lettre [ lɛtr ] n. f. I ♦
1 ♦ (XIIe) Signe graphique qui, employé seul ou combiné avec d'autres, représente, dans la langue écrite (écriture alphabétique, syllabique), un phonème ou un groupe de phonèmes. ⇒ caractère, graphème . Les 26 lettres de l'alphabet français. Double lettre (ex. tt, mm). Groupe de deux, trois lettres représentant un seul son (ex.ph, sch en français). ⇒ digramme, trigramme. Lettres et accents. Les lettres d'un mot (⇒ épeler) , d'un sigle. Lettre étymologique. Lettre initiale du nom, du prénom (⇒ chiffre, initiale, monogramme) . Code comportant des lettres et des chiffres. ⇒ alphanumérique. — Fam. (par euphém.) Les cinq lettres. — (Aspect, forme) Lettre majuscule, minuscule. Déliés, hampe, jambages, pleins, queue d'une lettre. Lettre capitale. — Loc. En toutes lettres : sans abréviation (cf. Au long). Nombre en toutes lettres, écrit avec des mots et non avec des chiffres, pour plus de clarté. Au fig. Nettement. « ma disgrâce était écrite en toutes lettres sur mon visage » (Duhamel). — Gravé en lettres d'or : digne d'être gardé toujours présent en mémoire.
2 ♦ (1486) Imprim. Caractère typographique représentant une des lettres de l'alphabet. Le corps d'une lettre. Titre en grosses lettres. Lettres du bas de casse, en romain, lettres italiques. Lettres des touches d'un clavier.
3 ♦ Vx Phonème représenté par le caractère alphabétique. ⇒ consonne, voyelle; semi-consonne. Lettre muette. Lettre qui se lie à une autre.
II ♦ Au sing. collect. LA LETTRE.
1 ♦ (Xe) Les mots qui composent un texte; ce texte. — Loc. LETTRE MORTE : texte qui n'a plus de valeur juridique, d'autorité officielle; fig. inutile, sans effet. Ces documents « seraient pour vous lettre morte » (A. Hermant).
2 ♦ (1835) Grav. Inscription, légende qu'on met au bas d'une estampe pour en indiquer le sujet. Épreuve avant la lettre, tirée avant qu'on n'imprime la lettre. — Loc. fig. Avant la lettre : avant l'état définitif, l'époque du complet développement. « L'enfant, c'est l'homme avant la lettre » (A. d'Houdetot).
3 ♦ (XIIe) Le sens strict des mots (d'un texte) (⇒ littéral); l'expression formelle de la pensée d'un auteur. La lettre de la loi. La lettre et l'esprit : la forme et le fond. Mon ancien maître « lui reprocha de suivre la lettre de la loi plutôt que l'esprit » (F. Mauriac).
♢ Loc. (XIIIe) À LA LETTRE; AU PIED DE LA LETTRE : au sens propre, exact du terme. ⇒ exactement, proprement, véritablement. Prendre une expression à la lettre, au pied de la lettre : dans son sens littéral, strict, étroit (⇒ littéralement, stricto sensu) ou au sérieux. « il prenait au pied de la lettre tout ce qu'on lui disait » (Lesage). — Suivre un règlement à la lettre, scrupuleusement, rigoureusement.
III ♦
1 ♦ (XIe ) Écrit que l'on adresse à qqn pour lui communiquer qqch. ⇒ épître, message, missive; fam. babillarde, bafouille, poulet. Écrire une lettre. Un bout de lettre. ⇒ billet, mot. Par cette lettre. ⇒ 1. présent (la présente). Lettre dactylographiée, manuscrite; autographe. Signature (⇒ souscription) , post-scriptum au bas d'une lettre. Envoyer une lettre à l'adresse de qqn (⇒ suscription) . — Lettre circulaire, message de vente adressé à des clients potentiels. Lettre personnalisée, sur laquelle figure l'identité du destinataire. Vente par lettres. ⇒ publipostage; mailing(anglic.). Échanger des lettres. ⇒ correspondre; correspondance. Recevoir des lettres. ⇒ courrier. Accuser réception d'une lettre. Répondre à une lettre. Papier à lettres. — Style des lettres. ⇒ épistolaire. « écrire une lettre d'amour [...] aucun genre épistolaire n'est moins difficile : il n'y est besoin que d'amour » (Radiguet). Lettre de rupture. Lettre anonyme. Lettre de faire-part. Lettre de condoléances. Lettre de recommandation. Lettre de château : lettre de remerciement aux personnes chez qui on a fait un séjour. — Affranchir une lettre. Lettre timbrée de Paris. ⇒ 1. pli. — Boîte aux lettres. Jeter des lettres à la boîte. ⇒ 2. poster. Facteur qui apporte des lettres. — Lettre exprès, par avion (⇒ aérogramme) . Nos lettres se sont croisées. Lettre recommandée. Lettre urgente. ⇒ dépêche.
♢ Loc. fam. (1825) Passer comme une lettre à la poste, facilement et sans incident; être facilement digéré (aliment, repas); être facilement admis. Excuse, réforme qui passe comme une lettre à la poste.
♢ (1835) LETTRE OUVERTE : article de journal, rédigé en forme de lettre et généralement de caractère polémique ou revendicatif. Lettre ouverte au président de la République.
2 ♦ Écrit officiel. — Hist. Lettre de cachet, de grâce, de jussion, de naturalisation, de rémission. Lettres patentes. Lettres de noblesse. — Diplom. Lettres de créance, qui accréditent un diplomate (⇒ accréditation) . — Admin. Lettre circulaire. Lettre missive. Lettre de service, lettre ministérielle, indiquant à un officier le commandement particulier qu'il est appelé à tenir. Lettre de marque : commission délivrée en temps de guerre par l'État au capitaine d'un navire armé. Lettre de mer. ⇒ passeport.
♢ Spécialt Document officialisant un acte commercial, certains actes juridiques, une opération financière. Dr. trav. Lettre d'embauche. Lettre de licenciement, de démission. — Comm. Lettre d'avis, informant le destinataire de l'arrivée d'un colis. — Lettre de transport, document constatant un contrat de transport de marchandises. ⇒ récépissé. Lettre de transport aérien, maritime (⇒aussi connaissement) . Lettre de voiture internationale, concernant un acheminement ferroviaire international.
♢ Banque Lettre de crédit, par laquelle une banque accrédite un client afin qu'il puisse retirer des fonds auprès d'une succursale ou d'un correspondant. Lettre de garantie, garantissant l'exécution des obligations du vendeur. — (1671) LETTRE DE CHANGE : effet de commerce par lequel une personne (le tireur) donne ordre à un débiteur (le tiré) de payer une certaine somme d'argent, à échéance déterminée, à une autre personne (le preneur ou bénéficiaire) dont elle est elle-même débitrice, ou à son ordre. ⇒ billet (à ordre), traite. Émettre une lettre de change.
IV ♦ Au plur.
1 ♦ (1538) Vieilli La culture littéraire. Avoir des lettres (⇒ lettré) . Les belles-lettres (vx), ou absolt les lettres. ⇒ littérature; humanités.
♢ Mod. Académie des inscriptions et belles-lettres. Chevalier des arts et des lettres. — Homme, femme de lettres (1570) , personne qui fait profession d'écrire. ⇒ écrivain. Société des gens de lettres.
2 ♦ La littérature, la philologie, la philosophie, l'histoire, la géographie, les langues, par opposition aux sciences. Faire des études de lettres (⇒ littéraire) . Une licence de lettres classiques, comprenant grec et latin, de lettres modernes, comprenant des langues vivantes. (La classe de) lettres supérieures. ⇒ hypokhâgne. Docteur ès lettres.
● lettre nom masculin Lettre rouge, synonyme de bois d'amourette. ● lettre (expressions) nom masculin Lettre rouge, synonyme de bois d'amourette. ● lettre (synonymes) nom masculin Lettre rouge
Synonymes :
● lettre
nom féminin
(latin littera)
Chacun des signes graphiques dont l'ensemble constitue un alphabet et qui, seuls ou en combinaison avec d'autres, correspondent à un son de la langue.
Le sens strict, littéral, des mots qui composent quelque chose (un texte), par opposition à son sens profond, à son esprit : Suivre la lettre de la loi.
Écrit sur feuille de papier, adressé personnellement à quelqu'un et destiné à être mis sous enveloppe pour être envoyé par la poste : Écrire une lettre de condoléances.
Titre donné à un ouvrage sous forme de correspondance : Les « Lettres de mon moulin » d'Alphonse Daudet.
Gravure et lithographie
Sur une estampe, désigne toute inscription gravée (titre, noms du dessinateur, du graveur, etc.). [Avant la lettre se dit d'une épreuve tirée avant qu'on ait gravé ces inscriptions.]
Imprimerie
Caractère représentant une des lettres de l'alphabet.
Ensemble des caractères typographiques dont on se sert pour la composition des textes.
Musique
Caractère de l'alphabet affecté à un usage musical.
Numismatique
Caractère de l'alphabet qui, sur une monnaie française, à partir du règne de François Ier, indique l'atelier de fabrication (A, Paris ; B, Rouen ; etc.).
● lettre (citations)
nom féminin
(latin littera)
Bible
La lettre tue, l'esprit vivifie.
Saint Paul, Épître aux Corinthiens, IIe, III, 6
● lettre (difficultés)
nom féminin
(latin littera)
Orthographe
1. Toujours au pluriel au sens de « littérature, activité littéraire » : professeur de lettres ; homme, femme de lettres, des gens de lettres ; les belles-lettres, avec un trait d'union.
2. On écrit en toutes lettres (= en écrivant toutes les lettres), au pluriel. Du papier à lettres (= pour écrire des lettres).
3. Avec un complément tantôt au pluriel, tantôt au singulier.
Une lettre de condoléances, de félicitations, de remerciements (= pour exprimer ses condoléances, ses félicitations, ses remerciements).
