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TOURISME
TOURISME

Le tourisme est l’expression d’une mobilité humaine et sociale fondée sur un excédent budgétaire susceptible d’être consacré au temps libre passé à l’extérieur de la résidence principale. Il implique au moins un découcher, c’est-àdire une nuit passée hors du domicile, quoique d’après certaines définitions il faille au moins quatre ou cinq nuits passées hors de chez soi. Il concerne un déplacement d’agrément, s’appuie sur un ou plusieurs types de loisirs conjugués ou successifs. Il répond à un certain besoin d’évasion conduisant au dépaysement momentané ou périodique. D’abord réservé essentiellement aux catégories fortunées de la société, il visa dès l’origine l’exotisme et dépassa d’habitude les confins nationaux. La législation sociale contemporaine en fit un droit pour tout travailleur, d’abord en pays industrialisé, puis progressivement dans les régions en voie de développement. Devenu ainsi un phénomène de civilisation qui d’adressait aux masses laborieuses en même temps qu’aux couches aisées de la population, le tourisme finit par pénétrer fortement les mentalités; il alimenta les rêves, suscita un monde nouveau d’images. À présent, il fait l’objet de préoccupations annuelles. Après avoir marqué le rythme de vie de façon exceptionnelle, il a pris un caractère périodique, répétitif.

Ce bouleversement a induit de véritables transformations économiques et des comportements socioculturels inédits. Encore relativement marginal il y a un quart de siècle, le tourisme occupe une part importante du temps de loisir si l’on ajoute, au temps passé à l’extérieur, les mois de préparation du voyage, d’attente, puis ceux que l’on consacre au souvenir et à la nostalgie, avant que le cycle ne reprenne pour l’année suivante. L’offre de plus en plus variée et abordable, l’appel à un paysage toujours plus éloigné incitent les usagers à prélever une part croissante de leur revenu attribué aux loisirs au bénéfice du temps vacancier. L’amélioration des conditions matérielles, les progrès en matière de droit du travail élargissent le nombre de bénéficiaires des flux de congés; l’augmentation de l’espérance de vie et l’abaissement de l’âge de la retraite, le système de la préretraite inhérent à la crise économique confortent le marché et sous-tendent activement le déploiement d’une véritable industrie touristique dont la complexité s’articule autour de puissants groupes financiers qui téléguident de vastes activités de service et entretiennent des structures transactionnelles de portée mondiale. L’intensification du volume des affaires et l’association étroite entre celle-ci et le tourisme ont renforcé l’organisation mondiale des transports de personnes ou de la communication. Parallèlement aux compagnies de transport régulières ont apparu des firmes à vocation saisonnière, qui s’empressent d’ailleurs d’étendre leur action à la totalité du cycle annuel. De nouvelles solidarités intra- et intercontinentales sont nées à la faveur du tourisme. Elles posent le problème de la résistivité de l’espace à la charge qui lui est imposée. Elles soulèvent la question de l’essence même du tourisme, de sa signification réelle, de son devenir.

De nombreuses régions sont à présent spécialisées dans le tourisme; d’autres visent à compléter leurs ressources ou à remplacer leurs activités défaillantes par une promotion vacancière. Le tourisme populaire côtoie les équipements de luxe, accentuant dans les secteurs privilégiés la synergie développée par les loisirs modernes. La variété des formules d’accueil et d’hébergement est telle que chaque usager peut y trouver son compte, depuis l’hôtel jusqu’à l’appartement privé ou la résidence secondaire, en passant par des formules bon marché telles que les auberges de jeunesse, campements ou campings-caravanings.

Le réservoir dans lequel il est possible de puiser se déploie d’année en année. À la fin des années quatre-vingt, on peut compter plus de 3,5 milliards de bénéficiaires de congés payés sur le globe. Certes, bon nombre d’entre eux ne disposent encore ni des moyens financiers ni de l’ambiance requise pour participer aux flux migratoires de loisirs. La proportion de ceux qui franchissent annuellement le seuil minimal de mobilité vacancière se renforce toutefois constamment. Plus de 350 millions de personnes sont déjà insérées dans le seul mouvement touristique international. D’ici à la fin du siècle, ce chiffre est sans doute appelé à doubler. Tourisme domestique et tourisme international totalisent plus d’un milliard et demi de déplacements chaque année et rapportent plus de 500 milliards de dollars. La part du tourisme international reste relativement modeste avec 40 milliards de dollars; on comprend aisément les efforts entrepris en faveur d’un élargissement des potentialités mondiales. Dans la Communauté européenne, le tourisme représente plus de 7 p. 100 de la consommation finale privée et environ 4 p. 100 du P.I.B.; il emploie 5 millions de personnes, c’est-à-dire à peu près autant que l’agriculture ou le transport; il connaît une croissance annuelle de 5 p. 100, ce qui correspond aussi à 5 p. 100 du taux de croissance annuel global prévu pour l’ensemble des pays de la Communauté. Le Club Méditerranée enregistre déjà environ un million de clients par an. Malgré la crise économique, le tourisme international dans les pays de l’O.C.D.E. a pu progresser de 3 p. 100 pour ce qui concerne les arrivées aux frontières, de 20 p. 100 en matière de nuitées dans les divers modes d’hébergement; les recettes en termes réels sont demeurées stationnaires. Résistant aux turbulences de toute nature, le tourisme poursuit sa percée mondiale.

1. Histoire

Les origines

Le tourisme participe dès son origine au besoin de libération de l’homme. Celui-ci tente, chaque fois qu’il en a les moyens, de dépasser son horizon quotidien pour se dépayser et oublier momentanément les réalités journalières. Il est constamment soucieux de relever le défi de sa condition originelle le condamnant à œuvrer à la sueur de son front.

Dès qu’il le peut, l’individu recherche l’oisiveté. Très tôt, les catégories privilégiées de la population pratiquent la migration résidentielle: l’aristocrate dispose de sa maison de campagne, le souverain se déplace de château en château. L’imagination des poètes et conteurs aidant, les expéditions lointaines deviennent de véritables épopées et incitent encore davantage au voyage.

Thermalisme, pèlerinages et campagnes militaires permettent à leur tour aux sédentaires de voir du pays et d’accumuler des souvenirs inédits. Ils contribuent à l’élaboration de nombreuses projections mentales qui alimentent les récits de découverte et d’aventure. Ils donnent lieu à l’aménagement d’axes historiques ponctués par des monuments, édifices religieux, palais et demeures princières ou bourgeoises, objets de la curiosité des passants. Les caravanes chamelières empruntent de leur côté des itinéraires jalonnés par des caravansérails et des points d’eau qui vont servir de base aux circuits touristiques modernes.

Les grandes conquêtes amorcées à l’époque de la Renaissance et poursuivies durant les siècles suivants diversifient les potentialités d’évasion. La découverte du Nouveau Monde s’accompagne de récits captivants sur l’originalité des civilisations rencontrées. Le Pacifique et l’océan Indien, explorés parallèlement, facilitent d’autres ouvertures et complètent l’éventail des destinations possibles.

Le XVIIIe siècle constitue une étape marquante pour le tourisme. Les villes d’eau s’embellissent et se multiplient. Les Anglais d’abord, les Allemands ensuite contribuent à la promotion thérapeutique des eaux marines. Dès le début du siècle, la ville de Bath devient un haut lieu du tourisme balnéaire: la pump room (salle de distribution de l’eau thermale) et l’assembly room (salle de réunion et de rencontre), introduites respectivement en 1706 et 1708, focalisent l’animation dans la station. La famille royale participe à la réputation de la ville qui se dote de jeux, d’une promenade, d’une mode.

À l’autre bout de l’Europe, à Split, un architecte britannique effectue, au milieu du XVIIIe siècle, des recherches sur le palais de Dioclétien, cet empereur romain revenu aux sources thérapeutiques dalmates. Aux bords de la même Méditerranée, des «rentiers», d’origine anglaise surtout, viennent dès 1750 à Nice et à Hyères pour y passer la mauvaise saison, d’octobre à avril.

Les Britanniques introduisent en outre le goût pour la villégiature campagnarde. Ils participent activement à la conquête de la montagne. Dès lors, la notion anglaise de grand tour , destinée à qualifier le voyage sur le continent en vue de parfaire la formation, est transférée au tourisme: le périple doit conduire l’intéressé durant six mois jusqu’à Rome, en passant par la France; durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Suisse, c’est-à-dire également la haute montagne, est incorporée à cet itinéraire.

Le décollage

Au XIXe siècle, l’apparition du chemin de fer donne une impulsion décisive au tourisme. Les stations existantes sont valorisées, d’autres naissent à la faveur du rail. Quoique la navigation à vapeur soit en vogue des années trente aux années quatre-vingt, le chemin de fer accompagne de près le déploiement des places touristiques. Déjà la mobilité des affaires se double d’une prise de conscience. Les compagnies ferroviaires s’empressent de participer à la publicité; elles mettent en œuvre des wagons-lits, des wagons-restaurants, voire des constructions hôtelières regroupées en chaînes (la chaîne P.L.M., par exemple, en France). Le chemin de fer renforce l’influence anglaise dans tous les domaines touristiques: l’architecture, l’agencement des stations, les sports, les promenades, la mode, les tenues vestimentaires. Les villes d’eaux connaissent une nouvelle vogue, de même que les stations littorales.

La montagne est à son tour étroitement insérée dans le mouvement grâce à l’aménagement de tunnels et de crémaillères. Les sports d’hiver peuvent se déployer, notamment le ski qui fait son apparition vers la fin du siècle.

L’Allemand Karl Baedeker adapte ses guides, parus dès 1855, à la pratique du chemin de fer. C’est toutefois Thomas Cook qui donne à ce moyen de transport une impulsion déterminante: en 1841, ce Britannique crée un système d’achat de billets groupés à prix réduits, mettant le transport à la portée des classes moyennes. Dès 1851, il constitue l’agence de voyages Thomas Cook and Son qui finit par disposer de succursales dispersées dans soixante-huit pays. Lorsqu’un autre Anglais, établi en Scandinavie, Thomas Bennett, crée en tant qu’agent de voyages des déplacements à forfait individuel incluant transport, restauration et hébergement, Cook s’empresse de s’adapter à cette innovation; en 1863, il organise le premier voyage vers la Suisse; il élabore la notion de chèque de voyage réalisée par l’American Express en 1882. Son fils fusionne sa société, après la Grande Guerre, avec la Compagnie internationale des wagons-lits.

En 1914, l’Europe, berceau du tourisme, est entièrement couverte de stations et de relais, d’axes de pénétration et de carrefours de rayonnement. Des chaînes hôtelières sont ébauchées: le Ritz de Rome a ouvert en 1893, donnant le ton au luxe de l’hébergement de classe internationale; le Ritz de Paris date de 1898. Le Carlton de Londres remonte à 1899, celui de Cannes à 1907. L’aristocratie crée des réseaux de vie mondaine. Au fil des saisons, elle change de décor, rejoignant la Méditerranée en hiver et les lieux de cure d’Europe tempérée en été; les liens noués se resserrent au rythme des déplacements.

Déjà les promoteurs tentent de prolonger la côte d’Azur en direction de la Riviera italienne. Des imitations se multiplient: tels le Lido à Venise, le littoral de Naples à Messine et Taormina; Reggio de Calabre a «sa» promenade des Anglais. Sotchi devient le Nice russe; les côtes grecques et macédoniennes, le littoral adriatique sont sollicités également.

Ce tourisme international conquiert aussi les autres continents: en Amérique du Nord, la Californie devient un modèle d’Eldorado; le nom même de cette région est attribué à la partie orientale de la baie de Cannes particulièrement bien exposée. Newport, dans Rhode Island, est la première station balnéaire des États-Unis, fréquentée surtout par les familles aisées du Sud; Miami, villégiature d’hiver créée vers 1900, est destinée principalement aux gens fortunés du Nord-Est. Au Japon, des médecins allemands et autrichiens suscitent la mise en valeur de nombreuses sources thermales; des moniteurs autrichiens y implantent le ski, tandis que les Suisses exportent le ski acrobatique, inventé par les Norvégiens, en Amérique du Nord.

En Extrême-Orient, la colonisation britannique sert de point d’appui aux premières initiatives, que ce soit en Malaisie, aux Philippines, à Singapour ou en Birmanie. Les Hollandais l’imitent aux Indes néerlandaises, les Français à Cap-Saint-Jacques en Indochine, réplique de Ngapali Beach à Sandoway fréquentée par le personnel civil de l’administration anglaise en Birmanie. L’aristocratie siamoise a cependant su aménager elle-même la côte thaïlandaise: peu après 1910, la construction d’un palais d’été pour la famille royale suscite des équipements de toutes sortes.

Le naufrage du Titanic , en 1912, montre tragiquement que l’aristocratie et la bourgeoisie dans le monde sont ancrées dans le phénomène touristique. Quelques années auparavant, en 1894, à l’initiative du baron Pierre de Coubertin, est formé le comité international des jeux Olympiques qui, de quatre ans en quatre ans, vont tenir en haleine les grandes instances sportives, touristiques et publicitaires du globe.

Après la Première Guerre mondiale, le mouvement touristique poursuit son ascension. Paris et la côte d’Azur accueillent des émigrés russes habitués à la vie de loisirs. Les résidences secondaires se multiplient dans les sites attractifs, en France surtout. Si les casinos ont déjà fleuri avant 1914, les golfs se répandent dans les années vingt et trente.

Les crises monétaire, économique et politico-sociale, avec leurs turbulences, obscurcissent toutefois l’horizon touristique qui, pour s’affirmer, a besoin de calme et de confort. Lorsque le ciel s’assombrit, les lieux de villégiature et de jeux commencent a être désertés. Le tourisme de l’entre-deux-guerres est bientôt compromis par la montée du fascisme.

Le tourisme de masse

Pour des raisons idéologiques en même temps que pour des motifs de propagande, le fascisme n’hésite pas à renforcer le tourisme populaire, par l’introduction des congés payés, l’organisation de vacances collectives pour jeunes et adultes, des échanges estivaux de militants, des manifestations internationales fascistes. Mussolini crée à cet effet l’institution spécialisée du Dopolavore, Hitler celle qui est intitulée «Kraft durch Freude», destinées à prendre en charge le temps libre, les loisirs, les congés payés et les vacances.

Peu de temps après, en 1936, naît en France le véritable tourisme social public, base du tourisme de masse. Le gouvernement de Front populaire dirigé par Léon Blum, précuseur en la matière, trace les grandes lignes d’une législation qui servira de modèle; après 1945, celle-ci sera imitée un peu partout dans le monde et complétée progressivement.

1936 est l’année de l’instauration des congés payés, des premiers départs spectaculaires en vacances des travailleurs, des tarifs réduits accordés par les chemins de fer, de l’extension des auberges de jeunesse, de la création d’un ministère des Loisirs destiné à l’organisation des loisirs sportifs, touristiques et culturels; l’éducation populaire voit le jour officiellement, les entreprises peuvent promouvoir des colonies de vacances et l’aménagement des maisons de repos; la loi introduisant la limitation à quarante heures du travail hebdomadaire permet la pratique du week-end, c’est-à-dire de la «semaine des deux dimanches».

Les décisions prises ont une portée considérable. Tronquée par l’imminence de la guerre, leur ampleur apparaît pleinement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Une nouvelle conception du temps libre se développe; le vieux rêve des salariés peut se concrétiser: voir les endroits de villégiature des privilégiés et y séjourner quelque peu.

L’ère contemporaine

La fin des hostilités, en 1945, accélère la mise en place d’une économie touristique. Les progrès technologiques, l’élévation rapide du niveau de vie dans les sociétés industrielles, l’aménagement des législations sociales conduisent très vite à l’abondance dans les États développés qui entrent ainsi dans ce que l’on est convenu d’appeler l’ère de la consommation. La tertiairisation des professions accentue la propension à la mobilité. L’urbanisation galopante incite au retour à la nature une ou plusieurs fois par an, au moment propice des vacances. L’offre grandissante de circuits et de séjours, appuyée par une publicité convaincante et omniprésente, renforce d’année en année les flux d’évasion. La motorisation généralisée aidant, les formules les plus diverses de déplacement sont offertes aux amateurs. La montée des jeunes bouscule les habitudes traditionnelles et crée des comportements adaptés aux nouvelles tendances: la soif de découverte, le besoin de changement, les départs en groupes sans les parents. Tour-operators et compagnies aériennes encouragent et sous-tendent ces orientations. Ils savent scruter les aspirations des différentes catégories socioprofessionnelles, prévoir les équipements récréatifs requis, promouvoir les activités sportives en vogue. Une abondante littérature alimente ce système que les médias soutiennent intensément.

Les pays en développement sont très vite sollicités, l’espace disponible dans les États industrialisés commençant à manquer et les appétits des usagers ne se contentant plus des paysages déjà vécus ou devenus trop familiers. Le Tiers Monde offre en effet des possibilités d’implantations structurelles vacancières à des prix imbattables. Il permet aux firmes de réaliser d’excellentes affaires. Celles-ci sont confortées par les conditions de voyage mises au point par les compagnies de transport.

Si l’Europe demeure un modèle en matière de mode, d’équipements ou d’architecture, les États-Unis d’abord, le Japon ensuite finissent par donner à leur tour le ton. Leur industrie touristique fabrique des matériels de pointe en grande série et inonde le marché, la standardisation des produits aidant. Petit à petit, l’exotisme prend le dessus, le touriste veut vivre dans un cadre de dépaysement complet: l’aménagement du littoral Languedoc-Roussillon donne lieu à une architecture résidentielle de type «dromadaires», à l’évocation d’un lagon du Pacifique, à des constructions en bois sur pilotis. Port-Grimaud, sur la côte provençale, doit rappeler Venise aux amateurs désireux de disposer de leur embarcation directement devant leur immeuble. L’ambiance polynésienne, hawaïenne, sud-américaine, africaine n’est pas uniquement recherchée sur place, mais aussi en d’autres lieux: au Maroc, par exemple, on se plaît à côtoyer un cadre tahitien en bord de mer; en pleine Ruhr, un village d’imitation indienne attire des dizaines de milliers de touristes durant la bonne saison...

Partout, les tenants du tourisme se structurent. Des fédérations internationales sont créées. Des firmes multinationales s’emparent de l’impulsion décisive donnée au marché. Les États se dotent de politiques nationales du tourisme. Des arrangements transfrontaliers sont réalisés. Des accords internationaux sont conclus. L’Organisation mondiale du tourisme tente de coordonner et de soumettre à une éthique les efforts déployés. L’histoire mouvementée, déjà longue, du tourisme aboutit à des solidarités croissantes entre continents.

2. Les acteurs

Les problèmes généraux

Une part importante des sites touristiques, notamment les plus réputés d’entre eux, se fonde sur un passé relativement riche, parfois de plus d’un siècle. Les acteurs actuels sont ainsi devenus tributaires d’un héritage complexe allant de structures foncières spécifiques à des profils socio-économiques typés, en passant par des équipements indispensables, sans parler de la nécessité de respecter une ambiance appréciée dans le monde entier.

