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BIOLOGIE
BIOLOGIE

Le terme «biologie» ( 廓晴礼﨟, vie, et礼塚礼﨟, science) désigne la science qui étudie la vie. Il est utilisé, pour la première fois, par l’Allemand G. R. Treviranus (1802), dans Biologie oder Philosophie der lebenden Natur (Biologie ou Philosophie de la Nature vivante ), ouvrage en six tomes publié à Göttingen. Pour lui, la biologie envisagera «les différents phénomènes et formes de la vie, les conditions et les lois qui régissent son existence et les causes qui déterminent son activité». Treviranus ne réalisa pas son œuvre de synthèse et écrivit plutôt un inventaire faunistique et floristique.

En cette même année 1802, le mot «biologie» figure dans l’Hydrogéologie de J.-B. Lamarck ; la physique terrestre comporte trois parties: «La première doit comprendre la théorie de l’atmosphère, la météorologie, la deuxième, celle de la croûte externe du globe, l’hydrogéologie ; la troisième enfin, celle des corps vivants, la biologie.» Son cours de 1812 a pour titre Biologie, ou Considérations sur la nature, les facultés, les développements et l’origine des corps vivants . Un manuscrit inédit, que P. P. Grassé a signalé, précise que: «C’est à ces corps singuliers et vraiment admirables qu’on a donné le nom de corps vivants... Ils offrent en effet, en eux et dans les phénomènes divers qu’ils présentent, les matériaux d’une science particulière qui n’est pas encore fondée, qui n’a pas même de nom, dont j’ai proposé quelques bases dans la Philosophie zoologique et que je nommerai biologie.» Lamarck, à cette époque, ignorait le néologisme créé par Treviranus. C’est pourquoi le terme de biologie est considéré comme ayant été créé à la même époque par un Français, le zoologiste Lamarck, et par un Allemand, le naturaliste Treviranus.

Les êtres vivants sont extrêmement abondants; à plus de 350 000 espèces végétales s’ajoutent plus d’un million d’espèces animales. Le champ de la biologie, science de la vie, est donc particulièrement vaste; il englobe toutes les sciences consacrées à l’être vivant, y compris l’Homme bien entendu: description des formes externes et internes (morphologie, anatomie), leur développement (embryologie), analyse des fonctions (physiologie) et des comportements (psychologie), établissement des classifications évolutives (botanique, zoologie, anthropologie), examen des sociétés, leur rapport avec les milieux, leurs rapports entre elles (écologie, éthologie, sociologie).

À cette conception fort large peut s’opposer une conception beaucoup plus restreinte; la biologie envisage le comportement des êtres vivants soit isolés, soit en rapport avec les milieux fréquentés; on se préoccupe alors de la biologie des Insectes ou de celle des plantes xérophytiques; il s’agit donc d’éthologie ou d’écologie.

Ces deux conceptions ne sont pas excellentes; la première est trop éloignée du sens primitif du terme de biologie; la deuxième, grandement utilisée, gagne à être remplacée par les termes plus précis d’éthologie ou d’écologie.

Une troisième conception dénommée biologie générale a été définie, par Yves Delage, comme «la recherche des conditions et des causes des grandes manifestations de la vie dans la cellule, dans l’individu et dans l’espèce». La biologie générale traite donc des phénomènes vitaux communs aux plantes et aux animaux. Elle étudie la matière vivante, son origine, sa structure et ses propriétés; elle s’attache à expliquer les phénomènes fondamentaux qui président à la vie, la formation de l’être vivant, sa reproduction, la naissance des espèces, leur distribution et leur évolution. La biologie générale comportera alors les disciplines suivantes: biologie cellulaire, embryologie, reproduction, hérédité, évolution.

Depuis sa naissance, la recherche biologique a présenté périodiquement des changements profonds solidaires d’orientations nouvelles, elles-mêmes plus ou moins liées aux résultats déjà obtenus, d’où la succession de plusieurs grandes étapes dans l’histoire de la biologie. La première, qui s’étend jusqu’au milieu du XIXe siècle, s’intéresse particulièrement à l’inventaire des organismes vivants, à la description de leur forme et de leur structure. À cette œuvre participent botanistes et zoologistes. Elle sera suivie à partir de la seconde moitié du XIXe siècle par l’étude des fonctions du vivant. Le grand essor de la physiologie, sous l’impulsion de Claude Bernard, mettra en évidence les lois communes régissant le fonctionnement des organismes vivants. C’est aussi l’époque des grandes tentatives d’explication: théorie cellulaire, théorie de l’évolution. Des sciences nouvelles naîtront: la génétique, ou science de l’hérédité (Mendel), la microbiologie (Pasteur).

Au début du XXe siècle, les recherches biologiques progressent grandement dans tous les domaines; des interactions lieront des disciplines longtemps indépendantes. Notamment, l’étude des ultrastructures devait progresser rapidement grâce aux instruments d’analyse puissants (microscopie électronique, ultracentrifugation, ultrafiltration, électrophorèse) permettant la découverte des structures des molécules organiques (protéines, acides nucléiques) et aboutissant, lors des années 1950-1960, à la mise en évidence du rôle essentiel de l’ADN (acide désoxyribonucléique), support de l’information transmise de génération en génération, et provoquant une révolution dans le domaine biologique. La biologie moléculaire était née; elle avait à ses débuts, comme matériau de choix, la bactérie; rapidement elle travailla sur tous les organismes vivants, y compris l’homme. Cette nouvelle discipline tente de montrer que la structure des molécules composant l’organisme conditionne son fonctionnement. Elle a renouvelé les conceptions sur les mécanismes génétiques, cellulaires, embryologiques. Elle assure une compréhension plus rigoureuse des processus vitaux, qui s’affine encore grâce aux techniques des télécommunications et des ordinateurs.

À la suite des appels angoissés de quelques authentiques défenseurs de la Nature, des biologistes sont revenus à l’écologie, à la vraie écologie, c’est-à-dire à l’analyse des rapports du vivant avec son milieu. Il est essentiel de connaître les exigences des espèces car il est dangereux de perturber les équilibres naturels; les conséquences d’une modification apparemment sans importance sont imprévisibles. À l’aide des techniques et des appareils modernes, on reprend l’étude des écosystèmes terrestres, forestiers, lacustres, marins.