Remarque Une lettre de remerciement, au singulier, peut aussi être compris comme « une lettre pour « remercier » qqn, pour le congédier ».
Des lettres de recommandation. Des lettres de cachet. Des lettres de créance.
4. On écrit une lettre de faire part, sans trait d'union, mais un faire-part, avec un trait d'union.
Emploi
On dit lire, écrire dans une lettre (et non sur une lettre).
● lettre (expressions)
nom féminin
(latin littera)
À la lettre, au pied de la lettre, en se fondant sur le sens propre des termes : Ne prends pas ce que je dis à la lettre ; ponctuellement, sans rien omettre : Suivre des instructions au pied de la lettre.
Avant la lettre, qui est une préfiguration de ce qui apparaîtra plus tard.
Littéraire. Écrit en lettres de feu, inscrit d'une manière saisissante dans la mémoire des hommes.
Littéraire. Écrit en lettres d'or, digne d'être gardé toujours présent en mémoire.
En toutes lettres, écrit sans abréviation ; avec des mots et non avec des chiffres ; sans rien dissimuler, nettement.
Être, rester lettre morte, être inutile, sans effet.
Familier. Les cinq lettres, le mot de cinq lettres, euphémisme pour « merde ».
Lettre de mort, en Belgique, faire-part de décès.
Lettre ouverte, lettre polémique ou revendicative, adressée à quelqu'un en particulier mais simultanément diffusée à plusieurs personnes ou dans la presse.
Familier. Passer comme une lettre à la poste, être facilement digéré ; être cru, admis, sans difficulté.
Lettre de change, titre par lequel une personne (le tireur) donne l'ordre à une autre personne (le tiré) de payer une certaine somme d'argent à une date déterminée au profit d'une troisième personne (le bénéficiaire) désignée dans le titre, ou à toute personne qui a endossé le titre et est légitimement porteur.
Lettre de change-relevé (L.C.R.), formule de lettre de change, instaurée en 1973, qui permet l'inscription de la lettre sur bande magnétique, ce qui en facilite le maniement et l'archivage.
Lettres d'abolition, lettres de grande chancellerie abolissant un crime de nature rémissible.
Lettres d'amortissement, lettres patentes par lesquelles le roi autorisait des gens de mainmorte à acquérir ou à conserver des biens, sans être obligés de les mettre hors de leur main.
Lettres d'anoblissement ou de noblesse, grandes lettres patentes par lesquelles le roi accordait la noblesse à un roturier.
Lettres d'attache, acte attaché à un autre par lien scellé pour en autoriser ou en attester l'exécution.
Lettres de cachet, lettres fermées, signées du roi et scellées du cachet royal, renfermant l'ordre du souverain de faire administrativement incarcérer, interner ou exiler un individu.
Lettres de commission, mandement par lequel le roi commettait telle personne à l'exercice d'une fonction spéciale et temporaire.
Lettres de dispense, lettres accordées par le roi en vue d'atténuer la rigueur du droit pour des considérations particulières.
Lettres de garde gardienne, lettres patentes accordant un privilège de juridiction spéciale à des congrégations religieuses.
Lettres de reconnaissance, lettres conférant l'authenticité aux actes privés en leur donnant la garantie du sceau d'une juridiction.
Lettres de rémission, lettres portant rémission de peine pour des crimes excusables, sous réserve du droit d'autrui.
Lettres royaux, nom donné à tous les actes royaux à partir du XIVe s. (La forme « royaux », employée au Moyen Âge pour le masculin comme pour le féminin, leur est demeurée jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.)
Lettres de sauvegarde, lettres destinées à mettre un particulier ou une communauté sous la protection spéciale du roi, quand leurs droits étaient menacés.
Lettre d'intention, lettre annonçant un contrat, un accord.
Lettre de voiture, preuve du contrat de transport d'une marchandise par terre, eau ou mer. (Le récépissé remplace souvent la lettre de voiture en matière de transports terrestres.)
Lettre de garantie internationale, document par lequel est assurée à un importateur la bonne livraison de la marchandise.
Lettre ornée, synonyme de initiale ornée.
Lettre blanche ou éclairée, lettre capitale dont on ne marque que le contour, et dont l'intérieur reste en blanc.
Lettre de forme, caractère exclusif des typographies primitives.
Lettre grise ou historiée, grande lettre capitale dans laquelle les pleins, au lieu d'être noirs, sont plus ou moins couverts de hachures ou d'autres ornements.
Lettre dominicale, lettre affectée, dans les tableaux de comput ecclésiastique, aux dimanches d'une année déterminée et permettant de situer le jour de la semaine avec n'importe quel calendrier.
Lettre de marque, commission que délivrait un gouvernement, en temps de guerre, au capitaine d'un navire armé en course. (Elle faisait du corsaire un combattant régulier, par opposition au pirate.)
Lettre de service ou de commandement, document ministériel conférant à un officier certaines attributions ne relevant pas automatiquement de son grade.
Lettre pastorale, écrit d'un évêque à ses diocésains ou à son clergé pour éclairer un point de doctrine ou donner des consignes pratiques.
● lettre (synonymes)
nom féminin
(latin littera)
Chacun des signes graphiques dont l'ensemble constitue un alphabet et...
Synonymes :
- caractère
Écrit sur feuille de papier, adressé personnellement à quelqu'un et...
Synonymes :
- bafouille (populaire)
- billet
- épître (littéraire)
- message
- missive
- mot
Banque. Lettre de change
Synonymes :
- traite
Enluminure. Lettre ornée
Synonymes :
- initiale ornée
lettre
n. f.
rI./r
d1./d Signe graphique, caractère d'un alphabet, que l'on utilise pour transcrire une langue et qui représente, seul ou combiné avec d'autres, un phonème. Les vingt-six lettres de l'alphabet français.
|| Loc. En toutes lettres: sans abréviation.
— Spécial. écrire un nombre en toutes lettres, non avec des chiffres, mais avec des mots.
— Fig. Dire, écrire une chose en toutes lettres, nettement, sans rien taire.
d2./d Chaque caractère de l'alphabet, considéré dans sa forme ou dans son aspect. Lettre majuscule, minuscule.
|| TYPO Caractère qui représente en relief une lettre de l'alphabet inversée en miroir.
rII./r Au Sing. (sens collectif).
d1./d Lettre morte: écrit, parole, décision qui n'a pas reçu d'application, qui n'a pas eu d'effet. Mes conseils sont restés lettre morte.
d2./d Avant la lettre: avant l'état complet, définitif. Les Romains furent des urbanistes avant la lettre (avant que l'urbanisme se soit constitué en discipline particulière).
d3./d La lettre du discours (par oppos. à l' esprit): le sens strict, littéral.
— Loc. fig. à la lettre, au pied de la lettre: au sens propre, exactement. Appliquer un ordre à la lettre.
rIII/r
d1./d écrit que l'on adresse à qqn (généralement par poste et sous enveloppe, à la différence de la carte) pour lui faire savoir qqch. écrire, envoyer, décacheter une lettre.
— Lettre d'amour, d'excuse, de condoléances.
|| Loc. fig., Fam. Passer comme une lettre à la poste: être ingurgité facilement (aliments); être accepté sans objection, sans difficulté.
|| Lettre ouverte, adressée à qqn en particulier, mais diffusée par le canal de la presse, de l'édition, etc., de manière à donner à cet écrit une large publicité.
d2./d Nom de certains écrits officiels.
|| Lettres de créance, qui accréditent un ambassadeur auprès d'un gouvernement étranger.
|| COMM, FIN Lettre de change: effet de commerce par lequel une personne (le tireur) donne ordre à une autre (le tiré) de payer à son ordre ou à celui d'une troisième personne (le bénéficiaire) une certaine somme d'argent à échéance déterminée. Syn. traite. (V. billet [à ordre].)
— Lettre de crédit, par laquelle un banquier invite un de ses correspondants à verser au porteur les sommes qu'il demandera, à concurrence d'un total déterminé.
— Lettre d'agrément: lettre administrative d'accord (notam. pour des travaux).
rIV./r n. f. pl. Les lettres.
d1./d Les connaissances et les études littéraires (par oppos. à sciences). Faculté des lettres. Licencié, docteur ès lettres.
— Avoir des lettres: avoir une certaine culture littéraire.
d2./d Homme, femme de lettres: celui, celle qui s'adonne spécial. à la littérature.
⇒LETTRE, subst. fém.
I. — [La lettre comme signe graphique ou ensemble de signes graphiques]
A. — 1. Chacun des signes graphiques dont l'ensemble constitue un alphabet servant à transcrire une langue. Le bisaïeul (...) formait à terre un mot avec des lettres en bois tirées d'une cassette et que sa canne poussait : — Lis ça, petit... — F... r... a... fra..., t... e... r... ter..., n... i... ni..., t...é... té (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 26). Nous lisons de deux manières : le mot nouveau ou inconnu est épelé lettre après lettre; mais le mot usuel et familier s'embrasse d'un seul coup d'œil, indépendamment des lettres qui le composent; l'image de ce mot acquiert pour nous une valeur idéographique (SAUSSURE, Ling. gén., 1916, p. 57). M. Préaux, le professeur, traçait au tableau noir les lettres de l'alphabet grec et leur prononciation érasmienne (BILLY, Introïbo, 1939, p. 23) :
• 1. Françoise espéra un instant qu'on mettrait des ventouses « clarifiées ». Elle en chercha les effets dans mon dictionnaire mais ne put les trouver. Eût-elle bien dit « scarifiées » au lieu de « clarifiées » qu'elle n'eût pas trouvé davantage cet adjectif, car elle ne le cherchait pas plus à la lettre c qu'à la lettre s; elle disait en effet « clarifiées » mais écrivait (et par conséquent croyait que c'était écrit) « esclarifié ».
PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 334.
