crier [ krije ] v. <conjug. : 7> I ♦ V. intr.
1 ♦ Jeter un ou plusieurs cris. ⇒ beugler, brailler, bramer, s'égosiller, s'époumoner, glapir, gueuler, hurler. Bébé qui crie. ⇒ pleurer, vagir. Crier de douleur. Crier comme un fou, un damné, comme un putois, un veau, un sourd : crier très fort. Crier à tue-tête. Il crie comme si on l'écorchait.
2 ♦ Parler fort, élever la voix au cours d'une conversation, d'une discussion. ⇒ brailler, criailler, gueuler, hurler, vociférer. « On peut discuter sans hurler. D'ordinaire on ne crie que quand on a tort » (A. Gide).
3 ♦ Manifester son mécontentement à qqn sur un ton élevé. ⇒ criailler, se fâcher, gronder, invectiver, protester, se récrier, tempêter. Crier contre qqn, (pop.) après qqn. Tes parents vont crier. — Par ext. CRIER À... Crier à l'oppression, au scandale, à l'injustice (⇒ dénoncer) , au miracle.
4 ♦ (Choses) Produire un bruit aigre, désagréable. ⇒ couiner, crisser, gémir, grincer. Les gonds de la porte, l'essieu de la roue crient.
II ♦ V. tr.
1 ♦ Dire d'une voix forte. ⇒ gueuler, hurler. Crier des injures à qqn. Crier un ordre. — (Avec le style direct) Crier Au secours ! Crier victoire. Crier au loup. Crier vengeance. Sans crier gare. Crier grâce. (Avec l'inf.) Il lui cria de se taire. (Avec que et l'indic., le condit.) « Je l'ai vu courir comme un fou. Il a crié qu'il allait manquer son train » (Chardonne).
♢ Fig. Faire hautement connaître. Crier la vérité, son innocence. ⇒ affirmer, clamer, proclamer. Crier une nouvelle, un secret sur les toits. ⇒ claironner, divulguer, ébruiter, publier, répandre, trompeter. « Vous pensez bien qu'ils n'iraient pas le crier sur les toits » (Romains).
2 ♦ Annoncer à haute voix sur la voie publique pour vendre (⇒ crieur). « Des camelots traversaient le carrefour en criant des éditions spéciales » (Martin du Gard). Dr. Crier des meubles, les vendre à la criée. Crier une vente.
3 ♦ Loc. Crier famine, crier misère, s'en plaindre. « Elle alla crier famine chez la fourmi sa voisine » (La Fontaine).
⊗ CONTR. Chuchoter.
● crier verbe intransitif (latin populaire critare, du latin classique quiritare, appeler) Émettre le cri de son espèce, en parlant d'un animal, pousser un cri, un son inarticulé en parlant de quelqu'un : Les singes crient dans les arbres. Pousser des cris sous l'effet d'un sentiment, d'une sensation intenses : Crier de douleur, de plaisir. Forcer sa voix, parler très fort sous l'effet de l'énervement, de la colère : Discutez sans crier ! Crier à l'injustice. Produire un son désagréable, aigre ou aigu ; crisser, grincer : Faire crier la craie sur le tableau. Être discordant, criard : Un vert qui crie. ● crier verbe transitif Dire quelque chose d'une voix forte à quelqu'un : Crier des injures. Demander, ordonner quelque chose d'une voix forte : Il nous cria de partir. Exprimer avec force un sentiment, une opinion par la parole, l'écriture : Crier son innocence. Littéraire. Manifester une opinion, un état avec vigueur : Œuvre qui crie la solitude de son auteur. Vieux. Annoncer d'une voix forte une marchandise. ● crier (citations) verbe intransitif (latin populaire critare, du latin classique quiritare, appeler) Henri Michaux Namur 1899-Paris 1984 On crie pour taire ce qui crie. Tranches de savoir Cercle des Arts ● crier (difficultés) verbe intransitif (latin populaire critare, du latin classique quiritare, appeler) Conjugaison Attention aux deux i à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous criions, (que) vous criiez. Construction Crier après qqn appartient à l'expression relâchée. Recommandation Préférer crier contre qqn ; éviter crier sur quelqu'un, qui est populaire. ● crier (expressions) verbe intransitif (latin populaire critare, du latin classique quiritare, appeler) Crier comme un sourd, comme un veau, comme un damné, comme un putois, etc., pousser de grands cris, de toutes ses forces. ● crier (synonymes) verbe intransitif (latin populaire critare, du latin classique quiritare, appeler) Émettre le cri de son espèce, en parlant d'un animal...