Le domaine biologique, fort diversifié, est en liaison, d’une part, avec les sciences physicochimiques (origine de la vie) et, d’autre part, avec les sciences humaines (pensée et conscience).

1. Origine de la vie

Le problème de l’origine de la vie a toujours suscité beaucoup de curiosité.

La génération spontanée, qui semblait toute simple et naturelle, fut acceptée jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Les fables les plus inattendues sont encore dans toutes les mémoires. À la fin du XVIIIe siècle, des objections apparaissent et des expériences sont entreprises (Spallanzani contre Needham) pour démontrer la non-existence de la génération spontanée. La question fut réglée après les expériences de Pasteur (1860-1866) qui l’opposèrent à Pouchet et Bastian, notamment.

Une autre théorie fut édifiée, la panspermie; elle est également rejetée en raison de l’action destructrice des rayons ultraviolets et cosmiques.

Les progrès de la chimie biologique et de la biologie moléculaire ont favorisé le développement de nouvelles interprétations qui considèrent la genèse de la vie comme une étape normale de l’évolution biochimique, mais de sérieuses difficultés devaient être résolues. Parmi celles-là: comment les composés organiques indispensables à la vie (sucres, graisses, protéines, acides nucléiques...) fabriqués uniquement par les êtres vivants auraient-ils pu apparaître avant l’existence du vivant? Quelle pouvait être la source d’énergie nécessaire aux réactions puisque celle qu’utilise la vie, l’adénosine triphosphate (ATP), résulte d’un mécanisme compliqué propre aux êtres vivants?

Les premières molécules organiques

Le biochimiste soviétique A. I. Oparin et le biologiste anglais J. B. S. Haldane formulent les premières hypothèses (vers 1924), ouvrant la voie aux futures expérimentations. Selon eux, l’atmosphère primitive , réductrice, de la Terre, se composait d’un mélange d’hydrogène, de méthane, d’ammoniac, de vapeur d’eau; ce mélange soumis au rayonnement énergétique du Soleil aurait engendré des molécules organiques; tombées dans les océans, elles s’y accumulaient et formaient la «soupe chaude primitive» de Haldane, dans laquelle seraient nés les premiers organismes vivants, très simples et hétérotrophes, c’est-à-dire se nourrissant de matières organiques empruntées à l’extérieur.

Des essais expérimentaux ultérieurs ont justifié cette notion d’évolution chimique prébiologique. L’expérience historique du jeune chimiste américain S. I. Miller fut décisive (1953). Un mélange gazeux composé d’hydrogène en excès, de méthane, d’ammoniac, d’eau en partie condensée (composition voisine de celle de l’atmosphère des grosses planètes) fut soumis à des étincelles électriques à la pression atmosphérique pendant des durées variables (de quelques dizaines à quelques centaines d’heures). Se formaient ainsi des acides aminés (glycine, alanine, acide glutamique, acide aspartique), de l’acide formique, de l’acide lactique et surtout de l’acide cyanhydrique. D’autres expériences, réalisées en modifiant le mélange initial (hydrogène remplacé par de l’oxyde de carbone) ou la source d’énergie, fournissent toujours en proportions importantes des acides aminés et de l’acide cyanhydrique qui sont à l’origine de nombreuses synthèses. Ces molécules primitives existent dans le spectre de certaines étoiles ou galaxies. Non seulement un ou deux composés pouvaient être synthétisés, mais aussi toute une série de dérivés offrant un intérêt biologique. Ainsi naissait une nouvelle discipline, la biochimie évolutive.

Les expériences mimant les réactions atmosphériques présentent toujours le même schéma: en phase gazeuse, les mélanges atmosphériques carbonés et réducteurs soumis à des flux suffisants d’énergie fabriquent de nombreux composés insaturés; leur dissolution en milieu aqueux modifie les réactions; par hydratation, addition, condensation, ammonisation, des composés présentant un intérêt biologique se forment. Le mélange gazeux doit être non oxydant afin que les composés organiques ne soient pas détruits; l’énergie doit être suffisante afin de provoquer l’excitation électronique des composés primitifs. Dans ces réactions, il n’intervient pas de catalyse enzymatique; il n’existe pas d’information génétique.

L’acide cyanhydrique, produit intermédiaire fort précieux, peut donner des purines, des acides aminés, des pyrimidines et bien d’autres composés. De plus, il est à l’origine: 1. de molécules favorisant la formation de polymères; 2. de petites molécules analogues aux coenzymes dotées d’activité catalytique; 3. de molécules lipidiques qui participeront à la formation de membranes primitives.

La sélection prébiotique

Dans la «soupe chaude» composée de molécules abondantes et variées devra s’effectuer une sélection prébiotique des composés capables d’évoluer vers les macromolécules vitales. Vraisemblablement, les protéines se formeront avant les acides nucléiques, car elles possèdent les activités catalytiques, et les acides aminés qui les constituent sont plus simples que les nucléotides, élément constitutif des acides nucléiques.

L’Américain S. W. Fox et ses collaborateurs, l’Allemand G. Shramm et ses collaborateurs ont réussi à fabriquer expérimentalement des polymères peptidiques offrant de profondes ressemblances avec les mêmes composés synthétisés par le vivant. Dans cette perspective, Buvet considère que «l’apparition des constituants d’intérêt biologique, sinon des systèmes vivants eux-mêmes, doit donc de toute évidence être considérée maintenant comme un processus obligatoire de fait, au moins à toute périphérie planétaire dotée de conditions telles que l’eau liquide y reste». Aucune différence n’apparaît entre les acides aminés vieux de quatre milliards d’années et ceux qui sont fabriqués actuellement. Au laboratoire, l’évolution prébiologique est recréée; les synthèses expérimentales ont produit de fort nombreuses paires de nucléotides, mais en quantité bien moindre que dans l’ADN bactérien. Oparin avait estimé que la précipitation en milieu aqueux des molécules organiques pourrait être à l’origine des cellules vivantes. Les dimensions et la nature des molécules nées en milieu aqueux conditionnent leur agglomération et provoquent la coacervation , c’est-à-dire la formation d’agrégats complexes nommés coacervats. Les macromolécules formées à la périphérie de la terre, entraînées par les eaux, se comporteraient de même. Ces coacervats, aussi nommés, selon les auteurs, microsphères, éobiontes, protobiontes, offriraient de vagues ressemblances avec les cellules vivantes; notamment, ils seraient entourés d’une sorte de membrane rudimentaire permettant les échanges.

