INTÉRÊT
Dès l’apparition des premiers essais de réflexion sur la vie économique, le phénomène de l’intérêt n’a cessé de soulever de multiples controverses, engendrées par l’interférence, certes légitime, de principes éthiques, de préceptes politiques et d’esquisses d’analyse scientifique; des éléments de polémique autour du phénomène de l’intérêt émergent de vingt-cinq siècles d’histoire des faits et des idées: de retentissantes condamnations sont allées de pair avec de nombreuses défenses et illustrations du taux de l’intérêt.
En assimilant intérêt et produit de la nature – le même mot grec servant à désigner les deux phénomènes –, Aristote avait récusé la fructification de l’argent par l’argent, car «l’argent ne fait pas de petits». Cette condamnation de principe est reprise par les canonistes, puis par certains auteurs socialistes. Les canonistes appuient leur condamnation sur des arguments d’ordre religieux et d’ordre économique. L’Ancien Testament interdisait le prêt à intérêt entre Hébreux, le Pentateuque faisant toutefois du prêt une obligation de solidarité et le Nouveau Testament enseignait: «Prêtez sans rien attendre en retour» (saint Luc). Les canonistes ont recours à ces arguments religieux et insistent sur l’absence de fonction économique du taux de l’intérêt; ce dernier ne peut être le produit de l’argent, car l’argent ne produit rien (le cinquième concile du Latran reprendra en 1516 la phrase d’Aristote: «pecunia pecuniam non parit »); le taux d’intérêt n’est pas même le prix de l’usage de l’argent, car cet usage est indissociable de l’argent lui-même (le Pseudo-Chrysostome indiquait déjà, au Ve siècle, que «l’usure est le fait de vendre l’usage»); le taux d’intérêt ne peut enfin être le prix du temps, car le temps est gratuit et appartient à Dieu. Ainsi, le taux d’intérêt ne remplissant aucune fonction économique, la pratique qui en fait le prix de l’argent est absolument injustifiée et doit être condamnée. Divers auteurs socialistes, notamment Proudhon et Marx, retrouveront au XIXe siècle des arguments proches de ceux que l’on vient d’évoquer: obligation de solidarité et crédit accordé gratuitement par l’État chez Proudhon, impossibilité chez Marx de voir en l’intérêt le prix du temps, car le temps est gratuit et appartient à la société; ainsi est renforcée l’argumentation aristotélicienne de la stérilité de l’argent qui est reprise d’ailleurs presque trait pour trait par ces auteurs.
Par sa Lettre sur l’usure de 1545, véritable turning point de l’histoire économique selon le mot de l’historien W. J. Ashley, Jean Calvin affirme le principe inverse de celui qu’a posé Aristote: pour Calvin, si «l’argent ne fait pas de petits», il permet cependant de mettre en œuvre une production; le fruit de cette production sera donc dû indirectement à l’argent qui a le caractère de bien médiatement productif. Cette défense de principe sera reprise par les mercantilistes et, plus tard, par la quasi-totalité des économistes modernes. Les auteurs classiques puis néo-classiques, dissociant l’intérêt du profit, verront dans l’intérêt la résultante de la nécessaire rémunération de l’abstinence – liée à la «dépréciation du futur» ou à la «préférence de temps» –, et de l’existence d’une productivité nette du capital en valeur: ainsi le taux d’intérêt sera-t-il le prix de l’épargne, la rémunération afférente au service de prêt du capital. Les auteurs keynésiens, insistant sur l’aspect monétaire de l’intérêt, verront dans ce dernier le corollaire de l’existence d’une demande spécifique d’encaisses monétaires: ainsi le taux d’intérêt sera-t-il le prix de la monnaie, la rémunération afférente au service de prêt de la monnaie. Les auteurs «synthétiques» contemporains, insistant sur la multiplicité des taux d’intérêt qui peut être appréhendée en une structure des taux, voient dans cette dernière la structure des rendements afférents aux prêts et placements de l’ensemble des actifs monétaires et financiers: c’est dans l’analyse des variables explicatives de cette structure de rendement (facteurs monétaires et facteurs réels) que réside en définitive l’explication des éléments qui déterminent les taux d’intérêt.
À cette longue bataille d’idées correspond une évolution dans les faits. Le monde occidental connaît jusqu’en 1830 (bulle Non esse inquietandos ) une législation canonique condamnant le prêt à intérêt. La législation civile s’adapte plus souplement à l’évolution; les pays de la Réforme connaîtront vite la légalité du prêt à intérêt, compte tenu de la position préconisée par Calvin et ses disciples; les pays catholiques, en revanche, ne reconnaissent cette légalité que bien plus tard: en France par exemple, le prêt à intérêt, interdit par un capitulaire de Charlemagne datant de 789, ne deviendra légal que par la loi du 12 octobre 1789. Dans la perspective de l’analyse de Marx, le monde soviétique connaît de même, après la révolution d’Octobre, une condamnation de la pratique du prêt à intérêt.
L’analyse économique contemporaine tend de nos jours à dépasser la polémique que l’on vient d’évoquer en distinguant intérêt et actualisation. En effet, si l’intérêt paraît être, pour certains systèmes économiques , un élément central de la relation prêteur-emprunteur dans l’appréciation des flux de services du capital – élément dont l’existence exige une explication scientifique, quel que puisse être le jugement éthique porté sur cette existence –, l’actualisation paraît être, pour tous les sytèmes économiques , le facteur de valorisation du temps dans la dynamique économique.
1. Intérêt et relations prêteur-emprunteur
L’analyse du phénomène de l’intérêt implique, après présentation d’une définition, une mise en évidence des procédures de détermination, ainsi qu’une réflexion sur le rôle joué par ce phénomène dans la dynamique économique.
Le rendement d’un actif prêté
L’intérêt peut être schématiquement défini comme le rendement du prêt ou placement d’un actif monétaire ou financier: il est la soulte que l’emprunteur verse au prêteur en plus de la restitution de l’actif prêté.
Cette définition laisse apparaître trois éléments:
– L’intérêt est lié à l’opération juridique de prêt ou placement. Il ne peut donc exister que dans les systèmes économiques connaissant ce type d’opération: c’est le cas du système capitaliste; le fait restera exceptionnel, en revanche, en système soviétique (prêts par les micro-unités de l’épargne réalisée par ces dernières sur leurs biens de consommation qui font l’objet d’une appropriation privative).
– L’intérêt est lié à l’opération de prêt ou placement de certains actifs. En fait, le phénomène intérêt est plus généralement lié aux prêts et placements des actifs fongibles, voire à l’ensemble des actifs physiques. Compte tenu des possibilités de substitution entre actifs fongibles et actifs monétaires et financiers, le passage d’une catégorie à l’autre est très aisé et les rendements des prêts et placements de ces types d’actifs tendent à s’identifier (identification d’intérêt physique et d’intérêt monétaire). Compte tenu de la capitalisation possible des rendements de tous les actifs physiques, le rendement des prêts ou placements des actifs non fongibles est assez semblable à celui des actifs fongibles (quasi-identification de loyer et intérêt).
– L’intérêt est le rendement du prêt d’un actif. Il est donc pour l’emprunteur le coût d’une opération. Il est aussi un revenu spécifique pour le prêteur.
Cette définition recouvre sous le générique «intérêt» une multiplicité de taux opérationnellement appréhensibles. C’est dans cette optique que les analystes les plus récents emploient fréquemment le terme plus général de structure des taux d’intérêt à la place de celui d’intérêt: en ce sens, la structure des taux d’intérêt est la structure des rendements afférents aux prêts et placements des actifs monétaires et financiers.
Détermination des taux d’intérêt
L’analyse de la détermination des taux d’intérêt implique une schématisation des déterminants à retenir avant que ne soit précisée l’interaction de ces déterminants.
Les déterminants ressortissent tant au domaine des variables réelles qu’à celui des variables monétaires. Les déterminants appréhensibles en terme de variables réelles sont essentiellement la productivité marginale du capital et la préférence de temps. La productivité marginale du capital traduit l’existence d’un rendement supplémentaire afférent à l’utilisation d’un capital additionnel, et ce par suite de la rareté relative du capital. La préférence de temps (ou dépréciation du futur chez Eugen von Böhm-Bawerk) exprime le fait qu’en règle générale les unités économiques attachent une plus grande valeur à un bien présent qu’à un bien futur identique. Ces deux variables jouent dans la détermination des taux d’intérêt le rôle fondamental en longue période. Les déterminants appréhensibles en terme de variables monétaires, particulièrement opérants en courte période, sont la demande et l’offre de monnaie. La demande de monnaie (préférence pour la liquidité) ou demande d’encaisse monétaire par les unités économiques, est liée à une utilité spécifique de l’encaisse autre que l’utilité dérivée de la fonction intermédiaire de la monnaie. Cette demande d’encaisse obéit à divers motifs regroupés depuis John Maynard Keynes en trois catégories: transaction, précaution, spéculation. L’offre de monnaie naît de la politique institutionnelle des intermédiaires financiers monétaires dans l’exercice de leur rôle émetteur d’actifs.
L’interaction des déterminants des taux d’intérêt se manifeste par l’existence d’une offre et d’une demande d’actifs monétaires et financiers, lesquelles taduisent les opérations de prêt et placements d’une part, d’emprunts et endettements d’autre part. Ainsi apparaissent schématiquement:
– du côté de l’offre : l’épargne disponible sous forme d’actifs monétaires et financiers (soit l’épargne réalisée au cours d’une période, soit l’épargne disponible par suite de dégagement d’un emploi antérieur); la déthésaurisation, qui s’exprime sous forme d’actifs monétaires et financiers, et les prêts et placements du système bancaire;
– du côté de la demande : la demande d’actifs monétaires et financiers à fin d’investissement, la demande d’actifs monétaires à fin de dépense de consommation, et enfin la demande d’actifs monétaires et financiers à fin de thésaurisation.
Dans la constitution de ces actifs offerts et demandés interviennent les quatre déterminants précédemment évoqués puisqu’ils sont les arbitres dans l’affectation des ressources des unités économiques. La rencontre de ces offres et demandes d’actifs fait naître les taux d’intérêt ou taux de rendement des actifs et la multiplicité des actifs offerts et demandés crée la multiplicité des taux constitutifs de la structure des taux d’intérêt.