— Lettre double (p. oppos. à lettre simple)
♦ Lettre qui transcrit deux sons ou phonèmes. Des lettres simples qui servent à noter des phonèmes isolés, on distingue les lettres doubles, qui représentent deux phonèmes réunis dans une seule articulation : x = cs, etc. (MAR. Lex. 1933).
♦ Lettre redoublée. M. Dubois (...) ne faisait jamais sonner les lettres doubles, prononçait commentaire comme nous prononçons comment (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 340).
Rem. On relève également dans ce sens lettre doublée. Toutes les lettres doublées dans l'écriture et que le français ne devrait pas faire sentir sont terriblement fortifiées dans la parole (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 279).
— Lettre initiale, médiale (vieilli), finale. Lettre située au début, au milieu, à la fin d'un mot. En grosses lettres, il y a sur la couverture : Kermadec, 2091. P. Kermadec, c'est son nom de famille; 2091, son numéro dans l'armée de mer, et P, la lettre initiale de Paimpol son port d'inscription (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 1). Le texte était recopié avec soin; les lettres finales, fermement bouclées (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1326).
♦ [Lettre initiale comme abréviation d'un mot] Le confort « victorien » prévoyait deux robinets, où se lisaient les mots « chaud » et « froid », correspondant à une idée fort indigente, mais enfin à une idée. L'homme pressé entend en faire l'économie. C'est alors que le mot devient signe, en s'abrégeant, deux lettres C et F suffisent (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 43).
— Expressions
♦ Sot en trois lettres.
♦ (Les) cinq lettres (fam., p. euphém.). Merde. Vous, répondit-il, je vous dis cinq lettres (AYMÉ, Passe-mur., 1943, p. 136).
♦ En toutes lettres. Sans abréviation. Une lettre de cette fille de Z..., commençant par cette phrase : « Bonjour, mon petit papa », et finissant par celle-ci, écrite en toutes lettres : « Je baise ta belle pine! » (GONCOURT, Journal, 1894, p. 678). Oh! Ce nom de Dreyfus en toutes lettres, pour suppléer le D... qui ne veut pas dire Dreyfus, il fallait le trouver à tout prix (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 174).
En partic. [En parlant d'un nombre, d'une somme] Écrit avec des mots et non avec des chiffres.
Au fig. Nettement. Je sentais le regard de ma mère qui s'attachait à moi, qui ne me lâchait plus et je pensais que « ça devait se voir », que ma disgrâce était écrite en toutes lettres sur mon visage (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 40).
2. [La lettre envisagée quant à son aspect, à sa forme] Lettres bâtardes, gothiques, rondes; lettres cursives; lettres moulées; lettre majuscule, minuscule; déliés, jambages, pleins d'une lettre; peintre en lettres. Tous s'étaient appliqués sur le registre, dessinant leurs noms en grosses lettres boiteuses, sauf le marié qui avait tracé une croix, ne sachant pas écrire (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 436). Une phrase de vingt lignes (...) soigneusement dessinée par Malvina en lettres capitales sur une feuille de papier blanc (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1496). On pouvait lire à la hauteur de l'étage : Au bon coin; et au-dessous : Café. Les lettres étaient disposées approximativement en demi-rond, de grosses lettres maladroites, ombrées de beige, les majuscules enjolivées de fioritures (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 115) :
• 2. ... on n'est pas trop exigeant pour l'écriture. La ronde et la bâtarde, ça me va, car c'est du dessin, presque; mais ma cursive est détestable; mes lettres bouclées et mes majuscules arrivent difficilement à garder le nombre exigé de « corps » et de « demi-corps » d'écriture, tant pis!
COLETTE, Cl. école, 1900, p. 198.
— Expr., au fig.
♦ En lettres de feu. En termes saisissants, violents. La destinée écrit en lettres de feu sur le cœur des hommes (HOUSSAYE, Hist. du 41e fauteuil de l'Ac. fr., 1856 ds Lar. Lang. fr.).
♦ Écrire, graver (qqc.) en lettres d'or. Rappeler sans cesse, garder toujours présent à la mémoire. Ajoutons, pour couronner tant de bienfaits, un bienfait qui devroit être écrit en lettres d'or, dans les annales de la philosophie, l'abolition de l'esclavage (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 570).
♦ Écrire, graver (qqc.) en lettres de sang. Marquer par un grand nombre de cruautés, de meurtres, de morts. Et Cléristin regardait aussi l'au-delà des bêtes, l'écriture de la chose, ce que le grand troupeau écrivait en lettres de sang et de douleur, là, devant eux, au blanc de la route (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 23).
— IMPR. Caractère représentant une des lettres de l'alphabet. Apex, barre, fût, montant ou traverse d'une lettre; corps d'une lettre (v. corps II A 3 b ); empattement d'une lettre (v. empattement A 1 c), œil d'une lettre; lettre du bas de casse (v. bas1 II A 1 b); lettre avec, sans talus; bloquer une lettre (v. bloquer1 A 2 a); créner une lettre. Les lettres sont des morceaux de matière fondus sur différens corps qui représentent les différens signes de l'alphabet (MOMORO, Impr., 1793, p. 223). Dans l'imprimerie, où les travailleurs sont d'ordinaire à leurs pièces, l'ouvrier compositeur reçoit tant par mille de lettres composées (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 223). Dans la lettre, il y a plusieurs choses à considérer : l'œil, le cran, la force de corps, la hauteur, l'épaisseur (E. LECLERC, Nouv. manuel typogr., 1932, p. 46).
♦ Lettre éclairée. Type de lettre ornée ménageant un jour dans ses différentes parties constitutives. On trouve des lettres éclairées dans les manuscrits carolingiens. Les premières sont dessinées simplement par leur contour. Au XVIIIe siècle (...) P. S. Fournier (...) dessine des caractères qui intègrent la lumière dans la forme par modification de celle-ci (Impr. 1977).
♦ Lettre grise. Type de lettre éclairée dont le jour est coupé par de fines hachures produisant une teinte grise à l'impression. On les appelle [les lettrines typographiées] selon leur aspect soit lettres ornées, soit lettres éclairées, parce que la lumière les traverse, et lettres grises quand de fines hachures surcoupent leur lumière (Impr. 1977).
♦ Lettre ornée. Lettre, généralement majuscule, agrémentée d'un décor. La lettre ornée trouve son origine dans les initiales des manuscrits (Impr. 1977).
— Au sing. coll. Ensemble de caractères dont on se sert pour composer un ouvrage. Lever la lettre (v. lever I B 2). Nous n'avons plus de lettre, tout a été employé. La lettre manque (Ac.).
3. P. méton. Son ou phonème représenté par un signe alphabétique. Lettre aspirée, dentale, gutturale, labiale, nasale, palatale, sifflante; lettre épenthétique. On divise les lettres en voyelles et consonnes. L'usage a admis certaines lettres euphoniques qui sont contraires à la règle grammaticale (Ac.). Pour lire, il faut, non-seulement connaître les lettres, mais savoir les réunir en syllabes (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 169). La langue russe, dérivée du grec, laquelle a quarante-deux lettres dans son alphabet, dont plusieurs ne sont que nos mêmes consonnes différemment prononcées (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 338).
B. — [La lettre utilisée à une fin autre que la transcription d'une langue donnée] Quatre escaliers, indiqués par les quatre premières lettres de l'alphabet, peintes sur le mur (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 415). Des cartes géologiques où les terrains de chaque âge sont indiqués par une couleur spéciale et une notation particulière, lettres latines ou grecques accompagnées d'exposants ou d'indices (Civilis. écr., 1939, p. 26-09).
— En partic.
♦ [La lettre comme marque] Les essieux moteurs sont désignés par des lettres majuscules dont le rang dans l'alphabet indique le nombre d'essieux successifs de même nature. Par exemple, A désigne un essieu moteur, B désigne deux essieux moteurs successifs sous le même châssis (BAILLEUL, Matér. roulant ch. de fer, 1951, p. 85).
♦ [La lettre comme symb.] [Alpha et Oméga] Première et dernière lettre de l'alphabet grec, mentionnées ensemble, comme l'attribut de Dieu, dans le livre canonique de l'Apocalypse : le Père (...) et le Fils (...) étant désignés ainsi comme éternels et immortels, origine et fin de la Création (Encyclop. univ. t. 18 1974, p. 52) :
• 3. Ses attitudes [du danseur] dessinaient plusieurs symboles féminins (...), comme la lettre grecque () et la lettre (). Il concentrait sa pensée sur les équivalents ou images sexuelles de ces lettres. Le delta et le phi en recréant les formes de la femme devaient recréer ses puissances passives...
JOUVE, Scène capit., 1935, p. 128.
— Spécialement
♦ CHRONOL. Lettres numérales.
♦ MATH. Lettre algébrique; lettre mise en exposant, en indice. La valeur moyenne du second membre [de l'équation] est nulle : ce que nous écrivons, en surmontant les lettres d'un trait pour indiquer qu'il s'agit de valeurs moyennes (H. POINCARÉ, Hyp. cosmogon., 1911, p. 91).
♦ MUS. Signe graphique alphabétique désignant, dans certaines gammes, les notes, les mesures. Quelques compositeurs se sont plu à prendre pour thèmes les notes correspondant aux lettres (...) d'un mot ou d'un nom : B-A-C-H, dans la N[otation] alphabétique allemande, exprimant les notes sib, la, ut, si naturel, ces lettres forment un thème musical (BRENET, Dict. prat. et hist. mus., 1926, p. 292).
Lettre significative. Lettre abréviative indiquant des nuances, des repères de partition. Dès le IXe s., on éprouve le besoin de préciser ce qui était vague dans l'intonation, l'accentuation, le rythme des neumes. (...) De là (...) l'addition de « lettres significatives » : a voulant dire augmenter ou avec ampleur; c = celeriter, brièvement; e = equaliter, unisson (BRENET, Dict. prat. et hist. mus., 1926p. 296).
