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bec

bec [ bɛk ] n. m.
XIIe; lat. beccus, p.-ê. d'origine gauloise
I
1Bouche cornée et saillante des oiseaux, formée de deux mandibules qui recouvrent respectivement les maxillaires supérieur et inférieur, démunis de dents. -rostre. Le bec crochu de l'aigle. Le héron au long bec. Oisillon qui ouvre son bec pour recevoir la becquée. happer . Mordiller avec le bec. 1. becqueter. Coup de bec. Par anal. de forme Bouche de certains animaux (tortues, céphalopodes, charançons).
Loc. Se défendre bec et ongles, de toutes ses forces. Avoir le bec dans l'eau : attendre le poisson, en parlant d'un oiseau (héron). Fig. Se retrouver le bec dans l'eau : se retrouver sans rien, sans avoir bénéficié de la situation.
2Fig. et fam. La bouche de l'homme, dans certains emplois. Puer du bec. La cigarette au bec. (Pour se nourrir). Claquer du bec. Un bec fin : un gourmet. — (Pour parler). Ouvrir le bec. Loc. Avoir bon bec : être bavard, volontiers médisant. « Il n'est bon bec que de Paris » (Villon). Donner un coup de bec : lancer un trait agressif. Une prise de bec : une altercation. ⇒ dispute. « les discussions, les prises de bec, les engueulades » (Cendrars). Clore, clouer le bec à qqn, le faire taire par intimidation, argumentation (cf. Couper le sifflet, river son clou, rabattre le caquet). (Sujet chose) Ma réponse lui a cloué le bec.
3Extrémité de certains objets terminés en pointe. bec-de-cane, bec-de-corbin, bédane. Bec d'une plume, sa partie effilée. — Petite avancée en pointe d'un récipient, pour verser le liquide. Bec de cruche. Casserole à bec verseur.
Géogr. Pointe de terre qui s'avance dans l'eau. cap, promontoire. Bec d'Ambès. « le flot qui heurtait ce bec de granit » (Martin du Gard).
Mus. Embouchure de certains instruments à vent. Flûte à bec.
4Par ext. (1821) BEC DE GAZ. réverbère. « Les bancs, les grilles, les becs de gaz, tout fut arraché, renversé » (Flaubert). Loc. fam. Tomber sur un bec (de gaz) :rencontrer un obstacle imprévu, insurmontable (cf. Tomber sur un os).
IIRégion. (Belgique, Canada, Suisse, Nord) Fam. Baiser. Donner un bec : faire la bise. ⇒ bécot. « Donne-moi un bec. Hmmmm ! Que c'est bon ! » (R. Ducharme).

bec nom masculin (latin beccus, peut-être du radical celte bacc-, crochet) Formation cornée, à bords généralement tranchants, recouvrant les deux mâchoires de certains vertébrés n'ayant pas de dents (oiseaux, tortues, têtards). Familier. Bouche de quelqu'un : Avoir la cigarette au bec. Familier. Au Canada, en Suisse, baiser. Partie effilée et recourbée d'un objet : Casser le bec de sa plume. Évasement conique du bord supérieur d'un récipient, guidant l'écoulement du liquide ; orifice tubulaire de même fonction dans une théière, une chevrette, etc. Géographie Pointe de terre entre deux cours d'eau à leur confluent (le bec d'Ambès, le bec d'Allier). Marine Extrémité de la patte d'une ancre, d'un croc. Musique Extrémité effilée de certains instruments à air (flûte à bec, clarinette). Petite lamelle fixée sur un sautereau (clavecin, épinette, virginal) et qui pince les cordes. Physique, Chimie, Biologie Appareil de laboratoire produisant une flamme (bec à gaz) ou un courant d'air très chaud (bec électrique). Préhistoire Outil de pierre taillée présentant une partie pointue bien dégagée. (Paléolithique final et épipaléolithique du nord de l'Europe.) Travaux publics Partie profilée amont ou aval d'un pile de pont. Zoologie Organe préhenseur porté par la bouche de divers invertébrés, tel le bec-de-perroquet des mollusques céphalopodes. ● bec (citations) nom masculin (latin beccus, peut-être du radical celte bacc-, crochet) François Villon Paris 1431-après 1463 Il n'est bon bec que de Paris. Testament, Ballade des femmes de Paris bec (difficultés) nom masculin (latin beccus, peut-être du radical celte bacc-, crochet) Orthographe Dans les mots composés commençant par bec-de-, seul bec prend la marque du pluriel : des becs-de-cane ; des becs-de-lièvre. ● bec (expressions) nom masculin (latin beccus, peut-être du radical celte bacc-, crochet) Avoir bec et ongles, être pourvu des moyens de se défendre et savoir s'en servir. Avoir, être, rester le bec dans l'eau, rester interdit, sans pouvoir répondre ; être déçu. Bec fin, gourmet. Bec de gaz, réverbère qui servait à l'éclairage public au gaz. Familier. Clouer, clore le bec de, à quelqu'un, le réduire au silence par une réponse péremptoire. Vieux. Donner un coup de bec (à quelqu'un), dire une méchanceté à son adresse. Faire un bec, en parlant d'un tissu, présenter un faux pli. Se prendre de bec, se disputer. Prise de bec, dispute. Tomber sur un bec (de gaz), rencontrer un obstacle imprévu qui provoque l'échec. Bec cueilleur, organe des machines à récolter le maïs permettant de séparer les épis des tiges. Bec d'aiguille, extrémité recourbée de l'aiguille destinée à saisir le fil lors du cueillage. Bec d'étain, macle de la cassitérite constituée par deux cristaux formant un angle rentrant. Bec d'élinde, extrémité des tuyaux d'aspiration des dragues aspiratrices. (Les types de bec les plus courants sont : les écopes ou bec Frühling [vase ou argile molle], le bec large à entrée d'eau par l'arrière [sables grossiers], le bec à percussion [argiles et sables fins].) Angle de bec, angle coupant d'un outil à main ou d'une machine à usiner le bois.

bec
n. m.
rI./r
d1./d Partie cornée et saillante, composée de deux mandibules, qui tient lieu de bouche aux oiseaux. Un long bec, un bec crochu.
d2./d Par anal., Fam. Bouche (dans certains emplois). Avoir la cigarette au bec.
Un bec fin: un gourmet.
Faire le bec fin: faire le difficile.
Loc. Fam. Se sucrer le bec: manger des sucreries, des mets sucrés.
Loc fig. Avoir qqch tout cuit, tout rôti dans le bec, l'obtenir sans faire d'effort.
d3./d Loc. fig. Avoir bec et ongles: être pourvu de moyens de défense.