Taux d’intérêt et dynamique économique
Le rôle joué par les taux d’intérêt dans la dynamique économique doit être apprécié au niveau des propensions essentielles, des fonctions économiques fondamentales et de la signification même de la dynamique.
Au niveau des propensions essentielles, les taux d’intérêt n’ont qu’une influence négligeable sur les propensions à innover et à travailler. Par contre, on a longuement développé le rôle privilégié du taux d’intérêt sur les variations de la propension à épargner; c’est l’optique même de l’analyse classique et néo-classique. Les travaux économétriques contemporains sur la fonction d’épargne montrent qu’en fait les taux d’intérêt ne jouent qu’un rôle mineur dans l’apparition de l’épargne.
Au niveau des fonctions fondamentales, les taux d’intérêt ont une influence certaine. Celle-ci s’exerce au travers du facteur capital en ce qui concerne la fonction de production. Pour la fonction de répartition, le rôle des taux d’intérêt dans la détermination du revenu des prêteurs est évidemment central mais les revenus des prêteurs jouent un rôle de plus en plus faible dans la détermination des processus de répartition des revenus. Sur la fonction de dépense (indépendamment de l’option consommation-épargne qui se traduit par le jeu de la propension à épargner évoquée plus haut), l’influence des taux d’intérêt s’opère essentiellement au travers de la décision d’investissement. Privilégié par les analyses classiques comme par les analyses keynésiennes, le rôle de l’intérêt dans cette décision a été largement discuté à la suite de nombreuses recherches statistiques (en particulier lors des enquêtes dites d’Oxford et Harvard). Ce rôle paraît relativement faible, compte tenu du peu de rationalité qui anime souvent la décision d’investissement privé. C’est dans la fonction de financement et de paiement que l’action des taux d’intérêt est incontestablement la plus influente: si la vieille politique du taux de l’escompte est, à l’intérieur d’une économie, d’une efficacité douteuse, la politique de contrôle de tous les taux d’intérêt et notamment des taux longs (comme la politique préconisée en Grande-Bretagne par le rapport Radcliffe) favorise certainement l’adaptation à l’économie du système de financement et de paiement.
Selon la perspective traditionnelle de la dynamique économique, le phénomène de l’intérêt avait un rôle privilégié d’arbitre, entre la consommation et l’épargne, entre le présent et le futur. L’analyse effective de ce que sont les taux d’intérêt dans le monde contemporain (notamment dans le système capitaliste et, a fortiori, dans le système soviétique où les taux d’intérêt n’apparaissent qu’exceptionnellement) ne permet pas, semble-t-il, de leur attribuer ce rôle. N’est-ce pas alors vers une autre notion, souvent confondue avec celle de l’intérêt, l’actualisation, qu’il convient de se tourner pour appréhender le facteur d’arbitrage des satisfactions intertemporelles et par conséquent de valorisation du temps dans la dynamique économique?
2. Actualisation et valorisation du temps
L’analyse du phénomène de l’actualisation implique, après présentation d’une définition, une double réflexion sur la rationalité du choix d’un facteur d’actualisation ainsi que sur les modalités d’insertion de l’actualisation des valeurs dans les programmes de développement.
Valeur future et valeur présente
L’actualisation peut être schématiquement définie comme le processus qui rend une valeur future comparable à une valeur présente afin de réaliser un arbitrage dans le temps.
Si les unités économiques ne manifestaient aucune préférence de temps, deux biens identiques disponibles à des périodes différentes auraient valeur identique. Puisque l’expérience manifeste l’existence d’une préférence de temps qui se traduit en fait généralement par une dépréciation du futur, la comparaison entre deux biens identiques disponibles à des périodes différentes implique une valorisation du temps faisant l’objet de la préférence. Soit un bien présent Vt disponible à l’instant t et un bien identique Vt +n disponible à l’instant t + n , la correspondance entre Vt et Vt +n s’exprime par la relation suivante:
dans laquelle:
représente le facteur d’actualisation, i étant le taux d’actualisation. Cette relation générale n’a de valeur significative que dans la mesure où la préférence de temps valorisée par le jeu de l’actualisation est durable (i 礪 0) et d’intensité égale (i = constante) au cours des périodes étudiées. Ces remarques n’enlèvent rien à la valeur de la relation puisque celle-ci se développe en formules plus complexes.
Sous sa forme générale elle présente les caractères suivants:
– elle est applicable pour la détermination de la correspondance entre la valeur présente et la valeur future de tout bien ou service;
– elle permet de comparer en termes de valeur présente une pluralité de biens et services ayant des échéanciers de valeur future inégalement distribués dans le temps;
– elle implique, pour être correctement utilisée, une connaissance satisfaisante de Vt+n et, donc, une sûreté de prévision qui est loin de se réaliser toujours, notamment lorsque la formule s’applique au choix des investissements (il convient dans ce cas de connaître l’échéancier de recettes et de dépenses relatif aux projets d’investissements étudiés en termes d’effets primaires et d’effets induits); elle suppose de même que le choix du taux d’actualisation ait fait l’objet d’une détermination rationnelle.
Rationalité du choix d’un facteur d’actualisation
La recherche d’un facteur d’actualisation rationnel implique réflexion sur les possibilités d’intégration du prix du temps dans le calcul économique.
En régime concurrentiel pur et parfait, analyse que l’on peut transposer en régime planifié pur et parfait par une interprétation satisfaisante du théorème de la dualité, la théorie de Vilfredo Pareto enrichie de ses perfectionnements successifs (notamment des travaux de Gérard Debreu) montre que cette intégration s’opère par le jeu des phénomènes de capitalisation. Le prix du temps, traduisant la préférence de temps, apparaît sur le marché où se négocient prêts et placements, emprunts et endettements. Il n’est donc pas autre chose que ce que l’on a appelé précédemment le taux d’intérêt. Dans ce régime, le taux d’actualisation rationnel s’identifie au taux d’intérêt.
Dans les économies contemporaines, l’application d’un tel critère apparaît en fait largement illusoire. Pour les économies capitalistes, la structure des taux d’intérêt effectifs, sur les marchés où se négocient les actifs monétaires et financiers, est faiblement représentative des tendances des unités économiques relatives à leur appréciation de satisfactions économiques échelonnées dans le temps. La spécificité des structures des systèmes de financement nationaux ainsi que les politiques des pouvoirs publics interviennent par ailleurs largement sur ces marchés, de sorte que toute appréciation directe de la préférence de temps au travers de ces derniers ne peut être que très approximative.
En définitive, si l’on veut rationaliser le choix d’un taux d’actualisation, on devra avoir recours à des modèles de développement précisant les parts respectives de la spontanéité et de la volonté délibérée dans ce choix.
Actualisation et programmes de développement
Pour insérer l’actualisation des valeurs dans les programmes de développement, il faut spécifier les conditions de choix du taux d’actualisation, tant au niveau des unités économiques simples qu’au niveau d’une économie prise dans son ensemble. Au niveau des unités économiques simples (firmes, ménages), on peut admettre que le coût d’un emprunt représente bien pour ces dernières la charge afférente à la maîtrise du temps: ainsi le choix du taux d’actualisation pour l’unité qui maximise simplement son avantage privé postule-t-il une égalité de ce taux avec le taux d’intérêt des emprunts marginaux souscrits par l’unité. Au niveau de l’économie prise dans son ensemble, le taux d’actualisation est nécessairement choisi par le planificateur en référence au programme de croissance de l’économie à planifier.
L’analyse des programmes de «croissance balancée», ou équilibrée, qui se situe dans une perspective génétique de développement livre un double enseignement: le taux d’actualisation est égal au taux de croissance dans les modèles à saturation en capital comportant par ailleurs diverses hypothèses restrictives (modèles établis par Johannes von Neumann); le taux d’actualisation est nécessairement supérieur au taux de croissance dans les modèles – plus réalistes – non saturés en capital et levant les principales hypothèses restrictives (travaux d’Edmond Malinvaud et de Roy Radner). Dans cette optique, le taux d’actualisation unique, variable endogène du programme utilisé, traduit les options des unités économiques décentralisées en ce qui concerne l’échelonnement intertemporel de leurs satisfactions. Ce type d’analyse fait aujourd’hui l’objet de recherches très approfondies, notamment dans la perspective de l’expérience française de programmation.
L’analyse des programmes de croissance non balancée qui se situe dans une perspective téléologique de développement insiste sur la nécessité de différencier les taux d’actualisation en fonction de la stratégie de développement des secteurs moteurs que l’on s’assigne. Les taux d’actualisation, variables exogènes du programme utilisé, traduisent alors les macro-décisions des pouvoirs publics relatives à l’échelonnement intertemporel des satisfactions. Ce type d’analyse, préconisé par plusieurs économistes (François Perroux, Albert O. Hirschman), fait aujourd’hui l’objet de divers travaux tant en France que dans les pays de l’Est européen ou ceux du Tiers Monde.
intérêt [ ɛ̃terɛ ] n. m.
• 1251; lat. interest « il importe », de interesse
2 ♦ (1462) Somme qui rémunère un créancier pour l'usage de son argent par un débiteur pendant une période déterminée. ⇒ rapport, rente, revenu. Prêt à intérêt. Taux d'intérêt (cf. Loyer, prix de l'argent). Emprunt à 11 % d'intérêt. Intérêts simples, perçus sur un capital fixe. Intérêts composés, calculés sur un capital accru de ses intérêts. Intérêt bancaire. ⇒ agio, commission, escompte. Servir, payer des intérêts. Intérêts moratoires. Intérêts échus. ⇒ arrérages.
♢ Ce que rapporte un capital placé. ⇒ rapport, rendement, taux. Intérêts d'un placement. ⇒ dividende. Intérêt des livrets de Caisse d'épargne.
3 ♦ (XV e) Ce qui importe, ce qui convient à qqn (en quelque domaine que ce soit). Intérêt matériel, moral. Agir, parler dans son intérêt, contre son intérêt. Trouver son intérêt, avoir intérêt à (faire qqch.). ⇒ avantage (cf. Y trouver son compte). Agir dans l'intérêt, contre l'intérêt de qqn. ⇒ servir; 2. desservir. Épouser les intérêts d'une personne, d'un groupe. ⇒ cause. L'avocat défend les intérêts de son client. Intérêt commun, général, national. « La loi de l'Intérêt général [...] est détruite par la loi de l'Intérêt particulier [...] qui engendre l'égoïsme » (Balzac). Travaux d'intérêt général. Société reconnue d'intérêt public.
