1. gens [ ʒɑ̃ ] n. m. et f. pl.
• plur. de gent REM. Gens gouverne le masculin, sauf quand il est immédiatement précédé par un adj. à forme féminine distincte : toutes ces bonnes gens, ces vieilles gens sont ennuyeux; les braves gens sont hospitaliers.
1 ♦ Personnes, en nombre indéterminé (jusqu'au XVIIe s., on a dit cent, mille gens). ⇒ homme, 1. personne. Il y a des gens qui exagèrent. Peu de gens, beaucoup de gens. Bien des gens. La plupart des gens. Tous les gens. Certaines gens. Toutes sortes de gens. Ces gens-là. Fam. Un tas de gens. — Avec un adj. épithète, un déterm. Gens simples. Braves, bonnes gens : gens honnêtes et bons. Honnêtes gens. « Des gens comme toi et moi. Des Français » (Aragon). — Fam. Des gens bien. Des gens très sympathiques. Les pauvres gens. Des gens du peuple. De(s) petites gens : des gens de condition modeste. « des petites gens polis » (Cendrars). Des gens simples, aux habitudes simples et modestes. — « tous les gens du village, hommes, femmes, enfants » (Hugo). ⇒ habitant. Gens du Nord, du Midi. — Rencontrer des gens de connaissance. — Vieilles gens : personnes âgées.
♢ Absolt Les hommes en général. Bêtes et gens. Les gens sont fous. ⇒ monde. — Spécialt (en parlant de personnes déterminées et, parfois, d'une seule personne) Appeler les gens par leur nom. Il a une façon de regarder les gens sous le nez ! On ne traite pas les gens ainsi ! Ce genre de gens est insupportable. J'ai vu de drôles de gens. « Il ne faut point juger des gens sur l'apparence » (La Fontaine). Loc. Être gens à, des gens capables de. Ils ne sont pas gens à exagérer.
2 ♦ JEUNES GENS : jeunes filles et garçons. ⇒ adolescent. Un groupe de jeunes gens. ⇒ jeune (n.). Aimer la compagnie des jeunes gens. ⇒ jeunesse.
♢ Plur. de jeune homme. Les jeunes filles et les jeunes gens. ⇒ garçon. « Des bandes de jeunes gens [...] avec leur pardessus de drap bleu à larges revers » (Chardonne).
3 ♦ GENS DE, suivi d'un nom désignant l'état, la profession. Gens de justice, gens de loi, gens de robe. Gens d'Église. Gens d'armes (vx). ⇒ gendarme. Gens de mer. ⇒ 2. marin. Gens de maison. ⇒ domestique. Les gens du spectacle; du voyage. Les gens de lettres. ⇒ auteur, écrivain, gendelettre.
4 ♦ Vieilli Les personnes qui font partie d'un ensemble déterminé (troupe, parti). — Domestiques, serviteurs. Un grand seigneur et ses gens. ⇒ suite.
5 ♦ Droit des gens. ⇒ gent, 3o.
⊗ HOM. Gent, jan.
gens 2. gens [ ʒɛ̃s; gɛns ] n. f.
• 1834; mot lat.
♦ Antiq. rom. Groupe de familles dont les chefs descendaient d'un ancêtre commun (⇒ éponyme).
● gens nom masculin pluriel (ancien pluriel de gent) Personnes en nombre indéterminé : Des gens flânaient dans la rue. Les hommes en général, le monde : Les gens sont influencés par la publicité. Familier. Telle ou telle personne, ou la personne qui parle : Vous avez une façon de recevoir les gens ! Vieux. Ensemble des personnes au service de quelqu'un ou ensemble de ses partisans : Partir avec ses gens. Personnes appartenant à un état, à une profession : Les gens du spectacle. ● gens (citations) nom masculin pluriel (ancien pluriel de gent) Alphonse Allais Honfleur 1854-Paris 1905 En voilà des sales types, les gens ! À se tordre Ollendorf Alphonse Allais Honfleur 1854-Paris 1905 Les gens simples vont tout droit leur chemin, à moins qu'il n'y ait une barricade qui les contraigne à faire un détour. À se tordre Ollendorf Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Je connais gens de toutes sortes Ils n'égalent pas leurs destins. Alcools, Marizibill Gallimard Jacques Boutelleau, dit Jacques Chardonne Barbezieux 1884-La Frette-sur-Seine 1968 Le monde est plein de braves gens qui ne voient partout que des gredins. L'Amour, c'est beaucoup plus que l'amour Albin Michel Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Les gens de qualité savent tout sans avoir rien appris. Les Précieuses ridicules, 9, Mascarille Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu Paris 1585-Paris 1642 Il ne faut pas se servir des gens de bas lieu : ils sont trop austères et trop difficiles. Testament politique Guillaume Ier, roi de Prusse et empereur allemand Berlin 1797-Berlin 1888 Oh ! les braves gens ! Commentaire Cette exclamation de Guillaume Ier de Prusse lui fut arrachée à Sedan par les charges héroïques de la cavalerie française, où le général Margueritte perdit la vie. Le mot a été rapporté par le général Ducrot, qui l'avait appris plus tard du prince royal de Prusse, le futur Frédéric III. ● gens (difficultés) nom masculin pluriel (ancien pluriel de gent) Genre Le mot gens est particulièrement capricieux quant au genre. L'adjectif (ou le participe) s'accorde avec lui selon les règles suivantes. 1. Gens immédiatement précédé d'un adjectif épithète. Lorsque l'adjectif épithète précède immédiatement gens, il est au féminin : de vieilles gens, de bonnes gens. 2. Gens précédé d'un adjectif apposé. Lorsque l'adjectif qui précède gens en est séparé par une virgule, il est au masculin : confiants et naïfs, les gens le croient. 3. Gens précédé de deux adjectifs dont le second se termine aux deux genres par un e muet. Lorsque gens est précédé de deux adjectifs dont le second se termine aux deux genres par un e muet, le premier adjectif est au masculin : de vrais braves gens ; ces prétendus honnêtes gens nous ont trompés. 4. Gens suivi d'un adjectif. Lorsque l'adjectif suit gens, il est au masculin : des gens bruyants ; des gens intelligents. 5. Tous, toutesprécédant gens. Lorsque gens désigne des personnes déterminées, il est précédé de tous au masculin : tous ces gens ; tous les gens sensés. En revanche, c'est toutes, au féminin, qui précède gens quand il en est séparé par un adjectif dont le masculin se distingue du féminin par l'absence d'e muet : toutes les bonnes gens qui nous ont aidés. 