risquer [ riske ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1604; pron. 1577; de risque
1 ♦ Exposer à un risque, mettre en danger. ⇒ aventurer, hasarder. Risquer sa vie : s'exposer à la mort. « il risqua, pour cette femme tremblante, sa popularité, sa destinée, sa vie » (Michelet). Risquer de l'argent au jeu. Risquer le paquet. — Loc. Risquer le tout pour le tout. ⇒ va-tout (cf. Jouer à quitte ou double) . PROV. Qui ne risque rien n'a rien. — Absolt Risquer gros, en jouant gros jeu. — Pronom. « Il se risqua dans une entreprise où il jeta toutes ses forces » (Balzac). Se risquer à intervenir. Je ne m'y risquerai pas : c'est un danger auquel je ne m'exposerai pas.
♢ Fam. Mettre (une partie du corps) à un endroit où il y a quelque risque (d'être surpris, vu, etc.). Risquer un œil à la fenêtre. Risquer le nez dehors. « ils risquaient, par-dessus la haie, leurs trois têtes curieuses » (Bosco). — Pronom. S'avancer, se montrer. « des enfants se risquaient derrière les jupes des mères » (Zola). ⇒ s'aventurer.
2 ♦ Tenter (qqch. qui comporte des risques). ⇒ entreprendre, oser. Je veux bien risquer une démarche en ce sens. Risquer le coup.
♢ Avancer ou introduire (un mot, une remarque), avec la conscience du risque couru. Risquer une question, une comparaison. « Il arrivait parfois à sa fille [...] de risquer devant elle un mot d'argot » (F. Mauriac).
3 ♦ S'exposer ou être exposé à (un danger, un inconvénient). « Je risquais la guillotine, avec une pareille histoire » (Zola). Tu risques une indigestion, à tant manger. Je ne risque rien. Après tout, qu'est-ce qu'on risque ? — (Choses) Marchandises bien emballées qui ne risquent rien.
4 ♦ RISQUER DE (et inf.).— (Sujet personne) Courir le risque de; s'exposer ou être exposé à. Risquer de tomber. ⇒ manquer. « On risque d'avoir tort si l'on est absent » (Barthou). — (Sujet chose) Pouvoir, quelque jour ou en quelque façon, en tant que possibilité dangereuse ou fâcheuse. Il risque de pleuvoir. Fam. La boulangerie risque d'être fermée, est probablement fermée maintenant.
♢ Par ext. (XXe) Avoir une chance de (sans idée d'inconvénient). Ça risque de marcher. « la seule chose qui risquerait de l'intéresser, ce serait mon flacon de rhum » (Romains).
♢ RISQUER QUE (et subj.). Vous risquez qu'il s'en aperçoive.
⊗ CONTR. Assurer.
● risquer verbe transitif (de risque) Exposer quelque chose à un risque, à un danger possible, à une éventualité fâcheuse : Risquer de l'argent dans une affaire. S'exposer à faire ou à subir telle chose : Vous risquez un accident grave. Avoir une chance de (équivaut à pouvoir ou à un éventuel) : Ce cadeau risque de lui plaire. La boulangerie risque d'être fermée. Engager une action qui comporte des dangers, dont l'issue est douteuse : Risquer une plaisanterie. ● risquer (citations) verbe transitif (de risque) Jean Louis Laya Paris 1761-Bellevue, Hauts-de-Seine, 1833 Académie française, 1817 Quand on n'a rien à perdre, on peut bien tout risquer. L'Ami des lois ● risquer (difficultés) verbe transitif (de risque) Sens Risquer ne s'applique en principe qu'à des événements malheureux ou regrettables : il risque de pleuvoir. Dans l'expression orale relâchée, il est fréquemment employé avec le sens de « avoir une chance de » (sans idée d'inconvénient) : le projet risque de marcher. Recommandation Dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit, préférer avoir une chance, des chances, toutes les chances de : ce projet a toutes les chances de marcher. Construction 1. Risquer de : il risque d'échouer à son examen. 2. Se risquer à : elle s'est risquée à lui faire quelques confidences. ● risquer (expressions) verbe transitif (de risque) Ne rien risquer, ne rien craindre, n'avoir à redouter aucun dommage : Garée ici, votre voiture ne risque rien. Risquer gros, prendre de gros risques, notamment au jeu ; être passible d'une condamnation, d'une pénalité sévère. Familier. Risquer le coup, la partie, le paquet, tenter une entreprise malgré son issue incertaine. Risquer le tout pour le tout, s'engager à fond, en mobilisant toutes ses ressources, pour en finir avec quelqu'un ou avec quelque chose. Risquer un regard ou, familièrement, un œil, regarder avec précaution, dans une circonstance où il y a danger à être vu. ● risquer (synonymes) verbe transitif (de risque) Exposer quelque chose à un risque, à un danger possible, à...