♢ Absolt Intérêt matériel, pécuniaire. « ces questions d'intérêt et de partage qui, à la campagne, tiennent une si grande place dans la vie » (Loti).
♢ Au plur. Part, argent qu'une personne a dans une affaire. Avoir des intérêts dans une compagnie pétrolière.
♢ Dr. Intérêt pour agir, condition nécessaire de l'ouverture de toute action judiciaire.
4 ♦ Absolt Recherche de son avantage personnel. Agir par intérêt (⇒ intéressé) . Mariage d'intérêt.
5 ♦ Attention favorable (que l'on porte à qqn); fait de prendre part (à ce qui concerne qqn). Porter, témoigner de l'intérêt à qqn. « M. Mayer me marque un intérêt dont je ne suis peut-être pas digne » (Duhamel). Témoignage d'intérêt. ⇒ bienveillance, sollicitude.
6 ♦ État de l'esprit qui prend part à ce qu'il trouve digne d'attention, à ce qu'il juge important. Écouter, regarder, lire avec intérêt. Pédagogue qui éveille l'intérêt chez son élève. ⇒ attention, curiosité. Quels sont vos centres d'intérêt ? ⇒ hobby. Son intérêt pour le sport. Exciter, susciter l'intérêt : intéresser.
7 ♦ Qualité de ce qui retient l'attention, captive l'esprit (⇒ intéressant). Intérêt dramatique. Histoire pleine d'intérêt. C'est sans intérêt, dénué d'intérêt. Une déclaration du plus haut intérêt. ⇒ importance. « un renseignement d'un intérêt capital » (Romains). ⇒ utilité.
8 ♦ Loc. fam. (Il) y a intérêt : c'est ce qu'il y a de mieux à faire, il vaudrait mieux (parfois sous-entendant une menace).
⊗ CONTR. Fonds. Désintéressement, indifférence, insignifiance.
● intérêt nom masculin (latin interest, il importe) Souci de ce qui va dans le sens de quelque chose, de quelqu'un, qui leur est favorable, constitue pour eux un avantage : Agir dans l'intérêt de la science. Ce qui importe, ce qui convient, est avantageux : Il sait où est son intérêt. Souci de ce qui est avantageux pour soi, et en particulier attachement exclusif à l'argent : Agir par intérêt. Mariage d'intérêt. Attention favorable, bienveillante, que l'on porte à quelqu'un : Témoigner de l'intérêt à ses collègues. État de l'esprit de quelqu'un qui prend part à ce qu'il trouve digne d'attention ; sentiment de curiosité à l'égard de quelque chose, agrément qu'on y prend : Exciter l'intérêt de ses lecteurs. Ce qui, dans quelque chose, chez quelqu'un, retient l'attention par sa valeur, son importance : Film sans aucun intérêt. Somme que le débiteur paie au créancier en rémunération de l'usage de l'argent prêté. ● intérêt (citations) nom masculin (latin interest, il importe) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Ce sont les passions et non les intérêts qui mènent le monde. Mars ou la Guerre jugée Gallimard Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 L'intérêt et le talent sont les seuls conseillers consciencieux et lucides. Le Curé de Tours Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 La méchanceté combinée avec l'intérêt personnel équivaut à beaucoup d'esprit. Les Employés Pierre Augustin Caron de Beaumarchais Paris 1732-Paris 1799 En occupant les gens de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à l'intérêt d'autrui. Le Barbier de Séville, I, 4 Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Nombre d'actions humaines sont commandées par une sorte d'intérêt que l'on appelle, en propre terme, le désintéressement. Positions françaises Mercure de France Claude Adrien Helvétius Paris 1715-Paris 1771 L'art du politique est de faire en sorte qu'il soit de l'intérêt de chacun d'être vertueux. Notes, maximes et pensées Paul Henri Thiry, baron d'Holbach Edesheim, Palatinat, 1723-Paris 1789 Nous appelons désintéressé tout homme à qui l'intérêt de sa gloire est plus précieux que celui de la fortune. Système de la nature François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 L'intérêt parle toutes sortes de langues et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Les vertus se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer. Maximes Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers. De l'esprit des lois Charles Augustin Sainte-Beuve Boulogne-sur-Mer 1804-Paris 1869 Un bon gouvernement n'est que la garantie des intérêts. Étude sur Talleyrand Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné Paris 1626-Grignan 1696 L'amitié se réchauffe quand on est dans les mêmes intérêts. Correspondance, à M. de Pomponne, 11 octobre 1661 Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 Il y a des semences de bonté et de justice dans le cœur de l'homme, si l'intérêt propre y domine. Réflexions et Maximes François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 L'intérêt que j'ai à croire une chose n'est pas une preuve de l'existence de cette chose. Lettres philosophiques, XXV ● intérêt (difficultés) nom masculin (latin interest, il importe) Construction 1. Avoir intérêt à ce que, que : il a intérêt à ce que le bail soit rapidement signé, il a intérêt que le bail soit rapidement signé. Les deux constructions sont admises. Avoir intérêt à ce que est plus courant, avoir intérêt que plus soutenu. Recommandation Dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit, préférer la tournure la moins lourde : avoir intérêt que. 2. Avoir intérêt à (+ infinitif) : il a intérêt à signer rapidement le bail. Remarque La construction avoir intérêt de est littéraire et vieillie : « Les hommes peuvent faire des injustices parce qu'ils ont intérêt de les commettre »(Montesquieu). ● intérêt (expressions) nom masculin (latin interest, il importe) Avoir intérêt, il y a intérêt à, y trouver son compte, faire bien de ; en parlant de quelque chose, être avantageux : Il a intérêt à se taire ! Centre d'intérêt, point sur lequel l'attention est sans cesse attirée. Intérêt composé, intérêt perçu sur un capital formé du capital primitif accru de ses intérêts accumulés jusqu'à l'époque de l'échéance. (On parle également d'intérêts capitalisés.) Intérêt général, conception de ce qui est bénéfique à l'ensemble des membres d'une communauté. Intérêt légal, intérêt dont le taux est fixé par la loi. Intérêt simple, intérêt perçu sur le capital primitif, non accru de ses intérêts. Taux d'intérêt, intérêt produit par une somme de 100 F (15,24 euros) placée pendant un an. Intérêt conventionnel, intérêt dont le taux est fixé par écrit par les cocontractants. Prêt à intérêt, prêt à consommation dans lequel l'emprunteur s'engage, outre la restitution du capital emprunté, au paiement d'une somme d'argent généralement calculée selon un taux périodique. ● intérêt (synonymes) nom masculin (latin interest, il importe) Souci de ce qui va dans le sens de quelque chose...
Synonymes :
- avantage
- cause
- profit
Ce qui importe, ce qui convient, est avantageux
Synonymes :
- avantage
Souci de ce qui est avantageux pour soi, et en...
Contraires :
- désintérêt
- détachement
Attention favorable, bienveillante, que l'on porte à quelqu'un
Synonymes :
Contraires :
- indifférence
État de l'esprit de quelqu'un qui prend part à ce...
Synonymes :
- curiosité
- passion
Ce qui, dans quelque chose, chez quelqu'un, retient l'attention par sa...
Synonymes :
- charme
- originalité
Contraires :
- banalité
intérêt
n. m.
rI./r
d1./d Ce qui est utile, profitable à qqn. Sacrifier ses intérêts personnels à l'intérêt public.
|| Avoir des intérêts dans une affaire, y avoir placé de l'argent en vue d'en tirer des bénéfices.
d2./d Recherche égoïste de ce qui est avantageux pour soi. Agir par intérêt.
d3./d Attention bienveillante envers qqn. Marques d'intérêt.
d4./d Attention, curiosité que l'on porte à qqch. Lire un article avec intérêt.
|| Qualité de ce qui est digne d'attention. Découverte d'un grand intérêt.
rII./r FIN Somme due au prêteur par l'emprunteur pour l'usage d'un capital pendant une période déterminée et versée sous forme de revenu.
|| Intérêt simple, tel que le capital reste le même au cours du prêt. L'intérêt simple est proportionnel au montant du capital, au taux d'intérêt et à la durée du prêt.
|| Intérêt composé, résultant de l'addition au capital initial des intérêts acquis successivement.
⇒INTÉRÊT, subst. masc.
Ce qui importe à quelqu'un.
I. — [Objectivement, avec l'idée d'avantage]
A. — 1. Ce qui convient à une personne, une collectivité, une institution, ce qui lui est avantageux, bénéfique dans un domaine moral, social et parfois matériel; ensemble des avantages appartenant à quelqu'un. Le moment est enfin venu où le Béarn, toujours uni d'affection et d'intérêt à la France, ne doit pas tenir à une constitution particulière (Le Moniteur, t. 2, 1789, p. 363). Quoique les deux domestiques (...) eussent pour les intérêts de leurs maîtres plus de soin que pour les leurs, mademoiselle Zéphirine voyait toujours à tout (BALZAC, Béatrix, 1839, p. 32). C'est sûr que le gros négociant et nous, petits propriétaires, on a intérêt ensemble contre le fraudeur. Mais après on se retrouve d'intérêt contraire (HAMP, Champagne, 1909, p. 126) :
• 1. ... j'étais partagé entre le désir que j'avais de voir rester M. Fould au ministère, dans l'intérêt du maître, et le désir de le voir donner sa démission, dans l'intérêt de sa dignité et dans son intérêt personnel.
MÉRIMÉE, Lettres à une inconnue, t. 2, 1862, p. 204.
a) Intérêt(s) de + subst.
) [Le compl. de nom désigne la pers., le groupe, l'institution concerné(e)] L'intérêt du peuple, c'est le bien public; l'intérêt de l'homme en place, est un intérêt privé (ROBESP., Discours, Constit., t. 9, 1793, p. 496). Une volonté qui ne se borne pas à travailler aveuglément pour l'espèce seule, mais qui sert à la fois les intérêts de l'individu et de l'espèce (BLONDEL, Action, 1893, p. 260). Serait-il possible que nos maîtres en fussent arrivés à confondre l'intérêt de l'État avec ce qui est seulement leur propre avantage? (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 71) :
• 2. LE DOCTEUR : (...) Est-ce que, dans votre méthode, l'intérêt du malade n'est pas un peu subordonné à l'intérêt du médecin? KNOCK : Docteur Parpalaid, vous oubliez qu'il y a un intérêt supérieur à ces deux-là. LE DOCTEUR : Lequel? KNOCK : Celui de la médecine.
