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oreille

oreille [ ɔrɛj ] n. f.
• 1080; lat. auricula
I
1L'un des deux organes constituant l'appareil auditif. fam. esgourde, portugaise. L'oreille droite, gauche. Qui concerne l'oreille. auriculaire. Anat. L'oreille externe ( pavillon, conque) , l'oreille moyenne ( tympan, osselet, trompe [d'Eustache]) et l'oreille interne ( labyrinthe, 1. rocher) . Maladies des oreilles ( otalgie, otite) . Médecin spécialiste des oreilles ( oto-rhino-laryngologiste) . Sécrétion de l'oreille. cérumen. Se faire déboucher les oreilles. Bourdonnement, sifflement, tintement d'oreilles. Par plais. Tes oreilles ont dû siffler, se dit à qqn dont on a beaucoup parlé en son absence. « Les oreilles ont dû vous tinter, Monsieur, on ne parlait que de vous » (Proust). Loc. Écouter de toutes ses oreilles. Être tout yeux, tout oreilles (cf. Être tout ouïe). N'écouter que d'une oreille, d'une oreille distraite. Prêter l'oreille; prêter une oreille attentive. Fermer l'oreille, les oreilles à : refuser d'écouter. Ne pas l'entendre de cette oreille. Faire la sourde oreille : feindre de ne pas entendre, et par ext. d'ignorer une demande. Ne pas en croire ses oreilles. Casser les oreilles. Rebattre les oreilles. Crier dans les oreilles de qqn. Parler, dire qqch. à qqn à l'oreille, dans le creux de l'oreille, de sorte qu'il soit seul à entendre. De bouche à oreille. Le bouche à oreille. Si cela venait à ses oreilles, à sa connaissance. ⇒ apprendre. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd : ces paroles ont été mises à profit. Cela lui entre par une oreille et lui sort par l'autre : il ne fait pas attention à ce qu'on lui dit, ne le retient pas. Ventre affamé n'a pas d'oreilles. Les murs ont des oreilles.
Par méton. Personne qui entend, écoute. Choquer les oreilles pudiques.
Fig. et vieilli Avoir l'oreille de qqn, en être écouté. ⇒ confiance, faveur. Il a l'oreille du maître. « ma bonne camarade (qui a l'oreille du ministre et même l'oreiller) » (Villiers).
Par ext. Ouïe. Être dur d'oreille (cf. fam. De la feuille). Avoir l'oreille fine. Rime pour l'oreille. Avoir l'oreille musicale. « Un homme qui a l'oreille juste et qui joue faux » (Flaubert). Absolt « Avoir de l'oreille, c'est avoir l'ouïe sensible, fine et juste » (Rousseau). Il n'a pas d'oreille, aucune oreille.
2Partie visible de l'organe de l'ouïe, dont la grandeur et la forme varient selon les espèces et les individus. fam. étiquette. Oreilles pointues, décollées, en feuille de chou, en chou-fleur. Oreilles finement ourlées. Lobe de l'oreille. Se faire percer les oreilles. Boucles, pendants d'oreilles. Contour d'oreille. Chapeau sur l'oreille. Emmitouflé jusqu'aux oreilles. Rougir jusqu'aux oreilles. Frotter, tirer l'oreille, les oreilles à qqn, pour le punir. « Veux-tu que je te tire les oreilles ? » (Mac Orlan). Loc. Se faire tirer l'oreille : se faire prier, ne pas céder aisément. Se faire tirer les oreilles : se faire réprimander. Il commence à nous échauffer (chauffer) les oreilles, à nous fâcher, nous énerver. Dormir sur ses deux oreilles : ne pas s'inquiéter. — Fam. Bien dégagé sur les oreilles, se dit d'une coupe de cheveux très courte, spécialt d'une coupe militaire. Avoir qqch. entre les oreilles, dans la tête.
Oreilles d'animaux. Oreilles d'âne. Lapin qui remue les oreilles. Les oreilles pendantes du cocker. Loc. (s'appliquant à des personnes) Montrer le bout de l'oreille : se trahir. Dresser, tendre l'oreille. Avoir l'oreille basse. Avoir, mettre la puce à l'oreille.
IIPar anal. de forme
1Partie saillante ressemblant au pavillon de l'oreille. Oreilles d'un ballot, d'un sac : plis de la toile aux coins, servant à le manier. — Oreille d'une charrue. versoir. Techn. Chacun des deux appendices symétriques d'un écrou servant à le tourner. ailette. Écrou à oreilles. papillon. Mar. Partie élargie à chaque extrémité de la patte d'une ancre.
Chacun des deux appendices symétriques (généralement pleins) de récipients et ustensiles, par lesquels on les saisit. anse. Oreilles d'une cocotte, d'une marmite, d'un bol. orillon.
2Chacune des deux parties latérales du dossier de certains fauteuils, sur laquelle on peut appuyer sa tête. oreillard. Bergère à oreilles.
Oreillette. Bonnet à oreilles.
3Vx Pli au coin d'un feuillet de livre. corne.
4 (Nom d'animaux, de plantes) Oreille de mer. haliotide. Oreille de souris. myosotis.

oreille nom féminin (latin auricula) Organe pair de l'audition et de l'équilibration. Chez les mammifères, partie externe de l'organe, placée de chaque côté de la tête et de forme variable selon les espèces. Ouïe, sens par lequel on perçoit les sons : Avoir l'oreille fine. Aptitude à reconnaître et, en particulier, à se souvenir des sons, des mélodies : Avoir de l'oreille. Saillie, appendice destinés à la préhension de certains récipients et qui se présentent par paires : Les oreilles d'une marmite. Pli de toile noué à chaque coin d'un ballot pour le saisir, le remuer, le transporter. Métallurgie Bossage percé d'un trou où viendra se loger une broche, une vis, etc. Mobilier et décoration Chacun des deux appuis latéraux saillants, rembourrés, de part et d'autre de la partie haute du dossier de certains fauteuils (confessionnal). ● oreille (citations) nom féminin (latin auricula) Hans Arp ou Jean Arp Strasbourg 1887-Bâle 1966 Si quelqu'un a des oreilles, qu'il voie, si quelqu'un a des yeux, qu'il entende. Jours effeuillés Gallimard Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 Un secret a toujours la forme d'une oreille. Le Rappel à l'ordre Stock Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Ventre affamé n'a point d'oreilles. Fables, le Milan et le Rossignol Térence, en latin Publius Terentius Afer Carthage vers 185-159 avant J.-C. Je tiens le loup par les oreilles. Auribus teneo lupum. Phormion, III, 2 Commentaire Cette expression signifie : se trouver dans une position difficile et dont on ne sait comment sortir ; et parfois, au contraire, surmonter une difficulté. Bible Écoutez donc ceci, peuple stupide et irréfléchi : avec leurs yeux, ils ne voient rien, avec leurs oreilles, ils n'entendent rien ! Ancien Testament, Jérémie V, 21 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Elles ont une bouche et ne parlent pas, elles ont des yeux et ne voient pas, elles ont des oreilles et n'entendent pas. Ancien Testament, Psaumes CXV, 5-6 les idoles Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Que celui qui a des oreilles entende ! Évangile selon saint Matthieu, XIII, 9 oreille (difficultés) nom féminin (latin auricula) Orthographe 1. On écrit bourdonnement d'oreille, sifflement d'oreille, avec oreille au singulier, de préférence à bourdonnement d'oreilles, sifflement d'oreilles. Le singulier s'impose si le contexte indique qu'une seule oreille est affectée, par exemple : j'ai à droite un bourdonnement d'oreille très désagréable. - Le mot s'accorde en nombre dans boucle d'oreille : elle a mis ses jolies boucles d'oreilles, elle a perdu une boucle d'oreille. - Toujours au pluriel dans l'expression être tout yeux, tout oreilles. 2. Oreille en composition. Les noms composés (notamment de plantes, d'animaux ou de dispositifs techniques) formés sur le modèle oreille-de-... s'écrivent avec deux traits d'union. Au pluriel, oreille prend un s, le troisième élément reste invariable : une oreille-d'âne, une oreille-de-chat, une oreille-de-Judas, une oreille-de-mer, une oreille-de-souris. - Plur. : des oreilles-d'âne, des oreilles-de-chat, des oreilles-de-Judas, des oreilles-de-mer, des oreilles-de-souris. Emploi Avoir les oreilles rebattues de qqch. → rebattreoreille (expressions) nom féminin (latin auricula) À l'oreille, dans le creux de l'oreille, tout bas, en secret et en s'approchant de l'oreille de l'interlocuteur. Aux oreilles de quelqu'un, à sa connaissance. Avoir l'oreille de quelqu'un, avoir sa confiance, être écouté de lui. Familier. Avoir les oreilles battues et rebattues de quelque chose, en avoir par-dessus les oreilles, être fatigué de l'entendre, être exaspéré par les propos de quelqu'un. Bourdonnements d'oreille, synonyme de acouphène. Cholestéatome de l'oreille moyenne, tumeur bénigne de l'oreille moyenne, le plus souvent localisée à la caisse du tympan. Dresser, tendre l'oreille, chercher à entendre ; être attentif. Entrer par une oreille et sortir par l'autre, ne pouvoir demeurer dans l'esprit de quelqu'un de distrait ; être oublié sitôt entendu. Faire la sourde oreille, se boucher les oreilles, faire semblant de ne pas entendre ; refuser d'accéder à ce qui est proposé. Montrer le bout de l'oreille, laisser deviner son vrai caractère ou ce qu'on voulait tenir caché. N'écouter que d'une oreille, être peu attentif à ce qui est dit. Pavillon de l'oreille, partie apparente de l'oreille externe. Prêter l'oreille (à quelque chose), écouter ; écouter favorablement. Se faire tirer l'oreille, résister, se faire prier longtemps, ne céder qu'avec peine. Tirer les oreilles à quelqu'un, le châtier, le réprimander pour quelque petit méfait. Oreille absolue, aptitude à identifier directement les sons musicaux. Écrou à oreilles, écrou de serrage muni latéralement de deux parties saillantes permettant de le visser manuellement.

