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SYRIE
SYRIE

Envisagée d’un point de vue géographique, la Syrie est une région du Proche-Orient limitée au nord par le Taurus, à l’est par une ligne partant du djebel Sindjar et coupant l’Euphrate à Abu Kamal, au sud par les déserts d’Arabie, à l’ouest par la Méditerranée. Outre l’État de Syrie actuel, dont la population était estimée en 1981 à 9 310 000 habitants, elle englobe le Liban, la Jordanie et Israël. Elle forme un ensemble géographique et traditionnel; à l’exception du Liban qui a vécu d’une existence autonome à partir du XVIIe siècle, les États qui la composent aujourd’hui ont eu une histoire commune jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale.

Cette histoire est complexe, parce que la Syrie, depuis la conquête séleucide, en 312 avant J.-C., jusqu’en 1920, n’a pas constitué une entité politique, mais a été une province de vastes empires: province dominante, cœur de l’empire, au temps des Séleucides et pendant la période omayyade, province vassale sous l’occupation byzantine et pendant les quatre siècles de domination ottomane. Mais le particularisme des Syriens et le rayonnement de Damas ont fait qu’il a presque toujours été possible de discerner cette région du monde au milieu des constructions politiques dont elle faisait partie.

1. Conditions naturelles

La région naturelle qui porte le nom de Syrie s’étend sur environ 300 000 km2. Elle est constituée par un vaste plateau, prolongement septentrional de la plate-forme archéenne d’Arabie, mais que recouvrent par endroit des sédiments plus jeunes: minces couches de limons tertiaire, jurassique et crétacé. À l’ouest, la plaine côtière est séparée du reste du pays par une double chaîne de montagnes: montagne des Ansarieh (An ルariya), Liban, monts de Judée d’abord, Anti-Liban, Hermon, monts de Moab ensuite. Les deux chaînes enserrent un tronçon du vaste fossé nord-sud qui s’étend de l’Amanus à la mer Rouge: la Beqaa, entre Liban et Anti-Liban, puis la vallée du Jourdain, la mer Morte et le W d 稜 al-‘Araba. Le massif volcanique du djebel Druze, ainsi que trois petits chaînons orientés de Damas vers Palmyre complètent la structure orographique de la Syrie.

Le système hydrographique est constitué par l’Euphrate, qui prend sa source en Anatolie orientale; il reçoit sur sa rive gauche le Khab r qui arrose la plaine fertile de Djézireh. L’Oronte et le Litani, du toit central de la Beqaa, coulent, l’un vers le nord, l’autre vers le sud, jusqu’à la Méditerranée. Le Barada arrose l’oasis de Damas, tandis que le Jourdain se perd dans la mer Morte après avoir traversé le lac de Tibériade (tous deux naissant sur les pentes de l’Hermon).

Soumis à un climat chaud et sec, le plateau syrien est couvert de déserts pierreux au sud et à l’est, de steppes au nord et à l’ouest. Les régions les plus propices à la vie et les plus peuplées sont la plaine côtière, la zone de jonction des montagnes et du plateau oriental, les plaines de Djézireh (al-Djaz 稜ra) et du Haourân (Hawr n), ainsi que la Palestine.

2. La Syrie avant la conquête arabe

Les Cananéens autochtones et les Phéniciens qui, vers le milieu du deuxième millénaire, s’étaient mêlés à eux le long des côtes, avaient, au cours des siècles, formé un peuple syro-phénicien ayant une langue et une civilisation propres, et se distinguant des peuples environnants, arabe, égyptien et anatolien. Divisée en petites principautés, soumise par intermittence à l’Égypte à partir du XIVe siècle, la Syrie fut le théâtre de la migration des Hébreux aux XVIIe et XVIe siècles, du débarquement des Philistins au XIIe siècle, des incursions de tribus anatoliennes, puis des invasions des Babyloniens, des Égyptiens, des Hittites, des Assyriens, des Perses et des Macédoniens. C’est en 312 avant J.-C. que Séleucos, lieutenant d’Alexandre, fonda dans la vallée de l’Oronte un État ayant Antioche pour capitale, auquel il donna le nom de royaume de Syrie et qui s’étendit, par étapes successives, de la mer Égée à l’Inde. Pendant cette période s’infiltrèrent en Syrie des Arabes venus du sud de la péninsule arabique; ils fondèrent des communautés à Émèse (Homs), Palmyre, Petra, dans le Haourân et la Damascène. Ils adoptèrent la langue araméenne, et se convertirent plus tard au christianisme. Certains, tels les Ghass nides, jouèrent un rôle important dans l’histoire de la Syrie. En 64 avant J.-C., le royaume séleucide s’effondra sous les coups des Romains qui formèrent la Provincia syria avec toutes les parties de la Syrie traditionnelle. Le pays connut alors une période de grande prospérité. D’après les auteurs anciens, sa population atteignit le chiffre de sept millions. La ville d’Antioche compta jusqu’à 300 000 habitants. Une renaissance araméenne se développa à partir des écoles d’Édesse (face="EU Upmacr" 樓rfa), Antioche, Héliopolis (Baalbek) et Palmyre se couvrirent de monuments grandioses.

Les Syriens jouèrent un rôle important à Rome. «Voici que l’Oronte syrien s’est déversé dans le Tibre, apportant sa langue et ses mœurs», écrivait Juvénal au Ier siècle. Les légions stationnées en Syrie portèrent sur le trône de Rome plusieurs empereurs syriens: ceux de la dynastie émésénienne (218-235), puis Philippe l’Arabe (244-249).

Le transfert de la capitale de l’Empire romain à Byzance (330), puis le partage en Empire d’Occident et en Empire d’Orient (395) – la Syrie fut rattachée à ce dernier – marquèrent le début de l’époque byzantine (395-634), beaucoup moins libérale et brillante que ne l’avait été l’époque romaine. La fiscalité devint pesante, puis écrasante; les caprices religieux des empereurs poussèrent les Syriens vers des schismes et des hérésies: nestorianisme, monophysisme, monothéisme.

Pourtant, l’esprit d’entreprise des Syriens parvint à créer, pendant cette période difficile, un commerce maritime florissant, tandis que la culture araméenne continuait à s’épanouir et qu’un art syrien original prenait naissance, caractérisé par la coupole architecturale, les mosaïques polychromes, les étoffes à «arabesques».

Au VIe siècle débutèrent les invasions perses qui aboutirent à une occupation de la Syrie et à la transformation de celle-ci – moins la Phénicie maritime – en satrapie perse, de 611 à 622. L’empereur Héraclius réussit à chasser les Perses et à recouvrer la Syrie, au prix de guerres qui laissèrent son armée épuisée. Aussi, lorsque les Arabes parurent aux frontières de la Syrie, ne se heurtèrent-ils pas à une forte opposition militaire et ne rencontrèrent-ils pas non plus de résistance de la part des Syriens, que deux siècles et demi de tracasseries byzantines avaient exaspérés.

3. La Syrie musulmane

Les premières incursions arabes en Syrie furent le fait de Bédouins pillards que le calife Ab Bakr, successeur de Mu ムammad, voyait sans déplaisir quitter l’Arabie. Mais après que ces bandes eurent défait les forces byzantines (Adjnadain, 634), le calife envoya des troupes pour conquérir la Syrie. Son armée rencontra celle de l’empereur Héraclius sur le Yarmouk, le 20 août 636, et l’écrasa. Cette victoire décida du sort du pays. Alep et Antioche tombèrent sans résistance. Jérusalem opéra une reddition honorable en 638, après deux ans de blocus. Césarée fut occupée en 640.

Omar, successeur d’Ab Bakr, partagea la Syrie en cinq gouvernements militaires: Damas, Homs, Palestine, Jourdain et Syrie du Nord. Les habitants conservèrent leur langue, leurs tribunaux, leurs institutions municipales. Ils ne subirent pas de persécutions religieuses. Mais ils furent soumis à de lourds impôts: impôt foncier et capitation. L’occupation militaire arabe avait pour but principal l’exploitation des autochtones.

La période omayyade

Les choses changèrent avec le calife Mu‘ wiyya, fils de Ab Sofr n l’un des conquérants de la Syrie et membre du clan illustre des Omayyades, qui avait arraché le pouvoir à ‘Al 稜, cousin et gendre du prophète. Mu‘ wiyya déplaça le centre du califat de K fa, en Iraq, à Damas. Il se fit élire roi à Jérusalem, pria au Calvaire et sur le tombeau de Marie, épousa une Syrienne et gouverna son empire en s’appuyant sur les Syriens. Libéral et tolérant, il maintint en place les fonctionnaires chrétiens. Son chancelier, son médecin furent chrétiens. Il fit instruire son fils et successeur Yazid par un moine, fit rebâtir l’église d’Édesse détruite par un tremblement de terre. Il fonda la dynastie des Omayyades (660-684), à laquelle succéda la dynastie apparentée des Marw nides (684-750).

Pendant cette période, l’empire arabe atteignit sa plus grande extension. Il fut divisé en neuf grandes provinces, et la province-capitale, celle de Syrie-Palestine, connut son plus brillant développement.

La Syrie demeurait largement chrétienne, surtout dans les campagnes. Les conversions à l’islam n’étaient nombreuses que dans les villes, parmi les prisonniers de guerre, et chez les Arabes syriens. À la fin du premier siècle de l’hégire (vers 722), on évaluait la population à 4 millions d’habitants, et le nombre des musulmans à 200 000. La langue usuelle était le syriaque. La population était divisée en quatre classes: les musulmans d’origine; les maul (convertis), fanatiques et ambitieux; les dhimmi , ou «gens du Livre», chrétiens, juifs et sabéens, soumis aux impôts, mais conservant leur statut civil et leurs juridictions; les esclaves, prisonniers de guerre ou victimes de rapts, qui faisaient l’objet d’un commerce prospère.

Les Arabes avaient apporté à Damas la musique et la poésie. Les Syriens cultivaient les sciences, la philosophie, la médecine, les arts plastiques et leurs architectes édifièrent d’admirables monuments: en particulier, à Jérusalem, en 692, la mosquée Al-Aqs et la Coupole du Rocher improprement appelée «mosquée d’Omar».

Ce florissant empire fut malheureusement affaibli par les luttes contre son voisin byzantin et finalement détruit par des dissensions internes.

Contre Byzance, la guerre, qui ne cessa jamais tout à fait, fut marquée de quelques revers arabes: invasion des Mardaïtes anatoliens vers 687; échec de Soliman (Solaym n) devant Constantinople en 717.

Les guerres internes se présentèrent d’abord comme des séquelles de la querelle qui avait opposé Mu‘ wiyya à ‘Al 稜. Le fils de ce dernier fut battu à Kerbela et périt dans la bataille. (Les musulmans sh 稜‘ites commémorent toujours ce deuil.) En 683, le Hedjaz (Hidj z) se révolta à son tour. Les Médinois furent écrasés à al-Harrah, et la Kaaba incendiée au cours du siège de La Mecque.

Mais c’est la rivalité entre Qaisites et Yéménites – rivalité qui se poursuivit pendant des siècles dans toute l’étendue de l’empire arabe – qui provoqua la chute des Omayyades. Les Yéménites étaient des Arabes du Sud entrés en Syrie avant l’hégire et lors de la conquête. Les Qaisites, originaires du centre de la péninsule, étaient arrivés plus tard. Les Yéménites formaient avec les chrétiens le peuple syro-arabe sur lequel s’étaient appuyés les califes omayyades, à l’exception des derniers. Ceux-ci abandonnèrent leur résidence de Damas, mécontentèrent les Yéménites, persécutèrent la secte musulmane libérale des Qadarites. Pour la première fois, les Syriens se révoltèrent. Le calife Marw n II réussit à étouffer la rébellion. Mais il acheva de se couper des Syriens en transportant son gouvernement en Irak. Et lorsque surgirent les ‘Abb ssides, il ne put leur opposer qu’une armée de Qaisites mésopotamiens, qui fut mise en déroute sur le fleuve Zab, en 750.

Les ‘Abb size=5ssides

Les ‘Abb ssides – du nom de ‘Abb s, oncle du Prophète – étaient une secte dirigée par les descendants de ‘Al 稜, et qui avait recruté le gros de ses partisans chez les Kh 拏rassaniens, peuple guerrier du nord de l’Iran, converti à l’islam, mais traité avec arrogance par les Arabes. Après avoir battu et tué Marw n II, les Kh 拏rassaniens envahirent la Syrie, assassinèrent tous les Omayyades (sauf un qui fonda la dynastie omayyade d’Espagne), jetèrent leurs cadavres aux chiens, violèrent les sépultures des anciens califes, détruisirent leurs palais et se comportèrent dans le pays avec une sauvagerie qui provoqua un soulèvement général. Les Syriens, après des succès initiaux, furent battus. Leur pays devint une simple province, tenue par de fortes garnisons kh 拏rassaniennes et soumise à une dure occupation. C’en était fait de l’hégémonie de la Syrie, qui fut, à partir de ce moment, soumise à la tutelle plus ou moins pesante de peuples étrangers jusqu’à son accession à l’indépendance.

Les trente-sept califes de la dynastie ‘abb sside régnèrent théoriquement de 750 à 1258 sur un empire musulman dans lequel les Arabes ne formaient plus qu’un peuple parmi d’autres. Leur capitale fut Bagdad. La Syrie, en perpétuelle effervescence, subit un changement profond sous le règne du calife Mutawakkil (847-861) dont les persécutions religieuses provoquèrent des conversions massives à l’islam. C’est alors que le pays perdit sa coloration chrétienne.

À peu près à partir de cette époque, les mercenaires employés par les califes commencèrent à se retourner contre eux et à se tailler des royaumes à l’intérieur de l’empire. C’est ainsi que la Syrie passa sous le contrôle de dynasties d’origine turque: les T l nides (878-905) et les Ikhch 稜dides (935-969), puis des ネamd nides (descendant du clan arabe chrétien des Ban Hamd n), qui s’installèrent dans le nord du pays et établirent une cour brillante à Alep. Mais ils furent durement attaqués par l’empereur Nicéphore qui prit Antioche, Homs, Alep (sauf la citadelle), et durent payer tribut aux Byzantins.

