réserve [ rezɛrv ] n. f.
• 1342; de réserver
I ♦ (Abstrait) Le fait de garder pour l'avenir.
1 ♦ Dr. Clause restrictive qu'on ajoute afin de ne pas se trouver lié par une obligation. Faire ses réserves : se prémunir contre l'interprétation qui pourrait être donnée d'un acte. — Cour. Faire, émettre des réserves sur une opinion, un projet, ne pas leur donner son approbation pleine et entière, émettre des doutes à leur propos. Les spécialistes font de sérieuses réserves sur la valeur de sa théorie. ⇒ restriction. J'émettrai une réserve. Loc. Sous toutes réserves, Dr. formule placée à la fin d'un acte de procédure pour garantir ce qui n'est pas stipulé de manière expresse; cour. sans garantie, sans engagement. Nouvelle donnée sous toutes réserves. — Sous réserve : sous condition. « Je vous ai communiqué à ce moment-là quelques premières impressions, sous réserve » (Romains). — Loc. Sous réserve de : Dr. en se réservant le droit; cour. en mettant à part (une éventualité). Sous réserve d'erreur (cf. Sauf erreur). J'ai accepté sous réserve qu'on attende quelques jours.
2 ♦ Dr. Ce qui est réservé à qqn; ce qu'une personne s'est réservé. Réserve héréditaire, réserve légale ou réserve : portion d'une succession que la loi réserve à certains héritiers (⇒ réservataire; légitime) . — Partie d'une chasse réservée au propriétaire (cf. Chasse réservée).
3 ♦ (Dans des loc.) Exception, restriction. — Vieilli À LA RÉSERVE DE : à l'exception de. ⇒ 1. excepté, sauf. « Il toucha tout le monde, à la réserve de la Reine, qui demeura inflexible » (Retz). — Mod. Loc. adv. et adj. SANS RÉSERVE :entièrement, sans restriction, sans réticence. Il lui est dévoué sans réserve (cf. Corps et âme). « Je m'abandonnai sans réserve à son charme » (Jaloux). « Il a fait trop de canailleries pour que je puisse lui exprimer une admiration sans réserve » (Flaubert). Acceptation sans réserve (cf. Pur et simple).
II ♦ (1664) Attitude, qualité qui consiste à ne pas se livrer indiscrètement, à ne pas s'engager imprudemment, à se garder de tout excès dans ses propos. ⇒ circonspection, dignité, discrétion, modestie, prudence, retenue; réservé. « Il y a, dans l'humour véritable, une pudeur, une réserve, une contention que n'observe pas le franc comique » (Duhamel). « Il affecte une grande réserve : il ne parle point, mais il écoute » (Mme de Sévigné). — Spécialt ⇒ décence, pudeur. « La race gauloise manque de réserve et de chasteté » (Sainte-Beuve). — Loc. Être, se tenir sur la réserve : garder une attitude réservée (cf. Rester sur son quant-à-soi). « Il était résolu à demeurer sur la réserve » (Martin du Gard).
♢ Obligation, devoir de réserve : devoir des agents de l'État d'exprimer leurs opinions avec discrétion.
III ♦ (1588) (Concret)
1 ♦ Quantité accumulée de manière qu'on puisse en disposer et la dépenser au moment le plus opportun. ⇒ provision. Disposer d'importantes réserves de munitions. ⇒ approvisionnement, stock. Puiser dans ses réserves. Ses réserves sont épuisées. Réserve d'argent. ⇒ économie, épargne. Réserves monétaires. « Les formidables réserves d'énergie qui se cachent dans les noyaux des atomes » (Broglie).
♢ Comptab. Bénéfice non distribué, conservé à disposition de l'entreprise jusqu'à décision contraire. Réserve légale, obligatoire dans une société anonyme, une société à responsabilité limitée. Réserves statutaires et contractuelles. Réserves de renouvellement des immobilisations, de renouvellement des stocks. — Fin. Au plur. Réserves obligatoires : fraction du montant des valeurs inscrites à leur bilan que les banques doivent laisser en compte non rémunéré à la Banque centrale. Taux des réserves obligatoires. Le système des réserves obligatoires est l'un des instruments de la politique monétaire. — Réserves de changes : moyens de règlement internationaux (or, devises, créances sur le Fonds monétaire international) détenus par la Banque centrale.
♢ Biol. Ensemble des substances accumulées dans les tissus, pour une utilisation ultérieure. Le glycogène du foie et des muscles représente une réserve de glucides pour l'organisme.
♢ Quantité non encore exploitée (d'une substance minérale). Les réserves mondiales de pétrole. Réserves prouvées et réserves estimées. Réserves et ressources en hydrocarbures.
2 ♦ Loc. EN RÉSERVE. Avoir, garder, mettre, tenir qqch. en réserve : mettre de côté, garder. « Une de ces bouteilles, que je tiens en réserve pour les grandes fêtes » (France). — De réserve : qui est mis de côté, constitue une réserve. Vivres de réserve. — Équipe de réserve, dans un club sportif.
3 ♦ (1669) Les réserves : troupe non engagée, qu'on garde disponible pour intervenir au moment voulu. « S'il n'est point de réserves à jeter dans l'action, le premier recul est irréparable » (Saint-Exupéry). — (Au sing.) Armée, corps de réserve. « C'est vrai que le troisième bataillon restera en réserve ? » (Dorgelès).
♢ (1791 réserve nationale) LA RÉSERVE (opposé à l'armée active) : portion des forces militaires d'un pays qui peut être rappelée sous les drapeaux. Temps pendant lequel les citoyens d'un pays sont mobilisables. Réserve et disponibilité. Peloton d'élèves officiers de réserve (E. O. R.). ⇒ réserviste. — Cadre de réserve.
IV ♦
1 ♦ Lieu affecté à la conservation d'êtres ou de choses que l'on veut conserver. — Spécialt Partie d'une forêt, qu'on laisse croître en haute futaie. — Réserve naturelle : territoire soumis à un régime spécial pour la protection de la flore et de la faune. ⇒ parc. Réserve zoologique. La réserve nationale de Camargue. — Réserve de pêche, de chasse : partie d'un cours d'eau, d'un territoire réservée au repeuplement, où la pêche, la chasse sont interdites. — (1867; angl. reservation [aux États-Unis 1830]) Territoire réservé aux aborigènes dans des pays où ils ont été presque exterminés. Réserve indienne. Les « Indiens des réserves [...] peuvent végéter à peu près paisiblement à l'intérieur des territoires qui leur sont assignés » (Beauvoir). Réserves d'aborigènes en Australie.