Synonymes :
- engager
- exposer
- hasarder
- jouer
Familier. Risquer le coup, la partie, le paquet
Synonymes :
risquer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Mettre en danger. Risquer sa vie, son honneur, sa fortune.
— Prov. Qui ne risque rien n'a rien.
— Loc. Risquer le tout pour le tout: jouer son va-tout.
|| Exposer (au risque d'être vu, blessé, etc.). Il risqua une main dans l'étroite ouverture.
d2./d Essayer, sans être assuré du résultat. On peut risquer l'aventure. Risquer le coup.
|| émettre (une parole, une opinion) en courant le risque d'être désapprouvé, mal compris, etc. Risquer une plaisanterie, un avis.
d3./d S'exposer à (un danger, une peine). Il risque la mort, une forte amende.
|| Risquer de (+ inf.): courir le risque de. Risquer de perdre son emploi.
— Par ext. Avoir une chance de. Cette opération risque de réussir.
rII./r v. Pron. Se hasarder. Se risquer dans une affaire.
⇒RISQUER, verbe trans.
A. — [Le suj. désigne une pers.]
1. Exposer (un bien) à un risque. Risquer sa fortune, son bonheur, sa réputation, son existence, son honneur, sa tête; risquer gros; risquer son argent au jeu. En brisant vos chaînes sans en avoir reçu l'ordre de Saladin, je risque ma vie sans doute, mais combien je me croirois heureux que Mathilde me demandât un pareil sacrifice! (COTTIN, Mathilde, t. 1, 1805, p. 178):
• 1. Mais le principal, c'est que Joanny n'aura pas la mauvaise note qui eût fait disparaître son nom du tableau d'honneur. Comme un joueur qui a risqué le fond de sa bourse et qui a enfin gagné, il reste un peu étourdi, trop joyeux pour que sa joie éclate d'abord.
LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 81.
♦ Pop. Risquer sa peau. Ce bonhomme (...) ôta sa pipe de sa bouche (...) et la mettant à sa poche: — Si le curé risque sa peau, dit-il, je risque la mienne! (FEUILLET, Sibylle, 1863, p. 97).
— Fam. Mettre (une partie de son corps) à un endroit où il y a un risque d'être surpris. Paul et Cécile venaient de se lever, et il lui avait fait risquer un œil à la serrure (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1316).
— Expr. et proverbes
♦ Qui ne risque rien n'a rien. On ne peut obtenir de succès sans prendre de risque. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ Risquer le tout pour le tout. S'exposer à perdre ce que l'on a engagé, pour gagner beaucoup. C'est alors qu'Henry risque le tout pour le tout et fabrique son faux, à la veille de l'interpellation Castelin (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 533).
♦ Qui risque gagne. ,,Seule l'acceptation du risque donne des chances sérieuses de gagner`` (REY-CHANTR. Expr. 1979).
2. S'exposer ou être exposé à quelque chose qui constitue un risque. Risquer un accident; risquer la prison. Et tout cela pour le mettre à même d'assassiner son prochain, sans risquer l'échafaud (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 224):
• 2. Un matin que Taüber (qui disputait à Bock l'honneur de nous amener au travail) m'avait entrepris une fois de plus sur les raisons de notre abstention, je lui avais dit pour me débarrasser de lui: « Pourquoi voulez-vous que nous allions risquer la mort dans vos usines qui sont bombardées, alors que nous pouvons demeurer en sécurité au stalag? »
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 343.
— Risquer de + inf. Courir le risque de, s'exposer à. Personne n'a le droit de pénétrer assez profondément dans la conscience d'autrui pour y distinguer l'accessoire du principal; en cherchant à extirper les croyances que l'on croit superflues on risquerait d'atteindre les organes essentiels de la vie religieuse et de la moralité (RENAN ds BARRÈS, Cahiers, t. 4, 1906, p. 183). Mais je me laisse aller et je risque de donner trop d'importance à cet honnête homme. Car, pour finir, il n'a eu qu'une influence directe sur ma détermination (CAMUS, Peste, 1947, p. 1419).
