sans [ sɑ̃ ] prép.
1 ♦ Préposition qui exprime l'absence, le manque, la privation ou l'exclusion. Le suspect a refusé d'être interrogé sans son avocat, en l'absence de son avocat. Un enfant sans frère ni sœur, qui n'a pas de frère, etc. Être sans argent, et fam. Être sans le sou, sans un. ⇒ manquer (de). Un document sans indication de date. ⇒ dépourvu (de), privé (de). Chambre d'hôtel à cinq cents francs par jour, sans le petit déjeuner (cf. Non compris). Sans plus. — (Valeur d'hypothèse) « Sans toi, j'étais mort ! » (Hugo),si tu n'avais pas été là, j'étais mort. Partez, sans cela je me fâche; sans quoi je me fâche. Votre café, avec ou sans sucre ? Parler sans la moindre gêne. Un homme sans aucun scrupule.
♢ (Formant des loc. adj. ou adv. de valeur négative) Sans arrêt. Il pleut sans cesse. Sans conteste. Soyez sans crainte. C'est sans espoir. Tous, toutes, sans exception. Demain, sans faute. Une vis sans fin. Sans doute. Non sans : avec. Il y parvint non sans peine, non sans mal.
♢ (Suivi d'un inf.) (Servant à écarter une circonstance). « Marchons sans discourir » (P. Corneille). « Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris » (Molière). Vous n'êtes pas sans savoir que : vous n'ignorez pas. Sans mot dire. Cela va sans dire. Partons sans plus attendre. — (Avec répétition du même v.) (Pour exprimer que l'action, l'état ne sont réalisés qu'à moitié). Ces choses-là, il faut y croire sans y croire. « Il y avait des cousins, sur l'héritage desquels on comptait sans compter » (Aragon). Il est coupable sans être coupable.
2 ♦ Loc. conj. SANS QUE (et subj.). Ne faites pas cela sans qu'il soit averti. Sans que personne le sache. « Sans qu'on s'en aperçût, sans presque m'en apercevoir » (Rousseau). « Pas un jour sans que j'aille à la mer » (Le Clézio). — (Avec ne explétif) Rare « Onde [...] Où l'on ne jette rien sans que tout ne remue ! » (Hugo).
3 ♦ Advt, fam. « Chacun a son marteau, on ne sort pas sans » (Goncourt). « Nous sommes bien obligés de compter avec. Que ferions-nous sans ? » (Duhamel). Les jours avec et les jours sans : les jours où tout va bien et ceux où tout va mal (par allus. aux restrictions alimentaires en France de 1940 à 1945, aux jours avec ou sans viande, alcool, etc.).
⊗ CONTR. Avec.
⊗ HOM. 1. Cent, sang.
● Sans + infinitif (répétant le verbe précédent), à moitié, pas vraiment : Il faut y croire sans y croire.
sans
Prép. et loc. conj.
rI./r Prép.
d1./d (Marquant l'absence, la privation, l'exclusion.) Il est parti sans argent. Du pain sans sel. Une audace sans égale.
d2./d (Marquant une supposition.) Sans lui, j'étais mort. (Marquant une supposition négative.) Sans lui, je n'aurais pu réussir.
— Sans doute: probablement.
— Non sans: avec. Non sans difficultés.
d4./d (Avec un inf. et servant à écarter une circonstance.) Souffrir sans se plaindre. Vous n'êtes pas sans savoir que: vous savez que.
rII./r Loc. conj. Sans que (+ subj.). Partez sans qu'on vous voie, de telle manière qu'on ne vous voie pas. Il ne viendra pas sans qu'on l'en prie, si on ne l'en prie pas.
⇒SANS, prép., loc. conj. et adv.