Synonymes :
- hurler
Forcer sa voix, parler très fort sous l'effet de l'énervement...
Synonymes :
- brailler (familier)
- gueuler (populaire)
- hurler
- vociférer
Contraires :
- se taire
Produire un son désagréable, aigre ou aigu ; crisser, grincer
Synonymes :
- crisser
- grincer
● crier (citations)
verbe transitif
Honoré de Balzac
Tours 1799-Paris 1850
[La femme de chambre] lui cria deux mots à voix basse.
La Muse du département
● crier (expressions)
verbe transitif
Crier sur les toits, divulguer, répandre une nouvelle, l'annoncer à tout le monde.
Crier famine, se plaindre de la faim ou dénoter la faim.
Crier grâce, miséricorde, implorer la pitié.
Crier misère, se plaindre de son manque de ressources.
Crier vengeance, réclamer la vengeance.
Crier victoire, affirmer qu'on est le vainqueur ou qu'on a réussi quelque chose.
● crier (synonymes)
verbe transitif
Dire quelque chose d'une voix forte à quelqu'un
Synonymes :
- vociférer
Demander, ordonner quelque chose d'une voix forte
Synonymes :
- hurler
Exprimer avec force un sentiment, une opinion par la parole...
Synonymes :
- clamer
- invoquer
crier
v.
rI./r v. intr.
d1./d Pousser un cri, des cris. Crier à tue-tête.
d2./d élever la voix. Discutez sans crier.
d3./d Exprimer son mécontentement, sa colère en élevant très haut la voix. On ne peut rien lui dire, il se met aussitôt à crier (V. protester, se fâcher).
|| Crier après, contre qqn, le réprimander.
— Crier sur qqn: crier contre qqn. Ma soeur aînée crie tout le temps sur moi.
d4./d Crier à l'injustice, au scandale, à la trahison: dénoncer avec véhémence l'injustice, etc.
|| Crier au miracle: affirmer bien haut qu'un miracle, ou qqch considéré comme tel, s'est produit.
d5./d (Choses) Produire un son aigu et discordant. Essieu qui crie. La serrure crie, il faut la graisser.
|| Heurter la vue. Ces couleurs crient trop ensemble.
d6./d (Animaux) Pousser le cri de son espèce.
rII./r v. tr.
d1./d Dire à voix très haute. Crier des ordres.
d2./d Proclamer, dire hautement. Crier son innocence.
d3./d Spécial. Annoncer publiquement la vente de. Crier la dernière édition d'un journal.
|| Mettre à l'enchère. Crier des meubles.
d4./d Loc. Crier vengeance: exiger, appeler la vengeance.
|| Crier grâce, pour implorer la clémence de son adversaire.
|| Crier famine, misère, s'en plaindre hautement.
|| Crier gare: prévenir d'un danger, d'un risque encouru.
rIII/r v. tr. indir. Crier au feu. Crier au secours, à l'aide: appeler pour avertir et demander de l'aide.
⇒CRIER, verbe.
A.— Pousser des cris.
1. [Le suj. désigne un être humain] Pousser spontanément des cris sous l'effet d'une émotion, d'un état physique ou moral ressenti intensément. Crier brusquement, gaiement, crier d'angoisse, de joie :
• 1. Un enfant cria dans une maison voisine; sa mère chanta pour le consoler. Et bientôt s'élevèrent un babil et des rires puérils.
ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 473.
♦ Loc. Crier comme un aveugle, un damné, un enragé, un fou, un perdu, un putois, un sourd, un veau.
— P. ext. [Le suj. désigne une sensation, un sentiment, etc.] Le chagrin de sa solitude criait dans sa voix grêle (ZOLA, Argent, 1891, p. 133).
2. [Le suj. désigne un animal] Les oies qui crient dans les étaules (RENARD, Journal, 1889, p. 28) :
• 2. C'est ce qu'exprimait Jules Payot disant : « On ne sait pas ce que c'est que barrir, si l'on n'a jamais entendu crier un éléphant ».