ROMAINS, Knock, 1923, III, 6, p. 18.
SYNT. Intérêt, intérêts de la nation, de la patrie, du pays, de la société, de la collectivité, des peuples, du genre humain, de l'humanité, de la chrétienté; intérêt des individus, des marchands, des patrons; intérêt d'un plaideur, d'un accusé; intérêt d'une famille, d'une cité, d'une localité; intérêt d'une compagnie, d'une firme.
— P. anal. Intérêt, intérêts de l'âme; intérêt de la foi, de la morale, de la vérité, de l'amour, de l'amitié, de l'art, de la justice, de la science; intérêt de la fortune, de la réputation, de la santé de qqn. Je sens monter du fond du sol une irrémédiable barbarie (...). Jamais les intérêts de l'esprit n'ont moins compté (FLAUB., Corresp., 1872, p. 61). En même temps, Mme Sarah Bernhardt prenait les intérêts du chef-d'œuvre avec sa furia coutumière (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Biogr. (M. Rollinat), 1896, p. 353). La dénonciation du moment où elle servait les intérêts de la cause, lui semblait chose naturelle (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 213).
) [Le compl. de nom sans art. indique la nature, le domaine de l'intérêt] Un, des intérêt(s) de cœur, de vanité; intérêt de famille, de caste, de localité. La justice n'était pas rendue, ou si elle l'était, ce n'était pas la justice; elle ne s'administrait que dans des intérêts de passion, de fortune, de parti (GUIZOT, Hist. civilisation, 1828, 13e leçon, p. 23). Les maris clairvoyants appartiennent à trois races. Ceux qui ont intérêt, un intérêt d'argent, d'ambition, ou autre, à ce que leur femme ait un amant (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Porte, 1887, p. 1073). J'ai un grand fond de sérieux, moi, mon garçon. Je donnerai toujours à mes intérêts de carrière le pas sur les plaisirs du moment (HERMANT, M. de Courpière, 1907, I, 10, p. 9) :
• 3. ... l'Église elle-même, si souvent favorable aux intérêts de classe ou de nation dans sa morale, ne connaît plus que Dieu et l'homme dans sa métaphysique.
BENDA, Trahis. clercs, 1927, p. 95.
b) Intérêt(s) + adj.
) [L'adj. indique la pers., le groupe, l'institution concerné(e)] Intérêts autrichiens, européens, chrétiens, musulmans; intérêt dynastique, monarchique; intérêt propre. Quel est le vrai dévot qui n'importunera presque autant sa divinité à raison des moindres convenances personnelles qu'au sujet des plus grands intérêts humains? (COMTE, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 539). Même dans les rapports bourgeois, même dans la sphère des intérêts bourgeois, la propriété individuelle ne forme pas un absolu, un bloc indivisible (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 165). L'entrelacs des intérêts privés, collectifs et étatiques et la compénétration de la recherche, des études et des réalisations défie toute procédure d'imputations (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 272).
— [Avec une connotation morale, notamment lorsque l'intérêt individuel est opposé à l'intérêt général]
♦ [Favorable] Cet attachement à quelque chose qui dépasse l'individu, cette subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général est la source même de toute activité morale (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. XVII). Nous n'avons peut-être pas beaucoup de raisons de nous aimer mais nos sentiments ne comptent plus quand il s'agit de l'intérêt national (SARTRE, Mains sales, 1948, 4e tabl., 4, p. 148).
♦ [Défavorable] Je ne suis pas égoïste, je puis dire hautement que l'intérêt personnel ne fut jamais mon fait ni ma devise (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 244). En effet, la masse des électeurs étant un composé d'ignorance et d'étroit égoïsme, comment ne pas voir que ses votes seront toujours entachés (...) d'une insolente préoccupation de pur intérêt individuel (VERLAINE, Œuvres posth., t. 2, Voy. Fr., 1896, p. 55).
) [L'adj. indique le domaine où se place l'intérêt de tel groupe ou tel individu] Intérêt(s) agricole(s), commercial(aux), économique(s), financier(s), politique(s), militaire(s) (d'un pays, d'un groupe); intérêt(s) artistique(s), intellectuel(s). Il n'est pas rare de rencontrer dans le plus simple négociant des aperçus lumineux sur les intérêts politiques et militaires de son pays (STAËL, Allemagne, t. 1, 1810, p. 199). L'empire ottoman, où nos intérêts matériels et moraux accumulés depuis deux cent cinquante ans étaient considérables (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 16). Ne parlons pas de gros sous. Oublions l'intérêt matériel, dont on ne sait jamais au juste où il est (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 135) :
• 4. Je vous le jure, en ce qui concerne les intérêts temporels, ce mariage ne pouvait m'être d'aucune utilité. Tout ce que le monde peut offrir, je l'ai.
MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 132.
) [L'adj. exprime une qualité second.] Intérêt(s) grave(s), majeur(s), pressant(s), sacré(s), véritable(s), vrai(s), vital(aux); intérêt(s) minime(s), négligeable(s), secondaire(s); intérêt(s) futile(s), mesquin(s), vulgaire(s); intérêt(s) immédiat(s), lointain(s); intérêts divergents, opposés, inconciliables. L'intérêt mal entendu n'est-il pas la cause la plus fréquente des actions contraires au bien général? (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 226). Les obscures leçons de l'expérience nous enseignent que la recherche de l'intérêt égoïste semble être le pire des calculs (BLONDEL, Action, 1893, p. 285).
c) Subst. + d'intérêt(s). Agrégation, association, coalition, identité, harmonie d'intérêts; divergence, opposition, bataille, choc, conflit d'intérêts. La corporation romaine était une « grande famille » (...). La communauté des intérêts tenait lieu des liens du sang (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. XIII). Le parti socialiste fonde ses succès électoraux sur les hostilités d'intérêts qui existent à l'état aigu entre certains groupes (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 72).
— Loc. à valeur adj. D'intérêt + adj. Affaire, question, service d'intérêt public; organe d'intérêt général; œuvre d'intérêt social. Le réseau des chemins de fer d'intérêt électoral s'étendait sur nos régions les plus déshéritées (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 224). Dans le petit chemin de fer d'intérêt local (...) je rencontrai M. de Cambremer (PROUST, Sodome, 1922, p. 1125).
d) Verbe + intérêt(s) de qqn, de qqc. Je me doute bien que votre mère ferait des difficultés; mais vous êtes d'âge aujourd'hui à n'écouter personne et à calculer vos intérêts (BECQUE, Corbeaux, 1882, III, 8, p. 190). Les camarades confiaient leurs intérêts au plus digne : il ne pouvait pas refuser, ce serait lâche (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1318). Le mousse discutait, défendant les intérêts de son oncle, nous accusant de lui faire du tort (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 232).
SYNT. Connaître, méconnaître son/ses (véritable(s)) intérêt(s); soigner, oublier son/ses intérêt(s); défendre, ménager, protéger, sauvegarder, servir, soutenir l'/les intérêt(s) de qqn; veiller aux intérêts de qqn; compromettre, menacer, léser, sacrifier, trahir l'/les intérêt(s) de qqn; nuire à l'/aux intérêt(s) de qqn; charger qqn de ses intérêts.
♦ Épouser, prendre les intérêts de qqn. Défendre, faire sien. Tous les hommes de ma compagnie ont un culte pour leur capitaine. Ils prennent mes intérêts plus chaudement que moi-même (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 160). Ah!... mais je te remercie bien... je te remercie de si chaudement épouser mes intérêts (HERMANT, M. de Courpière, 1907, II, 4, p. 16). En voilà des façons!... Si c'est comme cela que vous prenez les intérêts de votre client! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, I, 21, p. 24).
♦ Être, entrer dans l'intérêt de qqn. Être de son parti, prendre son parti. Mettre qqn dans ses intérêts. Lui faire adopter son parti. Ce curé, parent des Cruchot, était dans les intérêts du président de Bonfons (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 243). Godoï entra dans les intérêts de la France; les Espagnols le détestèrent (CHATEAUBR., Congrès Vérone, t. 1, 1838, p. 5). Aussitôt que Landry essayait de lui en parler [de Fadette] et de le mettre dans ses intérêts, Sylvinet s'affligeait, lui faisait reproche de s'obstiner dans une idée si répugnante à leurs parents (SAND, Pte Fad., 1849, p. 261).
♦ Agir dans, pour, contre l'intérêt de qqn ou de qqc. Pairs de France, c'est votre cause que je plaide ici et non la mienne : je vous parle pour l'intérêt de vos enfants (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 25). Vos assiduités (...) sont interprétées (...) de telle façon que je dois, dans l'intérêt de mon établissement et dans l'intérêt de mademoiselle Alexandre, les faire cesser (FRANCE, Bonnard, 1881, p. 459). L'État français, l'État allemand, ont-ils donc le droit de vous arracher à votre famille, à votre travail, et de disposer de votre peau, contre vos intérêts personnels les plus évidents (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 837).
♦ Avoir intérêt
Vieilli. Avoir intérêt de + inf. La cour ne veut pas actuellement commencer la guerre, et (...) elle a intérêt de la différer quelque temps (ROBESP., Discours, Guerre, t. 8, 1792, p. 99).
Cour. Avoir intérêt à + subst. ou inf. Teissier a tout intérêt d'ailleurs à ne pas laisser sans entourage une jeune femme qui aura bien des moments inoccupés (BECQUE, Corbeaux, 1882, IV, 6, p. 235). Un aubergiste, ayant intérêt à la mort d'une vieille femme, s'en débarrasse gaiement en la tuant d'eau-de-vie (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 295). Il faut qu'il sache bien qu'il n'a aucun intérêt à dissimuler ses fautes (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 63).
Avoir intérêt à ce que + subj. Tu n'as pas intérêt, sidi lieutenant, à ce que les gens de chez toi sachent comment est mort le sidi capitaine (BENOIT, Atlant., 1919, p. 290).
e) Loc., ds le vocab. jur. Pas d'intérêt, pas d'action. ,,Principe de droit selon lequel une demande en justice ne peut être satisfaite qu'au profit d'une personne ayant un intérêt à agir`` (BARR. 1974).
f) Tournures impers.