II. — Au sing. coll. [La lettre comme texte]
A. — 1. Texte, mots qui composent un texte.
— La Sainte Lettre (vieilli). L'Écriture Sainte.
Rem. On relève le plur. : Les Saintes Lettres ne parlent pas d'anges mariés (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 364).
— (Être) lettre close (vx). [En parlant d'un texte ou p. anal. d'une chose] (Être) impénétrable, incompréhensible. Je comprends de ces phénomènes [un volcan, une trombe, un tremblement de terre] ce que j'en dois comprendre, c'est-à-dire tout ce qui est en rapport avec mes idées innées qui constituent mon état d'homme. Le reste est lettre close (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 359) :
• 4. On nous exerçait aussi à apprendre par cœur les fables de La Fontaine, et je les sus presque toutes, que c'était encore lettres closes pour moi. J'étais si lasse de les réciter que je fis, je crois, tout mon possible pour ne les comprendre que fort tard, et ce ne fut que vers l'âge de quinze ou seize ans que je m'aperçus de leur beauté.
SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 154.
— (Être) lettre morte. [En parlant d'un texte ou p. anal. d'une chose pouvant être porteuse de signification] (Être) sans signification. Tant qu'on n'a pas essayé d'une constitution par la pratique, les formes sont une lettre morte : la pratique seule en démontre l'effet et en détermine le sens (CONSTANT, Princip. pol., 1815, p. 69). Pour Anne les dessins restaient lettre morte. Il était comme ses ancêtres ignorants, qui gagnaient des batailles, mais n'auraient su déchiffrer une carte (RADIGUET, Bal, 1923, p. 190).
♦ [En parlant de textes juridiques ou officiels] (Être) sans valeur, sans effet. Demeurer, être lettre morte. Le principe d'une extension de l'assurance vieillesse à toute la population fut posé par une loi du 22 mai 1946, puis par une loi du 13 septembre 1946 (votée à l'unanimité). Ces textes restèrent lettre morte (Réforme Séc. soc., 1968, p. 5).
Au fig. [En parlant de projets, etc.] (Être) sans effet, inutile. Résolutions qui demeurent lettre morte. Pour que tout ce programme [de la défense de Verdun] ne reste pas lettre morte, [Pétain] réclame au grand quartier général, suivant la promesse qu'il en a reçue, beaucoup d'artillerie, beaucoup d'aviation, plusieurs divisions de renfort (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 98).
P. métaph. :
• 5. ... cette analyse perpétuelle de ses pensées, cette absence d'action, ces morales, sont la chose du monde la plus assommante, insipide et presque incompréhensible lorsqu'on en est sorti. Il y a vraiment certains de ces états, que je sais pourtant avoir été sincères, dans lesquels je ne peux plus rentrer. C'est pour moi une chose finie, une lettre morte, une émotion toujours refroidie.
GIDE, Journal, 1893, p. 39.
2. GRAV. Légende inscrite au bas d'une estampe pour en indiquer le sujet. Au XVIIe s. la lettre prend de l'importance dans la grande gravure, surtout le portrait, où elle fait l'objet d'une présentation souvent flatteuse et quelquefois satirique du personnage représenté (dédicaces, titres, hommages, exergues, devises, etc.) (BÉG. Estampe 1977).
— Épreuve, estampe avant la lettre. Épreuve tirée avant l'impression de la légende. Une vierge de Dresde, gravée par un certain Muller (...), Bénard a fini par la trouver sur papier de Chine, avant la lettre (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 93). Un cinquième corps de bibliothèque réunit presque tout entier l'œuvre de Gavarni, qui compte, dans cette collection, près de six cents épreuves avant la lettre (GONCOURT, Journal, 1894, p. 687).
♦ Avant-la-lettre, subst. masc. L'amour de l'avant-la-lettre dans les eaux-fortes (GONCOURT, Journal, 1888, p. 821).
♦ Au fig. Avant la lettre. Avant complet développement, avant l'état définitif. L'enfant, c'est l'homme avant la lettre (A. D'HOUDETOT ds Lar. 19e). Ce morceau que nous devions, il y a longtemps, donner comme un extrait avant la lettre du Cahier rouge (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 822). Avant que la chose soit ainsi nommée. Barrès ne répudiait aucun de ses moi, ni ses afféteries d'hier, son « dadaïsme » avant la lettre des taches d'encre (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 16). Son idéal, non théorique, non poétique, mais pratique, était celui d'un bourgeois orgueilleux de la Restauration, Louis-Philippard avant la lettre (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 53).
— Épreuve, estampe avec la lettre, après la lettre. Épreuve tirée avec l'impression de la légende. Après la lettre, subst. masc. Les épreuves dont la lettre est terminée sont des après la lettre (BÉG.. Estampe 1977).
B. — P. méton. [P. oppos. au sens profond, à l'esprit d'un texte] Sens littéral, strict; expression formelle d'un texte. La lettre de la loi; s'attacher plus à la lettre qu'à l'esprit d'un texte; s'en tenir à la lettre d'un texte. Il m'était impossible de croire que vous n'aperçussiez pas la difficulté de concilier vos théories savantes avec la lettre et même l'esprit du christianisme (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1857, p. 227). Appliquer avec la dernière rigueur la lettre d'un règlement dont l'esprit exigeait en fait la plus subtile délicatesse d'interprétation (BILLY, Introïbo, 1939, p. 88) :
• 6. Je sais ce que c'est qu'un jeune prêtre. À votre âge, il ne déplaît pas de se trouver en contradiction avec la lettre, au nom de l'esprit. Je ne vous blâme pas, certes, mais croyez-en mon expérience : si vous prétendez lutter seul, le dénouement m'est connu d'avance : la lettre vous tuera.
BERNANOS, Crime, 1935, p. 855.
— Locutions
♦ À la lettre, au pied de la lettre. Au sens strict, littéral du terme. Les idées quelconques qui constituent l'animal, chacun dans son espèce, sont innées au pied de la lettre, c'est-à-dire absolument indépendantes de l'expérience (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 360). À la lettre, je ressuscitai. J'élargis, je me fortifiai (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 30). Ce terrible cidre de l'année retournait à la lettre les estomacs et les intestins (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 234). Prendre (une expression, un texte) à la lettre, au pied de la lettre. Dans son sens littéral, strict. En partic. Prendre au sérieux. J'eus la naïveté de la prendre au pied de la lettre, cette réponse (BOURGET, Disciple, 1889, p. 137). Si les esclaves, prenant à la lettre et comme immédiatement applicable la parole de saint Paul, avaient établi leur domination sur les ruines fumantes de Rome... (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 369). Un jeune professeur (...) m'écrivit en ces termes : « (...) j'entends bien que ce que vous (...) dites ne doit pas être pris au pied de la lettre et qu'il faut le lire cum grano salis. (...) » (J. R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 11).
Au fig. Ponctuellement, scrupuleusement, rigoureusement. Exécuter, suivre un ordre à la lettre. Il était loin d'observer à la lettre les traditions familiales. Il avait toujours écouté d'une oreille distraite les conseils de son père (AYMÉ, Jument, 1933, p. 67). Les plus infimes prescriptions du règlement (...) étaient appliquées au pied de la lettre (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 252) :
• 7. ... ce que disait M. de Charlus était aveuglément cru et exécuté par Morel. Aveuglément et follement, car non seulement les enseignements de M. de Charlus étaient faux, mais encore, eussent-ils été valables pour un grand seigneur, appliqués à la lettre par Morel ils devenaient burlesques.
PROUST, Sodome, 1922, p. 1089.
♦ Aider, ajouter à la lettre (vx). Interpréter ce qui a été dit ou écrit, entrer dans les intentions de l'auteur ou du locuteur. (Dict. XIXe et XXe s.).
III. — [Écrit privé ou officiel]
A. — 1. Écrit adressé à quelqu'un pour lui communiquer quelque chose. Une semaine environ après cette mésaventure, Apolline reçut une lettre datée du Mont-Blanc; elle était de Bertholin (BOREL, Champavert, 1833, p. 24). Une vieille boîte à biscuit de Reims où il enfermait d'habitude ses lettres de femmes (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 41). M. le docteur Gallet, sa lettre achevée, traçait l'adresse sur l'enveloppe, de son écriture menue, aux jambages adroits (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 92) :
• 8. Après avoir mis la lettre à la boîte, le vétérinaire sentit pourtant une onde de frayeur et de regret courir sous sa jaquette, en songeant au redoutable secret qu'il venait de confier à la poste (...). La lettre fut oblitérée dans l'après-midi, passa la nuit au bureau de Saint-Margelon, et le lendemain matin prit le train pour Valbuisson où elle fut à huit heures et demie, et à la poste sur les neuf heures. La receveuse l'oblitéra, la mit dans un paquet de lettres, et le facteur de Claquebue en prit possession.
AYMÉ, Jument, 1933, p. 96.
SYNT. Écrire, rédiger, dicter une lettre; commencer, terminer, relire une lettre; adresser, communiquer, confier, envoyer, expédier, faire suivre, remettre, transmettre une lettre à qqn; affranchir, cacheter, décacheter, fermer une lettre; mettre une lettre à la poste, sous enveloppe; poster une lettre; accuser réception d'une lettre (v. accuser2 B); lire, recevoir une lettre, intercepter une lettre; faire réponse, répondre à une lettre; renvoyer, retourner une lettre à son expéditeur; lettre affranchie, non affranchie, chargée (v. chargé II A 1), exprès, recommandée; lettre à en-tête; papier à lettres.
— [Construit avec un adj. ou un compl. prép. de désignant le contenu, la forme ou le ton de la lettre] Tu auras une lettre de recommandation pour un évêque factotum du cardinal archevêque de Naples (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 117). Pour se venger, Madame Robert écrivit aux amants de sa rivale des lettres anonymes abominables (ZOLA, Nana, 1880, p. 1361). Il reçut une lettre mortuaire. Elle lui annonçait, dans les formules ordinaires, la mort de Jean-Louis Feuillebois, instituteur (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 218).