6. Gens de... L'adjectif est toujours au masculin avec les expressions gens de robe, gens d'Église, gens d'épée, gens de guerre, gens de lettres, gens de loi : il fréquente de brillants gens de lettres et d'ennuyeux gens de loi. 7. Jeunes gens. Toujours au masculin : de joyeux jeunes gens. 8. Gens au sens de « domestiques » ou de « partisans ». Toujours au masculin : nos gens sont sÛrs et dévoués. Emploi Gens n'est jamais employé avec un numéral : on ne dit pas cinq gens, une dizaine de gens, mais cinq personnes, une dizaine de personnes. En revanche, lorsque gens est suivi d'un nom avec lequel il forme locution, ou précédé d'un adjectif, l'emploi du numéral devient possible : deux gens d'épée qui se rencontrent parlent de leurs faits d'armes ; les trois bonnes gens prenaient le frais devant leur porte. Sens Droit des gens : dans cette locution vieillie qui désigne le droit public international, gens a gardé son sens ancien de « race, peuple, nation » (latin gens, gentis). → gent ● gens (expressions) nom masculin pluriel (ancien pluriel de gent) Bonnes gens, braves gens, personnes simples, sans malice. Jeunes gens, jeunes, filles et garçons ; pluriel de jeune homme. Gens de guerre, se disait autrefois des soldats. Gens de maison, synonyme de domestiques. Gens de pied, au Moyen Âge, nom donné aux fantassins. Gens d'armes, ancienne graphie de gendarmes. Gens de lettres, ceux qui font profession d'écrire ; écrivains. Gens de mer, personnes qui, professionnellement, se livrent à la navigation maritime. Petites gens, personnes de condition modeste. ● gens (homonymes) nom masculin pluriel (ancien pluriel de gent) gens nom féminin gent adjectif gent nom féminin singulier jan nom masculin j'en pronom personnel ● gens (synonymes) nom masculin pluriel (ancien pluriel de gent) Ensemble des personnes au service de quelqu'un ou ensemble de...
Synonymes :
- domesticité
- employés
- maison
Personnes appartenant à un état, à une profession
Synonymes :
- monde
Gens de maison
Synonymes :
- domestiques
● gens, gentes
nom féminin
(latin gens, -entis)
À Rome, groupe de familles descendant d'un ancêtre commun.
● gens, gentes (homonymes)
nom féminin
(latin gens, -entis)
gens
nom féminin pluriel
gens
nom masculin pluriel
gens, plur gentes
n. f. ANTIQ ROM Groupe de familles dont les chefs étaient issus d'un ancêtre commun de condition libre. La gens Julia.
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gent plur. gens
n. f.
d1./d Droit des gens: droit qui règle les rapports des nations entre elles.
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gens
n. m. pl.
d1./d Personnes, individus en nombre indéterminé. Peu de gens. Beaucoup de gens. Une foule de gens. Les gens du village. (Rem.: l'adj. qui précède immédiatement gens prend la forme du féminin, sauf lorsque gens est suivi de de et d'un nom exprimant l'état, la qualité, etc. Ces gens sont bien vieux. De vieilles gens. De durs gens de mer.)
|| Les gens: les personnes qui nous entourent, les hommes pris en général.
|| (à propos de personnes déterminées, d'une seule personne.) On ne se moque pas des gens comme ça!
d2./d Jeunes gens: personnes jeunes et célibataires (garçons et filles).
|| Plur. de jeune homme. Jeunes filles et jeunes gens.
d3./d Gens de (suivi d'un nom indiquant une profession, un état). Gens d'affaires. Gens d'église. Gens de lettres: écrivains.
d4./d Droit des gens: V. gent (1).
I.
⇒GENS1, subst. masc. et fém. plur.
A. — [Précédé des déterminants des, les, qui peuvent être effacés]
a) Personnes en nombre indéterminé, considérées collectivement. Les nobles d'origine (...) ne haïssent guère qu'une sorte de gens, les vilains anoblis, enrichis, parvenus (COURIER, Pamphlets pol., Gaz. vill., 1823, p. 188). Quelque méchante action qu'il ait faite contre moi, j'en ai commis d'analogues contre bien des gens (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 894) :
• 1. Je vis cette rue noire comme un tuyau de cheminée, avec des tas de gens vivants ou morts, à terre, parmi les décombres, femmes, hommes, je ne sais pas au juste.
ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 206.
SYNT. Gens agréables, aimables, ambitieux, avares, bien, braves, brillants, charmants, doctes, élégants, bien/mal élevés, éminents, établis, faibles, fins, grossiers, honnêtes, honorables, importants, influents, intelligents, malheureux, médiocres, pauvres, raisonnables, riches, sages, savants, sensés, simples, superficiels, titrés, tranquilles; gens dans le malheur, dans la peine; gens en place; gens sans cœur; gens comme il faut; beaucoup, nombre, peu, plein, quantité, tant, trop de gens; la plupart des gens; tous les gens; assemblée, foule, groupe, horde, multitude de gens; espèce, genre, sorte de gens.
♦ Bonnes, braves, honnêtes gens. Personnes recommandables, qui ont de la simplicité, de la droiture dans les manières. Les procureurs du roi ne sont pas seulement d'honnêtes gens, ce sont encore des gens fort honnêtes (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819-20, p. 17). Les Cosaques sont de braves gens, de mœurs douces et hospitalières (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 167). Les braves gens (...) n'ont pas de malice ni d'imagination (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 260). On dirait une rue, dans quelque station de villégiature (...). Villégiature pour bonnes gens un peu simplets par exemple, je le reconnais (LOTI, Vertige mond., 1917, p. 98) :
• 2. Avec les gens intelligents,
Je ris du Dieu des bonnes gens.
Sacré Dieu! quels airs indulgents!
Quel gros c..., quelle panse ronde!
NOUVEAU, Valentines, 1886, p. 125.
♦ [Formule d'adresse et interj.] Honnêtes gens de tous les partis, qui voulez le bien du pays (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1836, p. 174). C'est dans les prisons que les magistrats et les philanthropes devraient venir étudier l'homme, les lois et les réformes (...). Bonnes gens! ils ne se doutent même pas de ce que peuvent être ces lieux de détention (Intérieur des prisons, 1846, p. 55).
♦ Jeunes gens
Adolescents ou jeunes adultes (garçons et filles). De beaux jeunes gens. Les mêmes courriers me parlaient de l'usage suisse de faire coucher ensemble des jeunes gens des deux sexes, des cousins et cousines par exemple, jusqu'à l'âge de seize ou dix-huit ans (MICHELET, Journal, 1830, p. 74).