♦ Il est dans, de l'intérêt de qqn de, il est d'un grand intérêt de. Il eût été dans l'intérêt bien entendu de tous les souverains de l'Europe de le préférer, lui Napoléon, au duc d'Orléans arrivant par un crime (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 245). La famille avait jugé qu'il était de mon intérêt de ne pas mécontenter cette vieille dame, relativement riche, qui considérait mon père comme son fils (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 2). Il est d'un intérêt vital que le gouvernement britannique aide à la concentration des efforts (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 365).
♦ C'est l'intérêt de qqn de. V. amateur ex. 91.
♦ Il y a intérêt à. Il y a plus d'intérêt pour eux, républicains bourgeois, à voter pour des républicains, même socialistes, que pour des non-républicains, même bourgeois (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 27). Il y aurait intérêt au double point de vue moral et diplomatique à entamer dès le 8 août, s'il estimait l'occasion favorable, « une vigoureuse action » contre l'adversaire (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 246).
♦ Il y va de l'intérêt de qqn, d'intérêts vitaux. Mais, à l'entendre..., il y va d'intérêts si pressants! (SARDOU, Patrie, 1869, III, 4e tabl., 6, p. 100). En outre il y va de votre intérêt, de très sérieuses gratifications seront accordées à cette occasion (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 104).
2. En partic.
a) Intérêt matériel, pécuniaire; affaires d'argent. Gérer les intérêts de qqn. J'espère que don José arrivera à temps pour que votre noble père règle, de son vivant, ses intérêts et les vôtres (DUMASpère, Don Juan, 1836, V, p. 11). Si nous écartons la vengeance comme mobile du crime (...) il reste l'intérêt (AYMÉ, Nain, 1934, p. 129). Il doit s'agir d'une affaire d'intérêt, de « gros sous » (LARBAUD, Journal, 1935, p. 349) :
• 5. Le bonhomme (...) pouvait donc dépenser (...) ses trente mille francs (...) sans nuire aux intérêts de ses enfants (...) dont les témoignages d'affection n'étaient alors entachés d'aucune pensée cupide.
BALZAC, Début vie, 1842, p. 424.
♦ Groupe d'intérêts. Les grands groupes d'intérêts du XXe siècle, les banques d'affaires, alliées à des industries et appuyées par des administrations, implantent des ensembles industriels (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 182) :
• 6. ... d'un côté le gouvernement fasciste du Régent (...); de l'autre notre Parti qui se bat pour la démocratie (...). Entre les deux, le Pentagone qui groupe clandestinement les bourgeois libéraux et nationalistes. Trois groupes d'intérêts inconciliables, trois groupes d'hommes qui se haïssent.
SARTRE, Mains sales, 1948, 2e tabl., 4, p. 49.
— P. méton. Personnes ayant les mêmes intérêts matériels. En gênant les gouvernements de notre alliance, il [le décret de Berlin] révolta des intérêts industriels, fomenta des haines (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 383). On lui trace [au gouvernement] la marche à suivre, la manœuvre à opérer pour cacher au pays l'action des intérêts de finance (JAURÈS, Guêpier marocain, 1914, p. 43).
b) Au sing. [Avec une connotation morale] Intérêt personnel, attachement égoïste à ce qui est avantageux pour soi sans égard pour autrui, en partic. dans le domaine pécuniaire. Anton. désintéressement. Mariage d'intérêt. S'il [l'homme âgé] possède un reste de puissance, le vil intérêt lui fera trouver une fille complaisante, qui aidera sa vanité à lui faire illusion (LACLOS, Éduc. femmes, 1803, p. 443). Ce qui engendre les procès qui scandalisent les gens de bien et ruinent les familles, c'est premièrement l'intérêt sordide, la passion insatiable d'acquérir et de posséder (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p. 211). J'étais trop porté à croire que, du moment que j'aimais, je ne pouvais pas être aimé et que l'intérêt seul pouvait attacher à moi une femme (PROUST, Sodome, 1922, p. 1123) :
• 7. Le paysan rapporte tout à soi. Son intérêt prime. L'égoïsme domestique est sans borne aux champs. Les gens, les choses y sont envisagés du seul point de vue de l'aide ou de l'obstacle qu'ils apportent.
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 227.
♦ Agir par intérêt. Avant vingt ans, tel se croit bien habile de découvrir que l'homme n'agit que par intérêt, et naturellement il ne songe qu'aux intérêts les plus près du sol, les plus vils (GIDE, Journal, 1943, p. 200). Et moi, qui donc m'a jamais soutenu, autrement que par intérêt? L'intérêt disparu, disparu le soutien (MONTHERL., Malatesta, 1946, II, 5, p. 474).
♦ Vieilli. Doctrine, morale de l'intérêt. Le partisan de la doctrine de l'intérêt vous dira : Les actions ne sont rien en elles-mêmes; la fin est tout, et la fin nécessaire et légitime c'est votre intérêt (COUSIN, Hist. philos. mod., t. 1, 1847, p. 313). Le ministère a inventé une morale nouvelle, la morale des intérêts; celle des devoirs est abandonnée aux imbéciles (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 31).
c) P. méton. Argent, capitaux qu'une personne engage dans une affaire; part qu'elle obtient dans cette affaire. Avec les soixante mille francs que je reçus de ta dot, je pris un intérêt dans une fabrique de Roubaix (LABICHE, Cigale chez fourmis, 1876, I, p. 194). Perrot, c'est un des soutiens du parti. Un banquier. Il a des intérêts dans les entreprises de travaux publics (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 203) :
• 8. ... les filous qui, pour cinquante mille francs qu'ils vous offrent, vous demandent une place de sept mille francs, un intérêt dans le journal, une part des annonces, etc., enfin, s'arrangent pour se rembourser en un an et être à peu près propriétaires du journal.
GONCOURT, Journal, 1864, p. 106.
B. — Spécialement
1. FIN. Revenu produit par un capital prêté ou placé et défini par un taux. Synon. loyer de l'argent. Il apprenait des Lombards à calculer les intérêts simples et composés d'une somme quelconque pour un jour, une semaine, un mois, une année (FRANCE, Mir. Gd St Nic., 1909, p. 94). Dès le 12 octobre 1789, le prêt à intérêt fut légalisé (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 181). L'intérêt est le prix du renoncement à la liquidité exigé par le prêteur et le prix consenti par l'emprunteur pour acquérir la liquidité (COTTA 1972) :
• 9. ... ce Muller ne peut être qu'un financier véreux, qui sachant ton fils en perspective d'une jolie fortune lui aura imposé des intérêts hors de proportion avec les sommes prêtées, c'est-à-dire des intérêts usuraires entachés de nullité...
CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 93.
SYNT. Intérêt(s) de capitaux, de fonds engagés dans une banque, d'une dette, d'un emprunt, d'une hypothèque; prêt à intérêt; payer, servir, verser, percevoir un (des) intérêt(s), prêter à intérêt, à fort intérêt, sans intérêt, avancer (de l'argent) sur intérêt; compte de dépôt, versement productif d'intérêts; bons qui portent intérêt; intérêts échus, à échoir; les intérêts courent; intérêt simple; intérêt composé; intérêt conventionnel, légal; taux d'intérêt; intérêt à 5 %; capitalisation des intérêts.
— P. métaph. Les femmes ont un instinct qui leur fait deviner les hommes (...) qui sont heureux d'être auprès d'elles, et qui ne pensent jamais à demander sottement l'intérêt de leur galanterie (BALZAC, Vieille fille, 1836, p. 268). Cet esprit curieux et investigateur [Voltaire], ayant beaucoup de renommée, en prêtait un peu à son prochain, à condition qu'elle lui serait rendue avec de gros intérêts (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 501).
2. DR. Indemnisation, dédommagement.
a) Dommages-intérêts. V. dommage A 2.
♦ Intérêts compensatoires. ,,Dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice résultant de l'inexécution définitive de l'obligation ou son exécution défectueuse`` (CAP. 1936).
♦ Intérêts moratoires. ,,Dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice résultant du retard dans l'exécution de l'obligation`` (CAP. 1936).
b) Intérêts civils. V. civil I B 2 a.
II. — [Subjectivement, avec l'idée d'attention]
A. — Ce qui est important dans l'esprit de qqn, ce qui suscite son attention, fait l'objet de ses préoccupations. Grands intérêts; intérêts mesquins; étroitesse des intérêts. Dans cet hôtel, les intérêts majeurs étaient les destinées de la branche dépossédée. L'avenir des Bourbons exilés et celui de la religion catholique (...) occupaient exclusivement la famille du baron (BALZAC, Béatrix, 1839, p. 22). Il ne retrouvait plus ce qui naguère le liait si fortement à sa vie; ses intérêts ne l'intéressaient plus (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 90). L'Art, la Femme, le Diable et Dieu furent les grands intérêts de sa vie mentale [de Huysmans] (VALÉRY, Variété II, 1929, p. 220) :
• 10. Mais ne pleure pas comme ça. Tu me fais pitié, tout n'est pas désespéré. On peut peut-être te trouver un intérêt, un but dans l'existence. Nous verrons...
FLERS, CAILLAVET, M. Brotonneau, 1923, II, 6, p. 17.
— Intérêt de + compl. indiquant la nature des préoccupations. Rentré chez moi (...) triste avec l'esprit et le cœur vides, ainsi que doit être disposé tout homme qui n'a dans la vie aucun grand intérêt ni de sentiments, ni d'idées (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 246). Les petits intérêts d'amour qui l'avaient préoccupé s'effacèrent un instant devant des intérêts plus larges et plus brillants (SAND, Indiana, 1832, p. 106) :
• 11. En renonçant généreusement à la vie mondaine, chacun d'eux [des moines de la Grande Chartreuse] emporte au fond du monastère un immense équipage d'intérêts surnaturels (...). Intérêts d'édification pour le prochain, intérêts de gloire pour Dieu, intérêts de confusion pour l'Ennemi des hommes.
BLOY, Désesp., 1886, p. 188.