oreille
n. f.
d1./d Organe de l'ouïe. Se boucher les oreilles.
|| ANAT Chacun des trois segments de l'appareil auditif. Oreille externe, oreille moyenne, oreille interne (V. encycl. ci-après).
|| Loc. Parler à l'oreille de qqn., de manière à n'être entendu que de lui.
Fig. Prêter l'oreille: écouter attentivement.
d2./d Ouïe, perception des sons. Musique qui flatte l'oreille. être dur d'oreille, un peu sourd.
Faire la sourde oreille: feindre de ne pas entendre ce que l'on dit, ce que l'on demande.
Absol. Avoir de l'oreille: bien distinguer les sons musicaux.
d3./d Pavillon de l'oreille. Boucles d'oreilles. Tirer les oreilles.
Fig. Se faire tirer l'oreille pour...: n'accepter qu'avec réticence de...
|| Loc. fig. Mettre la puce à l'oreille: éveiller les soupçons. Montrer le bout de l'oreille: laisser entrevoir sa véritable personnalité, ses intentions cachées.
d4./d Ce qui rappelle une oreille par sa forme, son aspect. Les oreilles d'un récipient: les deux appendices en vis-à-vis qui servent à le tenir.
|| TECH écrou à oreilles, muni de deux ailettes qui permettent de le manoeuvrer sans utiliser de clé.
|| Oreille-de-mer: haliotide.
|| (Afr. subsah.) Oreille d'éléphant: nom de diverses plantes à larges feuilles et à tubercule souvent comestible; Syn. de taro(t).
Encycl. Anat. - L'oreille est un organe d'audition mais également d'équilibre. L'oreille externe se compose du pavillon de l'oreille et du conduit auditif externe. L'oreille moyenne est constituée par plusieurs cavités situées dans le rocher et qui communiquent entre elles: la caisse du tympan, la trompe d'Eustache et les cavités mastoïdiennes; le tympan est une membrane qui transmet ses vibrations à l'oreille interne par l'intermédiaire de 3 osselets: le marteau, l'enclume et l'étrier. L'oreille interne se compose de deux parties: le labyrinthe, membraneux, qui, formé des canaux semi-circulaires et du vestibule, est responsable des fonctions d'équilibre; le limaçon, ou cochlée, qui possède la fonction d'audition proprement dite. Le récepteur sensoriel de l'ouïe, l'organe de Corti, contient les cellules sensorielles et se prolonge à son extrémité inférieure par le nerf cochléaire, branche du nerf auditif qui gagne le lobe temporal.

⇒OREILLE, subst. fém.
I. —Organe sensoriel.
A. ANAT., PHYSIOL. L'un des deux organes de l'audition et de l'équilibration des Vertébrés, constitué d'éléments logés dans la boîte crânienne et, dans certaines classes, d'éléments visibles. Oreille droite, gauche:
1. L'oreille nous apparaît, telle que nous la voyons s'exercer dans sa fonction auditive, comme un complexe capable de percevoir et d'analyser les pressions acoustiques (...). Elle défie, dans sa précision et sa rapidité d'exécution, toutes les possibilités des machines de laboratoire, si perfectionnées soient-elles.
A. TOMATIS, L'Oreille et le lang., 1978, p.60.
Oreille interne. Cavité située dans le rocher, composée de deux parties anatomiquement et physiologiquement distinctes: la cochlée qui transforme le message sonore physique en influx nerveux, le vestibule et les canaux semi-circulaires intervenant dans l'équilibration. Ces engins [des champs de foire] dépasseraient évidemment leur but, s'il ne s'agissait que d'affoler les organes de l'oreille interne, dont dépend le sens de l'équilibre (Jeux et sports, 1967, p.172). L'appareil stato-acoustique [des Poissons] est représenté par l'oreille interne constituée comme chez les Tétrapodes (Encyclop. univ. t.13 1978, p.209).
Oreille moyenne. Cavité remplie d'air, limitée vers l'extérieur par le tympan qui, par l'intermédiaire de la chaîne des osselets, transmet les vibrations sonores à l'oreille interne. Certains des malades privés du dispositif de l'oreille moyenne n'entendent que des bruits dépourvus de tonalité et indépendants de la fréquence des oscillations (PIÉRON, Sensation, 1945, p.185).
Oreille externe. Partie visible de l'oreille assurant la réception des vibrations sonores. L'oreille externe —C'est une nouveauté mammalienne. Le tympan, primitivement à fleur de peau, s'enfonce dans un conduit auditif externe, orné en dehors par un pavillon orientable par des muscles peauciers (qui peuvent être atrophiés comme dans l'espèce humaine) (Zool., t.3, 1972, p.644 [Encyclop. de la Pléiade]).
B. Cour. [Chez l'homme]
1. Organe de l'ouïe. Par suite d'un refroidissement, il lui vint une angine; peu de temps après, un mal d'oreilles (FLAUB., Coeur simple, 1877, p.56). Ah! ce que je souffre dans ce moment de ma superesthésie dans l'oreille (...). Sans doute un déplacement du tympan, un jour que je me suis mouché trop fort (GONCOURT, Journal, 1894, p.670).
♦[P. allus. à l'École des Femmes de Molière] Georgette n'en était plus, comme Agnès, à croire que les enfants se font par l'oreille, mais ce mystère ne l'en inquiétait pas moins (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.174).
a) [L'oreille, siège de sensations sonores dues à des phénomènes internes] Avoir des bourdonnements, des bruissements, des tintements d'oreilles/dans les oreilles; avoir les oreilles bourdonnantes, sifflantes; mes/tes oreilles bourdonnent, cornent, sifflent. La nuit (...) est troublée par des rêvasseries d'halluciné, les oreilles tintent, la tête tourne, le délire commence (VALLÈS, Réfract., 1865, p.41). Il a couru si vite qu'il ne peut plus respirer. Son coeur bat, son sang bruit dans ses oreilles: un chemin de fer, qui roule sous un tunnel (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1591).
Expr. fam. Les oreilles ont dû vous tinter, vous siffler. On a beaucoup parlé de vous en votre absence. Les oreilles ont dû vous tinter ce soir. —Pourquoi donc, madame? —On a beaucoup parlé de vous chez moi (AUGIER, Effrontés, 1861, p.402).
b) Ensemble de l'appareil auditif envisagé dans sa fonction de perception, d'identification des sons, de compréhension des messages sonores et p. méton. ouïe. Ne pas en croire ses oreilles; ouïr, entendre de ses deux oreilles; avoir des oreilles et ne pas entendre. Je tire le voile sur des horreurs, dont mes oreilles seules furent à demi témoins (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.115). Des mots, des formules bizarres frappaient ses oreilles. «Avez-vous vu Dick?» «Mes bijoux» «Maman... maman» (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p.226). On nous annonça qu'il ne s'était rien passé et que nos oreilles avaient mal entendu (CAMUS, État de siège, 1948, 1re part., p.204).
Aller, venir aux oreilles de qqn. Être entendu et p. méton. parvenir à la connaissance de quelqu'un (alors qu'on ne le souhaite pas). Trois ans plus tard, elle était sourde (...). Un seul bruit arrivait maintenant à ses oreilles, la voix du perroquet (FLAUB., Coeur simple, 1877, p.56). Le motif du duel avorté étant purement imaginaire, il fallait empêcher qu'il parvînt aux oreilles de l'officier arbitrairement mis en cause (PROUST, Sodome, 1922, p.1073).