2 ♦ Ensemble des livres précieux d'une bibliothèque publique, qu'on ne peut consulter qu'avec une autorisation spéciale. La réserve de la Bibliothèque nationale.
3 ♦ Local qui sert à entreposer, à garder. ⇒ entrepôt, magasin; dépôt. Une grande maison « à laquelle sont accolés un tas de petits communs, de réserves » (Goncourt). — Dépôt des œuvres d'art d'un musée qui ne sont pas exposées. ⇒ magasin. Sortir un tableau des réserves du Louvre.
4 ♦ Techn. Partie laissée en blanc dans une œuvre graphique, une peinture... Imprimer en réserve, en blanc sur fond noir.
♢ Surface qu'une substance protectrice soustrait à l'action d'un acide, d'un colorant. — La substance protectrice elle-même.
⊗ CONTR. (du II) Audace, familiarité, hardiesse, impudence.
● Réserve portion du patrimoine dont une personne ne peut disposer à titre gratuit, par testament ou donation, au détriment de descendants et ascendants (les héritiers réservataires).
réserve
n. f.
rI./r
d1./d Quantité de choses accumulées pour être utilisées en cas de besoin. Réserves de nourriture, de médicaments.
|| Loc. adv. En réserve: à part, de côté.
|| FIN Réserves monétaires: ensemble des avoirs d'un pays, en or et en devises.
|| PHYSIOL Ensemble des substances nutritives stockées dans les tissus animaux et végétaux. Réserves lipidiques (graisses), glucidiques (sucre, amidon), protéiques (gluten, etc.).
|| (Afr. subsah.) Au Rwanda, roue de secours.
d2./d Quantité de richesses minérales que l'on peut tirer de la terre. Réserves pétrolières.
d3./d Ensemble des citoyens mobilisables en cas de besoin pour renforcer l'armée active.
d4./d DR Part d'un patrimoine réservée par la loi à certains héritiers, dits réservataires. (On dit aussi réserve héréditaire, réserve légale.)
|| Réserve légale: fonds que toute société doit constituer au moyen de prélèvements sur les bénéfices.
rII./r
d1./d Endroit, local où sont stockées des marchandises. La réserve d'une boutique.
d2./d ARBOR étendue de forêt où on laisse les arbres croître en futaie.
d3./d Réserve de pêche, de chasse: portion d'un cours d'eau, d'un terrain, réservée au repeuplement.
d4./d Réserve naturelle: territoire où les plantes et les animaux sont protégés par des mesures spéciales.
d5./d En Amérique du Nord, territoire réservé aux Amérindiens.
rIII/r
d1./d DR Clause que l'on ajoute pour éviter qu'un texte soit interprété dans un sens que l'on ne souhaite pas. Les réserves d'un contrat.
d2./d Restriction nuançant un jugement, ou réfutant par avance une appréciation hâtive de la situation.
|| Loc. adj. et adv. Sans réserve: sans restriction.
|| Loc. adv. Sous toutes réserves: sans garantie.
rIV./r Discrétion, circonspection. Garder toujours une prudente réserve.
⇒RÉSERVE, subst. fém.
A. — 1. DR. Clause restrictive ajoutée à un acte pour se soustraire à une éventuelle obligation. Émettre, faire des réserves. Dans ce contrat, il a fait plusieurs réserves (Ac.). Le créancier qui a déchargé le débiteur par qui a été faite la délégation, n'a point de recours contre ce débiteur, si le délégué devient insolvable, à moins que l'acte n'en contienne une réserve expresse (Code civil, 1804, art. 1276, p. 230). La Convention eut beau voter une réserve et dire qu'elle ne préjugeait pas si elle jugeait Louis XIV ou si elle prononçait une mesure de sûreté (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 152).
♦ Réserves du droit des tiers. ,,Disposition expresse ou tacite d'une permission (...) selon laquelle le bénéficiaire de la permission (...) ne pourra utiliser celle-ci qu'à ses risques et périls`` (CAP. 1936).
♦ DR. INTERNAT. Réserve (de ratification, à la signature). ,,Clauses restrictives apportées par un état au moment de la signature ou de la ratification d'un traité`` (CAP. 1936). Les réserves sont uniquement possibles lors de la négociation de la signature ou de la ratification d'une convention à caractère unilatéral (SAND.-BÉA Pol. 1976).
— Locutions
a) Loc. verb. Faire ses réserves. Se prémunir contre l'interprétation possible d'un texte. (Dict. XIXe et XXe s.).
b) Loc. prép. et conj.
♦ Sous toutes réserves. ,,Formule placée fréquemment à la fin des actes de procédure pour la garantie de clauses, de conditions dont la stipulation n'est point formellement portée dans ses actes`` (Ac. 1878, 1935). P. ext. Sans aucune garantie. Nous nous méfions toujours de la fausse nouvelle, qui est une plaie du journalisme et qu'il est souvent impossible de contrôler au moment où elle arrive. Mais il y a heureusement la formule « sous toutes réserves » (L. DAUDET, Brév. journ., 1936, p. 214).
Au sing. Sous (toute) réserve. Sous condition. Donner son accord sous réserve. Je n'avais pas attendu les études semi-scientifiques de première année pour m'aviser qu'on ne peut croire sans preuves (...) et qu'il faut renoncer à la notion de vérité stable, parce que nous ne devons tenir rien pour vrai que sous toute réserve et jusqu'à preuve du contraire (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1386).
♦ Sous réserve de + subst. À l'exception de. Sous réserve d'erreur. Sous réserve de l'article X du présent règlement, le vote a lieu par appel nominal, si un membre du Conseil le demande (Cons. S.D.N., 1938, p. 108).
♦ Sous réserve que + subj., sous (la) réserve (+ adj.) que + ind. fut. À la condition que. Si le nouveau venu possède des ressources suffisantes, on lui remet un lot pour un bail à long terme, sous la réserve expresse que lui et sa famille seront seuls à l'exploiter (THARAUD, An prochain, 1924, p. 157). [Le recteur] prononce donc l'avertissement et le blâme, sous réserve que les intéressés aient au préalable pris connaissance de leur dossier (Encyclop. éduc., 1960, p. 330).
2. P. ext.
a) Restriction, limitation à l'approbation ou à l'adhésion que l'on apporte à quelque chose. Faire, introduire des réserves; apporter une réserve à qqc. J'apporte à Gide mon témoignage avant son départ (...) et si j'ai des réserves à faire (...) je les ferai lui présent (DU BOS, Journal, 1925, p. 358). Tout en procédant au sous-répartement, l'assemblée peut, pour l'avenir, exprimer son opinion, produire ses observations, faire des réserves (BACQUIAS, Cons. gén. et cons. arrondiss., 1934, p. 99).