[Employé comme plur. de jeune homme] Il rejoint le premier groupe, le désunit, et jeunes gens et jeunes filles partent vers la plage arrière (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 80) :
• 3. J'ai reçu beaucoup de monde ce matin : des femmes, des hommes, des demoiselles qui ressemblaient à des jeunes gens, et des jeunes gens qui ressemblaient à des demoiselles.
BALZAC, Gobseck, 1830, p. 416.
♦ Vieilles gens. Hommes et femmes âgés. Anne d'Orgel adorait conquérir de vieilles gens (RADIGUET, Bal, 1923, p. 99). Je ne tolère les vieilles gens que courbés vers la terre, crevassés et crayeux, la main ligneuse, chevelus comme un nid (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 26).
♦ Petites gens
Personnes de condition sociale modeste. J'ai toujours souffert, comme d'une tare, de la laideur des gens rencontrés dans la rue, des petites gens surtout, ouvriers (...), petits employés (...), ménagères et domestiques (LORRAIN, M. Phocas, 1901, p. 78) :
• 4. — Rien n'aurait été possible sans une bête adaptée au sol comme aux ressources de l'homme (...). « Avant tout, d'un prix abordable aux petites gens pour qui, à cette époque, cinq cents francs d'économies représentaient de longs labeurs. »
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 237.
Personnes mesquines, qui manquent de subtilité, de qualités intellectuelles et/ou morales. Le sens moral me paraît baisser de plus en plus; on se rue dans le médiocre. Petites œuvres, petites passions et petites gens (FLAUB., Corresp., 1862, p. 17).
♦ Gens sans aveu. V. (homme) sans aveu (voir ce mot B 1 c).
♦ Vieilli. Mille gens, des milliers de gens. Personnes en grand nombre. Plus de mille gens me l'ont dit. Il y a des milliers de gens qui voudraient être à votre place (Ac. 1835-1932). Mod. Une douzaine, une centaine de gens. Un bon homme de vieux prêtre (...) qui a assisté plus d'une centaine de gens sur leur lit de mort (JOUVE, Paulina, 1925, p. 33).
Rem. La docum. atteste gens à. Gens à moustaches, à particule, à subtilité, à vanité... Tout est dans tout! Vraiment? Ah! ces gens à formules! (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 200).
b) [Avec art. déf., sauf cas d'effacement] Les hommes en général. Les choses et les gens. Il ne porte que peu dans son cœur la bête et les gens (VALÉRY, Corresp., [avec Gide], 1896, p. 270). Voilà bientôt deux mille ans que la pudeur empêche les gens d'ôter leur culotte (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1436).
♦ Se moquer, se ficher (fam.) des gens. Ne pas tenir compte de l'opinion de son entourage; afficher un comportement, exprimer des idées anticonformistes qui marque(nt) du dédain envers ses semblables. Synon. se moquer, se ficher (fam.), se foutre (vulg.) du monde, du peuple. Sa vocation était d'être critiqué, et c'est logique quand on se moque des gens et qu'on le leur montre (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 390).
♦ Vieilli. Se connaître en gens. ,,Avoir un discernement pour connaître le fort et le faible des hommes, leurs bonnes et leurs mauvaises qualités`` (Ac.).
Rem. 1. En fonction sujet, gens est parfois le concurrent de on. Vous m'avez regardé quand les gens nous acclamaient (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 124). 2. L'adj. qui précède gens est au fém., sous l'influence de l'anc. fr., mais le syntagme reste au masc. Vieilles gens courbés (v. supra). Les Jean-fesses aiment à voir les bonnes gens fessés (BÉRANGER, Chans., t. 3, 1829, p. 181).
2. Gens de + subst. Personnes formant un groupe déterminé.
a) [Le compl. désigne une pers.]
) Ensemble des personnes qui appartiennent à un groupe déterminé (parti, troupe, etc.), qui sont sous les ordres de quelqu'un; qui font partie régulièrement de l'entourage, de la coterie de quelqu'un. Gens de la maison du duc. Le chef royaliste (...) s'avança par un mouvement de désespoir; mais au moment où ses gens le virent se hasardant ainsi, tous se ruèrent sur les Bleus (BALZAC, Chouans, 1829, p. 41) :
• 5. « Je dîne chez des gens », répondait-il à François de Séryeuse l'interrogeant sur l'emploi de sa soirée. Ces « gens » signifiaient pour lui « mes gens ». Ils lui appartenaient. Il en avait le monopole.
RADIGUET, Bal, 1923, p. 25.
— En partic. Soldats. Nos gens, braves soldats polonais choisis par lui, passeraient dans le feu pour nous (BALZAC, Fausse maîtr., 1841, p. 21).
♦ Gens du roi. Officiers civils et militaires sous la royauté. (Dict. XIXe et XXe s.).
) Personnes chargées des tâches de service et d'entretien d'une maison. Synon. domestiques, serviteurs. Je ne m'étonne plus, dit-il (...) des fortunes que faisaient mes gens. En sept ans, j'ai eu deux cuisiniers devenus de riches restaurateurs (BALZAC, Honorine, 1843, p. 332). Monsieur Baptistin, depuis un an, vous êtes à mon service; c'est le temps d'épreuve que j'impose d'ordinaire à mes gens; vous me convenez (DUMAS père, Cte de Morcerf, 1851, I, 1, p. 26).
b) [Le compl. désigne une qualité socialement reconnue] En examinant la ligue des sots contre les gens d'esprit, on croirait voir une conjuration de valets pour écarter les maîtres (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 41) :
• 6. Les gens de bien de toute espèce sont faciles à tromper, parce qu'aimant le bien passionnément, ils croient facilement tout ce qui leur en donne l'espérance. Il faut tout faire au gré des gens de bien.
JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 265.
SYNT. Gens d'action, de cœur, de bonne compagnie, de génie, d'honneur, de (bon, mauvais) goût, de mérite, d'ordre, de progrès, de talent.
c) [Le compl. désigne une activité ou un rôle social] Gens d'affaires, de commerce, de contrebande, d'État, de justice, de loi, de proie, de sac et de corde, de théâtre. Mes visiteurs, gens de finance (...) — gens d'ambassade, chiens de garde des gens de finance, — sont uniformément gentils, bien élevés (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 57). Les garçons de salle ne participaient pas aux confidences des gens de cuisine qu'ils tenaient pour des gargouillots (HAMP, Marée, 1908, p. 64). Ces places étaient stupides et le mettaient en contact avec une quantité de gens de cinéma, de gens d'automobile, de gens affreux (COCTEAU, Par. terr., 1938, I, 2, p. 198) :
• 7. ... Tartarin de Tarascon connut (...) la judiciaire louche qui se tripote au fond des cafés, la bohème des gens de loi, les dossiers qui sentent l'absinthe, les cravates blanches mouchetées de Champoreau; il connut les huissiers, les agréés, les agents d'affaires, toutes ces sauterelles du papier timbré...