Insensiblement, certaines initiatives individuelles ont conduit également à la création d’une atmosphère vacancière. Les propriétés nobiliaires et bourgeoises aménagées à la campagne ou en montagne, en complément de la résidence principale localisée en ville, contribuèrent à la formation de stations de villégiature elles-mêmes transformées petit à petit en centres touristiques. La «maison d’été» nordique et la datcha d’Europe orientale exprimèrent, chacune à sa manière, le besoin d’évasion d’une minuscule portion de la population. Cette orientation reflétait toutefois une profonde propension à la mobilité récréative dès qu’un minimum de niveau de vie était atteint.

Le tourisme de masse, qui concerne à présent l’essentiel de la population dans les États industrialisés et qui recherche de plus en plus l’exotisme offert par les paysages des pays en voie de développement, a nécessairement bouleversé les relations de la société avec le tourisme. D’individuelles, marginales ou épisodiques, celles-ci sont devenues collectives. Elles ont entraîné de véritables restructurations de l’espace. Aussi a-t-il fallu mettre en œuvre une réelle concertation entre les divers acteurs concernés par le phénomène touristique, sous peine de renforcer le désordre causé par l’incohérence des initiatives, les turbulences inhérentes à la spéculation, l’occupation intempestive du sol. Cet ajustement entre les partenaires du tourisme a conduit à l’élaboration de partis d’aménagement prenant en compte la récréation sous ses différentes facettes: loisirs quotidiens, dominicaux ou vacanciers. Cette intégration du tourisme aux préoccupations d’ensemble de la planification a mis en branle de nouveaux types de contact et d’organisation.

Pour bien comprendre le jeu des influences et la nature des confrontations possibles, il importe d’analyser au préalable les principales catégories de participants à l’économie touristique.

La notion de visiteur appliquée au touriste n’est pas synonyme de ce dernier terme. Elle concerne certes toute personne qui se rend dans un pays autre que celui où elle a son lieu de résidence habituelle; mais, par là même, elle couvre deux types de personnes: les excursionnistes et les touristes. Les excursionnistes ne sont que des visiteurs temporaires dont le séjour ne dépasse pas 24 heures dans le pays visité, alors que les touristes y séjournent, à titre provisoire, plus de 24 heures.

Le flot des touristes, nationaux et internationaux, fait problème depuis un quart de siècle environ, en raison de son ampleur et de ses choix somme toute spatialement très limités. Il a contribué à soulever la délicate question de la capacité de charge du milieu tant physique que social. En ce qui concerne le milieu physique, la notion de capacité de charge se définit à partir des quatre termes suivants: le niveau des composantes de l’environnement naturel (terre, air, eau et énergie); l’usage qui est fait de chacun de ces éléments; les intensités d’usage minimales et maximales qui peuvent être durablement supportées par cet espace sans que l’écosystème ne soit modifié de façon irréversible; la durée pendant laquelle l’écosystème peut être considéré comme naturellement stable.

Trois types de seuils apparaissent ainsi pour définir les aires suivantes:

– celles que le tourisme ne perturbe guère ou pas encore; elles facilitent la définition des conditions «idéales», dès lors qu’elles sont protégées par des mesures appropriées ou laissées à l’écart par un manque d’intérêt économique momentané; dans ce dernier cas, leur fragilité n’est que plus apparente; il faut alors détecter les éléments les plus sensibles à une intervention exogène et prendre les mesures de prévention indispensables pour éviter la dégradation du milieu;

– celles dont l’environnement est déjà «atteint» par l’industrie touristique, mais dont les modifications structurelles ne constituent pas un préjudice grave; aussi permettent-elles de remédier aux excès ou d’endiguer ceux-ci; une analyse fine de l’évolution des processus d’occupation du sol contribue à la connaissance des effets perturbateurs de l’espace;

– celles sur lesquelles les dégradations écologiques de toute nature ont atteint un degré de saturation tel que les nuisances demeurent quasi définitives; elles témoignent d’une surconsommation touristique qui a conduit à des points de non-retour paysager ou biologique. L’observation approfondie de leur façonnement permet de mieux comprendre les mécanismes de formation des seuils critiques.

La surchage spatiale peut mettre en cause à son tour l’identité du milieu socioculturel. La disparition de la cohésion sociale traditionnelle, l’affaiblissement des valeurs locales rendent le territoire vulnérable aux influences extérieures. La fragilisation est renforcée par une banalisation culturelle appuyée sur des structures de dépendance exogène très fortes. De la dépendance alimentaire à la dépendance professionnelle, le tourisme international conduit parfois à une certaine aliénation ethnique. L’importation du modèle occidental implique la coordination de l’ensemble des moyens de communication sociale disponibles sur place en vue du conditionnement général. En fin de compte, le tourisme apparaît comme une solution salutaire; tout ce qu’il nécessite devra être accordé: espace, consensus social, disponibilité psychique.

Les problèmes soulevés sont particulièrement importants dans les pays en développement, où l’on distingue trois types de réalisations:

– l’espace touristique «enclavé» dans son milieu d’accueil, avec une connotation coloniale, peu maîtrisée, spéculative, ségrégative, peu respectueuse de ce qui pourrait constituer le support autochtone;

– le «ghetto» touristique, qui comporte plusieurs niveaux allant de l’établissement simple au complexe d’installations, puis à l’unité allant jusqu’à constituer un quartier, ensuite à la station et finalement à l’île ou à la région;

– le tourisme intégré, qui est une formule plus souple, progressive et diffuse; il donne naissance à des conceptions dispersées ou fragmentaires (Antilles, Sri Lanka, Inde, Bali, Tanzanie) ou à des formules groupées et spectaculairement mises en avant (Basse-Casamance sénégalaise...).

Les acteurs déterminants

Touristes et vendeurs de tourisme se sont particulièrement multipliés au cours des dernières décennies, rendant l’offre relativement complexe. Si les hôteliers, restaurateurs, syndicats d’initiative, offices de tourisme, responsables d’équipements de loisirs demeurent des interlocuteurs et acteurs privilégiés sur le marché touristique, assurant les contacts directs avec la clientèle, sous-tendant l’accueil et l’animation dans les stations par une collaboration plus ou moins réussie, de très nombreux partenaires, peu ou prou perceptibles sur place, gravitent désormais autour de l’organisation touristique. Le marché est en effet pris en charge par des firmes et institutions d’autant plus efficaces que leurs ramifications continentales et mondiales s’avèrent déterminantes dans le déclenchement de flux annuels massifs.

Fondés sur des modèles de développement commercial qui concourent à définir leur politique et leurs techniques de marketing, ces organismes prospectent systématiquement les potentialités offertes, tiennent compte des profils de clientèle, des produits demandés et des ressources disponibles, des phénomènes concurrentiels, pour élaborer une politique de commercialisation adaptée aux exigences tant des pays d’émission que des secteurs d’accueil touristique. Ils s’orientent de façon permanente vers les nouveaux «créneaux» souhaités par des vacanciers dont les motivations sont très variables d’une période à l’autre; ils scrutent constamment les signes parfois peu visibles du changement des mentalités en vue des réorientations indispensables, sous peine de régression. Le renouvellement des générations, la transformation des mentalités vacancières, plus rapide que celle qui est tributaire de la vie quotidienne courante, exige une mise à jour régulière et exclut tout laxisme dans l’offre. Le tourisme est, avec la haute technologie, le domaine contemporain le plus axé sur la fluidité: les comportements changent en général tous les ans, ce qui nécessite une adaptation continue.

L’une des caractéristiques les plus éclatantes de cette mutation est la montée rapide des «voyagistes» depuis les années cinquante. Insignifiantes encore en 1950, ces entreprises sont dorénavant prospères. Au sommet se placent les tour-operators, qui conçoivent des séjours ou des circuits, prennent langue avec les firmes de transport et les auxiliaires de transport, concluent des accords avec les propriétaires ou gérants d’hébergement et de restaurant, contactent les institutions de loisirs, bref organisent la totalité d’une saison de vacances soit pour les individus, soit pour les groupes, soit pour les responsables de stations touristiques ou d’équipements d’accueil. Il vendent ainsi des forfaits complets, les «packages», et permettent à tout un chacun de se déplacer au loin avec la garantie d’une assistance complète dans tous les domaines, y compris médical: le rapatriement sanitaire est prévu moyennant une assurance complémentaire.

Les tour-operators

Parallèlement aux lignes aériennes régulières, les tour-operators ont déclenché le mouvement de la «charterisation»: en saison, des avions spécifiquement affrétés pour l’acheminement occasionnel des touristes, les charters, sillonnent le ciel; de plus en plus nombreux, ils font concurrence aux lignes régulières. Air Havas, par exemple, filiale de Havas Tourisme, a annoncé en novembre 1987 qu’elle était chargée de vendre les vols de la compagnie de charters Minerve dans l’océan Indien, entre la France métropolitaine et l’île de la Réunion, par le truchement des 275 agences de voyages du groupe. En septembre 1987, cinq des principales agences de voyages de la Réunion se sont associées pour commercialiser – dans le sens Réunion-Paris – les vols charters lancés par la compagnie Minerve et le tour-operator Nouvelles Frontières. Dès le 3 janvier 1988, ces agences réunionnaises – constituées en société sous la dénomination de GSA – ont pris à leur compte l’ensemble des affrétements; de son côté, Air Havas vend les billets de Minerve en métropole.

En octobre 1987, le président-directeur général de Nouvelles Frontières a annoncé la création d’une nouvelle filiale, appelée Nouvelles Frontière Aviation, réalisant l’intégration complète de son groupe au secteur touristique, celui-ci comprenant le tour-operator, les agences de voyages, les avions et les hôtels. Nouvelles Frontières a loué pour une durée de deux ans un Boeing 747-200 de 460 sièges à la compagnie libanaise Middle East Airways (M.E.A.), avant de le sous-louer à Corse Air International aux fins d’exploitation.

Les agences de voyages, intégrées ou non aux tour-operators, forment un tissu extrêmement utile pour la diffusion spatiale de l’offre des tour-operators auxquels elles se réfèrent pour satisfaire leurs clients. À la fin des années quatre-vingt, plus de 20 000 personnes sont occupées en France par les agences de voyages, en dépit de l’informatisation; en Islande, elles sont 300 environ, contre un millier engagées dans l’hôtellerie. Mais l’importance des tour-operators s’amplifie rapidement: Nouvelles Frontières atteint une clientèle de près de 600 000 personnes, contre près de 400 000 en 1984; son effectif permanent avoisine 400 employés et son chiffre d’affaires approche les 2 milliards de francs. 70 p. 100 du marché mondial des vacances sont gérés par les 18 tour-operators les plus marquants. Une firme telle que Thomas Cook, la première par la taille, étend son influence sur plus de 150 établissements. La seule Association of British Travel Agents (A.B.T.A.) regroupe 600 tour-operators, parmi lesquels 230 sont aussi agents de voyages; elle comprend en outre environ 2 500 agences de voyages proprement dites qui totalisent près de 5 450 offices, soit plus de 90 p. 100 de l’ensemble des bureaux britanniques.

De véritables empires de multinationales du tourisme-loisirs ont pu se créer et se développer. Le Club Méditerranée en est un, lancé par Gérard Blitz, fils d’un diamantaire d’Anvers, repris et consolidé par Gilbert Trigano. Celui-ci est devenu le véritable réalisateur du projet en 1950, au moment de la montée de Saint-Tropez appuyée sur la célébrité de Brigitte Bardot. Avec l’idée du bonheur en tant que produit commercial, le Club ne s’adresse pas seulement aux clients fortunés; il tient compte des turbulences d’un monde stressé et de la recherche de moments considérés comme paradisiaques, tout en se fondant sur la promotion des actes élémentaires de la vie: manger, boire, dormir, jouer, se reposer, aimer. En quelques jours ou quelques semaines, il procure un optimum de sensations d’épanouissement. Son succès est éclatant: il dispose de plus d’une centaine de villages installés dans vingt-quatre pays; il gère également une soixantaine de résidences et une dizaine d’hôtels. Avec plus d’un million d’adhérents appelés G. M. (gentils membres) et 6 000 animateurs nommés G. O. (gentils organisateurs), il est encadré par 2 000 administratifs.

Les voyages organisés constituent actuellement l’essentiel des flux touristiques à longue distance; les déplacements de moins de 500 kilomètres demeurent l’apanage de l’initiative individuelle. Sur un marché aussi encadré que celui de la république fédérale d’Allemagne, moins de 16 tour-operators se sont emparés des deux tiers des flux de vacanciers, avec plus de 6 millions de clients et un chiffre d’affaires global d’environ 6 milliards de deutsche Mark; près des deux tiers des bénéficiaires de congés ont pris l’avion (tabl. 1) et près d’un sixième d’entre eux se déplacent en voiture automobile. L’éventail des prix moyens par «fabricant» de voyage, très large, varie de 1 à 7, témoignant de la présence de multiples catégories de vacanciers.

L’industrie

L’industrie de production de matériels et d’équipements touristiques est, bien entendu, stimulée par la croissance des besoins. Elle constitue un acteur de premier ordre, quoique quelque peu en retrait par rapport aux partenaires précédents. Elle entraîne toutefois l’apparition de technologies qui bouleversent périodiquement les données de l’échiquier. Elle «sponsorise» les compétitions marquantes, internationales, nationales ou régionales. Elle conclut des accords avec les firmes de tourisme proprement dites – tour-operators, transporteurs... – et les stations d’accueil. Certains pays se sont spécialisés dans des branches bien précises: l’Autriche par exemple pour ce qui est des matériels et équipements de sports d’hiver; récemment encore – en 1987 –, après avoir fait ses preuves durant des décennies avec un alliage d’aluminium, l’industrie autrichienne du ski a mis au point un alliage de métaux légers, le Titanal; la S.A. Austria Metall offre au très bon skieur une sécurité renforcée dans des situations extrêmes; elle donne aussi des impulsions nouvelles au ski de compétition international. La même année, des spécialistes chinois du tourisme sont venus en Autriche étudier le know-how (savoir-faire) de cet État. Depuis le début des années quatre-vingt, le «ski sur une planche» concurrence les pratiques habituelles; l’industrie autrichienne diversifie les modèles tels que le snowboard, le swingbo ou le monoski. En peu de temps, des écoles ont été créées pour apprendre les disciplines sportives qui viennent de naître: une soixantaine de stations de sports d’hiver forment déjà les monoskieurs en herbe; une cinquantaine enseignent la pratique du monoski, une quarantaine initient au swingbo.

L’industrie touristique est épaulée par un nombre croissant d’écoles professionnelles conduisant aux métiers indispensables au déploiement efficace de ce secteur économique (tabl. 2). Les établissements de formation les plus prestigieux sont localisés dans les principaux États pionniers en matière touristique: Suisse, Grande-Bretagne, États-Unis surtout. L’école hôtelière de Lausanne s’est acquis une réputation mondiale: école officielle de la société suisse des hôteliers (S.S.H.), dotée de structures autonomes, elle est un institut d’enseignement technique supérieur au service de l’hôtellerie et de la restauration; ses diplômés sont dispersés un peu partout dans le monde et renforcent la cohésion de l’institution dans tous les types d’entreprises: plus de 5 000 anciens élèves sont recensés au fichier de l’école; celle-ci compte plus de 500 étudiants dans ses trois sections qui exigent respectivement 7,4 et 4 semestres de formation.

Les manifestations publiques

Les professionnels du tourisme sont regroupés dans des fédérations nationales et internationales. Ces organismes éditent des revues, participent aux instances publiques chargées de légiférer ou de prendre position sur les questions touristiques. Les États et leurs collectivités régionales, voire locales, sont aussi de plus en plus parties prenantes en matière de tourisme, celui-ci constituant un apport de devises substantiel et prolongeant les réalisations sociales en cours.

Des manifestations spectaculaires périodiques renforcent le jeu des acteurs évoqués ci-dessus. Les jeux Olympiques rappellent tous les quatre ans, en hiver comme en été, l’intérêt du loisir dans l’existence sociale; ils contribuent à promouvoir des ensembles de stations touristiques par les aménagements préalables qu’ils occasionnent et par le retentissement des cérémonies auxquelles ils donnent lieu. Ils participent aussi au renouveau architectural qui marque les grands moments des pratiques touristiques, tout comme les expositions universelles rythment l’évolution des comportements. Piscines et tremplins de saut à ski olympiques, stades répondant aux mêmes normes, complexes de loisirs ou palais de spectacles accélèrent l’innovation et déclenchent des initiatives audacieuses en génie civil. Le Saddledome se découpant dans le ciel de Calgary pour les jeux d’hiver de 1988 au Canada est destiné à servir de point de mire à la fois sportif (compétitions de hockey sur glace et de patinage) et urbanistique. L’anneau de 400 mètres, sur le campus de l’université de Calgary, est le premier anneau de patinage de vitesse complètement couvert en Amérique du Nord. La piste de bobsleigh et de luge du parc olympique Canada est la plus perfectionnée au monde du point de vue technologique; plus de 100 km de canalisations assurent une réfrigération jusqu’à 漣 20 0C; le système d’éclairage permet aux athlètes de s’entraîner même la nuit.

Le partenariat

Si la partie commerciale du tourisme a pris des proportions considérables, la facette proprement sociale s’est également amplifiée depuis les années soixante, dans les pays industrialisés principalement. À la faveur des possibilités octroyées par la législation élaborée à cet effet, les firmes et les comités d’entreprise se sont insérés dans le mouvement en cours pour créer des maisons de vacances, voire des villages entiers permettant à leurs effectifs de passer leur temps de congé à coût modéré sous des climats agréables. En liaison avec les administrations publiques, qui accordent des primes de séjour aux familles, les comités d’entreprise prennent langue avec les tour-operators pour déceler les déplacements – séjours ou circuits – les plus économiques et néanmoins attractifs; le recours aux charters constitue une formule habituelle du tourisme social. Les associations de jeunes, les organismes socioculturels de toute nature suivent l’exemple donné et favorisent l’éclosion de tour-operators qui, sans négliger le profit, ont compris l’intérêt croissant des acteurs sociaux.

Alors que dans certains États pionniers du tourisme la symbiose entre les partenaires privés et publics est très favorable à l’expansion – en Suisse, en Autriche et en R.F.A. entre autres –, de nombreux gouvernements s’empressent d’accélérer l’évolution et de mettre en place les outils destinés à promouvoir le tourisme. Le Japon, qui pendant longtemps n’a accordé son attention qu’au tourisme thermal, s’est lancé depuis le milieu des années soixante dans l’édification d’un secteur récréatif appelé à drainer yens et devises étrangères. En France, le secrétaire d’État au Tourisme a créé, en 1986, une institution – la Maison de la France – chargée de promouvoir systématiquement le pays à l’étranger, d’analyser les marchés, de fédérer et de coordonner les efforts et les initiatives des collectivités territoriales ainsi que du secteur privé, en vue de constituer une véritable force de compétition apte à rivaliser avec les autres États du globe. La Maison de la France dispose pour cela du plan marketing: celui-ci offre une vision claire des marchés par une analyse de leurs économies touristiques, de la place de la France et de ses potentialités; il définit une stratégie qui fixe les priorités générales, ainsi que celles qui sont à établir pays par pays; il propose pour chaque marché une série d’actions auxquelles partenaires publics et privés sont invités à s’associer. L’équipe parisienne comprend, outre la direction du marketing, celles de la promotion, de l’édition et de la publicité, un service d’accueil et une mission informatique; elle est épaulée par environ 200 personnes représentant la Maison dans une quarantaine de bureaux à l’étranger, implantés dans les principales villes d’Europe, d’Amérique, d’Asie et du Pacifique.