3. Tenter quelque chose qui comporte des risques; tenter une chose douteuse. Nous nous félicitâmes d'avoir risqué une course dans une partie de la Galilée si redoutée et si peu connue (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 328). Il me dit (...) qu'il regrette presque maintenant de ne pas avoir tenté sa chance aux élections qui viennent d'avoir lieu; qu'il avait une occasion (...) et qu'il aurait peut-être risqué le coup s'il avait pu supposer que l'affaire d'Amérique ne marcherait pas (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1939, p. 116).
♦ P. plaisant. Léon (...) vient s'asseoir souvent à notre table et risque des cravates déconcertantes, des gilets vifs (COLETTE, Cl. s'en va, 1903, p. 110).
♦ Fam. Risquer le paquet.
4. Introduire avec plus ou moins de force, de conviction un avis, un mot, une question, une opinion au risque d'être mal accueilli ou incompris. — Il ne dit pas un mot, dit la vieille Zéphirine, on ne sait ce qu'il a (...) — Il est amoureux, dit le chevalier en risquant cette opinion avec une excessive timidité (BALZAC, Béatrix, 1839, p. 239). On sait comment Jean-Jacques Rousseau devint secrétaire de M. Dupin, et habita Chenonceaux avec eux, comment il devint amoureux de Madame Dupin, qui était belle comme un ange, et comment il risqua imprudemment une déclaration qui n'eut pas de succès (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 45).
B. — [Le suj. désigne une chose] Exposer ou être exposé à un risque. Un souffle plus caressant et plus tiède vous permet d'entr'ouvrir votre manteau; l'olivier risque à l'air, sans frissonner, son triste et glauque feuillage (GAUTIER, Italia, 1852, p. 328).
— Risquer de + inf. Ce qui est fort triste, c'est la gelée qui a perdu les vignes de ce pauvre petit endroit et qui risque de compromettre la récolte en fruits (DELACROIX, Journal, 1854, p. 177).
C. — [Sans idée d'inconvénient, pour exprimer une idée de probabilité] Risquer de. Avoir une chance de. Vous risquez de gagner gros. Il a fallu (...) retenir surtout les faits, les chiffres et les suggestions qui risquent d'être encore utiles (CAMUS, Essais, Actuelles III, 1965 [1958], av.-pr., p. 891).
Rem. Cet empl. est condamné par DUPRÉ 1972 et encore par HANSE Nouv. 1983, mais l'affaiblissement de l'idée de « danger » était déjà relevée par COLIN 1971.
D. — Empl. pronom. [Le suj. désigne une pers.]
1. S'exposer en prenant conscience du risque encouru. Ce n'est que dans trois heures, quand il fera tout à fait nuit, que l'on pourra se risquer dehors sans être puni (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 155).
♦ P. métaph. D'autres [des rayons] se risquent dans l'épaisseur de la forêt vierge (LARBAUD, Enfantines, 1918, p. 136).
— Se risquer à. Se décider à entreprendre quelque chose malgré les conséquences désagréables que l'on envisage; se hasarder à. Aucun de ces chambellans mêmes ne se risquerait à faire, comme ministre, ce qu'il soutiendrait comme courtisan (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 168).
2. Au fig. S'avancer. Je vais ici me risquer beaucoup. Je dis qu'on peut la considérer d'un tout autre regard et prétendre que cette brève et forte expression de la personnalité de l'auteur n'a aucun sens (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 230).
Prononc. et Orth.:[], (il) risque []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1577 se risquer empl. abs. « s'exposer à une chance douteuse » (G. MEURIER, Trésor des sentences ds Proverbes fr., éd. Leroux de Lincy, t. 2, p. 400); 1604 risquer qqc. (MONTCHRESTIEN, La Cartaginoise, IV, éd. Petit de Julleville, p. 144: Mais conçoy dans toy mesme une double envie De risquer pour ton bien tes moyens et ta vie); spéc. loc. 1694 risquer le paquet (LA FONTAINE, Fables, l. XII, éd. H. Régnier, t. 3, p. 355); id. risquer le tout pour le tout (Ac.); 2. id. « s'exposer à un résultat fâcheux » (ibid.: vous risquez de beaucoup perdre, pour peu gagner); 3. 1736 « soumettre (un écrit, une opinion, un geste, etc.) au hasard d'un insuccès » (DESTOUCHES, Le Tambour nocturne, préf. ds Comédies, éd. 1836, p. 780: [M. Addison] fit une comédie [...], mais il n'osa la risquer de son vivant); 4. 1862 risquer son regard « regarder avec précaution, en craignant d'être surpris » (HUGO, Misér., t. 1, p. 547). Dér. de risque; dés. -er. Fréq. abs. littér.:3 524. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2 471, b) 3 754; XXe s.: a) 4 805, b) 7 976.