— Vieilli. À la réserve de + subst. À l'exception de. Le conseil du roi proposa que les troupes fussent congédiées de part et d'autre, à la réserve de cinq cents hommes que garderait chaque prince (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 390).
— Loc. adv. Sans réserve. Sans aucune restriction, sans aucune condition. Admiration, amitié, dévouement sans réserve. La dot de la femme appartenait sans réserve au mari, qui exerçait sur les biens dotaux non-seulement les droits d'un administrateur, mais ceux d'un propriétaire (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 109).
b) Doute, restriction sur le caractère ou la probité de quelqu'un. Émettre des réserves sur le compte de qqn, sur son honnêteté. [Ma mère] se faisait un scrupule (...) de risquer, en faisant quelques réserves sur la jeune fille avec laquelle je lui avais dit que j'allais me fiancer, d'assombrir ma vie (PROUST, Prisonn., 1922, p. 13).
3. Action de mettre quelque chose à part pour quelqu'un:
• 1. Les habitans de chaque district de ce comté construisirent ensuite, à frais communs, plusieurs petites maisons sur le bord des ruisseaux, dans le voisinage desquels on trouvoit assez de terres d'alluvion pour en faire un champ, qu'ils défrichèrent et entourèrent de palissades. Dans la suite, ces droits de réserve se sont étendus à un très-grand nombre de familles...
CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 260.
— DROIT
♦ Réserve (héréditaire, légale). Partie d'un héritage mis de droit à part pour certains héritiers. Le legs qui en sera l'objet, ne sera réduit qu'autant que la valeur des autres ne remplirait pas la réserve légale (Code civil, 1804, art. 927, p. 168).
♦ Réserves coutumières. ,,Biens déclarés indisponibles par les coutumes et réservés aux héritiers`` (MARION Instit. 1923).
— HIST. MÉDIÉV. ,,Portion de la seigneurie féodale qui n'était pas lotie en tenures, mais cultivée directement par le seigneur ou son fermier`` (FÉDOU Moy. Âge 1980).
B. — 1. Quantité mise de côté en vue d'un usage ultérieur au moment nécessaire. Synon. provision, stock. Réserve accumulée, considérable, disponible, importante, inépuisable, intacte, suffisante; disposer d'une réserve; épuiser une réserve; vin de la réserve du patron; réserve de carburant, d'eau potable; réserve de bois, de papier; faire des réserves de sucre. Peut-on se fier aux spéculateurs du soin de faire des réserves? (SAY, Écon. pol., 1832, p. 208). Jamais une visite, un repas plus prolongé entre amis dans la cuisine si fraîche en été, avec sa table de chêne ciré, ses réserves de pâtés et de miel sur l'étagère (CHARDONNE, Attach., 1943, p. 184).
♦ En réserve, de réserve. Avoir, garder, mettre, tenir qqc. en réserve; avec qqc. de réserve. Mis de côté en quantité suffisante en vue d'un usage ultérieur. Il sera mis à cet effet une somme de 30 millions à la disposition du ministre de la guerre, à prendre sur les 498 millions d'assignats qui sont en réserve dans la caisse à trois clefs (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 169).
Au fig. Si je n'avais pas une solution en réserve, je ne serais pas un vrai homme d'État (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 259).
— P. méton. Local où l'on entrepose des marchandises. Synon. dépôt, entrepôt. Ne pourrait-on pas jeter un coup d'œil dans la réserve? Ah, dans la réserve, oui, bien sûr, mais il faudrait du temps et la marchande est seule (SARTRE, Mots, 1964, p. 202).
— Spécialement
a) BIOL. Réserves (nutritives, alimentaires). Substances accumulées dans les tissus par un organisme animal ou végétal pour assurer sa nutrition en cas de nécessité. Cette période de vie latente ne peut cependant pas être prolongée sans précautions spéciales au-delà d'une certaine durée variable d'ailleurs avec la nature des graines, la composition de leurs réserves nutritives et leur teneur en eau (COCHET, Bois, 1963, p. 19). Réserve alcaline. ,,Ensemble des constituants du sang qui peuvent neutraliser les acides`` (MAN.-MAN. Méd. 1980).
b) MINÉR., le plus souvent au plur. Provision non exploitée d'une substance minérale. Réserves mondiales de pétrole; réserves énergétiques, probables, prouvées, non développées, estimées, hypothétiques. La France est précisément très riche en sels naturels de potasse. Évaluées en potasse pure contenue dans le minerai, ses réserves s'élèvent à 240 millions de tonnes (Industr. fr. engrais chim., 1956, p. 4).
c) ÉCON., FIN. Détention d'une somme disponible permettant de parer à une conjoncture financière défavorable. Réserve (d'argent). Le niveau de nos réserves en devises est alarmant (REYNAUD, 1953 ds Doc. hist. contemp., p. 192). Fonds de réserve. Partie du bénéfice non distribuée qui reste à la disposition d'une entreprise sans être intégrée au capital. Il sera prélevé avant toute répartition 5 % qui resteront en caisse pour subvenir aux besoins imprévus de la société; ces fonds de réserve seront retirés par les associés à la fin de la société (Coopérative ouvrière, 1850, ds Doc. hist. contemp., p. 200). Réserve légale. ,,Fonds de réserve que toute société par action doit constituer à l'aide d'un prélèvement d'au moins 5 % sur les bénéfices nets jusqu'à ce qu'il atteigne le dixième du capital social`` (CAP. 1936). Réserves latentes. ,,Plus-values potentielles ne figurant pas au bilan comptable`` (BERN.-COLLI 1981). Réserves (monétaires). ,,Ensemble des avoirs détenus à un moment donné par les agents du pays (...) sous forme d'or et de devises`` (COMBE 1971). Réserves (obligatoires). ,,Dépôt que les banques doivent effectuer auprès de la banque de France sur la base d'un certain pourcentage des dépôts reçus ou des crédits accordés par elle`` (COMBE 1971). Réserves occultes. ,,Réserves latentes procédant d'une volonté de dissimulation`` (BERN.-COLLI 1981). Réserves (de change). ,,Moyen de règlement dont les autorités monétaires d'un pays peuvent disposer pour solder les déficits de leurs balances des paiements envers l'étranger`` (BERN.-COLLI Extr. 1976). ASSUR. Réserve mathématique. Valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie en cas de remboursement anticipé. Dans les bilans des compagnies d'assurance sur la vie, le poste des réserves mathématiques représente les actifs correspondant aux engagements envers les assurés (BAUDHUIN 1968).
d) LITURG. CATH. La Sainte Réserve. Hosties consacrées, gardées pour la communion des malades et l'exposition du saint sacrement. Bremond, venu faire son action de grâces, s'approcha de moi et me dit: « J'ai été désolé: nous ne gardons pas ici la Sainte Réserve » (DU BOS, Journal, 1928, p. 95).
e) DÉFENSE
) Ensemble des forces qui ne sont pas engagées immédiatement et sont laissées disponibles en vue d'une intervention opportune et décisive. Réserves alliées, allemandes, britanniques; acheminer les réserves; jeter ses réserves dans la bataille. Dans la bataille-manœuvre, la réserve, c'est la massue préparée, organisée, réservée, soigneusement entretenue pour exécuter le seul acte de la bataille dont on attende un résultat, l'attaque décisive (FOCH, Princ. guerre, 1911, p. 282).