La période f size=5 size=5レimide

En 909, un Ismaïlien se disant descendant de F レimah, fille du Prophète (d’où le nom de sa dynastie: f レimide), avait fondé en Tunisie un califat sh 稜‘ite dissident. À la tête de troupes berbères, ses successeurs conquirent l’Égypte (969), puis, la même année, la Syrie. Toutefois, dans ce pays, leur autorité fut mal établie, et la réalité du pouvoir appartint à des clans bédouins: les Hamd nides, déjà cités, auxquels succédèrent les Kil bites, les Ban Djarr h en Palestine, les Kalbites à Damas. Cette anarchie fut mise à profit par les Seldjoukides, tribu turque au service des ‘Abb ssides qui envahirent la Syrie (1070), en chassèrent les F レimides (exception faite de la bande côtière) et partagèrent le pays en deux sultanats établis l’un à Homs et l’autre à Antioche, après qu’il eut été repris aux Byzantins.

C’est sous les murs de cette dernière ville que les croisés apparurent en 1098. Ils battirent les Seldjoukides, malgré les secours ‘abb ssides, prirent Jérusalem (1099), vainquirent les F レimides et établirent dans l’ouest de la Syrie un royaume latin, fédération de quatre États féodaux (royaume de Jérusalem, comté d’Édesse, principauté d’Antioche et Cilicie, comté de Tripoli), qui atteignit sa plus grande extension en 1144. Il allait alors de la Cilicie et du Tigre à la mer Rouge, limité à l’est par la vallée de l’Oronte, par l’Anti-Liban et par le Jourdain. Alep, ネam , Homs et Damas lui payaient tribut. Mais, à partir de cette date, la décadence fut rapide. L’émir de Mossoul, Noureddine (N r ed-Din), s’empara du comté d’Édesse. Quelques années plus tard apparut Saladin (face="EU Dodot" プal ム al-D 稜n ibn-Ayy b), Kurde qui avait obtenu le vizirat du dernier calife f レimide et régnait pratiquement sur l’Égypte. Il arracha la Syrie au fils de Noureddine et, après quelques démêlés avec la secte des Assassins, alors puissante en Syrie, il se retourna contre les Francs qu’il écrasa à ネa 稜n en 1187. Trois mois plus tard, Jérusalem tomba.

Maître absolu de l’Égypte après la mort du dernier calife f レimide, Saladin avait étendu son autorité de fait sur une grande partie du califat ‘abb sside et fondé un sultanat ayy bide du Nil au Tigre. Ses héritiers se partagèrent le sultanat, deux de ses fils héritant de la Syrie centrale (Damas) et de la Syrie du Nord (Alep). En désaccord avec leur oncle, sultan d’Égypte, al-‘Adil, ils s’allièrent contre lui avec les croisés. Mais l’armée confédérée syro-franque fut vaincue par al-‘Adil, grâce au concours de 10 000 cavaliers recrutés à Khaw rism, en Asie centrale, et la Syrie passa à nouveau sous le contrôle de l’Égypte.

Les Mamlouks

En 1250, des mercenaires serviles, d’origine turque, s’emparèrent du pouvoir en Égypte. Ce fut le début du règne des Mamlouks (Maml k) qui, après avoir vaincu les Mongols entrés en Syrie, portèrent les derniers coups aux croisés. Ils prirent, l’une après l’autre, leurs citadelles côtières. La dernière, Saïda, succomba en 1291.

Les sultans mamlouks gouvernèrent l’Égypte et sa colonie syrienne pendant deux siècles et demi. Cette période fut l’une des plus sombres de l’histoire syrienne. Les gouverneurs de ses cinq provinces (ny ba de Damas, Alep, ネam , Tripoli, Safad et Karak), sans cesse déplacés par mesure de sécurité, n’avaient d’autre souci que de rançonner la population.

4. La domination ottomane

En 1515, la Syrie fut envahie par une nouvelle armée, celle des Turcs ottomans qui venaient de détruire l’empire byzantin (prise de Constantinople, 1453). Les Ottomans rencontrèrent les Mamlouks à D biq, au nord d’Alep, et les battirent, en 1516. En 1517, ils conquirent l’Égypte et fondèrent un nouvel empire qui allait dominer tout l’Orient arabe pendant quatre siècles.

La Syrie, province de cet empire, fut divisée en trois, puis quatre pachaliks: Damas, Tripoli, Alep puis Saïda (face="EU Dodot" プayd ). Elle ne fut pas plus heureuse sous le gouvernement des pachas turcs que sous celui des na‘ 稜b maml k . Aussi instables que leurs prédécesseurs, ils se montrèrent également corrompus et se livrèrent aux mêmes exactions.

Les Syriens, malgré le poids de ce régime, réussissaient à développer leur commerce avec les puissances méditerranéennes, avec l’Angleterre et les pays germaniques. Quelques petites principautés bédouines ou kurdes parvenaient à sauvegarder leur autonomie. Au Liban, les émirs Ma‘ n (Maan) arrachaient même leur indépendance, et pendant deux siècles et demi, le Liban allait non seulement échapper à la tutelle ottomane, mais encore arbitrer, grâce à la vaillance de son armée, les conflits entre pachas.

Peu de grands événements politiques marquèrent l’histoire de la Syrie jusqu’en 1832. Tout au plus peut-on signaler, pendant cette période, l’apparition de Bonaparte qui se retira du pays après son échec devant Saint-Jean-d’Acre, en 1799; une invasion des Wahh bites, secte rigoriste qui venait de prendre le contrôle de l’Arabie, en 1810, les révoltes des janissaires qui occupèrent Damas en 1812 et Alep de 1812 à 1819.

En 1832, un ambitieux vice-roi d’Égypte, Mu ムammad ‘Al 稜 (Méhémet-Ali), qui avait réussi à se libérer complètement de la tutelle turque, envoyait son fils Ibr him à la conquête de la Syrie. Non seulement Ibr him battit les armées du sultan (Homs, Bail n, 1832), mais encore il les poursuivit jusqu’en Anatolie. Le sultan prit peur et signa un arrangement assurant à Mu ムammad ‘Al 稜 la possession viagère de la Syrie et de la Cilicie.

Une fois de plus, la Syrie se trouva placée sous une domination égyptienne. Elle s’en trouva bien, au début. Libéral, Mu ムammad ‘Al 稜 supprima toute discrimination entre musulmans et chrétiens, réforma la police, surveilla l’impartialité des tribunaux, assura la sécurité. Malheureusement, ses besoins militaires l’amenèrent à instituer une fiscalité abusive et une conscription impopulaire. Des révoltes éclatèrent, le sultan jugea le moment venu de tenter une reconquête de la Syrie, et il envoya dans le pays une armée de 50 000 hommes; Ibr him la rencontra à Nizib, près d’Alep, et lui infligea une sanglante défaite (1839). L’Angleterre intervint alors; l’instauration en Égypte d’un régime fort, soumis de plus à l’influence française (Mu ムammad ‘Al 稜 était entouré de conseillers français), lui paraissait une menace contre la route terrestre des Indes. Elle réussit à gagner à sa cause l’Autriche, la Prusse et la Russie qui enjoignirent à Mu ムammad ‘Al 稜 de restituer la Syrie à son suzerain; devant son refus, une flotte alliée bombarda les ports du Levant, et débarqua des troupes à Saïda, Jbayl, Batr n et Acre; en même temps, les Libanais se révoltaient, Ibr him se préparait à contre-attaquer depuis Damas. Mais son père, peu soucieux d’entrer en conflit avec les trois quarts de l’Europe, lui ordonna d’évacuer le pays (1840). Ce nouvel épisode égyptien dans l’histoire syrienne n’avait duré que huit ans.

La Turquie reprit le pays en main, supprimant même l’indépendance du Liban, où elle nomma un gouverneur. Mais, après la guerre de Crimée, en 1855, les puissances européennes lui imposèrent un acte proclamant l’égalité de tous les citoyens de l’Empire, sans distinction de race ni de religion. Délivrés d’entraves séculaires, les chrétiens s’enrichirent. Les musulmans et les Druzes grondèrent. Attisé secrètement par les Turcs, leur mécontentement se transforma bientôt en explosion violente. Au mois de mai 1860, les Druzes du Liban passèrent à l’attaque des chrétiens; du Liban, les troubles gagnèrent Damas où, du 9 au 12 juillet, les musulmans se livrèrent à un sanglant massacre. Les puissances européennes décidèrent d’intervenir et, au mois de septembre, un corps expéditionnaire français de 6 000 hommes débarqua à Beyrouth.

Le Liban retrouva son autonomie, mais la Syrie, partagée entre les deux wilayets de Damas et d’Alep, demeura soumise à une administration tellement centralisée que, de 1864 à la Première Guerre mondiale, son histoire peut être confondue avec celle de la Turquie.

En 1913, les tentatives d’assimilation des Jeunes-Turcs, qui exerçaient le pouvoir à Constantinople, provoquèrent dans le pays le réveil du nationalisme arabe (Congrès syrien de Paris, 1913), et se traduisirent par une résistance passive des Syriens qui refusèrent de participer aux élections législatives. Cette résistance provoqua une répression qui se fit brutale après l’entrée en guerre de la Turquie aux côtés de l’Allemagne. Djemal pacha, responsable militaire du pays, poursuivit durement les autonomistes, qui furent déportés ou pendus. Aussi, lorsque les opérations furent engagées, les soldats syriens désertèrent-ils en masse l’armée turque, occupant les gorges de l’Anti-Liban, d’où ils harcelaient la voie ferrée Damas-Deraa, tandis que les Druzes et les ‘Alaw 稜tes se barricadaient dans leurs montagnes.

Le 20 septembre 1918, le général Allenby, à la tête d’un corps anglo-français, infligeait aux Turcs une défaite décisive à Sarona. En octobre, les Turcs évacuaient Damas, Homs, ネam , Alep. Le 31 octobre, ils demandaient l’armistice. L’une des périodes les plus longues et les plus ternes de l’histoire de la Syrie prenait fin.

5. Britanniques et Français

Fay size=5ル size=5l à Damas

Les troupes d’Allenby avaient été soutenues par une armée bédouine que commandait le prince Fay ル l, fils du chérif de La Mecque. C’est cette armée qui avait pris Damas le 1er octobre. En mars 1920, Fay ル l, s’appuyant sur les promesses faites par les Anglais à son père d’un «grand royaume arabe» s’étendant à toutes les possessions arabes de l’Empire ottoman, réunit à Damas un congrès général syrien dont les membres, venus de toutes les parties de la Syrie traditionnelle – sauf du Liban, que les Français occupaient – proclamèrent «l’indépendance de la Syrie dans ses limites naturelles, y compris la Palestine», et l’élirent roi. Mais, en même temps qu’elle promettait le grand royaume arabe au chérif de La Mecque, l’Angleterre concluait avec la France des accords répartissant ce même domaine en zones d’influence, la Syrie et le Liban constituant les zones françaises (accord Sykes-Picot, 1916). À la conférence de San Remo, en 1920, les pays arabes ex-ottomans étaient placés sous mandat français (Liban, Syrie) ou anglais (Irak, Transjordanie, Palestine).

Les Libanais avaient accueilli les Français en libérateurs; mais la déception fut grande chez les chérifiens de Damas. Non seulement Fay ル l ne reconnut pas l’autorité des Français mais il fit couper la voie ferrée Rayak-Alep, utilisée pour le ravitaillement des troupes françaises qui combattaient encore les Turcs en Cilicie. En juillet 1920, le général Gouraud, haut-commissaire à Beyrouth, occupa Alep, Homs et ネam . Un corps français battit l’armée chérifienne à Kh n Meissal n le 24 juillet et entra le 25 à Damas. Fay ル l quitta la Syrie où les Français établirent une administration mandataire.

Le mandat français

Séparée d’un Liban élargi, la Syrie fut divisée en quatre États: Damas, Alep, territoire des ‘Alaw 稜tes, djebel Druze, formant une confédération. Damas et Alep furent réunies en 1924. En 1925, une insurrection prit naissance dans le djebel Druze, et s’étendit bientôt à Damas; elle ne fut réduite qu’en juillet 1926 après de sanglants combats. En 1930, le haut-commissaire français promulgua une Constitution, des élections eurent lieu en 1932 et un traité franco-syrien, inspiré du traité anglo-iraquien, fut élaboré, mais, par suite de considérations de politique intérieure, ne fut jamais proposé à la ratification du Parlement français.

En 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la France, pour des raisons de stratégie politique, accepta de rétrocéder à la Turquie le sandjaq d’Alexandrette (Hatay).

Au mois de juin 1941, les forces britanniques, auxquelles s’étaient jointes des Forces françaises libres, attaquèrent les troupes françaises de Syrie et du Liban (relevant du gouvernement de Vichy), qui, submergées par le nombre, durent capituler après des combats meurtriers. Le général Catroux, commandant des Forces françaises libres du Levant, proclama, à la fin de 1941, l’indépendance du Liban et de la Syrie, sans rien changer, en fait, à l’administration française. Aussi, après l’élection en 1943 d’une chambre et d’un président, S face="EU Caron" ズkri al-Quwwatl 稜 (Choucri Kouatli), nationalistes, des troubles éclatèrent à Damas, en 1945. Les Français décidèrent alors de supprimer les derniers vestiges de l’administration mandataire, et ils évacuèrent complètement le pays en 1946.

6. Le régime des colonels

Fait significatif, les États libérés de la tutelle française optent pour un système politique républicain, et la Syrie, au lendemain des élections de juillet 1943, n’échappe pas à cette règle. L’unité nationale, laissée à peu près intacte par le mandataire, était minée par les privilèges accordés aux minorités (Grands Nomades, Druzes, ‘Alaw 稜tes). Aussi le pouvoir républicain installé à Damas tente-t-il de les limiter. S face="EU Caron" ズkr 稜 al-Quwwatl 稜 (Choucri Kouatli), premier président de la jeune République et Sa‘ d All h al-Jalr 稜, qui a formé le gouvernement, ont fort à faire pour secouer le joug d’une classe dirigeante qui, à l’image même de la IIIe République en France, s’est emparée du pouvoir. Les grands bourgeois, propriétaires terriens, seigneurs de la finance et du commerce, officiers supérieurs éduqués à l’occidentale, précipitent l’avènement d’une série de coups d’État. La conscience aiguë de leur appartenance à l’arabisme, le traumatisme subi à la suite de la guerre en Palestine et la rancœur des vaincus de 1948 ébranlent le régime. Mais cela ne suffit pas à entraîner le changement radical auquel aspirent les cadres de l’armée; hypersensibilisés par un arabisme révolutionnaire cultivé de 1947 à 1949 à l’école militaire de Homs, ils fournissent des générations de jeunes officiers influencés par les théories nationalistes.