DÉR. 1. Risquable, adj. [En parlant d'une chose] Qui comporte un risque. J'aimerais mieux, nous dit Berger, descendre de roche en roche jusqu'au fond de ce précipice, que de passer dans d'autres endroits qui vous paraîtraient moins risquables (DUSAULX, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 244). Rare. Que l'on peut tenter avec quelque chance de succès. Affaire, coup, projet risquable. [Le général Humbert, ex-paysan, Vosgien: Marcher contre les Anglais] c'est ène vraie guerre de sainteté. Et pas risquabe [sic]! (Il montra le Cœur [de Hoche]). Je le jure sur c'te relique (D'ESPARBÈS, Bris. fers, 1908, p. 79). — []. Att. ds Ac. 1762-1878. — 1re attest. 1716 (MARIVAUX, Iliade travestie, L. VIII ds Œuvres, éd. 1781, t. 10, p. 424; cf. Fr. DELOFFRE, Marivaux et le marivaudage, Paris, 1955, p. 296); de risquer, suff. -able. 2. Risqueur, -euse; risqueux, -euse, adj. et subst. (Celui, celle) qui prend un risque, des risques. [Les travaux ennuyeux et faciles de la vie humble] sont pénibles et quelquefois rebutants. Le risque qui émane d'eux fait atteindre la risqueuse à la grandeur morale, la soustrait à ses hérédismes les plus généreux et personnalise ses vertus (L. DAUDET, Hérédo, 1916, p. 183). Dans le mariage aussi il faut prévoir comment on se fera évacuer. — Vous n'êtes guère risqueur (MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1249). [Des rustres] citaient de grands précédents: — M. de la Roche-saint-André n'était pas plus risqueux, ni plus chaud que vous pour prendre le fusil, monsieur le marquis; ses fermiers vous l'ont emmené de force à travers la lande, tel comme ils l'avaient trouvé lové au château, en robe de chambre (MORAND, P. de Saligny, 1947, p. 158). — [], [-kø], fém. [-ø:z]. — 1res attest. a) risqueur 1916 subst. (L. DAUDET, L'Hérédo, p. 146), 1934 adj. (MORAND, Fr.-la-Doulce, p. 18), b) risqueux ) 1771 « périlleux » (Abbé RAYNAL, Hist. philos. des Indes, t. 1, p. 348 ds BRUNOT t. 6, p. 374, note 3), ) 1947 « qui prend des risques » (MORAND, loc. cit.); de risquer, suff. -eur2, -eux.
risquer [ʀiske] v. tr.
ÉTYM. 1596, absolt; se risquer, 1577; de risque.
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1 Exposer à un risque. ⇒ Aventurer, danger (mettre en), hasarder. || Risquer sa vie, son existence (→ Étincelle, cit. 9; hasarder, cit. 1; 2. manille, cit.; mériter, cit. 8), sa tête (→ Heiduque, cit. 1; maquignonner, cit. 1), sa peau (→ Périlleux, cit. 2). || Risquer la vie de nos soldats (→ Préférer, cit. 8). || Risquer de l'argent au jeu (cit. 35; et → Parier, cit. 8), dans une affaire, une spéculation (→ Éditeur, cit. 3; million, cit. 2; poche, cit. 10; publier, cit. 5). ⇒ Engager. || Risquer son honneur, sa réputation, la vertu d'une fille… (→ Goût, cit. 37; premier, cit. 14). ⇒ Commettre, compromettre, éprouver. ☑ Risquer le paquet. || Prêt à tout risquer. → Donner, cit. 23; et aussi atout, carte (jouer sa dernière). — ☑ Loc. (1694). Risquer le tout pour le tout (→ Oser, cit. 2). ⇒ Va-tout. — ☑ Prov. (1798). Qui ne risque rien n'a rien. ⇒ Hasarder (supra cit. 1).
