter la fatigue est quelque chose qui tient du prodige.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 137.
4 — La patience m'échappe, dit Tristan. J'espère que tu ne me crois pas assez sot pour me fâcher d'une plaisanterie; mais cette plaisanterie a un motif. Sais-tu ce qu'elle vient chercher ici ? Elle vient me braver, jouer avec ma colère, et voir jusqu'à quel point j'endurerai son audace (…)
A. de Musset, Contes, « Secret de Javotte », II.
5 Il s'était efforcé de prendre son mal en patience, les six kilomètres que lui coûtait chaque messe, les exigences taquines d'un village sans vraie religion, tant qu'il avait espéré que le conseil municipal finirait par se donner le luxe d'une paroisse.
Zola, la Terre, III, VI.
6 Les hommes de ma génération n'ont pas votre patience; ils sont plus chatouilleux; nous nous refusons à encaisser plus longtemps les provocations allemandes.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 185.
7 Patience des pauvres, qui t'épuisera jamais ?
2 Aptitude à persévérer dans une activité, un travail de longue haleine, sans se laisser abattre par la lassitude, le découragement. ⇒ Constance, courage, persévérance (→ Obscur, cit. 19; obstiner, cit. 3; opiniâtreté, cit. 6). || Procéder avec patience et lenteur, patiemment, pas à pas. || La patience et le calme, la tranquillité. || Des années de patience pour obtenir un résultat. ⇒ Effort (de longs efforts). → Échec, cit. 12. || La patience d'un savant dans l'observation de la nature (→ Avoisiner, cit. 5). || Agir sans patience, en se précipitant. — « Le génie est une longue patience. » || « Le génie n'est qu'une plus grande aptitude (cit. 2) à la patience » (→ Génie, cit. 35, 36 et 37). || Avec du temps et de la patience on vient à bout de tout (→ Tout vient à point à [pour] qui sait attendre; petit à petit l'oiseau fait son nid).
8 Il n'y a point de chemin trop long à qui marche lentement et sans se presser : il n'y a point d'avantages trop éloignés à qui s'y prépare par la patience.
La Bruyère, les Caractères, XII, 108.
9 La patience est l'art d'espérer.
Vauvenargues, Maximes et réflexions, 251.
10 Ce qu'il a fallu de patience pour découper toutes ces feuilles, fouiller ces plis, évider ces branches, détacher du fond tous ces personnages, on n'ose y songer qu'avec effroi.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 29.
11 C'est une grande et rare vertu que la patience, que de savoir attendre et mûrir, que se corriger, se reprendre et, comme disait l'apôtre : tendre à la perfection. Mais le goût de la perfection va se perdant. C'est dommage. C'était une qualité bien française.
Gide, Attendu que…, p. 61.
♦ ☑ Prov. || « Patience et longueur de temps font plus que force (cit. 1) ni que rage » (La Fontaine) : on obtient davantage par la persévérance que par la violence et l'agitation. — ☑ Patience passe science : la persévérance fait plus que l'habileté et la science.
♦ (Avec l'idée de minutie associée à celle de persévérance). || Sa patience descend (cit. 14) jusque dans le moindre détail. || Ce travail exige beaucoup de patience (→ Un travail de bénédictin).
♦ Ouvrage de patience, qui demande de la minutie et de la persévérance plutôt qu'une grande dépense d'énergie.
3 Qualité, disposition d'esprit de celui qui sait attendre ce qui tarde, en gardant son calme et son sang-froid (→ Exiger, cit. 18; guérir, cit. 24). || Inlassable (cit. 3) patience. || Attendre avec patience. ⇒ Patiemment. || Je n'aurai jamais la patience d'attendre si longtemps (→ Languir, cit. 24). — (1635). || Prendre patience. || Encore un instant de patience, prenez patience. ⇒ Patienter. || Prenez patience, cela ne presse pas (→ Le feu n'est pas à la maison, il n'y a pas péril en la demeure). — Perdre patience. ⇒ Impatienter (s'). || Après une heure d'attente, il a perdu patience.