Le tableau des partenaires du tourisme en présence serait cependant bien incomplet si l’on n’évoquait le rôle déterminant joué par la recherche fondamentale et appliquée, de même que par les bureaux d’étude. La connaissance du milieu et l’analyse des problèmes posés sont confiées aux scientifiques qui ont le recul indispensable, mais qui doivent à tout moment entretenir des relations étroites avec les professionnels. L’osmose entre les divers types de recherche, depuis la recherche fondamentale jusqu’aux études opérationnelles, est donc particulièrement souhaitable. L’expérience montre d’ailleurs que les États touristiques d’avant-garde disposent aussi d’une structure d’observation solidement articulée; ce sont la Suisse, la R.F.A et l’Autriche ou les Pays-Bas, suivis désormais par la France et les États-Unis. L’approche pluridisciplinaire est indispensable pour saisir à fond la situation et la problématique soulevée. Des méthodologies spéciales, des études systématiques et la modélisation sont nécessaires pour déboucher sur des propositions concrètes. Un peu partout, des colloques réunissent maintenant les spécialistes – théoriciens et praticiens –, sur un plan régional, national ou international. Un certain nombre de revues scientifiques posent les questions de fond. Un trait d’union entre les professionnels du tourisme et les chercheurs est représenté par les journalistes du tourisme, souvent pourvus de diplômes spécifiques; ils associent dans leurs évaluations les impératifs scientifiques et les nécessités pratiques.

La publicité

Parmi les acteurs du tourisme figure un élément de plus en plus important, parfois de plus en plus envahissant: la publicité. Elle s’est taillé un rôle considérable dans l’économie touristique. Ne s’agit-il pas de créer un dépaysement de plus en plus complet ou de mettre en garde contre cet isolement face aux problèmes quotidiens? Dans les deux cas, les moyens à mettre en œuvre pour soulever l’adhésion du plus grand nombre sont gigantesques. Il est toutefois plus facile de réunir les capitaux nécessaires à la publicité courante. Il existe un vocable pour définir cet engouement pour le jamais vu ou le jamais fait: le mot nowhere qui, chez les voyagistes américains spécialisés en haute gamme, désigne ce qui peut encore faire rêver celui qui a tout vu. Les tour-operators continuent donc à rivaliser d’imagination, au prix fort.

Sur cette «route vers l’impossible», la publicité est reine. Il faut que les riches sachent que les plus beaux bateaux du monde sont amarrés dans les Caraïbes ou sur les rives de la Méditerranée. Sans la publicité, on ne saurait pas qu’il est possible de louer son île, déserte ou pas, pour soi tout seul, aux Antilles, pour à peine 15 000 francs par semaine. C’est encore elle qui rend attentif à une atmosphère rétro à la façon de l’Orient Express de jadis dans l’Andalou-Express et le train des Maharadjahs. On peut découvrir les châteaux de Chambord ou d’Azay-le Rideau en hélicoptère ou en limousine avec chauffeur. Déjà, l’inaccessible est proposé par Society Expeditions, un tour-operator américain, qui, moyennant 5 000 dollars d’arrhes, inscrit les amateurs sur une liste d’attente en vue d’un périple de trois jours dans l’espace à bord de la première navette spatiale commerciale en 1992.

La publicité ne se manifeste cependant pas essentiellement en faveur de l’insolite. Elle sert d’outil quotidien et permanent à toutes les formes de tourisme. Elle répond à des normes et obéit à des exigences de rentabilisation économique. Elle s’appuie sur des études de motivation et sur des enquêtes destinées à évaluer l’utilité relative des livres supports médiatiques, qu’ils soient matériels, comme les dépliants, guides ou cartes, ou immatériels comme le bouche-à-oreille ou l’accueil. Elle vise à mettre en relief les produits qui, à présent, l’emportent sur la notion géographique de région. Elle renforce la notoriété et l’image de marque. Presse écrite et presse parlée ou audiovisuelle, systèmes de communication câblés lui donnent une dimension insoupçonnée précédemment. Ces moyens de communication sociale assurent une présence constante de la publicité dans les foyers, sur les lieux de travail ou de loisirs, dans la rue, aux points de vente. Si l’on conçoit la communication comme un outil stratégique au service d’un développement et un pont entre un produit et une clientèle, elle permet d’identifier la dynamique sociale qui anime les consommateurs en matière touristique et influence la demande. Par le truchement de la promotion, la communication rapproche le produit touristique de la clientèle. Face à la concurrence de plus en plus aiguë, elle facilite le recours aux mêmes méthodes que celles qui sont en usage dans l’industrie. Elle facilite la connaissance du marché, le choix des produits et la coordination des actions. Elle seule est apte à élaborer une méthodologie et un programme de campagne publicitaire conformes aux besoins précis des acteurs du tourisme en lice.

3. L’aménagement

La publicité ne saurait toutefois résoudre les problèmes posés, la communication non plus; ce sont des techniques au service du tourisme. Celui-ci, pour répondre aux véritables finalités humaines et économiques, est tributaire d’une organisation concertée de l’espace. L’aménagement du territoire peut réduire l’omnipotence des impératifs commerciaux et faciliter la maîtrise des forces qui se répartissent les atouts. Il doit tenir compte du cadre socioculturel à l’intérieur duquel le tourisme s’est développé. En Inde et dans de nombreux pays arabes, l’origine du tourisme national et international remonte aux pèlerinages. La station moderne de Pattaya, près de Bangkok, qui a connu une extraordinaire croissance en une quinzaine d’années, jusqu’à occuper le deuxième rang en matière touristique après la capitale de la Thaïlande, n’était au départ qu’un petit village de pêcheurs. L’influence des acteurs de l’offre touristique est donc considérable. Elle peut aboutir à des distorsions spatiales et sociales si la maîtrise des opérations n’est pas assurée suffisamment pour les pouvoirs publics. Il convient donc de soumettre le déploiement touristique à une politique fondée sur des choix qui s’appuient sur le consensus des diverses parties prenantes. La «base» touristique est appelée à prendre en compte les impératifs physiques, culturels et sociaux. Elle ne saurait s’imposer d’elle-même et perturber ainsi le milieu ambiant sans dommage pour chacun des partenaires; à moyen ou à long terme, les opérateurs même du tourisme international de haut rendement sont victimes de leurs excès, parce qu’ils ont supprimé parfois de façon désinvolte une symbiose entre l’homme et la nature élaborée et entretenue durant des siècles ou des millénaires. On n’arrache pas impunément des pans de littoral sans susciter des réactions, parfois violentes, de la part des courants marins; le dépérissement de la vie villageoise est une perte de capital socioculturel; les décennies depuis 1960 ont été particulièrement significatives des dégâts qu’une progression intempestive du tourisme a pu causer au milieu d’origine. Alors que le tourisme induit pour les usagers de courtes séquences d’évasion, le milieu d’origine vit son cycle normal. Le contraste suscité entre ces deux rythmes exige une minutieuse observation des règles de fonctionnement écologique, naturel et humain. Il conduit à la recherche de formules de concertation qui sont d’autant plus indispensables que les moyens dont disposent les acteurs de l’offre à l’heure actuelle sont puissants. L’analyse des nuisances provoquées par les excès touristiques fait apparaître, dans un premier temps, l’importance présente des partis d’aménagement.

Déjà, lors de la période pionnière du tourisme, un certain nombre d’initiatives considérées alors comme bénignes ont contribué à fragiliser la végétation. Lors de la construction, à la fin du XIXe siècle, de l’axe urbain de Cannes-Le Cannet appelé boulevard Carnot, les entreprises ont décapé jusqu’à trois ou quatre mètres de sol; au moment des plantations d’arbres, dans le jardin du square Carnot notamment, la pauvreté de la terre restante n’a pas permis une poussée végétative vigoureuse; actuellement, les arbres du square ne sont pas aussi forts ni aussi hauts que ceux des alentours qui ont bénéficié du maintien en place du sol arable.

Il s’agit là, bien entendu, d’un cas relativement mineur, si on le compare aux puissants moyens de destruction mis au point depuis lors. Pour élargir le premier aéroport touristique de France, celui de Nice, et donner à Monaco la possibilité d’étendre son aire d’accueil foncière en direction de la mer, des collines entières du proche arrière-pays ont été rasées. Jusque vers 1975-1976, la plupart des hôtels et équipements littoraux destinés au tourisme international dans les pays en développement furent «aménagés» sans étude systématique préalable, ni climatologique, ni hydrologique ou morphologique. À Ouagadougou, entre autres, on a pu construire un complexe hôtelier appartenant à une chaîne internationale, le Silmandé, sans tenir compte des dangers d’inondation pourtant fréquents de la cuvette qui se transforme alors en ceinture d’eau rendant l’accès à l’hôtel difficile.

La prise de conscience

Les enquêtes menées donnent un aperçu dramatique de la situation faite aux pays en voie de développement (P.V.D.) en matière d’occupation du sol: à peine 8 à 9 p. 100 des cas concernés permettent d’affirmer que la population locale a été vraiment consultée en vue d’une décision qui tienne compte des vœux exprimés; lorsqu’il y a eu consultation, celle-ci n’a pratiquement jamais porté sur l’éventualité d’un refus de la part des indigènes; il n’était pas question de choisir entre l’apport touristique ségrégatif et des formules d’intégration au milieu ambiant. Sauf dans quelques rares situations vraiment conflictuelles, suscitées par des tendances associatives récentes, les décisions prises à l’extérieur et avalisées par les autorités nationales ou locales ont eu un caractère autoritaire; les statistiques sont éloquentes, les 91 à 92 p. 100 des cas signalés par la séquence de 1972 à 1985 comme ayant été réalisés sans l’assentiment des habitants intéressés se répartissent de la façon suivante:

– 63 p. 100 d’entre eux ont été le résultat d’une simple tractation entre la poignée de sociétés transnationales qui contrôlent la majorité des chaînes d’hôtels, des services de transport et des activités commerciales s’y rattachant, d’une part, et les autorités nationales, régionales ou locales concernées d’autre part, sans aucune enquête préalable d’utilité publique quelque peu sérieuse;

– 28 p. 100 d’entre eux ont été soumis, surtout depuis 1977-1978, à une étude d’aménagement impliquant une analyse d’impact plus ou moins approfondie;

– 9 p. 100 des projets seulement ont été remaniés de façon notoire au détriment des visées de leurs promoteurs, et cela presque exclusivement depuis 1979-1980.

Au cours des années quatre-vingt, néanmoins, le mouvement associatif, la discussion politique – lorsqu’elle existe –, les universitaires et la presse ont contribué à sensibiliser la population locale ou ses représentants aux dangers du tourisme sauvage. Ce changement a d’ailleurs perturbé l’ancien schéma de relations qui a conduit à l’obtention du feu vert administratif: les contacts directs entre puissances en présence – firmes étrangères et pouvoir local –, fondés sur des repas d’affaires, des parties de plaisance ou de chasse, des promotions familiales diverses ou des pots-de-vin, très courants et efficaces jusque dans les années soixante-dix, ont été remplacés, au moins partiellement, par des procédures administratives plus proches, au moins en théorie, des exigences du respect de l’environnement. De 1977-1978 à 1985, près des deux tiers des décisions finales dans les P.V.D. se sont appuyées sur des enquêtes administratives préalables, en rapport avec des directives publiques d’aménagement alors qu’auparavant ces investigations étaient très limitées et n’avaient lieu que dans à peine un cinquième des cas.

La part prise par les appareils des firmes privées demeure néanmoins déterminante, d’autant plus que les spécialistes de l’administration abondent encore souvent dans le sens d’une conception de rentabilisation économique à l’occidentale. Des expériences telles que celles qui ont été menées en Casamance dans l’optique d’un tourisme intégré au milieu quotidien local demeurent très isolées. Il est vrai, toutefois, que bon nombre d’États ont introduit au moins le principe de la maîtrise et de l’arbitrage en matière d’aménagement touristique, freinant les initiatives intempestives d’ordre international. Des chartes à vocation mondiale ou continentale sont venues renforcer les mises en garde et proposer des voies empreintes de sagesse et de modération: charte européenne de l’aménagement du territoire, convention relative au patrimoine mondial, déclaration de Manille à l’initiative de l’Organisation mondiale du tourisme créée en 1975. La déclaration de Manille (1980) sur le tourisme mondial comporte notamment les trois affirmations suivantes:

– «Dans la recherche universelle entreprise en vue de l’établissement d’un nouvel ordre économique international, le tourisme est capable, dans des conditions appropriées, de jouer un rôle positif d’équilibre, de coopération, de compréhension mutuelle et de solidarité entre tous les pays.»

– «Les ressources touristiques dont disposent les pays sont faites à la fois d’espace, de biens et de valeurs. Il s’agit là de ressources dont l’emploi ne peut être laissé à une utilisation incontrôlée sans courir le risque de leur dégradation, voire de leur destruction. La satisfaction des besoins touristiques ne doit pas porter atteinte aux intérêts sociaux et économiques des populations des régions touristiques, à l’environnement, particulièrement aux ressources naturelles, attrait essentiel du tourisme, ni aux sites historiques et culturels. Toutes les ressources touristiques appartiennent au patrimoine de l’humanité...»

– «Dans la pratique du tourisme, les éléments spirituels doivent l’emporter sur les éléments techniques et matériels. Ces éléments spirituels sont fondamentalement les suivants: a ) le plein épanouissement de la personne humaine; b ) une contribution sans cesse accrue à l’éducation; c ) l’égalité de destin des peuples; d ) la libération de l’homme dans le respect de son identité et de sa dignité; e ) l’affirmation de l’originalité des cultures et le respect du patrimoine moral des peuples.»

Précédemment, le Bureau international du tourisme social (B.I.T.S.) avait précisé que: «Le tourisme fait partie intégrante de la vie sociale contemporaine [...]. Il traduit une volonté d’épanouissement physique de l’homme. La liberté d’accès au tourisme ne peut dédouaner la société industrielle de l’aliénation par le travail [...]. Le tourisme doit échapper à la malédiction du profit.»

Modèles et indices

Les garde-fous se sont ainsi multipliés en vue de canaliser les initiatives et de discipliner les acteurs aux intérêts contradictoires. Planification et aménagement sont intervenus pour introduire des règles du jeu: il ne fallait pas seulement mettre de l’ordre dans la programmation des opérations juridiques et techniques mais faire participer les divers acteurs à un processus de définition des buts à atteindre par le tourisme dans le cadre de l’évolution d’ensemble de la société concernée. Pendant longtemps, le Canada a servi de modèle dans ce domaine: dans ce pays, le public participe étroitement à l’élaboration des décisions par les auditions qui lui sont accordées, par l’information de niveau élevé qui lui est fournie et par l’association de la presse au débat. On a vite constaté qu’il ne suffisait pas de planifier ou d’aménager, mais que dans bien des situations il fallait protéger, parfois vigoureusement: tels les littoraux ou la montagne fragilisés, la faune et la flore menacées, le patrimoine méprisé. On a créé des parcs régionaux ou nationaux, des réserves naturelles, des conservatoires de paysages naturels et humanisés. On a endigué la pénétration de la montagne et l’envahissement du bord de mer par la mise en place de stations dont les générations successives témoignèrent à la fois d’échecs et de la constante recherche de formules mieux adaptées aux exigences du milieu et à la pression des besoins. Ailleurs, il s’agissait de veiller aux importants changements de structure dans la composition du patrimoine foncier, consécutifs aux investissements étrangers dans des régions récemment promues par le tourisme, tel le Languedoc-Roussillon.

Pour mesurer quantitativement l’impact du tourisme et procéder à des comparaisons, les spécialistes ont recours à des ratios. Ainsi le taux de fonction touristique (nombre de lits/population d’accueil) est révélateur du niveau de l’hébergement, davantage que de la seule fréquentation des touristes. L’indice spatial de fréquentation touristique (I.S.F.T.) est le résultat du rapport entre le nombre de touristes et la superficie de la commune ou de la station; il est calculé pour une année, une période ou une saison et il complète le taux de fonction touristique. Il est particulièrement élevé sur la côte d’Azur, allant jusqu’à 250 touristes par hectare et par an, jusqu’à plus de 500 touristes l’été en moyenne pour les grandes villes telles que Cannes, Nice ou Menton. L’I.S.F.T. est un critère révélateur de l’intensité de la fréquentation ou de la pression touristique sur un espace: il révèle que les plages de Marbella ou de Rimini accueillent l’été chacune plus de 1 000 touristes, alors que les plages corses ou sardes en reçoivent moins de 100.

Le rôle des collectivités locales

Stations et communes

Les collectivités locales, sensibilisées aux nécessités d’aménagement, considérant aussi de façon croissante le tourisme comme une activité économique à part entière, sont confortées dans leur attitude par les administrations centrales. En 1987, par exemple, la direction générale française des collectivités locales précise que «le tourisme apparaît plus comme une source de prospérité qu’un motif d’inquiétude», faisant allusion à une pression fiscale plus modérée et à une remontée des investissements au-dessus de la moyenne. Les communes avisées fédèrent dorénavant autour d’objectifs communs les initiatives des divers partenaires économiques. Elles interviennent dans l’activité touristique par leurs investissements en matière d’équipements sportifs, récréatifs et culturels. Les élus prennent conscience de la place privilégiée occupée par la commune dans le fonctionnement général du tourisme et souhaitent bénéficier d’une maîtrise certaine du développement de ce secteur, reconnaissant aux activités elles-mêmes la nécessité d’un grand professionnalisme. Les collectivités locales deviennent ainsi des lieux d’élaboration de plans et de politiques de stations touristiques assurant la promotion et la mise en marché, l’animation et l’accueil, la gestion technique des équipements et hébergements publics. Elles disposent à cet effet de trois types principaux d’orientations parfaitement résumés dans Les Cahiers d’espaces (Paris, juill. 1987):

– dans le premier cas, la station est gérée entièrement par une entreprise privée, alors que les besoins collectifs sont à la charge de la commune; les situations conflictuelles entre le partenaire privé et la collectivité locale ne sont pas exclues;

– une deuxième formule consiste à regrouper au sein d’un G.I.E. (groupement d’intérêt économique) ou d’une association les partenaires privés; l’absence d’un acteur d’entraînement reconnu par tous constitue cependant un sérieux handicap dans la mesure où il faut amener les membres privés ou associatifs à jouer vraiment un jeu commun;

– selon une autre variante, la commune devient elle-même le véritable partenaire fédérateur des initiatives en tant que représentant de l’intérêt collectif.

Le suivi de l’aménagement implique également des méthodes de gestion appropriées au profil des stations. Très souvent, la gestion est éclatée, les structures et les partenaires l’étant eux-mêmes, qu’ils soient privés ou publics. Cette pratique, très répandue dans les stations littorales, est parfois suffisante en haute saison; elle ne saurait l’être durant les autres périodes. C’est la raison pour laquelle la station aux structures dispersées vise à rechercher des coordinations entre les partenaires, à désigner l’un ou l’autre élément moteur et à accroître les moyens nécessaires à une meilleur cohérence; cette méthode, appelée gestion dynamique, implique le regroupement autour d’un projet, d’une stratégie ou d’un programme portant à la fois sur les produits touristiques et l’image de marque de la station, étant bien entendu qu’il n’est désormais plus possible d’œuvrer de façon isolée et qu’il convient de promouvoir les solidarités interstations. Les structures d’origine municipale s’avèrent être dans ce cas les plus adaptées et les plus fréquentes: associations, offices municipaux du tourisme, sociétés d’économie mixte; parfois, une entreprise privée ou un regroupement d’entreprises de type G.I.E. peut convenir. Dans cette réalisation, le «directeur de station» disparaît. Cette formule a le vent en poupe. C’est d’ailleurs dans les stations de ce genre que sont promus de nombreux contrats aux objectifs socio-économiques performants.