Fam. Avoir une prise de bec (avec qqn): se quereller.
Donner un coup de bec: lancer un trait piquant.
Fam. Rester le bec dans l'eau: ne pas trouver de réponse, de riposte.
Clouer le bec à qqn.
Fam. Fermer son bec: se taire.
d4./d Vieilli (Cour. en France rég., en Louisiane, au Québec; Suisse, Fam. et enfantin) Baiser affectueux, bisou, bécot. Donner un bec. (V. baise.)
rII./r (Par analogie de forme.)
d1./d GEOGR Pointe de terre au confluent de deux rivières ou à l'embouchure d'un fleuve.
d2./d MUS Embouchure de certains instruments à anche. Bec d'une clarinette, d'un saxophone.
d3./d Partie pointue ou saillante de certains objets, de certains outils. Le bec d'une plume. Les becs d'un pied à coulisse.
|| Bec verseur: partie saillante d'un récipient permettant de vider son contenu liquide. Le bec verseur d'une brique de lait. Syn. (Belgique) buse.
d4./d CHIM Bec Bunsen: brûleur à gaz utilisé dans les laboratoires.

⇒BEC, subst. masc.
I.— [En parlant d'animés : animaux]
A.— ORNITHOLOGIE
1. Extrémité cornée et plus ou moins saillante de la tête des oiseaux, composée de deux mandibules articulées l'une sur l'autre, servant de bouche, de système dentaire, ainsi que d'arme pour l'attaque et la défense. Bec (non) tranchant; becs en ciseaux; coup de bec :
1. Lorsque le bec crochu s'amincit, il s'approche du bec en couteau, propre aux demi-oiseaux de proie, aux oiseaux lâches et voraces, corbeaux, corneilles, pies, etc.
CUVIER, Leçons d'anat. comp., t. 3, 1805, p. 194.
P. métaph. Avoir bec et ongles. Être de taille à se défendre.
2. P. méton. [Noms pop. d'oiseaux] Bec-bleu (G. GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 72). Bec-en-ciseaux. ,,Palmipède de Guyane au bec tranchant`` (DG). Bec-courbe. ,,L'un des noms de l'avocette`` (Ac. Compl. 1842). Bec-croche. ,,Nom vulgaire de l'ibis rouge`` (PRIVAT-FOC. 1870). Bec-croisé. ,,Oiseau d'une espèce voisine de celle du gros bec`` (BAUDR. Chasses 1834). Bec dur. ,,Nom vulgaire du gros-bec commun`` (BOUILLET 1859). Bec-figue, becfigue. ,,Oiseau du genre de la fauvette, qui forme une espèce particulière, quoique dans nos pays méridionaux on appelle bec-figues toutes les espèces de fauvettes`` (BAUDR. Chasses 1834). Bec-fin. ,,Groupe de passereaux dentirostres, composant une très nombreuse famille reconnaissable à son bec droit, effilé et en alène, dont la base est plus élevée que large; la mandibule supérieure quelquefois échancrée à sa pointe, l'inférieure toujours droite. On y trouve presque tous les petits oiseaux chanteurs de nos bois`` (PRIVAT-FOC. 1870). Bec-en-fourreau. ,,Nom vulgaire du chionis`` (BOUILLET 1859). Bec-de-hache. ,,L'un des noms de l'huîtrier`` (Ac. Compl. 1842). Bec-ouvert. ,,Espèce de héron`` (Ac. Compl. 1842). Bec-plat. ,,Nom vulgaire du canard souchet`` (MONT. 1967). Bec-rouge (VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, p. 111). Bec-de-scie, bec en scie, becscie. ,,Nom vulgaire du harle`` (BESCH. 1845, GUÉRIN 1892, QUILLET 1965). ,,Nom vulgaire d'un gobe-mouche`` (Nouv. Lar. ill., Lar. 20e). Bec-scie. ,,Oiseau aquatique de la Louisiane, dont le bec est crénelé comme une scie`` (BESCH. 1845).
Rem. En poésie, bec peut désigner un oiseau, envisagé surtout du point de vue de la voracité :
2. Je vois vers les gibets voler les becs nocturnes
Quêtant un noir lambeau.
HUGO, La Légende des siècles, L'Épopée du ver, t. 4, 1877, p. 561.
B.— P. anal. [En parlant d'autres animaux]
1. ,,Tout prolongement notable situé en avant de la tête`` (SÉGUY 1967). ,,On donne encore le nom de bec aux mandibules cornées des sèches et des poulpes, aussi bien qu'à celles des mollusques céphalopodes`` (PRIVAT-FOC. 1870). Le bec ou rostre des tiques (E. GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 202).
En partic., pop. Nez (infra II A 1).
2. P. méton. [Noms pop. d'animaux] Bec-de-faucon. ,,Nom vulgaire donné à certaines espèces de tortues ou de poissons`` (Lar. 20e). Bec-d'oie. ,,L'un des noms vulgaires du dauphin`` (Ac. Compl. 1842). Bec-d'oiseau. ,,Ornithor(h)ynque`` (Ac. Compl. 1842, DG). Bec-de-perroquet. ,,Nom vulgaire d'un squale et de plusieurs coquilles univalves`` (Ac. Compl. 1842). Bec-pointu. ,,Variété de raie ainsi nommée parce qu'elle a la tête plus allongée et le corps plus ovale`` (MONT. 1967). Bec-de-lièvre. ,,Espèce de chauve-souris à museau fendu`` (BESCH. 1845); cf. infra III A 3.
II.— [En parlant d'animés : l'homme]
Rem. Cf. aussi supra I A 1 p. métaph.
A.— [Pour désigner une partie du visage]
1. [Expr. désignant le nez]
a) [Dans une compar., le mot nez étant exprimé] Nez en bec d'aigle; p. ell. bec d'aigle. Crochu, recourbé comme le bec d'un aigle. Grand nez en bec d'aigle (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1173).
SYNT. Nez en bec (J. DE LA VARENDE, Cadoudal, 1952, p. 69), en bec d'oiseau de proie, de faucon, de vautour, en bec de canard; nez crochu en bec de chouette (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 193).
b) P. métaph. (du sens ornith.), pop., fam. Nez. Petit bec retroussé (HUYSMANS, L'Art mod., 1883, p. 120) :
3. C'était sa mère [de Nicolas], cette vieille femme qui ne voyait rien au-delà d'un solide bec chaussé de besicles.
MAURIAC, Galigaï, 1952, p. 164.