Si le 17 avril demeure le jour de la fête nationale célébrant le départ, en 1946, du dernier soldat étranger, le 29 mars de la même année marque l’avènement d’une Syrie qui se veut moderne. Le putsch, conduit par le chef d’état-major général ネusni al-Za‘ 稜m, avait pour but de mettre fin au régime des nantis, responsable de la situation lamentable du pays. Les théories sociales du dictateur montraient la voie de l’avenir, mais son culte de la force et de l’ordre civil, dictés par son admiration pour l’œuvre de Mustafa Kemal Attatürk, menèrent à l’échec un socialisme encore balbutiant. Toujours à l’exemple de Mustafa Kemal, sa lutte contre la pesante tradition islamique fut, certes, courageuse, mais l’armée, irritée par les habitudes pro-occidentales du maréchal-président, se ligue avec les ex-parlementaires, les commerçants, les religieux et les bourgeois conservateurs, et bientôt Za‘ 稜m se retrouve seul. L’unique point positif de son court règne fut de réunir une Assemblée constituante, apportant ainsi quelques satisfactions à la gauche syrienne. Un colonel des blindés, S mi ネinn wi, réédite le coup de Za‘ 稜m qui ne s’était maintenu au pouvoir que 134 jours. ネinn wi fait arrêter et exécuter son prédécesseur. Plus indépendant que ce dernier, il aurait pu réussir d’autant plus qu’il s’était entouré de Akram Awr ni, qui s’occupe alors d’un premier projet de réforme agraire, et de Michel Aflak, fondateur du Baas (Parti socialiste de la renaissance arabe), qui devient ministre de l’Éducation nationale et multiplie les écoles primaires et normales.

Mais l’indépendance syrienne était en jeu; l’union avec l’Irak, prônée par les Britanniques (dont, semble-t-il, face="EU Dodot" ネinn wi était l’agent), aurait conduit à admettre l’hégémonie anglaise; or ni l’armée, ni le parti de Awr ni, ni le Baas ne pouvaient cautionner une telle politique. Le réflexe patriotique joua pour la troisième fois en neuf mois et l’armée intervint sous le commandement d’un colonel plus jeune, Adib S face="EU Caron" クs face="EU Caron" オkl 稜 (Chichakli). Prudent, ce dernier commence par se tenir sur la réserve, et se contente du poste de chef d’état-major adjoint, tout en constituant un comité militaire secret dont il s’adjuge la direction. Une nouvelle Constitution, proclamée le 5 septembre 1950, garantit, pour la première fois, le droit, et, surtout, déclare le pays partie intégrante des nations arabes. L’islam triomphe, et la loi musulmane est choisie comme source principale de la législation, premier pas vers la limitation des privilèges économiques et sociaux des minorités chrétiennes. Le nouveau gouvernement s’efforce essentiellement d’unifier le pays, mettant fin au régime spécial des nomades, mais ainsi il s’attire la haine tenace des Druzes. Le rétablissement du régime parlementaire précise les menaces contre le gouvernement dit militaire, qui s’immisce de plus en plus dans les affaires publiques; et pourtant S face="EU Caron" クs face="EU Caron" オkli, refusant la magistrature suprême, fait porter la charge du pouvoir par un civil.

Les nombreuses tentatives de mainmise étrangère sur un pays jaloux de son indépendance, l’opposition de certains parlementaires bouleversent la mécanique soigneusement mise au point par le Conseil militaire. Le 21 novembre 1951, S face="EU Caron" クs face="EU Caron" オkli fait un coup d’État interne; l’Assemblée constituante est dissoute, l’armée reprend la responsabilité du pays. Fawz 稜 Selo, ministre de la Défense, est désigné par le Conseil militaire aux fonctions de président de la République et S face="EU Caron" クs face="EU Caron" オkli se réserve la vice-présidence et le ministère de l’Intérieur. En 1952, la dissolution de tous les partis et l’interdiction de la presse d’opposition sont décrétées pour permettre la création du Mouvement de libération arabe (M.L.A.). Une nouvelle Constitution, approuvée par référendum le 10 juillet 1953, instaure à nouveau le régime présidentiel, et, en septembre de la même année, le président autorise les partis politiques. Les élections d’octobre 1953, boycottées par les partis de l’opposition, sont remportées par le M.L.A. de S face="EU Caron" クs face="EU Caron" オkli. En novembre, un mouvement d’opposition, le Front national, est créé; il réclame l’annulation des élections et le retour à la démocratie parlementaire, et entreprend, dans ce but, une vaste campagne de manifestations populaires. S face="EU Caron" クs face="EU Caron" オkli réagit en faisant arrêter les responsables de l’opposition, mais un quatrième coup d’État préparé par les partis de gauche renverse le dictateur, qui, plutôt que de garder le pouvoir au prix d’un affrontement sanglant, préfère s’expatrier en Arabie Saoudite.

Le coup d’État du 25 février 1954 est une suite logique d’une période particulièrement troublée au Moyen-Orient. La gauche joue un rôle important; la «guerre froide» s’est installée dans la région. La politique étrangère américaine soulève des problèmes non encore résolus aujourd’hui: le point 4 du programme des États-Unis, énoncé par Truman devant le Congrès, le 20 janvier 1949, envisageait une aide financière et technique aux pays «retardataires» (environ 600 millions de dollars pour une période de sept ans). Le département d’État estimait que cette aide organisée contribuerait à la stabilité, à la paix et au bien-être général du Proche-Orient.

Bien que les États-Unis aient précisé que le point 4 n’est qu’une forme d’assistance sans recherche de privilèges spéciaux, les Arabes, soudain plus attentifs, flairent la portée politique du geste américain qui les obligerait à reconnaître l’existence d’Israël. L’accueil des autres pays du Moyen-Orient est toutefois assez bon en général, malgré les critiques acerbes. La Syrie refuse sèchement toute adhésion, en précisant que son vaste plan national de reconstruction exige une assistance considérable que l’aide américaine ne pourrait assumer, alors qu’elle entraînerait une plus grande pénétration étrangère dans les affaires du pays. Ce léger retour en arrière permet de comprendre pourquoi la Syrie, malgré l’anticommunisme traditionnel de ses dirigeants, mais foncièrement avide de renouveau, se tournera plus tard vers l’U.R.S.S. De plus la proposition tripartite (États-Unis, Grande-Bretagne, France) de limitation des fournitures d’armes n’apaise en rien la tendance antioccidentale qui gagne de plus en plus l’opinion publique.

La création du pacte de défense interarabe, signé le 13 avril 1950, reste une méprise totale entre Arabes et États-Unis. Le gouvernement américain s’entête à embrigader la Syrie dans sa croisade contre l’U.R.S.S. La question palestinienne, l’indépendance nationale farouchement préservée élargissent encore le fossé qui sépare la Syrie et les États-Unis. La Syrie, isolée, n’aura d’autre recours que d’accepter l’aide de l’Union soviétique.

Avec la fuite de S face="EU Caron" クs face="EU Caron" オkli, en 1954, prend fin le régime des colonels et des réformes paternalistes peu conformes à la dynamique des années 1950.

7. Luttes pour l’indépendance politique

Restauration parlementaire et influences extérieures

L’armée rentrée dans ses casernes, le Baas (Baas , «Résurrection») peut lancer le pays dans des réformes socialistes de plus en plus audacieuses. Le droit de vote à 18 ans, introduit par Za‘ 稜m, a apporté de l’eau au moulin du Baas; de ce fait, son score électoral passe de 5 à 15 p. 100 des voix. Le Baas participe à trois des cinq cabinets parlementaires de la restauration, et le Parti communiste compte son premier député en la personne de son secrétaire général, Kh lid Bagdaš (Khaled Bagdache).

À cette époque, les tentatives des États-Unis pour s’allier la Syrie redoublent, mais la presse arabe s’irrite du traitement trop bienveillant de la politique américaine envers Israël, et accueille mal le plan Johnston (1954) de mise en valeur des eaux du Jourdain; il s’agit, en réalité, d’une politique de la carotte à laquelle les Syriens opposent un refus formel. Washington choisit alors de brandir le bâton, et c’est l’escalade des notes de protestations sans que cela affecte le neutralisme syrien. Les États-Unis pensent, par le pacte de Bagdad (24 févr. 1955), emporter l’adhésion de la Syrie (après celles de l’Iran et du Pakistan) à la nouvelle alliance turco-irakienne. Mais le gouvernement de Damas craint l’Irak, lié à Washington par le relais d’Ankara, et estime que son indépendance est menacée par la réalisation du «Croissant fertile» soutenu par les Américains; la force turque et l’agressivité d’Israël qui venait d’être démontrée dans le secteur de Gaza effraient la Syrie.

Un tel environnement diplomatique se répercute sur la vie politique intérieure du pays, déchiré entre les tendances pro-égyptiennes et pro-irakiennes. S face="EU Caron" ズkr 稜 al-Quwwatl 稜, revenu de son exil égyptien, est porté à la magistrature suprême en août 1955, précipitant ainsi le pays dans la zone d’influence du Caire (oct. 1955) par un traité d’alliance militaire prévoyant un commandement militaire commun. C’est l’époque des complots qui échouent ou avortent, des assassinats, des agitations politiques; en bref, une période parlementaire troublée pendant laquelle le Baas met tout en œuvre pour accéder au pouvoir. L’armée, sous les traits du capitaine Sarr dj du deuxième bureau, avec l’appui des jeunes officiers progressistes, permet au Baas de s’affirmer comme parti dirigeant. Une lutte implacable oppose alors la gauche dirigeante contre les partisans des régimes occidentaux. Peut-être plus que d’autres pays du Proche-Orient, la Syrie a besoin d’une armée moderne; l’aveuglement des démocraties occidentales, redoutant d’armer un ennemi d’Israël, donne l’occasion d’un premier envoi d’armes provenant des pays socialistes, effectué grâce à l’intervention du président Nasser.

Bien qu’isolée, la Syrie s’est portée au secours de l’Égypte lors de la crise de Suez. Le 4 novembre 1955, Sarr dj fait sauter les stations de pompage de l’Irak Petroleum Company (I.P.C.) à la frontière irako-syrienne. La fermeture du canal de Suez, l’arrêt du transit pétrolier privent l’Europe occidentale de carburant. Le rapprochement avec l’Union soviétique reçoit sa consécration, en pleine crise de Suez, par la visite du président Quwwatl 稜 au Kremlin. L’U.R.S.S. fournira désormais tout l’armement nécessaire. La pénétration des Soviétiques en Syrie devient la cible des organes de presse occidentaux. En réalité, le danger militaire d’une base avancée russe n’est encore que potentiel, le vrai danger pour la Syrie vient d’ailleurs: la réaction des États-Unis et de ses alliés se concrétise par le complot pro-irakien dénoncé le 23 novembre 1956 par Radio-Damas. L’arrestation des conspirateurs et le procès retentissant qui suivit accentuent le glissement du pays vers la gauche. Le Baas lance l’idée d’un front populaire et, malgré quelques graves émeutes dans la région d’Alep, les élections de mai 1957 font triompher les partis de gauche (Parti communiste, Bloc socialiste, Baas) au détriment du front conservateur (Parti populiste, Frères musulmans, M.L.A.). Le nouveau ministère syrien tente pourtant une importante démarche de rapprochement avec l’Occident. Les ministres au pouvoir Kh lid el-Azam (Khaled al-Azam), face="EU Dodot" プal h al-B 稜 レ r, recherchent une aide économique sans aliéner pour autant l’indépendance nationale. De Paris où ils se trouvent, ils lancent des appels discrets à Bonn, Londres et Washington; mais l’attente se prolonge en vain et, finalement, ils se retrouvent à Moscou, le 6 août 1957, pour conclure avec l’U.R.S.S. un accord d’assistance économique, technique, et militaire. Mais la Syrie est à la veille d’un bouleversement touchant à son indépendance nationale.

L’union syro-égyptienne

Il est impossible de comprendre l’évolution des rapports de la Syrie avec l’Égypte en faisant abstraction de la politique des États-Unis pour mettre fin au neutralisme syrien qui paralyse son système de pactes. Dans un premier temps, on assiste à des violations répétées de l’espace aérien syrien, à des concentrations des troupes turques à la frontière nord, à des mouvements de la VIe flotte américaine au large du littoral. Début août 1957, un porte-parole de l’armée syrienne dénonce une tentative de complot appuyée par les États-Unis. Le département d’État fait monter la tension; en même temps, l’Union soviétique met en garde les puissances occidentales. Les décisions du Congrès américain, y compris celles d’envois accélérés d’armes dans la région, sont rendues publiques. Radio-Moscou accuse les États-Unis de préparer l’invasion avec l’aide de la Turquie. À Damas, la tension est à son comble; les États-Unis amorcent alors un léger retrait. Après quelques jours de calme, la crise rebondit à l’O.N.U. (19 sept. 1957), l’escalade continue à la tribune des Nations unies; F. Dulles, A. Gromyko, puis N. Khrouchtchev brandissent la menace d’un conflit armé; les États-Unis avertissent l’U.R.S.S. qu’en cas d’attaque ils ne considéreraient plus le territoire soviétique comme domaine réservé. La capitale syrienne, estimant la guerre proche, appelle à la lutte: des tranchées sont creusées, des accords économiques signés avec l’U.R.S.S. Pourtant, une solution est en vue. Le roi Saoud d’Arabie, qui, depuis septembre, se démarquait des Américains et ralliait autour de lui le Liban, la Jordanie, l’Irak, se range aux côtés de la Syrie. Le 13 octobre 1957, les troupes égyptiennes débarquent à Latakieh; Saoud est doublé, Nasser triomphe. Le Baas syrien se sent renforcé; le 14 octobre 1957 Awr n 稜 est élu président de l’Assemblée nationale.