Fréquemment aussi les stations deviennent de véritables entreprises touristiques fondées sur deux catégories de fonctions:

– les fonctions de gestion proprement dites (équipements d’hébergement, de loisirs et d’animation);

– les fonctions d’accompagnement (promotion, animation, accueil, aide au montage et à la mise en marché des produits touristiques, information...).

Ce mode de gestion, appelé gestion intégrée, fut d’abord expérimenté dans la montagne française (Tignes, La Plagne...); il est étendu à d’autres types de communes et pris en charge par la municipalité, qui transforme la station en véritable entreprise communale.

Le rôle «politique» de la commune dans le développement touristique s’exprime grosso modo de l’une des quatre façons suivantes:

– Par l’intermédiaire du conseil municipal sont définis les objectifs touristiques en relation avec les structures locales, donnant la priorité aux projets de la population autochtone, arbitrant et maîtrisant le rythme des opérations. Selon les États et l’éventail des instruments juridiques disponibles, l’autorité communale peut envisager un simple accompagnement des initiatives locales ou intégrer la fonction de promoteur dans son comportement: lorsque celle-ci est directe, elle se manifeste indirectement par la constitution d’un lotissement, elle crée, par exemple en France, une zone d’aménagement concerté (Z.A.C.). Cette attitude très neutre, intellectuellement séduisante, cède toutefois le pas, la plupart du temps, à des comportements moins objectifs.

– En tant que groupe dominant, la municipalité peut s’engager directement dans la promotion touristique. Elle octroie alors des concessions, pratique une politique de Z.A.C.; elle assouplit les possibilités d’appropriation foncière par un P.O.S. (plan d’occupation des sols) peu contraignant; elle s’investit, pour répondre aux appétits spéculatifs, dans la réalisation d’infrastructures et d’équipements; au nom du service public, elle reprend des installations certes utiles à la collectivité, mais de rentabilité douteuse.

– Le maire peut aussi se considérer comme fondé de pouvoir de la communauté locale et se préoccuper en tant que tel de la rentabilisation du patrimoine de celle-ci, notamment du capital foncier. Il est à même de confier alors à un promoteur, par convention signée entre les deux parties, la réalisation d’équipements touristiques destinés à valoriser l’attractivité communale.

– Dans le cas où les responsables locaux n’ont pas de projet à formuler ou de moyens pour en assurer la concrétisation, des promoteurs extérieurs sont susceptibles d’exercer des pressions sur la municipalité, surtout si le site offre des atouts sérieux: la maîtrise des opérations risque d’échapper aux édiles, la commune ne constituant que le relais d’une opération technologique aux visées commerciales multiples.

L’action régionale

Au-delà de l’échelon communal ou intercommunal, les initiatives sont de plus en plus nombreuses dans le cadre d’une politique régionale définie en liaison avec les acteurs déterminants du tourisme. Les formules d’association sont très diverses: elles vont de la constitution de comités régionaux du tourisme à la prise en compte par un comité économique et social des propositions émanant des organisations spécialisées et des élus locaux, en vue de l’élaboration de directives ou d’un plan d’aménagement touristique. En France, chaque région dispose de telles projections, depuis le début des années soixante-dix au moins. Les documents les plus élaborés comportent les développements suivants: définition des objectifs à court, moyen et long terme; présentation d’un schéma directeur; analyse des structures en place et des potentialités offertes par elles, aménagements projetés ou souhaitables, appuyés sur les argumentations nécessaires; proposition d’une politique de produits; étude de la commercialisation de ceux-ci; établissement d’un plan de communication désormais partie intégrante de toute action touristique d’envergure; montages financiers et constitution d’un fonds de promotion; le cas échéant, création d’un observatoire du tourisme.

Les régions tendent ainsi à intéresser l’ensemble des partenaires à une action commune en faveur du tourisme, renforcer ce qui existe en corrigeant les déséquilibres, à maîtriser le développement, à jouer la diversité et la complémentarité des produits ou des clientèles, à dégager des forces d’entraînement appelées «locomotives» ou leaders, à améliorer le niveau de l’offre et celui des clientèles.

Les séminaires régionaux de réflexion, d’information et de formation sont d’une importance capitale. Réunissant les principaux responsables, ils mettent les praticiens du tourisme au courant des modifications, voire des mutations aux signes parfois encore peu visibles ou perceptibles; des conditions des changements intervenus ou en cours (comportements et aspirations des usagers, suggestions pour l’affermissement du marché); des nouvelles techniques de gestion, des modèles performants en matière d’équipements, des sources de crédit et d’aides; des formules d’association intercommunale ou interrégionale à promouvoir.

Dans les pays en développement, les plans régionaux se multiplient également compte tenu des enjeux. À Bali, par exemple, île sollicitée de façon croissante par le tourisme international, le gouvernement indonésien, suivant en cela les recommandations de la Banque mondiale, a commandé la préparation d’un schéma directeur pour le développement du tourisme à des consultants étrangers, français notamment. Ce rapport, publié en 1971, a permis de concrétiser un certain nombre d’objectifs: le tourisme a été promu au second rang des priorités économiques de la province, après l’agriculture vivrière, d’autant plus que le nombre de visiteurs étrangers, qui s’élevait à moins de 30 000 à la fin des années soixante, allait atteindre plus de 300 000 au début des années quatre-vingt. Pour réagir à ce que les autorités provinciales ont appelé en 1971 le «défi du tourisme», une politique du tourisme culturel a été élaborée et présentée comme l’expression de la volonté des Balinais de maîtriser une activité imposée de l’extérieur et répondant à des finalités étrangères. Il convenait de limiter les effets destructeurs du tourisme sur la communauté balinaise et sur sa culture.

L’évolution intervenue entre-temps révèle toutefois que le discours du tourisme culturel est loin de correspondre aux visées initialement fixées dans le schéma directeur: la confusion des valeurs culturelles à préserver et des valeurs économiques à rentabiliser est grande, comme celle qui existe entre les conceptions ambivalentes de patrimoine culturel à sauvegarder et de capital touristique à exploiter. Il ne suffit donc pas de disposer d’un plan de développement ou d’aménagement: les réalités quotidiennes du marché impliquent des risques auxquels il faut être initié et qu’il convient de contrecarrer le moment venu. Les intérêts en présence rendent cette tâche difficile, parce que la réussite touristique implique avant tout une réussite économique.

Ces ambiguïtés de fait s’inscrivent aussi dans les termes utilisés qui, selon le cas, ont davantage une connotation économique que culturelle, ou inversement: les mots de «valorisation», «restauration», «réhabilitation», «conservation» et, surtout, «promotion» reflètent le difficile exercice d’équilibre entre l’identité à préserver et l’indispensable mouvement à encourager.

La pratique de l’audit contribue à éclaircir les concepts et à faire le point. L’audit étant un diagnostic qui, comme tel, se doit d’être exécuté par des personnes à la fois compétentes et objectives, il débouche sur des propositions opérationnelles à partir d’une analyse fine. Il permet donc de juger en toute connaissance de cause et de vérifier dans quelle mesure les objectifs fixés sont respectés.

La part des États

Les nombreuses recherches entreprises depuis deux décennies et les organismes de conseil public mis en place constituent des garde-fous valables. Un certain nombre d’États ont également introduit des plans cadres facilitant aux régions leur insertion dans un cadre national, voire transfrontalier ou franchement international. La décentralisation et la régionalisation françaises aidant, les contrats de plan entre l’État et les régions impliquent un volet touristique dont l’importance est de plus en plus grande. Les négociations entreprises à cet effet facilitent les ajustements et les prises de conscience indispensables; elles affinent la notion d’intérêt public et relativisent celle d’impératifs locaux.

La discussion est désormais ouverte à cet échelon dans la plupart des pays du monde; elle demeure ardue et ne débouche pas nécessairement sur des solutions jugées satisfaisantes par les acteurs en lice. Même en Inde, où l’origine du tourisme réside dans les pèlerinages, le tourisme moderne doit ses débuts, en 1948, à la promotion gouvernementale; organisé systématiquement dès 1958 par la création d’un Département de tourisme et par l’Aviation civile, le VIe plan (1980-1985) a reconnu comme principal objectif touristique l’optimisation de la capacité touristique, ainsi que l’accroissement de la capacité d’hébergement; l’Himalaya et ses alentours ont été rendus plus accessibles, l’intérêt religieux des sites, leur valeur culturelle furent soutenus activement, si bien que le district de Srinagar accueille près de 2 millions de touristes par an, dont un tiers de touristes étrangers; les plaines de Varasani et d’Agra reçoivent chaque année environ 2,5 millions de visiteurs chacune, dont il est vrai une part importante – les touristes étrangers surtout – vont aussi à l’assaut des pentes de l’Himalaya. En dépit de ces débuts modestes, les conflits environnementaux ne cessent de se poser déjà: les bulldozers arrachent des pans de montagne ou de colline pour permettre la construction de routes et d’hôtels, au mépris des écosystèmes, de l’érosion ou des pratiques culturales. Compte tenu de l’expérience acquise ailleurs dans le monde, les scientifiques, les défenseurs des paysages, les administrateurs avisés peuvent présenter des propositions concrètes d’aménagement concerté. Il est vrai que les pressions économiques sont très fortes. Mais aucun arbitrage ne saurait être plus utile que celui des pouvoirs publics, nantis de surcroît du droit de réglementation. L’État demeure le recours suprême.

4. Marchés, chaînes et réseaux

Les liens multinationaux

Constamment influencé par l’innovation, parce que s’adressant, en vue de bénéfices substantiels, aux catégories les plus riches de la population, le tourisme international ne lésine ni sur les distances ni sur la vitesse ni sur les prix. Il exige par contre une parfaite organisation des séjours ou des circuits proposés aux amateurs d’exotisme. D’abord réservées aux privilégiés de la naissance, de la fortune ou des professions d’affaires, les formules de mobilité vacancière ont été étendues aux classes moyennes, voire modestes. Elles exigent nécessairement des ententes entre firmes de transport et tour-operators, organismes de crédit et d’assurance, industries de fabrication de matériels de loisirs ou d’engins de locomotion et stations de séjour; elles associent constamment hôtellerie et restauration aux efforts de regoupement ou de coordination. La concurrence aidant, les rivalités entre groupes ainsi constitués parfois en véritables empires s’aiguisent, renforcent les concentrations et conduisent à la recherche de solutions toujours plus performantes.

Participant au secteur tertiaire supérieur, ce tourisme de dimension mondiale exige une gestion exemplaire, une organisation complexe, des connexions aussi nombreuses que possible, un personnel d’encadrement multilingue et très stylé, apte à l’insertion rapide dans les situations les plus variées ou contradictoires.

Le principal atout, outre les caractéristiques que nous venons d’évoquer, est la connaissance approfondie des marchés sollicités ou envisagés. Marketing et informatisation favorisent les démarches, permettent de prospecter tant les pays d’accueil que les pays d’émission, de connaître la gamme des produits à proposer, d’élaborer les stratégies requises pour la conquête des clientèles et des aires de séjour. La tourismatique est un outil efficace qui interdit tout à-peu-près.

Les grandes métropoles mondiales sont particulièrement désignées pour une impulsion qui diffuse l’essentiel des modèles progressivement imposés par l’information sous ses formes diverses. La démarche touristique définie en fonction des lieux a été en grande partie remplacée par une politique de produits, les firmes et organismes de promotion touristique sont appelés à disposer d’observatoires permanents à résonance mondiale et à se regrouper pour faire face aux besoins de recherche et de compétition inhérents à cette nouvelle donne du marché. Il convient notamment de focaliser les efforts sur des marchés prioritaires et d’éviter la dispersion ou le saupoudrage. Il faut construire des parts de marché solides sur les marchés forts, en particulier ceux de proximité. Dans certains cas, il est utile de procéder à des reconquêtes dans les pays attractifs.

L’importance des métropoles

La synergie développée par les métropoles dans lesquelles se côtoient et se complètent les fonctions fondamentales du commandement interfirmes y fait naître les initiatives les plus audacieuses. L’essentiel des sièges des compagnies et institutions innovatrices est localisé dans les grandes agglomérations du globe. Les bourses de l’ingéniosité touristique ou leurs équivalents s’y développent. À Milan, par exemple, la B.I.T. (Bourse de l’ingéniosité touristique) a connu une progression rapide: ayant eu 32 000 visiteurs en 1981, elle en enregistre déjà plus de 100 000 en 1986; durant le même laps de temps, elle a doublé le nombre de visiteurs professionnels (4 634 en 1981 et 8 816 en 1986); de 249 en 1981, le nombre d’exposants a atteint 1914 en 1986. La surface d’exposition est passée de 11 500 m2 en 1981 à 65 000 m2 en 1986. Théâtre de conférences et de manifestations correspondant aux goûts et aux intérêts les plus variés, la B.I.T. offre un éventail très large et complet des potentialités: réservation électronique, management dans l’hôtellerie, recherche de marchés pour la construction de résidences secondaires, création de l’image dans la promotion touristique, rôle culturel du tourisme...

Depuis 1966, Berlin-Ouest dispose également de sa Bourse internationale du tourisme (I.T.B.-Berlin). Celle-ci a un triple but: servir de foire spécialisée en tant que support de l’industrie touristique mondiale; organiser des carrefours de rencontre, de réflexion et de commercialisation; ouvrir au public l’information et la documentation sur la mobilité touristique.

Avec 1 898 exposants, 121 entreprises et organisations de tourisme de 131 pays, 1 652 journalistes originaires de 62 pays, I.T.B.-Berlin est devenue, dès 1984, un gigantesque lieu de contact des responsables du tourisme. En une vingtaine d’années, la ville a réussi à se hisser au premier rang des foires touristiques mondiales, se détachant nettement d’autres places, telles que Bruxelles avec le Salon du tourisme, des vacances et des loisirs, Paris, avec le Salon mondial du tourisme, Vienne avec la Foire du tourisme, Lausanne, avec le Salon international du tourisme, et des pôles comme Londres, Copenhague, Milan, Barcelone, Madrid, Chicago, Montréal, Göteborg...

Le système touristique

L’impact

Toutes ces manifestations sont surtout provoquées par les grosses firmes à vocation multinationale qui détiennent l’essentiel des leviers de commande, tant dans la production des équipements que dans la vente de services. Elles facilitent l’exercice du pouvoir des grands groupes dominateurs qui, grâce aux chaînes suscitées par eux, réussissent plus facilement à imposer la standardisation des équipements des styles architecturaux voisins, des matériaux de construction en nombre réduit, des types de comportement et de gestion.

Le tourisme est ainsi envisagé comme un système. Selon Claude Kaspar, «l’évolution énorme du tourisme nous démontre de plus en plus la multitude des influences déterminant ce développement. Dès lors, il s’agit de trouver une méthode d’approche qui tienne compte des différentes interactions et qui permette de raisonner en termes de conception et de développement des phénomènes globaux». Réseaux et chaînes découlent de cette situation.

Les pays en développement sont les terrains de choix de l’emprise des grands groupes à l’affût de la moindre faiblesse là où d’intéressants marchés se dessinent. En Turquie, en Cappadoce, dans le village de Soganli, le tour-operator qui s’est emparé de l’économie touristique dirige en réalité l’économie même de la communauté villageoise: il a encouragé la formation d’une coopérative d’âniers, formé dans la langue française les conductrices d’ânes et incité les vieilles femmes à attendre la fin de la promenade pour vendre la production familiale de type artisanal; mais, déjà, la constrution de magasins autour de la place principale de la localité annonce la vente directe, soumise elle aussi à la bonne volonté du tour-operator, qui éliminera très vite ce type de marché.

Les chaînes

Les tour-operators génèrent des chaînes hôtelières ou des chaînes de restauration, à moins qu’ils ne s’associent aux compagnies existantes. Ils créent des compagnies de transport ou se lient par convention avec elles. Havas Tourisme, par exemple, monté par un énarque à partir de 1983, a créé en 1985 une «chaîne hôtelière de loisir» qui dispose déjà de près de 6 000 lits. Les dix premières chaînes françaises comptent plus de 100 000 lits; le groupe Accor (Sofitel, Novotel, Mercure, Ibis, Formule 1...) se place au neuvième rang mondial et offre en 1987 plus de 62 000 chambres en France. Présent dans 64 pays, il réalise plus de 13 milliards de francs de chiffre d’affaires dans l’hôtellerie. Lufthansa, la compagnie nationale de la R.F.A., investit dans les charters, l’hôtellerie et le fret. Elle a conclu un accord avec Iberia pour constituer une compagnie commune de charters; en projet depuis 1986, celle-ci, sous le nom de Viva, est devenue opérationnelle en 1987. Lufthansa, qui possède déjà des filiales dans les secteurs du fret (German Cargo) et des charters (Condor), a donc étendu son emprise sur le marché européen en vue de l’échéance de 1993, objectif privilégié de la compétition actuelle. Lufthansa a aussi renforcé sa présence dans l’hôtellerie en réorganisant ses activités dans ce secteur; elle a créé la Lufthansa Hôtel-Gesellschaft, rassemblant la totalité des participations hôtelières détenues pour le moment par le Commercial Holding, filiale financière de la Lufthansa; le capital de cette filiale est de 50 millions de deutsche Mark.

Air France est en association étroite avec la chaîne hôtelière Méridien, sa filiale; la firme aérienne peut donc accuser un déficit, tandis que Méridien réalise de substantiels bénéfices avec une cinquantaine d’établissements hôteliers disséminés dans le monde et près de 15 000 chambres. La chaîne Leading Hotels of the World comporte 160 établissements et 43 000 chambres ou suites. La Best-Western propose 3 100 hôtels dans le monde. La Banque Rothschild a des intérêts dans la chaîne des hôtels P.L.M., Paribas dans la chaîne Sofitel, la Banque fédérative du crédit mutuel dans Hilton, la Banque populaire dans Frantel...

Minerve, Nouvelles Frontières, Le Point de Mulhouse ont renforcé la charterisation. En 1986, Minerve réalise plus de 750 millions de francs de chiffre d’affaires. Elle possède une flotte de D.C.-8, M.D. et Caravelle. Première compagnie charter privée et indépendante française, elle entretient elle-même sa flotte, dans son centre de révision technique situé à Nîmes-Garons, sur près de 7 000 m2 de surface couverte et 9 000 m2 de parking. Nouvelles Frontières a réussi une percée spectaculaire; en 1987, ce tour-operator a affrété un D.C.-10 de l’Aéromaritime, filiale charter d’U.T.A., pour effectuer la liaison avec Fort-de-France; quatre vols hebdomadaires sont prévus dans un premier temps à destination des Antilles, dont deux en direction de Fort-de-France et les deux autres vers Pointe-à-Pitre. L’Aéromaritime se dote de Boeing 737-300 par le truchement d’une opération de leasing montée avec la compagnie australienne Ansett. Ces appareils permettent à la filiale d’U.T.A. de participer, avec Nouvelles Frontières, au mouvement des charters européens en direction de Madrid et de Milan; en haute saison, la desserte des Antilles est renforcée; Nouvelles Frontières double en 1988 le nombre de clients acheminés aux Antilles (100 000 en 1987).