A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p. 124.
♦ Gens de mer. ,,Personnes employées à bord et au service de tout navire de mer autre qu'un navire de guerre`` (BARR. 1974). Caisse des gens de mer. P. ext. Pêcheurs, marins; personnes dont le métier est de naviguer sur mer. Une des précautions qui peut contribuer le plus efficacement à conserver la santé des gens de mer, est l'attention continuelle à maintenir une extrême propreté dans le vaisseau et sur leurs personnes (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 56).
♦ Gens d'Église (vieilli). Membres du clergé séculier et régulier. L'université vint faire ses remontrances au nom des gens d'Église, et réclamer leurs exemptions [d'un impôt] (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 325).
♦ Gens de robe (vieilli). ,,Personnes appartenant au monde de la justice, de l'administration`` (LEP., 1948). Les légistes [se divisent] en juges et en avocats, abstraction faite des gens de robe plus subalternes (COMTE, Philos. posit., t. 5, 1839-42, p. 442).
♦ Gens d'épée (vieilli). Nobles. Il [le podestat de Sibas] voulait remplacer la guillotine par une potence à fleurs de lis, pour y suspendre ensemble nouveaux seigneurs, nouveaux bourgeois, nouvelles gens d'épée, tout ce qui, en un mot, s'était tiré de roture (TOULET, La jeune fille verte, 1918, p. 20).
Gens d'épée, de guerre (vieilli). Militaires. Tous ces gens de guerre ne savaient point se résoudre à une discipline si sévère; ils s'en allaient sans cesse provoquer les Bourguignons, chercher des faits d'armes glorieux (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24p. 144).
♦ Gens d'armes (vx). Cf. gendarme A. Compagnie de gens d'armes.
♦ Gens de pied (vx). Fantassins. Au nombre de cent six marchaient les gens de pied. L'histoire a dédaigné ces braves (HEREDIA, Trophées, 1893, p. 193).
♦ Gens de cheval (vx). Cavaliers. Les gens de cheval, quand ils ont les pieds dans la paille et le nez sur une croupe, les heures leur coulent comme des secondes (A. FRANCE, Pt bonh., 1898, p. 5).
♦ Gens de trait (vx). Soldats équipés d'armes de jet. Entre les galères, quantité d'autres bâtiments (...) étaient remplis de marins et de gens de trait (MÉRIMÉE, Don Pèdre Ier, 1848, p. 261).
♦ Gens de lettres. Auteurs, écrivains. Quand un homme aimable ambitionne le petit avantage de plaire à d'autres qu'à ses amis (comme le font tant d'hommes, surtout de gens de lettres, pour qui plaire est comme un métier), il est clair qu'il ne peut y être porté que par un motif d'intérêt ou de vanité (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 68). Plus je vieillis plus je me félicite et suis enchanté de n'avoir pas de relations avec tout le monde de soi-disant gens de lettres (LÉAUTAUD, Journal littér., 4, 1922-24, p. 241).
Société des gens de lettres. Association d'écrivains qui défendent les droits, les intérêts de la profession :
• 8. L'article que je lis est un éreintement, au nom de l'honorabilité des gens de lettres. Il paraît qu'il y a un tollé contre notre livre et contre nous et que toute la littérature est prête à se déclarer, en masse, solidaire de l'honneur des Montbaillard, des Couturat (...). La Société des Gens de lettres, surtout est furieuse comme un seul homme.
GONCOURT, Journal, 1860, p. 702.
♦ Gens de/du voyage. Artistes ambulants. Dans les tableaux qui se passent chez les « gens du voyage » on peut intercaler toutes sortes d'attractions (L'Œuvre, 6 mars 1941).
♦ Gens de service. ,,Salariés qui accomplissent un travail domestique`` (CAP. 1936). Les créances privilégiées sur la généralité des meubles sont celles ci-après exprimées (...) : 4. Les salaires des gens de service, pour l'année échue et ce qui est dû sur l'année courante (Code civil, 1804, art. 2101, p. 377).
♦ Gens de maison. Ensemble du personnel domestique d'une maison en y incluant ceux qui ne sont pas attachés à la personne (cocher, concierge, intendant,...) (d'apr. CAP. 1936). Le quartier était excellent. Les gens de maison étaient tous nationalistes (A. FRANCE, Bergeret, 1901, p. 309).
d) Vieilli ou région. [Le compl. désigne un lieu] Habitant. Gens de Galice, de Bruges. Entre gens de Tarascon (...) on sait bien ce que parler veut dire (A. DAUDET, Tartarin Alpes, 1885, p. 241).
♦ Gens de ville. Citadins. Les hameaux près de Paris, les bastilles près de Marseille (...) avec plus d'affluence, surtout en gens de ville, avaient moins d'agrément, de rustique gaieté (COURIER, Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p. 141).
♦ Gens de village. Habitants de la campagne. Ces querelles sont affaires de village, de petites gens de village (LARBAUD, Journal, 1934, p. 336). Vx, proverbe. À gens de village, trompette de bois. ,,Il faut que les choses de chacun soit proportionnées à sa condition`` (LITTRÉ).
♦ Gens de cour. Courtisans vivant dans l'entourage direct du roi. Il y a une antipathie naturelle entre les gens de cour et les gens de guerre (J. DE MAISTRE, Corresp., 1812, p. 94).
e) [Le compl. désigne une stratification sociale]
♦ Gens de qualité. ,,Vieux nobles`` (Lar. 19e). Personnes aux goûts, aux mœurs raffinés; cultivées. Les lettrés restent (...) comme les gens de qualité de l'intelligence, et ignorer certain livre, certaine particularité de la science littéraire, restera toujours, même chez un homme de génie, une marque de roture (PROUST, Past. et mél., 1919, p. 265).
♦ Gens de rien, du commun, de peu (vx). Roturiers; personnes sans distinction, aux mœurs frustes, sans raffinement; sans importance. Ne me parlez jamais des gens de rien devenus quelque chose par le caprice du public! (BALZAC, Lettres Étr., t. 2, 1850, p. 381). C'est pour le jeu comme pour le tapage : trop de gens de basse condition s'en mêlent (HERMANT, M. de Courpière, 1907, I, 10, p. 9). Il ne faut pas non plus nous traiter comme des gens de rien, prendre votre plaisir, et nous planter là, pour faire rire de nous (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 64).