L. COUFFIGNAL, Les Machines à penser, 1964, p. 88.
3. P. anal.
a) [Le suj. désigne un instrument de musique au timbre aigu] On entendait crier les trompettes (GIONO, Bonheur fou, 1957, p. 160).
b) [Le suj. désigne une chose, notamment un objet métallique, frottant contre une autre chose] Avec une valeur légèrement péj. Émettre un bruit aigre, désagréable. (Quasi-)synon. bruisser, crisser, grincer. On put entendre crier la robe de soie de madame Marion (BALZAC, Député d'Arcis, 1847, p. 299). Les portes des maisons (...) faisant crier leurs gonds mangés de rouille (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 37). Un pas rapide fit crier le gravier (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 192).
B.— Prononcer des paroles d'une voix très forte, pour exprimer quelque chose.
1. Forcer sa voix pour donner implicitement plus d'importance à ce que l'on peut exprimer. Crier fort, haut.
a) [Le suj. désigne une pers. sous l'emprise de la colère] Crier après, contre; crier sans cesse. (Quasi-) synon. disputer, gronder. Quand vous me parlez, je suis calme. Je ne me souviens plus d'avoir crié après vous dans un moment de démence (SAND, Elle et lui, 1859, p. 53).
b) Gén. péj. [Le suj. désigne un acteur, un chanteur, etc., qui exagère ses effets de voix] Zuchelli a chanté avec une grande pureté; il ne crie jamais; c'est un rare mérite aujourd'hui (STENDHAL, Notes dilett., 1823, p. 397).
2. Parler fort de manière à être entendu nettement et de loin, quand on exprime explicitement une chose d'importance. Crier du/en bas, à tue-tête, de toutes ses forces.
a) Lancer un appel, un avertissement, un encouragement à voix haute. Crier au cocher (qqc.), au secours, des ordres. Ma mère (...) vint (...) jusqu'à la porte de ma chambre, et me cria bonjour (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 305). — « Allô, Léon! » cria gaiement Antoine (MARTIN DU G., Thib., Consult., 1928, p. 1054). On criait des injures aux sentinelles allemandes (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 232).
— Loc. et expr. Sans crier gare. Sans prévenir, brusquement. Le gars est mort sans crier gare (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1069). Crier haro sur qqn. Demander l'aide publique pour arrêter un voleur pris en flagrant délit. P. métaph. Désigner quelqu'un ou quelque chose à l'attention générale, à la condamnation publique. Il y a un consentement de l'hypocrisie générale pour crier haro sur le livre (GONCOURT, Journal, 1866, p. 297). Crier vengeance. P. méton. ou p. métaph. Ce corps innocent qui crie vengeance sous les œillets rouges de son sang (CAMUS, Dévotion croix, 1953, p. 546).
— En partic. Lancer avec insistance un appel, une prière, implorer. Crier un/son nom; crier à/après/vers (Dieu). Mon Dieu (...) je crierai vers toi, du fond de mes douleurs, Et ma bouche louera ta sagesse infinie (A. FRANCE, Noces corinth., 1876, p. 228). Mais si nous ne crions au ciel, ni pour la peine, ni pour le travail, quelle est donc la prière légitime? (J. SIMON, Relig. natur., 1856, p. 398). P. métaph. Le sol s'est hérissé d'une moisson d'églises qui criaient leur foi vers le ciel (L. DAUDET, A. Daudet, 1898, p. 255).
b) Annoncer publiquement à voix haute; répandre une nouvelle. Crier sur tous les toits :
• 3. Delhomme repartit, s'arrêta plus loin pour crier de nouveau la nouvelle, la cria plus loin une troisième fois; et la menace de la guerre prochaine vola par la Beauce, dans la grande tristesse du ciel de cendre.
ZOLA, La Terre, 1887, p. 438.
— Emploi pronom. :
• 4. Quand le bateau que l'on croise porte pavillon tricolore, on se salue de quatre coups de fusil, on se crie les nouvelles politiques, et quelquefois on se met en panne pour se faire une visite.
FLAUBERT, Correspondance, 1850, p. 165.
— En partic. Annoncer les marchandises à vendre. Les marchands ambulants criaient les pêches, les poires et les raisins (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 237). J'entends crier les journaux du soir (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 337).
♦ Spéc. Annoncer, dans une vente aux enchères, les pièces saisies, les prix :
• 5. Records, chez les retardataires,
Saisissez jusqu'au moindre effet,
Et des mobiliers prolétaires
Criez la vente au Châtelet.