Les premiers systèmes organisés

Des hypothèses ingénieuses sur l’évolution de ces protobiontes permettent d’imaginer comment de proche en proche pourrait se former un organisme vivant primitif et déjà complexe, apte à assurer son autoconservation, son autorégulation, son autoreproduction. L’autoconservation consiste à résoudre un problème d’énergie; l’énergie totale d’un système comprend une part utilisable et une part dégradée qui correspond à l’augmentation irréversible de l’entropie; l’entropie mesure le degré d’usure de l’énergie, ainsi que le degré de désordre d’une structure organisée. D’après le second principe de la thermodynamique, l’entropie d’un système fermé ne peut que croître, ce qui entraîne une diminution de l’organisation. Ce principe posait donc une incompatibilité considérée comme irréductible entre l’évolution dans le domaine physique et l’évolution dans le monde vivant. Il était admis qu’il ne s’appliquait qu’à des états d’équilibre et à des systèmes fermés. Les organismes vivants n’étant pas des systèmes fermés (mais ouverts au sens des thermodynamiciens), ni des systèmes en équilibre, ne sont pas concernés par le principe de Carnot. Tout apport d’énergie extérieure (énergie solaire ou énergie résultant du catabolisme) à un organisme vivant entraîne la diminution de l’entropie et l’accroissement de l’organisation. En revanche, à la phase prébiologique, où les molécules organiques agrégées sous certaines conditions en coacervats constituaient des systèmes fermés, la situation était différente. Il convient alors d’imaginer un mécanisme thermodynamique ne recourant pas à l’énergie extérieure, et qui cependant permette la concentration de petites molécules hydrophobes qui ensuite se polymériseront.

Or, en ce domaine, une révision imprévisible suscite actuellement de profonds changements. Peu à peu, l’insuffisance de la thermodynamique classique frappa les spécialistes; en effet, à toutes les échelles d’observation (astronomique, humaine, moléculaire ou atomique), le monde matériel «ne paraît ni être dénué d’organisation, ni évoluer systématiquement dans le sens d’une désorganisation progressive» (Matras et Chapouthier). Plusieurs écoles – Tonnelat (fine analyse de la notion d’ordre: «l’ordre issu du hasard»), Tolman, Castaing, Tonnelat (étude plus précise du principe de Carnot), Prigogine (systèmes irréversibles et thermodynamique) – obtinrent des résultats convergents qui permettent d’admettre que, dans certaines conditions, l’évolution de certains systèmes «vers des états ordonnés stables n’est pas contraire aux lois de la thermodynamique». L’introduction du concept de l’information conforte encore cette conclusion. On se libère des généralisations un peu hâtives du principe de Carnot. L’avancée décisive est due à Prigogine qui édifie une thermodynamique nouvelle aux niveaux macroscopique et microscopique; pour ce dernier, il envisage une hypothèse d’indéterminisme fondamental et un concept d’«entropie moléculaire». Une difficulté importante semble donc levée; le monde vivant paraît pouvoir s’intégrer dans un modèle thermodynamique. Mais bien des obscurités subsistent.

Le métabolisme primordial – actions catalytique et autocatalytique – dans la «soupe chaude», est encore peu connu; on sait mal le rôle joué par le calcium, le magnésium, le fer, le manganèse, le cobalt qui étaient présents dans le milieu terrestre primitif. Plus réservé sur la portée biologique des résultats expérimentaux obtenus, Buvet se demande «dans quelle mesure les expériences effectuées à ce jour n’ont pas abouti seulement à former des molécules «cadavres» et non un ensemble de réactions d’où puissent émerger des organismes justiciables du qualificatif de vivants».

La diversification métabolique

Pour survivre, les premiers organismes vivants hétérotrophes durent élaborer leurs aliments à partir des molécules du milieu et de l’énergie solaire. L’appauvrissement de la «soupe primitive» en matières organiques contraignit les premiers hétérotrophes à fabriquer eux-mêmes les molécules organiques à partir du gaz carbonique, abondant dans les océans comme déchet de la fermentation. Hétérotrophie et anaérobiose caractérisent les vivants primitifs, qui menaient certainement une vie précaire. Toute amélioration sera fonction d’une production accrue d’énergie pouvant provenir, par exemple, de réactions exothermiques telles que les oxydations, qui exigent la présence d’oxygène. C’est pourquoi ont dû naître d’abord des probiontes anaérobies.

Ils ont ensuite donné naissance à des bactéries photosynthétiques qui seraient à l’origine des algues bleues. L’atmosphère s’est enrichie en oxygène, sous-produit de la photosynthèse, ce phénomène complexe qui s’accomplit grâce à la chlorophylle et aux photons émis par le Soleil: la photosynthèse propre aux végétaux libère de l’oxygène et a rendu possible la respiration aérobie. La respiration expulse du gaz carbonique, qui participe en retour à la photosynthèse. Dans la haute atmosphère, sous l’action des ultraviolets, l’oxygène donne de l’ozone; il forme à 30 kilomètres de la surface de la Terre un écran qui filtre les rayons solaires et absorbe les radiations ultraviolettes nocives. L’atmosphère actuelle est alors constituée; la vie végétale autotrophe et la vie animale hétérotrophe peuvent se développer en interdépendance biogéochimique.

Ces micro-organismes ont laissé des vestiges dans des roches fort anciennes. L’amélioration des méthodes d’analyse permit, vers 1960, d’étudier la paléobiochimie des fossiles datant au moins de dizaines de millions d’années (Florkin et coll.). Les fossiles renferment les mêmes acides aminés que les formes alliées actuelles (Mollusques, par exemple). Les fossiles du Tertiaire et même du Secondaire renferment encore des macromolécules dont la détermination des séquences protéiniques est réalisable. Des constituants organiques subsistent dans des fossiles du Primaire (plus de 500 millions d’années). Des marques d’une activité photosynthétique ont été décelées chez des algues bleues âgées de 2,5 à 3,1 milliards d’années.