Tandis que la situation internationale se détend, le désordre intérieur se généralise; le seul espoir d’amélioration du climat politique est une union «profonde» avec l’Égypte. Le Baas appuie donc à fond ce projet qui lui permettrait de s’opposer efficacement au Parti communiste syrien, qui lui arrache une partie de sa clientèle électorale. Le 27 janvier 1958, le général ‘Afif al-Bizi‘ 稜 (al-Bizei), chef de l’armée, se rend en pleine nuit chez le président Quwwatl 稜; les rumeurs d’un complot obligent à choisir entre la guerre civile, qui pourrait ramener l’impérialisme, et l’union avec l’Égypte. Quwwatl 稜 et ses ministres, réveillés sur-le-champ, sont dès le lendemain au Caire. Deux jours plus tard, l’Acte d’union est signé. Après la visite triomphale de Nasser à Damas, un référendum est organisé. 91,75 p. 100 des électeurs sont favorables à la République arabe unie (R.A.U.). Le Parti communiste entre alors dans la clandestinité, son leader, Kh lid Bagdaš, fuit à l’étranger. Mais pour que cette unité arabe soit consolidée, elle doit s’ériger des montagnes du Kurdistan aux rivages de l’Atlantique. Pour ce faire, le président de la R.A.U. cherche à établir une région syrienne comme pôle d’attraction pour les populations arabes des régions limitrophes. La nouvelle République prévoyait un gouvernement central dont la juridiction s’étendait sur les deux régions avec deux conseils exécutifs, l’un pour la Syrie, l’autre pour l’Égypte. Le gouvernement central accordait à la province syrienne deux mandats de vice-président et un mandat de ministre d’État. Celle-ci était donc loin de son indépendance, avec trois mandats seulement sur quatorze. Le Baas en profite pour s’installer aux postes de commande. Mais ses erreurs, ses abus obligent Nasser à se passer de ses services, d’autant plus que le Baas prônait la guerre immédiate contre Israël et que Nasser ne voulait à aucun prix engager dans l’aventure l’entreprise pan-arabe. Le 7 octobre 1958, le ra‘ 稜s décrète un important remaniement ministériel et joue la carte Sarr dj, tandis que le Baas se trouve décapité. Nasser, tout-puissant, commande du Caire, et Sarr dj, impitoyablement, traque les opposants en Syrie.

La crise économique se poursuit: marasme créé par des industries plus concurrentes que complémentaires, réforme agraire lancée tardivement, nombreuses faillites, mécontentement croissant de l’opinion; Nasser met fin au proconsulat de Sarr dj et dépêche ‘Abd al- ネak 稜m ‘ mer pour sauver ce qui peut l’être. La révolte sécessionniste éclate le 28 septembre 1961. En Syrie, un nouveau ministère est constitué, avec, à sa tête, M ‘m n Q zbar 稜 (Kousbari) sans participation du Baas. Le 29 septembre, Nasser ordonne le retour des forces navales et la reddition des parachutistes égyptiens débarqués à Latakieh. La République arabe syrienne venait de naître.

L’apogée du Baas

Le 15 novembre 1961, une Constitution provisoire est promulguée. Phénomène paradoxal, l’Assemblée, élue pour quatre ans le 1er décembre, comporte les mêmes hommes et les mêmes partis qu’en 1954. Le Baas ne compte que 24 députés sur 165. N zim al-Quds 稜 (Nazim Koudsi) devient président pour cinq ans. Le nouveau gouvernement, sous l’autorité de M ‘r f Daw bil 稜, est de tendance modérée, mais sa sympathie traditionnelle pour l’Irak effraie la bourgeoisie syrienne. En novembre 1961, un accord économique est signé entre Bagdad et Damas et, en février 1962, un traité militaire. L’accord très large qui suivit la rencontre des deux chefs d’État semble augurer d’un nouvel unionisme. Pour arrêter cette seconde marche vers une éventuelle vassalisation, l’armée intervient à nouveau le 23 mars 1962. L’Assemblée est dissoute, mais des émeutes éclatent alors un peu partout; les militaires réintègrent Quds 稜 dans ses fonctions et constituent un gouvernement civil auquel l’armée met fin un an plus tard. Aucun gouvernement civil n’est alors en mesure d’agir sur une Syrie divisée en pro-nassériens et en nostalgiques d’une alliance avec l’Occident lorsque ce nouveau putsch promulgue le Conseil national du commandement de la révolution (C.N.C.R.), dont la devise est «Unité, liberté et socialisme».

Le C.N.C.R., coalition de baassistes, de nationalistes arabes et de militaires, assume tous les pouvoirs sous la direction du général N r al-D 稜n al-At s 稜. Le pouvoir est à peine entre les mains du Baas syrien qu’un envoyé du Baas irakien, ‘Al 稜 プal ムal- プa 稜d, vice-président du Conseil, rencontre プal ム al-B 稜 レ r, compagnon de Michel Aflak, qui préside le nouveau gouvernement. Cet envoyé propose un pacte militaire et politique aux cinq pays arabes libérés (Irak, R.A.U., Yémen, Algérie, Syrie). Le Baas voit là l’occasion de désarmer la propagande nassérienne, et avant même qu’aucun accord ne soit signé, le général At s 稜 annonce à Radio-Damas le projet d’unification. La réaction du Caire est immédiate, mais une émeute de nassériens, qui a éclaté à Alep, est très vite réprimée par l’armée; tandis que Nasser durcit sa position, réclame le retour de la Syrie comme province. Malgré ces divergences, les accords de principe constitutionnel de la Fédération arabe à trois (Égypte, Syrie, Irak) sont signés au Caire le 17 avril 1963. La Constitution du nouvel État fédéral doit être soumise à un référendum populaire, au plus tard le 15 septembre 1963.

Le Baas, tant syrien qu’irakien, acceptait que la présidence de la nouvelle fédération soit confiée au ra’ 稜s égyptien, mais Michel Aflak soulève le principe de la direction collégiale, et l’on assiste de nouveau à des manifestations unionistes à Alep et à Damas. Des tribunaux de sécurité de l’État sont aussitôt institués, rendant inoffensifs les dirigeants pro-égyptiens. La purge se poursuit au sein de l’armée où les officiers à tendance nassérienne sont mutés ou limogés. Mais le Baas, minoritaire, est aussi prisonnier de l’armée; il ne peut gouverner qu’en s’alliant à d’autres formations politiques. Par une manœuvre savante, il désamorce tout d’abord l’agitation nassérienne (mai 1963). Puis le gouvernement d’union nationale présidé par プal ム al-B 稜 レ r démissionne, et après une tentative faite par le pro-nassérien S m 稜 al-Dj nd 稜 (Joundi), un cabinet essentiellement baassiste voit le jour, tandis que les unionistes de toutes tendances forment un front d’opposition. Le Baas estime qu’il faut s’assurer sans retard des cadres de l’armée: tout élément unioniste est remplacé par un baassiste chargé de l’endoctrinement systématique de la troupe. De plus, le Baas désigne comme ministre de l’Intérieur le général Am 稜n al- ネafi ワ, ancien marxiste, dont le ralliement au Baas, et l’attitude énergique, lui permettent d’épargner la guerre civile à son pays en neutralisant la ville d’Alep et en organisant de véritables campagnes répressives dans les camps de réfugiés palestiniens.

Le C.N.C.R. s’octroie le pouvoir exécutif et militaire et crée une garde nationale qui lui est entièrement dévouée. L’Égypte répond par la dénonciation de l’Acte d’union tripartite du 17 avril 1963. Les unionistes syriens tentent alors un coup d’État; le 18 avril, l’attaque est menée contre les édifices publics, mais le Baas, prévenu, laisse la manifestation se développer, puis déclenche une impitoyable répression. L’émeute, en deux jours, a fait 900 tués.

L’emprise du Baas se renforce dans le pays; Am 稜n al- ネafi ワ devient président du C.N.C.R. Après une tentative infructueuse d’union avec l’Irak, la Syrie reste seule. Une nouvelle Constitution provisoire est promulguée en avril 1964; le pouvoir législatif est exercé par le C.N.C.R., l’exécutif appartient au Conseil des ministres dont le président est obligatoirement membre du C.N.C.R. Le Baas étant un parti socialiste et surtout athée, la réaction des Frères musulmans contre les «sans-Dieu» se déchaîne; les villes de B niy s, ネam se révoltent, une grève quasi totale des souks appuie la revendication religieuse. Le Baas et l’armée réagissent promptement: les magasins en grève sont menacés de nationalisation, ce qui calme immédiatement les boutiquiers; et la rébellion du quartier de ネam est réduite à coups de canon. Après cette crise, le parti inaugure une politique plus souple, un nouveau cabinet présidé par B 稜t r est formé, et la plupart des militaires et politiciens incarcérés sont libérés. Ce gouvernement d’apaisement cède bientôt la place à un nouveau cabinet dirigé par ネafi ワ dont les conceptions révolutionnaires vont être appliquées à marche forcée par le régime, bouleversant ainsi la physionomie de la Syrie. La première mesure d’importance consiste à nationaliser les ressources pétrolières et minérales du pays; puis, une centaine de sociétés commerciales et industrielles, enfin tout le système de raffinage et la distribution d’essence sont touchés par les décrets de nationalisation. Mais la bourgeoisie, déjà aux abois, réagit aussitôt; des troubles graves éclatent et des tribunaux d’exception jugent alors tous ceux qui s’opposent à l’évolution sociale prônée par le régime.

Le Néo-Baas

Les luttes d’influence se développent au sein du parti. Les jeunes s’assurent des postes de commandement. Le fondateur du Baas, Michel Aflak, doit céder sa place de secrétaire général. ネafi ワ, s’appuyant sur les deux tendances du parti, accroît son pouvoir. L’opposition parle de dictature et de clique militaire. Le C.N.C.R. s’élargit en accueillant les représentants des syndicats. Devant l’importance grandissante des éléments jeunes et révolutionnaires (un nouveau cabinet de cette tendance est formé en septembre 1965), face="EU Dodot" ネafi ワ dissout brutalement le commandement régional (de tendance progressiste) du parti, et forme un nouveau cabinet avec à sa tête B 稜t r. Mais l’armée n’est pas disposée à abandonner le pouvoir civil, et un coup d’État éclate à Damas (23 févr. 1966). L’arrestation de ネafi ワ et de B 稜t r montre les vrais mobiles du putsch. La fraction militaire gauchiste, bafouée par le coup de force de ネafi ワ, règle ses comptes et prône un retour à la légalité révolutionnaire. Le Baas progressiste devient l’autorité suprême du pays, avec N r al-D 稜n al-At s 稜 comme chef de l’État, et Y suf Zuwayyin (Youssef Zouayen) comme président du Conseil, sous les ordres de qui la Syrie reprend sa marche vers le socialisme. La nouvelle équipe au pouvoir recherche l’alliance soviétique et l’aide massive des pays de l’Est, sans s’inquiéter des réactions mondiales ou arabes. Cette alliance permet le démarrage de grands travaux (notamment la mise en valeur de l’Euphrate par un gigantesque barrage). Mais le Néo-Baas ayant heurté de trop nombreux citoyens, en septembre 1966 on assiste à un nouveau coup d’État qui est déjoué.

La Syrie est de plus en plus vilipendée par les États arabes plus ou moins appuyés par l’Occident, et la presse occidentale identifie le pays à une démocratie populaire. Les revendications syriennes contre l’I.P.C., dont les oléoducs traversent le territoire national, aggravent le conflit, mais, en 1967, l’I.P.C. signe à Damas un accord prévoyant la révision des droits de transit et de chargement. Le Baas s’assure ainsi un grand prestige dans le monde arabe.

L’occupation stratégique par Israël de Kuneitra et des hauteurs du Golan, à la suite de la guerre de 1967, empêche toute solution pacifique du conflit, malgré les multiples va-et-vient de «bons offices» ou de négociateurs de l’O.N.U. (mission Jarring).

L’équipe At s 稜 s’efforce cependant de développer une Syrie isolée. Le plan soutenu par Sal h Djad 稜d, secrétaire général adjoint du Baas, qui représentait la tendance dure du parti, se heurte à un manque d’infrastructures, dû à l’exode de la bourgeoisie (1958-1963) et à une sécheresse qui, pendant deux années consécutives (1969-1970), nuit à une économie habituellement exportatrice.

Le pouvoir et le réalisme de l’armée

L’aile gauche du Baas et le Parti communiste syrien connaissent au sein de leur direction des divergences qui permettent à l’opposition de se développer. L’armée réagit devant la montée de cette crise en éliminant progressivement tous ses concurrents: déjà depuis 1968, les milices populaires avaient été dissoutes et leurs armes retirées; au printemps de 1969, à la suite du décès de Dj ndi, l’armée reprend le contrôle des services de sécurité. Le divorce entre les politiques et les militaires s’accentue d’autant plus que l’armée se considère comme seul dépositaire de l’idéal baassiste. Le général Hafez al-Assad, ministre de la Défense, fait confirmer par décret son rôle de commandant en chef des forces armées. La guerre civile en Jordanie (sept. 1970) lui permet de prendre une série de mesures (contrôle de la Résistance palestinienne, postes clés confiés à des hommes sûrs) qui préparent sa prise du pouvoir en novembre 1970: il fait emprisonner les dirigeants, épure l’appareil d’État, et pratique une politique d’ouverture. En peu de temps, il personnalise le pouvoir et gagne, par un libéralisme réaliste, l’adhésion à sa politique des différents partis et de larges secteurs de l’opinion.

Premier président syrien à vouloir être «intronisé» par la vox populi , A ルad organise des élections présidentielles au suffrage universel et obtient, en mars 1971, 99,2 p. 100 des voix. Les nouvelles mesures sont heureusement accueillies: réconciliation avec Beyrouth et les autres capitales arabes; importation de certains biens de consommation; arrêt des nationalisations et surtout une représentation très élargie des élus politiques à la Chambre où se côtoient communistes, nassériens, traditionalistes. La détente intérieure est immédiate, la politique extérieure se fait plus souple. ネafi ワ al-A ルad sait aussi que les solutions diplomatiques, qui sont moins coûteuses que les solutions militaires, dont le budget s’élève déjà à 50 p. 100 du revenu du pays, lui permettent de se consacrer au développement de la Syrie.

8. La Syrie du général Hafez al-Assad

Depuis novembre 1970, la Syrie se trouve sous l’autorité sans partage du général Hafez al-Assad. Soucieux de sortir le pays de l’état permanent de crise qui prédomine depuis l’indépendance acquise en 1946, le président syrien entreprend de réaliser son «mouvement de redressement» sous les couleurs du parti Baas. Mais le pouvoir repose d’abord sur l’appareil militaire et de sécurité. En son sein, la minorité alaouite, à laquelle appartient le chef de l’État, occupe une place dominante. En apparence très fort, le régime doit constamment s’appliquer à corriger, parfois brutalement, les déviations ou les excès de sa classe politique et de son administration, à réprimer une contestation, dont les Frères musulmans seront les principaux révélateurs, et à neutraliser les rivalités de clans soucieux de préserver leurs acquis et leur avenir politique. L’habileté manœuvrière du général Hafez al-Assad lui permet de maintenir une relative stabilité intérieure, malgré la persistance de difficultés économiques résultant du maintien d’un état d’alerte permanent face à Israël.