♦ Gens du monde. La grande bourgeoisie; les personnes distinguées de la haute société :
• 9. Je suis de ceux qui préfèrent Montmartre à Montparnasse, même depuis que Montmartre est devenu un repaire de danseurs, de bricoleurs frivoles et bien vêtus, et de gens du monde « qui font la nuit comme on fait de la peinture ».
FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 148.
♦ Gens du peuple. Personnes de condition modeste. Elle avait gardé de son enfance (...) le manque d'éducation des gens du peuple (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 319).
f) Loc. vieillie. Nous sommes gens de revue [Pour marquer la confiance vis-à-vis de qqn avec qui on a contracté qq. obligations] Laissez donc, monsieur Pommeau (...). Est-ce convenu, mesdames? (...) Nous sommes gens de revue, d'ailleurs (AUGIER, Lionnes, 1858, IV, p. 34).
Rem. Avec certains adj. gens peut être précédé d'un numéral : deux, trois... bonnes gens, petites gens, gens de maison; un de ses gens. On voudrait partager la vie de ces trois braves gens (FLAUB., Corresp., 1872, p. 453). L'intrigue orléaniste n'a échoué que grâce à la rencontre imprévue de deux honnêtes gens (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 320).
B. — [Précédé de certain, plusieurs, etc. ou d'un adj. dém.] Synon. personnes. Il avait remarqué les allées et venues de plusieurs gens dont la mine et la tournure (...) permettaient de croire (...) à des occupations secrètes chez les habitants de la maison (BALZAC, Mme de La Chanterie, 1850, p. 241). Il est extrêmement dreyfusard... (...). Je ne peux pas fréquenter ces gens-là (PROUST, Sodome, 1922, p. 1094).
Rem. La docum. atteste des emplois vieillis dans lesquels gens est précédé d'un numéral. Les vaches (...) poussaient un faible meuglement vers ces deux gens qui passaient (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Diable, 1886, p. 237).
Prononc. et Orth. : []. La prononc. pop. est [] écrite gensses par les aut. qui veulent s'en moquer (cf. BUBEN 1935, & 217 et NYROP Phonét. 1951, § 254). Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1. Nombre indéterminé de personnes a) sing. fin Xe s. (Passion, éd. d'Arco S. Avalle, 33 : Cum co audit tota la gent; 487 : Per tot convertent popl' et gent); ca 1050 (S. Alexis, éd. Chr. Storey, 527 : la povre gent; 531 : la gent menude); b) plur. fin Xe s. (Passion, éd. cit., 65 : per totas genz); 2. ca 1100 sing. « groupe de personnes placées sous l'autorité de quelqu'un » (Roland, éd. J. Bédier, 614 : Cumbatrat sei a trestute sa gent); 1176-81 plur. ses genz (CHR. DE TROYES, Ch. au Lion, éd. M. Roques, 2810); 3. ca 1195 dis mile genz (AMBROISE, Estoire, 3277 ds T.-L.); 1278 jens de la maison (SARRAZIN, Hem, éd. A. Henry, 1302); 1285 gens communes (JACQUES BRETEL, Tournoi de Chauvency, 3480 ds T.-L.); ca 1350 li jovene gent (GILLES LE MUISIT, I, 15, ibid.); 4. v. gendarme; 1544 gens de lettres (CALVIN, Excuse aux Nicodémites, VI, 600 ds HUG.). Anc. plur. de gent1, du lat. class. gens, gentis fém., désignant à l'orig. le clan, le groupe de tous ceux qui se rattachent par les mâles à un autre ancêtre mâle commun (ERN.-MEILLET), puis la famille, la race, le peuple; gentes, plur. a été à l'époque impériale synon. de homines désignant « les gens », d'où à basse époque, le genre masc. relevé pour cet emploi dans des syntagmes tels que gentium majorum et fortunatorum; gentes qui... (TLL s.v. 1843, 6); de là (quelques ex. à partir du XIIIe s. ds T.-L.) le genre masc. du fr. gens plur., fém. à l'orig., ce dernier genre étant conservé dans le cas notamment où l'adj. précédant le subst. fait corps avec lui (cf. GREV.10, 257, e). V. aussi gent1 et gentil1. Fréq. abs. littér. : 28 773. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 38 591, b) 45 670; XXe s. : a) 45 051, b) 37 872. Bbg. BLOCH (O.). Jeunes hommes, jeunes gens. In : [Mél. Thomas (A.)]. Paris, 1927, pp. 29-34. - GOHIN 1903, p. 257. - LEW. 1968, p. 72. - QUEM. DDL t. 1, 3, 6. - RICKEN (U.). Zur Entwicklung des französischen Intellektualwortschatzes. Wissenschaftliche Zeitschrift der Martin-Luther Universität. 1963, t. 12, pp. 993-999. - WANDRUSZKA (M.). Nos Lang. : struct. instrumentales, struct. mentales. Meta. 1971, t. 16, n° 1/2, p. 8.
II.
⇒GENS2, subst. fém.
ANTIQ. ROMAINE. Ensemble des branches d'une même famille, dont les chefs étaient issus d'un ancêtre commun. Gens Cornelia. L'élément constitutif de toute société était la gens, avec son culte, son chef héréditaire, sa clientèle. Pour lui, la cité ne pouvait pas être autre chose que la réunion des chefs des gentes (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 375). Le clan romain, c'est la gens, et il est bien certain que la gens était la base de l'ancienne constitution romaine (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 160).
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1834 la gens Fabia (BOISTE). Mot. lat., v. gens1.
1. gens [ʒɑ̃]; la prononc. méridionale [ʒɑ̃s] s'entend parfois, utilisée par plaisanterie; n. m. et f. pl.
ÉTYM. Fin Xe; pluriel de 1. gent.
❖
REM. 1. Gens ne se dit plus en parlant d'un nombre déterminé de personnes. On a dit dix, vingt (…) gens jusqu'au XVIIIe (→ cit. 1 infra). L'emploi de cent gens, mille gens, désignant un nombre indéterminé, est fréquent dans la langue classique (→ Aide, cit. 4, La Fontaine; bienséance, cit. 9, Molière). On emploie plutôt de nos jours : une douzaine, une centaine… de gens. — N. B. Avec certains adjectifs, on dit fort bien trois pauvres gens, quatre honnêtes gens (…)
1 Il y a là vingt gens qui sont fort assurés de n'entrer point (…)
Molière, l'Impromptu de Versailles, 3.