Peuple à jamais digne d'estime,
Payer fut toujours ton régime.
L'Histoire de France par les chansons, t. 6, 1837-38, p. 185.
— Loc. et expr. Crier à ban, à son de trompe. Citer les criminels à comparaître devant le juge. Proclamer une décision émanant de l'autorité. P. ext. Faire connaître à grand renfort de bruit. On vient crier à son de trompe que César est à Bologne (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, I, 5, p. 112). On prend des cors de chasse et on crie à son de trompe : cent mille francs pour cinq sous! (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 316).
c) [Le suj. désigne gén. une foule] Exprimer à voix haute et avec force un avis, une opinion, le plus souvent sous forme de protestation. Crier bravo, grâce, merci. Les Parisiens crièrent à la trahison; ils dirent que le duc de Berri était d'intelligence avec ceux qui voulaient ruiner la ville (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 212) :
• 6. Jusqu'au soir, le kommando ne fut qu'une flambée de fièvre. Cent vingt bouches criaient leur confiance et saluaient l'aurore de la victoire.
AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, p. 121.
— Loc. et expr. Crier la faim, crier famine (sur un tas de blé). Se plaindre d'avoir faim. Le peuple crie la faim, et la soif (RENARD, Journal, 1907, p. 1117). P. méton. et p. métaph. J'étais à jeun depuis vingt-quatre heures, et mon estomac criait famine. L'ennemi, pour nous braver, passa la nuit à boire et à manger sur nos têtes (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 269). Mon esprit criait famine (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 70). Crier merveille, (au) miracle. Le Roi des Lépreux (cette année-là, c'était un moine belge), à qui l'on mène toutes les vierges captées en chemin et qu'il viole sur un tapis rouge pour guérir, au vu de tous ses suiveurs fanatisés qui crient au miracle (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 153). Au fig. s'extasier. Nous avons de nos maîtres (...) une idée telle que dès qu'ils ne commettent pas une félonie nous crions au miracle, et à l'éminence (PÉGUY, Argent, 1913, p. 1271). Crier misère (cf. FLAUB., Corresp., 1865, p. 24). Crier Noël; p. ext. se réjouir (cf. L. FEBVRE, Combats pour hist., 1933, p. 95). On a tant crié Noël qu'à la fin il est venu. Crier au scandale. Certains journaux crièrent au scandale (LAMENNAIS, Religion, 1826, p. 19). Crier au vinaigre (fam.). Protester contre un mauvais vin; p. ext. protester vivement, appeler à l'aide (cf. HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 203).
— P. métaph. [Le suj. désigne un artiste ayant recours à une forme d'expression écrite ou figurative] Ambition qui devrait être celle de tous les écrivains : témoigner et crier, chaque fois qu'il est possible, dans la mesure de notre talent, pour ceux qui sont asservis comme nous (CAMUS, Actuelles I, 1944-48, p. 250). Celui-ci [Goya] pressent l'art moderne, mais la peinture n'est pas à ses yeux la valeur suprême : elle crie l'angoisse de l'homme abandonné de Dieu (MALRAUX, Voix sil., 1951, p. 97).
— P. anal. [Le suj. désigne gén. une chose concr.] S'exprimer puissamment, attirer vivement l'attention. C'est sur les joues [de Buffon] des sinuosités qui crient la bonhomie, l'amour du propos salé et du bien-être (ESTAUNIÉ, Rom. et prov., 1942, p. 98). Ostensiblement découvertes, les deux paillasses d'Hulot et de Magnin criaient l'absence (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 234).
♦ En partic., avec une valeur légèrement péj. Briser une harmonie, produire un effet criard. Comme si ce mot de brutal ne criait pas et ne jurait pas avec tout ce qui est sorti de la bouche et de la plume de ce sage discret (SAINTE-BEUVE, Caus. du lundi, t. 10, 1851-62, p. 14). Le rouge de la moquette criait dans mes yeux (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 9).
— Au fig. [Le suj. désigne une chose abstr., un sentiment, un élan de l'âme] (Se) manifester avec force être criant. Y a-t-il un autre amour que celui des ténèbres, un amour qui crierait en plein jour? (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 35) :
• 7. ... ils se refusaient à entendre la voix intérieure qui leur criait la vérité, en étalant devant eux l'histoire de leur vie.