I. — Prép. et loc. conj.
A. — Préposition
1. [Devant un n. ou un pron.]
a) [Marque l'absence, le manque, l'exclusion d'un être ou d'une chose] Anton. avec. Être sans argent, sans bagage(s), sans emploi, sans ressources; sans esprit, sans honneur, sans jugement, sans malice, sans méchanceté; bière sans alcool, café sans sucre, régime sans sel; chèque sans provision; robe sans manches. Même sans la musique le victimae paschali laudes est un admirable poème en vers libres (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 250). Rendez-moi rendez-moi mon ciel et ma musique Ma femme sans qui rien n'a chanson ni couleur Sans qui mai n'est pour moi que le désert physique Le soleil qu'une insulte (ARAGON, Crève-cœur, 1941, p. 37). V. être1 ex. 56 et même ex. 15.
— Loc. verb. Être sans le sou, être sans un (pop.). Être sans argent ou sans argent liquide. Et puis j'ai prêté — qu'elle dit! — cinquante balle à Myriame pour payer sa pelure, et puis y a l'une, y a l'autre qui rappliquent, qui disent qu'elles sont sans un... Est-ce que je sais! (COLETTE, Vagab., 1910, p. 69).
— Sans domicile fixe.
— En partic. [Marque que tel ou tel élément n'est pas pris en compte] Chambre sans le petit déjeuner; sans les frais.
♦ Loc. verb. Compter sans qqn, sans qqc. Ne pas prendre en considération; ne pas se méfier de. Elle avait fait raser ses magnifiques cheveux (...) elle espérait que ce pénible sacrifice (...) lui en épargnerait de plus pénibles encore. Elle avait compté sans son hôte. M. de Maurescamp (...) trouva que cette coiffure de petit soldat lui prêtait quelque chose d'original et de piquant (FEUILLET, Paris., 1881, pp. 29-30).
♦ Loc. adv. Sans plus. V. plus I A 3 b.
b) [Dans un tour à valeur hyp.] Le plus beau printemps je ne sais qu'en faire sans toi (ARAGON, loc. cit.). La science ne s'établissant que par voie de comparaison, la connaissance de l'état pathologique ou anormal ne saurait être obtenue sans la connaissance de l'état normal (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p. 660).
— Sans cela. V. cela I C 4.
c) [L'idée de négation porte sur la façon dont se déroule le procès; sans est suivi d'un subst.] Pendant que l'aîné assourdit un côté de la table, le petit frère se met de la partie et assourdit l'autre côté! Et ça continue des deux côtés, sans tact, sans merci, sans miséricorde pour la table (GONCOURT, Journal, 1892, p. 184).
— Loc. adj. ou adv. Sans appel (v. ce mot D 1), sans arrêt (v. ce mot I A 1 a), sans blague(s) (v. blague2 B), sans bornes (v. borne I B 2 b), sans cérémonie, sans cesse, sans commentaire (v. ce mot B 2 b), sans conséquence, sans consistance, sans conteste, sans contredit, sans crainte, sans délai, sans discontinuation, sans effort, sans entrain, sans équivalent, sans espérance, sans espoir, sans exception, sans excès (v. ce mot B 3 b), sans exemple (v. ce mot C 1), sans fard, sans faute (v. ce mot I B 4), sans fin (v. fin1 A 4 a ), sans frein, sans garantie, sans gêne, sans gloire (v. ce mot III C), sans hâte, sans interruption (v. ce mot A 2), sans limite, sans merci (v. ce mot I A), sans murmure (v. ce mot A 3 b), sans nom (v. ce mot II B), sans nombre (v. ce mot B 2 a ), sans partage (v. ce mot A 2), sans peine (v. ce mot C), sans peur (v. ce mot A 1 b ), sans pitié (v. ce mot A 1), sans prix (v. ce mot II 2), sans quartier (v. quartier2), sans répit (v. ce mot B), sans réserve (v. ce mot A 2 a), sans restriction (v. ce mot I A), sans retard (v. ce mot C 1), sans réticence (v. ce mot B), sans retour, sans succès, sans trêve. Sans doute, sans doute que (v. doute D). Sans égal (v. ce mot II A), sans équivalent, sans pareil (v. ce mot II A 4), sans précédent. Sans acception de (v. acception ex. 4 et 5), sans distinction de (v. distinction ex. 4), sans préjudice de (v. préjudice B). Sans égard à, pour (v. égard A 3 c).
d) Empl. subst. masc., p. plaisant. [Hulot:] — Je suis sans un liard, sans espérance, sans pain, sans pension, sans femme (...) [Josépha:] — Pauvre vieux! c'est bien des sans! (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 320).