[Avec des verbes exprimant la nature ou l'intensité des sons] Résonner, retentir, sonner à l'oreille/aux oreilles. Une cloche de bois tintait à ses oreilles, en syllabes sourdes, «pour toujours» (VERLAINE, OEuvres compl., t.4, Louise Leclercq, 1886, p.145). La vitesse faisait siffler à nos oreilles une légère brise (BENOIT, Atlant., 1919, p.293).
[Dans des loc. évoquant l'attention de la pers. qui écoute ou au contraire l'inattention]
Avoir l'oreille au guet, aux aguets; avoir l'oreille en campagne (rare). Je demandais à Nieuwerkerke l'adresse de la princesse Julie. La princesse Mathilde, qui a toujours l'oreille en campagne, nous dit: «Hein? Qu'est-ce que vous demandez?» (GONCOURT, Journal, 1864, p.37).
Écouter de toutes ses oreilles, n'écouter que d'une oreille; être (tout yeux) tout oreilles (cf. être tout ouïe). S'enfonçant dans son fauteuil avec le ramassement de l'homme qui se dispose à écouter, qui devient tout oreilles, il mit son menton dans sa main (A. DAUDET, Nabab, 1877, p.143).
Prêter, tendre l'oreille (à qqc.); dresser l'oreille; oreille tendue. Quand on prêtait l'oreille, on entendait aussi un tout petit bruit comme celui d'un ruisseau dans sa rigole (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p.51). V. fouiner ex. 2.
Avoir l'oreille à qqc. Fixer son attention sur un objet capable d'émettre un son. Chez les autres l'ennui commence avec la tâche, ils font juste, jusqu'au point où la réprimande sévirait, ils ont l'oeil sur le soleil et l'oreille à la cloche (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p.262).
P. anal., expr. Les murs ont des oreilles.
Entrer par une oreille et sortir par l'autre.
Ouvrir, fermer l'oreille/les oreilles; se boucher les oreilles.
Ne pas avoir d'oreille(s). Refuser d'entendre, de savoir, de comprendre. Mary-Ann essaya de calmer sa mère, mais la bonne dame n'avait pas d'oreilles (ABOUT, Roi mont., 1857, p.60). Il constatait la surdité des hauts lieux. Les privilégiés n'ont pas d'oreille du côté des déshérités (HUGO, Homme qui rit, t.3, 1869, p.186). Proverbe. Ventre affamé n'a pas d'oreilles.
Ne pas mettre ses oreilles dans sa poche. Ne rien perdre de ce qui se dit. Il s'assit, sans souffler, sur le sable, et ne mit pas ses oreilles dans sa poche (SAND, F. le Champi, 1848, p.208).
♦[Avec adj. exprimant l'attitude, l'état d'esprit de la pers. qui écoute] Prêter une oreille indulgente, complaisante; tendre une oreille avide. [Les Français] sont incapables de se plaire à des oeuvres issues d'une esthétique inconnue. Ils ne feraient pourtant que leur devoir, s'ils les écoutaient quelquefois d'une oreille et d'un esprit moins fermés (P. LALO, Mus., 1899, p.389). Mon camarade (...) prête maintenant une oreille amusée au «phénomène vocal», une dame brune qui file des contre-mi presque insaisissables (COLETTE, Music-hall, 1913, p.17).
[Dans des loc. évoquant une manière de parler à la pers. qui vous écoute] Chuchoter, glisser, murmurer à l'oreille, dans le creux de l'oreille, dans le cornet de l'oreille; crier aux oreilles. La Templinerie, aussi sourd qu'un pot, essayant en vain d'entendre ce qu'on lui cornait aux oreilles (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p.48). Boulingrin, souffla la duchesse à son vieil ami dans le tuyau de l'oreille, est-ce que cette affaire ne vous paraît pas louche? (A. FRANCE, Hist. duchesse de Cigogne, 1909, p.153).
Au fig. J'ai reçu avec un extrême plaisir votre lettre confidentielle du 1er juillet. J'en avais besoin, car depuis longtemps nous ne nous étions rien dit à l'oreille (J. DE MAISTRE, Corresp., t.4, 1812, p.246).
De bouche à oreille ou d'oreille à oreille. Confidentiellement. Les plus grands chagrins ont accablé madame de B... (...). Je ne puis rien vous en dire; ce sont de ces choses dont on se parle d'oreille à oreille (BALZAC, Lettres Étr., t.1, 1834, p.161).
[Dans des empl. ou loc. évoquant les capacités de l'oreille, la sensibilité de l'ouïe]
) [La capacité de percevoir simplement les sons] Avoir bonne oreille, avoir l'oreille fine; c'est ma bonne, ma mauvaise oreille; avoir l'oreille dure, être dur d'oreille, être sourd d'une oreille/des deux oreilles; l'oreille durcit. [Charles X] s'assit auprès de la même table, penchant vers moi sa bonne oreille pour mieux entendre (CHATEAUBR., Mém., t.4, 1848, p.217). Si j'ai une oreille paresseuse, je dois regarder plus attentivement de ce côté-là en traversant les rues (ALAIN, Propos, 1921, p.342).
Au fig. Faire la sourde oreille; ne pas tomber dans l'oreille d'un sourd; ne pas l'entendre de cette oreille.
) [La capacité naturelle ou acquise par l'éducation, l'habitude, de distinguer les moindres nuances des sons, d'en goûter l'harmonie] Un bruit de grelots et le petit trot d'un cheval firent sursauter Séryeuse. Son oreille ne pouvait s'y tromper; c'était la voiture de sa mère (RADIGUET, Bal, 1923, p.124).
MUS. Avoir l'oreille juste, musicale, sensible, fausse; affiner, éduquer, exercer, former l'oreille; gâter l'oreille; jouer d'oreille. Dans mon enfance, j'avais l'oreille très délicate et l'on s'amusait souvent à me faire désigner la note produite par tel ou tel objet sonore (SAINT-SAËNS, Harm. et mélod., 1885, p.241). L'autre danger que dénonce Igor Strawinsky dans ses mémoires: «L'habitude continue d'écouter des timbres altérés et parfois défigurés, abîme l'oreille, laquelle désapprend ainsi à jouir du son musical naturel» (MAURIAC, Journal 2, 1937, p.129).
Avoir de l'oreille. Avoir l'oreille juste. Êtes-vous capable de me dire si le troisième violon a fait une fausse note à l'ouverture du troisième acte? —Non. —Alors taisez-vous. Vous n'avez pas d'oreille (MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p.166).
Oreille absolue. ,,On dit qu'un sujet a une oreille absolue quand il est apte à reconnaître ou à reproduire la hauteur de sons isolés, sans les mettre en rapport avec d'autres sons de hauteur connue`` (Éduc. 1979).
P. anal. [En poésie ou dans la prose] Rime pour l'oreille. Feriez-vous rimer trône et couronne? L'oreille, il faut l'avouer, n'est pas très satisfaite de cette rime (A. FRANCE, Servien, 1882, p.163). Racine écrivait pour les oreilles; son vers est remarquablement plein; la faute de l'e muet est rare dans son oeuvre (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.234).
♦[Pour une époque, un groupe social particulier] Qui de nous se fait une idée de l'harmonie de la prose de Démosthène et de Cicéron, de la cadence des vers d'Alcée et d'Horace, telles qu'elles étaient saisies par une oreille grecque et latine? (CHATEAUBR., Mém., t.1, 1848, p.509). On a cru noter (...) que l'oreille moderne n'entendait plus certaines tonalités discernables jadis (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.51).
[Dans des empl. ou loc. évoquant la manière dont l'oreille, la sensibilité de l'auditeur est affectée par les sons] Charmer, satisfaire l'oreille/les oreilles; blesser, choquer, déchirer, écorcher l'oreille/les oreilles; assourdir, étourdir les oreilles. Du banc des officiers partirent des huées et des sifflets à fendre les oreilles (MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p.122). Lucien avait réellement l'oreille offensée par la voix éclatante de ce bel homme (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.31).
Fam. Casser les oreilles. Faire beaucoup de bruit et p.ext. importuner. Non, mais, Paule! Est-ce que tu vas nous foutre la paix, oui! —Vous dites? (...) —Je dis que tu nous casses les oreilles. Laisse ces enfants tranquilles (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.70).
Battre, rebattre les oreilles et aussi rabattre les oreilles. Ennuyer en répétant toujours la même chose. Une vieille rengaine de Massenet, dont la petite nous rebat les oreilles (PROUST, Prisonn., 1922, p.11).