Ces résultats sont à rapprocher des renseignements sur les constituants organiques des corps célestes extraterrestres fournis par les météorites carbonées, celles d’Orgueil près de Montauban (1864) et de Murchison en Australie, la plus récente (1969). Leurs macromolécules renferment des acides aminés dont l’asymétrie optique diffère de celle des composés biologiques terrestres, des dérivés puriques et pyrimidiques, ainsi que des porphyrines. Il serait abusif d’en déduire l’existence actuelle ou antérieure de formes évoluées de vie extraterrestre. Les conditions régnant sur les planètes extrêmes ne permettent pas une chimie organique offrant des analogies avec celle du vivant; cette impossibilité n’est pas exclue pour Mars, Jupiter, Saturne et même pour Vénus, en raison des conditions régnant à leur périphérie. Une exobiologie scrute les indices de vie dans le cosmos.

Cette esquisse très simplifiée et très résumée de l’origine de la vie conforte la tendance suivant laquelle il est plausible de donner aux faits biologiques une explication physico-chimique; mais celle-ci ne se préoccupe point de la signification biologique des processus, de leur importance, de leur rôle dans le maintien de l’espèce ou dans l’évolution en général. Bien que les mêmes lois physico-chimiques régissent le monde des objets inanimés et celui des organismes vivants, ces deux mondes constituent des systèmes totalement différents et répondent à des concepts dissemblables. N’a-t-on pas trop négligé l’examen des concepts fondamentaux de la biologie? Comme le fait remarquer E. Mayr, il est essentiel de «démarquer» la biologie des sciences physiques et de noter ses propres caractéristiques. Cette remarque est fort pertinente. L’étude de la matière et des objets inanimés a marqué les débuts de la science moderne; elle fut l’œuvre surtout de physiciens qui édifièrent une conception de la science adaptée à la physique et assez peu à la biologie. Une théorie des sciences biologiques non inféodée à la physique conduit à renouveler la biologie classique et apporte une meilleure compréhension de certaines questions.

2. Traits caractéristiques des êtres vivants

La structuration

La cellule représente l’unité fondamentale du vivant. Elle comporte en son centre un noyau et ce qui entoure ce dernier constitue le cytoplasme. La structure cellulaire fine permet d’identifier les procaryotes (bactéries, mycoplasmes, algues bleues) et les eucaryotes (champignons, végétaux verts, animaux). Chez les procaryotes existe seulement une membrane plasmique délimitant la cellule, noyau et cytoplasme n’ayant pas de limites nettes. Chez les eucaryotes, le noyau est séparé du cytoplasme par une enveloppe, la membrane nucléaire, bien individualisée. Cytoplasme et noyau renferment des inclusions variées dénommées organites cellulaires. Les eucaryotes ont donc un niveau d’organisation plus élevé que les procaryotes.

L’observation des fossiles révèle que les procaryotes sont apparus sur la Terre bien avant les eucaryotes; le Précambrien inférieur (3,5 milliards d’années environ) renferme des procaryotes; les premiers fossiles d’eucaryotes datent du Précambrien supérieur (1 milliard d’années). À la fin du Précambrien (600 millions d’années) s’amorce la diversification des eucaryotes.

Les ultrastructures cellulaires étudiées grâce au microscope électronique montrent une identité structurale des cellules animales et végétales. L’appareil de Golgi, longtemps considéré comme propre aux cellules animales, existe aussi dans la cellule végétale. Les seules différences notables sont une tunique externe cellulosique et des chloroplastes intracytoplasmiques dans la cellule végétale. D’où la notion fondamentale de l’unité structurale du vivant. Quant aux virus , ce ne sont pas des cellules et ils ne peuvent être considérés comme vivants; aucun virus ne peut se reproduire sans l’intervention de la cellule qu’il parasite. Le virus est une structure biologique particulière: «Il est virus, et c’est tout», constate P. Lépine. Il se compose d’un ADN enroulé en spirale (parfois d’un ARN) renfermant le programme de synthèse des protéines qui forment une enveloppe (capside) autour de l’acide nucléique.

Depuis que le chimiste américain W. L. Stanley (1935) a réussi à cristalliser le virus de la mosaïque du tabac, les rapports entre virus et cristaux ont été précisés. L’élaboration du virus à partir de ses constituants est connue: dans une solution très concentrée en molécules de la protéine de la capside, il se forme spontanément un bâtonnet hélicoïdal qui entoure un filament d’ADN, lequel joue le rôle d’amorceur. La forme du virus provient de la capside; si on enlève la capside, l’acide nucléique seul, isolé à partir de la particule virale, est capable de créer de nouveaux virus identiques au virus initial. La synthèse artificielle d’un virus a été réalisée au laboratoire (G. Kornberg, 1968). Ces expériences sont à l’origine de celles qui se rapportent au génie génétique.

L’organisation

L’ensemble des structures et ultrastructures présentes dans le vivant témoigne d’une extrême complexité, d’une organisation liée à des structures hiérarchisées, tous caractères absents des objets inanimés.

Considérant la complexité des êtres vivants, Mayr et Simon (1962) définissent «les systèmes complexes comme étant ceux où l’ensemble est plus grand que la somme des parties, non pas dans un sens ultime et métaphysique, mais dans le sens pragmatique important qu’étant donné les propriétés des parties et les lois de leurs interactions il n’est pas facile d’en inférer les propriétés de l’ensemble». Une telle complexité existe à tous les niveaux depuis le noyau cellulaire jusqu’à la cellule, l’organe, l’individu, l’écosystème. Seul le vivant possède des possibilités de métabolisme variées exigeant la présence d’une énergie fabriquée et parfois mise en réserve, et aussi des pouvoirs de croissance et de différenciation.

La hiérarchisation des structures est manifeste; des structures variées ne sont fonctionnelles que dans un ensemble; chacune présente une certaine adaptation permettant des actions téléonomiques. Diverses contraintes interviennent dans la réalisation des structures et des fonctions; c’est pendant le développement de l’embryon qu’agissent les instructions codées du programme génétique qui conditionne le phénotype réel. De semblables systèmes organisés et intégrés pouvant être à l’origine de nouvelles propriétés sont inconnus dans le monde inanimé.

Le décours temporel

Bien que constitués des mêmes éléments de base que la matière, les êtres vivants possèdent une structure chimique très particulière; les macromolécules organiques fort compliquées présentent des propriétés assez extraordinaires et spécifiques. Le monde vivant change continuellement , aussi bien la cellule que l’organisme dans sa totalité. Le passage de la naissance à la mort s’accompagne de multiples modifications. Le temps constitue l’un des paramètres essentiels de la biologie, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des disciplines de la physique. La flèche du temps se manifeste chez tous les représentants du monde vivant qui lui-même, dans sa totalité, témoigne d’une évolution dans le temps. Cette caractéristique justifie la présence d’horloges internes qui règlent les cycles physiologiques et les divers rythmes; en sont responsables des systèmes de mémoires dont le système génétique représente une sorte de mémoire de l’espèce.