La concurrence devient très âpre entre les compagnies de transport aérien et les tour-operators qui les sous-tendent. L’association Le Point, qui a transporté 260 000 passagers en 1987, en a fait la dure expérience; mise en difficulté, elle a dû céder à Minerve les fonctions de compagnie de charters qu’elle avait dévolues à sa filiale Le Point Air, avant de disparaître elle-même en 1988.

Les tour-operators, quoique liés en premier lieu au transport aérien, n’ont pas hésité à s’intéresser au chemin de fer, aux bateaux de croisière maritime et fluviale. En France métropolitaine se sont constituées de 1982 à 1986 une douzaine de sociétés fluviales, avec plus de 130 bateaux, le tout représentant plus de 20 millions de francs d’investissements. Le 22 décembre 1987, le grand paquebot de croisière du monde, le Sovereign of the Seas , a quitté les Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, pour Miami. L’armateur norvégien, la Royal Caribean Cruise Line (R.C.C.L.), l’a acquis en 1985 et ses carnets de commandes sont remplis pour plusieurs saisons.

Une publicité imposante accompagne le déploiement des grands groupes. Les principales images sont fabriquées par les tour-operators; elles sont véhiculées par les réseaux et l’association des chaînes qui les animent. Les moyens dépensés pour la presse écrite, orale et audiovisuelle sont souvent démesurés, mais là aussi la compétition conduit à la surenchère. Le slogan «partez les yeux fermés grâce aux spécialistes du soleil» illustre quelque peu la «captivité» potentielle de la clientèle.

Les parcs de loisirs à thèmes

Les États-Unis, puissance de la concentration par excellence, ont été le terrain favorable à la combinaison des flux touristiques et de l’éclosion des parcs de loisirs gigantesques à thèmes. Les tour-operators et leurs associés, y compris les pouvoirs publics, notamment les collectivités locales métropolitaines, ont saisi l’intérêt de la création, à proximité des puissantes agglomérations à multiples fonctions tertiaires de niveau élevé, de vastes ensembles de loisirs destinés à renforcer l’attractivité urbaine, professionnelle et récréative. Si l’idée initiale a déjà été lancée en Europe au XIXe siècle – le Tivoli de Copenhague fut inauguré en 1843 –, la formule des amusement parks se situe à une échelle différente. Elle ne peut concerner que les pôles mondiaux d’attraction majeure: Los Angeles, métropole d’une dizaine de millions d’habitants, dispose depuis une trentaine d’années de Disneyland qui accueille, avec ses satellites, jusqu’à 22 millions de visiteurs par an. Le Japon n’a pas voulu demeurer en retrait depuis qu’il a conquis une place privilégiée dans l’économie mondiale. Depuis le début de la seconde moitié des années quatre-vingt, T 拏ky 拏 a son Disneypark. Noblesse oblige: au moment où Paris rivalise avec Londres pour la suprématie métropolitaine dans la Communauté européenne, la capitale française a décidé de se doter à son tour d’un royaume magique. Désormais, les grands carrefours culturels, économiques et aériens, connectés à des réseaux de chemin de fer aux trains rapides, à des nœuds autoroutiers, s’entourent d’une multitude de chaînes de relations de tout genre, parmi lesquelles les aspects touristiques constituent un ensemble non négligeable. En Europe, on ne peut certes pas imiter entièrement les énormes complexes américains, mais on n’hésite pas à rêver et à concrétiser. À défaut de disposer de la totalité des offres sur place, les tour-operators invitent au déplacement avec tous leurs associés: ils prévoient ainsi des vols spéciaux en direction de la Floride où la visite du centre spatial Kennedy est combinée avec celle du paradis de la «technologie-spectacle», de Disneyworld, Seaworld, Epcot, l’Île aux coquillages et les Everglades. La chaîne hôtelière Marriott y est présente avec ses hébergements, ses terrains de jeux et de sport, sa restauration, ses fêtes, ses distractions pour tous les âges.

L’insertion des pays collectivistes

Le monde communiste n’échappe pas à l’évolution, quoique restant encore bien en retrait. Intourist est la compagnie de voyages par excellence, propre à l’Union soviétique, qui permet d’illustrer le fonctionnement d’un tour-operator collectiviste chargé de drainer les touristes étrangers vers l’U.R.S.S. Cette firme organise l’arrivée et le séjour des étrangers. Localisée à Moscou, créée en 1929 sous la dénomination Agence de voyages internationale, elle a reçu le nom d’Intourist en 1964. Elle forme un vaste appareil qui associe à l’administration proprement dite un gros centre de recherches exploratoires et emploie au total plus de 7 000 personnes en U.R.S.S. Elle est représentée dans plus de cent villes soviétiques, édite un magazine en russe, anglais, allemand et français, intitulé Voyage en U.R.S.S. ; elle dispose de cent trente représentations à l’étranger, activées par trente offices centraux chargés de l’impulsion régionale par la tenue périodique de conférences de presse, la mise à disposition de matériel vidéo, de posters, la diffusion de pavés publicitaires... Huit de ces sièges sont situés dans les démocraties populaires: Belgrade, Bucarest, Budapest, Kaboul, Moscou, Prague, Sofia et Varsovie. Les vingt-deux autres sont localisés à Amsterdam, Athènes, Berlin-Ouest, Beyrouth, Bruxelles, Copenhague, Delhi, Francfort, Helsinki, Le Caire, Londres, Mexico, Montréal, New York, Oslo, Paris, Rome, Stockholm, Sydney, T 拏ky 拏, Vienne et Zurich. Environ huit cents contrats permanents sont signés avec d’importantes agences étrangères, telles qu’American Express, Cook, Wagons Lits... Des accords privilégiés sont conclus avec des compagnies aériennes comme Air France, qui représente en U.R.S.S. l’industrie touristique française. Le personnel proprement soviétique à l’étranger est rarissime. Intourist est présente aux grandes foires internationales, notamment, par ordre d’importance, à New York, Londres, Paris, Rome, Francfort, Helsinki, Stockholm et T 拏ky 拏. En U.R.S.S. même, Intourist se manifeste aux foires-expositions des villes suivantes, indiquées selon l’ordre d’importance décroissant: Moscou, Leningrad, Kiev, Tbilissi, Tachkent...

La croissance d’Intourist peut être mesurée aux chiffres suivants: en 1946, 20 000 touristes étrangers ont été enregistrés (les données antérieures ne sont pas publiques), en 1988 environ 8 millions. Les grands centres d’attraction pour étrangers sont, par ordre d’importance décroissant: Moscou, Leningrad, la mer Noire, l’Asie centrale et le lac Baïkal. La fascination exercée par l’Asie incite Intourist à préparer la route touristique de Marco Polo, dont l’itinéraire paraît plus intéressant encore que celui qui aboutit à Samarkande. Des conventions ont été signées dans ce sens avec la république populaire de Chine et des accords avec l’Inde sont en cours de négociation. Le départ ne se fera sans doute pas de Moscou, mais directement de Bakou, carrefour historique international et vieille place de rencontre entre l’Europe et l’Orient en Azerbaïdjan; de nombreuses liaisons aériennes mondiales rejoignent déjà Tbilissi, capitale de la république de Géorgie. Le circuit est prévu en autobus à air conditionné à travers l’Asie centrale jusqu’à Vladivostok, aujourd’hui encore interdite aux étrangers. Seul un tour-operator de l’ampleur d’Intourist peut réaliser pour le moment un projet d’une telle envergure, compte tenu de ses connexions politiques. Grâce à celles-ci, un programme préalable d’infrastructures a des chances de concrétisation: amélioration des routes, voire construction de voies bitumées, réalisation d’hôtels, de commerces, d’installations de loisirs, de stations de mécanique automobile... Un personnel adapté doit bénéficier d’une formation spécifique de la part d’Intourist, de même que les autres acteurs de l’offre touristique: hôteliers-restaurateurs, commerçants, services divers. Qualité de l’alimentation et garantie médicale sont des impératifs majeurs. La connaissance des milieux culturels à traverser implique une solide information des équipes d’accueil.

La diversification de l’offre touristique, l’orientation progressive vers le renouveau des véritables identités culturelles ouvrent ainsi des horizons insoupçonnés il y a encore peu de temps. Elles montrent combien le système des réseaux et des chaînes est devenu interdépendant dans le monde, indépendamment des appartenances idéologiques. Les tour-operators des régions collectivistes, de plus en plus sollicités tant par la demande intérieure que par celle de l’étranger, sont conduits bon gré mal gré à nouer des liens plus étroits avec leurs homologues des pays d’économie libérale. Le tourisme contribue indéniablement, quoique de façon relativement lente, à un assouplissement des comportements politiques, des interdits et tabous idéologiques, des barrières socioculturelles.

5. Les saisons

La «bonne» saison

Le tourisme s’est conforté au rythme des saisons. La «bonne» saison est celle par excellence de l’évasion. Mais le contenu de ce qualificatif varie d’une époque ou d’un climat à l’autre. Initialement, la douceur du climat constitue la caractéristique fondamentale de l’attractivité d’une région ou d’un lieu. La notion est cependant relativisée par les contrastes existant entre les pays d’origine et les sites d’accueil des touristes.

Ainsi, l’aristocratie de l’Europe océanique, continentale ou semi-continentale a jeté son dévolu sur la côte méditerranéenne où les Britanniques ont créé, au XIXe siècle, des stations qui sont devenues des modèles pour le monde entier, Nice et Cannes notamment. L’hiver y était particulièrement apprécié; au moment où dans les villes industrielles du Nord le froid et les brumes s’étaient installés pour quelques mois, la population oisive et fortunée goûtait aux délices du Midi. Comme les bains de mer n’étaient pas encore un objectif prioritaire, la saison hivernale – d’octobre à avril – se prêtait très agréablement aux promenades et aux réceptions.

La population autochtone, orientée surtout vers les travaux des champs et la pêche, plus disponible en hiver que durant le reste de l’année, trouvait un utile complément de ressources en se mettant au service de cette villégiature. Comme durant la période de présence des hôtes le calme était de rigueur, l’entretien et la construction des immeubles ou des voies d’accès devaient s’effectuer en été, période de l’année propice aux travailleurs locaux, relativement peu accaparés par leurs cultures à ce moment-là.

Dès le XIXe siècle, ce séjour d’hiver a essaimé au-delà de la zone méditerranéenne. En France, par exemple, quelques petites villes du sud de la Drôme, telles que Nyons et Buis-les-Baronnies, eurent des hivernants. De nos jours encore elles ont conservé une aptitude à accueillir le troisième âge.

Été et hiver

Petit à petit, la saison se prolongea de l’automne à la fin du printemps. Alternativement ou simultanément, selon le cas, les membres des familles nobles et bourgeoises se donnèrent rendez-vous sur «la côte» et se livrèrent de temps à autre aux bains de mer, à l’approche de l’été ou au début de l’automne.

Sur le Vieux Continent, la saison touristique estivale se déroula dans les villes d’eaux qui, comme les stations de bord de mer, eurent leur architecture, leur grande promenade, leurs parcs et attractions. Complémentaires pour le gotha, ces deux types de stations rythmèrent l’année touristique, contribuant à rapprocher les grandes familles et leurs affaires: Karlovy Vary (Karlsbad), Baden-Baden, Vichy apparurent ainsi pour l’été comme aussi importantes que les littoraux de Trieste, Fiume (actuellement Rijeka), San Remo ou Cannes-Nice. Des empereurs en rendirent d’autres célèbres, telles Plombières, Bad Ems, Spa.

Progressivement, de nouveau à l’initiative de pionniers anglais, les sports d’hiver firent leur apparition. Aidés par des promoteurs germanophones de l’arc alpin, utilisant notamment l’invention norvégienne du ski, ces précurseurs mirent l’hiver à profit pour introduire une seconde possibilité récréative durant cette période: la notion de bonne saison ne fut plus nécessairement synonyme de douceur climatique. La clientèle se départagea en fonction de l’âge et des goûts. Une partie d’entre elle finit par profiter en alternance de la tiédeur des températures méditerranéennes et de la rigueur du climat de montagne. L’éclatement de la saison – spatialement et chronologiquement – s’amplifia au fil des années.

Ce schéma n’eut cependant pas une portée universelle. Dans la Russie tsariste, par exemple, le tourisme hivernal de montagne était quasi inexistant; il ne se développe vraiment en U.R.S.S. que depuis 1970. Le tourisme estival de montagne, en revanche, remonte au XIXe siècle avec la pratique des résidences secondaires, celle-ci étant alors courante dans l’Inde britannique et dans la moyenne montagne de l’Europe industrielle.

L’influence du tourisme populaire

Dès les années trente, le tourisme de masse favorisé par une législation sociale et des avantages matériels appropriés modifie profondément la situation: en la matière, parmi les démocraties parlementaires, la France innove en 1936. Si les États fascistes d’Italie et l’Allemagne lancent une initiative analogue, seule celle de la démocratie parlementaire est reprise après 1945, tandis que les démocraties populaires s’orientent à leur façon vers la mobilité vacancière à partir des années cinquante.

Les congés scolaires font de l’été la principale période de vacances populaires, à un moment où les ménages à revenus modestes et moyens sont ceux qui ont le nombre d’enfants le plus élevé. La durée prolongée de la période estivale favorise l’harmonisation du temps libre des parents avec celui des enfants. Elle permet aussi aux familles de se retrouver et à la parenté de se fréquenter. L’urbanisation qui s’accélère incite les citadins à fuir la ville au moment des fortes chaleurs, suivant en cela l’exemple des classes fortunées. L’organisation même des vacances est facilitée par l’existence d’un minimum d’usagers: le nombre entraîne l’aménagement d’horaires de transport spéciaux, de trains ou de circuits spécifiques, d’abattements de prix. Dès 1936, les «trains de congés payés» ont impressionné le public: la «marée rouge», ainsi appelée par la bourgeoisie de la côte d’Azur à cause de ses origines politico-syndicales, a fait fuir des plages et des villas les classes privilégiées qui commençaient à apprécier aussi la saison estivale. Au même moment, le tourisme de masse a provoqué un engouement certain de la population d’accueil pour la location de meublés.

De nos jours, cette pratique s’est généralisée un peu partout. En Sicile, elle atteint un tiers de la totalité des chambres louées. Mettant à profit la chaleur et la quasi-absence de pluies en cette période-là sur le littoral méditerranéen, des particuliers abandonnent provisoirement leur propre logement, pour se cantonner dans un réduit de jardin ou un garage aménagé en campement champêtre. Le phénomène s’amplifie d’année en année et prospère à présent dans le monde entier sous les mêmes conditions climatiques. La formule fait désormais recette dans les États collectivistes, notamment en Yougoslavie et autour de la mer Noire ou de la mer Caspienne. Dans le secteur de Bakou, à côté des 5 000 lits de cure thermale, plus de 1 000 lits sont disponibles chez les particuliers.

La pression touristique estivale en zone subtropicale est néanmoins limitée par les difficultés d’approvisionnement en eau potable. La raison pour laquelle la partie orientale du département du Var n’a décollé que tardivement dans ce domaine a été l’insuffisance de l’eau à proximité du littoral. Il a fallu réaliser d’importants travaux d’adduction pour ouvrir ce pays au tourisme estival de masse. La Crimée connaît encore ce problème de pénurie. Mais même les stations des Alpes-Maritimes sont constamment amenées à reculer le seuil critique de leur ravitaillement en eau. Afin que Cannes, par exemple, puisse maintenir en été la fraîcheur de ses parcs et jardins, recevoir dans ses hôtels une clientèle forte consommatrice d’eau, de gros travaux de percement ont dû être entrepris dans la seconde moitié du XIXe siècle pour capter depuis la montagne grassoise les sources du Loup et de la Siagne qu’un petit canal à ciel ouvert d’à peine 1,50 m de large a reliées à l’agglomération urbaine. L’afflux croissant de touristes, allant jusqu’à tripler au début du mois d’août la population, a conduit les responsables de la Société lyonnaise des eaux et de l’électricité à renforcer les disponibilités et à lutter contre les fuites frauduleuses héritées d’un long passé d’habitudes et de comportements. Les municipalités limitent en été l’arrosage privé.

L’encombrement estival

L’encombrement estival est accentué par l’image. La publicité invite au voyage en ayant recours aux sollicitations les plus sophistiquées. Les catalogues édités par les tour-operators offrent des ambiances paradisiaques. Le bouche-à-oreille complète l’information enjolivée. Les comités d’entreprise se sont associés à ce mouvement, de même que les autres institutions sociales, pour élaborer des formules de détente du lointain abordables pour leurs membres. Le phénomène des charters constitue une réponse à cette demande, de même que la location forfaitaire collective d’hébergement ou l’abonnement des groupes à la restauration souvent associée à l’hôtellerie. De véritables contrats de saison sont signés entre les partenaires: les tour-operators réservent à bas prix une, voire plusieurs années à l’avance un ensemble d’équipements et de services, rassurant de la sorte les milieux d’accueil; ils induisent le transport par des accords avec des compagnies aériennes et autres, compagnies qu’ils créent parfois eux-mêmes

Les surcharges spatiales qui résultent de l’engouement pour les pays du soleil témoignent du succès de ce tourisme saisonnier: en Espagne, par exemple, dans les treize secteurs littoraux se concentrent 75 p. 100 de tous les touristes logés à l’hôtel dans le pays. La Riviera ligurienne se situe en sixième position parmi les vingt régions italiennes, avec environ 30 millions de nuitées annuelles parmi lesquelles plus des quatre cinquièmes s’échelonnent de la fin du printemps au début de l’automne. La bande côtière comportant la Riviera du Ponant et du Levant, dont la longueur est considérable par rapport à la petite surface du pays, est de surcroît une destination idéale pour les vacanciers en provenance du «triangle industriel» de l’Italie, c’est-à-dire du Piémont et de la Lombardie. En U.R.S.S., le tourisme estival est également prédominant: plus des quatre cinquièmes des visiteurs de Yalta et 65 p. 100 du tourisme officiellement organisé, soit sans doute 70 p. 100 de l’ensemble des touristes. Plusieurs indices permettent d’évaluer cette pression spatiale. L’index d’intensité touristique place ainsi la Ligurie en troisième position en Italie, après le Val d’Aoste et le Trentin-Haut-Adige. Ce littoral se situe au premier rang pour ce qui est du rapport entre le nombre de nuitées et la superficie: la densité hôtelière et parahôtelière atteint 60 lits/km2. À Bakou, l’indice spatial de fréquentation touristique révèle que plus de 90 p. 100 des 60 000 touristes annuels étrangers et des 150 000 touristes annuels soviétiques fréquentent la station en été.