♦ En réserve, de réserve. Non engagé et laissé disponible. Corps, division de réserve; placer, rester en réserve. La Garde Nationale licenciée, l'armée de réserve à Versailles, sous les ordres de M. le Duc de Raguse (CLAUDEL, Otage, 1911, III, 3, p. 288). Deux de ces bataillons ont été maintenus en réserve à Altstadt sur l'ordre formel du prince royal (FOCH, Princ. guerre, 1911, p. 211).
♦ MAR. [À propos d'un bâtiment ou d'une flotte] De réserve. En partie désarmé et à effectif incomplet. La position de réserve est celle des bâtiments ne naviguant pas mais entretenus par un noyau d'équipage et susceptibles d'être réarmés en cas de besoin (LE CLÈRE 1960).
) La réserve. Fraction des forces armées d'un pays qui n'est pas maintenue dans l'armée active mais peut y être rappelée soit en cas de conflit, soit pour effectuer une période. Être versé dans la réserve; sous-officier, lieutenant de réserve; élève officier de réserve (E.O.R.). Les militaires de la disponibilité et des réserves rappelés à la mobilisation, et les engagés pour la durée de la guerre en vertu des articles 64 et 65 de la présente loi n'ont pas droit à la haute paye (J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p. 3821). L'officier de réserve admis à l'honorariat conserve l'appellation de son grade jusqu'à sa mort (LUBRANO-LAVADERA, Législ. et admin. milit., 1954, p. 76).
♦ Première réserve. Fraction des réservistes comprise entre la fin de la disponibilité et 38 ans. Les hommes du service armé appartenant à la première réserve peuvent aussi recevoir une affectation spéciale (J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p. 3818).
♦ Deuxième réserve. Fraction des réservistes comprise entre 38 et 48 ans. Tout homme des réserves père de trois enfants vivants est classé, dès la naissance de son troisième enfant, dans la plus jeune classe de la deuxième réserve (J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p. 3819).
♦ Réserve active. ,,Position des cadres de la réserve liés à l'armée par un contrat qui les oblige, en temps de paix, à accomplir certains services militaires`` (Lar. Lang. fr.).
♦ Cadre de réserve. ,,On appelle cadre de réserve par opposition au cadre d'activité, un cadre sur lequel sont portés les intendants militaires et les généraux de brigade à 62 ans, les généraux de division et les contre-amiraux à 65, les vice-amiraux à 68`` (BACH.-DEZ. 1882).
♦ Unité de réserve. ,,Formation mobilisée ne comprenant qu'une faible proportion d'éléments de l'armée active`` (Lar. Lang. fr.). Pour la première fois, le renseignement nous parvenait que les corps d'armée de la IIe armée allemande étaient probablement suivis de formations de réserve portant les mêmes numéros que les corps actifs: premier indice de la présence d'unités de réserve employées dans les opérations actives (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 306).
2. Au fig. Ce que l'on garde au fond de soi en surplus. Réserve de bonne humeur, de courage, de force, de fraîcheur, de rancune. Je ne possédais plus de réserve de belle humeur (ARNOUX, Chiffre, 1926, p. 103):
• 2. ... ses lèvres un peu renflées découvraient des dents brillantes, dont la santé annonçait, chez cette créature encore fragile, une réserve intacte des forces physiques, et le futur épanouissement de la femme dans le mariage et le bonheur.
BOURGET, Sens mort, 1915, p. 22.
— MUSÉOGR. Dépôt des œuvres d'art non exposées. Synon. magasin. P. méton., les collections ainsi conservées. Les réserves du Louvre.
— SPORTS. Énergie mise de côté en vue d'un effort plus soutenu à fournir. De plus, on enseigne à l'élève à n'utiliser que le minimum de force nécessaire pour le but recherché de façon à garder une réserve de puissance pour parer à une attaque soudaine (Jeux et sports, 1967, p. 1453).
C. — Spéc. Ce qui est mis de côté par mesure de sauvegarde ou de protection.
1. SC. DE LA TERRE
a) ÉCOL. ,,Territoire où des mesures de protection spéciales sont appliquées en vue de la conservation d'espèces ou de milieux naturels présentant un intérêt exceptionnel sur le plan biologique ou esthétique`` (Envir. 1972). Réserve naturelle; réserve nationale de Camargue; réserve biologique, botanique, ornithologique, zoologique; réserve de faune, de flore. Si la forêt fournit à l'habitant son bois et son sol, elle abrite aussi un troupeau d'animaux sauvages qu'il est interdit de chasser dans les forêts classées. Dans les autres territoires (...) des zones spéciales comme les réserves naturelles et parcs nationaux sont interdites aux chasseurs (Forêt fr., 1955, p. 41).
b) EXPLOITATIONS FORESTIÈRES. Partie d'une forêt qu'on laisse en futaie. La conversion, soit en futaie régulière, soit en futaie par bouquets, même avec mélange de résineux, exige que dans le taillis sous futaie initial on dispose d'une réserve chêne de qualité suffisante pour justifier l'orientation nouvelle que l'on désire donner à la production (COCHET, Bois, 1963, p. 106). Réserve de bois. V. infra ex. de Meynier.
c) CHASSE, PÊCHE. Partie d'un cours d'eau ou d'un territoire nettement délimité où l'on prohibe la chasse ou la pêche dans un but de repeuplement. Réserve de chasse, de pêche. L'expiration du délai de cinq ans fixé pour l'interdiction absolue de la pêche dans ces réserves n'a pas toujours concordé avec la fin des baux en vigueur (Code pêche fluv., 1875, p. 166). Un peu partout, réserves de bois, ou réserves de chasses, des boqueteaux s'élèvent au milieu de la plaine, reliques naturelles d'où partent les reconquêtes (MEYNIER, Paysages agraires, 1958, p. 108).