ZOLA, Thérèse Raquin, 1867, p. 190.
Prononc. et Orth. :[], (je) crie []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 2e moitié Xe s. « dire (quelque chose) d'une voix retentissante » (Passion de Clermont, éd. d'A. S. Avalle, 182); 2. ca 1050 intrans. « (d'une personne) pousser des cris perçants » (Alexis, éd. Ch. Storey, 424); 1120-35 « (d'un animal) id. » (PH. DE THAON, Bestiaire, éd. E. Walberg, 788); 3. fin XIIe s. [ms. XIIIe s.] intrans. « faire entendre une plainte, une protestation » (Chevalier au cygne, éd. C. Hippeau, 5709); part. prés. adj. 1677 criant « qui provoque la plainte » (MIÈGE); 4. ca 1180 « annoncer, clamer (quelque chose) publiquement » criez vostre enseigne (Roland, éd. J. Bédier, 1793); ca 1268 « annoncer une vente sur la voie publique » (E. BOILEAU, Métiers, éd. R. de Lespinasse et Fr. Bonnardot, 1re partie, titre V, XII). Du lat. class. quiritare « appeler; crier au secours; protester à grands cris » réduit en critare. Fréq. abs. littér. Crier : 13 722. Crié : 870. Fréq. rel. littér. Crier : XIXe s. : a) 11 880, b) 26 784; XXe s. : a) 27 028, b) 17 612. Crié : XIXe s. : a) 752, b) 1 190; XXe s. : a) 1 738, b) 1 374.
DÉR. Criage, subst. masc. Action de faire une annonce en criant; office du crieur public annonçant les denrées à vendre. La distribution, le colportage, la vente et le criage sur la voie publique (Civilis. écr., 1939, p. 4408). Attesté aussi ds Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e-20e, LITTRÉ, GUÉRIN 1892, DG, QUILLET 1965. — []. — 1res attest. fin XIIe s. « action de crier » (Chevalier au cygne, éd. C. Hippeau, 5247), av. 1266 « (du crieur public) action de crier » (Le Livre de Jean d'Ibelin ds Assises de Jérusalem, éd. A. Beugnot, I, CXXII, p. 198), rare; de crier; suff. -age.
BBG. — ARICKX (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, n° 3, p. 124. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — GOUG. Mots t. 3 1975, p. 261. — GOUGENHEIM (G.). Une Catégorie lexicogrammaticale : les loc. verbales. In : [Mél. Michéa (R.)]. Ét. Ling. appl. 1971, n° 2, p. 59. — ROG. 1965, p. 179.
crier [kʀije] v.
ÉTYM. Xe; du lat. pop. critare, contraction du lat. class. quiritare « appeler les citoyens au secours ». → Quirite.
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I V. intr.
1 Pousser un ou plusieurs cris pour manifester une émotion, une sensation ou pour être entendu de loin. ⇒ Beugler, brailler, (fam.) braire, bramer, égosiller (s'), époumoner (s'), gueuler, hurler. || Crier de colère. ⇒ Rugir. || Crier de douleur. ⇒ Gémir, plaindre (se). || Crier de plaisir. ☑ Crier comme un beau diable, comme un enragé, un fou, un perdu, un damné, un brûlé… ☑ Crier comme un sourd : crier fort. || Crier à tue-tête, à pleine tête. ☑ Crier comme un putois, un veau. || Crier de toutes ses forces. || Il crie comme si on l'écorchait.
♦ Enfant qui crie. ⇒ Piailler, pleurer. || Laissez-le crier. — Par métaphore (le sujet est une chose abstraite) → ci-dessous, cit. 2.
1 Elle me regardait, effarée, affolée, épouvantée, n'osant pas crier de peur du scandale (…)
Maupassant, Contes de la Bécasse, Un fils, p. 232.
2 Érôs fait crier sur vos lèvres, ô femmes !
Le Désir douloureux et doux.
Pierre Louÿs, Aphrodite, I, II, p. 27.
3 Des gitanes en robes à volants couvertes de taches criaient dans les ruelles; des enfants piaillaient (…)
P. Mac Orlan, la Bandera, I, p. 16.
3.1 Puis, toujours immobile, elle se met à crier : un long hurlement continu, parti de très bas, qui s'enfle peu à peu jusqu'à un paroxysme coupé net, dont elle écoute ensuite l'écho qui se répercute d'un bout à l'autre de l'immense corridor.