À l’extérieur, la Syrie entend poursuivre une politique de présence – d’ingérence? – active. Elle reste d’une extrême fermeté dans le conflit israélo-arabe, tardant à s’aligner sur ceux des pays arabes qui, à l’instar de l’Égypte, n’écartent plus l’idée d’une paix négociée avec l’État juif. Elle n’autorise aux Palestiniens aucune liberté d’action, en dehors de sa stratégie. Au Liban, où elle intervient militairement à partir de 1976, elle s’emploie à rallier le gouvernement et les partis à ses conceptions et, finalement, réussira à les leur imposer. Attentive à ne pas laisser se développer, dans son voisinage immédiat, d’autres ambitions qui porteraient ombrage à ses desseins, elle alterne menaces et conciliations avec l’Irak et la Jordanie. Elle n’hésite pas à rompre la solidarité arabe en développant des relations avec l’Iran en guerre contre l’Irak avant de s’associer à la coalition occidentale contre ce pays dans la guerre du Golfe, en 1990. Enfin, devenue une alliée (1980-1988) proche encore de l’Union soviétique par la signature d’un traité d’amitié et de coopération (8 oct. 1980), la Syrie n’en recherchera pas moins une ouverture, rendue délicate à cause de certaines de ses pratiques, en direction de l’Occident.

Baassistes, militaires et alaouites

La Syrie est baassiste depuis mars 1963. En 1966, elle s’est séparée de ses chefs historiques, dont Michel Aflak, avant de revenir à la faction «militaire» du parti en 1970. Le coup de force du général Assad, opéré au détriment de l’aile «civile», consacre, depuis lors, la prééminence au sein du Baas des militaires et donc, en Syrie, de l’armée. Élu le 12 mars 1971 pour sept ans, il choisit le général Abdel Rahman Khlefaoui comme Premier ministre en avril. En février 1971, un Conseil du peuple de 173 membres, dont 87 appartiennent au Baas, est créé par décret. Pour consolider son emprise, le parti gouvernemental rassemble autour de lui, en mars 1972, au sein d’un Front national progressiste, toutes les forces nationalistes ou progressistes, dont le Parti communiste. Cette ouverture marque le retour, effectif quoique limité, à une certaine pratique de la démocratie. La réforme s’étend à la vie économique où le secteur privé, jusque-là tenu à l’écart, est invité à se développer.

Dans le nouveau gouvernement de décembre 1972, présidé par Mahmoud al-Ayoubi et qui demeure en place jusqu’en août 1976, date à laquelle Khlefaoui est rappelé, seize des trente et un ministres appartiennent au Baas. Une Constitution permanente est votée en janvier 1973 et des élections ont lieu en mai, attribuant 124 sièges sur 186 aux candidats du Front national. Les élections suivantes, en août 1977, confirment les positions du Front, qui détient alors 159 sièges sur 195. Au sein de cette coalition, c’est naturellement le Baas qui domine. Parti d’encadrement des masses plutôt que parti de masse, le Baas, dirigé par un Commandement national (panarabe) et un Commandement régional (syrien), n’a pas des assises aussi sûres que ses dirigeants le prétendent. Cela est dû en partie aux luttes de clans qui, de tout temps, ont divisé sa direction. En outre, le courant rival, installé à Bagdad et qui a récupéré certains des chefs (syriens) du parti, entretient de l’extérieur une tension dont les complots, attentats ou assassinats de personnalités sont, selon les périodes de tension entre les deux capitales, les manifestations visibles.

L’armée, par les missions qui lui sont dévolues dans une situation de guerre, est omniprésente et privilégiée. Déployée à travers tout le pays, en particulier par ses multiples services de renseignements concurrents, elle supervise les activités du Baas, où ses chefs occupent une place dominante, et surveille étroitement celles des autres partis. Parallèlement, les Brigades de défense, milice de 30 000 hommes placée sous les ordres du frère du président, Rifaat al-Assad, complètent, jusqu’à leur dissolution, en 1984, un dispositif qui donne au régime son caractère prétorien. Une bourgeoisie d’affaires enrichie prend rapidement le pas sur l’aristocratie foncière et sur la classe rurale dont est issue la majorité des initiateurs du Mouvement de redressement. Cette nouvelle société, citadine, prospère, qui est liée par intérêt à l’État, devient si proche des militaires que leurs intérêts sont souvent imbriqués.

La part prise dans l’appareil étatique par la communauté alaouite (13 p. 100 de la population) à laquelle appartiennent le chef de l’État et de nombreux officiers et fonctionnaires, et par les autres minorités, druze et chrétienne, n’est pas de nature à contenter une population formée de 82 p. 100 de sunnites. L’intervention syrienne au Liban, entreprise pour des raisons stratégiques mais aussi confessionnelles, conforte, au sein de l’opposition, le sentiment que le pouvoir, gagné par la corruption, est uniquement soucieux de préserver les privilèges d’une minorité établie dans une forteresse soigneusement défendue. Le général Assad, dont le sens politique est aigu, tente au cours de l’été de 1977, mais en vain, de moraliser son régime. Un regain de ferveur islamique (l’islam n’est pas religion d’État), perceptible depuis 1976, et dont les Frères musulmans sont les principaux artisans (massacre d’Alep, le 16 juin 1979, et émeutes de Lattaquiéh des 30 et 31 août 1979), et l’opposition laïque (l’Union socialiste arabe d’abord), à l’audience populaire limitée mais présente dans les milieux intellectuels, dénoncent le «pouvoir alaouite, militaire et baassiste». La formation, en mars 1978, d’un nouveau gouvernement dirigé par un sunnite, Mohammed Ali al-Halabi, peu différent du précédent, est à cet égard sans signification particulière. Reconduit en février 1978 pour un autre mandat de sept ans (99,6 p. 100 des voix), le général Assad doit prendre en considération une contestation qui gagne même, au début de 1979, quelques cadres de l’armée, sans pour autant que le régime paraisse sérieusement menacé.

Au VIIe congrès du Baas, en janvier 1980, le président et son frère Rifaat renforcent leur position dominante au sein du parti et de l’État. Abdel Raouf al-Kassem, maire de Damas, est chargé de former un nouveau gouvernement, au sein duquel les titulaires des principaux ministères, Abdel Halim Khaddam (vice-présidence du Conseil et Affaires étrangères), Moustapha Tlass (Défense), Ahmed Iskandar Ahmad (Information) restent à leur place. Ce nouveau cabinet comprend trente-sept ministres, dont vingt-quatre nouveaux. Ce remaniement, autant que les discours, parfois très critiques, tenus lors du congrès du Baas, mettent en évidence les graves problèmes du moment: une insécurité devenue chronique, un délabrement socio-économique découlant de trois facteurs – l’inflation, la corruption et les dépenses militaires – et l’impasse où se trouve la politique régionale voulue par le régime. Pour tenter de reprendre en main une situation qui ne cesse de se dégrader depuis 1977, le général Assad s’efforce de donner un second souffle à son «mouvement de redressement», en réorganisant et en épurant le parti, en remaniant un gouvernement dont il a éliminé les ministres les plus impopulaires. Mais il apparaît déjà à beaucoup que, usé par dix années d’un pouvoir dur et solitaire, le régime du Baas a perdu une grande partie de la confiance qu’il avait fait naître, au départ, dans le peuple syrien. En réduisant l’opposition laïque non baassiste au silence – ou en lui laissant peu de place –, le général Assad laisse, dans la pratique, le champ libre aux musulmans intégristes, favorisant leur essor. Dans les mois qui suivent, le président syrien doit faire face à la crise la plus grave qu’il ait eu à affronter depuis son installation au pouvoir.

Crises

Une répression particulièrement sévère est menée, tout au long de l’année 1980, contre les Frères musulmans, auxquels sont attribués de nombreux attentats. Elle assure une trêve précaire jusqu’au moment où éclate, en février 1982, l’insurrection de Hama, quatrième ville syrienne (280 000 hab.) en majorité musulmane sunnite. Une fois de plus, le régime du général Assad prouve sa capacité à reprendre le contrôle de la situation. Hama encerclée, bombardée, va rester plusieurs jours coupée totalement du monde. Le 24 février, Damas peut annoncer officiellement la fin des combats. On cite, sans pouvoir bien sûr le vérifier, le chiffre de 8 000 à 10 000 morts. Cette situation troublée exacerbe les rivalités intercommunautaires plus que ne l’avouent les autorités damascènes, la contestation politique ayant été canalisée dans le champ religieux. Placé dans une situation de crise, le général Assad n’a d’autre choix que de poursuivre, cette fois jusqu’au bout, le démantèlement de l’organisation des Frères musulmans, de durcir ses positions au Liban dans la perspective d’un règlement de paix négociée et de se tourner davantage vers l’Union soviétique. Si l’implacable répression qui suit la révolte de Hama accroît quelque peu l’isolement du pouvoir baassiste, du moins celui-ci est-il assuré de se maintenir tant que ses assises – les Alaouites, l’armée et le Baas – restent sans failles (mais l’on parla aussi, au début de 1982, d’un complot dans l’armée...) et que l’opposition laïque, composée de tendances hétéroclites, n’offre toujours pas un front uni et cohérent. Le regroupement, à la fin de 1980, d’un Front islamique unifié, doté d’un programme contenu dans une déclaration de la révolution islamique, aurait pu signifier l’engagement, à terme, d’un processus révolutionnaire de type iranien. Mais quelle que puisse être l’audience d’un tel mouvement politico-religieux en Syrie, les diverses tendances de l’opposition ne sont guère disposées à s’y allier, dans le cadre d’un front national élargi, de crainte de voir se substituer à l’arbitraire baassiste qu’elles dénoncent un totalitarisme islamique dont elles mesurent les effets en Iran. Il n’est pas sûr d’ailleurs que le peuple syrien, par nature pacifique, soit disposé à une telle aventure. Il n’est pas établi non plus que les pays arabes voisins – parfois soupçonnés d’attiser le feu en Syrie – tireraient avantage d’un bouleversement aux lendemains imprévisibles dans ce pays qui reste le seul à faire front militairement à Israël. Si la faiblesse du général Assad tient à ce qu’il ne peut – ou ne veut – avoir une politique de rechange pratiquant l’ouverture, sa force principale réside dans le fait qu’il n’existe pas encore d’alternative crédible pour le régime en place.

Dans l’immédiat, la répression aidant, les Frères musulmans cessent de constituer une menace sérieuse. Les craintes viennent d’ailleurs, de l’intérieur même du régime. Une dégradation subite de l’état de santé du général Assad, en novembre puis, de nouveau, en décembre 1983, et la formation d’un directoire politique durant cette maladie présidentielle suscitent interrogations et rumeurs. Mais sa réapparition, à la mi-décembre, et ses propos témoignent que, malgré cette éclipse passagère, il demeure le personnage central du Proche-Orient. Le malaise persiste cependant. À la fin de février 1984, on signale des affrontements armés, à Damas, non loin du palais présidentiel, entre des Brigades de défense de Rifaat al-Assad, les Forces spéciales du général Ali Haydar et la garde présidentielle. Une réunion exceptionnelle du commandement régional du Baas se tient, tandis que le président «arbitre». La tension baisse. Le 11 mars, le général Assad crée trois postes de vice-président de la République, qui sont attribués à son frère Rifaat, dont les Brigades sont dissoutes, à Abdul Halim Khaddam, ministre des Affaires étrangères, et à Mohammed Zouheir Macharkah, secrétaire général adjoint du Baas. Un nouveau gouvernement est formé par Abdel Raouf al-Kassem, Premier ministre démissionnaire. En éloignant son frère Rifaat – qui quitte la Syrie –, désormais dépourvu de l’instrument militaire (les Brigades de défense) qui lui assurait une place remarquée au sein de l’État, et en maintenant dans leurs fonctions, promotions à l’appui pour certains, les généraux Mustapha Tlass, ministre de la Défense, Hikmat Chehabi, chef d’état-major, son adjoint, Ali Aslan, Ali Douba, chef du renseignement militaire, Adnan Makhlouf, commandant de la garde présidentielle, Ali Haydar, celui des Forces spéciales, et Ali Saleh, commandant de la Défense aérienne, tous en conflit déclaré avec Rifaat, le président Assad consolide son pouvoir. Beaucoup s’interrogent sur la réalité de la disgrâce de Rifaat al-Assad. «Exilé», il est nommé, malgré tout, en novembre 1984, à la tête des services de sécurité nationale et réapparaît à Damas pour quelque temps, à l’occasion de la visite officielle du président François Mitterrand (26-28 nov. 1984). Une seule certitude demeure: la hiérarchie militaire, notamment le «clan des Ali», sort renforcée de l’épreuve. Ses rapports avec le chef de l’État en sont durablement marqués. Si ces tensions internes s’inscrivent dans une guerre de succession ouverte à l’occasion des ennuis de santé du général Assad, dont Rifaat – avec ou sans son assentiment – juge être le dauphin, la question de «l’après-Assad» risque, le moment venu, de se poser en termes d’affrontements plus violents encore.

La stature exceptionnelle de chef d’État d’Hafez al-Assad, volontiers salué comme le «Bismarck des Arabes» sachant de manière implacable exécuter ses desseins avec patience et obstination, procure à la plupart des Syriens un réel sentiment de sécurité. Aussi n’est-il pas étonnant qu’après la tenue du VIIIe congrès du Baas (5-20 janv. 1985), qui renouvelle son appareil dirigeant, le président syrien reçoive un troisième mandat (10 févr.), avec 99,9 p. 100 des voix. Le 8 avril, Abdel Raouf al-Kassem forme son troisième gouvernement de trente-quatre membres, dont seize sont nouveaux, comprenant vingt-deux baassistes. Un an plus tard, en février 1986, les élections législatives n’attirent que 42 p. 100 du corps électoral. Le Baas continue de dominer l’Assemblée avec 129 députés, les autres sièges étant partagés entre ses alliés, au sein du Front national progressiste. En mars, puis tout au long du mois d’avril 1986, une nouvelle campagne d’attentats se développe sur l’ensemble du territoire syrien. Des Frères musulmans, dont un courant «repenti» a bénéficié d’une amnistie (janv. 1985), sont arrêtés. L’Irak, «aidé par Israël et les États-Unis», est mis en cause. Les Palestiniens du Fath de Yasser Arafat et le Mouvement de l’unité islamique (libanais) de Tripoli sont aussi accusés d’aider les islamistes. En fait, il semble bien que les actions résultent davantage des effets de la politique syrienne au Liban et d’un regain de tension entre l’Irak et la Syrie que de causes purement internes. L’aggravation de la crise économique et financière que connaît le pays n’est pas, non plus, de nature à satisfaire une population dont le niveau de vie, pour les plus démunis, n’a fait que régresser.