SYNT. Lettre comminatoire, injurieuse, insultante; lettre chaleureuse, passionnée, tendre; lettre personnelle, urgente; lettre d'amour; lettre d'insultes; lettre de condoléances, de faire-part, de félicitations, d'invitation, de remerciements; lettre de canditature, de démission, d'introduction; lettre d'affaires.
— Locutions
♦ Écrire une lettre à cheval à qqn. V. cheval B 3.
♦ Passer comme une lettre à la poste. Passer facilement, sans incident. Les drôles pouvaient bien se dispenser de nous attaquer, nous aurions passé comme des lettres à la poste, et je ne vois pas à quoi leur a servi de trouver nos hommes (BALZAC, Chouans, 1829, p. 47). Son principal talent [de Scribe] (...) était de présenter et de faire accepter des situations « hardies ». Il a si bien dompté la vergogne du parterre, que plus rien n'est hardi maintenant. Tout passe suivant l'expression proverbiale, comme une lettre à la poste (VEUILLOT, Odeurs de Paris, 1866, p. 132). Le « ma pauvre mère » passa donc comme une lettre à la poste; le mot, étant réellement en situation, devenait possible (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 280).
P. plaisant. [En parlant d'un aliment, d'un repas] Être facilement digéré, absorbé. Il est canaille, ce petit vin blanc (...) il file comme une lettre à la poste (GENEVOIX, Boîte à pêche, 1926, p. 224).
2. LITTÉRATURE
a) [Dans le cadre d'un ouvrage contenant tout ou partie de la correspondance d'une personne] Lettres de Mme de Sévigné, de Voltaire. Les Fragments d'un journal intime reproduit au début d'un choix de lettres de Rilke (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 50).
b) [Dans le cadre d'un ouvrage présenté sous formes de lettres, de correspondance] Les romans par lettres supposent toujours plus de sentiments que de faits (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 249). — Monsieur, lui dis-je, les Lettres provinciales de Pascal... — Oh! Livre admirable, divin, le chef-d'œuvre de notre langue! — Eh bien! ce chef-d'œuvre divin, ce sont pourtant des pamphlets (COURIER, Pamphlet des Pamphlets, 1824, p. 211). Elle repassa dans sa tête toutes les descriptions de passion qu'elle avait lues dans Manon Lescaut, la Nouvelle Héloïse, les Lettres d'une religieuse portugaise, etc., etc. (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 309).
c) Opuscule présenté sous la forme d'une lettre adressée à un ou plusieurs destinataires. Voltaire disait que la Lettre sur le suicide de Jean-Jacques donnait appétit de mourir (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1807, p. 25).
— En partic. Lettre ouverte. Article de journal ou opuscule, généralement de caractère polémique, rédigé sous forme de lettre. Gide a écrit dans « Si le grain ne meurt... » que sur moi il aurait trop à dire, m'annonçant je ne sais quel essai ou « lettre ouverte » (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 187).
B. — 1. Document officiel ou administratif, généralement sous forme épistolaire, émanant d'une autorité et conférant divers privilèges, missions, etc.; actes expédiés ou non par une autorité.
a) HIST. Lettres d'abolition (v. ce mot A), d'anoblissement ou de noblesse, d'attache (v. ce mot A 3 c), de cachet (v. ce mot B 1 a), de grâce, de jussion, de maîtrise, de naturalisation, de rémission, de sang; lettres closes (v. ce mot II A 1 a), lettres patentes, lettres royaux.
b) ADMIN. Lettre de marque, de mer, de service; lettre circulaire (v. circulaire2); lettre missive, rectificative.
c) ADMIN. ECCL. Lettre d'obédience, de prêtrise; lettre apostolique, papale; lettre dimissoriale (v. dimissoire, dér.), épiscopale, pastorale; lettre monitoire.
d) DIPLOM. Lettres de créance (v. créance1 B 3), de recréance ou de rappel; lettres réversales.
e) DR. Lettre missive.
2. Document privé donnant mandat à quelqu'un, concernant une expédition à faire.
a) COMM. Lettre d'avis (v. ce mot B 2 b); lettre de voiture.
b) FIN. Lettre de crédit (v. ce mot B 1). Lettre de change. Synon. traite. ,,Document par lequel un créancier ou tireur, prescrit à son débiteur, ou tiré, de payer à une date donnée une certaine somme à une personne désignée, le bénéficiaire`` (ROMEUF t. 2 1958). P. anal. Ces vieux garçons sur qui les femmes mariées tirent des lettres de change à vue pour leurs fantaisies (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 128).
IV. — Au plur. [Les lettres comme ensemble de connaissances]
A. — Vx. Ensemble des connaissances acquises par l'étude. Nous verrons combien les abbayes furent utiles aux lettres, à l'agriculture, et en général à la civilisation de l'Europe barbare (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 366).
B. — Belles-lettres ou absol. lettres. Littérature, œuvres littéraires. Décadence, renaissance des lettres; monde des lettres, république des lettres. Rabelais a créé les lettres françaises; Montaigne, La Fontaine, Molière, viennent de sa descendance (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 504). Le poëte recherche les sentiers de traverse le plus souvent; le romancier s'oublie au cercle du foyer (...). Les livres et les belles-lettres peuvent n'être que fort secondaires pour eux (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., 1844-64, p. 441). Les idées ainsi agitées, provoquées, proclamées, ruinées ont de tout temps entretenu dans l'atmosphère de nos Lettres cette inquiétude et ce besoin du changement qui ont engendré tant de modes littéraires successives (VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p. 280). Les clichés pourront retrouver droit de cité dans les lettres, du jour où ils seront enfin privés de leur ambiguïté, de leur confusion (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1942, p. 148).
♦ [En fonction de déterminant] Femme de lettres (v. femme I C 2), gens de lettres (v. gens A 2 c), homme de lettres (v. homme II B 4).
— P. méton., vieilli. Culture littéraire. Avoir des lettres. Du reste il était sans lettres, n'avait jamais lu que des almanachs et deux ou trois petits livres d'un illuminisme tendre à la glorification de la vierge Marie (E. DE GONCOURT, Élisa, 1877, p. 203). Quoique mon père, en sa qualité de mathématicien, eût peu de lettres, il aimait quelques auteurs (BOURGET, Disciple, 1889, p. 77).
C. — [P. oppos. aux sciences et techniques]
1. Connaissances, études littéraires comprenant la littérature, la grammaire, la philologie, le français, le latin, le grec. Licence ès lettres. Un bachelier ès lettres sourit maintenant de la controverse animée que Cicéron soutint contre Tiron pour savoir si toutes les villes du Péloponèse sont maritimes, et s'il y a des ports en Arcadie (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 505).
♦ Professeur de lettres. Je m'avisais (...) que les sciences exactes peuvent seules construire et armer les intelligences et que nos professeurs de lettres faisaient de nous des esprits sonores et creux, des êtres vains, incapables de toute tâche sérieuse (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 510).
— Lettres antiques (vieilli), lettres classiques, ou p. ell. du déterminant, lettres. Synon. humanités. Je vais faire mes lettres, une fois que je tiendrai mon diplôme, je vais faire mon droit (ZOLA, Corresp., t. 1, 1859, p. 17). Quant à moi, je demeure étonné du manque des notions les plus simples et des pratiques les plus élémentaires chez un homme [Degas] si intelligent, et d'ailleurs nourri aux lettres classiques. Il avait sur bien des points des idées de bonne femme (VALÉRY, Degas, 1936, p. 38).
— Lettres modernes. [P. oppos. à lettres classiques] Études littéraires comprenant la littérature, le français, la grammaire et éventuellement une langue vivante. Dispositions spéciales pour l'inscription au C.A.P.E.S. lettres modernes. En principe, les candidats doivent être pourvus de la licence de lettres modernes (Encyclop. éduc., 1960, p. 370).
2. Connaissances, études littéraires comprenant notamment la littérature, la grammaire, la linguistique, les langues, l'histoire, la géographie, la philosophie. Doctorat ès lettres. Je proposai (...) à la Faculté des Lettres de Paris ce sujet de thèse : Jeanne d'Arc et les touareg (BENOIT, Atlant., 1919, p. 141).
Rem. Les Facultés des Lettres ont pris à partir de 1950 environ la dénomination Facultés des Lettres et Sciences Humaines. V. faculté rem.
REM. 1. Lettrage, subst. masc. ,,Action de marquer avec des lettres`` (Lar. Lang. fr.). 2. Lettrer, verbe trans., rare. Instruire dans les lettres, éduquer. Éclairer le peuple, c'est le moraliser; lettrer le peuple, c'est le civiliser (HUGO, Litt. et philos. mêlées, 1830, p. 54 ds ROB., s.v. améliorer).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 2e moitié Xe s. letres « connaissance que procure l'étude des livres » (St Léger, éd. J. Linskill, 18 [ms. : litteras]); 2. 1538 « étude de la grammaire, l'éloquence, la poésie » (EST., s.v. literarius); 3. 1580 homme de lettres « lettré » (MONTAIGNE, Essais, livre 1, chap. 25, éd. Villey, Saulnier, t. 1, p. 139); 4. 1671 lettres humaines (POMEY). B. 1. 1130-40 « signe graphique représentant un son » (WACE, Conception Notre-Dame, éd. W. R. Ashford, 1097); 2. 1486 « caractère typographique » (Doc. ds WOLF (L.) Buchdruck, p. 41); 3. 1690 lettres numérales (FUR., s.v. numeral). C. 1. ca 1160 « inscription, texte » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4-481); 2. ca 1170 « sens littéral, étroit » (MARIE DE FRANCE, Lais, éd. J. Rychner, Guigemar, 23); 3. 1275-80 a la lettre (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 6580); 4. 1794 estampe avant la lettre (CHAMFORT, Caract. et anecd., p. 164) d'où 1858 fig. avant la lettre (GONCOURT, Journal, p. 568). D. 1. Ca 1170 plur. lettres « écrit envoyé à quelqu'un » (MARIE DE FRANCE, op. cit., Deus Amanz, 110), au plur. en a. fr.; 2. 1234 « acte officiel » (A.N. Mus., vitr. 42, piece 233 ds GDF. Compl.). Du lat. littera « caractère d'écriture » et, sous l'infl. du gr. (v. ERN.-MEILLET) au plur. « lettre, missive; acte officiel; ouvrage, écrit; connaissance littéraire, culture »; l'acception « sens littéral d'un texte » remonte au lat. chrét. (v. BLAISE Lat. chrét.). Fréq. abs. littér. : 38 676. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 68 785, b) 73 860; XXe s. : a) 46 295, b) 38 369. Bbg. DELB. Matér. 1880, p. 189. - GOHIN 1903, p. 337. - LEW. 1968, p. 114. - QUEM. DDL t. 10, 15, 18, 19, 20, 21. - RICKEN (U.). Zur Entwicklung des französischen Intellektualwortschatzes. Wissensch. Zeitschrift der Martin-Luther Universität. Halle, 1963, t. 12, pp. 993-999. - RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, passim. - SAIN. Arg. 1972, p. 204.
lettre [lɛtʀ] n. f.