L’existence d’un programme génétique , ou information codée, dans le noyau de la cellule caractérise les êtres vivants. L’analyse de la structure de la molécule d’ADN (1953) montra qu’elle portait des informations qui sont traduites pendant la différenciation dans les protéines qui forment les organismes. L’information codée contrôle une grande variété de processus qui régissent le développement, les activités, le comportement des organismes. La formation des acides aminés, par exemple, est identique chez tous les êtres, du plus simple au plus complexe, du virus à l’homme. Le système immunitaire régi génétiquement (complexe majeur d’histocompatibilité logé dans une petite portion du 6e chromosome autosome humain) assure la distinction entre le soi et le non-soi; il permet le rejet de toute substance étrangère au soi; il réagit contre les propres constituants du soi altérés par la maladie.

Sexualité et unicité

Le phénomène de la fécondation , conséquence de l’existence des sexes, marque encore les êtres vivants. Les organismes asexués se reproduisent par fusion gamétique ou par bourgeonnement. La fusion des deux gamètes parentaux (ovule et spermatozoïde) assure la formation d’un programme génétique nouveau par réassortiment de deux programmes différents provenant l’un de la mère, l’autre du père. Le nouvel être qui naîtra sera différent de tous les autres (exception pour les vrais jumeaux) et, partant, il sera unique dans la multitude des enfants possibles. La sexualité peut être considérée comme «une machine à faire du différent» selon l’expression de F. Jacob. Les procédés de clonage, qui visent à produire des copies conformes d’un être, inquiètent grandement, car ils supprimeraient l’unicité.

Cette unicité conditionne la diversité qui s’observe à tous les niveaux: diversité moléculaire, diversité des individus, diversité des espèces, diversité culturelle. Le maintien de cette diversité est indispensable afin d’éviter toute monotonie et uniformité, source d’ennui. Certains prétendront que la diversité justifie l’inégalité; n’ont-ils pas tendance à confondre deux notions différentes, identité et égalité? La première, liée à la biologie, englobe les caractères physiques et mentaux des êtres; la seconde s’intéresse aux droits sociaux et juridiques: elle appartient à la morale et à la politique.

Cette notion d’unicité, extrêmement importante, révèle une grave erreur résidant dans la notion d’un individu «typique». L’individu typique n’existe pas; les valeurs moyennes établies ne correspondent à rien. Ce qui est intéressant, ce n’est pas l’individu mais des groupes d’individus soumis à la variation et qui constituent des populations. Ainsi, la pensée populationnelle répandue dans l’Occident à la fin du XVIIIe siècle a peu à peu évincé la pensée essentialiste qui admet l’identité de toutes les entités, par exemple de tous les individus d’une même espèce. Cette conception statique était difficilement conciliable avec la notion d’évolution. Une espèce nouvelle ne pouvait apparaître qu’à la suite d’un changement, d’un saut, d’une mutation; toute évolution progressive ou graduelle était impossible. Le concept de la sélection naturelle, inadmissible pour un essentialiste, devenait envisageable pour les tenants de la pensée populationnelle. Une population dotée de sexualité peut évoluer plus rapidement qu’une population asexuée.

La notion de population affecte aussi le concept de l’espèce. L’espèce réunit des populations dont tous les individus peuvent se reproduire librement entre eux. Le critère essentiel de l’espèce est l’interfécondité des groupes de population et l’isolement sexuel avec d’autres groupes semblables. L’importance des caractères morphologiques s’estompe. Ce concept de l’espèce à base populationnelle intervient grandement dans la spéciation, ou formation d’espèces nouvelles. Bien que régis par les lois physico-chimiques, les organismes vivants sont soumis à diverses contraintes relevant de la thermodynamique, de la reproduction, de l’évolution, de l’adaptation.

3. Les deux biologies

De l’incontestable identité structurale et fonctionnelle de tout le monde vivant ne découle pas l’unicité de la biologie, car les phénomènes biologiques répondent à deux modes de causalités nommés par E. Mayr causes prochaines et causes évolutives. Dans cette perspective, il propose deux biologies couvrant deux domaines bien définis: une biologie fonctionnelle qui étudie les causes prochaines et une biologie évolutive qui traite des causes évolutives.

Les causes prochaines sont régies par le programme génétique; c’est lui qui détermine le dimorphisme sexuel, ou si un oiseau sera sédentaire ou migrateur, par exemple. La biologie fonctionnelle envisage la traduction, le décodage des programmes génétiques; sa méthode privilégiée est l’expérimentation; elle se préoccupe principalement des mécanismes biochimiques, moléculaires, physiologiques.

La biologie évolutive recherche l’origine des nouveaux programmes génétiques et de leurs modifications au cours de l’histoire évolutive; l’observation constitue sa méthode essentielle jointe à l’expérimentation quand elle est possible. Les analyses révèlent l’origine commune de certaines molécules et le mode de création de nouvelles molécules à la suite de remaniements de structures préexistantes. Pour F. Jacob «l’évolution biologique est fondée sur une sorte de bricolage moléculaire, sur la réutilisation constante du vieux pour faire du neuf». Il estime que la probabilité de voir une protéine fonctionnelle se former de novo , par association au hasard d’acides aminés, est pratiquement zéro.

La biologie fonctionnelle s’efforce de répondre aux questions Comment? Combien? et offre ainsi quelque ressemblance avec les sciences physiques. La biologie évolutive cherche à répondre à l’éternel Pourquoi? Dans quel but?

Il convient de noter une convergence d’idées entre les modes de causalité de E. Mayr (1961) et les observations de C. Bernard (1878) identifiant des causes secondaires (= causes prochaines) et primaires (= causes évolutives). Mayr reconnaît lui-même qu’il a découvert seulement en 1977 cette similitude. Mais il n’accepte pas l’opinion bernardienne considérant l’examen des causes premières comme un problème métaphysique ne relevant pas du domaine scientifique.