2 Deux gens qui auraient le malheur d'être sourds, aveugles et muets.
Diderot, Lettre sur les aveugles.
2. Gens, ancien pluriel de gent (n. f.) est ordinairement féminin en ancien français. « Devenu masculin sous l'influence de l'idée d'homme, il garde pourtant le genre féminin dans quelques cas où l'adjectif lui est étroitement uni par le sens ou la construction » (Hatzfeld).
a Les adjectifs à forme féminine distincte et qui précèdent immédiatement gens se mettent au féminin (Bonnes gens, vieilles gens); dans ce cas les adjectifs et pronoms placés avant gens prennent aussi le féminin, tandis que ceux qui le suivent restent au masculin. Toutes ces bonnes gens sont ennuyeux; || « Ces petites gens d'entre lesquels je suis sorti » (Duhamel, in Grevisse, le bon Usage…).
b Les adjectifs et pronoms qui ne précèdent gens que par inversion restent toujours au masculin :|| « Instruits par l'expérience, les vieilles gens sont prudents » (Littré); || « Qu'est-ce qu'ils diraient toutes ces bonnes gens (…) » (Proust, in Grevisse).
c Lorsque gens est précédé de tous sans article et qu'il est suivi d'une épithète ou d'un déterminatif, tous reste généralement au masculin (« Tous gens bien endentés », La Fontaine).
d « Gens suivi de la préposition de et d'un nom désignant une qualité, une profession (…) veut toujours l'adjectif ou le participe au masculin » (Grevisse). || « Certains gens d'affaires » (Académie).
1 Personnes (en nombre indéterminé). ⇒ Homme, humain, personne. || Il y a des gens qui… || Peu de gens, beaucoup de gens, tant de gens… (→ Argent, cit. 23; blâme, cit. 3; blanc, cit. 26). || Assez (cit. 54) de gens. || Bien (cit. 100) des gens. || La plupart des gens. || Un groupe, une multitude, une foule de gens (→ Avoir, cit. 22 et 48; famille, cit. 24). || Un tas de gens (fam.). || Ces gens-là. || Quelles gens sont-ils ? ⇒ Catégorie, genre, sorte. || Une sorte de gens. || Certaines gens… || Tous les gens.
3 Quelles gens êtes-vous ? Quelles sont vos affaires ?
Racine, les Plaideurs, II, 8.
4 Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu (…)
La Fontaine, Fables, II, 13.
5 Les gens du monde, les gens de lettres, les honnêtes gens, et les gens de tout genre répandaient, au mois de janvier 1824, tant d'opinions différentes sur madame Firmiani qu'il serait fastidieux de les consigner toutes ici.
Balzac, Mme Firmiani, Pl., t. I, p. 1032.
6 Un tas de gens. Beaucoup plus qu'on ne croit. Et pas de canailles. Des gens comme toi et moi. Des Français (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XIX.
♦ (Employé avec un adjectif épithète, un déterminatif…). || Gens simples, austères (cit. 4), avares (cit. 3), chiches (cit. 2). || Gens brusques (cit. 1), grossiers. || Gens polis, bien élevés. || Gens affolés (cit. 8), ahuris (cit. 3), ridicules. || Gens timides, nerveux, faibles… || Gens braves, courageux. — (1687, Bossuet). || Braves gens : gens honnêtes et bons (→ Brave, cit. 11; aplomb, cit. 5; couver, cit. 4; finir, cit. 2). || Ce sont de bien braves gens. (V. 1207). Vieilli. || Bonnes gens (→ Angle, cit. 7; bêtise, cit. 14; côté, cit. 24; épuiser, cit. 30). En exclamation (régional). || Ah ! bonnes gens ! — Gens honnêtes. || Honnêtes gens (→ Célébrité, cit. 5; estime, cit. 2). || Tous les honnêtes gens, les plus honnêtes gens de la ville. — Gens de bien (→ Envier, cit. 1; exergue, cit. 2). || Gens d'honneur (→ Conclure, cit. 3), de devoir, de mérite (→ Béjaune, cit. 3). — Gens sans aveu (cit. 2). || Gens de sac et de corde. ⇒ Malfaiteur. || Méchantes gens. || Sales gens.
7 Les vendanges, la récolte des fruits, nous amusèrent le reste de cette année, et nous attachèrent de plus en plus à la vie rustique au milieu des bonnes gens dont nous étions entourés.
Rousseau, les Confessions, VI.
8 Laissez-nous prisonniers sur parole, et vous verrez si nous sommes gens d'honneur.
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, II, 19.
9 Votre lettre aimable et votre offre d'hospitalité m'ont comblé. Je sais combien cela est vrai de votre part, combien on est bonnes gens en Italie (…)
Sainte-Beuve, Correspondance, 148, 3 oct. 1830.
10 Pourquoi monsieur se sert-il de gens de sac et de corde ?
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 781.
11 Au lieu du beau costume demi-arabe que portent les gens de sa classe, il avait un pantalon européen et des bretelles.
G. Sand, Un hiver à Majorque, p. 152.
12 Nous voyons bien que vous êtes des mauvaises gens, des brigands, des rien du tout et des menteurs.
G. Sand, la Mare au diable, Appendice, II.
12.1 Avec ça, crâneuse, jamais bonjour, jamais bonsoir : qu'est-ce qu'elle se croit ! Et qui se lève à des heures où les honnêtes gens sont depuis longtemps à leur travail… Et qui reçoit de tout, des hommes, des femmes. Une traînée, quoi !
René Floriot, La vérité tient à un fil, p. 58.
♦ Allus. hist. || Oh ! les braves gens !, cri d'admiration du roi Guillaume Ier de Prusse devant le courage des Français à la bataille de Sedan (1er sept. 1870). Cf. Guerlac, Citations françaises, p. 285.
♦ Vx. || Habiles gens (→ Accident, cit. 7), sottes gens. || Gens doctes, savants (→ Arbitrage, cit. 2). — Gens avancés (cit. 61, 64), civilisés (cit. 5). || Gens supérieurs (→ Extrêmement, cit. 4). — Gens d'esprit (cit. 149), de savoir (→ Argumenter, cit. 2), de goût (→ Exercer, cit. 47). — (1611). Vx. || Gens de bien.
13 (…) il y a à la ville comme ailleurs de fort sottes gens, des gens fades, oisifs, désoccupés (…)
La Bruyère, les Caractères, VII, 13.
14 Le mal des gens d'esprit, c'est leur indifférence,
Celui des gens de cœur, leur inutilité.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Sur la paresse ».