2. ETHNOL. Territoire assigné aux indigènes dans certains pays et soumis à un régime particulier. Où c'est qu'on va aller, Manuel? Il lui proposa de se rendre sur la rive sud et de visiter Caughnowaga, la réserve indienne (ROY, Bonh. occas., 1945, p. 404).
3. BIBL. Partie des collections d'une bibliothèque qui est accessible à des conditions particulières (d'apr. ROLLAND-COUL. 1969). Il serait chimérique de prétendre grossir d'un ou de plusieurs millions de volumes les « réserves » de bibliothèques (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 1115). P. méton. ,,Endroit d'une bibliothèque où sont conservés les ouvrages rares ou de très grande valeur`` (ROLLAND-COUL. 1969). La salle de la réserve est largement éclairée par sept hautes baies qui ouvrent sur la cour de l'hôtel Tubeuf (CAIN, Transform. B. N., 1959, p. 15).
4. ARTS GRAPH., BEAUX-ARTS. ,,Toute partie, dans un dessin, une peinture ou une gravure, sur laquelle il n'existe pas d'application`` (BÉG. Dessin 1978); partie laissée en blanc dans un fond imprimé. À imprimer en réserve blanche. Dans les deux réserves blanches [d'un bol de Chine], sur lesquelles pendillent de roses nélumbos, se voit nageant un canard mandarin doré (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, t. 2, 1881, p. 256). ,,Toute partie protégée d'une manière ou d'une autre, afin d'apparaître sans application en fin de travail`` (BÉG. Dessin 1978). ,,Toute protection susceptible d'empêcher, à un endroit donné, une application sur un support`` (BÉG. Dessin 1978).
D. — Attitude, qualité qui consiste à ne pas se livrer ou à ne pas s'engager imprudemment ou de manière excessive, indiscrète. Synon. circonspection, discrétion, retenue; pudeur (en parlant d'une femme). Réserve absolue, accoutumée, affectée, diplomatique, excessive, exquise, extrême, glaciale, habituelle, hostile, naturelle, ordinaire, polie, prudente, pudique, spirituelle; réserve vis-à-vis de qqn, à l'égard de qqn; absence de réserve; être sur, se tenir sur la réserve; garder une certaine réserve; faire preuve de réserve; plein de réserve. Il était musulman, et sa religion, ainsi que les usages, lui imposaient la plus grande réserve avec les femmes quand elles n'ont pas été achetées par un bon contrat, ou prises à la guerre (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 204). On n'eût pu dire si son mutisme était réserve ou sournoiserie (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 280).
♦ Obligation, devoir de réserve; la réserve. Devoir de discrétion dans le comportement et les propos auxquels sont tenus les fonctionnaires, notamment pour ce qui concerne leurs opinions politiques et leurs activités professionnelles.
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694-1740: reserve; dep. 1762: ré-. Étymol. et Hist. A. 1. 1342 « clause qui modifie et limite un document contractuel » (Comptes de travaux exécutés en Saintonge, 11 ds DELB. Notes mss); 2. a) mil. XVe s. sans quelconque réserve « sans aucune restriction » (G. CHASTELLAIN, Epistre au Duc de Bourgogne, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 6, p. 150); b) 1628 « restriction, exception » (STOER, Dict. fr. all. lat., f ° 311 v °); c) 1629 à la réserve de « à l'exception de » (G. DE BALZAC, Lettres, 41, Œuvres, éd. 1665, t. 1, p. 310); d) 1671 à la réserve que « sauf que » (SÉVIGNÉ, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 254); e) 1804 sous réserve (Code civil, art. 601, p. 111); 1843 sous toute réserve (NERVAL, Corresp., éd. J. Marsan, 1911, p. 145). B. 1. 1561 avoir en réserve « avoir encore, garder » (G. CHASTELLAIN, Déprécation pour Pierre Brézé, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 7, p. 41); 2. 1535 hommes de réserve (CALVIN, Institution, Epistre au roy, éd. J.-D. Benoît, t. 1, p. 42); 1667 corps de réserve (ARNAUD D'ANDILLY, Mém., t. 1, p. 353); 1740 la réserve de l'armée (MABLY, Parall. rom. fr., t. 2, p. 116); ca 1791 réserve nationale (Projet de décret, Arch. Parl., 1ère Ser. t. L, p. 718, col. 2 ds BRUNOT t. 9, p. 930); 3. a) 1550 « conservation pour plus tard, provision » vin de réserve (RONSARD, Odes, II, XIV, Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 1, p. 216); 1555 mettre en réserve (ID., Meslanges, ibid., t. 6, p. 162); b) 1588 plur. « biens, sommes d'argent pour plus tard » (MONTAIGNE, Essais, I, XIV, éd. P. Villey, p. 64); cf. aussi 1580 sing. « biens (gardés pour les héritiers) » (ID., ibid., II, XXXVII, p. 784); c) 1636 « attribution, du vivant du possesseur, d'une partie d'une succession indépendamment des décisions du testateur » (MONET); d) 1704 « hosties consacrées que l'on garde » (BOSSUET, Méd. sur l'Évangile, p. 433); e) 1752 « cartes mises à l'écart pour tricher » (Trév.); 4. a) 1765 « zone forestière gardée pour une exploitation ultérieure » réserve de bois ou bois de réserve (Encyclop. t. 14); b) 1798 (Ac.: On appelle, en terme de chasse, Réserve ou canton de réserve, Un canton qui est réservé pour celui à qui la chasse appartient); c) 1832 « partie d'un domaine exploitée directement par le maître ou en son nom, non divisée en tenures » (SAND, Indiana, p. 90); d) 1854 bibl. (NERVAL, Filles feu, Angélique, p. 512); e) 1868 « territoire réservé aux indigènes dans un pays colonisé par des européens » (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 2, p. 168); 5. a) 1804 « partie d'un objet que l'on recouvre par badigeonnage ou impression d'un produit le protégeant d'une teinture, d'une encre ou d'un acide de gravure » (STENDHAL, Journal, t. 1, p. 54); b) 1828 p. méton. « produit que l'on met pour protéger ces parties » (DOIN, Dict. teint., p. I); 6. 1831 « endroit où sont entreposées les choses en réserve » ici « vaisseau désarmé faisant fonction de magasin mobile auprès d'autres navires » (WILL.); 1854 (FREY Typogr.: Réserve. — 1. On nomme ainsi les armoires ou autre partie du local où l'on emmagasine les paquets de distribution, etc.). C. 1549 « avantage, prérogative ou exclusivité donnée à quelqu'un » (EST.); 1560 spéc. « exclusivité pour remettre certains péchés graves » (cf. cas réservés) (CALVIN, op. cit., III, IV, éd. J.-D. Benoît, t. 3, p. 106). D. 1664 « limitation à son expression, circonspection » (SÉVIGNÉ, op. cit., t. 1, p. 70); 1751 être sur la réserve (PRÉVOST, Lettres angloises ou hist. de Clarisse Harlove, t. 2, p. 119). Déverbal de réserver qui traduit souvent le lat. reservatio (v. réservation1). Au sens B 4 e, traduit l'angl. reservation (1789 aux États-Unis ds DAE et Americanisms, v. aussi NED Suppl.2 pour les empl. au Canada, en Afrique et en Australie). Fréq. abs. littér.:3 739. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 3 259, b) 3 302; XXe s.: a) 4 353, b) 8 738.