Loc. fig. Mener qqn par le bec (J.-F. ROLLAND, Dict. du mauvais lang., 1813, p. 19). Le mener par le bout du nez. Passer la plume par le bec à qqn. ,,Le frustrer de quelque avantage qu'il avait en vue`` (J.-F. ROLLAND, Dict. du mauvais lang., 1813, p. 19). Avoir la plume sur le bec. ,,Bien se porter`` (Ch.-L. CARABELLI, [Lang. campagnard]). L'avoir dans le bec (B. GELVAL, Sept fables en arg., 1945, p. 7). Être déconfit. Passer devant le bec, passer devant le nez. ,,Passer sans répondre à l'espoir de quelqu'un`` (LARCH. 1880). Avoir le bec enfariné. Être sottement content de soi. Le bec dans l'eau. Dans l'attente et l'incertitude. Rester, se retrouver le bec dans l'eau. — Région. (Belgique). Avoir/être le bec dans l'eau. Ne savoir que répondre (cf. HANSE 1949). Bec à bec. Nez à nez, face à face.
2. Pop., fam. [Expr. désignant la bouche] Avoir la pipe, la cigarette au bec :
4. Le Barthaut, une vieille, et un grand chauche-mottes de valet, assis en face, ouvraient le bec comme les petits d'une pie.
POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 236.
Rem. Moins vulg. que gueule, auquel il peut être substitué dans beaucoup de ses emplois figurés.
Loc. fig. Chelinguer du bec. ,,Avoir mauvaise haleine`` (FRANCE 1907). Avoir la rue du bec mal pavée. ,,Avoir les dents mal rangées`` (FRANCE 1907). Faire le gros bec. ,,Faire la moue, faire une grimace`` (Canada 1930). Parisien à gros bec (Ch. VIRMAÎTRE, Dict. d'arg. fin-de-siècle, 1894, p. 206) et, p. ell., gros bec (Ch.-L. CARABELLI, [Lang. pop.]). Parisien dédaigneux. Faire le petit bec (BÉL. 1957). Faire la moue.
En partic.
a) [La bouche en tant qu'organe de la nutrition] Se mettre qqc. dans le bec (DG, ROB.); ce n'est pas pour mon/ton bec :
5. CÉSAR. — (...) Tiens, le père Cougourde, un homme admirable qui buvait douze mandarins par jour, sais-tu pourquoi il ne vient plus? Il me l'a dit. Parce que tes mélanges fantaisistes risquaient de lui gâter la bouche.
MARIUS. — Lui gâter la bouche! Un vieux pochard qui a le bec en zinc.
PAGNOL, Marius, 1931, I, 3, p. 31.
Loc. fig. Rincer le bec à qqn. ,,Lui payer à boire`` (FRANCE 1907). Se rincer le bec. ,,Boire`` (FRANCE 1907). Tortiller du bec. ,,Manger`` (LARCH. 1880, FRANCE 1907). Se calfater le bec. ,,Manger ou boire, dans l'argot des voleurs`` (FRANCE 1907). Se refaire le bec. ,,Prendre un bon repas`` (Lar. 19e-20e). En avoir jusqu'au bec. ,,Avoir mangé jusqu'à satiété`` (Lar. 19e-20e). P. méton. Friand-bec (HAMP, Vin de Champagne, 1909, p. 156), Gourmet. fin bec, bec fin. Gourmet. Avoir le bec salé. ,,Être intempérant`` (Ch.-L. CARABELLI, [Lang. pop.]); cf. BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 25). Claquer du bec. Avoir faim (cf. BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 256). Les cailles, les alouettes ne leur tomberont pas toutes rôties dans le bec. Ils ont tort de croire qu'ils obtiendront tout sans peine (cf. A. FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, p. 182).
b) [La bouche en tant qu'organe de la parole] Ouvrir, fermer son bec; taire son bec :
6. Rends-lui le service, alors, de la prévenir qu'elle ferme son bec, si elle ne veut pas que j'ouvre le mien. Ah! il y en aura, du grabuge, tu verras!
ZOLA, La Terre, 1887, p. 442.
Loc. fig. N'avoir que du bec, que le bec. ,,N'avoir que du babil`` (Ac. 1798-1878). Avoir le bec bien affilé. ,,Parler, répondre avec promptitude et facilité, et même avec un peu de malice`` (Ac. 1835-1932). Se défendre du bec. ,,Se défendre de paroles`` (Ac. 1798-1932). Donner un coup de bec. ,,Lancer une méchanceté`` (BÉL. 1957). Être pris par le bec. ,,Être convaincu par ses propres paroles`` (Ac. 1798-1878), ,,être convaincu d'erreur par ses propres paroles, être mis en contradiction avec ce que l'on a dit précédemment`` (Lar. 19e). Avoir le bec gelé. ,,Ne dire mot, rester interdit, ne savoir que répondre`` (Lar. 19e-20e). Être fort en bec, avoir bon bec. Avoir la langue bien pendue. Bon bec. ,,Bavard et surtout bavarde très prompte à injurier et à riposter`` (Nouv. Lar. ill., Lar. 20e). Caquet bon bec. ,,Pie, et fig. femme bavarde et médisante`` (BÉL. 1957). River le bec. ,,Faire taire par des menaces`` (FRANCE 1907). Clouer (ÉD. 1967). clore, fermer le bec (à, de qqn). (Le) réduire au silence. Se prendre de bec. Se disputer. Prise de bec. Altercation. Faire le bec à qqn. L'instruire, l'informer; l'amener à faire ce que l'on veut.
c) Région. (Suisse romande et fr. région. de Pontarlier), fam. et enfantin. Baiser. Synon. bécot. Viens, petit mimi, que je te donne un bec (J.-H. BONHÔTE, Gloss. neuchâtelois, Neuchâtel, 1867, p. 19). Elle m'a donné un bon bec (Ph. MEIJER, Enquête sur le fr. des enfants lausannois, Thèse Amsterdam, Meppel, 1962, p. 102). Faire un bec. ,,Donner un baiser`` (LITTRÉ Suppl. 1877).
B.— P. méton., pop., fam. [Pour désigner la pers. tout entière]
Petit bec. ,,Terme de cajolerie que l'on adresse à une femme, à un enfant, ou dont on se sert pour les désigner`` (Lar. 19e); cf. aussi supra II A 2 loc. fig., ainsi que blanc-bec).