1 « Je n'en dois rien qu'à moi, qu'à mes soins, qu'au talent
De risquer à propos et bien placer l'argent. »
Le profit lui semblant une fort douce chose,
Il risqua de nouveau le gain qu'il avait fait (…)
La Fontaine, Fables, VII, 14.
2 Tout homme a droit de risquer sa propre vie pour la conserver. A-t-on jamais dit que celui qui se jette par une fenêtre pour échapper à un incendie soit coupable de suicide ?
Rousseau, Du contrat social, II, V.
3 Lafayette fut admirable, il risqua, pour cette femme tremblante, sa popularité, sa destinée, sa vie; il parut avec elle sur le balcon, et lui baisa la main.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., II, IX.
4 (…) on en était venu à jouer cent sous; et, dès lors, Roubaud, étonné de ne pas se connaître, avait brûlé de la rage du gain, cette fièvre chaude de l'argent gagné, qui ravage un homme jusqu'à lui faire risquer sa situation, sa vie, dans un coup de dés.
Zola, la Bête humaine, VI.
♦ Absolt. S'engager sans être assuré de réussir (→ Aventure, cit. 28; jeu, cit. 37). || Risquer gros. ⇒ Jouer (gros jeu).
4.1 Reste maintenant le tort que je peux faire aux autres étant vicieux, et le mal que je recevrai à mon tour, si tout le monde me ressemble. En admettant une entière circulation de vices, je risque assurément, j'en conviens; mais le chagrin éprouvé par ce que je risque est compensé par le plaisir de ce que je fais risquer aux autres.
Sade, Justine…, t. I, p. 48.
♦ Fam. (Sens affaibli). Mettre (une partie du corps) à un endroit où il y a quelque risque. || Risquer un œil, sa tête à la fenêtre (→ Population, cit. 9, Hugo). || Risquer le nez dehors (→ Pour, cit. 70).
5 Le lendemain, ils étaient là, plus craintifs encore, mais non moins passionnés, et peut-être plus téméraires; car parfois, se dressant sur le bout de leurs pieds, ils risquaient, par-dessus la haie, leurs trois têtes curieuses, presque tendrement.
H. Bosco, le Jardin d'Hyacinthe, p. 134.
5.1 Lorsque je parvins au coin de la longue bâtisse, je risquai un œil. Sur la terrasse, il n'y avait personne.
M. Pagnol, le Temps des secrets, p. 144.
2 Tenter (qqch. qui comporte des risques). ⇒ Entreprendre. || On ne doit point risquer l'affaire (→ Commettre, cit. 15, Molière). || Risquer une partie qu'un autre hésiterait à engager (cit. 18). || Risquer son coup, le coup (→ Heure, cit. 79). || Risquer deux ou trois pas (→ Progresser, cit. 4).
6 (…) la tentation de risquer la partie, avec de tels atouts, serait sans doute devenue irrésistible (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 156.
3 (1771). Avancer ou introduire (un mot, une remarque…), avec la conscience du risque couru. ⇒ Couler. || Risquer une question (→ Noter, cit. 5), un mot (→ Perlé, cit. 2), une comparaison, une impropriété (→ Manuscrit, cit. 7), une formule insolite (cit. 4). || Risquer les pires blasphèmes (cit. 5). || Un poète habile peut tout risquer (→ Rater, cit. 12). || Risquer une opinion évasive (→ Lorsque, cit. 10).
7 Si nous osions risquer un tel rapprochement, nous dirions que dans ce tableau, Delacroix est un Fragonard de génie.
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, La collection du comte de…
8 Il arrivait parfois à sa fille de Paris et surtout à ses petits-enfants de risquer devant elle un mot d'argot, mais jamais ils ne se fussent servis d'une expression aussi vulgaire.
F. Mauriac, le Sagouin, p. 47.
4 S'exposer ou être exposé à… (qqch. qui constitue un risque). || Risquer la mort. ⇒ Affronter (→ Cent, cit. 3). || Risquer la prison (→ Pincer, cit. 20), l'esclavage (→ Plébéien, cit. 2), la police (cit. 7) correctionnelle. || Risquer des retards (→ Exister, cit. 8), des confusions (→ Antérieur, cit. 6). || Tu risques les pires ennuis, tu joues avec le feu. || Je ne risque rien (→ Dessaler, cit. 1). || Après tout, qu'est-ce qu'on risque ? || On risque autant à croire… (→ Polythéiste, cit.). — (En parlant de choses). || Marchandises bien emballées qui ne risquent rien.