L’engouement estival n’est toutefois plus le seul depuis la prolifération des sports d’hiver, même en région subtropicale telle que la façade méridionale de l’arc alpin, voire les hautes montagnes marocaines. Déjà répandu dans les couches aisées de la société européenne avant la Seconde Guerre mondiale, le tourisme hivernal s’est rapidement étendu dès les années soixante et constitue de nos jours le second sommet vacancier de l’année. D’abord principalement tourné vers le ski de piste, donc vers l’altitude, il s’est élargi depuis le début des années soixante-dix au ski de fond, augmentant les aires de séjour et gagnant des sites de latitude subboréale. Les jeunes générations sont venues renforcer l’habitude du partage des temps de congé en deux séquences annuelles: en Europe occidentale, on prend volontiers une semaine ou dix jours de sports d’hiver; en U.R.S.S., de nombreuses personnes ont tendance à partir une semaine ou dix jours en hiver et deux ou trois semaines en été.

L’extension annuelle

Le tourisme de neige n’est plus le bénéficiaire exclusif de la saison froide. Des particuliers et des groupes, en nombre croissant, se déplacent aussi en hiver pour visiter des villes et des centres historiques; les tour-operators parviennent à obtenir les accueils et accompagnements requis sur place. De nombreuses villes d’art et des pèlerinages d’Europe participent à ce mouvement. Par 漣 20 0C, le célèbre monastère de Zagorsk, situé à une quarantaine de kilomètres de la périphérie du Grand Moscou, reçoit quotidiennement en hiver au moins une trentaine d’autobus, Intourist compris.

L’association spatiale, simultanée ou successive, des deux saisons touristiques confère aux aires concernées un attrait supplémentaire. La côte niçoise, par exemple, offre dans un périmètre réduit la douceur du bord de mer et la fraîcheur ou la neige d’altitude, à deux ou trois heures de distance. Certains jours de sports d’hiver, il est possible de se baigner à la promenade des Anglais après une matinée de ski à Auron, Valberg ou Isola 2000. La conjonction de manifestations sportives, folkloriques ou culturelles, l’introduction de lieux de jeux, de festivals ou régates accentuent les solidarités.

La complémentarité saisonnière devient de plus en plus étroite. La recherche du contraste est désormais partie intégrante du comportement touristique, tant en ce qui concerne la demande que pour ce qui est de l’offre. Les centres d’attraction tentent de satisfaire les foules en étalant le plus possible la saison touristique. Celle-ci n’apparaît certes pas comme uniforme: elle comporte des périodes de pointe et une ou des arrièresaisons; mais la rentabilité y gagne, parfois au prix d’une perte d’identité: ainsi, l’Espagne, qui attire 40 millions de touristes par an, paye un prix élevé pour ce succès; Palma de Majorque s’est banalisée.

Ailleurs, la spécialisation saisonnière prend davantage forme. Le tourisme côtier en Amérique anglophone est fondé sur le rythme suivant: tandis que le nord du Canada et l’Alaska demeurent une zone d’attraction minimale en été, le nord-est et le nord-ouest des États-Unis ainsi que l’est du Canada connaissent un afflux croissant en haute saison estivale; la Floride, la Californie et Hawaii conservent une forte attraction tout au long de l’année. Une politique judicieuse d’équipements et d’organisation générale des activités, y compris des transports, sous-tend cette expansion.

Les processus d’élaboration des schémas d’aménagement touristique impliquent toujours davantage la prise en compte du caractère saisonnier: cette préoccupation vise un compromis entre les besoins de rentabilité et les exigences de la protection de l’environnement naturel ou social. Le prolongement de la saison n’est pas uniquement chronologique, mais aussi spatial; il doit contribuer à réduire les écarts de densité d’occupation du sol; en U.R.S.S., les responsables réfléchissent sur les limites de la surcharge spatiale: celles-ci atteignent plus de 220 personnes au kilomètre carré sur le littoral de la mer Noire et seulement de 10 à 23 sur les bords de la Caspienne.

L’étalement des congés constitue la base de l’extension saisonnière de l’offre. La société postindustrielle et la tertiairisation accélérée des professions qui en découle, ainsi que l’informatisation de la gestion ou des moyens de communication sociale, ont facilité la diversification des départs et de la répartition des flux touristiques à l’échelle régionale, nationale et mondiale. Écoles et entreprises participent à ce nouveau mode de distribution du temps libre. De nombreuses études ont permis une meilleure approche du phénomène. La restructuration des vacances scolaires, introduisant de petits congés d’une ou deux semaines et réduisant la durée des «grandes vacances» d’été, a facilité le prolongement saisonnier des zones d’accueil. L’intensification des efforts accomplis en faveur de la mobilité catégorielle a également renforcé les potentialités d’étalement: la multiplication des formules de camps et colonies de vacances, des séjours de salariés dans des centres de détente financés par les firmes, les mouvements sociaux et familiaux ou syndicaux.

La progression d’un troisième âge encore valide, des préretraités désireux de bouger et d’une population agricole plus disponible a stimulé à son tour le marché. Les retraités n’ont en effet pas de contraintes chronologiques majeures. Ils sont souvent heureux de voyager en dehors des périodes de grande affluence touristique. Désireux de calme et d’espace libre, ils acceptent volontiers les propositions qui leur sont faites de toutes parts pour se déplacer à prix réduit, en groupe ou individuellement, vers des destinations sélectionnées et préparées pour eux. Conception du dépaysement, conditions matérielles, nature des activités de loisirs concourent à la réussite à la fois de vacances originales et de l’étalement saisonnier tant recherché par les tour-operators et les lieux d’accueil. Les ménages sans enfants à charge mettent fréquemment à profit les intersaisons pour bénéficier de l’ouverture prolongée des stations. De même, en hiver, des agriculteurs en nombre croissant, ne pratiquant pas le ski ou n’étant pas attirés par la montagne, jettent leur dévolu sur la douceur climatique de sites privilégiés, surtout en zone subtropicale, pour passer une ou deux semaines de vacances dans des hébergements laissés vacants par le gros des usagers retournés au travail.

Les établissements d’accueil, offices de tourisme, stations thermales ou de soins divers, compagnies de transport associées aux tour-operators rivalisent d’imagination et de formules de vacances destinées à réduire ou à supprimer les périodes creuses. Des forfaits de tout genre sont offerts aux amateurs. Une publicité est mise au point à cet effet. Les accompagnateurs sont avertis de la spécificité des clients et les programmes de loisirs élaborés en conséquence. La Méditerranée, la mer Noire, la Caspienne et la Californie sont ainsi devenues d’importantes régions où les périodes sans tourisme ont pu être considérablement réduites. L’internationalisation du phénomène et l’insertion d’autres zones climatiques – tropicales et équatoriales – dans le processus d’étalement saisonnier ont contribué au fait que désormais il existe toujours quelque part dans le monde un endroit où les vacances dépaysantes s’avèrent possibles grâce aux tour-operators, qui ne ménagent pas leurs efforts publicitaires: les catalogues d’hiver (automne-mars/avril) paraissent régulièrement au début de l’été et ceux qui sont destinés à l’été (mai-septembre) sont édités en janvier. L’année civile demeure rythmée au fil des saisons, mais les mortes-saisons se raréfient.

6. Types de tourisme

La typologie touristique est de plus en plus complexe. À l’origine, toutefois, elle se limita au tourisme saisonnier, balnéaire, religieux, urbain et rural. La complexité croissante du fonctionnement de la société conduisit à une diversification extraordinaire de l’offre touristique. La variété des espaces disponibles, la mobilité accentuée, la multiplicité des moyens de communication et de transport, la prolifération des formes de loisir, l’éventail très large de catégories d’usagers aboutissent à de très nombreuses formules de vacances (tabl. 3 et 4).

Le tourisme classique

Bâti sur une réputation qui remonte au XIXe siècle, consolidé jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le tourisme classique doit l’essentiel de son profil aux choix paysagers de l’aristocratie et de la bourgeoisie ainsi qu’aux pratiques inaugurées dans les stations prestigieuses.

L’amateur de tourisme populaire, en quête de modèle et désireux de réaliser un rêve, s’est empressé de visiter les hauts lieux consacrés par la vie mondaine. Il a souhaité retrouver ailleurs une partie au moins de cette atmosphère.

Le tourisme classique s’appuie sur l’hôtellerie et la restauration commerciales, aux prix différenciés selon le niveau de vie des clientèles. Il s’accommode néanmoins de la location de meublés, parfois en association avec les hôteliers-restaurateurs du pays visité. Il s’accompagne d’équipements qui valorisent des points pittoresques, des panoramas, des richesses archéologiques, ethnologiques et historiques. Il se fonde sur une vie festive, des manifestations folkloriques, des activités sportives.

Centré longtemps sur le thermalisme, le bord de mer et la montagne, il a su s’adapter aux exigences des nouvelles générations: l’extension annuelle de la saison balnéaire et l’arrivée de flux importants ont accentué le cadre ludique des lieux d’accueil. Au Japon, par exemple, l’évolution est significative à cet égard: entre les deux guerres mondiales, les liaisons ferroviaires contribuent à transformer les stations proches des grandes agglomérations en véritables centres de loisirs; c’est le cas d’Arima, de Shirahama situées dans la zone d’attraction d’ 牢saka, ou de Hakone, Atami, Ito, localisées près de T 拏ky 拏. L’hôtellerie de ces centres est de plus en plus financée par des capitaux extérieurs, généralement en provenance de T 拏ky 拏. La clientèle qui recherche essentiellement la détente et qui ne séjourne qu’une nuit est de plus en plus nombreuse. Après 1945, certaines stations thermales deviennent de véritables villes: Beppu dépasse 150 000 habitants, Ito 80 000 et Atami 55 000. Le caractère thermal des grandes stations est relégué à l’arrière-plan. Dans les stations les plus dynamiques, le bâtiment de bains publics n’est plus utilisé que par les habitants. Il disparaît parfois au bénéfice d’un parc de stationnement en plein cœur de la cité. Les auberges traditionnelles en bois font place à d’énormes complexes hôteliers en béton. Tous les services autrefois dispersés dans la station sont regroupés à l’intérieur de chaque hôtel. Le recours au bain collectif finit parfois par ne plus être qu’un simple délassement.

Dans les pays communistes (en U.R.S.S. par exemple), les institutions médicales ou les sanatoriums continuent à être étroitement liés au tourisme classique. La côte méridionale de la Crimée comporte 326 établissements de cure pouvant accueillir de 115 000 à 120 000 personnes par an; elle dispose de 120 sources thermales, de 50 lacs salés environ riches en eau médicinale ou en boues; elle offre aussi des qualités médico-récréatives, depuis l’air pur jusqu’à l’aéro-, l’hélio- et la thalassothérapie. Plusieurs centaines de campings, plusieurs dizaines de camps pionniers, y compris le camp international Artek, ainsi que d’autres institutions récréatives complètent l’accueil.

Le tourisme d’eau continue à être fortement prisé: sur les bords de la Méditerranée, 60 p. 100 environ des pratiques touristiques concernent le water tourism . À Hawaii, seuls quelques sites émergent sur le littoral, le reste du pays étant à peine fréquenté.

Le tourisme de montagne a également ses particularités modernes: dans certaines communes, il se plie à une fonction résidentielle plus ou moins diffuse; les conseils municipaux y sont plutôt concernés par la mise en place des équipements induits et l’élaboration d’un plan d’occupation des sols; la villégiature classique y domine. Dans d’autres communes, le tourisme entraîne des opérations immobilières massives ou des équipements de loisirs de grande envergure: stations intégrées de sports d’hiver, gros villages de vacances, grands lotissements.

Le tourisme rural a fait peau neuve à son tour: après avoir modernisé son offre et cherché à adapter son image de marque, il a réussi à devenir vraiment complémentaire des autres types de tourisme, opposant le calme, la détente reposante à la frénésie urbaine; la participation à l’organisation de circuits en alternance avec la visite des villes a favorisé sa découverte. Il se veut désormais un tourisme vert ou un tourisme de «liberté», troisième voie qui, surtout depuis les années cinquante, veut éveiller les campagnes en faveur d’un tourisme qui ne soit pas exclusivement attiré par les binômes soleil-mer et montagne-neige. Une politique systématique de coordination est appliquée autant que possible; elle unit les efforts des services administratifs publics, des groupements et syndicats de communes, des secteurs d’activités économiques, des organismes chargés de l’animation sur le plan local, des associations représentatives de prestations de services et des associations d’usagers du tourisme. Elle a mis au point la formule de l’hébergement à la ferme, connue sous l’appellation de «gîtes ruraux», et permettant à l’hôte de vivre plus étroitement en symbiose avec le milieu rural.

Les résidences secondaires

La résidence secondaire apparaît surtout à la fin du XIXe siècle comme une projection de la vie princière itinérante d’antan. Les familles régnantes ont elles-mêmes lancé des stations touristiques en y construisant des palais, tels les Habsbourg d’Autriche à Trieste ou les tsars de Russie à Yalta au XIXe siècle. L’aristocratie et la bourgeoisie se sont empressées d’imiter les souverains. Progressivement, la petite bourgeoisie, dès le début du XXe siècle ou à l’entre-deux-guerres, et de façon plus massive après 1945, est venue renforcer cet usage en l’élargissant, la publicité aidant, à d’autres lieux.

Les États socialistes, après avoir hérité du phénomène des résidences secondaires antérieur à leur révolution, participent au mouvement. Si la propriété foncière est abolie en principe, celle du bâti répond à des règles plus souples et autorise l’aménagement de domiciles non permanents dans les zones dites de loisirs et de tourisme. L’Europe de l’Est tout entière se couvre ici et là de telles habitations. En plein milieu de la zone pétrolière de Bakou, le littoral d’Apchéron comporte des maisons individuelles avec jardins et vigne, construites parfois par les entreprises; il est vrai que le site, au nord de l’agglomération, est d’habitude à l’abri des vents chargés de gaz de pétrole. Mais au sud, des pêcheurs n’hésitent pas à installer sur pilotis, notamment pour le week-end, tout au long de la plate-forme continentale, un abri modeste leur permettant de vivre sur place tout en s’adonnant à leur loisir préféré.

Les villes comportent trois types de résidence secondaire: dans les zones rurales toutes proches s’éparpillent des maisons de week-end ou d’été, appelées «maisons de campagne» dans certaines régions méridionales. Ces propriétés doivent permettre de rompre avec la vie urbaine trépidante. En été, en milieu méditerranéen, elles apportent notamment de la fraîcheur. En hiver, en Scandinavie, elles rapprochent les familles des pistes de ski nordique. Dans le sud de la taïga, au nord de Moscou, les datchas furent construites le long des voies ferrées. La croissance de l’agglomération les intégra au tissu urbain pour les transformer en habitations permanentes. Le phénomène se déplaça alors plus loin, également le long des routes.

Le second type de résidence secondaire est localisé à une ou deux heures de distance de l’habitation permanente. Il offre un certain dépaysement et une rupture plus marquée avec la vie quotidienne. Il sert, au moins à ses débuts ou à la première génération, de lieu de vacances annuelles, unique ou partiel. Il donne lieu à un équipement ménager et récréatif complet, parallèlement à celui du domicile principal. Pour les citadins proches de domaines skiables – de piste ou de fond –, il constitue un excellent pied-à-terre en hiver.

La troisième catégorie de résidence secondaire est vraiment la «maison de vacances» achetée ou construite au loin dans le pays de rêve initial, d’habitude en montagne, sur le littoral ou à proximité de celui-ci. Elle exige en moyenne un déplacement d’au moins une demi-journée pour s’y rendre à partir du domicile principal. Les Français ont particulièrement recours à cette formule.

La pratique de la maison individuelle, la plus ancienne, quoique encore très répandue, est concurrencée par de multiples autres choix, surtout à une époque où les familles nombreuses sont devenues rares et où la mobilité incite au changement fréquent. Des amateurs de résidence secondaire préfèrent ainsi l’achat d’un appartement, plus fonctionnel pour les vacances, car l’entretien est réduit. Il est aussi plus facile de trouver un appartement au bord ou à proximité de l’eau ou de la piste de ski. Ce marché a commencé à prospérer à la fin des années soixante. La multipropriété a été inventée pour en renforcer l’attrait: chaque acheteur de parts a droit à un séjour annuel d’une durée déterminée.

L’insolite est de plus en plus répandu: le bateau – depuis sa forme modeste jusqu’au yacht d’un magnat pétrolier mouillant au Port Canto à Cannes, à la Marina Del Rey de Los Angeles ou ailleurs, voire en pleine rade – sert lui aussi de résidence saisonnière et favorise les déplacements permanents, soit sous forme de cabotage, soit pour de véritables traversées intercontinentales. Sa pratique individuelle a remplacé en grande partie les croisières effectuées sur les grands paquebots de prestige.

La notion de résidence secondaire a fortement évolué également pour ce qui est de sa destination finale ou périodique. La côte belge, par exemple, reliée de plus en plus étroitement à son arrière-pays, notamment avec les principaux centres urbains, est devenue très «désirable». À Haegen ou Verhetsel, les logements ne sont pas seulement utilisés durant les vacances, mais aussi pendant le weed-end. Une fois l’âge de la retraite venu, l’appartement devient résidence principale pour les parents et grands-parents, mais demeure résidence secondaire pour les enfants et petits-enfants attirés par un environnement accueillant et d’excellentes infrastructures locales. Ce processus est plus fréquent encore dans les pays méditerranéens où de nombreuses communes touristiques sont devenues des centres de retraités au vieillissement élevé, tels Cannes et Nice.

L’intérêt de la propriété de résidence secondaire dans une zone de loisirs en économie de marché n’est pas uniquement causé par la fonction touristique dominante de l’aire en question, mais reflète le degré d’urbanisation et les caractéristiques socioculturelles et économiques de l’arrière-pays. L’illustration nous en est donnée par les 66 kilomètres de zone côtière de la région touristique principale de la Belgique.

Le tourisme social

Longtemps considéré comme un succédané, le tourisme social tente d’ouvrir à tous, surtout aux personnes à revenu modeste ou moyen, l’accès aux vacances de leur choix et aux loisirs qui s’y rattachent. Humainement, il contribue à promouvoir l’évolution des loisirs dans le cadre des congés annuels et à assurer un accueil de qualité en vue de l’épanouissement de la personne grâce à un cadre naturel adapté et à des loisirs créatifs. Matériellement, il est aidé par l’État et les collectivités (cf. figure).

Si, au début, il est exclusivement porté par l’action des associations privées à but non lucratif, celles-ci ne sont plus les seuls organisateurs de vacances dites sociales. De nos jours, divers organismes jouent à la fois le rôle de promoteurs et de gestionnaires d’équipements: comités et services sociaux d’entreprise, syndicats, collectivités locales, caisses mutualistes, caisses de retraites. Ceux-ci sont parfois regroupés pour mieux coordonner l’action associative. En France, par exemple, il existe à cet effet une Union nationale des associations de tourisme et de plein air (U.N.A.T.); en 1977 a été créé le Cecorel, qui regroupe les représentants techniques de la gestion et de la promotion, ainsi que les usagers du tourisme social.

On distingue deux formes de tourisme social:

– le tourisme social corporatiste, qui dispose d’installations réservées uniquement aux salariés de l’entreprise; celles-ci, appelées privatisées, sont gérées directement par les comités d’entreprise ou leurs mandants;

– le tourisme social associatif, qui regroupe toutes les associations et fédérations promotrices ou gestionnaires de centres de vacances; ces centres ont une clientèle variée: enfants, jeunes, familles, retraités; ces installations sont appelées banalisées.