Rem. Les grammairiens normatifs condamnent rabattre les oreilles. ,,On rebat (et non rabat) les oreilles de quelqu'un (...). L'expression rebattre les oreilles est évidemment l'expression correcte. Il est certain que dans l'usage parlé on utilise parfois —mais pour rire —l'expression rabattre les oreilles, qui prend une valeur imagée plus expressive`` (DUPRÉ 1972).
En partic. [À propos de mots choquants, crus] Terme qui choque, offense l'oreille. [Rimbaud] venait à la bibliothèque de ladite ville et y demandait des ouvrages malsonnants aux oreilles du bibliothécaire en chef (VERLAINE, OEuvres compl., t.4, Poètes maud., 1884, p.19). —Patron... commença l'inspecteur. Le magistrat tressaille toujours à ce mot grossier auquel son oreille ne peut se faire (BERNANOS, Crime, 1935, p.829).
[Suivi d'un adj. qualifiant la pers. qui écoute] Choquer les oreilles innocentes, sensibles de qqn; avoir l'oreille prude. La mère de Georgette était venue seule, ne se souciant pas d'exposer les chastes oreilles de sa fille aux plaisanteries un peu crues d'un déjeuner de chasseurs (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.140). Dans la bouche de Milan, elle [la crudité du langage] avait un naturel qui blessait les oreilles civilisées (AYMÉ, Travelingue, 1941, p.61).
c) Mémoire de l'oreille [et empl. évoquant la mémoire auditive]. L'oreille encore pleine des applaudissements tarasconnais (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p.49). Anaïs, Luce, quelques autres, ont heureusement une bonne mémoire de l'oreille, et me suivent de la voix dès la troisième fois (COLETTE, Cl. école, 1900, p.247).
Avoir dans l'oreille. Se souvenir (de sons, de paroles). J'ai encore dans l'oreille cette voix spéciale que tu prenais alors, lorsque ta vanité était en jeu (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.66).
2. P. méton. Personne qui écoute. Se garer des oreilles curieuses; les oreilles ennemies écoutent. Il se tuait à faire comprendre à la marquise d'Espard, à madame de Nucingen et à la comtesse, dans une conversation à huit oreilles, qu'elles devaient admettre madame Rabourdin dans leur coalition (BALZAC, Employés, 1837, p.210). Prudemment, la Pierronne se taisait, à présent qu'il y avait trop d'oreilles (ZOLA, Germinal, 1885, p.1226):
2. L'homme se remit à parler, avec cette volubilité des solitaires qui pensent avoir enfin rencontré une oreille bienveillante...
DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.135.
Avoir une oreille dans (un lieu). Connaître une personne qui vous rapporte tout ce qu'il s'y passe. Valérie (...) voulant avoir une oreille dans la famille Hulot, caressait beaucoup la vieille fille (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.92).
Être l'oreille de qqn. Recueillir des informations pour son compte. Basile: Semen est un habile ministre, zélé pour le bien public (...). Il est l'oreille de notre glorieux tsar. Fedor: Plût au ciel que notre glorieux tsar eût une oreille moins avide à recueillir les dénonciations! (MÉRIMÉE, Débuts aventur., 1853, p.317).
3. Au fig.
a) L'oreille du coeur, l'oreille intérieure. La sensibilité. Renan, dans la Prière sur l'Acropole, en tira [du voyage de Grèce] le cantique de l'esprit, un lied de l'intelligence, léger et fait de rien, mais que notre oreille intérieure ne peut plus écarter (THIBAUDET, Réflex. crit., 1936, p.9). Je savais avec ce mot que je trouverais l'oreille de votre coeur (CLAUDEL, Soulier, 1944, 1re part., 2e journée, 3, p.1008).
b) Confiance que l'on accorde à quelqu'un. [L'évêque] commençait à retirer chaque jour un peu plus de son oreille aux religieux (FABRE, Lucifer, 1884, p.70).
Avoir l'oreille de qqn. Avoir toute sa confiance, en être écouté favorablement. Avoir l'oreille du roi, c'est tirer et pousser à sa fantaisie le verrou de la conscience royale, et fourrer dans cette conscience ce qu'on veut (HUGO, Homme qui rit, t.2, 1869, p.28). Donc passons sur l'Écho de Paris (...) mais n'as-tu pas l'oreille de quelques autres journaux où je pourrais travailler? (VERLAINE, Corresp., t.1, 1890, p.233).
C. En partic. Oreille externe et principalement pavillon de l'oreille.
1. [Chez l'homme] La conversation générale des femmes sur la plage: leurs oreilles, qu'elles se sont fait percer pour mettre des boucles d'oreille (GONCOURT, Journal, 1864, p.66). Un petit morvandiau, tout brun? (...) qui a les oreilles sans ourlet et la peau tannée? (R. BAZIN, Blé, 1907, p.29):
3. ... il passait et repassait la main sur les oreilles décollées, qui pliaient le long de la joue et se redressaient comme des ressorts, et devenaient brûlantes...
MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p.673.
SYNT. Hélix, lobe, lobule, tragus de l'oreille; oreille(s) grande(s), petite(s), bien contournée(s), bordée(s), ourlée(s), rouge(s), transparente(s); oreilles broussailleuses, poilues, velues; oreilles détachées, écartées, en feuilles de choux, en chou-fleur; (se) laver les oreilles, mettre du coton dans ses oreilles; se frotter, se gratter l'oreille; enfoncer son chapeau jusqu'aux oreilles, remonter son col jusqu'aux oreilles; mettre son crayon sur l'oreille; appliquer, coller son oreille contre une porte; anneaux, pendants d'oreilles.
Avoir, mettre, poser (son chapeau) sur l'oreille. [Signe de détermination ou d'insouciance, de laisser-aller] Alfred avait le canotier sur l'oreille. Loin de sa femme, ce petit quadragénaire gras reprenait du poil de la bête (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.215). Il marchait en balançant les poings, son chapeau mou crânement posé sur l'oreille (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.205).
Couper une oreille, les oreilles. [Pour châtier les malfaiteurs, les voleurs autrefois, ou pour menacer] Jeune homme, j'ai eu le bonheur, à Bristol, de n'avoir qu'une oreille coupée quand je méritais qu'il ne m'en restât pas une (JANIN, Âne mort, 1829, p.68).
Frotter les oreilles, donner sur les oreilles, secouer les oreilles à qqn. Donner une correction. Je vais te secouer les oreilles, fumiste! Filou! (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 2e tabl., p.51).
Pincer, tirer les oreilles; prendre par l'oreille. [Pour châtier, surtout pour punir un enfant] Spinello, tu es bien ignorant pour ton âge. J'ai grande envie de te tirer les oreilles comme à un mauvais écolier (A. FRANCE, Puits ste Claire, 1895, p.79). J'aurais pris le gamin par les oreilles et je vous l'aurais fouetté avec une bonne poignée d'orties (BERNANOS, Crime, 1935, p.815).
Loc. fam. Avoir la puce à l'oreille. Dépendre les oreilles. Dormir sur ses deux oreilles, sur l'une ou l'autre oreille; ne dormir que d'une oreille. Fendre l'oreille. Pendre à l'oreille.
En avoir sur l'oreille (vieilli). ,,Être fatigué, abattu`` (LITTRÉ).
Ne pas avoir de coton dans les oreilles. Ne rien perdre de ce qui se dit. Certain Boniface (...) s'était vanté jadis de n'avoir jamais eu de la cire aux yeux, ni les prunelles à la poche, ni du coton dans les oreilles (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p.310).
Chauffer, échauffer les oreilles. Agacer. Avoir chaud aux oreilles. Être agacé. C'était la seconde fois, cet après-midi là, qu'on autorisait ainsi quelqu'un à lui parler. Et ce n'était pas seulement parce que (...) il était en vacances. C'était une question de caste, en quelque sorte, et le commissaire commençait à en avoir chaud aux oreilles (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.119).
Se faire tirer l'oreille. Se faire prier, être peu enclin à faire quelque chose. La main leste à la poche, ne se faisant jamais tirer l'oreille pour payer des glaces ou du punch, il prêtait cinquante francs sans jamais les redemander (BALZAC, Employés, 1837, p.88).
P. métaph. Sa destination avait toujours été d'être magnifique; mais ses rentes se faisaient un peu tirer l'oreille (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.389).
Y laisser ses oreilles. ,,Être maltraité`` (LITTRÉ). Rapporter ses deux oreilles. Revenir sain et sauf d'une aventure, d'une entreprise dangereuse. Après avoir été la dupe d'une femme, il devait être la dupe du monde et des fausses amitiés. L'expérience qu'il a gagnée est chèrement payée, voilà tout. Nos ancêtres disaient: pourvu qu'un fils de famille revienne avec ses deux oreilles et l'honneur sauf, tout est bien (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.576). Croyez-vous mon fils capable de s'afficher avec cette ouvrière? —Et quand cela serait, répondit le barbier en riant, pourvu qu'un garçon rapporte au logis ses deux oreilles, il n'y a pas à s'inquiéter du reste (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.24).