9 Bon Dieu ! ai-je été bête et fou ! Je risquais la guillotine, avec une pareille histoire (…) enfin, tout s'est bien passé. Si c'était à refaire, je ne recommencerais pas.
Zola, Thérèse Raquin, XVI.
5 (1694). || Risquer de…, suivi de l'inf. a (Sujet n. de personne). Courir le risque de…, s'exposer ou être exposé à… (→ Conseil, cit. 6; harengère, cit. 2; pied, cit. 54; poisser, cit. 2; rare, cit. 8). || Risquer de tomber. ⇒ Manquer (→ Renflement, cit. 2). || Ils ne risquaient même pas de… (→ Paniquard, cit.; et aussi éprendre, cit. 9).
10 Même quand on s'appelle Danton, on risque d'avoir tort si l'on est absent.
Louis Barthou, Danton, p. 318.
b (Sujet n. de chose). Pouvoir à un moment donné ou en quelque façon, en tant que possibilité dangereuse ou fâcheuse. || De telles passions risquent de ruiner l'âme (→ Affaiblir, cit. 3; et aussi fin, cit. 33). || La lampe risquait de se rallumer (cit. 2) toute seule. Fam. || La boulangerie risque d'être fermée, est probablement fermée maintenant.
11 Il se félicitait d'avoir près de lui quelqu'un de jeune, à qui une certaine naïveté dans la joie ne risquait pas de sembler ridicule.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, VI, p. 65.
♦ (XXe). Par ext. (sans idée d'inconvénient). Pouvoir, en tant que simple possibilité; avoir une chance de… (→ Épeler, cit. 3, Jaloux; parti, cit. 17, Camus)
12 Elle, la seule chose qui risquerait de l'intéresser, ce serait mon flacon de rhum (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXI, p. 166.
13 Il a fallu éliminer les répétitions et les commentaires trop généraux, retenir surtout les faits, les chiffres et les suggestions qui risquent d'être encore utiles.
Camus, Actuelles III, Avant-propos, p. 11.
6 (XVIIe). || Risquer que… suivi du subj. || Vous risquez qu'il s'en aperçoive.
14 Risquer qu'il (Jacques) sût sa retraite éventée, c'était du même coup risquer de le faire fuir ailleurs, plus loin, de le perdre sans recours.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 37.
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se risquer v. pron.
♦ S'exposer, avec la conscience du risque couru. || Se risquer dans une affaire, une tentative, des menées (→ Fléchir, cit. 11; incidence, cit. 1). — Absolt (→ Inutile, cit. 10; jeu, cit. 38). S'avancer, se montrer (→ ci-dessous, cit. 16). Fam. || Se risquer dans un lieu (→ Foyer, cit. 6). — Se risquer à qqch. : se hasarder à dire ou faire qqch. (→ Direct, cit. 2). || Se risquer à parler, à intervenir… ⇒ Commencer, essayer. || Je ne m'y risquerai pas. ⇒ Frotter (s'y).
15 Il voulut d'abord la fortune, et se risqua dans une entreprise où il jeta toutes ses forces aussi bien que tous ses capitaux (…)
Balzac, Albert Savarus, Pl., t. I, p. 805.
16 Des paysans sortaient un à un, des enfants se risquaient derrière les jupes des mères.
Zola, la Terre, II, V.
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risqué, ée p. p. adj.
1 (Av. 1690). Plein de risques. ⇒ Osé. || Entreprise, démarche risquée. ⇒ Audacieux. || Hypothèses de plus en plus risquées (→ Dialogue, cit. 3). || C'est trop risqué, je n'essaierai pas. ⇒ Dangereux, hasardeux, scabreux. || Un plan (cit. 4) risqué. ⇒ Aventureux.
2 (1743). Licencieux, osé. Spécialt. || Plaisanteries, propos risqués.
17 (…) le capitaine aimait la plaisanterie, et il l'aimait même un peu risquée.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Rideau cramoisi », p. 18.
18 Et ces messieurs se rapprochèrent, s'enfonçant dans une conversation risquée, à mots très-crus.
Zola, Son Excellence Eugène Rougon, t. I., p. 12.
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CONTR. Assurer.
COMP. Risque-tout.
Encyclopédie Universelle. 2012.