DÉR. Réservataire, adj., dr. [Corresp. à supra A 3] Héritier réservataire. Personne qui bénéficie du droit de réserve. Anne-Marie avait légué à Pauline les trente-cinq mille francs disponibles. Si elle mourait, le père ayant à prendre son quart d'héritier réservataire, rien n'irait à l'autre (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 89). Empl. subst. masc. Un réservataire. (Dict. XXe s.). — []. Att. ds Ac. 1935. — 1res attest. 1846 adj. héritier réservataire (Cour de Paris, 17 mars ds LITTRÉ Suppl.), 1875 subst. (Lar. 19e); de réserve d'apr. le rad. du supin de reservare (v. réserver); suff. -aire.
BBG. — Dossiers de mots. Néol. Marche. 1976, n ° 1, p. 77. — NORDBÄCK LINDER (H.). Terminol. des traités. Banque Mots. 1981, n ° 21, p. 99. — QUEM. DDL t. 5, 16 (s.v. fonds de réserve), 21. — SCHWAKE (H. P.). Zur Frage der Chronologie französischer Wörter. In: [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, pp. 501-505.
réserve [ʀezɛʀv] n. f.
ÉTYM. 1342; de réserver.
❖
———
1 Dr. Clause restrictive qu'on ajoute afin de ne pas se trouver lié par une obligation. || Faire ses réserves : se prémunir contre l'interprétation qui pourrait être donnée d'un acte (⇒ aussi Protestation).
♦ (1628). Cour. Se réserver d'exprimer son désaccord, de faire valoir ses objections plus tard. — Faire des réserves sur (une opinion, un projet) : ne pas donner son adhésion, son approbation pleine et entière, émettre des doutes sur… || Les spécialistes font de sérieuses réserves sur la valeur de sa théorie. ⇒ Critique. || Il n'épousait (cit. 13) jamais une opinion qu'avec toutes sortes de réserves. ⇒ aussi Rectification, restriction.
1 (…) on ne parlait que de Lamartine, de Victor Hugo. Le supérieur s'y mêlait, et, pendant près d'un an, aux lectures spirituelles, il ne fut pas question d'autre chose. L'autorité faisait ses réserves; mais les concessions allaient bien au delà des réserves.
Renan, Souvenirs d'enfance…, III, III, Œ. compl., t. II, p. 812.
♦ Réserve faite de ses droits, de ses intérêts, sans préjudice de ses droits, de ses intérêts.
♦ ☑ (1838). Dr. Sous toutes réserves. Formule placée à la fin d'un acte de procédure pour garantir ce qui n'est pas stipulé de manière expresse. — (1580). Cour. Sans garantie, sans engagement. || Nouvelle donnée sous toutes réserves. — Au sing. || Sous (toute) réserve. || Il a donné son accord, mais sous réserve, sous condition.
2 Je vous ai communiqué à ce moment-là quelques premières impressions, sous réserve.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXII, p. 175.
♦ ☑ Dr. Sous réserve de… : en réservant tel recours, telle possibilité (→ Adultérin, cit. 2; excuse, cit. 10). || Sous réserve de vérification : en se réservant le droit de n'accepter définitivement qu'après vérification (→ Sous bénéfice d'inventaire); (cour.) en mettant à part (telle éventualité). || Sous réserve d'erreur (→ Sauf erreur; si je ne me trompe). || C'est fort bien en gros (cit. 34) et sous réserve de quelques objections. || Sous réserve que…, suivi du subj. || J'ai accepté sous réserve qu'on attende quelques jours.
2 Dr. Ce qui est réservé à qqn; ce qu'une personne s'est réservé.
♦ (1636). || Réserve héréditaire, réserve légale, ou simplement, réserve : portion d'une succession que la loi réserve à certains héritiers (⇒ Réservataire) et dont on ne peut disposer à titre gratuit au détriment de ces héritiers. ⇒ Légitime (II.); → Exhérédation, cit. 2. || Réserve héréditaire et quotité disponible. — (Sous l'Ancien Régime). || Réserves coutumières : part (fixée par la coutume) que prélevait le seigneur ou l'Église sur un héritage privé.
♦ Partie d'une chasse réservée au propriétaire (→ Chasse réservée).
3 (Dans des loc.). Exception, restriction.
♦ ☑ Vieilli. À la réserve de : à l'exception de. ⇒ Excepté, sauf. || Il toucha tout le monde, à la réserve de la Reine, qui demeura inflexible (cit. 2). — ☑ Vx. À la réserve que… (et l'indic.) : si ce n'est que… || « Je suis hors d'affaire, à la réserve que j'ai les bras, les mains, les jarrets, les pieds gros et enflés » (Mme de Sévigné, 498, 31 janv. 1676).
♦ ☑ Loc. adv. et adj. (1580). Mod. Sans réserve : entièrement, sans restriction, sans réticence. || Il lui est dévoué sans réserve (→ Corps et âme). || Il croit sans réserve tout ce qu'il entend dire (→ Sans défiance). || Une philosophie qui peut, sans réserve et sans équivoque, être appelée rationnelle (→ Criterium, cit. 3). || Franchement (cit. 3), loyalement, sans réserve (→ Sans arrière-pensée). — Une admiration sans réserve. ⇒ Entier. || Une amitié sans réserve (→ Sans partage). || Acceptation sans réserve (→ Pur et simple).
3 Il a fait trop de canailleries pour que je puisse lui exprimer une admiration sans réserve (…)
Flaubert, Correspondance, 394, 1er juin 1853.
4 Ici encore, si je m'abandonnai sans réserve à son charme, ce fut par vanité.
Edmond Jaloux, Fumées dans la campagne, VIII.