Bec-jaune, béjaune. Ignorance, inexpérience; novice, nigaud. Montrer à qqn son béjaune :
7. « Ah! ah! me dis-je en me levant. Que cet oisillon jaseur fasse sa thèse et la soutienne. Il trouvera mon collègue Quicherat ou quelque autre professeur de l'école pour lui montrer son béjaune. (...) »
A. FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1881, p. 378.
Rem. Au propre, ,,jeune oiseau de proie qui n'est point encore formé et qui ne sait point chasser`` (BOUILLET 1859). ,,Se disait autrefois de l'ouvrier qui passait de l'apprentissage au compagnonnage, ou du compagnon qui passait à la maîtrise. À ces deux époques, l'ouvrier était obligé de payer un régal à ses anciens camarades`` (BESCH. 1845). ,,Régal payé en cette circonstance`` (Ibid.). Lettres de béjaune (anc.). ,,Lettres que les clercs obtenaient autrefois à la basoche au commencement de la cléricature, pour en marquer l'époque et justifier de leur temps de palais`` (Ibid.). Abbé des béjaunes. ,,Élève en théologie qui percevait le droit d'entrée des béjaunes ou nouveaux venus`` (Lar. 19e-20e).
Bec dans l'huile. ,,Mécanicien`` (Arg. des aviateurs dans A. DAUZAT, L'Arg. de la guerre, 1918, p. 244).
Arg. Termes d'injures. (supra II A 1 a). Bec de singe; bec de puce (ESN. Poilu 1919, p. 64); bec d'asticot, de cane, de moule, de veau (Ibid.; BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 193, 107, 261, 230). Bec d'ombrelle. ,,Se disait autrefois d'un visage grotesque digne d'orner le pommeau d'une canne ou d'un parasol (peut-être inspiré par bec de cane?)`` (ÉD. 1967).
III.— [En parlant de choses, p. anal. avec la forme pointue et incurvée d'un bec d'oiseau]
A.— [Choses se trouvant dans la nature]
1. ANAT. HUM. Organe ou partie d'organe ayant la forme saillante d'un bec. Bec de l'apophyse coronoïde (G. GÉRARD, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 133). Bec du calamus. ,,Extrémité inférieure évasée de la tige du calamus scriptorius, située à la jonction dilatée du canal épendymaire (ventricule d'Arantius) avec la cavité du quatrième ventricule`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Bec caracoïdien. ,,Sommet de l'apophyse caracoïde`` (NYSTEN 1814). Bec du corps calleux. ,,Extrémité effilée de la lame inférieure du genou du corps calleux, se terminant dans la paroi antérieure du troisième ventricule`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Bec de cuiller. ,,Étroite lamelle osseuse, incurvée et saillante, qui prolonge en arrière l'orifice postérieur tympanique du conduit du muscle du marteau, et dont la paroi externe est parfois déhiscente sur la paroi interne (ou labyrinthique) de la caisse du tympan`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Bec de l'olécrane (G. GÉRARD, Manuel d'anat. hum., 1912 p. 141). Bec de la plume à écrire. ,,Extrémité angulaire du 4e ventricule du cerveau`` (NYSTEN 1814).
2. BOT. ,,Certains prolongements plus ou moins consistants et aigus des organes des plantes et dont la forme se rapproche de celle du bec des oiseaux`` (PRIVAT-FOC. 1870). P. méton., pop. Bec-de-can(n)e (infra III B 2 b). Bec-de-cigogne. ,,Le geranium ciconium`` (GUÉRIN 1892). Bec-de-corbin (infra B 2 b). Bec-de-héron. ,,Le geranium arduinum et le misembrianthemum rostratum`` (GUÉRIN 1892). Bec-de-pigeon. ,,Le geranium columbinum`` (GUÉRIN 1892). Bec-de-grue. Le (fruit du) géranium.
3. PATHOL. Bec acromégalique. ,,Proéminence exagérée du tubercule antérieur de la selle turcique, visible sur les radiographies du profil du crâne chez les acromégaliques`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Bec-de-perroquet. ,,Ostéophyte en forme de crochet qui apparaît sur le corps des vertèbres dans certains types de rhumatisme chronique`` (Méd. Biol. t. 1 1970).
Bec-de-lièvre. Malformation souvent congénitale de la bouche, par défaut de soudure ou soudure apparente de la lèvre supérieure :
8. Ce pauvre Hilarion, bancal, la bouche tordue par un bec-de-lièvre, était sans malice...
ZOLA, La Terre, 1887, p. 59.
Emploi adj. Une pauvre enfant aveugle et bec-de-lièvre (CLAUDEL, La nuit de Noël 1914, 1915, II, p. 574).
4. GÉOGR. Pointe de terre avançant dans la mer, ou délimitée par le confluent de deux rivières. Le bec d'Ambez (Ac. 1932); le bec d'Allier (BESCH. 1845).
B.— [Objets fabriqués] Partie d'un objet ou objet tout entier.
1. [Objet fendu] Bec d'une plume, becs d'une plume. Extrémité fendue d'une plume à écrire (cf. ABOUT, Le Roi des montagnes, 1857, p. 287).
2. [Outil; p. ext. objet]
a) PRÉHIST. ,,Instrument de pierre taillée muni d'une extrémité active plus ou moins pointue et bien dégagée, mais plus forte que celle d'un perçoir`` (BRÉZ. 1969). Bec-de-perroquet (BRÉZ. 1969).
b) TECHNOLOGIE
Bec-d'âne, bédane. ,,Espèce de poignée en fer avec laquelle on ouvre les portes d'un appartement`` (BESCH. 1845); ,,Instrument dont on se sert en chirurgie pour l'extraction des balles`` (BOUILLET 1859). MENUIS., SERR. Sorte de burin ou de ciseau mince permettant de creuser des rainures, des cannelures, des mortaises, etc. :
9. Il y avait aussi [dans le coffre] des serres, des griffes, des maillets, des riflards, des bedanes, des tarières, enfin tous les outils que puisse désirer un bon artisan.
G. GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 85.
Bec-de-cane, Bec-de-canne. Instrument de coutellerie ayant la forme d'un clou à crochet. Synon. clou à pigeon (cf. BESCH. 1845, GUÉRIN 1892, DG, etc.). CHIR. ,,Instrument qui servait à extraire les balles; il avait quelque ressemblance avec le bec d'une cane`` (GUÉRIN 1892; supra bec-d'âne). ,,Nom vulgaire de l'aloès linguiforme`` (BESCH. 1845). ,,Outil à fût dont le fer, recourbé en forme de croissant, est propre à pousser des moulures, à les arrondir ou à les dégager`` (CHABAT 1881). Poignée, ayant souvent la forme d'un bec d'oiseau, permettant de mouvoir le pêne d'une serrure sans l'aide d'une clé. Tourner le bec-de-canne :
10. ... elle pesa doucement sur le bec de cane en cuivre qu'elle connaissait bien et ouvrit la porte de communication.
DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 532.
Arg. ,,Revolver`` (A. BRUANT, Dict. fr.-arg., 1905, p. 394). ,,Vol dans les immeubles`` (J. LACASSAGNE, L'Arg. du « milieu », 1928, p. 291). Travailler au bec-de-cane. ,,Cambrioler`` (ESN. 1966).
Bec-de-corbin, Bec-à-corbin. ,,Se dit, en général, dans les arts, de ce qui est courbé et terminé en pointe`` (Ac. 1835, BESCH. 1845); ,,Se dit d'une sorte de ciseau recourbé et aussi d'objets contournés en forme de crochet aigu semblable à un bec de corbeau`` (J. ADELINE, Lex. des termes d'art, 1884); ,,Vaisseau de cuivre à bec dont on se sert dans les raffineries`` (DG); ,,Outil de calfat recourbé et terminé en pointe, destiné à extraire la vieille étoupe des coutures`` (GRUSS 1952); ,,Outil à fût dont le fer, à son extrémité, est recourbé en croissant et qui sert à refouiller les moulures, à dégager et arrondir le derrière des talons`` (CHABAT 1881) :
11. Bec de corbin, de faucon, d'oysel, d'oustarde désignaient une sorte de marteau à long manche présentant d'un côté un maillet, de l'autre une longue pointe incurvée en forme de bec de corbeau.
LELOIR 1961.
Canne à bec-de-corbin, canne à bec de corbin, parapluie à bec-de-corbin, parapluie à bec de corbin; p. plaisant. nez en bec-de-corbin, nez à bec-de-corbin, nez en bec de corbin, nez à bec de corbin :
12. Pendant la Terreur, un parapluie à bec-de-corbin suffisait pour faire trancher la tête au plus honnête homme, parce que rien ne ressemble aux nez des Bourbons comme un bec-de-corbin.
BALZAC, Œuvres diverses, t. 2, 1850, p. 342.
3. [Objets creux]
a) Brûleur à gaz. Bec Bunsen. Partie d'une lampe, surtout à gaz, où a lieu la combustion; p. ext. lampe. Lampe à trois becs (ou, p. ell., trois-becs), à six becs; bec différentiel (Ch.-A. WURTZ, Dict. de chim. pure et appl., t. 1, 1er vol., 1869, p. 1547); bec de ville (Ch.-A. WURTZ, Dict. de chim. pure et appl., t. 1, 1er vol., 1869, p. 1541); bec à incandescence; bec à fente ou bec papillon; bec à manchon ou bec Auer. Une belle lampe au bec compliqué (RENARD, Journal, 1900, p. 582).
Bec de gaz. Partie d'une lampe à gaz où a lieu la combustion; p. ext., lampe à gaz, réverbère :
13. Devant le théâtre, un seul bec de gaz, dans un globe dépoli, éclairait la porte.
ZOLA, Nana, 1880, p. 1261.
Rem. P. anal. on parle qqf., surtout en matière d'éclairage public, de bec électrique (RENARD, Journal, 1904, p. 938).
Au fig., arg. ,,Obstacle imprévu et majeur`` (ESN. 1966). Tomber sur un bec de gaz, et, p. ell., sur un bec (cf. ÉD. 1967); rencontrer un bec de gaz (Ch.-L. CARABELLI, [Lang. pop.]); être bec de gaz (M. STÉPHANE, Ceux du Trimard, 1928, p. 14) « échouer » (être bec d'ombrelle, même sens),(cf. SAIN. Tranchées 1915; G. ESNAULT, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956). ,,Agent de police`` (L. LARCHEY, Dict. hist. d'arg., Nouv. Suppl., 1889, p. 21).
b) Objet ou partie d'objet permettant le passage ou l'écoulement de quelque chose; goulot d'une bouteille, etc. Bec d'une cafetière, bec d'une cornue (LAVOISIER, Traité élémentaire de chim., t. 1, 1789, p. 74), bec d'un flacon, bec de robinet (COLAS-CAB. 1968), bec d'une terrine; bec déversoir (Catal. d'instruments de lab. [Jouan], 1933, p. 9); bec d'alimentation (cf. J. CAHEN, E. BRUET, Carrières, plâtrières, ardoisières, 1926, p. 224); bec d'arrosage (MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 285); bec de coulée (R. BARNERIAS, Manuel des aciéries, 1934, p. 32); bec de tirage (R. BRUNET, Le Matériel viticole, 1909, p. 483).
4. Divers
AÉRON. ,,La partie avant [de la nervure d'aile d'avion] se nomme « bec d'attaque »; la partie arrière « bec de fuite »`` (J. GUILLEMIN, Précis de constr., calcul et essai des avions et hydravions, 1929, p. 117).
ARCHIT. ,,Masse de pierre qui forme un angle saillant aux extrémités des piles d'un pont, et qui sert à diviser l'eau et à rompre les glaces`` (BACH.-DEZ. 1882). ,,Filet saillant bordant le dessous d'un larmier`` (J. ADELINE, Lexique des termes d'art, 1884). Bec d'oiseau. ,,Ornement très-commun dans les monuments à plein-cintre de l'architecture anglaise, et qui consiste en un bec crochu s'adaptant sur la courbure d'un tore, dans une archivolte, par exemple`` (CHABAT 1881).
ARM. Bec de crosse. Partie saillante de la crosse du fusil (cf. CHESN. 1857; Lar. 19e). Bec-de-faucon (vx). ,,Espèce de hallebarde`` (Ac. Compl. 1842; cf. ex. 11). Bec-de-gâchette. ,,Partie proéminente du devant de la gâchette d'une arme à feu`` (Lar. 19e). Bec-de-lézard. ,,Sorte de tire-balle employé par les armuriers`` (Lar. 19e).
HÉRALD. ,,Pendants du lambel, qui étaient autrefois faits en pointe`` (BESCH. 1845).
MARINE
a) Bec-de-corbin, bec-à-corbin (cf. III B 2 b).
b) Bec d'une ancre. Extrémité pointue de la patte de l'ancre.
c) Extrémité saillante de l'avant d'un navire (cf. HUGO, La Légende des siècles, Les Quatre jours d'Elciis, t. 6, 1883, p. 117, et MAURRAS, Le Chemin de Paradis, 1894, p. 102).
MUS. Embouchure d'un instrument à vent, où s'adapte l'anche. Bec de clarinette (BACH.-DEZ. 1882), Bec de flûte, de hautbois (Lar. 19e). Flûte à bec. Type de flûte dont l'embouchure est aplatie.