Pédaler avec les oreilles. ,,Dodeliner de la tête en pédalant, signe extérieur d'une grande fatigue`` (Glossaire du sport cycliste ds Vie Lang. 1966 n°173, p.452).
P. exagér. [À propos d'un rire, d'une grimace] Rire d'une oreille à l'autre. Et Pierrot d'élargir jusqu'aux oreilles une grimace enfarinée (BERTRAND, Gaspard, 1841, p.84). Un rire d'allégresse fendait sa bouche jusqu'aux oreilles, ses yeux tout ronds s'illuminaient (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.120).
Loc. adv. fam. à valeur intensive
Jusqu'aux oreilles. Entièrement. Être crotté jusqu'aux oreilles. Elle rencontre son regard et rougit jusqu'aux oreilles (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1478).
Au fig. Synon. jusqu'au cou. Être dans une affaire jusqu'aux oreilles. Oh! Oh! comme je vais être seul maintenant! Et me voilà dans le malheur jusqu'aux oreilles! (MAETERL., Maleine, 1889, p.221).
Par-dessus les oreilles
Autant que l'on peut, à l'excès. Si l'on avait pu voir dans toutes les chambres, on aurait assisté à quelque chose de drôle, le petit monde s'en donnant par-dessus les oreilles (ZOLA, Nana, 1880, p.1314). Pour neuf lecteurs sur dix, un roman est un plat dont ils s'empiffrent et dont ils veulent avoir par-dessus les oreilles (A. FRANCE, Vie littér., 1892, p.318).
En avoir par-dessus les oreilles. En avoir assez, être accablé. Synon. en avoir par-dessus la tête. Quant à la Cibo, j'en ai par-dessus les oreilles: hier encore, il a fallu l'avoir sur le dos pendant toute la chasse (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, IV, 1, p.214).
En loc. adj., vieilli. Vin d'une oreille. Bon vin (,,parce que le bon vin fait pencher la tête de celui qui le goûte d'un côté seulement``, (LITTRÉ);) vin de deux oreilles. Mauvais vin (,,parce qu'on secoue la tête et par conséquent les deux oreilles``, (Littré).)
Rem. Explication différente chez A. France (Rabelais, 1909, p.3): Et, quand il s'écrie que le pineau est à une oreille, c'est que les Chinonais mettaient le bon vin dans des cruchons à une oreille, ou (...) à une seule anse.
2. [Chez les animaux] L'âne qui marche en tête, l'âne coronel, a toujours un petit plumet qui marque sa supériorité dans la hiérarchie de la gent à longues oreilles (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p.70). Les oreilles [du taureau] pointaient, tantôt l'une, tantôt l'autre, tantôt les deux à la fois, dans un mouvement sans repos (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.526):
4. [Le lièvre] dort, les oreilles soigneusement rabattues sur le dos, pareil à une grosse pierre terne (...) et les bouts noirs et blancs de ses oreilles frémissent quand un bruit étrange aux rumeurs coutumières de la forêt heurte ses notes discordantes au concert monotone qui berce son sommeil.
PERGAUD, De Goupil, 1910, p.127.
SYNT. Oreilles larges, petites, pointues, rondes; oreilles mobiles; oreilles aplaties, couchées, droites, pendantes; coucher, dresser, remuer les oreilles; chauvir des oreilles; couper, tailler les oreilles d'un chien.
♦[Chez le cheval] Les oreilles sont un élément important de la beauté de la tête quand elles sont hardies, c'est-à-dire quand leur taille, leur forme, leur port sont corrects. Trop grandes, ce sont des oreilles d'âne (...). Si les oreilles sont ballottantes pendant la marche, on dit que le cheval a des oreilles de cochon ou qu'il a les oreilles plaquées (Larousse du cheval, 1975, p.195).
♦[P. allus. au conte du Petit Chaperon Rouge] Léo: Tais-toi, Yvonne approche... Georges: —Tu as de grandes oreilles, Léo. Léo: —C'est pour mieux empêcher qu'on te dévore, mon enfant! (COCTEAU, Parents, 1938, I, 8, p.219).
Oreilles d'âne. [Symbole de l'ignorance] Cette tombe, si mon souvenir est exact, était située près du lavabo surmonté d'une tête de moine à oreilles d'âne, ces oreilles-là me reviennent de droit si j'ai cité de travers (HUGO, Corresp., 1862, p.394). [P. allus. à Midas] Certaines nuits, j'étais naïvement effrayé par mon intelligence, sachant que si l'artiste métamorphose tout en or, il ne saurait se passer d'oreilles d'âne. Je me tâtais les tempes, je me mêlais les cheveux, je cherchais des oreilles d'âne. J'en trouvais dans mon manque de culture et dans ma prétention même (COCTEAU, Potomak, 1919, p.22).
ART CULIN. Oreilles de veau, de porc farcies, frites, grillées, à la Mirepoix. —Voulez-vous du thé? —Du thé? parle-moi d'une bonne soupe aux oignons, à la bonne heure; et puis, attends... —Une oreille de veau à la vinaigrette? —Oui, c'est cela, une oreille à la vinaigrette (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.38).
TAUROM. Récompense accordée au matador. Si le public a particulièrement apprécié le travail du matador, il demandera au président l'octroi de l'oreille du toro (...). L'octroi de la deuxième oreille, éventuellement de la queue, est de la compétence exclusive du président qui n'a pas à se ranger à une pétition du public (CAS.-DUPUY Taurom. 1981).
Loc. fig.
Tenir le loup par les oreilles. ,,Être aux prises avec une situation difficile sans savoir comment en sortir`` (Ac. 1935).
♦[À propos de pers., p. anal. avec les attitudes, les possibilités des oreilles de certains animaux]
Avoir l'oreille basse. Être honteux, humilié. Aussitôt qu'il paraissait avec ses souliers ferrés, ses bas de laine bleue (...), on affectait de mettre la conversation sur un ton de cour: ne sachant quelle contenance tenir, Stamply se retirait confus, humilié et l'oreille basse (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p.90). —Avez-vous eu souvent l'oreille basse, dans la vie? vous demande-t-il (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.348).
[P. allus. à la fable de La Fontaine, L'Âne vêtu de la peau du lion] Laisser passer, montrer (le bout de) l'oreille. Se dévoiler involontairement, laisser deviner ses intentions. Je ne réussis plus à me prendre au sérieux dans mon rôle turc; Loti passe le bout de l'oreille sous le turban d'Arif, et je retombe sottement sur moi-même (LOTI, Aziyadé, 1879, p.106). Le bout de l'oreille. Ce qui révèle quelque chose. Le bon Dieu est cruel de ne pas laisser entrevoir aux sous-préfets le petit bout de l'oreille de l'avenir (HUGO, Hist. crime, 1877, p.191).
Secouer les oreilles. Ne plus se soucier de quelque chose. Il faut que je retrouve l'homme qui m'a insulté, répétait Leuwen (...). —Dans le métier que nous faisons, vous et moi, répondit enfin Coffe d'un fort grand sans-froid, il faut secouer les oreilles et aller en avant (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.49).
Proverbe. Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée.
P. compar. ou p. métaph.
Serviette nouée en oreilles de lapin. Le muguet: deux longues oreilles vertes et un petit bouton blanc (RENARD, Journal, 1900, p.581). Une grande consoude, aux feuilles en oreilles d'âne (GENEVOIX, Rroû, 1931, p.112).
(Cheveux coupés en) oreilles de chien. Coiffure, à la mode, sous le Directoire, dans laquelle deux longues mèches de cheveux encadraient le visage. Deconinck déclamait entre ses oreilles de chien envolées par-dessus le haut collet de son habit, et il brandissait son chapeau à la Robinson (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.266).
II. P. anal.
A. P. anal. de fonction
1. Oreille artificielle. ,,Dispositif utilisé pour étalonner les écouteurs, comportant un microphone destiné à mesurer la pression acoustique et un coupleur tel que l'impédance acoustique de l'ensemble soit sensiblement égale à celle de l'oreille humaine moyenne`` (PIÉRON 1973).
2. Oreille électronique. ,,Appareil composé d'un microphone, d'amplificateurs, de filtres et d'écouteurs, employé pour la rééducation des troubles phonatoires et de la dyslexie`` (LAFON 1969).