Rem. 1. Le subst. qui suit la prép. sans est gén. sans art.: mais l'art. s'emploie quand le subst. est déterminé par une épith. ou un compl. J'imaginais qu'à droite et à gauche de l'étroite bordure il y avait un précipice et que je devais avancer sans le moindre faux pas (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 90). 2. Ce subst. est souvent au sing. parce qu'il évoque l'unité, l'abstr. ou le non comptable; le plur. est plus fréq. quand le subst. appartient au concr. Tout cela usait Félicie. Par-dessus tout, elle était sans nouvelles d'Alain (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 321).
2. [Devant un verbe à l'inf.]
a) [Marque que l'on écarte une circonstance] Sans s'arrêter, sans s'interrompre, sans tergiverser; accepter sans se faire prier; agir sans penser à mal; écrire sans discontinuer; répondre sans hésiter; être deux jours sans boire et sans manger. J'étois si fâché contre votre dernière petite lettre, chère sœur, que je voulois être encore longtemps sans vous écrire, mais je n'ai pu tenir à ma grande colère (CHATEAUBR., Corresp. gén., t. 1, 1810, p. 354). V. acception ex. 6.
— Loc. et expr. Sans compter que (v. compter I A 3 b); sans coup férir; sans désemparer; sans mot dire (v. mot II B 2); cela va sans dire (v. dire1 II C 5 b); sans mentir.
b) [Marque que l'on écarte une conséquence] Nos admirables confrères avaient besoin d'une naïveté pénétrante et surnaturelle qui s'étonnât de voir ce que tout le monde voit sans s'étonner (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 180).
c) [Marque une concession] J'ai dit, sans être convaincu de ce que j'avançais, qu'à partir du jour où Delacroix avait su que son Journal serait lu par le public, il s'est mis à écrire pour le public (GREEN, Journal, 1937, p. 114). V. aucunement ex. 11.
3. [Devant un subst. ou un verbe à l'inf.] N'être pas sans. V. être1 2e Section I B 3 b .
B. — Loc. conj. Sans que + subj. Mêmes valeurs que sans + verbe à l'inf. Par pudeur de souvenir et par fierté, elle ne pouvait se résoudre à le revoir. Et Christophe ne se crut point permis de venir, sans qu'elle l'y invitât (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1504). On peut dire que si Swann épousa Odette, ce fut pour la présenter, elle et Gilberte, sans qu'il y eût personne là, au besoin sans que personne le sût jamais (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 470).
— Sans que... ne (peu usuel). Pas moyen de faire une affaire avec ce juif-là, sans qu'il ne vous agrippe quelque chose (VIRMAITRE, Dict. arg. fin-de-s., Suppl. 1899, p. 14).
C. — [Constr. partic.]
1. Sans ou sans que, suivi d'un autre terme négatif. V. aucun I B 3; aucunement II C; jamais II A; nul I A 3 et 4; nullement C; personne2 D; rien I B.
2. Sans guère de + subst. (v. guère I D). Sans plus de + subst. L'auteur (...) nous fait part sans plus de malice (...) de ses observations (BRETON, Manif. Surréal., 2e Manif., 1930, p. 155).
— Loc. Sans feu ni lieu (v. ni II D 1 et feu 1 ex. 10); sans foi ni loi, sans queue ni tête, sans rime ni raison, sans sou ni maille, sans tambour ni trompette (v. ni II D 1); sans peur ni reproche (v. peur A 1 b ). Sans... ni sans (v. ni II D 1 rem.).
b) Sans... et sans + subst. Sans trouble et sans courroux, s'exprimant simplement Comme elle est intrépide en son attachement! (SAMSON, Art théâtr., 1863-65, p. 87).