ÉTYM. Xe, letres, au sens IV; v. 1130-1140, au sens I; du lat. littera.
❖
———
1 Signe graphique qui, employé seul (ex. : r, o) ou combiné avec d'autres (ex. : ch), représente, dans la langue écrite, un phonème ou un groupe stable et élémentaire de phonèmes. ⇒ Caractère (cit. 1); graphème (ling.).
1 lettre (…) Figure, caractère, ou trait de plume dont un peuple est convenu pour signifier quelque chose, et dont l'assemblage fait connaître la pensée des uns aux autres (…) L'alphabet de chaque langue est composé d'un certain nombre de ces lettres ou caractères qui ont un son, une figure, et une signification différentes.
Furetière, Dict., art. Lettre.
♦ Les lettres d'une écriture alphabétique. || Les 24 lettres de l'alphabet grec. || Lettres cadméennes, hébraïques. || Les 26 lettres de l'alphabet français. || Le W, lettre double. || On appelle aussi lettre double une lettre redoublée : tt, mm… || Tracer des lettres; bien former ses lettres (→ Écrire, cit. 9 et 44). || Apprendre ses lettres, reconnaître les lettres, en apprenant à lire. || Incapacité à reconnaître les lettres. ⇒ Asyllabie.
2 Le grammairien en vers et prose commence par l'alphabet, qui contient vingt-cinq lettres, « malgré les vieilles prudes, qui n'en peuvent entendre nommer que vingt-trois » (…)
Balzac, le Feuilleton…, LI, Œuvres diverses, t. I, p. 446.
3 Quelle était l'origine des lettres ? On remonte aisément de nos caractères latins à l'alphabet phénicien, car les Phéniciens, merveilleux intermédiaires du monde méditerranéen, ont été les propagateurs de cette méthode nouvelle.
Daniel-Rops, le Peuple de la Bible, II, I.
♦ Un mot de trois lettres (⇒ Trilitère), de quatre lettres (⇒ Tétragramme). || Lettre initiale, médiale, finale. || Combinaison, interversion, transposition de lettres. ⇒ Anagramme, chronogramme, métagramme, métathèse, paragramme. || Épeler les lettres d'un mot. || Répéter les lettres d'un indicatif (cit. 4) d'appel. || Lettre initiale (cit. 3) du nom, du prénom (⇒ Chiffre, monogramme), des mots d'un tautogramme. || Les lettres d'un logo. || Code comportant des lettres et des chiffres. ⇒ Alphanumérique. — ☑ Fam. (Par euphém.). Les cinq lettres. ⇒ Merde. — || « … un mot de trois lettres, que je n'ose écrire » (→ Frère, cit. 24; Bernanos). — ☑ Sot en trois lettres.
4 (…) Mais le ton de cette vieille femme (…) lui parut une provocation appelant l'insolence. — « Vous, répondit-il, je vous dis cinq lettres ». La tante Julie béa, les yeux ronds, et comme il précisait ce qu'il fallait entendre par cinq lettres, elle tomba évanouie.
M. Aymé, le Passe-muraille, p. 136.
♦ (Aspects et formes). || Lettre majuscule, minuscule. || Déliés, hampe, jambages, pleins, queue d'une lettre. || Lettres cursives. || Écriture (cit. 10) bizarre où chaque lettre est isolée. || Lettres larges (→ Colonne, cit. 11). || Lettres bâtardes, gothiques, rondes. || Lettres historiées (⇒ Miniature). || Lettres entrelacées (cit. 5). || Enseigne en lettres d'or (→ Gros, cit. 41). — Titre en grosses lettres d'imprimerie (cit. 4). || Lettres baveuses. || Lettre moulée. || Lettre capitale. || Lettres italiques. || Lettre ornée. || Groupe de lettres. ⇒ Lettrine. — Paléographie. || Lettres capitulaires.
5 (…) qu'autour de ma fosse
Ce qui s'ensuit, sans autre histoire,
Soit écrit en lettre assez grosse (…)
Villon, le Testament, CLXXVII.
6 Souviens-toi de m'écrire ces mots : je les veux faire graver en lettres d'or sur la cheminée de ma salle.
Molière, l'Avare, III, 1.
7 On avait aussi renouvelé la peinture bleue, entre les lettres en relief de l'inscription, qui brillaient maintenant d'or vif (…)
Loti, les Désenchantées, III, XVII.
♦ ☑ Loc. En toutes lettres : sans abréviation. Spécialt. || Somme, date portée en toutes lettres, exprimée avec des mots et non avec des chiffres (→ Approuvé, cit.).
♦ Fig. || Dire, écrire qqch. en toutes lettres, l'exprimer sans restriction, nettement.
8 Je sentais le regard de ma mère qui s'attachait à moi, qui ne me lâchait plus et je pensais que « ça devait se voir », que ma disgrâce était écrite en toutes lettres sur mon visage.
G. Duhamel, Salavin, I, III.
♦ ☑ (1668). Cela devrait être écrit, gravé, imprimé en lettres d'or : cela est digne d'être rappelé sans cesse, d'être gardé toujours présent en mémoire.
♦ ☑ En lettres de sang : par une longue suite de crimes.
2 (1486). Caractère typographique représentant une des lettres (1.) de l'alphabet. ⇒ Caractère (→ Forme, cit. 82; interligne, cit. 2). || Le corps d'une lettre. || Bloquer, créner une lettre. || Lettres du bas de casse (ou bas de casse), lettres capitales. || Lettre grise : lettrine ainsi appelée « à cause des hachures dont les pleins striés produisent à l'impression une teinte grise » (Réau, Dict. d'art). — (V. 1970). || Lettre-transfert : pellicule d'encre représentant un caractère typographique et stockée par sérigraphie sur un support qui peut être transférée par simple frottement sur toute surface lisse. ⇒ Décalcomanie. — (Au sing. collectif). || Lever la lettre : prendre les lettres dans les cassetins et les aligner sur le composteur pour en faire des mots et des lignes.
3 (V. 1265; impropre dans les emplois scientifiques modernes). Son, phonème représenté par un caractère alphabétique. || Les lettres de l'alphabet français se divisent en consonnes, voyelles et semi-consonnes. || Lettre muette, aspirée, gutturale, palatale (→ Bannir, cit. 27; H, cit. 4). || Ajouter une lettre à un mot par souci d'euphonie (cit. 2). || Lettre épenthétique. || Lettre qui se lie à une autre. || Lettres qui forment une syllabe.
9 (…) il faut commencer (…) par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j'ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles (…) et en consonnes (…)
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 4.
4 (1690). Spécialt. Lettre affectée d'une fonction autre que phonétique. Ling. et gramm. || Lettre figurative (vx), formative. — Math. || Lettres algébriques. || Lettre mise en exposant (cit. 2), en indice. || Lettres qui désignent une figure, un angle, un point… — Paléographie. || Lettres abréviatives. ⇒ Sigle. — Chron. || Lettres numérales (⇒ Chronogramme, cit.). — (1607). Liturgie. || Lettres dominicales.
———
II Par ext. Au sing. collectif ou au plur.
1 (V. 1160). Ensemble des mots qui composent un texte; ce texte. — Vx. || La sainte lettre, les saintes lettres : l'Écriture sainte.
10 On leur apprenait les saintes lettres (…) dès la mamelle.
Racine, Athalie, Préface.
♦ ☑ (1541; en attribut). Lettre morte : texte qui n'a plus de valeur juridique, d'autorité officielle. || Cette convention est devenue lettre morte (Académie). — Fig. || Tous vos conseils seront pour lui lettre morte, ils seront inutiles, sans effet.
11 — Moi aussi, je me tiens à votre disposition, et je vous ferai sur ces documents tous les commentaires utiles, faute desquels ils seraient pour vous lettre morte.
A. Hermant, l'Aube ardente, VII.
2 (1835). Techn. (gravure). Inscription, légende qu'on met au bas d'une estampe pour en indiquer le sujet. || Épreuve avant la lettre. || Estampe après la lettre, tirée avec l'inscription. — ☑ (1852, in D. D. L.). Fig. Avant la lettre : avant l'état définitif, l'époque du complet développement. || « L'enfant, c'est l'homme avant la lettre » (A. d'Houdetot, in P. Larousse, 1873).
11.1 À propos de la vente d'eaux-fortes, d'où viennent ces Huet avant la lettre, il y a vraiment de bons toqués d'eaux-fortes avant la lettre, que dis-je avant la lettre, mais avant la plupart des travaux, avant même le sujet principal indiqué, et je suis sûr, à la convoitise de certains regards par moi perçus, qu'une épreuve de la planche de Daubigny : Les cerfs au bord de l'eau, avant les cerfs, se sera vendue fort cher.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 19 févr. 1889.