B. — Disposition de l'esprit et du cœur.
1. État d'attention de l'esprit, inspiré par quelque chose qu'il juge important, captivant, qui répond à sa curiosité, ses motivations. Anton. désintérêt, indifférence. Langues étrangères : le dictionnaire à images, publié par Furne et Jouvet (...). Mille et mille gravures, très-soignées, captivent l'intérêt de l'élève (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 744). Le problème du ravitaillement devint délicat et l'intérêt des habitants fut dérivé vers des préoccupations plus immédiates (CAMUS, Peste, 1947, p. 1359). Tous les névrosés qui pendant la guerre, avaient contenu leur folie prenaient aujourd'hui des revanches frénétiques et je ne leur accordais qu'un intérêt professionnel (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 160) :
• 12. Il était curieux, curieux à l'excès des affaires des autres, et l'intérêt réel, vrai, sympathique qu'il y prenait, le dédommageait du peu de sérieux de ses propres affaires.
GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 16.
SYNT. Intérêt vif, médiocre; l'intérêt croît, baisse, faiblit, s'épuise; rebondissement d'intérêt; attirer, captiver, éveiller, réveiller, exciter, forcer, inspirer, susciter l'intérêt de qqn (d'un lecteur, d'un auditeur); raviver, redoubler, amoindrir, refroidir l'intérêt de qqn; éprouver, montrer de l'intérêt pour qqc., qqn; se prendre d'intérêt pour qqc.; attacher de l'intérêt à qqc.; simuler, feindre l'intérêt; apprendre, écouter, lire, observer, regarder, travailler avec intérêt; regards qui expriment l'intérêt; visage qui respire l'intérêt; être un objet, un sujet d'intérêt.
♦ Centre d'intérêt. Point sur lequel converge l'intérêt. L'art, devenu un des centres d'intérêt de notre temps, a pâti, au premier chef, de cette végétation touffue de paraphrases qui l'enlacent et l'étouffent de leurs vrilles folles (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 6). Tout centre d'intérêt poétique, qu'il soit au ciel ou sur la terre est ici [ds « Gravitations » de J. Supervielle] un centre de gravitation actif (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 157).
PÉDAG. Thème qui éveille l'intérêt des enfants et qui donne lieu à des exercices variés. Méthode des centres d'intérêt. En créant une pédagogie des centres d'intérêt, Decroly a eu un double objectif : coordonner les diverses matières enseignées et relier en quelque sorte l'activité des élèves aux efforts fournis par l'humanité pour atteindre sans cesse de nouveaux instruments de connaissance (COUDRAY 1973).
— Intérêt à, pour + compl. désignant l'obj. de l'intérêt. Il blâma tant d'intérêt à l'appétit : — Vous pensez qu'à bouffer. Moi j'ai des choses à vous dire (HAMP, Champagne, 1909, p. 186). Mon intérêt pour le jeu de la Berma n'avait cessé de grandir depuis que la représentation était finie (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 457). Cette bourgeoisie, dont le goût musical et l'intérêt à l'art étaient médiocres (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 48).
2. Sentiment de bienveillance, d'attention affectueuse que l'on éprouve envers quelqu'un. Qqn attire, inspire l'intérêt; se sentir plein d'intérêt pour qqn; témoigner de l'intérêt à qqn; prendre intérêt en qqn (vieilli); intérêt chaleureux, affectueux, apitoyé, alarmé, respectueux, tendre, touchant. Mais qu'avez-vous? — Madame, ce n'est rien. — Vous me le direz; ce n'est point curiosité, c'est intérêt (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1706). Arrivé à Bergerac à 5 h. Nous étions attendus; on aime à être un objet d'intérêt et d'attention; on se sent soutenu (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 209). Cher monsieur, je serais évidemment un individu peu digne d'intérêt, si je ne répondais pas à votre lettre aimable en vous disant le très-vif plaisir qu'elle m'a fait (BLOY, Journal, 1893, p. 73) :
• 13. Charles ne vit pas sans un attendrissement profond l'intérêt généreux que lui portaient sa tante et sa cousine, il connaissait assez la société de Paris pour savoir que dans sa position il n'y eût trouvé que des cœurs indifférents ou froids...
BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 128.
♦ Intérêt + déterm. (subst. ou adj. de relation) désignant la ou les pers. qui éprouvent de l'intérêt. La bonne humeur d'Elvire et sa gentillesse malicieuse conquirent doucement l'intérêt du jeune garçon (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 190). Ce sentiment [de rivalité] se révèle à la naissance d'un nouvel enfant; elle suscite chez ses frères et sœurs un sentiment de jalousie entretenu par le déplacement sur lui de l'intérêt familial (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 103).
[P. méton., le déterm. désigne ce qui manifeste l'intérêt de qqn] Encouragée par la douceur de Kate (...) et par l'intérêt affectueux de ses questions, au lieu de s'écarter après avoir servi, elle resta (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 91).
♦ Intérêt + déterm. (subst. sans art. ou adj.) indiquant la nature de l'intérêt. On comprend du reste que pour le créateur, il y ait un certain intérêt de paternelle curiosité à considérer cette fourmilière [l'humanité] à l'œuvre (AMIEL, Journal, 1866, p. 216). Ce fut ce rien — il ne représentait cependant qu'un intérêt de banale politesse — qui me fit regarder Mlle de Jussat avec plus d'attention (BOURGET, Disciple, 1889, p.123). Elle écoutait gravement, tendrement, avec un intérêt quasi maternel, le récit de nos misères de grands enfants (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 299).
♦ Subst. (désignant ce qui manifeste l'intérêt) + d'intérêt. Air, témoignage d'intérêt. Je restai quelques momens sans faire connaître que j'étais éveillé, et je vis cette figure céleste, jeter des regards d'intérêt de mon côté (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1634). Elle embrassait la princesse, avec une tendre phrase d'intérêt sur sa santé (GONCOURT, Journal, 1888, p. 883).
— En partic. Sentiment tendre, proche de l'amour. Si je garantissais le duc des périls qui le menacent;... si j'obtenais à ce prix l'intérêt tendre que je sollicite de la duchesse... (LEMERCIER, Pinto, 1800, II, 14, p. 72) :
• 14. Non. Je ne l'intéressais pas d'un intérêt véritable et que je pusse transformer en passion (...). Quelles preuves avais-je eues de cet intérêt? Les délicatesses des soins matériels dont elle m'avait enveloppé? C'était un simple effet de sa bonté. Son attention à épier mon attitude de mélancolie? Hé bien! Elle avait été curieuse...
BOURGET, Disciple, 1889, p. 137.
C. — Qualité de quelque chose, de quelqu'un qui fait susciter l'intérêt, l'attention. Avoir un grand intérêt, n'avoir pas le moindre intérêt, présenter de l'intérêt, être plein d'intérêt, sans intérêt, dépouillé d'intérêt; intérêt prodigieux, profond, puissant, médiocre, nul. Stephen (...) a sur le visage une mélancolie naturelle, une froideur et une sévérité qui donnent beaucoup d'intérêt au rare sourire qui vient quelquefois effleurer ses lèvres (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 222). Il accomplissait une corvée dénuée d'intérêt à ses yeux, mais nécessaire aux autres (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 165) :
• 15. ... une compagnie (...) se rassemble en cercle autour du capitaine et du sergent-major. À voir les cous se tendre, les figures s'éclairer, le rapport offre un intérêt exceptionnel. Sans doute y est-il question des cantonnements de repos ou, peut-être, des permissions.
BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 96.
♦ Intérêt de + subst. désignant ce qui présente cette qualité. Intérêt d'un livre, d'une page, d'un roman, d'une pièce de théâtre, d'un tableau, d'une œuvre d'art. Les réflexions morales et l'éloquence passionnée peuvent trouver place dans les romans; mais l'intérêt des situations doit être toujours le premier mobile de cette sorte d'écrits (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 244). Les nouvelles recherches [sur Gœthe] ne trouvent point de limite à leur effort. Toutes les peines sont payées. Chaque regard de plus accroît l'intérêt de l'objet (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 97). Se lever le matin constituait pour lui un effort disproportionné à l'intérêt de la chose, il n'y avait aucune attraction, aucun sujet d'excitation dans la morne perspective de la journée (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 113).
♦ Intérêt + déterm. indiquant la nature, le genre de l'intérêt.
[Le déterm. est un adj.] Intérêt anecdotique, archéologique, biographique, documentaire, philosophique, psychologique, scientifique, théorique, universel. Ces ruines de villes et de villages qui n'ont pas le plus petit intérêt historique (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1855, p. 232). Quand l'objet scientifique a par lui-même quelque intérêt esthétique ou moral, il occupe tout entier celui qui s'y applique; quand, au contraire, il ne dit absolument rien à l'imagination et au cœur, il laisse ces deux facultés libres de vaguer à leur aise (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 399). La musique concrète démontrait facilement son efficacité dramatique, son intérêt radiophonique (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 79).
[Le déterm. est un subst. sans art.] Bacon (...) sentit très clairement que la science resterait stérile tant qu'elle poursuivrait des idées métaphysiques qui n'avaient qu'un intérêt de vague curiosité pour l'esprit sans aucun résultat utile (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 188). Il va de soi que nous ne tiendrons compte que de cette dernière [la valeur proprement musicale], dans l'appréciation de l'œuvre d'art, tout en reconnaissant à l'autre valeur, extra-musicale, un intérêt de psychologie et d'histoire (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 158).
— En partic. Importance, utilité de quelque chose. Intérêt d'une découverte, d'une théorie. Plaignez-moi de ce qu'une circonstance d'un intérêt vraiment capital m'appelle, ce matin, d'assez bonne heure (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 124). Toute nouvelle opération quelconque qui n'est point immédiatement susceptible d'un intérêt pratique (COMTE, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 546).