4. Non sans + subst. ou verbe à l'inf.; non sans que + subj., non pas sans + subst. V. non II C 1.
II. — Adv., pop., fam. Anton. avec. Il faut vous dire qu'en ce moment, il n'y a qu'une chose dont on s'occupe là-bas, la minéralogie. Chacun a son marteau, on ne sort pas sans (GONCOURT, Journal, 1863, p. 1328).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. cent, sang, formes de sentir. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Prép. 1. 2e moit. Xe s. sens devant un nom ou un pronom, exprime la privation, l'absence, l'exclusion (St Léger, éd. J. Linskill, 84); déb. XIIe s. sanz (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 235); en partic. a) 1549 non sans (EST.); b) 1910 être sans un « être démuni d'argent » (COLETTE, loc. cit.); 2. ca 1170 devant un inf. marque le manque, l'absence d'une manière d'être ou d'agir (MARIE DE FRANCE, Lais, éd. J. Rychner, Guigemar, 574). B. Loc. adv. 1. a) ca 1150 senz ceo que + ind. (WACE, St Nicolas, 261 ds T.-L.); 1562 sans que + ind. (MONLUC, Lettres, 59 [IV, 161] ds HUG.); b) ca 1160 senz ce que + subj. (Eneas, 714 ds T.-L.): 1377 sans que + subj. (GACE DE LA BUIGNE, Le Roman des Deduis, éd. Å. Blomqvist, 5522); 2. a) 1538 sans cela (EST.); b) 1694 sans quoi (Ac.). C. Adv. 1821 (DESGRANGES, Petit dict. du peuple, p. 156 ds GOUG. Lang. pop., p. 121). Du lat. sine « sans », avec s adverbial; cf. aussi l'a. prov. sen, sens, senes, l'esp. sin, ainsi que l'a. fr. senoec « sans cela », ca 1180 sanoec (HUE DE ROTELANDE, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 1310), du lat. sine hoc « id. ». Fréq. abs. littér.:168 908. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 244 673, b) 223 969; XXe s.: a) 234 665, b) 248 436. Bbg. CLÉDAT (L.). Sans et sans que. R. philol. fr. 1929, t. 41, pp. 164-167. — CRISTEA (T.). Le Couple avec/sans en fr. contemp. B. de la Soc. roum. de ling. rom. 1970, t. 7, pp. 63-71. — DAMOURETTE (J.). Courte note sur la synt. de sans que. Fr. mod. 1938, t. 6, pp. 234-242. — GAATONE Nég. 1971, pp. 118-120. — GLÄTTLI (H.). Encore des rem. sur sans que... ne. Vox rom. 1987, n ° 46, pp. 87-90. — HALMØY (J.O.). Le Gérondif. Trondheim, 1982, pp. 342-350. — MOIGNET (G). Les Signes de l'exception dans l'hist. du fr. Genève, 1973, passim. — MOREL (M.-A.). Ét. sur les moy. gramm. et lex. propres à exprimer une concession en fr. contemp. Thèse, Paris, 1980, pp. 652-657, 831-837, 851-859. — RIEGEL (M.). La Représentation sém. de sans que. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1977, t. 15, n ° 1, pp. 337-359. — TOGEBY (K.) Gramm. fr. t. 4: les mots inv. Copenhague 1984, pp. 252-253.
sans [sɑ̃] prép.
❖
♦ Préposition qui exprime l'absence, le manque, la privation ou l'exclusion.
———
1 Préposition marquant l'absence, le manque d'un être ou d'une chose. || L'inculpé a refusé d'être interrogé sans son avocat (→ Hors de la présence de). || Être sans relations. || Être sans argent. || Un document sans indication de date. ⇒ Manquer (de); dépourvu (de), privé (de).