Ces deux formes ont ceci de commun qu’elles s’intéressent à un tourisme de groupe: familles, membres d’une association, jeunes; elles favorisent la rencontre socioculturelle et la vie en commun.

Le tourisme économique

Le tourisme économique offre plusieurs facettes. Il a pris une ampleur certaine depuis le renforcement de la société postindustrielle. Il concerne deux domaines: l’ouverture technologique et le monde des affaires.

Le tourisme technologique a fait son apparition à la faveur du déclin de l’ère industrielle, entraînant des démolitions d’immeubles et des destructions de machines ou d’outils, témoins de deux siècles de progrès. D’abord encouragé dans les bassins en crise, il a fini par se propager un peu partout. Des pionniers isolés ont mis d’abord l’accent sur les richesses en voie de disparition: historiens, ethnologues, ingénieurs et architectes, par leurs approches conjuguées, ont suscité la création d’associations, intéressé les collectivités locales à leur combat, cherché des fondations en vue du financement des opérations de sauvetage.

Un vaste mouvement muséologique est né à la suite de ces initiatives: des usines entières ont été classées monuments historiques; des mines et des forges, des ateliers et des laboratoires aménagés en lieux de visite guidée; des villages entiers, animés par des artisans, transformés en écomusées, rappellent le temps jadis. Des millions de touristes ont trouvé le chemin de ces nouvelles institutions. La Cité des sciences et de l’industrie ou le musée d’Orsay à Paris, celui de l’automobile à Mulhouse, le viaduc de Garabit, construit par Gustave Eiffel, illustrent parmi tant d’autres les points de focalisation. La découverte du passé permet en même temps de mieux innover grâce à l’observation du cheminement des inventions. Le tourisme technologique intéresse de plus en plus le tourisme classique et le tourisme social. L’école lui fait la part belle.

Suscité aussi par l’économie, le tourisme d’affaires a fait une percée fulgurante depuis les années soixante. Joindre l’utile et l’agréable est au fond la devise des praticiens de cette activité. Réunions et séminaires, colloques, symposiums et congrès s’accompagnent de visites touristiques, d’excursions, de spectacles, de parties de plaisance, de compétitions sportives, de jeux. Hôtels, casinos, palais des congrès doivent prévoir des équipements spéciaux pour le développement des loisirs liés aux rencontres d’affaires.

La compétition en matière de congrès d’affaires s’amplifie: plus de 6 000 manifestations internationales ont lieu chaque année, parmi lesquelles 11 p. 100 se déroulent dans l’océan Pacifique et en Extrême-Orient, 14 p. 100 aux États-Unis et au Canada, 58 p. 100 en Europe occidentale. Avec un taux de T.V.A. avantageux sur un chiffre d’affaires évalué globalement à 16 milliards de francs, le produit de cette taxe rapporte à Monaco 2 milliards chaque année. Comme les jeux ne représentent plus que 4 p. 100 de son budget, la principauté est devenue un lieu de commerce et d’industrie alimentant désormais l’ambiance de plaisirs et de luxe.

La ville de Luxembourg pour sa part, sans avoir une véritable vocation de tourisme de séjour, n’en est pas moins un centre où le secteur touristique constitue une importante source de revenus, grâce aux visiteurs de fin de semaine, aux voyageurs de passage et aux déplacements liés aux affaires ou aux congrès. Première place financière européenne, dotée d’une fonction politique internationale et d’une fonction industrialo-commerciale, Luxembourg attire à la fois des visiteurs proches et des hôtes qui viennent de loin. Le nombre de personnes accueillies pallie la brièveté du temps passé dans la capitale du grand-duché.

Le tourisme culturel

Le déploiement actuel du tourisme a conduit à la recherche de formules culturelles susceptibles d’atténuer l’excès de commercialisation et de banalisation.

Le tourisme technologique trace déjà des voies nouvelles. Le tourisme «alternatif», ou «doux» (soft ), propose un comportement et une orientation différents de ceux qui sont inhérents au tourisme courant. Une proportion croissante de bénéficiaires des congés payés ayant acquis un niveau de formation et d’ouverture intellectuelle relativement élevé, la formule des «4 S» – sand, sea, sun, sex (sable, mer, soleil, sexe) – ne saurait satisfaire totalement l’estivant curieux de connaissances et avide d’insolite. Ce genre de touriste ne se contente plus d’une chambre d’hôtel de type bed and breakfast (un lit et le petit déjeuner). Le lieu d’accueil doit offrir une palette d’attractions socioculturelles et témoigner d’une véritable identité culturelle. Pour cette catégorie de clientèle, la station hypermoderne invitant au dépaysement total par une atmosphère architecturale et récréative stéréotypée, dans laquelle la touche autochtone n’apparaît plus qu’artificiellement, est peu appréciée.

Dans cette optique, l’image culturelle d’un pays devient un atout de la promotion touristique. Il convient ainsi de déployer une culture touristique de qualité, elle-même partie intégrante de la valorisation économique. Il faut alors distinguer entre le tourisme enclavé et le tourisme intégré. Une ville comme Cannes a développé le tourisme en se tournant essentiellement vers la mer, se comportant de façon quasi insulaire, ignorant pendant longtemps les racines historiques et l’arrière-pays. Ce phénomène de station délocalisée, désincarnée, s’est multiplié au cours des dernières décennies tant en espace industrialisé qu’en pays en développement. Le tourisme intégré, en revanche, avantage le tourisme de rencontre et conduit les populations locales à l’échange touristique en faisant de leurs coutumes et de leurs traditions un élément déterminant du produit touristique. En Haute-Casamance, par exemple, le tourisme rural intégré reflète le proverbe wolof nit, nitey, garab am (l’homme est le remède de l’homme) ou cette phrase de Barbey d’Aurevilly: «Le voyageur est un homme qui s’en va chercher un bout de conversation au bout du monde.» La formule des campements villageois y réunit les avantages suivants: faible coût de l’investissement, n’impliquant pas de dépenses en devises; coût réduit de fonctionnement n’exigeant pas d’assistance expatriée; bénéfices substantiels entièrement acquis aux villageois pour la réalisation d’équipements collectifs à vocation sociale ou économique; réponse à une demande accélérée du marché touristique; tourisme d’authenticité, de contact, de découverte.

Ailleurs, le tourisme dit «doux» poursuit un but analogue: en Suisse, en Autriche, il permet ainsi de participer à une vie communale authentique, de prendre les repas avec la famille d’accueil, de vivre les moments festifs en symbiose avec la communauté du hameau ou du village. En Turquie, les autochtones émigrés en Europe industrielle, qui reviennent au pays durant les congés annuels, trouvent sur les lieux touristiques des guides et ouvrages divers composés à leur intention, afin qu’ils puissent se familiariser autrement que les touristes étrangers avec la culture ancestrale. Le tourisme de randonnée, de bicyclette, du routard tranche également avec l’ordinaire. Avec les moyens du bord, grâce à d’excellents conseils et une organisation destinée aux bourses modestes, les jeunes qui ont opté pour cette aventure sont à même de vivre des vacances stimulantes, quoique astreignantes.

La synergie

La multiplicité des initiatives actuelles, qui n’épargnent plus guère aucun coin du globe, conduit à un véritable fourmillement de la vie touristique. Dans bien des cas, il n’est plus vraiment possible de définir le type de vacances vécu ou envisagé, tellement les aspects en sont nombreux et enchevêtrés.

Alors que le tourisme a été conçu pendant longtemps comme une évasion au lointain, le tourisme de proximité, en fin de semaine ou à l’occasion de petites vacances, a pris un essor réel. On a pu écrire que «le dépaysement ne se mesure plus aujourd’hui en kilomètres». Aux Pays-Bas, l’exotisme est même réalisé à domicile avec les bulles tropicales des complexes aquarécréatifs inventés récemment. Parcs naturels régionaux, parcs nationaux, parcs de loisirs à thèmes agrémentent à peu de distance du domicile les journées intervacancières.

Dans le camping-caravaning, la restauration a atteint un niveau tel qu’elle rivalise parfois avec de bons restaurants gastronomiques de la ville voisine: des terrains de luxe offrent des chambres très confortables aux automobilistes qui préfèrent l’hôtel-camping à la tente ou à la caravane.

La prolifération des circuits associe toutes les formes du tourisme et des loisirs: le fly and drive permet de combiner l’avion et la voiture automobile pour découvrir l’Amérique; les amateurs d’équitation peuvent en outre trouver sur ce continent chevaux et circuits fléchés pour sillonner les Rocheuses ou la cordillère des Andes. Les safaris africains et asiatiques ont trouvé leur écho en Europe: l’Autriche organise des safaris à skis et le ski-guiding dès 1988. Le vacancier fait chaque jour la connaissance d’un nouveau terrain de ski à l’intérieur d’une région ou d’un pays. Cet État organise aussi le championnat mondial de bicyclette au «pays des montagnes». Mettant à profit 350 kilomètres de chemins de halage le long du Danube, interdits aux véhicules à moteur, il offre aux piétons et aux cyclistes d’excellentes randonnées, de plus en plus appréciées.

Le tourisme fluvial se développe également. L’apport du troisième âge et des préretraités le prolonge au-delà de la saison estivale. Il en est de même des croisières en mer, fréquentées par cette clientèle en dehors de la période des congés payés et des vacances scolaires. La flotte mondiale des bateaux de croisière s’étoffe progressivement (tabl. 5).

La richesse et l’innovation du tourisme actuel résident dans la diversité des formules proposées, dans l’addition des énergies et des ambitions. La dérégulation des prix du transport, la concurrence activée, l’échéance européenne de 1992, celle de Hong Kong fixée en 1997 renforcent les tendances mondiales en matière de compétition. Le tourisme se situe aux avant-postes de cet enjeu.

7. Flux et zones touristiques

Aspects généraux

La géographie des flux touristiques reflète les diverses formes de besoins créés ou exprimés depuis à peine un siècle et demi. Elle révèle dans le paysage même les strates successives ou conjuguées de l’occupation touristique par l’architecture, l’urbanisme, les structures démographiques et socioculturelles. Elle permet de distinguer notamment entre grandes zones d’émission et d’accueil (apanage des pays industrialisés et de leurs marges), pays en développement plus ou moins fortement sollicités et pays collectivistes engagés de façon croissante dans le processus national et international.

L’Europe demeure l’espace touristique par excellence, avec environ 85 p. 100 du total mondial des visiteurs. À la fin des années quatre-vingt, sa façade méditerranéenne est particulièrement recherchée, mais aussi ses villes et campagnes situées sous d’autres latitudes et chargées d’histoire. L’Atlantique nord se détache ensuite nettement, tandis que le Pacifique et l’océan Indien sont entrés dans la course.

Cependant, alors que les 24 pays industrialisés membres de l’O.C.D.E. perçoivent à eux seuls environ 80 p. 100 des rentrées touristiques en devises (fig. 2), les pays en développement ne recueillent que 10 p. 100 des recettes en provenance du tourisme international. Le reste revient aux États collectivistes, qui visent à engranger un maximum de valuta (devises) avec l’offre actuelle – encore relativement réduite malgré tout – en circuits et séjours. Les pays de l’O.C.D.E. bénéficient donc de l’essentiel du milliard et demi de voyages touristiques et du chiffre d’affaires total de 80 milliards de dollars environ, transports non compris. Ils disposent aussi de la douzaine de chaînes internationales, qui possèdent environ 5 000 hôtels comportant plus d’un million de chambres et réalisent un chiffre d’affaires avoisinant 16 milliards de dollars.

Cette concentration reflète la part déterminante du niveau de vie dans la propagation du tourisme international, tandis que le tourisme social se traduit davantage par le tourisme dit domestique, les États renforçant les mesures en faveur des masses laborieuses aux revenus modestes ou moyens.

Les grandes zones d’accueil

Souvent berceau du tourisme international, ayant généré l’essentiel des images et pratiques de réputation mondiale, les principales zones d’accueil connaissent tous les problèmes liés à l’encombrement et à la surchage spatiale.

L’Europe méditerranéenne, surtout la façade nord-occidentale, est particulièrement malmenée à cet égard. Comme le tourisme est devenu une véritable industrie, appelée à occuper une place privilégiée au début du XXIe siècle, il importe d’empêcher ce secteur d’activité de contribuer à désarticuler les espaces, les sociétés et les mentalités. De nombreuses initiatives sont en cours dans ce sens, tant aux Nations unies qu’au Conseil de l’Europe. Il devient urgent de raisonner en termes de symbiose spatiale et sectorielle, de promouvoir les solidarités entre littoraux et arrière-pays. Dans les carnets de notes des Mémoires d’Hadrien , Marguerite Yourcenar a précisé qu’il n’y a «rien de plus fragile que l’équilibre des beaux lieux». Cette réflexion est parfaitement vraie pour les hauts lieux touristiques. Ainsi sur la Costa Brava, où les nouvelles forces d’expansion touristique s’appuient sur le transport individuel et la prolifération des résidences secondaires, la faiblesse de la planification urbaine est manifeste: en cas de conflit entre celle-ci et l’économie locale, ce sont les particuliers ou les groupes disposant du pouvoir économique qui l’emportent.

Aux États-Unis, les hôtels des seules stations balnéaires dépassent au total 400 000 chambres.

Le Japon a mis à profit les jeux Olympiques de Sapporo, en 1972, pour renforcer son attractivité touristique, en créant dans la montagne des zones de loisirs intégrés, en aménageant la mer Intérieure, près d’Hiroshima, en confortant les équipements aux alentours des grandes métropoles: il s’agit à la fois de tenir compte des visiteurs étrangers et du rythme propre aux autochtones; ceux-ci préfèrent profiter des congés de longs week-ends à l’occasion des jours fériés, nombreux dans le pays, plutôt que de partir chaque année plusieurs semaines en été; en 1987, les départs estivaux n’ont guère dépassé quatre jours en moyenne, selon les informations recueillies auprès du Japan Travel Bureau.

Australie et Nouvelle-Zélande sont également parties prenantes dans le tourisme international: plus de 300 000 Néo-Zélandais se rendent annuellement en Australie pour affaires ou dans le cadre du tourisme classique et, réciproquement, le même nombre d’Australiens se déplacent en Nouvelle-Zélande. Les deux États conservent un important attrait grâce à un effort de relations publiques. Compagnies aériennes et maritimes d’Amérique du Nord, du Japon, de Singapour, de Hong Kong, d’Indonésie augmentent le nombre de leurs liaisons, de concert avec les firmes d’Australie et de Nouvelle-Zélande. L’avion a forcé le changement, l’époque du paquebot-croisière ne fait que commencer ici. La proximité ou l’éloignement des foyers de richesse, autre innovation jamais vécue, renforce indifféremment les flux. Ville «californienne» par excellence, Sydney compte plus de 30 plages; Adélaïde a 32 kilomètres de plage, Melbourne est également surchargée. Hamilton Island, dans l’archipel de Moreton, devient le Saint-Tropez australien. Les chaînes Hilton, Sheraton, Hyatt et Regent ont jeté leur dévolu sur les grandes villes, suivies de Méridien et d’Intercontinental. Interaffair, Ningate Travel et Tours 33 se préoccupent tout particulièrement du confort des milieux d’affaires.

Dans ces zones à haute densité touristique, les promoteurs tendent à compléter les équipements: le golf fait fureur, comme les parcs récréatifs à thèmes, à tel point que l’on peut se demander raisonnablement s’il n’y a pas tendance au suréquipement. On aménage des stations pour l’enfance ou pour le troisième âge. Stockholm pense gagner en intérêt complémentaire avec son globe de 110 mètres de diamètre et de 85 mètres de hauteur, le plus grand du monde.

Les pays en voie de développement

L’Europe méditerranéenne a tracé la voie aux pays en développement: ses rivages appauvris ont servi en premier lieu à l’éclosion du tourisme international. Au cours d’une seconde étape, ce fut le tour des autres littoraux de cette mer subtropicale.

Outre les régions peu développées du bassin méditerranéen, l’emprise du tourisme international s’étend surtout à l’Amérique centrale, au Sud-Est asiatique et à quelques secteurs du Pacifique ou de l’océan Indien: les Caraïbes n’accueillent pas plus de 8,5 millions de visiteurs; le Sud-Est asiatique une trentaine de millions à peine.

L’adaptation touristique au milieu local est très contrastée, le degré d’intégration variable d’une région, voire d’une station, à l’autre. En Turquie, par exemple, l’enracinement séculaire des structures touristiques limite les effets du tourisme international de masse; les deux tiers des vacanciers de la Turquie sont des ressortissants de cet État, quoiqu’ils n’apparaissent dans aucune statistique officielle. Imperturbablement, ceux-ci continuent, comme par le passé, à s’orienter vers les trois activités fondamentales: pèlerinages, stations thermales et cures d’air estivales; presque 20 p. 100 de tous les pèlerins étrangers de La Mecque sont d’origine turque. Depuis les années cinquante, l’État a lui-même accéléré le processus touristique, s’appuyant sur le nombre croissant des couches moyennes susceptibles de s’intéresser au tourisme et encourageant la création de nouveaux modes d’équipement porteurs de devises. La promotion du secteur touristique domestique demeure toutefois la préoccupation centrale. Elle contribue à la création de couches sociales moyennes. Devenu seconde ressource du pays, le tourisme s’est néanmoins enrichi de son aspect international, qui se développe rapidement, mais principalement à l’écart de la population autochtone; dans l’ensemble, les lieux historiques antiques sont préservés de la construction d’hôtels.

Aux Seychelles, en revanche, la crise touristique commencée au milieu de l’année 1980 montre combien l’archipel est tributaire de ce secteur économique. Elle a engendré un manque à gagner considérable qui se répercute sur le marché des devises et sur le niveau de vie autochtone. Les structures inhérentes au développement touristique sont mises en cause dans presque tous les domaines, alors que l’économie autochtone a été délibérément sacrifiée à maints égards, la pêche exceptée. Une vigoureuse réorientation est attendue pour préserver l’environnement, établir une politique de transports apte à désenclaver les Inner et Outer Islands, modifier les bases de marketing.

Certains pays en voie de développement sont restés en retrait de la croissance globale annuelle de 11 p. 100 environ qui a marqué ce type d’espaces durant la période 1960-1968. À l’écart des grandes zones d’attraction, ils totalisent à peine dix millions d’étrangers par an. Ils ne peuvent offrir ni les équipements d’accueil minimaux auxquels s’attendent les touristes internationaux qui pratiquent le tourisme de masse, ni l’environnement ludique qui favorise le séjour, ni les relais en nombre suffisant qui agrémentent la mobilité. Un État tel que le Burkina Faso recevait en 1975 près de 15 000 touristes étrangers, 50 000 en 1982, près de 80 000 en 1987; la durée moyenne de séjour ne dépasse guère 3 ou 4 jours; les dépenses quotidiennes par personne se sont élevées, en 1981, à 9 000 francs C.F.A.; elles dépassent à peine 15 000 francs C.F.A. en 1988; Ouagadougou ne dispose que de 184 chambres d’hôtel; Bobo-Dioulasso en a 35 et Arly 36; le taux de remplissage des hôtels se situe autour de 30 p. 100; l’hôtellerie emploie un peu plus de 1 500 personnes, généralement peu qualifiées; seuls 2 p. 100 des employés, soit une trentaine de personnes, ont bénéficié d’une formation tant soit peu importante. Et pourtant l’État dispose d’un ministère du Tourisme; il a des projets, des gisements touristiques (sites naturels, monuments historiques, richesses ethnologiques...). Les difficultés d’ensemble retardent le décollage.