———
II (1664; correspond à réservé, ée, adj.).
1 Attitude, qualité qui consiste à ne pas se livrer indiscrètement, à ne pas s'engager imprudemment, à se garder de tout excès dans les propos, les jugements. ⇒ Circonspection (cit. 4), dignité (cit. 13), discrétion (cit. 9), ménagement, modération, modestie, prudence, quant-à-soi, retenue. || Il y a, dans l'humour (cit. 7) véritable, une pudeur, une réserve, une contention que n'observe pas le franc comique. || Une réserve absolue, allant jusqu'à la froideur. || Garder (cit. 74) une certaine réserve. || Plein de réserve, de retenue. ⇒ Pudique, réservé. — Au plur. || Ces craintes, ces réserves, ces pudeurs (→ Interposer, cit. 2). Spécialt. ⇒ Décence, pudeur. || Mes tantes, modèles de décence, d'honnêteté, de réserve (→ Prêt, cit. 4). || La race gauloise (cit. 4) manque de réserve et de chasteté. — ☑ (1762). Être, se tenir, demeurer sur la réserve : garder une attitude réservée (→ Cordial, cit. 5; gauchir, cit. 2).
5 M. d'Ormesson m'a priée de ne le plus voir que l'affaire ne soit jugée; il est dans le conclave, et ne veut plus avoir de commerce avec le monde. Il affecte une grande réserve; il ne parle point, mais il écoute (…)
Mme de Sévigné, 60, 4-5 déc. 1664.
6 Il savait, lui, par sa propre expérience, combien une espèce de compagnonnage presque masculin est le plus sûr moyen d'empêcher la familiarité. Il semble supprimer la différence des sexes, tandis que la réserve trop effarouchée l'exagère.
Paul Bourget, Un divorce, III.
7 Jacques, interrogé sur ses occupations, parla de travaux personnels, de journalisme. Il était résolu à demeurer sur la réserve et, dans ce milieu, à ne pas afficher inutilement ses opinions.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 184.
8 Mais j'admire à présent tout ce que je suis arrivé à n'y pas dire, à réserver. (Je songe longuement à cette vertu que peut devenir chez un écrivain « la réserve ». Mais qui sait comprendre cela ? de nos jours).
Gide, Journal, 31 juil. 1905.
8.1 Très sensible à la tendre amitié que lui témoignait la pauvre femme, Rouletabille n'en conservait pas moins une extrême réserve et affectait, dans ses rapports avec elle, une politesse émue (…)
G. Leroux, le Parfum de la dame en noir, p. 26.
2 (V. 1970). || Obligation de réserve, imposant aux agents de la fonction publique la discrétion dans l'expression de leurs opinions politiques, ou dans la diffusion des informations concernant leurs fonctions.
———
III (1541).
1 Concret. Quantité accumulée de manière qu'on puisse en disposer et la dépenser au moment le plus opportun. ⇒ Provision (I.). || Constituer une réserve, disposer d'importantes réserves de… || Ses réserves sont épuisées. || Réserve d'argent. ⇒ Économie (supra cit. 24), épargne (supra cit. 12); → aussi Caser, cit. 2; impécuniosité, cit. 2.
♦ Fin. publiques. || Réserves de change, ou réserves monétaires : moyens de paiement d'un pays pour combler les déficits de sa balance des paiements vis-à-vis des pays étrangers. || Disposer d'une réserve qui permette de faire face aux besoins imprévus. ⇒ Volant (de sécurité). — (1936). Fin. Bénéfice qui est conservé à la disposition de l'entreprise et n'est pas incorporé au capital. || Fonds de réserve. || Réserve de renouvellement des immobilisations, de renouvellement des stocks. || Réserve de garantie d'une compagnie d'assurances. — Réserve mathématique : valeur de rachat de certains contrats d'assurance (assurance vie-capitalisation), lors d'un remboursement anticipé. — Réserves de vivres. ⇒ Approvisionnement, stock. — Réserves de puissance d'un moteur.
♦ (1904). Physiol. Substances accumulées dans les tissus et utilisées pour la nutrition en cas de besoin. || Les tissus contiennent des réserves d'eau, de sels, de graisse, de protéines, de sucre (→ Oxygène, cit. 4). — Réserve alcaline : ensemble des substances contenues dans le sang (bicarbonate de sodium, etc.) qui peuvent neutraliser les acides. || La réserve alcaline contribue à maintenir l'alcalinité sanguine à un taux constant. ⇒ Tampon. || Perturbation de la réserve alcaline dans certaines maladies (acidose, alcalose).
♦ (1964). Quantité non encore exploitée (d'une substance minérale). || Les réserves mondiales de pétrole. || Réserves prouvées et réserves estimées. || Les réserves françaises de charbon se montent à X millions de tonnes.
♦ (1870). Liturgie cathol. Ensemble des hosties consacrées que l'on garde, après la messe, pour la communion des malades et l'exposition du saint sacrement. || La Sainte Réserve. Par ext. Le vase où l'on conserve ces hosties. || Réserve en forme de colombe.
♦ (1893). Fig. et par métaphore. || Il amassait (cit. 9) en lui toute une réserve d'énergie égale à la hardiesse de son dessein (→ aussi Potentiel, cit. 3). || Il a toute une réserve d'anecdotes (→ fig. et fam. Cargaison). || Toute une réserve de souvenirs… (⇒ Trésor).
9 M. Pascal le père avait nourri son fils d'un aliment si fort et si chrétien, que Pascal y a toujours trouvé une réserve et de quoi souffrir la famine dans les temps où il put craindre disette de foi.
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », II.
10 (…) cette vie, les souvenirs de ses tristesses, de ses joies, formaient une réserve pareille à cet albumen qui est logé dans l'ovule des plantes et dans lequel celui-ci puise sa nourriture pour se transformer en graine (…)
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 898.
11 Grains emmagasinés, poisson ou viandes, séchés ou fumés, — des réserves matérielles, productrices de temps libre, diminuent aussi l'accidentel de la subsistance, excitent à la prévision.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 285.
12 (…) la découverte de la bombe atomique nous a montré que l'homme va désormais pouvoir utiliser à son gré les formidables réserves d'énergie qui se cachent dans les noyaux des atomes, au cœur même de la matière.
L. de Broglie, Physique et Microphysique, p. 354.
2 ☑ (V. 1460). En réserve. || Avoir garder, mettre, tenir qqch. en réserve. ⇒ Accumuler, amasser, garder (III.), serrer (→ Munitionnaire, cit. 2).