B. —P. anal. de forme ou de position
1. Partie latérale ou partie saillante d'un objet.
a) Vx. ,,Pli qu'on fait à un feuillet de livre, au coin d'en haut ou d'en bas, pour marquer l'endroit où l'on a interrompu sa lecture`` (Ac. 1935). Synon. corne.
b) Un des coins d'une pièce de tissu nouée, qui dépasse du noeud. Il portait sous son bras une toilette verte (...) puis, défaisant les quatre oreilles de la toilette, il découvrit un tas de petits livres jaunes (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p.269). Beaube (...) amenait les meubles sur une brouette; deux ballots dans des draps noués à grandes oreilles, un sac de jute bossué de casseroles (HAMP., Champagne, 1909, p.92).
c) [Dans des pièces d'habillement]
Une des deux parties d'un bonnet, d'une casquette qui servent à couvrir les oreilles. Synon. oreillette, oreillon. Le plus petit était coiffé d'une casquette militaire, à oreilles rabattues (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.122).
Une des attaches d'un pantalon, d'une culotte. Il attacha les boucles d'or aux oreilles de son ample culotte de soie (BALZAC, Mais. chat, 1830, p.30).
Une des deux parties d'une chaussure qui couvrent le cou de pied et dans lesquelles on passe les lacets. Des souliers dont les oreilles étaient attachées avec des rubans à noeuds barbotants (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.263).
d) Une des deux pièces qui reviennent de chaque côté du dossier dans certains fauteuils pour soutenir la tête. Synon. oreillard, oreillette, oreillon. Bergère à oreilles. Tout y sent les précautions contre les courants d'air; de grands rideaux, deux fauteuils à oreilles (BUTOR, Passage Milan, 1954, p.122).
e) Appendice ou l'un des appendices pleins ou évidés d'un objet, placés de chaque côté de cet objet et qui servent généralement à le saisir commodément, à le fixer. Oreilles d'une écuelle, d'un pot, d'une soupière; cruchon à oreille. L'écrou à oreilles ou à poignée destiné à être serré à la main (GORGEU, Machines-outils, 1928, p.47). La mère accrocha son écumoire à l'oreille de la marmite (AYMÉ, Jument, 1933, p.176). Il existe (...) des bandes en papier, munies d'oreilles ou d'autres dispositifs permettant de les attacher à leurs voisines (JOLLEY, Trait. inform., 1968, p.197).
f) Dans d'autres domaines
AGRIC. Oreille (d'une charrue). Synon. de versoir. Le versoir ou oreille a pour but de retourner la bande de terre qui vient d'être découpée verticalement par le coutre et horizontalement par le soc (PASSELÈGUE, Mach. agric., 1930, p.16).
ARCHIT. Partie saillante d'un appui de fenêtre ou d'un seuil de porte, encastrée de chaque côté dans le tableau de la baie (v. CHABAT 1881 et NOËL 1968).
MAR. Oreille (d'une ancre). Partie large et saillante de la patte d'une ancre qui sert à la maintenir à la même place (v. BONN.-PARIS 1859 et SOÉ-DUP. 1906).
MUS. ,,Dans les jeux d'orgues, petites lames que l'on soude à la bouche des tuyaux et qui servent à les accorder`` (JOSSIER 1881).
2. En comp. Oreille + subst. désignant le plus souvent un animal et précisant l'analogie
a) BOT. [Nom populaire de certains végétaux]
Oreille de + subst. désignant un animé
Oreille d'âne. Consoude. (v. supra I C 2). Synon. oreille de vache. Les banquettes [d'un chemin] étaient mangées par des bardanes, le sol même de la route était jonché d'oreilles d'âne, de pieds d'alouette, de dents de lion (GIONO, Chron., Noé, 1947, p.236). V. consoude ex.
Oreille d'homme. Asaret d'Europe ou cabaret. C'est une substance solide qui est contenue dans la racine du cabaret ou oreille d'homme (WURTZ, Dict. chim., t.1, 1er vol., 1869, p.428).
Oreille de Judas. ,,Champignon noir, translucide, veiné, souvent consommé dans les restaurants chinois`` (Lar. encyclop.). L'oreille de Judas (...) champignon en forme de lame (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t.2, 1931, p.134).
Oreille de lièvre. Buplèvre en faux (v. D. AICHELE, Quelle est donc cette plante, Paris, Nathan, 1975, p.128). Pézize. Synon. oreille d'âne. L'oreille de lièvre (...) est une belle Pézize dissymétrique, en pavillon dressé, fixé latéralement par un pied velu, blanc, très court. Elle simule une longue oreille jaune ocre, on la trouve en automne dans les bois (C. LEMOINE, G. CLAUSTRES, Connaître et reconnaître les champignons, 1977, p.226). Plantain lancéolé (v. D. AICHELE, op. cit., p.378).
Oreille d'ours. Primevère auricule. Madame Granson (...) avait arboré son chapeau vert à bouquets d'oreilles d'ours (BALZAC, Vieille fille, 1836, p.334).
Oreille de souris. Myosotis (v. GATIN 1924). Piloselle. Synon. oreille de rat.
Oreille de + subst. désignant une plante, le plus souvent un arbre. [Nom populaire des pleurotes qui poussent généralement sur le bois] Oreille de l'olivier, de l'orme. Le Pleurote du Panicaut ou oreille de chardon (...) pousse en fin d'été et en automne sur les vieilles souches de chardons panicauts, dans les jachères, les landes sèches, pierreuses, les lieux secs herbeux (C. LEMOINE, G. CLAUSTRES, Connaître et reconnaître les champignons, 1977p.136).
b) ZOOL. Nom populaire de coquillages marins.
Oreille de mer ou oreille de Saint-Pierre. Haliotide ou ormeau. De superbes oreilles de mer, dont la nacre est du plus bel orient; elles ont jusqu'à neuf pouces de longueur, sur quatre de largeur (Voy. La Pérouse, t.2, 1797, p.282).
Oreille de Midas. [Les naturels] nous apportèrent quelques coquilles et entre autres une grande quantité de celles dites oreilles de Midas, dont le débit était toujours assuré parmi nos matelots conchyliologistes (DUMONT D'URVILLE, Voy. Pôle Sud, t.6, 1844, p. 121).
c) MARINE
Oreille d'âne. ,,Sorte de cuillère en tôle légère, comportant une partie tubulaire, qu'on insère dans un hublot ouvert, dans le sens du vent,pour que la partie extérieure fasse résistance à l'air et que la partie tubulaire amène cet air à l'intérieur`` (LE CLÈRE 1960).
Oreille de lièvre. Voile latine triangulaire. Montrer ses oreilles de lièvre. ,,Porter les voiles en ciseau`` (GRUSS 1978).
d) CH. DE FER. Oreille de cochon. Appareil servant à la remise sur rails des véhicules déraillés, constitué par une plaque triangulaire formant rampe qui guide la roue déraillée jusqu'à la table de roulement du rail (d'apr. Lar. encyclop.).
e) TECHNOL. Oreille d'âne. ,,Outil méplat que l'on passe dans l'anneau d'une clef pour la fixer sur l'étau lorsqu'on lime le panneton`` (CHABAT t.2 1876).