C’est la persistance de ces difficultés économiques et financières qui conduit, une fois de plus, le général Assad, à remanier son gouvernement. Le 26 octobre 1987, le Parlement, au terme d’une campagne menée contre l’incurie et la corruption, censure les ministres du Ravitaillement et de l’Industrie, entraînant la démission du Premier ministre, Abdel Raouf al-Kassem, en place depuis 1980. Mahmoud al-Zuhbi, ingénieur agronome et président du Parlement, est désigné pour lui succéder. Au sein du nouveau gouvernement, quatorze ministres, responsables plus spécialement des secteurs économiques, sont chargés de moraliser l’appareil administratif et de lutter contre la hausse des prix.

Fermeté dans le conflit israélo-arabe

Après la guerre de Palestine (1948-1949), la vie politique damascène s’ordonne autour du conflit israélo-arabe. Depuis trente ans, les Syriens, le regard fixé de manière obsessionnelle sur la frontière sud-est qui les sépare des Israéliens, vivent en état de guerre. Le conflit de juin 1967 les prive du Golan et de Kuneitra, mettant Damas à portée des canons ennemis. Refusant tout compromis sur les conditions d’une évacuation de ses territoires occupés, la Syrie prépare secrètement, de concert avec l’Égypte, la revanche.

Le 6 octobre 1973, pour la première fois, l’initiative est du côté arabe. Tandis que, sur le front occidental, l’armée égyptienne franchit le canal de Suez, les divisions syriennes surprennent les forces adverses dans le Golan. Cette percée ne résiste pourtant pas à la contre-offensive des Israéliens, dont l’aviation, entre le 9 et le 10, bombarde systématiquement les points vitaux, militaires et économiques, du territoire syrien. La progression israélienne est stoppée à une quarantaine de kilomètres seulement de Damas sans que l’arrivée de renforts irakiens, saoudiens, koweitiens et jordaniens modifie la situation. L’acceptation, le 22 octobre, d’un cessez-le-feu par l’Égypte laisse la Syrie seule. Le 24, elle doit consentir à son tour à faire taire les armes.

Le bilan de la guerre est catastrophique: 510 kilomètres carrés supplémentaires de territoires perdus dans le Golan, 7 700 morts, 1 200 chars détruits, des dégâts estimés à 1 800 millions de dollars, mais aussi l’amère déception pour tout un peuple mobilisé d’avoir été abandonné par l’Égypte. La Syrie est tentée de poursuivre seule la guerre, mais la défection égyptienne et l’appui apporté par l’Union soviétique – d’où lui vient le support logistique – au cessez-le-feu demandé par le Conseil de sécurité font renoncer le général Assad à ce pari, sans doute suicidaire.

Profondément touchée dans sa vie économique, la Syrie adopte une position très ferme lorsque des négociations s’ouvrent concernant la possibilité d’un désengagement sur le front oriental. C’est le secrétaire d’État américain Henry Kissinger qui, à partir de décembre 1973, va conduire les pourparlers qu’a autorisés le sommet arabe d’Alger (nov. 1973). Après Le Caire, Damas signe, le 31 mai 1974 à Genève, un accord qui lui restitue la poche de 510 kilomètres carrés, la ville de Kuneitra et établit une zone démilitarisée, des forces des Nations unies étant par ailleurs chargées de veiller à son application. Mais le Golan, position stratégique importante (il domine la vallée de la Galilée) et riche région agricole (élevage et cultures), reste sous le contrôle d’Israël qui y poursuit l’implantation de colonies de peuplement.

Pour avoir subi, plus que tout autre pays arabe, les effets dévastateurs de la guerre, la Syrie connaît le prix de la paix. Aussi, gardant le souvenir amer de la défaite de 1973 et de la défection de l’Égypte, le général Assad ne manque pas de fustiger, dès son annonce, l’initiative du président Sadate qui aboutit, en mars 1979, à la signature du traité de paix égypto-israélien. Membre actif du Front de la fermeté, étendu alors à l’ensemble des pays arabes hostiles à l’entreprise égyptienne, la Syrie peut tirer avantage de n’avoir jamais varié dans ses options. La solidarité profonde qui unit le peuple syrien aux Palestiniens, au-delà de querelles parfois dramatiques dont le Liban est le théâtre, exclut que Damas puisse, dans l’immédiat, prendre le même chemin que Le Caire. Mais la raison impose également au général Assad de ne pas se lancer dans une nouvelle guerre contre Israël, alors que l’Égypte se trouve, militairement, neutralisée. L’annexion des hauteurs syriennes du Golan votée, le 14 décembre 1981, par la Knesset est considérée par les Syriens comme «une déclaration de guerre et une abolition du cessez-le feu». Elle n’entraîne pas, pour autant, la bataille. Le 6 juin 1982, les forces israéliennes franchissent, une nouvelle fois, la frontière libanaise et imposent, dès le 11, un cessez-le-feu à la Syrie, laissant seuls, face aux Israéliens, les Palestiniens et leurs alliés libanais. La Syrie et Israël évitent, dès lors, toute action frontale majeure.

La solidarité syro-palestinienne, telle qu’elle est conçue à Damas, a ses limites: sur le «théâtre des opérations» – dont le Liban est partie intégrante –, la Syrie n’entend pas être impliquée par la résistance palestinienne, laquelle ne saurait avoir, selon elle, la responsabilité d’une stratégie arabe globale face à Israël. Le général Assad croit donc devoir restreindre, chaque fois qu’il le faut, la liberté d’action que requièrent les dirigeants palestiniens, Yasser Arafat le premier. Celle-ci, après l’opération israélienne de juin 1982, est bien éprouvée puisque l’Organisation de libération de la Palestine (O.L.P.) doit quitter Beyrouth. Elle l’est plus encore lorsque, après avoir, en juin 1983, encouragé, au sein du Fath, la dissidence d’Abou Moussa et expulsé Yasser Arafat de Damas, les Syriens assiègent, à Tripoli dans le Nord-Liban, les derniers contingents armés de l’O.L.P., les forçant à évacuer la région (20 déc. 1983). En mars 1984, la Syrie préside à la formation d’un Front de salut national palestinien (F.S.N.P.), regroupant six organisations hostiles à Yasser Arafat. Mais les partisans de ce dernier, restés au Liban et peu à peu renforcés de l’extérieur, s’organisent. Dès mai 1984, les Syriens, mettant en œuvre les milices du mouvement chiite Amal, s’emploient à neutraliser cette remontée de l’O.L.P.: c’est la guerre des camps qui, entre 1985 et 1987, connaît plusieurs épisodes et dont l’issue, les médiations aidant, n’apporte pas les résultats attendus. Yasser Arafat, malgré l’affaiblissement relatif de sa «base libanaise», renoue habilement avec la diplomatie interarabe. L’aboutissement de ses efforts est la tenue, à Alger en avril 1987, du Conseil national palestinien (C.N.P.). Il réussit à y clore quatre années de divisions et de rivalités avec les organisations les plus représentatives, y compris avec Abou Nidal, dont le groupe est expulsé peu de temps après de Syrie. Il consacre le retour de l’O.L.P. sous son autorité, mettant finalement en échec les manœuvres syriennes pour créer une «O.L.P. bis » et, ainsi, l’évincer. Réaliste, le général Assad s’achemine vers une réconciliation avec l’O.L.P. Mais, les retrouvailles, à Damas le 25 avril 1988, du président syrien et du président de l’O.L.P., à l’occasion des funérailles du dirigeant palestinien Abou Jihad (assassiné à Tunis par un commando israélien), ne permettent pas d’apurer un lourd contentieux. L’O.L.P. entend bien demeurer le seul maître de la «décision palestinienne», ce que n’est toujours pas prêt à admettre le général Assad.

Pour le chef de l’État syrien, la paix honorable – qu’il recherche et qui passe naturellement par la restitution du Golan – doit découler d’une négociation globale israélo-arabe sur la base d’une parité stratégique avec Israël. Cette parité exige, pour la Syrie, un soutien politique et militaire sans faille de l’Union soviétique, une entente avec la Jordanie mais aussi avec l’Irak et l’Égypte, une concertation avec l’O.L.P. et un désengagement militaire, sinon politique, du Liban. D’où l’importance, avant que de telles dispositions s’enchaînent, de maintenir une présence syrienne active au Liban.

Paix syrienne au Liban

Le général Assad n’ambitionne probablement pas d’annexer le Liban mais seulement – plus simplement? – de l’inclure dans une sphère d’influence au sein de laquelle un État protecteur (la Syrie) désigne à des États protégés leur véritable ennemi et leurs intérêts. Ainsi, la Syrie poursuit-elle, dans ce petit pays, un dessein invariable: maintenir sa liberté d’action face à Israël. Responsable du front oriental, elle entend que celui-ci ne risque pas d’être tourné sur son flanc droit, et puisse même s’appuyer sur une sorte de môle libanais. Il lui importe donc, aux fins de lutte permanente contre l’État juif, que le Liban soit solide et stable. Le jeu syrien est d’y établir un contrôle suffisamment ferme pour exploiter la situation créée par les ambitions d’Israël. Afin d’y parvenir, Damas soutient alternativement les différents protagonistes du drame libanais les uns contre les autres, s’employant à ce qu’aucun n’obtienne d’avantage décisif qui l’émanciperait de sa tutelle. Bien que se déclarant, à toute occasion, attentive à respecter la légalité libanaise, elle œuvre pour qu’aucune solution n’intervienne qui la priverait de sa domination exclusive.

Les développements malheureux de la crise libanaise donnent l’occasion, sinon le prétexte, à la Syrie d’intervenir. Elle tente d’abord, mais sans succès, de le faire diplomatiquement. Elle s’engage ensuite, militairement, à partir de juin 1976. Cette action, sollicitée par certains dirigeants chrétiens libanais (Soleiman Frangié) dont les forces sont en difficulté, vise d’abord le front des palestino-progressistes. L’équilibre étant rétabli, Damas œuvre ensuite pour que celui-ci ne soit plus compromis par la prédominance d’un camp sur l’autre. Cette politique de bascule, plus ou moins tolérée par les autres pays arabes (sommets de Riyadh et du Caire, en octobre 1976) mais admise, sur le plan international, comme un moindre mal, repose à partir de novembre 1976 sur une force arabe de dissuasion (F.A.D.) dont l’essentiel des contingents est syrien. Cette force de 40 000 hommes placés sous l’autorité (théorique) du président de la République libanaise, Élias Sarkis, occupe progressivement tout le Liban, à l’exclusion du Sud. Après de longs mois où se succèdent trêves et affrontements dans lesquels les Syriens ont une part plus ou moins active (bombardements des quartiers chrétiens de Beyrouth en octobre 1978), le président Assad, peu désireux que son armée soit confrontée à celle d’Israël qui étend, indirectement, son emprise dans le sud du pays, souhaite, en 1979, s’extirper du guêpier libanais. Mais, la situation se dégradant de nouveau au Liban, Damas ne songe plus à retirer ses troupes, bien que leur présence soit désormais critiquée ouvertement par une majorité de Libanais qui la considèrent avant tout comme une occupation. Les dirigeants syriens se sont constamment défendus de toute visée annexionniste, tendant à la création d’une Grande Syrie, par incorporation de tout ou partie du Liban. En mars 1976, le président syrien affirmait ainsi: «Le problème n’est pas celui de la Grande Syrie, mais celui de l’action à mener en vue de l’unité arabe.» Sur le plan militaire, le glacis libanais est d’une importance capitale pour la Syrie. Celle-ci estime que son dispositif face à Israël serait gravement menacé si prévalait dans l’ensemble du Liban une situation fluctuante, permettant l’extension des opérations israéliennes déjà considérables malgré l’intervention de la force d’urgence des Nations unies (F.I.N.U.L.) dans le sud du pays. Le maintien au Liban des seules troupes syriennes, sous le couvert d’une F.A.D. qui verra ses autres contingents arabes tour à tour la quitter, tend à assurer la couverture du corps de bataille syrien vers l’ouest. Une sorte de statu quo non formel s’est ainsi progressivement instauré. C’est une atteinte à ce statu quo qui est à l’origine des événements de Zahlé, au Liban, et de la crise syro-libanaise du printemps de 1981 suivie de la «crise des missiles» dans la vallée de la Bekaa, dont le règlement revient à l’émissaire américain au Proche-orient, Philip Habib.

Mais la crise la plus lourde de conséquence se produit lorsque, le 6 juin 1982, les forces israéliennes franchissent la frontière (opération «Paix en Galilée») dans le but initial de repousser les Palestiniens au nord de la rivière libanaise du Litani. Le 9, une bataille aérienne et de blindés syro-israélienne a lieu à l’est du Liban. Le 11, un cessez-le-feu est proposé par Israël à la Syrie qui l’accepte. À partir de cette date, les Syriens restent quelque peu en retrait des affrontements qui opposent Palestiniens et Israéliens. Le 24 juillet cependant, l’aviation israélienne lance un raid d’avertissement contre les forces syriennes dans la Bekaa, y détruisant les rampes de lancement des missiles SAM nouvellement installées. À partir du 21 août, les contingents syriens qui se trouvent encore à Beyrouth, encerclés par les Israéliens, se replient en même temps que les Palestiniens sous la protection d’une Force multinationale dépêchée sur place, à l’appel du gouvernement libanais, par certains États occidentaux (États-Unis, France, Italie, puis Grande-Bretagne).

Les négociations israélo-libanaises qui s’ouvrent, sous l’égide des États-Unis mais sans concertation avec la Syrie, aboutissent le 17 mai 1983, à la signature du traité de Naqoura. En quelques mois, le général Assad, qui contrôle toujours avec son armée une bonne partie du Liban (la Bekaa et le Nord), impose par des pressions combinées, politiques et militaires, au président libanais, Amine Gemayel, de renoncer, le 29 février 1984, à cet accord et de former un gouvernement «d’union nationale» présidé par le sunnite Rachid Karamé, tenu pour proche de Damas. Dans le même temps, les contingents de la Force multinationale, soumis à un harcèlement continu de la part de certaines factions libanaises, inspirées de l’extérieur et n’hésitant pas à recourir à l’attentat terroriste, se retirent de Beyrouth, consacrant le recul des Occidentaux. L’armée israélienne, quant à elle, talonnée par des groupes armés, effectue un retrait progressif, à la fin de 1984, jusqu’à la hauteur de la frontière internationale dont elle garde le contrôle grâce à une «bande de sécurité». Ayant ainsi fait dégager le terrain, le général Assad peut entreprendre de rétablir plus fortement et durablement une autorité, qu’il veut sans partage, dans les affaires libanaises.