Prononc. et Orth. : []. Seul PASSY 1914 admet, en outre, [] sous l'infl. de la finale. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1290 « dommage, préjudice » (doc. Arch. mun. Besançon ds GDF.); 1343 dampmages et interes « id. » (A.N.S 94, pièce 9 ds GDF. Compl., s.v. damage); 2. a) 1377 « dédommagement d'un préjudice, indemnité » (GACE DE LA BUIGNE, Deduis, 11769 ds T.-L.); 1549 dommages et interests « id. » (EST.); b) 1462 « profit retiré d'une somme d'argent prêtée » (Ordonnances, t. 15, p. 646 ds BARTZSCH, p. 119); c) 1690 « part qu'a une personne dans une affaire commerciale » (FUR.); 3. a) 1445 « fait d'être concerné, regardé par quelque chose » (Livre Roisin, p. 213 ds T.-L.); b) 1467 « ce qui importe à quelqu'un » (G. CHASTELLAIN, Mort du duc Philippe ds Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 7, p. 267); c) 1640 « attachement exclusif à ce qui est avantageux pour soi » (PERROT D'ABLANCOURT, Hist. de Tacite, I ds Trév. 1732); 4. a) 1580 « attention que l'on porte à qqn ou à ce qui le concerne » (MONTAIGNE, Essais, I, II, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 16); b) 1675, 6 nov. « attention portée à une chose qui captive l'esprit, le cœur » (SÉVIGNÉ, Lettres, éd. Gérard-Gailly, t. 1, p. 899); c) 1740 p. ext. « qualité d'une chose qui retient l'attention » (Ac.). Empr., avec substantivation, au lat. class. interest (emploi impers. de la 3e pers. de l'ind. prés. de interesse « être entre; être parmi, être présent , assister à; être distant », fig. « participer à, s'occuper de » — d'où le sens 4 — et « différer ») « il y a de la différence entre » et « il est de l'intérêt de, il importe » (ce dernier sens issu de « il y a une différence entre le fait qu'une chose se fera ou ne se fera pas », ERN.-MEILLET s.v. intersum); le subst. interest a dû signifier « ce qui importe » (d'où le sens 3) et « ce qui diffère », d'où la notion de préjudice (sens 1) et, partant, celle de dédommagement (sens 2 a; cf. le lat. médiév. interesse, inf. subst. au sens de « dédommagement pour la résiliation d'un contrat » s.d. ds BLAISE Latin. Med. Aev.), l'intérêt d'une somme prêtée (2 b; cf. le lat. médiév. interesse « intérêt, usure » ca 1200 ds LATHAM; XIIIe s. Th. d'Aquin ds BLAISE Latin. Med. Aev.) étant à l'orig. considéré comme un dédommagement du revenu qu'aurait pu en tirer le créancier. Fréq. abs. littér. : 14 588. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 32 870, b) 14 630; XXe s. : a) 15 832, b) 16 630. Bbg. DUB. Pol. 1962, p. 325. - GOHIN 1903, p. 374. - LAUNAY (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau. Paris, 1977, pp. 123-124. - QUEM. DDL t. 11, 14. - VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], p. 255.
intérêt [ɛ̃teʀɛ] n. m.
ÉTYM. 1251 (1290, selon T. L. F.); lat. interest « il importe » (de interesse « importer »), pris substantivement au sens de « ce qui importe ».
❖
1 (Vx depuis le XVIIe). Préjudice, tort. || Dommages et intérêts causés à quelqu'un.
♦ (1377). Vx. Indemnité.
♦ Mod. (1343, dampmages et interes). Dr. || Dommages et intérêts ou dommages-intérêts, indemnité due à quelqu'un pour la réparation d'un préjudice. ⇒ Dommage (cit. 3 et 4).
2 (1462). Somme qui rémunère un créancier pour l'usage de son argent par un débiteur (due par le débiteur ou reçue par le créancier). ⇒ Gain, rapport, rente, revenu (→ Entrepreneur, cit. 9; 1. Fruit, cit. 34). || Prêt à intérêt. || Les intérêts et le principal d'une dette (→ Indexer, cit.). || Taux de l'intérêt : pourcentage de la somme empruntée dû annuellement. ⇒ Annuité, loyer, prix (de l'argent). || Taux d'intérêt. || Intérêt à tant pour cent (ex. : emprunter à 5%; autrefois : au denier 20). || Intérêts simples, perçus sur un capital fixe. || Intérêts composés, calculés sur un capital accru de ses intérêts. || Intérêt légal, dont le taux est fixé par la loi à défaut de convention. || Décret du 8 août 1935 fixant le taux de l'intérêt légal (4% en matière civile, 5% en matière commerciale). || Intérêt abusif ou usuraire. ⇒ Usure. || Intérêt bancaire. ⇒ Agio, commission, escompte. || Servir un intérêt, payer des intérêts (→ Compenser, cit. 1). || Intérêt qui court, intérêts échus. ⇒ Arrérages. || Capitalisation des intérêts échus. ⇒ Anatocisme. || Intérêts moratoires. || Conversion d'intérêts. || Accorder des bonifications d'intérêts pour faciliter les investissements. — Ce que rapporte un capital placé. || Argent qui porte intérêt. ⇒ Productif. || Capital et intérêts d'un prêt, d'un placement. || Obligation qui produit des intérêts. ⇒ Dividende (→ Coupon, cit. 1). || Fonds (cit. 4) qui se grossit des intérêts accumulés. || Percevoir, toucher des intérêts. || Vivre de l'intérêt de son capital. ⇒ Épargne; → Capitaliste, cit. 1.
1 Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La Fontaine, Fables, I, 1.
2 — (…) la Sorbonne a décidé que le prêt à intérêt est un péché mortel. — Vous vous moquez de moi (…) Il n'y a aucun de ces raisonneurs qui ne fasse valoir son argent quand il le peut à cinq ou six pour cent (…) Le clergé de France en corps emprunte à intérêt. Dans plusieurs provinces de France on stipule l'intérêt avec le principal.
Voltaire, Dict. philosophique, Intérêt.
3 Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
Code civil, art. 1154.
4 Le taux d'intérêt est un prix : celui que paye le demandeur de monnaie et qu'exige le prêteur pour renoncer à son usage.
Romeuf, Dict. Sciences écon., Intérêt.
♦ Par ext. || Intérêts de retard (pénalité fiscale).
3 (XVe). Ce qui importe, ce qui convient à qqn. || L'intérêt de qqn, son intérêt, ses intérêts. || Intérêt matériel, pratique, financier (→ Écheniller, cit. 1). || Intérêt pécuniaire (cit. 1). || L'intérêt moral de qqn. || Intérêt propre, particulier (→ 2. Bien, cit. 10). || Connaître ses intérêts, savoir où est son intérêt, suivre son intérêt (→ Diriger sa barque). || Agir, parler dans son intérêt (→ Parler, prêcher pour son saint). || Agir contre son intérêt. || Ne voir que son intérêt. || Trouver son intérêt à… ⇒ Avantage, compte (→ Athée, cit. 16). — ☑ Loc. (Avoir intérêt à…). Avoir intérêt à faire qqch. (→ Encourager, cit. 13; essayer, cit. 32). || Je n'y ai aucun intérêt. — Impers. || Il y a intérêt à… (→ Gold point, cit.). — Confier le soin de ses intérêts (⇒ Commettre; commettant). — (Dans, pour l'intérêt, les intérêts…). || Jeter, engager (cit. 24), faire entrer qqn dans ses intérêts (→ Agir, cit. 27). || Agir dans l'intérêt, contre l'intérêt de qqn. ⇒ Servir; desservir; travailler (pour, contre). → Conseiller, cit. 3. || Je vous le dis dans votre intérêt (→ C'est pour vous que je le dis). || C'est pour votre intérêt, votre propre intérêt (→ Allégeance, cit. 1). — Au plur. || Entrer dans les intérêts d'une personne (→ Domestique, cit. 6). — Épouser les intérêts d'une personne, d'un groupe (→ Encroûter, cit. 2). || Contrarier (cit. 4), trahir les intérêts de quelqu'un. ⇒ Cause. || Communauté (cit. 1) d'idées et d'intérêts. || Individus qui se groupent pour la défense de leurs intérêts (→ Corps, cit. 44). || Intérêts majeurs. || Opposition, conflit, coalition d'intérêts (→ Arrivisme, cit. 1.). || Ménagements réciproques d'intérêts (→ Amitié, cit. 6). || Concilier des intérêts (→ Crédit, cit. 17). — L'intérêt personnel (→ Paix, cit. 16) et l'intérêt d'autrui (→ Assoupissement, cit. 7; coopération, cit. 3; égarer, cit. 10; empêcher, cit. 10). || L'intérêt de tous (→ Exaction, cit. 4). || Intérêt commun (cit. 8). — Intérêt général (→ 1. Général, cit. 15; aristocratie, cit. 3; bienséance, cit. 2). — Intérêts domestiques (→ Arranger, cit. 7), familiaux, locaux (→ Autonomie, cit. 2; exercer, cit. 41). || Intérêt national (→ Adhérer, cit. 3), intérêt d'État. ⇒ Affaire (→ Atrocité, cit. 3). — Intérêt public (→ Aristocrate, cit. 2). ⇒ Chose (publique). || Société reconnue d'intérêt public. || Intérêt social (→ Abstention, cit. 2). — L'intérêt supérieur du pays.
5 — (…) je vous vais parler contre son intérêt !
— Je le quitte, ma sœur, pour embrasser le vôtre (…)
Molière, le Dépit amoureux, II, 3.
6 Ainsi notre intérêt est toujours la boussole
Que suivent nos opinions.
Florian, Fables, III, 18.
7 La préférence de l'intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu et qui doive en fixer l'idée. Au contraire, le sacrifice mercenaire du bonheur public à l'intérêt propre est le sceau éternel du vice.
Vauvenargues, Réflexions et maximes, XLIII.
8 Mais quand je serais menteuse comme vous me le reprochez, quel intérêt y aurais-je ?
Laclos, les Liaisons dangereuses, XCIV.
9 J'ai si bien fait que le portier est dans nos intérêts, et qu'il m'a promis que toutes les fois que vous viendriez, il vous laisserait toujours entrer (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, CLVI.
9.1 Ce que l'on appelle l'intérêt de la société n'est que la masse des intérêts particuliers réunis, mais ce n'est jamais qu'en cédant, que cet intérêt particulier peut s'accorder et se lier aux intérêts généraux (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 52.
10 Les grands intérêts sont tout ce qui remue fortement les hommes, et il y a des moments où la vie n'est pas leur plus grande passion.
Chamfort, Maximes et Pensées, Sur l'art dramatique, XXIV.
11 La loi de l'Intérêt général, qui engendre le Patriotisme, est immédiatement détruite par la loi de l'Intérêt particulier, qu'elle autorise, et qui engendre l'Égoïsme.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 720.