12 — Ah bien ! il faut nous armer de patience, dit Roubaud. Nous sommes là pour deux bonnes heures (…) Asseyez-vous donc !
Zola, la Bête humaine, IV.
13 Les hommes ont les yeux fixes; ils regardent la ville à travers les murs; ils ne pensent à rien, ils ne remuent plus guère, la grande patience militaire est descendue sur eux avec le soir : ils attendent. Ils ont attendu le courrier, les permes, l'attaque allemande et c'était leur manière d'attendre la fin de la guerre. La guerre est finie et ils attendent toujours.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 213.
4 (XVIe). || Patience ! Interjection pour exhorter qqn ou pour s'exhorter soi-même à la patience (→ Falloir, cit. 41), pour répondre à une interruption, à une objection prématurée.
14 Patience ! Patience ! L'avenir, monsieur Chavarax, est à ceux qui savent attendre. La Direction des Dons et Legs est de personnel limité et les mutations y sont rares. Patientez, et laissez-moi faire !
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, IIIe tableau, III.
15 — Tu vois, nous n'avons pas de chance. Édouard bredouillait, du ton d'un homme qui s'excuse : — Patience ! C'est un mauvais moment à passer.
G. Duhamel, Salavin, III, XXV.
♦ Patience ! Interjection exprimant la menace (→ Vous ne perdez rien pour attendre; → Imputer, cit. 5).
16 Je le vois bien, Monsieur, le vin muscat opère
Aussi bien sur le fils que sur l'esprit du père.
Patience ! je vais protester comme il faut
Contre Monsieur le juge et contre le cartaut.
Racine, les Plaideurs, II, 12.
♦ Régional. || Sainte patience ! || Patience des anges !, exclamation d'impatience.
➪ tableau Principales interjections.
5 a Jeu de patience : jeu qui consiste à remettre en ordre des pièces irrégulièrement découpées, qui ont été préalablement mêlées, de manière à reconstituer une carte de géographie, un dessin, etc. ⇒ Casse-tête (chinois), puzzle.
17 (…) l'autre Europe semble faite des morceaux de bois coloriés d'un jeu de patience, un pays de vacances comme les cantons suisses.
Valery Larbaud, Barnabooth, Journal, II.
b Une patience : jeu où une personne forme diverses combinaisons en disposant des cartes à jouer dans un ordre déterminé. ⇒ Réussite. || Faire des patiences.
18 Je fais des patiences, ça distrait (…) Les cartes se disposaient en croix, une au centre, en paquets.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XXXI.
6 (1831). Anciennt. Petite planchette, percée d'une rainure, utilisée par les soldats pour astiquer les boutons de leur uniforme sans salir l'étoffe.
19 Promptement disparu derrière la Bourse, Bex revint bientôt tenant debout à deux mains une gigantesque patience large d'un mètre et haute du double, faite d'un métal gris terne ressemblant à l'argent.
Une mince fente longitudinale s'ouvrait au milieu de la plaque géante; mais ici l'évasement circulaire destiné au passage des boutons était placé à mi-chemin de la rainure et non à son extrémité.
Raymond Roussel, Impressions d'Afrique, p. 61.
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CONTR. Brusquerie, exaspération, impatience.
HOM. 2. Patience.
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2. patience [pasjɑ̃s] n. f.
ÉTYM. 1544; altér., par attraction du précédent et déglutination de lapacion (XVIe), du lat. lapathium, lapathum, grec lapathon.
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♦ Plante dicotylédone (Polygonacées ou Polygonées), appelée aussi oseille épinard, parelle et scientifiquement rumex. || Les feuilles de patience sont consommées comme des épinards. || La racine de patience est un antiscorbutique. || La patience, utilisée jadis comme remède laxatif et tonique.
➪ tableau Noms de remèdes.
Encyclopédie Universelle. 2012.