REM. 1. [En compos.] V. couvre-oreille, cure-oreille, perce-oreille et aussi gratte-oreilles, subst. masc. [La chatte] choisit longuement dans le jardin une branche taillée en biseau (...) pour s'en servir en guise de brosse à dents d'abord, puis de gratte-oreilles (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p.246). 2. Oreillé, -ée, adj. a) Pourvu d'oreilles. Ânes magnifiquement oreillés (GUÉRIN 1892). b) Hérald. [En parlant de poissons, de coquilles] Dont les oreillettes sont d'une autre couleur. Dauphin d'argent oreillé de gueule (DG).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Fin Xe s. aurelia «partie visible de l'organe de l'ouïe» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 160); b) ca 1100 oreille (d'un animal) (Roland, éd. J. Bédier, 732); 2. a) ca 1145 oreille «organe de l'ouïe (WACE, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1804); 1636 oreille extérieure (MONET); 1690 oreille intérieure, interne, externe (FUR.); 1814 oreille moyenne (NYSTEN); b) ca 1155 «attention prêtée à un interlocuteur» (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 4784: surde oreille fist); c) 1547 mus. (J. MARTIN, Architecture, trad. de Vitruve, p.151: avec le jugement de l'oreille musicienne); 1630 (MALHERBE, Poésies VI, LXXIII, éd. J. Lavaud, p.203: une si juste oreille); 1690 avoir de l'oreille (FUR.); d) 1559 «confiance» (DU BELLAY, Le poète courtisan ds OEuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.2, p.70: S'il gaigne comme toy des grands Princes l'oreille); e) 1660 «personne qui entend, qui écoute» (BOSSUET, Sermons, Charité fraternelle ds LITTRÉ, § 9); 3. a) 1952 oreille électronique (Figaro, 19-20 janv., p.7); b) 1959 oreille artificielle (Electron.). B. P. anal. de forme 1. a) 1247 oraille «anse (d'un van)» (ds G. ESPINAS, Vie urbaine de Douai, III, 62 ds Fonds BARBIER); b) 2e moitié XIIIe s. «partie de la chaussure où l'on passe les boucles, les lacets» (Gaufrey, éd. F. Guessard et P. Chabaille, 5648: l'oreille d'un souler); c) 1322 «anse d'un récipient» (DEHAISNES, Doc. et extr. divers concernant l'hist. de l'art dans les Flandres... t.1, p.247: paielle d'arain noeve a deus orelles); d) 1388 «pièce métallique» (B. PROST, Inventaires, t.2, p.347: grant caudiere à deux oreilles); e) 1478 «partie d'un couvre-chef» (ARNAUD D'AGNEL, Comptes du roi René, t.2, p.98: bonnetz à grans oreilles); f) XVe s. [date du ms.] «manche de charrue» (Gloss. de Garlande, éd. A. Scheler, p.307: Stiva [...] orille); g) 1606 mar. oreille de lievre «sorte de voile» (Nicot); h) 1636 mus. «lame de plomb, dans les jeux d'orgues» (MERSENNE, Harmonie universelle, Livre des orgues, p.330); i) 1642 «pli fait à une page de livre» (OUDIN Fr.-Ital.); j) 1678 mar. oreille de l'ancre (GUILLET, Les Arts de l'homme d'épée); k) 1704 «coin de la toile qui enveloppe un ballot» (Trév.); l) 1721 agric. «versoir de charrue» (LIGER, Nouv. maison rustique, t.1, 2e part., p.501); m) 1724 oreilles de chien terme de mode (Satyre nouvelle ... ds BRUNOT t.6, p.1104); 1797 sobriquet donné à la jeunesse dorée, pendant le Directoire (texte ds BRUNOT t.9, p.836) ; n) 1755 écrou à oreilles (Encyclop. t.5, s.v. écrou); o) 1830 «partie latérale d'un dossier de fauteuil» (BALZAC, Bal Sceaux, p.95: fauteuil à oreilles), cf. oreillette; p) 1868 archit. «entaille au bout d'un appui de croisée ou d'un seuil» (LITTRÉ); q) 1876 oreille d'âne «outil passant dans l'anneau d'une clé» (CHABAT); r) 1952 oreille d'âne «conduit cylindrique en tôle permettant l'aération d'une cabine de navire» (GRUSS); 2. bot. a) 1546 oreille de souris (J. MARTIN, trad. [F. Colonna] Discours du songe de Poliphile, f° 17 r° ds QUEM. DDL t.12, s.v. adiante: Alsine ou oreille de soriz); b) 1552 oreille de Judas sorte de champignon (RABELAIS, Quart livre, chap.LX, éd. R. Marichal, p.242: aureilles de Judas); c) 1570 oreille d'homme «asaret» (PENA et LOBEL ds ROLL. Flore t.9, p.217); d) 1591 oreille de souris «piloselle» (LOBELIUS, ibid. t.7, p.197); e) 1611 oreille de lièvre «myosotis» (COTGR.); f) 1611 oreille d'âne «grande consoude» (ibid.); g) 1694 oreille de souris «myosotis» (TOURNEFORT Bot. t.1, p.210); h) 1887 oreille de lièvre «pezize» (JORET ds ROLL. Flore t.11, p.175); 3. zool. a) 1611 oreille de mer (COTGR.); b) 1832 oreille de Saint-Pierre, oreille de boeuf (RAYMOND). Du lat. pop. auricula «oreille; ouïe; anse de cruche; en compos. dans quelques noms de plantes: auricula muris, etc.», dimin. en -icula (cf. suff. -ule) du lat. class. auris «oreille; oreille attentive, attention; jugement de l'oreille; orillon d'une charrue», auquel il s'est substitué. Fréq. abs. littér.: 10602. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 13579, b) 18314; XXe s.: a) 16023, b) 14052. Bbg. LÅNGFORS (A.). Notes lexicogr. Neuphilol. Mitt. 1940, t.41, pp.110-112. —QUEM. DDL t.19, 20.

oreille [ɔʀɛj] n. f.
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; v. 980, aurelia; du lat. auricula, dim. de auris « oreille ».
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I
1 Chacun des deux organes constituant l'appareil auditif et correspondant au sens de l'ouïe (→ mots en auri- et en oto-). || L'oreille droite, l'oreille gauche. || La plupart des invertébrés possèdent des oreilles élémentaires ou otocytes.Anat., cour. || L'oreille comprend trois segments : l'oreille externe ( Pavillon), l'oreille moyenne et l'oreille interne. || Conformation de l'oreille externe. Anthélix, conque, hélix, lobule, tragus. || Les cartilages de l'oreille externe. || Sécrétion de l'oreille externe. Cérumen, cire. || L'oreille moyenne séparée de l'oreille externe par le tympan est dite aussi caisse du tympan. Tympan; osselet (enclume, étrier, marteau), trompe (d'Eustache). || Conformation de l'oreille interne ou labyrinthe. Labyrinthe, semi-circulaire (canal); limaçon, rocher, vestibule; aqueduc (cit. 3), saccule, utricule. || Liquides, concrétions calcaires de l'oreille interne ( Otolithe). || Le conduit auditif externe, interne de l'oreille. || Muscles, artères, veines… de l'oreille. Auriculaire. || Physiologie de l'oreille ( Entendre, cit. 37). || Impressions auditives (cit. 1) données par l'oreille. || Troubles de l'audition ( Surdité), maladies des oreilles ( Otalgie, otite, otorrhée). || Examiner les oreilles avec un otoscope. || Médecin spécialiste des oreilles. Auriste, oto-rhino-laryngologiste.Cour. || Se nettoyer, se curer les oreilles ( Cure-oreille). || Bourdonnement (cit. 8) d'oreilles. Tintouin (vx). || Cornement, sifflement, tintement d'oreilles. || Avoir les oreilles qui bourdonnent (→ Fièvre, cit. 4) qui se bouchent. || Les oreilles me tintent.Par plais.Les oreilles ont dû vous corner (cit. 3 et 4), vous tinter, vous siffler, vous sonner (tellement nous avons parlé de vous).
1 Oreille externe et oreille moyenne ne sont que des organes de perfectionnement destinés à assurer la transmission plus parfaite du mouvement vibratoire jusqu'à l'oreille interne chargée de le percevoir; la première est un appareil collecteur et la seconde un appareil de transmission, tandis que les cellules nerveuses de l'oreille interne constituent l'appareil de réception.
A. Pizon, Anatomie et Physiologie humaines, p. 228.
Allus. littér. || Gargamelle mit au monde Gargantua par l'oreille gauche (Rabelais, Gargantua, VI).
2 Elle était fort en peine, et me vint demander,
Avec une innocence à nulle autre pareille,
Si les enfants qu'on fait se faisaient par l'oreille.
Molière, l'École des femmes, I, 1.
Cour. (Dans des syntagmes et loc.). fam. Esgourde, feuille, portugaise (métaphore se rapportant au sens 3).
Avoir des oreilles pour entendre (cit. 55 à 57). || « Elles ont des oreilles et n'entendent point. » || Entendre qqch. de ses (propres) oreilles. || Voilà ce que j'ai entendu (cit. 48) de mes propres oreilles (→ Témoin auriculaire).Fig. Il ne l'entend (infra cit. 49) pas de cette oreille. || Oreille qui perçoit des bruits, des sons (→ Exploser, cit. 1; finesse, cit. 2). || « Taisez-vous ! méfiez-vous ! les oreilles ennemies vous écoutent ».Écouter de toutes ses oreilles. — ☑ Loc. (1725). Être tout oreilles; tout yeux, tout oreilles, particulièrement attentif. Écoute (aux écoutes); œil; ouïe (être tout ouïe). — ☑ N'écouter que d'une oreille, d'une oreille distraite. || Coller (cit. 5) son oreille à la porte pour mieux entendre. — ☑ Loc. (XIIe). Prêter l'oreille : écouter. (→ Attention, cit. 14; émetteur, cit. 1). || Ne prêtons pas l'oreille à ces médisances. || Prêtez-moi une oreille attentive (cit. 2). Absolt. || Ils se turent pour prêter l'oreille (→ Monocorde, cit. 2). — ☑ Ouvrir l'oreille, les oreilles : se disposer à écouter (→ Crachoir, cit. 1; frotter, cit. 11). || Ouvrez bien les oreilles et retenez ce que je vais vous dire.