1 L'étranger, grandi sous la loi monarchique, nous trouvera sans roi avec la Royauté, sans lois avec la Légalité, sans propriétaires avec la Propriété, sans gouvernement avec l'Élection, sans force avec le Libre Arbitre, sans bonheur avec l'Égalité.
Balzac, le Curé du village, Pl., t. VIII, p. 717.
1.1 Tu ne me feras pas croire qu'il te laissait sans un ?
— Tout a été saisi, le compte en banque bloqué (…)
M. Aymé, le Vin de Paris, « L'indifférent », p. 14.
1.2 Je suis sans un, dit Palaiseau.
— On s'arrangera. Cartes sur table. Comptez votre fric. Ils mirent leur argent en commun (…)
H. Troyat, la Tête sur les épaules, p. 166.
2 Préposition marquant l'exclusion, et, spécialt, indiquant qu'un ou plusieurs éléments n'entrent pas dans un compte. || Chambre d'hôtel à mille francs par jour, sans le petit déjeuner (→ Non compris).
♦ Compter sans quelqu'un, sans quelque chose, ne pas s'en méfier, ne pas en tenir compte.
♦ Sans plus. ⇒ Plus (cit. 66).
3 Sans (employé dans un tour à valeur hypothétique). || Sans la crainte de paraître indiscret, je lui aurais bien posé cette question, si je n'avais pas craint… ⇒ aussi 1. Être (supra cit. 91; si ce n'était, n'était). — Sans cela, sans quoi (cit. 10). ⇒ Autrement (2.), ou (supra cit. 22), sinon. || Faites attention, sans cela gare à vous ! — || « Nous serions les maîtres, sans ces coquins de gens d'esprit », Voltaire, Correspondance, XXIII, 272; || « Sans toi j'étais mort ! reprit Courfeyrac. — Sans vous j'étais gobé ! ajouta Gavroche », Hugo, les Misérables, IV, XIV, 5 (in G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1631).
♦ Vx. || Sans que (suivi de l'indicatif et équivalent à si… ne… pas, sans le fait que). || « Je vous le dirais plus souvent, ma bonne, sans que je crains d'être fade » (Mme de Sévigné, Lettres, 9 mars 1672). || « Ils vous auraient écrit tous deux, sans qu'ils sont accablés » (Mme de Sévigné, Lettres, 25 mai 1689).
♦ Vx. || Sans (suivi d'un nom ou d'un infinitif et employé en corrélation avec la conjonction restrictive que, qui prend alors la valeur de sinon, si ce n'est). || « Harlay était sans mœurs dans le secret, sans probité qu'extérieure » (Saint-Simon, Mémoires, XVII). || « Sans avoir, en aimant, d'amour que légitime » (Racine, Bérénice, II, 2).
4 (L'idée de négation impliquée dans sans portant sur la manière dont est accomplie l'action; dans ce cas, le régime de sans n'est jamais un nom désignant un être ni un pronom). || Parler sans la moindre gêne.
2 À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Corneille, le Cid, II, 2.
♦ Spécialt. || Sans (formant des locutions adjectives ou adverbiales de valeur négative). || Sans égal (cit. 24 et 26). || Sans exemple. || Sans pareil (cit. 10 et 12). || Sans précédent (cit. 5). — Sans arrêt (cit. 1). || Sans blague ! || Sans borne (cit. 12 et 14). || Sans cérémonie. || Sans cesse (cit. 5 et 7). || Sans compliment. || Sans conséquence (cit. 9). || Sans consistance (cit. 5). || Sans conteste (cit. 1). || Sans contredit (cit. 4). || Sans crainte. || Témoigner sans haine et sans crainte. || Sans délai. || Sans effort (cit. 13). || Sans espérance (cit. 18 et 21). || Sans espoir (cit. 13 et 19). || Sans exception. || Sans façon (cit. 50). || Sans fard (cit. 7 à 10). || Sans faute (cit. 12 et 13). || Sans feinte (cit. 2). || Sans fin (cit. 21 et 22). || Sans frein (cit. 11). || Sans gêne (cit. 13). || Sans interruption (cit. 6 et 7). || Sans miséricorde (cit. 3). || Sans murmure (cit. 7). || Sans nom. || Sans nombre (cit. 20). || Sans partage (cit. 3). || Sans peine. || Sans pitié. || Sans prix (cit. 15). || Sans quartier (cit. 11). || Sans peur, sans reproche (cit. 5). || Sans réserve (cit. 3 et 4). || Sans restriction (cit. 3). || Sans retard. || Sans trêve… ⇒ aussi In- (préfixe négatif).