Problématique évolutive

La biologie évolutive doit pouvoir proposer des solutions aux questions posées par les philosophes. Elle occupe une place de choix car «rien n’a de sens en biologie si ce n’est à la lumière de l’évolution». Mais elle ne saurait se limiter à l’étude des phylogenèses. L’évolution est «le changement dans l’adaptation et dans la diversité des populations d’organismes». La biologie évolutive doit rechercher les causes des réponses adaptatives et celles de la diversité. La théorie de la sélection naturelle permet d’échapper au dilemme: hasard ou nécessité. Elle est en réalité une reproduction différentielle comprenant deux étapes: la variabilité génétique résultant du hasard, et la sélection proprement dite, qui fonctionne comme un processus antihasard tout en n’étant pas déterminé.

Le Pourquoi? conduit tout naturellement à la téléologie , problème toujours d’actualité. Une activité téléologique (telos = fin, but) est dirigée vers une fin ou un but. Depuis que Kant a admis que les phénomènes téléologiques ne pourraient être expliqués par des processus strictement mécaniques, les discussions n’ont pas cessé autour de ce faux problème.

La paléontologie a fourni de nombreux exemples incompatibles avec la téléologie; l’orthogenèse qui définissait une évolution prétendument rectiligne devrait obéir à des lois générales qui autoriseraient des prévisions; ce n’est pas le cas. Autre argument contre les causes finales: un programme interne régissant une tendance à la perfection n’a jamais été découvert, et la biologie moléculaire montre son impossibilité. Mayr n’hésite pas à affirmer qu’«il n’y a aucune preuve d’une quelconque téléologie dans l’évolution du monde vivant». Son avis est largement partagé.

Un raisonnement par analogie ne serait-il pas à l’origine de confusions regrettables? L’activité humaine généralement finalisée est admise comme modèle universel; le désir ou l’intention qui précède une réalisation humaine conditionnerait aussi toute activité des organismes dirigée ou apparemment dirigée vers un but. Sont alors omniprésents une conscience, un esprit, un principe directeur, une force vitale... Des termes anthropomorphiques impropres et inappropriés ont sévi longtemps. Une amélioration est intervenue avec l’avènement de la cybernétique et de l’informatique qui ont introduit un langage nouveau (information, programme, rétroaction...) et proposé des définitions plus rigoureuses des processus prétendument téléonomiques, autrement dit processus qui possèdent une causalité intrinsèque dont la direction vers un but incombe à l’exécution d’un programme. Le programme de base qui correspond au génotype est une «information codée ou pré-ordonnée qui contrôle un processus ou un comportement en le menant vers une fin donnée» (E. Mayr).

Problématique fonctionnelle

La coexistence de comportements innés et de comportements acquis par l’expérience ou par l’apprentissage nécessite deux types de programmes: les programmes fermés et les programmes ouverts, ainsi nommés par Mayr (1964, 1976). Un programme fermé n’accepte pas de sensibles changements pendant la traduction dans le phénotype ; une expérience acquise ne peut s’y inscrire. Ces programmes fermés sont fréquents chez les animaux simples, dont le comportement strictement déterminé par leurs gènes s’identifie à des «mécanismes innés de réponse».

Chez les organismes plus complexes, un programme génétique ouvert , moins contraignant, leur laisse des potentialités, des capacités qui assurent une certaine liberté de réponse. Par exemple, le génotype normal de tout enfant lui donne la capacité de parler; mais, selon le pays, la région qu’il fréquente, c’est-à-dire selon son milieu, il parlera une langue ou une autre langue. Cette possibilité relève du phénotype. Génétiquement, l’enfant est programmé pour apprendre. Ce cas illustre une interaction entre les gènes et le milieu, entre le biologique et le culturel. Au cours de l’évolution, l’ouverture du programme génétique augmente et atteint un maximum dans l’espèce humaine.

Un comportement instinctif complexe n’est jamais directement contrôlé par le génotype, mais par un programme comportemental du système nerveux résultant de la traduction du programme génétique. Les synapses ou connexions entre neurones sont fort nombreuses; un gène ne régit pas chaque synapse ; des dispositifs plus souples doivent présider à la mise en place des synapses. Une nouvelle information acquise par une expérience s’inscrit dans un programme traduit dans le système nerveux (formation de nouvelles synapses) et non dans le programme génétique (seuls le nombre et les dispositions générales des neurones sont programmés génétiquement).

À la suite des expériences pratiquées chez le rat, le chat, le singe, les diverses informations apportées par l’environnement naturel et social détermineraient l’accroissement des connexions entre les neurones, c’est-à-dire des synapses; leurs multiplications semblent réagir sur le comportement.

Une action similaire pourrait s’exercer chez le nourrisson et le très jeune bébé, à un certain stade de développement du système nerveux qui comporte des circuits utilisables encore disponibles. L’allongement de la période de croissance, la longue dépendance des jeunes vis-à-vis de la famille, la variété et la richesse de l’environnement social favoriseraient la complexification du système nerveux. Lors d’un apprentissage, certaines synapses seraient concernées et ainsi pourraient s’édifier des circuits, des câblages nouveaux.

Une question se pose immédiatement: ces expériences acquises par l’intermédiaire de nouvelles connexions entre les neurones peuvent-elles être considérées comme innées? Un certain flou nimbe question et réponse, malgré la netteté du problème. Il convient de répéter que l’inné concerne le génotype et l’acquis le phénotype. Or, ces acquisitions induites par l’expérience appartiennent au phénotype; elles viennent en quelque sorte «remplir une structure d’accueil innée»; non héréditaires, elles devront être réacquises à chaque génération. Une authentique hérédité sociale ou culturelle n’existe pas. On constate aisément que, biologiquement, l’homme actuel n’est pas profondément différent de celui qui vivait il y a 50 000 ans. En revanche, le monde culturel, social et technologique de cette lointaine époque n’offre aucun terme de comparaison avec les innovations actuelles; cette profonde différence est même sensible pour des laps de temps beaucoup plus réduits, tel celui d’une ou de deux générations.

Les interactions entre programme génétique et environnement (éducatif, social, culturel...) conditionnent tout organisme vivant. Les deux facteurs sont complémentaires et non pas antagonistes, comme on feint trop souvent de le croire pour des raisons idéologiques et politiques. Les uns accordent la primauté à l’environnement; la société est alors responsable de la plupart des différences entre les individus et doit donc s’efforcer de les faire disparaître. Les autres attribuent un rôle presque exclusif à l’hérédité. Les deux positions sont également insoutenables. Vouloir absolument chiffrer les parts respectives de l’hérédité et de l’environnement est aussi absurde.