5. Loc. En bec de. Objet taillé en bec de flûte (Catal. d'instruments de chir. [Collin], 1935, p. 335); taillés en bec de sifflet (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 159); fendu en bec (Arts et litt. dans la société contemp., 1935, p. 3615).
PRONONC. :[]. LAB. 1881, p. 72, note : ,,L's précédée du c ne se fait jamais sentir en liaison. Ainsi, sacs immenses, becs énormes, alambics en cuivre, rocs escarpés, sucs horribles, ducs et marquis, se prononcent comme au singulier : sak-im-mans, bèk-énorm, alanbik-an-kuivr, rok-èscarpé, suk-orribl, duk-è-marki.`` MART. Comment prononce 1913, p. 212, signale : ,,Les composés bec-d'âne et bec-jaune ont conservé la prononciation sans c, qui était de règle devant une consonne, mais ils s'écrivent plutôt bédâne et béjaune. Le c a revécu dans bec-de-corbin, bec-de-cane, bec-de-lièvre; il s'est toujours prononcé dans bec fin, becfigue (qui est pour bèquefigue) et bec-cornu. Dans pi(c)vert le c a disparu aussi de l'écriture``. À ce sujet cf. aussi BUBEN 1935, § 194. L'ensemble des dict. signale, s.v. bec, l'expr. bec-jaune pour laquelle il renvoie à béjaune (cf. p. ext. Ac. 1835). BESCH. 1845 rappelle que ,,La Fontaine a fait rimer [bec] avec circonspect : Le passereau peu circonspect S'attira de tels coups de bec.`` Pour BESCH. ,,on peut, dans la poésie légère, pardonner cette rime insuffisante, parce que bec est un monosyllabe et rime avec fort peu de mots``. Enq. :/bek/.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. a) 1121-35 « partie cornée et saillante de la bouche des oiseaux » (PH. DE THAON, Bestiaire, 1792 dans T.-L.); 1217 « bouche, figure (en parlant des hommes) » (G. DE COINCY, Ste Leocadie, 808 dans Fabliaux, éd. Barbazan et Méon, t. 1, p. 296); p. ext. 1867 région. « baiser » (J.-H. BONHÔTE, supra II A 2 c); 1877 (LITTRÉ Suppl.); b) 1393 becque « entrée de la bouche du poisson » (Ménagier, éd. Sté Bibliophiles fr., t. 2, p. 90); forme bec dep. 1680, RICH.; 2. p. anal. de forme ca 1150 « extrémité d'un objet » (Thèbes, 8785 dans T.-L.); XVe s. géogr. « point de rencontre de deux rivières » (J. FROISSART, III, IV, 15 dans LITTRÉ); 1826 spéc. bec de gaz (BALZAC, Physiologie du mariage, p. 71); 3. ca 1280 avoir le bec jaune « être jeune, inexpérimenté » (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 12784); p. ext. ca 1306 bec jaune « sot, niais » (G. GUIART, Royaux Lignages, I, 2699 dans T.-L.); 1390-1407 bejaune (Les Quinze Joys de mariage, éd. J. Rychner, XI, p. 82); 4. a) ca 1281 bat d'asne (forme altérée) « broc à eau » (Arch. du Nord ds GAY, s.v. gésine : 2 coquemars, 2 bat d'asne et 2 bassins creux); 1371 bec d'asne (PROST, Inv. mobil., i, n° 1402 dans BARB. Misc. 20, n° 12) — 1583 dans GAY; b) 1438 outil (Cl. DE FAUQUEMBERGUE, Journal, III, 71 d'apr. Fr. mod., t. 4, p. 340); 1596 bédasne (HULSIUS, Dict. fr.-alemand et alemand-françois dans Z. fr. Spr. Lit. t. 23, 2e part., p. 14).
Du lat. beccus « bec d'oiseau » attesté seulement par Suétone comme cognomen (SUÉTONE, Vit., 18 dans TLL s.v., 1798, 6); a supplanté le lat. rostrum (rostre), lui-même comme bec, transposé aux sens de « os hominis » (PLAUTE, Men., 89 et traités méd., v. LÖFSTEDT, Syntactica, II, 327), cf. REW3, s.v. rostrum; RENSON; beccus est peut-être à rattacher au rad. celte bacc- « crochet » avec une voyelle radicale différente (THURNEYSEN, p. 45). Béjaune et bédane, composés contractés de bec et respectivement de jaune et de l'a. fr. ane (cf. canard), confondu avec asne dès le XIIIe s.
STAT. — Fréq. abs. littér. :1916. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 868, b) 3 977; XXe s. : a) 3 859, b) 2 101.
DÉR. (c)u, ue, (Becu, Beccu, Bécu, Béccu)adj. a) Fauconn. [En parlant d'un oiseau] ,,Qui a le bec long ou fort`` (LITTRÉ; GUÉRIN 1892, BÉL. 1957, QUILLET 1965); b) Nez beccu. Dont la forme rappelle celle d'un bec d'oiseau (cf. G. D'ESPARBÈS, La Légende de l'outil, 1903, p. 227). 1res attest. a) ca 1280 (PH. DE REMI, Bl. et Jeh. 265, Michel dans GDF.); b) 1509 (LEMAIRE DE BELGES, La Legende des Venitiens, ch. 3 dans HUG.); dér. de bec étymol. 1, suff. -u.
BBG. — BERNELLE (A.). Il n'est bon bec que de Paris. Vie Lang. 1960, pp. 546-550. — BOULAN 1934, p. 22. — GOUG. Mots t. 1 1962, pp. 77-78; t. 2 1966, pp. 105-108. — HOPE 1971, p. 164 (s.v. becfigue), 277. — RENSON (J.). Les Dénominations du visage en fr. et dans les autres lang. rom. Paris, 1962, t. 2, pp. 626-627. — ROMMEL (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin, 1954, p. 12 (s.v. bec de corbin), 112. — TOURNEMILLE (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1965, p. 411; 1967, p. 681. — WIND 1928, p. 59, 148 (s.v. becfigue).

bec [bɛk] n. m.
ÉTYM. V. 1119; du lat. beccus, p.-ê. d'orig. gauloise, mot qui a supplanté le lat. class. rostrum.