A. Robbe-Grillet, Projet pour une révolution à New York, p. 123.
♦ ☑ Loc. (vx). Il crie comme un aveugle qui a perdu son bâton. — ☑ Loc. prov. (vx). Il ressemble aux anguilles (infra cit. 4), il crie avant qu'on l'écorche.
♦ Rare. Pousser son cri (le sujet désigne un animal, et, spécialt, un oiseau). — REM. Alors que cri est courant dans ce sens, crier est souvent remplacé par un verbe spécifique; pour les oiseaux, on oppose crier et chanter (→ aussi Gazouiller, ramager).
4 L'oiseau crie ou chante; et la voix semble être à l'oiseau d'une valeur assez différente de la valeur qu'elle a chez les autres bêtes criantes ou hurlantes.
Valéry, Autres rhumbs, Poésie perdue, p. 60.
♦ ☑ Prov. Chien (infra cit. 42) qui crie ne mord pas.
2 Parler fort, élever la voix au cours d'une conversation, d'une discussion. ⇒ Beugler, brailler, clamer, criailler, dire, égosiller (s'), gueuler (fam.), hurler, tonitruer, tonner, vociférer. || Il ne sait pas parler sans crier. || Crier fort; crier haut. || C'est à qui criera le plus fort. — Péj. Produire des sons forts, aigus, peu harmonieux. || Elle ne chante pas, elle crie. ⇒ Hurler.
5 Je ne vous parle pas de ça, dit Germain en s'approchant d'elle et en criant à tue-tête (…)
G. Sand, la Mare au diable, XIV, p. 117.
6 Lorsqu'une racine arrêtait le soc, le laboureur criait d'une voix puissante, appelant chaque bête par son nom, mais plutôt pour calmer que pour exciter (…)
G. Sand, la Mare au diable, II, p. 21.
7 On peut discuter sans hurler. D'ordinaire on ne crie que quand on a tort.
Gide, Robert ou l'Intérêt général, III, 2e tableau, II.
3 Manifester son mécontentement sur un ton élevé. ⇒ Accuser, conspuer, fâcher (se), gueuler (fam.), hurler, invectiver, plaindre (se plaindre de), protester, récrier (se), réprimander, rouspéter (fam.), rugir, tempêter. → Musique (faire de la musique). || Crier sans raison. ⇒ Clabauder. || Crier contre qqn. || Crier après qqn. ⇒ Attraper, gronder, engueuler (fam.). || Tes parents vont crier ou crier contre toi, après toi, te réprimander. — REM. L'emploi transitif de crier, dans le même sens, est archaïque ou dialectal :
8 Pourquoi me criez-vous ?
Molière, l'École des femmes, V, 4.
9 (…) eux qui faisaient profession d'une sagesse si austère, et qui criaient sans cesse après les vices de leur siècle.
Molière, Tartuffe, Préface.
4 Manifester avec force un sentiment personnel ou collectif. — Spécialt, en implorant. || Crier au Seigneur, crier vers Dieu. ⇒ Implorer, invoquer, prier, supplier; appel (faire appel).
10 À qui crierai-je, Seigneur, si ce n'est à vous ?
Pascal, Prière.
♦ (En protestant). || Crier à l'injustice. ⇒ Dénoncer, protester. || Iniquité qui fait crier. || C'est à crier. || Crier à l'oppression, au scandale. ⇒ Révolter (se).
11 La censure de guerre, qui nous a paru si naturelle, faisait, en 1830, crier à un attentat contre la liberté.
J. Bainville, Hist. de France, XVIII, p. 453.
5 (Choses). Produire un bruit aigre, désagréable. ⇒ Crisser, grincer, hurler. || La lime crie sur le fer. || Les gonds de la porte crient. || Essieu, roue qui crie en tournant. || Faire crier les ressorts d'un fauteuil, d'un lit. ⇒ Gémir. || Étoffe qui crie sous la main. || Sirènes qui crient. ⇒ Retentir, ululer.
12 Le char s'avança lentement sur le sable qui criait dans le silence.
France, Histoire comique, X, p. 172.
13 La maison crie sous le vent comme un bateau (…)
Proust, les Plaisirs et les Jours, p. 218.