13 C'est le moment, dit mon père, de déboucher une de ces bouteilles, que je tiens en réserve pour les grandes fêtes, qui sont la Noël, les Rois et la Saint-Laurent.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, V, Œ., t. VIII, p. 38.
♦ Fig. || Un argument qu'on garde en réserve (⇒ Subsidiaire).
♦ ☑ (1690) … de réserve : qui est mis de côté, constitue une réserve. || Vivres de réserve (→ État, cit. 61). — Eaux et Forêts. || Bois de réserve. ⇒ Bois (supra cit. 21).
3 (1669). || Les réserves, troupe non engagée, gardée disponible pour intervenir au moment voulu. || Acheminement des réserves vers le front. || « Réserves générales », à la disposition du commandant en chef (→ Armée, cit. 13).
14 À cette somme de soldats qu'on laisse filtrer vers l'arrière, on substitue donc des réserves neuves qui ont caractère d'organisme. Ce sont elles qui bloquent l'ennemi. Quant aux fuyards, on les récolte pour les repétrir en forme d'armée. S'il n'est point de réserves à jeter dans l'action, le premier recul est irréparable.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XVII.
REM. Dans ce sens, réserve s'emploie toujours au pluriel, sauf dans les expressions comme « armée, corps de réserve » (→ Armée, cit. 6), « rester en réserve » où réserve a la valeur de « action de réserver ».
15 — (…) Dis-nous voir… C'est vrai que le troisième bataillon restera en réserve ?… Pourquoi celui-là plutôt qu'un autre (…)
R. Dorgelès, les Croix de bois, V.
♦ (1791, réserve nationale). || La réserve (par oppos. à l'armée active ou l'active, n. f.) : la portion des forces militaires d'un pays qui n'est pas maintenue sous les drapeaux mais peut y être rappelée. Temps pendant lequel les citoyens mobilisables d'un pays font partie de cette réserve. || Période de réserve. || Réserve et disponibilité. || Première, deuxième réserve. || Officiers, sous-officiers et hommes de troupes des réserves. ⇒ Réserviste (→ Mobilisation, cit. 2). || Officier, sous-officier de réserve, qui appartient à la réserve, par oppos. à officier, sous-officier de carrière (cf. (vx), Officier de complément). || Capitaine, lieutenant (cit. 6) de réserve. || Peloton d'élèves officiers de réserve (E. O. R.). — Cadre de réserve.
16 On portait à la connaissance du 94e territorial qu'un départ important se produirait le lendemain dans deux directions, pour le régiment d'active et pour le régiment de réserve.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 341.
16.1 (…) j'accomplis sur les grandes routes bretonnes une période de réserve (…) je suis à Brest.
J.-R. Bloch, Deux hommes se rencontrent, p. 73.
♦ Mar. || Escadre de réserve : escadre partiellement désarmée, à effectifs incomplets.
———
IV Ce qui est gardé ou partagé.
1 Choses, êtres vivants mis à part, gardés ou protégés; lieu spécialement affecté à leur conservation.
♦ (1765). Spécialt. Partie d'une forêt, ensemble des arbres d'une coupe qu'on laisse croître en haute futaie. — (1964). || Réserve naturelle : territoire soumis à un régime spécial pour la protection de sa flore et de sa faune. || Les grandes réserves du Kenya, de Tanzanie. || Réserve zoologique. || La réserve nationale de Camargue. || Réserves naturelles. ⇒ Parc. || Réserve biologique. || Réserves de faune, de flore. || Réserve ornithologique.
♦ (1845). Canton de chasse, de pêche, réservé au repeuplement.
2 (1935). Dans une bibliothèque publique, Ensemble des livres qui sont classés à part et que l'on communique aux lecteurs sous certaines conditions. || La réserve de la Bibliothèque nationale.
3 (1885). Local (cit. 7), construction qui sert à entreposer, à garder en réserve. ⇒ Entrepôt, magasin; dépôt.
17 (…) une grande maison blanche sans caractère, à laquelle sont accolés un tas de petits communs, de réserves, d'appentis de guingois (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 27 juil. 1885, t. VII, p. 44.
♦ Dans un musée, Dépôt des œuvres d'art non exposées. ⇒ Magasin (supra cit. 3). || Présenter au public par roulement les tableaux des réserves. || Les dessins des réserves du Louvre. Par ext. Les collections en réserve. || Exposer les réserves.
B (1867, cit. 17.1; adapt. de l'anglo-amér. reservation, aux États-Unis, 1830). Aux États-Unis et au Canada, Territoire réservé aux Indiens et soumis à un régime spécial. || Réserve indienne.
17.1 (…) les Comanches, les Apaches, les Kayoways, les Cheyennes et les Arrapahoes (…) ont consenti à se rendre dans les cantonnements ou réserves que leur ont indiqués les commissaires (…) De nomades ils sont devenus sédentaires (…)
♦ Par anal. Territoire réservé à des indigènes, dans un pays du Commonwealth.
17.2 « Reserve for the blacks », la réserve pour les noirs. C'est là que les indigènes ont été brutalement repoussés par les colons (…) Tout homme blanc (…) peut franchir les limites de ces réserves. Le noir seul n'en doit jamais sortir.
J. Verne, les Enfants du capitaine Grant, 1867, p. 320.
18 Il nous explique rapidement la situation des Indiens des réserves (…) ils peuvent végéter à peu près paisiblement à l'intérieur des territoires qui leur sont assignés : ils n'ont ni le titre de citoyen américain, ni les droits que ce titre implique; ils n'ont aussi qu'une partie des charges correspondantes et sous le protectorat paternaliste des blancs ils jouissent d'un simulacre d'autonomie.
S. de Beauvoir, l'Amérique au jour le jour, p. 185.
1 (1870). Arts. Partie, espace laissé intact (sans ornement, ou en blanc) dans un ouvrage, une aquarelle, etc.
2 (1860, cit. 19). Techn. Surface qu'une couche de substance protectrice soustrait à l'action d'un acide, d'un colorant, etc., et qui peut ainsi rester en relief ou en blanc.
19 (Oberkampf) était un ouvrier habile, qui, dès sa jeunesse (…) avait appris à imprimer la réserve, c'est-à-dire à teindre des toiles en fond bleu dont le dessin était conservé en blanc.
U. Fage, Industriels et Inventeurs, 1860, in D. D. L., II, 5.
3 (1870). Substance protectrice utilisée pour faire une réserve (→ ci-dessus, 2.).
❖
CONTR. (Du sens II) Audace, familiarité, hardiesse, impudence.
DÉR. Réserviste.
Encyclopédie Universelle. 2012.