Les Palestiniens «arafatistes» font, les premiers, les frais de cette reprise en main, mais leur pugnacité et une exploitation habile des contradictions locales (alliance conjoncturelle avec les chrétiens) leur permettent de retrouver leur rôle d’acteurs sur la scène libanaise. Restent les Libanais. Le second objectif de la Syrie consiste, après la rupture de la concertation israélo-libanaise, au début de 1984, à imposer aux diverses communautés un accord qu’une conférence interlibanaise, tenue en mars à Lausanne sous l’œil vigilant d’Abdel Halim Khaddam, s’est efforcée de dégager. Damas enregistre un premier succès quand elle peut opérer un rapprochement avec les Forces libanaises (F.L.) chrétiennes dont Élie Hobeika s’assure la direction (9 mai 1985). Après avoir écrasé à Tripoli, en octobre, le Mouvement de l’unité islamique (M.U.I.) sunnite et réuni ses partisans, elle patronne, le 28 décembre, un accord tripartite – dit accord de Damas – entre les F.L., Amal de Nabih Berri et le Parti socialiste progressiste (P.S.P.) de Walid Jumblatt, chef de la communauté druze. Mais Amine Gemayel, y voyant une atteinte à ses prérogatives présidentielles, refuse, le 13 janvier 1986, cet arrangement, remis d’ailleurs en cause par l’éviction d’Élie Hobeika des F.L. au profit de Samir Geagea, hostile, lui, aux Syriens. C’est un sérieux revers pour leur politique à un moment où Amal, qui fait face militairement à l’O.L.P. et connaît quelques dissensions internes, se trouve aussi confronté aux partis progressistes, dont le P.S.P., autre allié de Damas. Surtout, l’armée syrienne, intervenue une nouvelle fois contre le M.U.I. à Tripoli durant l’été de 1986, doit contenir, dans la Bekaa, les activités du Hezbollah chiite pro-iranien, à l’essor duquel elle a contribué. La détérioration de la situation, particulièrement sensible à Beyrouth-Ouest, lui impose d’y faire entrer ses contingents (22 févr. 1987). La démission, suivie de l’assassinat du Premier ministre Rachid Karamé (1er juin), le blocage de la situation politique à quelques mois de l’élection présidentielle libanaise et la reprise des attentats dans la capitale, défi au plan de sécurité syrien, donnent le sentiment que, de nouveau, la Syrie s’enlise au Liban. Malgré le soutien apporté par les États-Unis, elle se révèle incapable d’organiser cette élection, c’est-à-dire de l’obtenir au profit du candidat (Soleiman Frangié ou, à défaut, Mikhaël Daher) qu’elle appuie. La désignation du général Michel Aoun par le président Amine Gemayel, à quelques heures de l’expiration de son mandat (23 sept. 1988), pour former un gouvernement de militaires – alors que le gouvernement de Selim Hoss, lié à Damas, demeure en place –, traduit l’imbroglio de la situation politique. La Syrie éprouve, à la fin de 1988, d’autant plus de peine à la maîtriser que le camp chrétien s’accroche à l’axe Bagdad-Le Caire-Amman-O.L.P., dont l’hostilité à son égard est plus ou moins nettement affichée et que son alliance avec l’Iran semble bien moins assurée. «La guerre de libération contre l’occupation syrienne du Liban», lancée le 14 mars 1989 par le général Aoun, épaulé par l’Irak, donne lieu, dans les semaines qui suivent, à des affrontements d’une violence inégalée jusque-là. Pour la première fois, la responsabilité de la Syrie se trouve désignée par le triumvirat arabe (Maroc, Algérie, Arabie Saoudite), chargé par le sommet arabe de Casablanca (mai 1989) de résoudre la crise libanaise. Cet échec diplomatique et plusieurs démarches internationales (France et Union soviétique notamment), sans entamer sa détermination, la dissuadent, cependant, de pousser aux extrêmes.

Entre Jordanie, Irak et Iran

L’intervention syrienne au Liban et la permanence de sa présence armée font soupçonner Damas d’avoir des visées hégémoniques. Il est vrai qu’à la même époque la Syrie offre à la Jordanie une intégration politique, économique et militaire qui aurait pu, si le projet avait été conduit à terme, aboutir à une confédération. L’échec de l’entreprise, dû à la prudence du roi Hussein, refroidit singulièrement les relations entre les deux pays au point que, en novembre-décembre 1980, les troupes syriennes puis jordaniennes montent aux frontières. La tension s’apaise grâce aux bons offices de l’Arabie Saoudite, mais Damas continue d’accuser Amman de soutenir, à partir de la Jordanie, les activités des Frères musulmans. Lorsque, à la fin de 1984, le roi Hussein et Yasser Arafat engagent un dialogue qui aboutit, le 11 février 1985, à un accord jordano-palestinien fondé sur l’idée d’un échange «des territoires arabes occupés contre la paix» et de la création d’une confédération jordano-palestinienne, le projet suscite une violente réaction d’hostilité à Damas. On y refuse que soit engagé politiquement le peuple palestinien, sous le prétexte qu’il ne peut, dans l’immédiat, être consulté. Finalement, le non-aboutissement de ce processus rend possible, après six ans de gel, le rapprochement syro-jordanien. Il s’opère en décembre 1985 et a pour effet de hâter la rupture de l’accord jordano-palestinien (févr. 1986). Cette réconciliation avec Amman, dont les liens avec Bagdad sont étroits depuis le début de la guerre Irak-Iran, favorise à son tour la reprise de contact entre les régimes syrien et irakien.

Le contentieux entre Damas et Bagdad est lourd. Il ne tient pas seulement à la répartition des eaux de l’Euphrate. Il est surtout d’ordre idéologique depuis que le parti Baas se partage entre les deux capitales. Arrivé au pouvoir en même temps, en 1963, d’abord à Bagdad (8 févr.), puis un mois plus tard à Damas (8 mars), le Baas subit en Irak une éclipse de novembre 1963 à la révolution du 17 juillet 1968. La Syrie, durant cette période, accueille les baassistes irakiens pourchassés. L’éloignement, le 23 février 1966, des chefs historiques baassistes syriens, Michel Aflak et Salah Bittar, leur fait chercher refuge à Bagdad. Le coup d’État, qui porte au pouvoir, en 1968 dans cette capitale, l’équipe Ahmed Hassan al-Bakr-Saddam Hussein, matérialise la victoire des options baassistes du Syrien Michel Aflak, lequel fait désormais figure, sur les rives du Tigre, de gardien de la doctrine. Depuis lors, une opposition fondamentale, entrecoupée de brèves éclaircies, se manifeste aussi bien dans les relations entre les deux États qu’au niveau du Baas, dont les deux ailes marquent les choix politiques et stratégiques divergents de leurs dirigeants. Cette fracture du Baas favorise les complots réels ou supposés destinés à renverser, dans chaque capitale, la tendance majoritaire et justifie l’appui apporté, par l’une contre l’autre, à divers groupes d’opposants. Ainsi le rapprochement qui s’opère à partir d’octobre 1978 avec l’Irak en vue de réaliser l’union ne résiste pas, en juillet 1979, aux suites d’un «complot» qu’à Bagdad on attribue aux manœuvres du général Assad. L’antagonisme entre les deux régimes baassistes s’aggrave plus encore, après le déclenchement de la guerre entre l’Irak et l’Iran, lorsque, ostensiblement, Damas apporte son soutien diplomatique à Téhéran, alors qu’Amman s’engage aux côtés de Bagdad.

Damas dénonce l’initiative irakienne d’avoir porté la guerre en Iran, rompt dès le mois d’octobre 1980 ses relations diplomatiques avec Bagdad et ferme, en avril 1982, ses frontières avec son voisin et, du même coup, l’oléoduc irakien qui transite par son territoire. Dans l’alliance contre-nature entre le régime laïque de Damas et la République islamique de Téhéran, chaque partie trouve un intérêt immédiat: la Syrie en tire de substantiels avantages grâce à ses livraisons de pétrole iranien à moindre prix; l’Iran possède le seul allié arabe qui lui permette de ne pas être totalement isolé. Pour la justifier, le général Assad met en avant le fait qu’elle est le seul frein aux débordements iraniens et qu’en toute hypothèse le dialogue doit être maintenu avec l’Iran. Mais cet argument perd beaucoup de force depuis que, à partir de l’été de 1986, se manifestent au Liban les premiers signes d’une dégradation des relations entre la Syrie et l’Iran. Considérant le Liban comme la «base avancée de l’islam révolutionnaire» et y ayant consolidé sa présence à travers le Hezbollah – lequel, multipliant ses provocations à l’égard des Syriens, ne cache plus son intention d’y instaurer une République islamique –, Téhéran s’oppose désormais, sur ce terrain, aux vues de Damas. Par ailleurs, les prises d’otages occidentaux, attribués à des groupes qui gravitent dans l’orbite pro-iranienne, le renforcement du Hezbollah au détriment de son rival pro-syrien Amal s’ajoutant aux désaccords entre Syriens et Iraniens sur la présence de la F.I.N.U.L. au Sud-Liban sont d’autres sujets de discorde. La Syrie et l’Iran, bien qu’unis par une inimitié commune à l’égard de l’Irak, se trouvent désormais engagés au Liban dans un conflit d’intérêts dont l’acuité se révèle à l’occasion du déploiement de la force de sécurité syrienne à Beyrouth-Ouest (févr. 1987), et de la mort, dans cette circonstance, d’une vingtaine de militants du Hezbollah.

C’est alors que, répondant aux sollicitations pressantes et renouvelées, plusieurs mois durant, du roi Hussein, les présidents irakien et syrien se rencontrent secrètement en Jordanie (27 avr. 1987), afin de trouver les voies d’une réconciliation. Le premier se borne à réclamer pour le moins une stricte neutralité de la Syrie dans le conflit Irak-Iran. Le second ne s’y montre guère disposé à sacrifier ses relations avec Téhéran, même si celles-ci se sont quelque peu rafraîchies. Il faut attendre le sommet d’Amman (8-11 nov. 1987) pour que les deux chefs d’État manifestent publiquement leurs retrouvailles. Elles seront éphémères, Damas ne voulant pas renoncer à une alliance stratégique avec Téhéran, rendue nécessaire par l’évolution chaotique de la situation au Liban et l’existence d’un accord pétrolier. Mais cet axe syro-iranien paraît perdre quelque peu de sa consistance après l’instauration, en août 1988, d’un cessez-le-feu entre l’Irak et l’Iran et leur engagement dans un processus de paix. L’Iran est moins attaché, désormais, à exporter sa révolution au Liban, au moment où, de son côté, l’Irak s’emploie à y contrer l’action syrienne, en renforçant militairement le camp chrétien.

Est-Ouest

Jusqu’en 1970, l’instabilité des institutions politiques de la Syrie oblitère son action extérieure. Les conséquences de la guerre d’Octobre rendent indispensable un retour de Damas sur la scène internationale. L’Union soviétique, qui avait à partir de 1964 et après une longue période d’observation du Baas développé sa coopération militaire, accentue celle-ci, doublée d’une aide économique en 1972. Mais les dirigeants syriens se dérobent, non sans inconvénients, à la demande soviétique de signer à l’instar de l’Égypte et de l’Irak un traité d’amitié et de coopération. Le soutien de Moscou ne fera pourtant jamais défaut dans les moments difficiles que traverse la Syrie (pont aérien en octobre 1973). Ces bons rapports non dépourvus d’ambiguïté (relations Baas-Parti communiste syrien) souffrent quelque peu du rapprochement syro-américain (rétablissement des relations diplomatiques, en juin 1974, après le voyage de Nixon à Damas) et d’une approche différente du conflit israélo-arabe. L’ouverture économique, réussie, pratiquée en direction de l’Occident (le Marché commun européen a ravi la première place aux États socialistes) souligne la volonté de la Syrie de se tenir à l’écart de la politique des blocs. Ce n’est que le 8 octobre 1980 qu’elle consent finalement à signer un traité d’amitié et de coopération avec l’Union soviétique, laquelle donne tout son appui au front de la fermeté animé alors par Damas.

Partie agissante du conflit israélo-arabe et du conflit libanais, la Syrie pratique un jeu subtil avec les deux superpuissances, en s’efforçant de ne rien céder sur quelques principes d’un nationalisme fier et exigeant. D’un côté, elle poursuit une politique de vive opposition à toute initiative des États-Unis pour un règlement global par étapes de la question palestinienne; mais elle accepte aussi, suivant les circonstances et surtout quand celles-ci lui sont défavorables comme après la guerre d’octobre 1973, la médiation américaine. Entre la Syrie et les États-Unis, malgré des tensions épisodiques, le dialogue ne cesse jamais. D’un autre côté, elle entend rester un ferme allié de l’Union soviétique – qui satisfait ses besoins en armes –, bien qu’elle ne soit jamais assurée d’un appui à toutes ses initiatives. L’intervention syrienne au Liban, en 1976, certains de ses développements ensuite et les tentatives de Damas de lui subordonner la direction palestinienne figurent au nombre des divergences syro-soviétiques. Néanmoins, la Syrie, qui constitue pour l’Union soviétique sa chance la plus assurée de se réintroduire dans le jeu proche-oriental, ne lui ménage pas son soutien au projet de Conférence internationale de paix au Proche-Orient sous les auspices des Nations unies, que ses dirigeants s’efforcent de relancer depuis 1981. Il demeure pourtant une méfiance réciproque sur les intentions à long terme de chacun: Damas et Moscou se soupçonnent de vouloir traiter un jour directement avec les États-Unis à propos du Proche-Orient. Dans cette joute, la France tient une part modeste. Sa qualité d’ancienne puissance mandataire et une diplomatie qui s’efforce de rester vigilante, au Liban notamment, lui valent quelque suspicion, d’où le caractère fluctuant des relations franco-syriennes.

Il est souvent reproché au général Assad de mettre en œuvre – et pas seulement au Liban – une stratégie de la violence visant à extorquer une reconnaissance politique du rôle de la Syrie dans la région. L’appui occulte apporté à des groupes palestiniens maximalistes et la mise en cause de ses services dans des tentatives d’attentat – ainsi l’affaire Hindawi, à Londres durant l’été de 1986 – lui valent de figurer sur la liste américaine des États soutenant le terrorisme et la réputation de pratiquer une «diplomatie coercitive». La complexité des arcanes du pouvoir à Damas occulte la vérité. Disposant de contacts avec la «nébuleuse terroriste» et ayant les moyens d’y exercer son influence, la Syrie est installée à ce carrefour de la terreur qu’est devenu le Proche-Orient. Ayant pris conscience, à partir de 1986, de ce que cette violence difficilement contrôlable peut, parfois, desservir la stratégie syrienne sur la scène libanaise et internationale, et même se retourner contre elle, le général Assad semble tenté d’y mettre désormais un frein.