14 On entendait crier sous les couteaux les larges miches de pain de ménage.
M. Barrès, la Colline inspirée, V, p. 85.
♦ Par métaphore :
15 La langue est un instrument dont il ne faut pas faire crier les ressorts.
Rivarol, Pensées et maximes, p. 7.
♦ Avoir un effet brutal et désagréable (en parlant d'un autre sens que l'ouïe). || Couleurs qui crient entre elles (⇒ Criard). || Dans ce décor, ce tissu crie. ⇒ Hurler, jurer.
———
II V. tr.
1 Dire (qqch.) à qqn d'une voix forte. ⇒ Dire, gueuler (fam.), hurler. || Crier des injures à qqn. || Crier un ordre. ⇒ Donner. || Crier la vérité. ⇒ Proclamer. || Crier qqch. d'une voix forte, autoritaire. || Chacun crie ses péchés (cit. 4) à la face de tous. || Il lui cria de se taire. || Non, cria-t-il, je ne viendrai pas. — REM. Comme parler, crier peut introduire un énoncé en style direct (il cria : venez par ici) et être employé en incise (Sortez ! cria-t-il). — Crier que… (suivi d'un énoncé en style indirect). || Il a crié de loin qu'il allait revenir.
16 On a entendu la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur (…)
Bible (Sacy), Isaïe, XL, 3.
17 (…) d'une voix âpre, il cria un ordre à ses matelots.
Flaubert, Salammbô, VII.
18 Vers le 5 ou le 6, je vous jure, j'ai cru à la guerre. Et j'ai crié comme un sourd, j'ai crié qu'elle était impossible, fantastiquement absurde.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XXII, p. 294.
19 (…) une voix s'éleva, forte, vibrante, autoritaire, une voix qui criait rudement (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, IX, 1.
20 (Elle) criait sa foi dans les salons orthodoxes avec un courage agressif.
A. Maurois, le Cercle de famille, III, XI, p. 281.
21 Une voix répondit : « Je l'ai vu courir comme un fou. Il a crié qu'il allait manquer son train. »
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, I, III, p. 115.
21.1 Sur quoi Thomas Trublet, lâchant sa barre et criant : « Frères à moi ! » se précipita le premier, sabre d'une main pistolet de l'autre, poignard entre les dents, à l'abordage.
Claude Farrère, Thomas l'Agnelet, p. 107.
2 Fig., littér. Faire connaître avec force, hautement. || Crier son mécontentement. ⇒ Exprimer, manifester. — Crier la vérité de qqch., crier son innocence. ⇒ Affirmer, clamer, proclamer. — Les faits crient que vous avez tort. — Absolt. || Les faits crieront d'eux-mêmes. ⇒ Parler.
22 Voltaire, comme historien, est souvent admirable; il laisse crier les faits.
Hugo, Littérature et philosophie mêlées, Journal des idées, Histoire.
♦ ☑ Crier une nouvelle, un secret sur les toits, par toute la ville… ⇒ Annoncer, proclamer, publier, répandre, trompeter. || Crier une nouvelle à son de trompe. || Crier qu'on a raison.
23 Un fol allait criant par tous les carrefours
Qu'il vendait la sagesse (…)
La Fontaine, Fables, IX, 8.
24 L'on ne vient point crier de dessus un théâtre ce qui se doit dire en particulier.
Molière, la Comtesse d'Escarbagnas, 8.
25 Vous pensez bien qu'ils n'iraient pas le crier sur les toits (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, IV, p. 39.
3 Annoncer à haute voix, sur la voie publique, pour vendre (⇒ Crieur). || Crier des journaux, de vieux chiffons.
25.1 On entendait crier par les rues les mirabelles et les reines-Claude (…)
Alphonse Daudet, Fromant jeune et Risler aîné, p. 42.
26 Des camelots traversaient le carrefour en criant des éditions spéciales.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 186.
26.1 Ils circulèrent à travers le lotissement. Rodrigue continuait de crier ses journaux (…)
Roger Vailland, Bon pied, bon œil, p. 30.
♦ (1268). Dr. || Crier une vente. ⇒ Criée (vente à la criée). || Crier des meubles, les vendre à la criée.