1 Partie cornée et saillante de la bouche (des oiseaux), formée de deux mandibules qui recouvrent respectivement les maxillaires supérieur et inférieur démunis de dents. || Les narines placées à la base du bec sont recouvertes par un opercule. || Le bec de certains oiseaux est surmonté d'un casque. || Cuvier a classé les oiseaux selon la forme de leur bec. -rostre (du lat. class. rostrum). || Le bec crochu de l'aigle ( 1. Béquillon). || Petit bec. Becquet (vx). || Le héron au long bec. || Aiguiser, essuyer son bec. || L'oisillon ouvre le bec pour recevoir la becquée. || Piquer avec le bec, prendre de son bec. Becqueter. || Frapper du bec. || Coup de bec. || Donner des coups de bec.
1 Il (le corbeau) ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
La Fontaine, Fables, I, 2.
2 (…) un coq et une poule qui piquèrent du bec, grattèrent la mousse fraîche (…)
Colette, Histoires pour Bel-Gazou, XI.
2.1 Par-dessus les toits la reine des cormorans, le point de guêpe au niveau du sablier, fait tinter de son bec le sac des présages fermés giclant entre les promesses.
A. Breton, Signe ascendant, p. 145.
(1393, des poissons). Par anal. de forme. Bouche (de certains animaux), organe qui dépend de la bouche. || Le bec d'une tortue, d'un charançon, des céphalopodes.Baleine à bec.Mandibules allongées et fines (de certains poissons). || Le bec de l'orphie.
Par anal. || Nez en bec d'aigle, (rare) en bec de chouette, de perroquet, crochu.
3 Cassée en deux comme Carabosse, un nez crochu en bec de chouette et de petits yeux gris bordés de rouge (…)
Loti, Mon frère Yves, XLVII, p. 117.
(V. 1280). Loc., vx. Avoir le bec jaune : être jeune et inexpérimenté.(V. 1306). || Bec jaune : sot, niais. Béjaune, blanc-bec.
Loc. Avoir bec et ongles, des moyens de défendre et d'attaquer.
4 Sachez que j'ai bec et ongles, et que je ne crains nullement Sangrado, qui, malgré sa présomption et sa vanité, n'est qu'un original.
A. R. Lesage, Gil Blas, II.
Avoir le bec dans l'eau. En parlant d'un oiseau (héron) qui attend le poisson. — ☑ Fig. Laisser, tenir qqn le bec dans l'eau : en suspens, dans l'incertitude, l'attente. — ☑ Fam. Rester, se retrouver le bec dans l'eau : se trouver dans une situation sans issue, sans avoir obtenu ce qu'on espérait; ne pas savoir que répondre.
4.1 Je me suis déjà adressé à pas mal de personnes et on ne m'a pas répondu; je reste le bec dans l'eau avec trois pages blanches.
Flaubert, Correspondance, t. V, p. 417, in Rey et Chantreau.
2 (1217). Fam. Bouche (de l'homme). a Gueule.
5 Vous n'avez pas encore assez de barbe autour du bec pour me faire la semonce et je vous conseille de me laisser en paix.
G. Sand, François le Champi, XXI, (cf. Blanc-bec).
Loc. La pipe au bec, à la bouche.
6 Alfreda (…) tenait à la main une brochure dont elle lisait à mi-voix un passage à Paterson, qui, la pipe au bec, écoutait distraitement.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 51.
Claquer du bec. — ☑ Puer du bec : avoir mauvaise haleine.
6.1 Serré dans son coin de wagon par un obèse puant du bec, il se plongea dans une série de considérations visant la nécessité d'un doute préliminaire à toute recherche philosophique.
R. Queneau, le Chiendent, p. 326.
Bec de (et nom d'animal), dans des appellatifs injurieux (vieilli). Gueule. || Bec de singe, d'asticot, de puce, de veau (cf. H. Barbusse, le Feu). || Bec de cane.
b Bouche (servant à manger).Ouvrir le bec, pour manger. || Se mettre qqch. dans le bec. || Se refaire le bec. — ☑ Claquer du bec : avoir faim. — ☑ Avoir le bec salé : avoir soif, toujours soif.Se rincer le bec : boire.Prendre qqn par le bec, par la gourmandise.En avoir jusqu'au bec : être rassasié.Ça ne leur tombera pas tout cuit dans le bec : ils ne l'obtiendront pas sans effort.
Par ext.Bec fin : personne qui aime la bonne nourriture, gourmet.
c Bouche (organe de la parole).Ouvrir le bec : prendre la parole.Avoir le bec bien affilé, être fort en bec : avoir la parole facile, prompte.Avoir bon bec, caquet bon bec : être bavard, volontiers médisant. Bon bec.Donner un coup de bec à qqn, lancer un trait agressif. (vx) 2. Bêcher, becqueter.Se prendre de bec avec qqn.Plus cour.Une prise de bec : une altercation ( Dispute). — ☑ Clore, clouer, cadenasser le bec à qqn, le faire taire (→ Couper le sifflet). || Demeurer le bec clos. — ☑ Vieilli. Avoir le bec gelé : rester silencieux, interdit.
7 Prince, aux dames Parisiennes
De beau parler donnez le prix;
Quoi qu'on die d'Italiennes
Il n'est bon bec que de Paris.
Villon, Ballade des femmes de Paris.
8 (…) Qui tâche en vain de lui clore le bec (…)
La Fontaine, Contes, « Le diable en enfer ».
9 Elle avait de l'esprit et du bec, et souverainement glorieuse quoique fort polie (…)
Saint-Simon, Ch. 608, t. XXXVIII, p. 183, in Littré.
10 J'en reviens toujours à vous dire qu'il ne faut jamais se prendre de bec avec la canaille (…)
P.-L. Courier, Lettres, I, 383.
11 Ces dames n'avaient pas le bec gelé et caquetaient, à ce qu'on m'a rapporté, comme au vieux temps.
France, le Petit Pierre, I.
12 (…) il reste auprès de nous, sans ouvrir le bec; et alors, c'est comme si brusquement la température baissait dans le salon ! (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 74.
Vieilli. Faire son petit bec : faire des mines. || Un petit bec pincé. Afféterie (cit. 2). — ☑ Faire le gros bec, la moue.Donner du bec, un baiser. Bécoter, embrasser, (fam.).
13 (…) cette Miss Bell (…) qui à chacune de leurs rencontres si rares, l'embrassait en l'appelant « darling » lui donnait brusquement du bec sur la joue et gazouillait (…)
France, le Lys rouge, I.
Vx. || Mon petit bec, terme familier d'affection. Minois. || Ne t'en fais pas, mon petit bec.
Passer, faire passer qqch. sous le bec de qqn, sous le nez. Nez. || Ça lui est passé devant le bec (même sens). — ☑ Le bec enfariné. Gueule.
3 (1867). Régional (Suisse). Fam., enfantin. Baiser. Bécot. || Viens que je te donne un bec. || Bon bec ! ou bons becs ! : bons baisers.