La Syrie se considère comme le dernier bastion du monde arabe à faire front contre Israël. Il y a un lien entre cette violence d’État, dont la pratique lui est prêtée et que les Occidentaux jugent sévèrement, et cette attitude radicale face aux positions, également inflexibles, de l’adversaire israélien. Le drame permanent, pour la Syrie, réside dans le fait que, prise dans ses contradictions internes et liée par des contraintes externes, elle ne peut proposer de solution de rechange à la voie choisie, en son temps, par Anouar al-Sadate, pour gagner cette paix durable indispensable à son progrès.

Apaisements

Dès l’été de 1989, la situation économique de la Syrie s’améliore grâce à une hausse de la production pétrolière (mise en exploitation des nouveaux gisements de Deir ez-Zor), une bonne campagne agricole et une gestion plus rigoureuse. Les élections législatives du 22 mai (60 p. 100 de participation) envoient au Conseil du peuple 250 députés, dont 166 appartiennent au Front national progressiste et 84 aux Indépendants. Le gouvernement al-Zuhbi reste en place, témoignant de la stabilité retrouvée. Le 17 novembre 1991, le Conseil approuve à l’unanimité la candidature d’Hafez al-Assad pour un quatrième mandat: il est réélu, avec un taux de participation de 99,8 p. 100. Un gouvernement, présidé par Mahmoud al-Zuhbi, est formé. Il comprend dix-huit nouveaux ministres sur trente-sept, vingt-quatre appartenant au Baas. Cette apparente unanimité autour du chef de l’État ne doit pas laisser croire qu’il n’existe aucune opposition. Mais la répression, bien organisée et qui a décimé ses rangs depuis le soulèvement de Hama, l’a divisée et, surtout, dispersée à l’étranger. La création, le 27 février 1990 à Paris, d’un Front de salut national, dont l’objectif déclaré est le renversement de Hafez al-Assad, n’aboutit, du fait de ses divisions, à aucun projet crédible. Faute d’une opposition structurée et unie autour d’un programme cohérent et d’une coalition démocratique susceptible d’assurer la relève, le président syrien reste indifférent aux pressions, notamment extérieures, exercées afin qu’il assouplisse son régime. Tout au plus consent-il à l’élargissement – ainsi au cours de l’été de 1993 – de quelques opposants, dont le général Salah Jedid (détenu depuis vingt-trois ans, en fait libéré pour mourir). Cependant, à Damas, on s’inquiète régulièrement de «la» succession. À défaut de son frère, Rifaat, rentré en Syrie en juillet 1992 mais mis à l’écart, on songe à son fils aîné, Bassel, dont l’étoile monte. Le décès accidentel de celui-ci, le 21 janvier 1994, met un terme aux spéculations. Bachar, le fils cadet, fait aussitôt figure de prétendant. Les interrogations quant à l’avenir de la Syrie après la disparition du président Assad autant que les perspectives de paix avec Israël agitent les coulisses du pouvoir: le 15 août 1994, le général Ali Haidar, chef redouté des Unités spéciales de l’armée, est arrêté (il sera libéré en octobre), tandis que quelques mutations ou mises à la retraite, particulièrement au sein des «services», sont opérées. Ce faisant, le chef de l’État, à la veille d’échéances importantes liées au processus de paix, témoigne d’une autorité, imposée sans partage. Les élections législatives du 24 août ne modifient pas la composition de l’Assemblée, puisque 167 sièges reviennent aux sept partis du Front national.

Pendant ce temps, au Liban, face aux initiatives du général Michel Aoun, la Syrie maintient ses avantages. La Ligue arabe parvient, le 23 septembre 1989, à imposer un cessez-le-feu. Celui-ci est mis à profit par Damas afin de concrétiser un arrangement politique, pour lequel s’entremet l’Arabie Saoudite. Le 30 septembre à Taëf, les députés libanais, requis pour la circonstance, approuvent une Charte de réconciliation nationale: les accords de Taëf. Il y est prévu l’abolition du communautarisme politique par étapes, la diminution des pouvoirs du chef de l’État au profit du Premier ministre et du président d’une Assemblée, également partagée entre chrétiens et musulmans, et le désarmement des milices. Les forces syriennes devront être regroupées dans la Bekaa, avant leur retrait ultérieur, comme les forces israéliennes dans le Sud, sans qu’en soit précisée la date. Le tout préludant à des élections libres. Le général Michel Aoun refuse cet accord, qui «titulariserait l’hégémonie syrienne au Liban». Le 4 novembre 1989, un nouveau président, René Moawad, est élu mais sera tué le 22 novembre. Elias Hraoui lui succède, le 24, et Selim al-Hoss forme un gouvernement qui démet le général Aoun, retranché dans le palais de Baabda, de ses fonctions de commandant en chef de l’armée libanaise. En août 1990, le président Elias Hraoui fait promulguer les accords de Taëf et obtient l’aide de la Syrie pour, au terme d’un court mais violent affrontement armé, culminant le 13 octobre, réduire la résistance du général. Celui-ci gagne l’ambassade de France où il restera à l’abri plusieurs mois avant de pouvoir s’installer à Marseille le 30 août 1991. Le terrain ayant été ainsi dégagé, Hafez al-Assad, fort du soutien américain que lui vaut son engagement dans la guerre du Golfe, peut assurer l’autorité du président Hraoui. Le 22 mai 1991, un traité de fraternité, coordination et coopération est signé par les deux chefs d’État et accepté, avec un certain fatalisme, par les Libanais. La volonté de Damas s’exprime, de nouveau sans nuances, quand, malgré l’opposition du «Front du refus» chrétien, ayant à sa tête le patriarche maronite, des élections législatives (les premières depuis 1972) sont organisées, en août-octobre 1992. Rafiq Hariri, bénéficiant de la protection saoudienne et du soutien syrien, prend les fonctions de Premier ministre. Cette obstination syrienne, ainsi récompensée, est à la mesure de l’importance, pour le général Hafez al-Assad, de l’atout libanais, à un moment où se recompose le paysage proche-oriental.

La crise puis la guerre du Golfe, déclenchée par l’invasion irakienne du Koweït, en août 1990, fournissent au président syrien l’occasion de faire valoir et reconnaître enfin officiellement le rôle qu’il ambitionne de tenir. C’est ainsi que, rallié, malgré l’existence d’un fort sentiment pro-irakien au sein de son peuple, à la coalition contre Saddam Hussein, il se rend, pour la première fois, à Téhéran, le 22 septembre 1990. Il obtient la neutralité de l’Iran et s’en trouve remercié par le retour d’une aide financière substantielle arabe et l’octroi d’une sorte de blanc-seing, s’agissant du Liban. La guerre du Golfe terminée (à laquelle un contingent syrien participe), il consent à s’inscrire dans le processus de paix proche-oriental, relancé par la conférence de Madrid à la fin d’octobre 1991. Dans le même temps, Yasser Arafat, renouant pour la première fois depuis 1988 avec le président syrien, consacre, à Damas, le 19 octobre, la réconciliation entre l’O.L.P. et la Syrie. Celle-ci se voit confirmé un statut d’interlocuteur indispensable. Sa participation aux premières négociations – durant lesquelles la délégation syrienne adopte une position rigide – est l’occasion d’y affirmer la prééminence de la question du Golan, faisant de la restauration de la souveraineté formelle de la Syrie sur ce territoire une condition sine qua non à toute perspective d’accord avec Israël. La victoire des travaillistes, conduits par Itzhak Rabin, aux élections législatives de juin 1992 semble d’abord privilégier une entente avec le bloc jordano-palestinien. Le chef de l’État syrien tente alors de formuler une diplomatie de contournement du processus pour, le moment venu, faire son choix en fonction de ses contraintes intérieures et de ses intérêts régionaux. Au fil des mois, les positions syriennes s’affinent, mais il n’est toujours pas question d’accepter un quelconque accord intérimaire qui ne préjugerait pas du résultat final. Le 13 septembre 1993, Israël et l’O.L.P., après s’être reconnus mutuellement, signent une Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’«autogouvernement». Le 16 janvier 1994, à l’issue d’une rencontre au sommet avec le président Clinton, à Genève, Hafez al-Assad se déclare prêt à établir des «relations normales» avec Israël, en échange d’un «retrait total» du Golan: une paix totale contre une évacuation totale. La négociation entre Syriens et Israéliens, toujours par le truchement des Américains, reste laborieuse. La signature, le 4 mai 1994, de l’accord israélo-palestinien du Caire est soupçonnée par la Syrie de céder à Israël les acquis aux dépens des intérêts arabes et palestiniens. Le 1er décembre, le président Assad, qui a reçu Bill Clinton à Damas, en octobre, déclare au président Hosni Moubarak qu’il préfère s’en tenir provisoirement au statu quo plutôt que d’accepter une paix répondant aux exigences israéliennes. Semblant ouverte à toutes les modalités, la Syrie ne veut accepter de solution qui toucherait aux principes de sa souveraineté et de sa dignité. Pour ses négociateurs, la question du retrait du Golan reste un préalable aux arrangements de sécurité, discutés secrètement par les chefs d’état-major des deux armées depuis l’été de 1994, et à la normalisation des relations. Si la Syrie est prête à traiter des modalités techniques de celle-ci, elle n’entend pas soumettre sa sécurité «stratégique» à l’approbation d’Israël.

Syrie
(république de) état du Proche-Orient, entre la Méditerranée et la vallée moyenne de l'Euphrate; 185 180 km²; 13 500 000 hab. (croissance: plus de 3,5 % par an); cap. Damas. Nature de l'état: rép. Langue off.: arabe. Monnaie: livre syrienne. Relig.: islam sunnite (70 %) et chiite (secte alaouite: 10 %); secte druze (env. 1 million de personnes établies au N.); nombr. églises chrÉtiennes orientales (8 %). Géogr. phys. et hum. - La plaine côtière méditerranéenne est isolée par le djebel Ansariyyah (1 562 m), qui domine, à l'E., la dépression de l'Oronte. Plus au S., la chaîne de l'Anti-Liban, le mont Hermon (2 814 m) et le plateau du Golan dominent l'oasis de Damas, au S.-E. de laquelle s'élève le djebel Druze. Ces régions riches en eau groupent la pop. du pays. Le reste est un vaste plateau, steppique ou désertique, mais la vallée de l'Euphrate, qui coule du N.-O. au S.-E., est peuplée. écon. - L'agriculture (céréales, arbres fruitiers, coton) occupe env. 30 % des actifs. Une réforme agraire modérée a favorisé les coopératives et la sédentarisation des nomades; le troupeau ovin reste import. Jusqu'à une date récente, l'industrie appartenait presque entièrement à l'état: industries alimentaires et de construction, raffinage du pétrole, dont l'extraction, s'ajoutant aux redevances perçues sur les oléoducs venant d'Irak et d'Arabie Saoudite, et à l'aide sov. et arabe ont financé voies ferrées et irrigation. Après la guerre de 1973 avec Israël et l'intervention syrienne au Liban (1976), le gonflement des dépenses militaires et l'arrivée de réfugiés (env. 300 000 Palestiniens et Libanais) ont pesé sur l'économie. Dans les années 90, la Syrie a libéralisé son système économique et favorisé le tourisme. Hist. - L'histoire de la Syrie a été marquée par sa situation entre la Méditerranée, la Mésopotamie, l'Asie Mineure et l'égypte. La Syrie antique, beaucoup plus vaste que l'état actuel, fut un champ de bataille permanent. Terre de civilisation cananéenne, elle subit les dominations égyptienne (XVIe s. av. J.-C.), hittite (XIVe s. av. J.-C.), araméenne (Xe-VIIIe s. av. J.-C.), assyrienne (VIIIe-VIIe s. av. J.-C.), perse (à partir de 539 av. J.-C.), grecque (conquête d'Alexandre, 334 av. J.-C.), romaine (conquête de Pompée, 64 av. J.-C.). Tôt christianisée, elle voulut (par des hérésies) son autonomie vis-à-vis de Byzance et accueillit favorablement l'occupation arabe (636). Capitale de l'Empire omeyyade, Damas connut une grande prospérité. Les Abbassides lui préférant Bagdad (762), Damas et la Syrie déclinèrent. Conquis par les croisés au XIe s., ruiné par les invasions mongoles au XIIIe s., le pays fut annexé au déb. du XVIe s. à l'Empire ottoman, dont Méhémet-Ali tenta de secouer le joug (1832-1840). Dès 1860, l'ouverture vers l'Occident entraîna un renouveau et un nationalisme arabe. La Première Guerre mondiale délivra le pays de la Turquie, mais il subit le protectorat français (1920), qui suscita de nombreuses révoltes (1925-1927, 1945). En outre, la Syrie voyait lui échapper le Liban, et des régions autonomes (état des Alaouites, gouv. de la montagne druze) se constituaient. Indép. en 1946, la Syrie prit part à la guerre contre Israël en 1948, et la défaite fut suivie de plus. coups d'état militaires. L'union (République arabe unie) avec l'égypte de Nasser dura de 1958 à 1961. Les conservateurs exercèrent le pouvoir jusqu'au coup d'état de 1963. Depuis, le Baas gouverne le pays, avec une orientation nationaliste (et non plus panarabe) et socialisante. L'équipe "modérée" fut renversée en 1966 par une faction de gauche prosoviétique, qui, discréditée par la défaite de 1967 face à Israël (qui occupa le plateau du Golan), laissa la place au général Assad en 1970. La nouvelle défaite syrienne au cours de la quatrième guerre israélo-arabe de 1973 (V. israélo-arabes [guerres]) créa de nouvelles difficultés. L'intervention de la Syrie au Liban à partir de juin 1976 ne les a pas résolues. La révolte des Frères musulmans à Hama fut écrasée (milliers de morts). Dans la guerre du Golfe (1980-1988), la Syrie a soutenu l'Iran. Elle s'est rapprochée des états arabes modérés (accords de Taef au Liban, reprise des relations avec l'égypte), car l'U.R.S.S. réduisait son aide. En 1991, elle a participé à la coalition anti-irakienne (V. Golfe, guerre du), ce qui a renforcé son influence dans la région, notam. au Liban. De 1994 à 1996, elle a poursuivi de difficiles négociations avec Israël pour normaliser les relations entre les deux pays et pour qu'Israël restitue le Golan (occupé depuis 1967) à la Syrie. La rupture du dialogue avec B. Netanyahou en 1996-1997 a entraîné l'amélioration des relations syro-irakiennes.

Encyclopédie Universelle. 2012.