Un peu partout cependant, selon Emanuel de Kadt, auteur d’un ouvrage publié conjointement par la Banque mondiale et l’U.N.E.S.C.O., «le tourisme étale les comportements d’une société de gaspillage sous les yeux d’une société de besoins [...]. Le fossé entre les sociétés riches et les sociétés pauvres n’est plus, dès lors, une abstraction, c’est une réalité de tous les jours». L’auteur montre que la consommation quotidienne du touriste moyen en Tunisie représente l’équivalent de la nourriture annuelle de deux Tunisiens sur trois.

Les pays collectivistes

L’U.R.S.S. en tête, les pays collectivistes ont préservé jalousement leur territoire, dans un premier temps, contre toute intrusion idéologique étrangère. Le tourisme international fut donc étroitement réglementé, surtout celui qui provenait des États capitalistes. Le tourisme intérieur s’est toutefois développé à la faveur de la législation sociale mise en place. Très souvent associé au thermalisme et aux cures de nature diverse, celui-ci conserve un caractère spécial. Les listes d’attente sont longues pour les stations réputées, mais le droit à la mobilité touristique est reconnu par la loi.

Le tourisme international de ce groupe de pays atteint, selon différentes sources d’information, entre 80 et 90 millions de personnes par an. Les États européens accueillent environ 71 millions de visiteurs, tant de nations capitalistes que de nations socialistes, ces dernières l’emportant cependant nettement. L’U.R.S.S. n’enregistre qu’environ 4,5 millions d’arrivées. Signalons en outre environ 18 millions de touristes accueillis par la Chine, dont 1,5 million à peine sont des non-Chinois; 16 millions d’entre eux sont des «compatriotes» chinois d’outre-mer, le restant étant considéré comme d’origine chinoise, mais pas comme compatriote, c’est-à-dire ne vivant ni à Hong Kong ni à Macao ni a Taïwan.

Si le Vietnam ne diffuse pas de statistique et ne reçoit que parcimonieusement des visiteurs, l’Angola fait état de près de 220 000 touristes et Cuba de près de 200 000.

Les surcharges hôtelières se manifestent un peu partout au moment des hautes saisons: à Sotchi, les 40 000 lits sont insuffisants pour faire face à l’afflux estival. La sous-capacité reste un problème crucial. La recherche de devises, les difficultés économiques, l’absence de véritable politique de déploiement touristique, liée à la fois aux hésitations idéologiques et à la lourdeur de la machine administrative, confèrent un flou certain à ce secteur qui, pourtant, ne cesse de s’accroître.

Perspectives

La crise économique mondiale révèle que le tourisme est loin de pâtir des difficultés au même titre que d’autres secteurs (tabl. 6). Les rapports de l’O.C.D.E. signalent qu’en dépit du marasme d’ensemble le tourisme international résiste aux turbulences et connaît une légère croissance. L’analyse fine révèle néanmoins que trois facteurs ont affecté le tourisme international dans la zone de l’O.C.D.E., particulièrement en Europe: les craintes inspirées par le terrorisme pour la sécurité des personnes, les conséquences éventuelles de l’accident nucléaire de Tchernobyl et la baisse continue du dollar par rapport aux monnaies européennes. Si en Europe on enregistre une relative stagnation en matière d’arrivées, hors d’Europe on constate en revanche une nette expansion, sauf au Japon, qui s’est ressenti de l’affermissement du yen et du gonflement des chiffres provoqué en 1985 par l’exposition de Tsukuba. L’année suivante, Expo’86 a permis au Canada de bénéficier d’un afflux record de visiteurs venus tant d’Europe que des États-Unis. La désaffection des touristes américains pour l’Europe bénéficie largement aux pays du Pacifique.

Le développement du tourisme demeure exponentiel, d’autant plus que l’évolution sociologique en cours se traduit par de nouvelles réductions du temps de travail, ce qui donne à la population active des pays industrialisés l’occasion de se consacrer davantage aux voyages. Le Bureau international du travail (B.I.T.) parle d’un «nouveau départ» impliquant une diversification de la curiosité, un désir d’augmenter les connaissances et la réduction du nombre des voyages ultrarapides «tout compris»: les bénéficiaires du tourisme rechercheront l’expérience de cultures différentes et des destinations se situant de plus en plus à l’écart des sentiers battus. Tandis que les sites naturels continuent à jouir d’une grande popularité, sous réserve de la préservation de l’environnement et du respect du principe selon lequel le tourisme ne doit pas tuer le tourisme, l’engouement pour les parcs d’attraction tels que Disneyland ou des «supermarchés des loisirs» sera tel que des réalisations de cette nature seront le fait de toutes les parties du monde: attirant des millions de visiteurs, elles atteindront leur point culminant vers 1995 ou l’an 2000.

Les hôtels seront sans doute moins luxueux et plus fonctionnels; ils feront appel à un personnel de plus en plus qualifié. La restauration sera davantage orientée vers les plats précuisinés. L’analyse du B.I.T. ajoute qu’à l’aube du prochain millénaire chaque chambre d’hôtel de catégorie internationale sera équipée de systèmes de télécommunication et de mini-ordinateur.

Au début des années quatre-vingt-dix, de 400 à 600 millions de touristes sillonneront le monde; ils seront environ 800 millions à l’aube du prochain siècle. Des mesures contraignantes seront indispensables en matière d’aménagement et de protection sanitaire. Le protectionnisme qui menace actuellement l’expansion du commerce mondial risquant de rejaillir aussi sur le tourisme, la dérégulation et les grands marchés uniques qui s’annoncent – celui de la Communauté européenne entre autres – vont réactiver la compétition et placer l’industrie touristique face aux exigences prioritaires de la performance technologique. Celle-ci aura l’originalité d’être plus étroitement liée à l’expression de la dimension culturelle pour un nombre croissant de personnes.

tourisme [ turism ] n. m.
• 1841; angl. tourism (1811) touriste
1Le fait de voyager, de parcourir pour son plaisir un lieu autre que celui où l'on vit habituellement (même s'il s'agit d'un petit déplacement ou si le but principal du voyage est autre). Profiter d'un voyage d'affaires pour faire du tourisme. Tourisme à bicyclette. cyclotourisme.
2Ensemble des activités liées aux déplacements des touristes, et par ext. (admin., écon.) aux séjours des étrangers. Le tourisme, poste excédentaire de la balance des invisibles. Entrée de devises liée au tourisme. Office du tourisme. Agence de tourisme. Tourisme organisé. Tourisme de masse.
Loc. adj. DE TOURISME : destiné aux déplacements privés et non utilitaires. Avion, voiture de tourisme.

tourisme nom masculin (anglais tourism) Action de voyager, de visiter un site pour son plaisir. Ensemble des activités, des techniques mises en œuvre pour les voyages et les séjours d'agrément. ● tourisme (expressions) nom masculin (anglais tourism) Avion, voiture de tourisme, avion, voiture à usage privé. Grand tourisme (GT), modèle d'automobile à tendance sportive dont le moteur est particulièrement performant.

tourisme
n. m.
d1./d Activité de loisir qui consiste à voyager pour son agrément. Faire du tourisme.
Ensemble des services et des activités liés à l'organisation des déplacements des touristes. Office du tourisme. Agence de tourisme.
d2./d De tourisme: d'usage privé (par oppos. à commercial, militaire, etc.). Aviation de tourisme.

⇒TOURISME, subst. masc.
A. — 1. Activité d'une personne qui voyage pour son agrément, visite une région, un pays, un continent autre que le sien, pour satisfaire sa curiosité, son goût de l'aventure et de la découverte, son désir d'enrichir son expérience et sa culture. Faire du tourisme; voyage de tourisme. Le tourisme (...) se résume tout entier en un seul mot: voir (BAUDRY DE SAUNIER, Cycl., 1892, p. 450). J'ai toujours cherché, dans mes voyages, à atteindre l'intimité des pays que je visitais. Le tourisme superficiel, guide en main, à travers les musées et les monuments historiques, ne m'a jamais intéressé (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 13). Le tourisme se distingue du voyage en ce qu'il implique dans le fait du voyageur, d'une part le choix délibéré du but, d'autre part le souci de satisfaire son agrément (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 13).
P. anal. Faire du tourisme. Exercer une activité en dilettante, en dehors de tout professionnalisme. Mon premier mot fut pour lui demander des nouvelles de la course.(...) On a fait du sur-place toute la matinée; du tourisme, quoi! (MORAND, Ouv. la nuit, 1922, p. 176).
2. Ensemble des activités touristiques (séjours, voyages d'agrément). En ce qui concerne les mouvements de la population française, il s'agit moins de tourisme au sens classique du mot, c'est-à-dire de découverte, mais de mouvements réguliers et répétés d'hommes cherchant provisoirement un nouveau cadre de vie (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 378).
a) [Concerne la population et les lieux visités] Tourisme étranger, européen, français, intérieur, international, national; centre, lieu, station, région de tourisme; pays de (grand) tourisme. Visitez la Corse terre de tourisme d'hiver et de printemps (Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 10, col. 1-2).
b) [Concerne les zones d'accueil] Tourisme balnéaire, fluvial, montagnard, rural; tourisme de plein air; tourisme à la ferme; tourisme et thermalisme.
Tourisme blanc, tourisme de neige. Tourisme de sports d'hiver. Le caravaneige [« caravaning d'hiver »], nouvelle manière originale de pratiquer le tourisme blanc à meilleur compte (Tourisme, vacances, loisirs, 1975, n° 11, p. 10 ds Néol. Marche 1979 n° 10, p. 98).
Tourisme vert. Forme de tourisme rural. Le tourisme vert, pour tous ceux qui ne vont pas dans leur famille ou sous la tente, c'est bien le fin du fin du standing (Le Point, 26 avr. 1976, p. 89, col. 2).
c) [Concerne la forme, le type d'organ., d'activité] Tourisme actif, commercial, culturel, gastronomique, naturel, religieux, social, sportif; tourisme d'affaires, de congrès; tourisme des jeunes. Sans doute la retombée la plus désastreuse du tourisme de masse est-elle la transformation des cultures locales en spectacles à bon marché (Le Sauvage, mai 1974, p. 25, col. 1).
d) [Concerne les moyens de transp. utilisés] Tourisme aérien, automobile, équestre; tourisme à pied, à cheval, en auto; tourisme de randonnée.
Tourisme à bicyclette (ou vélocipédique). Synon. de cyclotourisme. Le goût du tourisme vélocipédique est très répandu en France (BAUDRY DE SAUNIER, Cycl., 1892, p. 491).
3. Industrie se consacrant à tous les besoins engendrés par les déplacements des touristes (moyens de communication, transports, structures d'accueil, aménagement des sites) et à toutes les questions d'ordre économique, juridique, financier, social que soulève ce domaine (accueil des personnes, apport de devises, balance commerciale, statistiques, etc.) organisé, structuré et réglementé au niveau national et régional. Tout ceci justifié par l'importance économique du tourisme. On implore le tourisme pour ranimer les affaires de détail, pour stimuler la vente du textile, pour sauver l'artisanat en péril (DEFERT, Pol. tour. Fr., 1960, p. 48). Dans le langage courant, on a pris l'habitude de désigner également par le mot tourisme l'« industrie », au sens large du terme, qui se consacre à satisfaire les besoins nés de la généralisation des voyages (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 14).
SYNT. [Dans des appellations officielles d'ordre gouvernemental ou admin.] Académie internationale du Tourisme; Comité du Tourisme; Comité (interministériel, régional) du Tourisme; Centre national du Tourisme (supprimé en 1959); Conseil supérieur du Tourisme; commissaire au tourisme; Commissariat (général) au tourisme; délégué régional au tourisme; fédération française de tourisme; ministre chargé du tourisme; office national du tourisme; Organisation mondiale du tourisme; secrétaire d'État au Tourisme.
Office, maison du tourisme. Organisme chargé de renseigner les touristes sur toutes les questions qu'ils se posent (hébergement, visites, transports, etc.). Synon. syndicat d'initiative. Dans les stations classées, il peut être institué par arrêté préfectoral, à la demande du conseil municipal intéressé, un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé office du tourisme. (...). L'office du tourisme est chargé de promouvoir le tourisme dans la station. Il assure la coordination des divers organismes et entreprises intéressés au développement de celle-ci (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 55).
Agence, association, bureau, organisme, service du tourisme. Organisme dont la vocation première est de promouvoir et de vendre les produits liés au tourisme. Synon. agence, bureau de voyages (v. voyage). Agent de tourisme; développer, encourager, promouvoir le tourisme. Voici venir la semaine où les adeptes du sport-roi vont consulter, dans les bureaux de tourisme, les dépêches arrivées de la montagne (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 123). Le développement du tourisme a favorisé la formule des maisons historiques (Musées Fr., 1950, p. 18).
B. — Spécialement
1. INDUSTR. HÔTELIÈRE. Hôtel de tourisme. Hôtel répondant à certains critères de confort, le classant en hôtel de grand tourisme (3 étoiles), hôtel de tourisme (2 étoiles) ou hôtel de moyen tourisme (1 étoile). Un panonceau faisant mention du nombre d'étoiles doit être apposé sur la façade des hôtels de tourisme (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 79).
En appos. Hôtel tourisme, catégorie tourisme. L'augmentation du potentiel d'hébergement français s'est faite (...) par (...) des classements d'hôtels existants en catégorie tourisme (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 106).
2. TRANSPORTS
a) Voiture, avion de tourisme (p. oppos. à véhicule de sport, utilitaire ou de ligne). Voiture, avion que l'on utilise pour son usage personnel, dans un but privé et non collectif. Un avion s'approcha, blond dans le ciel lumineux. C'était un avion de tourisme (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 489). Les voitures dites de « tourisme ». Cette désignation est impropre, puisque l'automobile est, avant tout, un instrument de travail. L'automobile de tourisme doit être rapide, maniable, d'un prix de revient honnête, peu gourmande et avoir une faible puissance fiscale (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p. 24).
En appos. Voiture, catégorie grand tourisme. Voiture de tourisme pourvue de certaines qualités sportives. Les voitures des catégories tourisme, grand tourisme, sport, peuvent participer aux rallyes, courses de côtes, épreuves se déroulant sur circuits (Jeux et sports, 1967, p. 1640). Pneu tourisme. Pneu conçu pour la roue d'un véhicule de tourisme. Le secteur « remplacement » [des pneus de véhicules utilitaires] est beaucoup plus régulier que dans le secteur des pneus « tourisme » (...) car les camions circulent beaucoup et usent donc beaucoup (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 44).
b) Billet (de) tourisme. Billet à prix réduit accordé sur certains transports et sous certaines conditions. La guerre des grandes compagnies aériennes contre les charters s'amplifie. Après Air France et ses « vols vacances », UTA s'apprête à lancer à son tour des billets « tourisme » à tarif réduit (Le Point, 31 mars 1980, p. 39, col. 2).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1841 (F. GUICHARDET, Les Touristes en Italie ds Le Prisme, Encyclop. morale du XIXe s., p. 156 d'apr. A. WEIL ds R. Philol. fr. t. 45, p. 40); 1907 voiture de tourisme (Nouv. Lar. ill. Suppl., p. 42a, s.v. automobile, v. QUEM. DDL t. 16); 1910 office national du tourisme (J.O., Loi du 8 avr. 1910, art. 123, p. 3169, col. 1); 1930 l'industrie du tourisme (Lar. comm.). Empr. à l'angl. tourism att. dep. 1811 ou formé sur touriste, par substitution du suff. -isme à -iste, afin de trad. l'angl. touring att. dep. 1818 et usité plus couramment pour désigner l'activité de voyage d'agrément, tourism ayant une valeur dépréc. Tourism connaît un nouvel usage au XXe s. pour désigner le tourisme en tant que secteur d'activité (1911 ds NED Suppl.2) parfois sous l'infl. du fr. (cf. la forme tourisme p. réf. à la France, ibid.). Fréq. abs. littér.:47. Bbg. Dossiers de mots: tourisme... Néol. Marche. 1979, n° 10, pp. 98-99; n° 12, pp. 186-187. — HADIFI (M.). Le Vocab. du tourisme d'après la rubrique « Tourisme et Loisirs » du journal Le Monde. Thèse, Nancy, 1983, pp. 168-190.

tourisme [tuʀism] n. m.
ÉTYM. 1841, Guichard, in Petiot : « ces heureux de la terre (…) piqués de la mouche du tourisme, contagion inévitable du monde élégant »; angl. tourism (1811), terme péj. pour touring, empr. en franç. dans Touring-Club (1890).
1 Le fait de voyager, de parcourir pour son plaisir (pour se distraire, se cultiver, etc.) un lieu autre que celui où l'on vit habituellement (même s'il s'agit d'un petit déplacement ou si le but principal du voyage est autre : profiter d'un voyage d'affaires pour faire du tourisme). || Voyage de tourisme, que l'on fait pour visiter un lieu, un pays. || Tourisme à bicyclette ( Cyclotourisme), en automobile; en caravane ( Caravanage, caravaning)… || Tourisme et plein air. Camping. || Tourisme pédestre. || Le tourisme vert : à la campagne, dans la nature.
0.1 C'est là que le tourisme a commencé ! Dès que l'on sut le monde-boule. Alors le « Tourisme » serait l'appellation générale d'une mauvaise attitude exotique. De même qu'une partie du vocabulaire de voyage.
Victor Segalen, Essai sur l'exotisme, p. 60.
1 Les dictionnaires du siècle dernier donnent, des mots touriste et tourisme, des définitions qu'il n'est sans doute pas inutile d'examiner aujourd'hui, en vue de certaines modifications. Pour Littré, par exemple, le tourisme est, essentiellement, un voyage d'agrément (…) Le voyageur que je suis encore, l'homme passionné depuis son plus jeune âge, par la découverte personnelle du monde et de l'humanité, doit-il vraiment se considérer comme un simple amateur de paysages ?
G. Duhamel, Problèmes de civilisation, p. 187.
Tourisme sexuel : voyages (d'hommes) dans un pays « exotique » où est toléré et organisé un érotisme vénal, parfois avec des mineurs et mineures. || Dénoncer la prostitution enfantine et le tourisme sexuel.
2 (1933). Ensemble des activités liées aux déplacements des touristes, et, par ext. (dans les statistiques, en t. d'admin., etc.), aux séjours des étrangers. || Le tourisme, considéré comme une industrie, une « exportation invisible » (→ Exportation, cit. 5). || Tourisme et hôtellerie. || Office du tourisme. || Agence de tourisme. || Rôle du tourisme dans la vie, le développement économique d'un pays.Tourisme international. || Le tourisme organisé, individuel. || Le tourisme de masse. || Tourisme d'affaires.
2 Le tourisme détruit le lieu touristique du seul fait qu'il y attire des foules et que le lieu (ville, paysage, musée) n'a plus d'autre intérêt que celui d'une rencontre qui pourrait se passer ailleurs, n'importe où.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 196.
(Mil. XXe). || … de tourisme : destiné aux déplacements privés (opposé à utilitaire, à collectif ou à régulier, de ligne). || Avion, voiture de tourisme (→ Croisement, cit. 1).
COMP. Agro-tourisme.

Encyclopédie Universelle. 2012.