Des discussions agressives, souvent bien éloignées de toute objectivité, illustrent certaines controverses biologiques actuelles. Les sujets les plus explosifs concernent la prétendue hérédité des caractères acquis par le soma, les capacités intellectuelles (l’intelligence est-elle héréditaire? qu’est-ce que le quotient intellectuel? que signifie-t-il? est-il héréditaire?), la sociobiologie (la biologie est-elle «la clé de la nature humaine»? donne-t-elle le droit aux biologistes de dicter à l’humanité des règles morales, ainsi que le prétend E. O. Wilson, entomologiste américain et père de la sociobiologie?). Maintes publications viennent alimenter de tels débats.

4. Rôle de la biologie

Incontestablement, la biologie a vu son domaine, sa présence et ses interventions dans la vie courante s’accroître notablement. Ses applications concernent la médecine, l’agronomie, l’océanographie, l’industrie. Le «génie biologique», recouvrant des stratégie et technologies variées, est né. Outre les contraintes technologiques, des contraintes sociales et éthiques pèsent sur la biologie. Les possibilités de pouvoir des biologistes suscitent une certaine méfiance, voire de l’inquiétude.

Il est certain que l’homme pourra modifier l’homme et tous les êtres vivants; diverses maîtrises sont déjà plus ou moins acquises: maîtrise de la procréation, maîtrise des gènes, maîtrise du système nerveux. Quelques exemples montreront les résultats déjà obtenus.

Après douze années d’expérimentation, le premier bébé-éprouvette – une fille – est né le 25 juillet 1978 en Angleterre; rapidement, de 1979 à 1981, six autres naissances identiques – fille ou garçon, et une paire de jumeaux de sexe différent – seront enregistrées en Écosse, à Calcutta et à Melbourne. Le 24 février 1982, naissait à l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, Amandine, le premier bébé-éprouvette français. Ces bébés dits éprouvettes ne correspondent pas à la véritable ectogenèse (procréation en bocal) où l’enfant extramaternel se développerait totalement in vitro . La procréation paranaturelle, les fécondations in vitro , l’insémination artificielle, peuvent susciter des réserves morales et juridiques, mais elles permettront de traiter correctement la plupart des stérilités. La détermination du sexe à volonté n’est pas encore parfaitement au point, mais il est manifeste que la solution sera trouvée assez rapidement. La maîtrise des gènes offre une extrême importance, car l’homme sera apte à modifier les propriétés d’un être vivant. Là aussi espoirs et incertitudes sont grands. Une meilleure analyse du cerveau précède sa maîtrise; des fonctions mal connues ont été décelées; le rôle des médiateurs chimiques apparaît vraiment essentiel. À la neurologie et à la psychobiologie s’ouvrent de vastes sujets de recherches.

Ces diverses maîtrises ne sont pas toujours inoffensives. Leurs applications seront tantôt critiquées, tantôt encouragées, mais, comme le pense Jean Bernard, «un jugement présent est difficile».

Bien que l’évolution ultérieure de la biologie comme celle de toute science soient imprévisibles, il est tentant d’imaginer l’avenir de la biologie, de prévoir ses orientations futures. Atteindre une connaissance fondamentale de l’homme et de ses conditions vitales constituera probablement un thème majeur de recherches qui emprunteront diverses voies: étude du cerveau (étapes de l’encéphalisation, mécanismes cérébraux, médiateurs spécifiques d’un ensemble précis de neurones, médicaments psychotropes, mémoire...) et de la pensée (sa nature, son apparition, ses liens avec le langage...); étude de l’enfant, de son développement, de son éducation; développement des acquis de la biologie moléculaire (polymorphisme des gènes enzymatiques, taux d’évolution des gènes enzymatiques et des gènes régulateurs, signification des introns...); amélioration des qualités de la vie et plus particulièrement des conditions physiques et intellectuelles de la vieillesse; accroissement de la longévité souhaité par certains...

À une connaissance plus approfondie de l’enfant, de l’adulte, du vieillard s’associera un examen rigoureux de l’environnement: l’analyse et la conservation des milieux, le fonctionnement des écosystèmes, l’interaction des organismes, la préservation des équilibres biologiques très fragiles, la lutte contre toute pollution, la survie des espèces et des souches sauvages, le maintien de la diversité biologique et génétique...

Non seulement les spécialistes des diverses disciplines biologiques (biologie moléculaire, biochimie, génétique, neurologie, psychiatrie, écologie, éthologie) mais également ceux des sciences humaines (pédagogie, psychologie et biopsychologie, sociologie et biosociologie, morale, linguistique) devraient participer à ces futures recherches, dont les applications ne manqueront pas de retentir sur les modes de pensée et de vie de l’humanité.

biologie [ bjɔlɔʒi ] n. f.
• 1802, Lamarck; de bio- et -logie
Science qui a pour objet la description des êtres vivants et l'étude des phénomènes qui les caractérisent (reproduction embryologie, génétique; habitat, environnement écologie; comportement éthologie). Biologie animale ( zoologie) , végétale ( botanique, phytobiologie) , cellulaire ( cytologie, histologie) , moléculaire. Biologie des micro-organismes. bactériologie, virologie; microbiologie.

biologie nom féminin Ensemble de toutes les sciences qui étudient les espèces vivantes et les lois de la vie. Plus particulièrement, étude scientifique du cycle reproductif des espèces animales et végétales, du déroulement de la vie individuelle, par opposition à la physiologie, qui étudie les lois constantes du fonctionnement des êtres. ● biologie (expressions) nom féminin Biologie moléculaire, science consacrée à l'étude des molécules supportant le message héréditaire (acides nucléiques A.D.N. et A.R.N.). [La biologie moléculaire analyse, dans les molécules, la structure du génome et ses altérations (mutations) ainsi que les mécanismes de l'expression, normale et pathologique, des gènes. L'expression biologie moléculaire est parfois employée pour désigner les techniques d'étude des gènes.] Biologie spatiale, étude des effets biologiques créés par les facteurs de l'environnement spatial (apesanteur, rayons cosmiques).

biologie
n. f. Science de la vie, des êtres vivants.
Encycl. La biologie (de plus en plus souvent nommée sciences de la vie ou biosciences) traite de toutes les manifestations de l'état vivant, depuis la réaction biochimique jusqu'à la vie en société. Chaque aspect de la vie a donné naissance à une branche particulière de la biologie: biochimie, cytologie, histologie, physiologie, etc., ainsi que botanique, zoologie, etc., génétique, immunologie, etc., qui ont leurs buts, leurs méthodes et leurs techniques propres.