♦ ☑ Sans doute (cit. 30 à 33). — Sans doute (cit. 34 et 35) que…
♦ Techn. || Pneus sans chambre (à air).
5 (Suivi d'un infinitif et servant à écarter une circonstance : || « Marchons sans discourir », Corneille, le Cid, II, 2; une conséquence : Il a travaillé beaucoup sans obtenir de résultat; ou à exprimer une concession : || « Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris », Molière, les Précieuses ridicules, IX). — Sans mot dire (1. Dire, cit. 4). || Sans coup férir. || Sans compter (cit. 21) que…
REM. De nos jours, le sujet de l'infinitif doit être obligatoirement le même que celui de la principale (Il est parti sans se retourner). Au XVIIe s. les deux sujets pouvaient être différents : « Rends-le moi sans te fouiller », c'est-à-dire sans qu'on te fouille (→ Molière, l'Avare, I, 3). Cette construction a subsisté dans quelques locutions figées. Cela va sans dire (1. Dire, cit. 31). Sans mentir (cit. 9 et 11).
♦ Fam. (Avec répétition du même verbe). || Il travaille sans travailler : il travaille sans ardeur, de manière intermittente, etc. — Espérer une chose sans l'espérer, l'espérer faiblement. || Ces choses-là, il faut y croire sans y croire.
3 Il y avait des cousins, sur l'héritage desquels on comptait sans compter (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, I, VIII.
4 De vous à moi, vous n'êtes pas sans savoir que ces gaillards-là ne vous craignent guère.
Courteline, les Gaîtés de l'escadron, IX, 1.
5 Il manque rarement de faire observer que l'on doit se formaliser de ce qu'il dit. Il n'est pas sans y avoir assez bien réussi.
Valéry, Variété, Études littéraires, Œ., Pl., t. I, p. 581.
6 (…) sans qu'on s'en aperçût, sans presque m'en apercevoir moi-même, je redevins craintif, complaisant, timide (…)
Rousseau, les Confessions, IX.
7 Sans que. Selon les règles officielles, il ne faut jamais mettre ne après cette conjonction. Pourtant, la négation contenue dans sans amène parfois l'emploi d'un ne explétif, quand la proposition principale est négative. Ex. : On ne pouvait faire allusion à cela sans qu'elle n'entrevît aussitôt des scènes (P. Bourget, André Cornélis). Victor Hugo a écrit : Ah ! le peuple ! — océan ! — onde sans cesse émue. Où l'on ne jette rien sans que tout ne remue (Hernani, v. 1534).
K. Nyrop, Grammaire historique, t. VI, p. 50.
8 (…) déjà chez nos classiques ne s'immisçait parfois dans la proposition introduite par sans que : « (…) On ne peut pas néanmoins les restreindre (ces Caractères) à une seule cour, ni les renfermer en un seul pays, sans que mon livre ne perde beaucoup de son étendue et de son utilité, ne s'écarte du plan que je me suis fait (…) » La Bruyère, Caractères (Préface) (…) Dans la langue tout à fait moderne, — où domine, et de beaucoup, la construction sans ne, — il n'est pas rare pourtant d'en trouver une avec ne : « Une seule minute peut-être ne se passa pas sans qu'il ne se répétât » Stendhal, le Rouge et le Noir, LXI; « Il ne s'est pas écoulé une seule journée sans que je n'aie cru entendre ainsi les pas du châtiment en marche » P. Benoit, Axelle, XV (…)
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1482.