12 La communauté des intérêts est assurément un lien puissant entre les hommes. Les intérêts, cependant, suffisent-ils à faire une nation ?
Renan, Discours et Conférences, Œ. compl., t. I, p. 902.
♦ Intérêt matériel, pécuniaire. || Questions d'intérêt; → fam. De gros sous. — Par ext. || Les intérêts du cœur (cit. 152), de l'amour (→ Exclusivement, cit. 5).
13 Ils ont des affaires très graves, paraît-il, à discuter ensemble; toujours ces questions d'intérêt et de partage qui, à la campagne, tiennent une si grande place dans la vie.
Loti, Mon frère Yves, LXVIII.
14 (…) les hommes dont la fonction est de défendre les valeurs éternelles et désintéressées, comme la justice et la raison, et que j'appelle les clercs, ont trahi cette fonction au profit d'intérêts pratiques (…)
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 9.
15 On dit souvent que ce sont les intérêts qui déchaînent les guerres ? L'expérience nous enseigne au contraire que ce sont plutôt les passions.
André Siegfried, La Fontaine…, p. 33.
♦ Dr. || Intérêt pour agir, condition nécessaire de l'ouverture de toute action judiciaire.
♦ Dr. Avantage que présente (pour une personne) l'exercice d'un droit ou d'une action. || Intérêt matériel, moral; actuel, éventuel. || Pas d'intérêt, pas d'action. || Les intérêts de l'accusé (cit. 2). || Avoué (cit. 2) qui défend les intérêts de quelqu'un.
♦ (1690, Furetière). Particult. Argent qu'une personne a dans une affaire. || Avoir des intérêts dans une compagnie pétrolière.
16 Perrot, c'est un des soutiens du parti. Un banquier. Il a des intérêts dans les entreprises de travaux publics.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, III.
♦ Spécialt. || Avoir des intérêts (dans une affaire, un lieu…) : faire des affaires, avoir des capitaux engagés.
16.1 — Oui, je me sers rarement du chemin de fer, je viens en voiture. Ça promène mes chevaux… Vous savez que j'ai des intérêts par ici, toute une affaire de constructions, qui malheureusement ne va pas très bien.
Zola, Rome, p. 467.
4 Absolt. (L'intérêt). Recherche d'un avantage personnel, particulier, attachement égoïste à ce qui est avantageux pour soi (→ Action, cit. 15). || Agir par intérêt. || Aimer, cultiver (cit. 19) quelqu'un par intérêt (→ Assommer, cit. 18.3). || Mariage d'intérêt. || Morales de l'intérêt. || L'orgueil souvent plus fort que l'intérêt (→ Convaincre, cit. 11). || Il se met du côté du manche, là où il croit avoir le plus d'intérêt.
17 Les vertus se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer.
La Rochefoucauld, Réflexions morales, 171.
18 Je ne suis pas un médecin mercenaire… L'intérêt ne me gouverne point.
Molière, le Médecin malgré lui, II, 4.
19 Avec cela de l'intérêt et de la cupidité affichée, tendant la main sans honte, croyant à l'or et le disant, y mettant même une sorte de cynisme (…)
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, Notice.
20 Avant vingt ans, tel se croit bien habile de découvrir que l'homme n'agit que par intérêt. Et naturellement il ne songe qu'aux intérêts les plus près de soi, les plus vifs. Car s'il consentait à admettre que les chimères les plus désossées, aussi bien que les imaginations ou conceptions les plus sublimes, puissent parfois intéresser l'homme jusqu'à prendre le pas sur les intérêts vulgaires, nous serions peut-être près de nous entendre.
Gide, Journal, 25 févr. 1943.
5 (1580, Montaigne). Dans des loc. verbales : prendre, porter, etc. intérêt. Attention favorable (à qqn); fait de prendre part (à ce qui concerne qqn). || Porter de l'intérêt à quelqu'un (→ Illusionner, cit. 3), lui témoigner de l'intérêt (→ Arrière-pensée, cit. 3). || Ne ressentir aucun intérêt pour un étranger (→ Accident, cit. 10). || Prendre intérêt à la situation de quelqu'un. ⇒ Soucier (se); → Faste, cit. 3. || « Il prend pour mon honneur (cit. 21) un intérêt extrême » (Molière). || Remercier qqn de l'intérêt qu'il nous porte (→ Démentir, cit. 13). — … d'intérêt. || Marque, signe, témoignage, démonstration d'intérêt. — Intérêt affectueux, amical, bienveillant pour qqn, qqch. ⇒ Bienveillance, sollicitude.
21 Qui doit prendre à vos jours plus d'intérêt que moi ?
Racine, Iphigénie, III, 6.
22 (…) M. Mayer me marque un intérêt dont je ne suis peut-être pas digne.
G. Duhamel, Salavin, V, I.
23 Je te remercie de l'intérêt affectueux que tu portes aux miens et de la sollicitude avec laquelle tu me réclames de leurs nouvelles.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VI, X.
6 (1675, Mme de Sévigné). État de l'esprit qui prend part à ce qu'il trouve digne d'attention, à ce qu'il juge important. || Écouter, regarder, lire qqch avec intérêt (→ Clairement, cit. 4; fait, cit. 24; folâtrer, cit. 2; harmonie, cit. 36). || Étudier qqch. avec intérêt. ⇒ Ardeur. || Ce professeur fait naître, éveille l'intérêt chez ses élèves. ⇒ Attention, curiosité (cit. 2), désir (d'apprendre). || Centre d'intérêt. || Montrer un vif intérêt pour qqch. (→ Intéresser, cit. 20; et aussi prendre à cœur; fam. bander pour qqch.). — Prendre intérêt à… || Prendre intérêt à tout; à peu de chose (→ Fécondité, cit. 7). || Prendre intérêt à un livre (→ Ennuyeux, cit. 12), aux propos de quelqu'un (→ Flatter, cit. 17), à une polémique (→ Écorcher, cit. 8), à une découverte… || Ne prendre intérêt à rien ni à soi-même (→ 1. Être, cit. 11). — (Avec d'autres verbes; le nom est déterminé). || Œuvre qui soutient l'intérêt. || Style qui force l'intérêt (→ Caractère, cit. 29). || Exciter, soulever, susciter l'intérêt universel (→ Enlever, cit. 32). || Ce livre a suscité l'intérêt du grand public. ⇒ aussi Audience.
24 Après la publication du Fils naturel, il m'en avait envoyé un exemplaire, que j'avais lu avec l'intérêt et l'attention qu'on donne aux ouvrages d'un ami.
Rousseau, les Confessions, IX.
25 L'auteur y mêlait au récit succinct du mouvement quelques détails pittoresques propres à exciter l'intérêt et à soulever l'enthousiasme (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, De Brumaire à Marengo, XVIII.
26 Je peux t'affirmer que ces recherches sont de nature à bouleverser la science et qu'elles ont soulevé dans nos milieux scientifiques un intérêt ardent.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VI, XI.
27 L'affaire suscitait pourtant un intérêt profond, qui n'était pas tout de curiosité.
M. Aymé, le Confort intellectuel, p. 107.
7 (1740). Qualité de ce qui retient l'attention, captive l'esprit (⇒ Intéressant). || L'intérêt d'un récit, d'une pièce (→ Évolution, cit. 14), d'un inédit (cit. 4). || Intérêt dramatique (→ Gradation, cit. 5), anecdotique (de qqch.) → Flottant, cit. 12. || Intérêt humain (d'un fait, d'un récit), son aptitude à provoquer l'émotion du public par l'identification à une situation. — La riposte rapide fait l'intérêt de la conversation (cit. 9). || Trouver de l'intérêt à un spectacle. || Cela ne manque pas d'intérêt. ⇒ Sel (ne pas manquer de sel). || Histoire pleine d'intérêt. || N'offrir aucun intérêt, ne pas présenter le moindre intérêt (→ Glace, cit. 13). || Cela n'a pas d'intérêt, n'a aucun intérêt. || C'est sans intérêt, dénué d'intérêt (→ Facilité, cit. 18; 2. frais, cit. 11). || Perdre tout son intérêt (→ Éprouver, cit. 24). || Vie sans intérêt, monotone et vide (→ Folie, cit. 30).
28 Si vous ne frappez pas le cœur du spectateur par des coups toujours redoublés au même endroit, ce cœur vous échappe. Si vous mêlez plusieurs intérêts ensemble, il n'y a plus d'intérêt.
Voltaire, Commentaires sur Corneille, Œdipe, V, 1.
29 De la lutte des passions aux prises avec le point d'honneur résulte l'intérêt de la plupart des pièces de l'ancien théâtre espagnol (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 221.
30 (…) on est très agréablement surpris de trouver des pages pleines de sensibilité, des morceaux étincelant d'esprit et de goût, des dissertations sur les arts, une gaieté et un comique que l'on n'aurait pas soupçonnés dans un Allemand hypocondriaque et croyant au diable et, chose importante pour les lecteurs français, un nœud habilement lié et délié, des péripéties et des événements, tout ce qui constitue l'intérêt dans le sens idéal et matériel du mot.
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, p. 46.
♦ Avantage (souvent matériel) que l'on peut tirer de qqch.⇒ Importance, utilité (→ Héritier, cit. 7). || Intérêt d'une découverte, d'une méthode, d'une fabrication (→ Huile, cit. 6). || Une déclaration du plus haut intérêt. || Quel est l'intérêt d'un tel procédé ? || Cela ne présente pour nous aucun intérêt. ⇒ Avantage.
31 Ne parlez jamais de ce qui, dans le moment, a le plus petit intérêt pour vous; cette faiblesse peut avoir les plus déplorables conséquences.
Stendhal, Romans et nouvelles, « Féder », I.
32 Mieux vaut une laide avec de l'esprit. Même dans certaine occupation, l'esprit a son intérêt. L'amour dans la bêtise est un piètre amour.
Paul Léautaud, Journal littéraire, 25 août 1903, note.
33 Dite avec naturel, la phrase ne saurait éveiller le moindre soupçon. Et elle peut arracher à Marilhat un renseignement d'un intérêt capital.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XXI, p. 279.
❖
CONTR. Capital, fonds. — Désintéressement, gratuité. — Désintérêt, indifférence. — Fadeur, insignifiance; futilité, inutilité.
Encyclopédie Universelle. 2012.