⇒BIOLOGIE, subst. fém.
A.— Science de la vie, étude des êtres vivants :
1. Le point le plus obscur pour la biologie, c'est sûrement « la structure » de la cellule, (...). Il est assez probable que c'est cette ignorance presque complète de la structure cellulaire qui fait le mystère de l'hérédité.
RUYER, Esquisse d'une philos. de la struct., 1930, p. 92.
2. Qu'est-ce que la vie? C'est pour l'homme le problème des problèmes. Non seulement il commande toute la biologie, mais encore il tient à la philosophie elle-même, puisque le psychique présuppose le vital, et que certaines métaphysiques refusent à l'intelligence le pouvoir de comprendre la vie sous le prétexte qu'elle en dérive.
J. ROSTAND, La Vie et ses problèmes, 1939, p. 11.
SYNT. 1. Biologie générale. Étude des phénomènes vitaux communs à tous les êtres vivants. Biologie animale, végétale. Biologie humaine. Biologie spécifique de l'homme. En partic. ,,Science de la variabilité biologique intra-individuelle, interindividuelle et groupale considérée du point de vue génétique et du point de vue mésologique`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Biologie criminelle. Biologie appliquée à l'étude des criminels, de leur personnalité, de leur hérédité (cf. Ibid.). 2. Biologie moléculaire. Branche récente de la biologie étudiant les êtres vivants à l'échelle moléculaire, et cherchant si les propriétés de la matière vivante ne seraient pas déterminées par des propriétés moléculaires simples (cf. Ibid.). Biologie dynamique. Synon. bionomie. Biologie mathématique. Synon. biométrie. Biologie spatiale (cf. GUILB. Astronaut. 1967).
B.— P. méton., rare
1. Théorie (philosophique) de la vie. Deux biologies concurrentes (...) l'une matérialiste et mécaniste (...), l'autre spiritualiste et vitaliste (FOULQ.-ST-JEAN 1962).
2. Organisme vivant :
3. Je marche de pied ferme sur le sable, avec le minimum d'oxygène, parmi les biologies informes, les éponges, les algues, les épaves, les méduses, les poissons aveugles de la douleur.
COCTEAU, Le Potomak, 1919, p. 324.
Prononc. :[], PASSY 1914 : [-]. Étymol. et Hist. 1802 (LAMARCK, Hydrologie d'apr. DAUZAT 1973); 1809 (ID., Philos. zool., t. 1, p. XVII). Empr. à l'all. Biologie, mot forgé en 1802 par le naturaliste G.R. Treviranus dans Biologie oder die Philosophie der lebenden Natur (v. G. A. ZISCHKA, Allgemeines Gelehrten-Lexikon, Stuttgart, 1961, s.v. Treviranus) à partir du rad. des mots gr. « vie » et « discours, traité ». Fréq. abs. littér. :354. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4, b) 571; XXe s. : a) 247, b) 1 046.
BBG. — DUCH. 1967, § 70.

biologie [bjɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. 1802, Lamarck; du grec bios « vie », et logos « science ».
1 Vx. Science générale des êtres vivants, incluant celle des plantes ( Botanique), des animaux ( Zoologie) et de l'homme ( Anthropologie, II., 1.).
2 (Fin XIXe). Science qui a pour objet l'étude des phénomènes vitaux en général, et spécialement leur étude dans la cellule, dans l'individu et dans l'espèce, l'étude de la reproduction, de l'hérédité, des variations des individus et des espèces ( Embryologie, génétique; dimorphisme, polymorphisme; adaptation, darwinisme, évolution, sélection [naturelle], transformisme), et celle des milieux où les êtres vivants se développent ( Écologie). || Biologie générale, comparée. Anatomie, histologie, morphologie, organologie. || La biologie inclut la classification ( Taxinomie), l'étude des anomalies ( Tératologie); celle du fonctionnement des organismes vivants, des organes et des tissus ( Physiologie; biochimie, biophysique, médecine, pathologie); celle des conditions de vie ( Biogéographie, bionomie, écologie, hydrobiologie, limnologie, mésologie, océanographie).Biologie animale. Entomologie (insectes), helminthologie (vers), ichtyologie (poissons), mammalogie (mammifères), ornithologie (oiseaux). || Biologie végétale. Phytobiologie ou phytologie (plantes). || Biologie cellulaire, de la cellule. Cytologie; bactériologie, virologie, et aussi protistologie (protistes). || Biologie moléculaire. || Biologie appliquée. Agriculture, zootechnie. || Biologie mathématique. Biométrie.
1 Le mot de biologie n'est pas ici employé dans son acception la plus étendue, qui recouvre le domaine tout entier des sciences naturelles, mais dans le sens restreint (…) qui englobe seulement les données relatives aux problèmes fondamentaux de la vie organique : formation de l'être, évolution des espèces, genèse de la vie.
Jean Rostand, Esquisse d'une histoire de la biologie, Avant-propos, p. 7.
2 Il est certain, par exemple, qu'il y a discordance entre l'effet des belles méthodes de la biologie moderne par l'application desquelles tant de vies humaines sont sauvées et l'insuffisance de la production agricole, sollicitée par des besoins toujours croissants.
G. Duhamel, Manuel du protestataire, III, 83.
3 Ainsi peut-on espérer que la biologie nous détourne des excès que permet la technocratie et qu'exercent les tyrannies. Elles veulent ployer la nature plutôt que composer avec elle; la biologie sait bien qu'elles ne peuvent y parvenir. On peut répudier le vitalisme, on ne saurait pas contester, pratiquement, à la vie, sa contingence et sa spontanéité.
Emmanuel Berl, le Virage, p. 158.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Biologique, biologisme, biologiste.
COMP. Aérobiologie, agrobiologie, astrobiologie, chronobiologie, cosmobiologie, cytobiologie, électrobiologie, hydrobiologie, microbiologie, paléobiologie, photobiologie, phréatobiologie, phytobiologie, potamobiologie, psychobiologie, radiobiologie, sociobiologie, zoobiologie.

Encyclopédie Universelle. 2012.