4 (V. 1150). Objet, partie de forme pointue, ressemblant à un bec d'oiseau ( Becquet).
a Emplois généraux.
13.1 (…) çà et là une violette au bec bleu laissait fléchir sa tige sous le poids de la goutte d'odeur qu'elle tenait dans son cornet.
Proust, Du côté de chez Swann, L. de poche, p. 200.
13.2 (…) le papier d'emballage, soigneusement replié sur le petit côté du parallélépipède, bâille légèrement en un bec aux lignes précises, pointant obliquement vers le bas.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 22.
Spécialt. Extrémité terminée en pointe. || Le bec d'une plume : extrémité pointue et fendue d'une plume métallique à écrire. || Le bec d'une aiguière, d'un vase, d'un broc, d'une buire, d'une cruche, d'un biberon. || Casserole à bec verseur. || Bec d'une pipe ( Bouquin). || Le bec d'une cuiller. || Bec de sifflet.
13.3 O lampe au bec d'argent, mes yeux t'aperçoivent dans les airs, compagne de la voûte des cathédrales (…)
Lautréamont, les Chants de Maldoror, II, 11.
b (Domaines spéciaux). Sc.En anat. || Bec de l'apophyse caracoïde, ou bec caracoïdien. || Bec du calamus. || Bec du corps calleux.Bec acromégalique : proéminence exagérée du tubercule antérieur de la selle turcique.Bec de cuiller : lamelle osseuse en arrière de l'orifice du conduit du muscle du marteau de l'oreille.
Techn. || Bec d'attaque, de fuite, extrémités avant, arrière de la nervure d'une aile d'avion.Archit. Angle saillant aux extrémités de la pile d'un pont.Filet saillant au-dessous d'un larmier.Partie saillante (de la crosse d'une arme). || Bec de crosse. || Bec de gâchette.Mar. Extrémité pointue de la patte (d'une ancre). || Les becs d'une ancre.
c (1345, in D. D. L.). Géogr. Pointe de terre qui s'avance dans l'eau. Cap, confluent, promontoire. || Bec d'Ambès.
14 (…) le flot qui heurtait ce bec de granit rampait sournoisement le long de ses flancs lisses, en bavant.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 102.
d Mus. Embouchure des instruments à vent munis d'une anche. || Bec de clarinette, de hautbois.Flûte à bec, munie d'une embouchure qui oriente l'incidence de l'air sur le biseau.
5 Bec de… (et nom d'animal).REM. Plur. : des becs de… (et nom sans s). || Bec de corbeau, de corbin, de cane…, forme caractéristique de ces becs. || Un nez en bec de corbin.REM. On écrit parfois ces syntagmes avec des traits d'union.
15 Il avait un long nez aux narines couchées, un nez en bec-de-corbin (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 66.
(1371, « broc »; de l'anc. franç. ane « canard », écrit âne par confusion). || Bec d'âne, bec-d'âne ou bédane, n. m. a Poignée en métal pour ouvrir une porte. Bec-de-cane (ci-dessous).
b (1859). Instrument de chirurgien pour l'extraction des balles. Syn. : bec de cane.
c Techn. Bédane.
|| Bec de cane ou bec-de-cane, n. m. || Des becs-de-cane. a Clou à crochet, utilisé en coutellerie. Syn. : clou à pigeon.
b Chir. Syn. de bec-d'âne.
c (1881). Techn. Outil à fût ayant un fer en croissant, servant à travailler les moulures.
d Cour. Poignée servant à manœuvrer la serrure d'une porte, sans user d'une clé. → Pêne, cit. 1. || Tourner, peser sur le bec-de-cane d'une porte.
16 (…) un farceur de l'extérieur fit jouer le bec-de-cane de la porte (…)
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 6e tableau, III.
16.1 Le gardien n'avait pas ouvert la porte avec une clé, mais avec un bec-de-cane.
Malraux, Antimémoires, Folio, p. 242.
e (1845). Aloès à feuilles linguiformes.
f (1905, Bruant). Argot, vx. Revolver.Cambriolage.
Bec de cigogne : variété de géranium.
bec-de-corbeau, bec-de-corbin, n. m. (→ aussi ci-dessus).
a (1743). Pommeau de canne, sculpté en forme de bec d'oiseau. || Parapluie à bec-de-corbin (Balzac).
b Techn. Ciseau, outil recourbé et terminé en pointe (en forme de crochet).Outil de calfat de cette forme.Outil de menuisier. Syn. : bec de cane.
Archéol. || Bec de faucon : hallebarde à fer recourbé et tranchant.
Bec de grue : variété de géranium. || Bec de héron : géranium arduinum.
Bec de lièvre. Bec-de-lièvre.
Bec d'oiseau, n. m. a Régional. Dauphinelle (plante).
b Techn. Marteau à long manche dont la tête porte un bec-de-corbin. Syn. : bec de corbin, de faucon, d'outarde.
Bec de pigeon : éranium columbinum (plante).
Bec de perroquet. a Pathol. Ostéophyte en forme de crochet qui se forme sur les vertèbres.
b Outil de pierre préhistorique formant crochet à une extrémité.
tableau Noms d'outils.
6 a Brûleur alimenté au gaz. || Le bec d'une lampe à gaz. || Lampe à un bec, deux becs. || Becs Bunsen utilisés en chimie. || Bec Auer.Vx. || Bec à gaz.Mod. || Bec de gaz. Bec de gaz.Les becs papillons. → Notoire, cit. 2.
16.2 (…) la foule battait des mains sous la flamme mouvante d'un bec Auer (…)
Sartre, les Mots, p. 73.
16.3 Juste au-dessus de nous le bec électrique s'alluma, et nos ombres de la nuit vinrent brusquement chasser nos ombres du jour.
J. Giraudoux, Simon le Pathétique, p. 140.
tableau Vocabulaire de la chimie.
b Loc. fam. Tomber sur un bec, (vieilli) tomber sur un bec de gaz : rencontrer un obstacle imprévu, une difficulté, un ennui.
17 (…) et si on veut reprendre l'offensive, on tombera sur un bec !
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 160.
DÉR. Bécard, bécasse, bécot, becqué, becquée, becquer, becquet, becqueter, 1. béquiller, 1. béquillon. — V. Bécane, béquille.
COMP. Arrière-bec; bec-croisé, bec de gaz, bec-de-lièvre, becfigue, bec-fin, bédane, béjaune; blanc-bec, bon bec. — V. Abecquer.

Encyclopédie Universelle. 2012.