♦ Gens aisés, riches, pauvres (→ Caste, cit. 2). || Pauvres gens (→ Absolu, cit. 12; agent, cit. 9). || Les pauvres gens, poème de Victor Hugo; roman de Dostoïevski. — Gens comme il faut (→ Classe, cit. 4). || Gens bien. — Vx. || Gens de qualité, de condition (→ Apprendre, cit. 8; estimer, cit. 15).
♦ ☑ Gens du monde : personnes appartenant à la société bourgeoise et aristocratique et qui participent aux activités sociales mondaines (→ Cheval, cit. 8; curieux, cit. 3; exempt, cit. 8). || Gens du beau monde, du grand monde : la haute société. — Les gens en place (cit. 44). — Gens de petite origine (→ Arriver, cit. 67). || Gens de peu, gens de rien. || Gens du peuple (→ Endimanché, cit. 1). — (Fin XVe). || Petites gens (→ Déroger, cit. 6). — Les simples gens : les prolétaires (cliché du voc. soviétique traduit). — Des gens simples, aux habitudes simples et modestes.
15 Maintenant, monsieur, car d'après mes ordres tout le monde ici va vous appeler monsieur, et vous sentirez l'avantage d'entrer dans une maison de gens comme il faut (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VI.
16 Il fallait un rêve ardent pour donner la vie aux idées de ces petites gens, presque tous mornes, bouffons, plats et bas sur pattes.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », II.
17 Sa clientèle était surtout composée de gens titrés, d'hommes de lettres éminents et de rastaquouères illustres. Les gens titrés le traitaient poliment et le payaient régulièrement (…)
Valery Larbaud, Barnabooth, p. 11.
17.1 Oh ! s'il s'agissait que de lui, il est digne de tous les échafauds ! Mais, lui, je lui mangerais le cœur ! Mais il s'agit de nous tous, les gens comme il faut du pays !
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le bonheur dans le crime ».
REM. Gens de bien, gens d'esprit, gens du monde ont pu être considérés comme des adjectifs et recevoir la marque du comparatif ou du superlatif. Mais aujourd'hui, des expressions comme les plus gens de bien (que Littré donne avec des citations de Bossuet, de Bourdaloue et de Massillon) ne sont plus en usage.
♦ Les gens du pays, du village. ⇒ Habitant. || Gens du Nord, du Midi (de la France). || Gens de couleur (cit. 14). || Les gens d'aujourd'hui, d'autrefois (→ Alors, cit. 5). || Les gens de ma génération (→ Engendrer, cit. 8). — Gens de gauche, de droite, en politique (→ Chemise, cit. 6). — Rencontrer des gens de connaissance (cit. 30). || Les gens qu'on a connus (→ Authentique, cit. 17). || Les gens qu'on aime (→ Assaisonnement, cit. 7; auprès, cit. 11; changer, cit. 65).
18 (…) tous les gens du village, hommes, femmes, enfants (…)
Hugo, les Misérables, I, I, III.
19 Les gens des champs, les gens d'ici
Ont du malheur à l'infini.
Verhaeren, Campagnes hallucinées, « Le départ ».
20 Les vieilles gens se plaisent aux cachotteries, n'ayant rien à montrer qui vaille.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 234.
♦ (1538, Estienne). || Jeunes gens : personnes jeunes, célibataires, filles et garçons (⇒ Adolescent). || Un groupe de jeunes gens. || Aimer la compagnie des jeunes gens. ⇒ Jeunesse.
♦ (Plur. de jeune homme; → Homme). || Les jeunes filles et les jeunes gens. ⇒ Garçon (→ Attirer, cit. 39; avarice, cit. 6; balancer, cit. 18; bonheur, cit. 4). — REM. « On dit habituellement — remarque Littré — Ce sont des jeunes gens et non de jeunes gens, à cause que, l'adjectif étant accolé, jeunes gens est regardé comme un mot unique ». Cependant, avec un qualificatif précédant jeunes gens on emploiera de. De beaux, de charmants jeunes gens.
21 Il aura même la jalousie du passé, maladie des très jeunes gens aux débuts de leur vie sentimentale.
Valery Larbaud, Amants, heureux amants, p. 119.
22 Ils y avaient installé un collège pour jeunes gens (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, VI, p. 51.
22.1 (…) il n'aimait pas les jeunes gens; il ne les trouvait pas seulement sans éducation, sans politesse, sans bonne grâce, sans tact; il les tenait pour une race trompeuse jusqu'à la perfidie, insensible jusqu'à la cruauté, méchante et bête jusqu'à la folie. Il montrait parfois un peu plus d'indulgence pour les jeunes gens du temps d'autrefois, du temps où il était jeune.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 676-677.
♦ (V. 1207). Les hommes et les femmes, les humains en général. || Les bêtes et les gens (→ An, cit. 3; bonasse, cit. 4). || Les choses et les gens. — Spécialt, en parlant de personnes déterminées, et parfois d'une seule personne. || Abandonner (cit. 2) les gens. || Traiter les gens… (→ Ainsi, cit. 19; car, cit. 2). || Appeler (cit. 39) les gens par leur nom. || Saluer les gens (→ Approcher, cit. 16). || Vous vous moquez des gens. ⇒ Monde (→ Aller, cit. 79). || Il a une façon de regarder les gens sous le nez ! || « Il ne faut point juger des gens sur l'apparence » (cit. 12).
23 Garde-toi, tant que tu vivras,
De juger les gens sur la mine.
La Fontaine, Fables, VI, 5.
24 (…) tous les soins qu'il donne aux gens et qu'il prodigue aux femmes, ne dissimulent pas le retrait intérieur, ni le quant-à-soi farouche d'un cœur qui a pu se livrer mais ne se livre plus.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », III.
24.1 Il n'y a que ça d'intéressant, d'ailleurs, la vie détaillée de X ou Z (…) Pas celle des « gens », comme dit toujours Esther, la chérie (…) « Est-ce que tu n'as pas peur que les gens pensent que (…) » « Mais est-ce que tu ne crois pas que les gens (…) » « Là, j'ai bien peur que les gens (…) » « Pour Esther, “les gens”, c'est l'instance (…) » On ne fait pas son salut individuellement (…) On agit par rapport aux autres (…)
Ph. Sollers, Femmes, p. 28.
2 (Mil. XVIe). || Gens de…, suivi d'un nom désignant l'état, la profession. || Gens de métier (→ Assembler, cit. 27); de travail (→ Entrepreneur, cit. 4).