B (Constructions particulières).
1 Sans, sans que (renforcé par un autre mot négatif tel que aucun [cit. 37], jamais [cit. 26], nul [cit. 5, 6 et 7], personne [cit. 22.2 et 28], rien [cit. 7], etc.).
2 Sans… de… :
9 De avec un nom régime trouve dans les phrases négatives (négation parfois implicite) un emploi fréquent (…) Sans presque D'efforts (P. Bourget, Drames de famille, p. 23). — Sans guère DE chance (H. De Régnier, Les Vacances d'un Jeune homme sage, p. 231) … — Sans même D'inclination (E. Herriot, Mme Récamier et ses amis, p. 218). — Sans presque D'accent (Fr. Mauriac, La Pharisienne, p. 232). — Sans plus DE baigneurs ni DE touristes la petite ville reprenait son aspect authentique (A. Gide, Feuillets d'automne, p. 50). (Remarquez qu'il y a toujours un mot intercalé entre sans et le régime introduit par de).
M. Grevisse, le Bon Usage, §917, 3o.
3 Sans… ni…; sans… et sans… ⇒ aussi Ni (supra cit. 39). — REM. La construction avec ni n'est possible que si les deux termes sont sur le même plan; on ne pourrait dire sans procès ni femme (sauf par plaisanterie).
10 Après sans, sans que (…) on peut coordonner le second terme par et ou par ni. Dans le premier cas, on répète généralement la préposition : (Il) « vivait heureux (…) sans procès et sans femme », Lesage, Gil Blas, IV, 1; « (…) Ta mobile pensée Ne peut seule y veiller sans crainte et sans ennui », Vigny, Maison du berger. Au contraire, ni marquant l'exclusion suffit devant le second terme : (Une région où les jeunes gens sont) « durs, féroces, sans mœurs ni politesse », La Bruyère, Caractères, VIII, 74; « Guérir sans voir ni toucher était une chose impossible », Flaubert, Hérodias, III; cf. Sans feu ni lieu, sans tambour ni trompette. S'il s'agit de deux propositions négatives, contenant chacune sans, il est préférable de les unir par ni. Dans cette phrase de Stendhal : « Son père ne peut vivre sans elle, et elle sans moi » (le Rouge et le Noir, LXIV), la conjonction et ne laisse pas d'étonner un peu.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1799, 2o, C.
♦ Vx. || Sans… ni sans. || « Sans attendre qu'on l'interroge, ni sans sentir qu'il interrompt, il parle » (La Bruyère, II, 38). — Par archaïsme. || « Il l'avait fait à son insu, sans y penser, ni sans le faire exprès » (A. Hermant, l'Aube ardente, XIII, in Grevisse, le Bon Usage, §969, Hist., 1).
4 Non sans… (suivi d'un nom ou d'un infinitif). — Non sans que… ⇒ Non (supra cit. 46).
———
II Fam. || Sans (employé adverbialement; dans certains cas, ce tour s'explique par une ellipse). — ☑ Les jours sans et les jours avec, pendant les restrictions de la guerre de 1939-1945 (jours sans alcool dans les cafés, sans viande).
11 Il faut vous dire que pour le moment, il n'y a qu'une chose dont on s'occupe là-bas : la minéralogie. Chacun a son marteau, on ne sort pas sans (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 14 sept. 1867, t. II, p. 117.
12 (…) nous sommes bien obligés de compter avec. Que ferions-nous sans ?
Duhamel, Chronique des Pasquier, I, IV.
13 Vous vous apercevez que des pays avec pétrole ont été mystifiés par des pays sans (…)
Daninos, le Figaro littéraire, 9 févr. 1952.
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CONTR. Avec.
Encyclopédie Universelle. 2012.