3 (V. 1170). || La lettre : le sens strict des mots qui composent un texte (⇒ Littéral); l'expression formelle de la pensée d'un auteur. || La lettre de la loi (→ Formaliste, cit. 1). || L'esprit (cit. 185 et 186) et la lettre. ☑ S'attacher plus à la lettre qu'à l'esprit : s'en tenir au sens formel, sans chercher à comprendre les intentions, le sens profond ou symbolique.
12 La lettre tue; tout arrivait en figures.
Pascal, Pensées, X, 683 (→ Esprit, cit. 185).
13 (…) mon ancien maître, en dépit de tout ce qu'il devait à ma belle-mère (…) lui reprocha de suivre la lettre de la loi plutôt que l'esprit, et s'oublia jusqu'à lui dire que c'était toujours le prochain qui faisait les frais de ses scrupules et que c'était toujours contre quelqu'un qu'elle manifestait la délicatesse et les rigueurs de sa conscience.
F. Mauriac, la Pharisienne, XI.
4 ☑ Loc. (V. 1265). À la lettre, et (fin XVIe), au pied de la lettre : au sens propre, exact, véritable du terme, de l'expression. ⇒ Exactement, proprement, véritablement (→ Incartade, cit. 2).
14 L'on dit d'un grand (…) qu'il meurt de faim, pour exprimer qu'il n'est pas riche (…) c'est une figure; on le dirait plus à la lettre de ses créanciers.
La Bruyère, les Caractères, XII, 82.
15 Tu ne me voyais plus; il était vrai, à la lettre, que tu n'avais d'yeux que pour les petits.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, V.
♦ Prendre une expression (→ Image, cit. 53), une formule à la lettre, au pied de la lettre, dans son sens littéral, strict, étroit. ⇒ Littéralement.
16 Avoir saint Paul en bouche et le prendre à la lettre.
Ronsard, Discours des misères de ce temps, Remontr. peuple de France.
17 (…) il prenait au pied de la lettre tout ce qu'on lui disait, et il paraissait fort content de ses convives (…)
A. R. Lesage, Gil Blas, III, IV (→ Pour argent comptant).
18 Apprenez (…) que le sens de la Bible est figuré et que la principale erreur des théologiens est d'avoir pris à la lettre ce qui doit être entendu en manière de symbole.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, XIII, Œuvres, t. VIII, p. 114.
18.1 « On ne sait jamais d'où ça sort. » Il a entendu plus d'une fois ces mots dits sans méchanceté. Mais en les prenant à la lettre « on ne sait pas d'où ça sort » est un bon texte sur quoi rêver.
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 68.
19 S'il en est ainsi vraiment, si ces nouvelles toutes fraîches doivent être prises au pied de la lettre (…)
G. Duhamel, Manuel du protestataire, p. 118.
♦ (V. 1462). Fig. || Mes ordres ont été exécutés à la lettre (Académie). ⇒ Ponctuellement. || Suivre un règlement à la lettre, s'y conformer scrupuleusement, rigoureusement.
♦ (1740). || Ajouter à la lettre : aller plus loin que ce qui est dit, écrit.
———
III
1 (V. 1170, au plur.). Écrit que l'on adresse à qqn pour lui communiquer ce qu'on ne peut ou ne veut lui dire oralement. ⇒ Épître, missive; fam. babillarde, bafouille; lazagne (argot). || Écrire (cit. 23), rédiger, griffonner (cit. 7), dicter une lettre, des lettres. || Commencer, interrompre, reprendre, terminer, relire une lettre. || Une courte lettre; un bout de lettre. ⇒ Billet, biffeton (argot), mot. || Très longue lettre. ⇒ Volume. || Personne qui aime à écrire des lettres. ⇒ Épistolier. || Demander, mander qqch. (→ Folâtrerie, cit. 2), inviter qqn par lettre. ⇒ Écrit (par écrit). || Vous apprendrez par cette lettre. ⇒ Présent (la présente). || Quand tu liras cette lettre… || La lettre ci-incluse (cit. 3), ci-jointe. || Lettre autographe (→ Fuite, cit. 14), dactylographiée, manuscrite. || Dater, signer une lettre. || Antidater une lettre. || Apostiller (cit. 2) une lettre. || Signature (⇒ Souscription), post-scriptum au bas d'une lettre. || Le signataire de la lettre. || Lettre sans signataire. || Lettre anonyme (cit. 3). — Mettre une lettre sous enveloppe. ⇒ Pli (→ Facteur, cit. 10). || Garder (cit. 28) la copie d'une lettre. || Clore, fermer, cacheter une lettre (→ 1. Frais, cit. 27). || Mettre l'adresse du destinataire sur une lettre (⇒ Suscription). || Faire porter, remettre une lettre à son destinataire. ⇒ Message. || Échanger des lettres. ⇒ Correspondre; correspondance. || Intercepter (cit. 1.1) une lettre. || Recevoir (→ Borner, cit. 12), décacheter, lire ses lettres. ⇒ Courrier. || Une liasse de lettres. || Renvoyer, retourner une lettre à son expéditeur (→ Gageure, cit. 5). || Accuser réception d'une lettre. || Faire réponse, répondre à une lettre (→ Fissure, cit. 2). — ☑ Loc. Papier (cit. 12) à lettres (→ Faute, cit. 9). — Littér. || La Nouvelle Héloïse, les Liaisons dangereuses, romans par lettres.
20 Mes révérends pères, mes Lettres n'avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d'être si étendues (…) Je n'ai fait celle-ci plus longue que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte.
Pascal, les Provinciales, XVI, P.-S.
21 Tu te plains, mon cher ami, de la rareté de mes lettres. — Que veux-tu que je t'écrive, sinon que je me porte bien et que j'ai toujours la même affection pour toi ?
Th. Gautier, Mlle de Maupin, I.
22 Il m'arrive rarement de relire mes lettres. J'ai relu celle-ci, — et je l'ai laissée partir, avec l'étrange impression que je commettais une maladresse, une erreur, et qu'elle s'en allait vers un homme qui n'aurait pas dû la lire (…)
Colette, la Vagabonde, p. 209.
♦ Contenu, teneur, ton d'une lettre. || Formules (cit. 6) de lettre. || Style des lettres. ⇒ Épistolaire. || S'épancher (cit. 22) librement dans une lettre. || Lettre comminatoire (cit. 2), détaillée (cit. 4), injurieuse (→ Imputer, cit. 12). || Lettres d'amitié (→ Empreinte, cit. 6). || Lettres d'amour brûlantes, chaleureuses, chastes, incendiaires (cit. 7), passionnées, tendres. || Lettre de rupture. || Lettre de condoléance, de félicitations, de remerciements, de faire-part (cit. 2). || Lettre d'affaires. || Lettre de candidature, d'introduction (cit. 1 et 2). (1625). || Lettre de recommandation.
23 En effet, quelqu'un avait envoyé à sa mère une longue lettre anonyme, pour prévenir qu'il se perdait avec une femme mariée (…)
Flaubert, Mme Bovary, III, VI.
24 En ouvrant la première lettre de Marthe, je me demandai comment elle exécuterait ce tour de force : écrire une lettre d'amour. J'oubliais qu'aucun genre épistolaire n'est moins difficile : il n'y est besoin que d'amour.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 95.
25 (…) séparée de moi, elle m'écrit une lettre glaciale, sans un mot de tendresse, hors la formule finale, qui est de style (…)
A. Maurois, les Roses de septembre, II, V.
♦ Acheminement, transmission des lettres. || Affranchir une lettre. → Pèse-lettre (cit.). || Lettre envoyée par avion, par bateau, par surface (anglic.). || Lettre par avion; ellipt lettre avion. ⇒ Aérogramme. || Une lettre timbrée de Dresde (→ Gel, cit. 1). || Le cachet de la poste sur une lettre. — Boîte (cit. 4) aux lettres. || Jeter des lettres à la boîte. ⇒ Poster (→ Éveiller, cit. 17). || Levée, tri, transport, distribution (⇒ Factage) des lettres. ⇒ Poste. || Paquet (vx) de lettres. || Aller chercher une lettre à la poste restante (→ Identité, cit. 15). || Facteur (cit. 9, 12 et 13) qui apporte les lettres. || Nos lettres se sont croisées. || Lettre qui s'est égarée (→ Fil, cit. 34). — Lettre franche de port. || Lettre chargée. ⇒ Chargement. — (1831, in D. D. L.). || Lettre recommandée. || Lettre recommandée avec accusé de réception. || Lettre exprès. || Lettre portant la mention : « Faire suivre en cas d'absence ». || Lettre urgente. ⇒ Dépêche.
26 (…) Adrienne ne sortirait pas et par conséquent ne pourrait mettre sa lettre à la poste à temps pour qu'elle parvînt au loueur de voitures avant la nuit.
J. Green, Adrienne Mesurat, X.
27 (…) une lettre non ouverte, qu'elle venait de prendre à la poste restante.
Loti, les Désenchantées, I, II.
28 Moi facteur, membre du gouvernement provisoire, et chargé du service des postes, j'ai fidèlement distribué les lettres que vous m'avez confiées et celles qui vous étaient adressées.
Alain, Propos, 17 déc. 1908, Le facteur des postes.
♦ ☑ Loc. fam. (1825). Passer comme une lettre à la poste, facilement et sans incident. — Par plais. Être facilement digéré (en parlant d'un aliment, d'un repas). — Fig. Être facilement admis. || Excuse, réforme qui passe comme une lettre à la poste.
29 (…) la truffe est un aliment aussi sain qu'agréable, et qui, pris avec modération, passe comme une lettre à la poste.
Brillat-Savarin, Physiologie du goût, t. I, p. 125.
30 Les républicains les plus sages pensaient qu'il était fou de faire la séparation de l'Église. Elle a passé comme une lettre à la poste.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIV, p. 124.