♦ (1530). || Gens de robe, gens de justice, gens de loi (⇒ Avocat, avoué, magistrat; → Compter, cit. 8; corruptible, cit.; féroce, cit. 3; filtrer, cit. 9). || Gens de basoche (cit. 1), de chicane (cit. 1). || Gens de police (→ Espion, cit. 5). — (V. 1360). || Gens d'Église. ⇒ Prêtre, moine. — Gens de guerre, d'épée (⇒ Militaire, soldat; → Aboucher, cit. 4). — (Fin XIIIe). || Gens d'armes (vx). ⇒ Gendarme. || Gens de pied, gens de cheval (vx). ⇒ Fantassin; cavalier. — (1636). || Gens de mer. ⇒ Marin. — (1642, Corneille). || Gens de cour (→ Bande, cit. 8; flagorner, cit. 2). ⇒ Courtisan. || Gens d'affaires, de finance. — (1835). || Gens de maison, gens de service (⇒ Domestique, personnel); gens de journée. — (Mil. XVIe). || Gens de lettres. ⇒ Auteur, écrivain, gendelettre (→ Brûlot, cit. 3; cabotin, cit. 1; emboucher, cit. 3; faufiler, cit. 2). || La Société des gens de lettres.
25 Si vous êtes exempt de gens de guerre, vous n'êtes pas exempt de politesse, peut-être ?
Beaumarchais, le Barbier de Séville, II, 14.
26 (…) et nous consulterons, sous des noms supposés, des gens de loi discrets, éclairés, pleins d'honneurs.
Beaumarchais, la Mère coupable, V, 8.
27 (…) il y avait un très beau régiment de gens de pied qui entrait dans les villes où son éminence devait entrer ou coucher.
A. de Vigny, Cinq-Mars, XXV.
27.1 Chaque état a son insulte. Le mépris qui frappe les mots homme de lettres, et homme de loi s'arrête au pluriel. On dit très bien sans blesser personne les gens de lettres, les gens de loi.
Balzac, le Cousin Pons, Pl., p. 670, in D. D. L., II, 3.
27.2 Plusieurs invités se trouvaient réunis dans la maison, principalement des gens de loi et de finance.
Nerval, les Illuminés, 1852, in D. D. L., II, 3.
28 Les gens de lettres, ceux qui sont vraiment dignes de leur nom et de leur qualité, ont été de tout temps sensibles à certains procédés, à certains actes de prévenance et de délicatesse, à certaines choses faites à temps et d'une manière qui honore. Ils s'inquiètent moins de la solidité et de la suite chez les hommes puissants qui passent, que d'une certaine libéralité qui a son principe dans les sentiments.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 12 janv. 1852, t. V, p. 310.
29 Un jour Dumas passait : les divers gens de lettres
Devant son gousset plein s'inclinaient à deux mètres,
En murmurant : « Ils sont trop verts ! »
Th. de Banville, Odes funambulesques, « Le Mirecourt ».
30 (…) la voix, absolument française, a cette lenteur douce, un peu onctueuse, des gens d'Église (…)
Loti, Figures et Choses, Trois journ. de guerre, IV.
3 (V. 1460, Villon). Avec un adj. possessif ou un complément déterminatif. Vieilli. Ceux qui font partie de tel groupe (qu'indique le possessif ou le complément : troupe, alliance, parti, etc.). || Nos gens : ceux qui sont avec nous, nos amis, nos alliés. || Nos gens, ses gens ont été battus. || Tous nos gens sont arrivés. (1273). Spécialt. Soldats (→ Aventurier, cit. 3).
31 Ces mutins ont pour chef les gens de Laodice.
Corneille, Nicomède, V, 3 (→ aussi Assaillir, cit. 3; épée, cit. 1; espionner, cit. 2; exempter, cit. 3).
31.1 Pour la première fois de sa vie (le duc de Vallombreuse) rencontrait une résistance ! Il avait ordonné une chose qui ne s'était pas faite ! Un baladin le bravait ! Des gens à lui s'étaient enfuis rossés par un capitan de théâtre ! Son orgueil se révoltait à cette idée, et il en éprouvait comme une sorte de stupeur.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, IX.
N. B. Les gens dont il est question ici sont des spadassins gagés. Cet emploi de Gautier participe donc à la fois du sens de « soldat » et du sens de « serviteur ». → ci-après.
♦ V. 1130 Anciennt. Domestiques, serviteurs (cit. 1; comment, cit. 20). || Un grand seigneur et ses gens. ⇒ Suite.
32 (…) mon carrosse : où est-ce qu'est mon carrosse ? Mon Dieu ! qu'on est misérable d'avoir des gens comme cela !
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, III, 2.
33 Ah ! les sottes gens que nos gens !
Marivaux, le Jeu de l'amour et du hasard, II, 6.
34 Mes gens, mon cuisinier, mon cocher, le palefrenier, les jardiniers, ma femme de chambre sont de fort honnêtes personnes (…)
Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pl., t. I, p. 291.
34.1 Qu'on dise que je ne nourris pas mes gens !
E. Labiche, la Chasse aux corbeaux, III, 10.
♦ Poét. Mod. ☑ Gens du voyage : personnes appartenant au milieu des spectacles forains (cirque : acrobates, clowns, dompteurs, etc.). ⇒ Forain (II., 2.).
35 Les Chancel, eux, sont des commerçants de plein vent, des nomades, des forains. L'air de la banlieue, presque aussi rugueux que celui de Saint-Flour, leur râpe la peau. Ce sont des gens du voyage, comme ceux du cirque. Comme eux, ils montent et ils démontent leur tente (…) Aujourd'hui ici, demain là.
P. Guth, Lettre ouverte aux idoles, Sheila, p. 88.
4 Droit des gens. ⇒ 1. Gent (3.).
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COMP. Gendarme, gendelettre.
HOM. 1. et 2. Gent.
————————
ÉTYM. 1834; mot latin.
❖
♦ Antiq. rom. Groupe de familles dont les chefs descendaient d'un ancêtre (cit. 1) commun (⇒ Éponyme). || Les membres de la gens (gentiles) portaient le même nom (→ Flétrir, cit. 16.1).
0 La gens était la famille, mais la famille ayant conservé l'unité que sa religion lui commandait, et ayant atteint tout le développement que l'ancien droit privé lui permettait d'atteindre (…) Il était naturel que les membres d'une même gens portassent le même nom, et c'est aussi ce qui arriva (…) L'unité de naissance et de culte se marqua par l'unité de nom.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, p. 121-122.
Encyclopédie Universelle. 2012.