4 V. tr. et tr. ind. (suivi d'un nom sans article), v. tr. ind. (suivi d'un nom introduit par à). Lancer d'une voix forte des paroles, une formule ayant une valeur d'avertissement, d'exhortation. || Crier aux armes. || Crier au secours, au feu, au voleur, à l'assassin. ⇒ Appeler. ☑ Pop. Crier au vinaigre (crier contre qqn). — ☑ Loc. (trans. dir.). Crier haro sur… ⇒ Exciter. ☑ Sans crier gare. || Crier casse-cou. ⇒ Avertir, prévenir, signaler. ☑ Crier grâce. Vx. || Crier merci, miséricorde. ⇒ Avouer (s'avouer vaincu), demander (grâce), rendre (se), supplier. || Crier bravo. — Trans. dir. (suivi d'un énoncé rapporté). || Crier : « Vive le roi, vive le président ! » ⇒ Acclamer. || Crier : à bas Untel ! ⇒ Conspuer.
27 Les autres animaux, créatures plus douces,
Bonnes gens, s'étonnaient qu'il criât au secours;
Ils ne voyaient nul mal à craindre.
La Fontaine, Fables, VIII, 12.
28 À ces mots, on cria haro sur le baudet.
La Fontaine, Fables, VII, 1.
29 J'entends crier partout : Au meurtre ! on m'assassine !
Boileau, Satires, VI.
30 (…) tout leur fait croire, à Grimm et à elle, qu'en me poussant à la dernière extrémité, ils me réduiraient à crier merci, et à m'avilir aux dernières bassesses (…)
Rousseau, les Confessions, X.
31 (…) on nous crie gare, et à peine avons-nous le temps de nous garer.
Loti, Aziyadé, I, XX, p. 32.
32 (…) l'univers haletant criait grâce (…)
Huysmans, En route, p. 11.
33 Je ne souhaite pas que vous criiez casse-cou sans nécessité (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIV, p. 228.
33.1 (Voyant le gouverneur mort), les siens perdirent courage. Beaucoup jetèrent leurs armes, criant : « Grâce ! » et « Quartier ! » cependant que d'autres fuyaient de-ci et de-là, sans grand-chance d'échapper ailleurs.
Claude Farrère, Thomas l'Agnelet, p. 188.
♦ Vx. || Crier sa devise. || Soldats qui attaquent en criant leur devise. ⇒ Cri (4.). Lancer (un cri de ralliement). || Autrefois les Français criaient « Montjoie ! ».
♦ ☑ Loc. fig. Crier famine. Par métaphore. || Estomac qui crie famine. — ☑ Crier misère. ⇒ Gémir, plaindre (se). — ☑ Prov. : Crier famine sur un tas de blé : se plaindre de manquer de tout, bien qu'on soit dans l'abondance.
34 Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister (…)
La Fontaine, Fables, I, 1.
34.1 Si vous n'aviez du blé, je vous offrirais du mien; j'en ai vingt mille boisseaux à vendre. Je crie famine sur un tas de blé.
Mme de Sévigné, Lettre à Mme de Grignan, 21 oct. 1673.
♦ Crier merveille. ⇒ Admirer, extasier (s').
35 La lunette placée, un animal nouveau
Parut dans cet astre si beau;
Et chacun de crier merveille (…)
La Fontaine, Fables, VII, 18.
♦ Trans. ind. ☑ Crier au miracle (même sens) :
36 La santé dans ces murs tout d'un coup répandue
Fait crier au miracle (…)
Corneille, l'Œdipe, V, 9.
♦ ☑ Loc. Vx. Crier Noël : se réjouir.
♦ ☑ Crier vengeance. ⇒ Réclamer; exiger (avec un sujet n. de chose). || Le sang du juste crie vengeance, et, ellipt., le sang crie.
37 Et Dieu dit (à Caïn) : Qu'as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi.
Bible (Segond), Genèse, IV, 10.
38 Le sang de vos rois crie, et n'est point écouté.
Racine, Athalie, I, 1.
39 La conscience crie devant le devoir comme le coq chante devant le jour.
Hugo, l'Homme qui rit, II, VII, 1.
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criant, ante p. prés. et adj. ⇒ Criant.
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CONTR. Chuchoter, murmurer. — Taire (se).
DÉR. Cri, criage, criailler, criant, criard, criée, crierie, crieur.
HOM. Criée.
Encyclopédie Universelle. 2012.