♦ Correspondance (éditée en tant qu'œuvre littéraire). || Lettres de Pline, de Mme de Sévigné, de Voltaire…, recueil contenant tout ou partie de ces lettres célèbres. — Par anal. Ouvrage composé ou présenté sous forme de correspondance. || Lettres à un provincial (les Provinciales), de Pascal (1656). || Lettres persanes, de Montesquieu (1721). || Lettres philosophiques, de Voltaire (1734). — Opuscule en forme d'une lettre adressée à un ou plusieurs destinataires. || Lettre à l'Académie, de Fénelon (1714). || Lettre sur les aveugles, de Diderot (1749). || Lettre à d'Alembert sur les spectacles, de Rousseau (1758).
♦ ☑ Loc. (1835). Lettre ouverte : article de journal, rédigé en forme de lettre, et généralement de caractère polémique ou revendicatif. || « J'accuse », lettre ouverte de Zola au président de la République (1898), au sujet de l'affaire Dreyfus.
2 (1234). Écrit officiel, administratif, actes expédiés au nom d'une autorité, d'une communauté.
♦ Hist. et diplom. anc. (le plus souvent au plur.). || Lettres royaux (anc. fém. plur. de royal). || Lettres d'abolition, d'attache, de cachet (cit. 4), de grâce (cit. 45), de jussion (cit.), de naturalisation, de rémission. || Lettres patentes. || Artisan (cit. 2) qui obtient ses lettres de maîtrise. || Lettres d'anoblissement (→ Chancelier, cit. 1) ou de noblesse (→ Gothique, cit. 2). — ☑ Loc. Lettre close. ⇒ Clore (supra cit. 11).
♦ Diplom. mod. || Lettres de créance, qui accréditent un diplomate. || Le nouvel ambassadeur a présenté ses lettres de créance au chef de l'État. || Lettres de récréance ou de rappel. — Lettre réversale. || Les nulles d'une lettre chiffrée.
♦ Admin. || Lettre circulaire. || Lettre missive. || Lettre de service : lettre ministérielle indiquant à un officier le commandement particulier qu'il est appelé à tenir. || Lettre de marque : commission délivrée en temps de guerre par l'État au capitaine d'un navire armé. || Lettre de mer. ⇒ Passeport. || Lettre commune, rédigée par plusieurs ministères ou services.
♦ Admin. ecclés. || Lettre apostolique, papale. ⇒ Bref, décrétale (anciennt), encyclique, rescrit. || Lettre dimissoriale, épiscopale, pastorale. || Lettre monitoire. || Lettre d'obédience.
♦ Dr. du travail et cour. || Lettre de licenciement, de démission, d'embauche.
♦ (1679). Comm. || Lettre d'avis (4.), informant d'une expédition. — Lettre de voiture, adressée par l'expéditeur (cit. 2) au destinataire et mentionnant le poids, la nature des marchandises, et les conditions de leur expédition (cit. 7). ⇒ Récépissé (→ Avarie, cit. 1).
♦ Banque. || Lettre de crédit : « lettre par laquelle un banquier donne mandat à l'un de ses correspondants de mettre une somme d'argent à la disposition d'une personne désignée » (Capitant, Voc. juridique). || Lettre de crédit circulaire, adressée à plusieurs correspondants.
♦ (1671). || Lettre de change : effet de commerce par lequel une personne (le tireur) donne ordre à un débiteur (le tiré) de payer une certaine somme d'argent à échéance déterminée, à une autre personne (le preneur ou bénéficiaire) dont elle est elle-même débitrice, ou à son ordre. ⇒ Billet (cit. 8; billet à ordre), traite. || Souscrire une lettre de change. ⇒ Souscripteur. || Acceptation, domiciliation, endossement (cit.), paiement d'une lettre de change. || Garantir une lettre de change par un aval (cit. 2). || Lettre de change payable à vue, au porteur. || Échéance (cit. 2) d'une lettre de change. ⇒ Usance. || Acquitter (→ Haut, cit. 43), contre-passer, endosser (cit.), escompter, négocier, protester une lettre de change (→ Fonds, cit. 10). || Lettre de change-relevé (abrév. : L. C. R.), pour laquelle les informations concernant la traite sont reportées sur support magnétique.
31 Ils (les Juifs) inventèrent les lettres de change : et, par ce moyen, le commerce put éluder la violence, et se maintenir partout; le négociant le plus riche n'ayant que des biens invisibles, qui pouvaient être envoyés partout, et ne laissaient de trace nulle part.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXI, XX.
32 Donnez-moi votre lettre de change, vous allez la passer au nom de mon teneur de livres, il la fera protester (…)
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 192.
———
IV Au plur. || Les lettres.
33 J'ai été nourri aux lettres dès mon enfance et pour ce qu'on me persuadait que par leur moyen on pouvait acquérir une connaissance claire et assurée de tout ce qui est utile à la vie, j'avais un extrême désir de les apprendre.
Descartes, Discours de la méthode.
2 (1538). Spécialt. Vieilli, littér. ou par plais. La culture littéraire. || Avoir des lettres (⇒ Lettré), peu de lettres (→ Glaner, cit. 9).
33.1 Comme Max, bourré d'anecdotes et d'observations drôles prises sur le vif, il était fin causeur, mais ce n'était pas un intellectuel et il n'avait pas de lettres. C'était un esprit calculateur, desséchant et d'ordre pratique.
B. Cendrars, la Main coupée, in Œ. compl., t. X, p. 185.
♦ Les belles-lettres (1666, in D. D. L.), les lettres (⇒ Belles-lettres, 1.; littérature).
♦ (1671). Vx. || Les lettres humaines (⇒ Humanité, 5.). || « On appelle les lettres humaines ou les belles-lettres, la Grammaire, l'Éloquence, la Poésie » (Trévoux). || Exceller (cit. 3) dans les belles-lettres. Mod. || Académie des inscriptions et belles-lettres.
34 Notre langue et nos belles-lettres ont fait plus de conquêtes que Charlemagne (…)
Voltaire, Correspondance, 976, 24 août 1750.
35 Assez imbu de belles-lettres, parlant bien, écrivant d'un style pur, aisé, naturel et du meilleur goût (…)
Marmontel, Mémoires, t. II, p. 82.
♦ Mod. || (Les lettres). || La renaissance des lettres. || Les lettres françaises (→ Aviser, cit. 4). || Le culte, l'étude (cit. 8 et 9) des lettres antiques. ⇒ Humanité (cit. 18).
♦ (1580, Montaigne). || Homme de lettres; femme de lettres; gens de lettres : personne qui fait (personnes qui font) profession d'écrire (→ Agrandir, cit. 6; alliance, cit. 13; bon, cit. 27). || Une femme de lettres (→ Homonymie, cit.). || Les gens de lettres. ⇒ 1. Gens (cit. 5, 28 et 29); gendelettre (fam.). || La Société des Gens de lettres.
36 (…) on sait par toute l'Europe l'accueil favorable que Votre Grandeur fait aux gens de lettres.
Corneille, Héraclius, Dédicace à Mgr Séguier.
37 Le plus grand malheur d'un homme de lettres n'est peut-être pas d'être l'objet de la jalousie de ses confrères, la victime de la cabale, le mépris des puissants du monde; c'est d'être jugé par des sots.
Voltaire, Dict. philosophique, Lettres.
38 (…) quand il a su que j'étais imprimé tout vif, il a pris la chose au tragique et m'a fait ôter mon emploi, sous prétexte que l'amour des lettres est incompatible avec l'esprit des affaires.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 2.
38.1 Monsieur a bien une petite profession, une spécialité… Enfin, qu'est-ce que Monsieur sait faire ?
— Rien, recommença Prométhée.
— Alors mettons : homme de lettres.
Gide, le Prométhée mal enchaîné, in Romans, Pl., p. 307.
38.2 — Voulez-vous que je vous dise, mon cher. Vous avez toutes les qualités de l'homme de lettres : vous êtes vaniteux, hypocrite, ambitieux, versatile, égoïste…
— Vous me comblez.
— Oui, tout cela c'est charmant. Mais vous ne ferez jamais un bon romancier.
— Parce que ?
— Parce que vous ne savez pas écouter.
— Il me semble que je vous écoute fort bien.
— Bah ! Lui, qui n'est pas littérateur, il m'écoute encore bien mieux. Mais quand nous sommes ensemble, c'est bien plutôt moi qui écoute.
Gide, les Faux-monnayeurs, in Romans, Pl., p. 968.
♦ Le monde des lettres.
39 (…) il connaissait trop bien le monde des lettres pour penser que l'Académie tînt rigueur de leurs attaques aux hommes de talent.
A. Maurois, Olympio, VI, I.
3 (Par oppos. aux sciences). Les connaissances ou études littéraires, comprenant la littérature, la philologie, la philosophie, l'histoire. ⇒ Belles-lettres, 2., humanité, 5. (→ Creux, cit. 9; honneur, cit. 55). Mod. || Docteur ès lettres. || Baccalauréat (cit.) ès lettres. || Secrétariat d'État aux arts et aux lettres. || Diplôme de licence ès lettres. || Faculté des lettres. || Classe, professeur de lettres.
♦ Lettres classiques, comprenant grec et latin. || Lettres modernes, comprenant des langues modernes.
40 (…) en ce temps-là, les élèves de l'Université de France, mis en demeure, au sortir des classes de grammaire, d'opter, sur le seuil de la classe de troisième, pour les lettres ou les sciences, et obligés, à quatorze ou quinze ans, de bifurquer, comme on disait (…)
France, la Vie en fleur, VI.
❖
DÉR. Lettrage, lettrer, lettrisme, lettriste.
COMP. Carte-lettre, contre-lettre, mandat-lettre (V. Mandat), pèse-lettre, porte-lettres. — Gendelettre.
Encyclopédie Universelle. 2012.