(Fin XVe). Ouvrir l'oreille à une proposition, l'accueillir favorablement. — ☑ Se boucher (cit. 4) les oreilles pour ne pas entendre. — ☑ (1644). Vieilli. Fermer l'oreille, les oreilles à… : refuser d'écouter. || Fermer l'oreille à un avertissement (cit. 3), à des propositions ( Refuser, repousser). || Fermer l'oreille aux aboiements (cit. 2) de la critique, aux trivialités (→ Comique, cit. 4), à un morceau de musique (→ Étouffer, cit. 44). — ☑ (XIIe). Loc. Faire la sourde oreille : feindre de ne pas entendre, et, par ext., Feindre d'ignorer une demande (→ Dilatoire, cit. 3). — ☑ Avoir du coton dans les oreilles : mal entendre. — ☑ Ne pas en croire (cit. 25 et 26) ses oreilles.
REM. Dans ces emplois, l'opposition entre le sens général et le sens 3 (partie visible de l'oreille) est neutralisée (→ cit. 3 et 5).
3 Là, il enflait sa voix, il soutenait ses sons; les voisins se mettaient aux fenêtres, nous mettions nos doigts dans nos oreilles.
Diderot, le Neveu de Rameau, Pl., p. 486.
4 J'étais tout oreilles quand il me parlait de ses semis, de ses pépinières.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 818.
5 Peut-être était-il demeuré l'oreille collée à la porte, excité par la débauche de ses maîtres.
Zola, Germinal, V, V.
Bruit (cit. 5), son, voix qui vient frapper (cit. 33) l'oreille, les oreilles (→ 1. Chant, cit. 1). || Bruit qui assourdit (cit. 4), blesse, casse, déchire, perce, rompt… les oreilles (→ Fracas, cit. 4; glapissant, cit. 1; hurlement, cit. 6). || Les fausses notes écorchent les oreilles. || Conversation qui lasse (cit. 8) l'oreille. — ☑ (1578). Loc. Battre (cit. 30), rebattre les oreilles de qqn. — ☑ (1569). Rompre l'oreille (vx), les oreilles.(Avec à). || À l'oreille, aux oreilles. || Son imperceptible à l'oreille (→ Entendre, cit. 54). || Tinter, sonner, retentir aux oreilles (→ Manquer, cit. 22; 1. mort, cit. 35). || Musique, phrase qui sonne bien à l'oreille. || Sons agréables à l'oreille ( Euphonie; harmonie, cit. 26), désagréables à l'oreille ( Cacophonie). → Musique, cit. 1 et 6. — Par ext. || Un mot doux à l'oreille (→ Banqueroute, cit. 1). || « Ah ! sollicitude à mon oreille est rude » (Molière, → Étrangement, cit. 2).Corner (cit. 1 et 2), crier aux oreilles de qqn. || Parler, dire qqch. à l'oreille de qqn, de manière qu'il soit seul à entendre (→ Liberté, cit. 9; mouche, cit. 15). || Parler bas (→ 1. Bas, cit. 82) à l'oreille.Parler de bouche à oreille. Bouche. || Confession de bouche à oreille. Auriculaire. || Chuchoter, murmurer à l'oreille (→ 1. Coucher, cit. 14).Souffler à l'oreille. Insinuer. || Glisser à l'oreille (→ Calomnie, cit. 5; frégate, cit. 3), couler (cit. 29) un mot à l'oreille de qqn.(1668, venir aux oreilles). Nouvelle qui arrive, vient, parvient aux oreilles d'une personne. || Si cela venait à ses oreilles, à sa connaissance. Apprendre.
(Avec dans). || Crier dans les oreilles de qqn. — ☑ Fam. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd : ces paroles ont été mises à profit. — ☑ (Déb. XXe). Avoir dans l'oreille, présent à la mémoire. || J'ai encore le son de sa voix dans l'oreille (→ Bienveillant, cit. 4). — ☑ Loc. Le creux, le tuyau de l'oreille : l'oreille. || Dire qqch. à qqn dans le creux de l'oreille. — ☑ (1690). Cela lui entre par une oreille et lui sort par l'autre, se dit, par plaisanterie, d'une personne qui ne retient pas ce qu'on lui dit (→ Mémoire, infra cit. 23) ou qui n'y fait pas attention.
6 (…) s'il fallait qu'il en vint quelque chose à ses oreilles, je dirais (…) que tu aurais menti.
Molière, Dom Juan, I, 1.
7 Il sort. Quelle nouvelle a frappé mon oreille ?
Racine, Phèdre, IV, 5.
8 Mais que t'a-t-il dit à l'oreille ?
Car il s'approchait de bien près (…)
La Fontaine, Fables, V, 20.
9 — Ah ! vieux sorcier, si tu crois ce que tu vois plus que ce que je te dis, s'écria la Clarina, tu ne m'aimes pas ! Va-t'en et ne me romps plus les oreilles !
Balzac, Massimilla Doni, Pl., t. IX, p. 325.
10 (…) les murailles qu'on dit avoir des oreilles ont aussi des yeux : elles voient pour le moins aussi bien qu'elles entendent.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, X.
11 Quelques minutes plus tard un coup de sifflet aigu, prolongé (…) déchira à la fois les oreilles et les cœurs.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXVII.
12 (…) ayant dans l'oreille les mots proférés par Lucien, lors de leur explication (…)
Paul Bourget, Un divorce, III.
13 (…) allez-y carrément, et venez me raconter ça dans le tuyau de l'oreille.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XI, XX, p. 201.
14 Je dirais plus, Louis, me souffla-t-il presque à l'oreille, ce pourrait être le salut (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, X.
Prov. « Ventre affamé (cit. 1) n'a point d'oreilles » (La Fontaine), n'a pas d'oreilles : celui qui a faim n'écoute plus rien — ☑ Les murs (supra cit. 10) ont des oreilles.
(1680). Avoir l'oreille chaste, prude… : être choqué par des propos trop libres (→ Falloir, cit. 5). || Des oreilles chastes (cit. 6) et des yeux fripons (→ aussi Chaste, cit. 7).
(1660). Par métonymie. Personne qui entend, écoute. || Il n'est oreille qu'il ne lasse par ses récits (→ Bravoure, cit. 1). || Alarmer (cit. 3), choquer les oreilles pudiques. || Une oreille accueillante (→ Attentif, cit. 6).
Loc. (V. 1536). Avoir l'oreille de qqn, une attention favorable.Avoir l'oreille du maître, en être écouté. Confiance, faveur. || On dirait qu'ils ont seuls l'oreille d'Apollon (→ Audace, cit. 27). || Il a l'oreille de la Chambre (→ 1. Logique, cit. 12).
15 Quel bonheur surprenant a accompagné ce favori pendant tout le cours de sa vie ! (…) les premiers postes, l'oreille du Prince (…)
La Bruyère, les Caractères, XII, 77.
16 (…) mademoiselle Pinson, ma bonne camarade (qui a l'oreille du ministre et même l'oreiller)…
Villiers de L'isle-Adam, Contes cruels, « Désir d'être un homme ».
17 Avoir l'oreille du roi, c'est tirer et pousser à sa fantaisie le verrou de la conscience royale, et fourrer dans cette conscience ce qu'on veut. L'esprit du roi, c'est votre armoire. Si vous êtes chiffonnier, c'est votre hotte. L'oreille des rois n'est pas aux rois; c'est ce qui fait qu'en somme ces pauvres diables sont peu responsables.
Hugo, l'Homme qui rit, II, I, VIII.
REM. Jarry, dans Ubu roi, utilise la déformation plaisante oneille, notamment dans l'évocation de l'enfoncement du petit bout de bois dans les oneilles, supplice infligé par Ubu.
2 (V. 1155). Ouïe; action, manière d'entendre. Ouïe. || L'oreille des vieillards devient dure (→ Baisser, cit. 28). || Avoir l'oreille fine (→ Lapsus, cit. 1; musicien, cit. 4), exercée (→ Diapason, cit. 1), délicate. || Avoir l'oreille juste et jouer faux (cit. 38). || Avoir l'oreille musicale. || Rime pour l'oreille (→ Indubitable, cit. 5).
18 En voilà pour tuer une oreille sensible.
Molière, les Femmes savantes, II, 6.
19 (…) son oreille était excellente, car elle entendait le son d'un quart d'écu de cinq cents pas (…)
Furetière, le Roman bourgeois, I, p. 13.
20 L'oreille est le sens préféré de l'attention. Elle garde, en quelque sorte, la frontière, du côté où la vue ne voit pas.
Valéry, Analecta, p. 36.
Loc. Être dur (cit. 6) d'oreille. Cf. (fam.) Dur de la feuille. || Dureté d'oreille. → Élocution, cit. 1.
(1690). Absolt. Avoir de l'oreille : savoir entendre, être sensible aux sons (→ 2. Coupe, cit. 5; dissonance, cit. 2).Spécialt. Reconnaître la hauteur, la justesse des sons entendus et pouvoir au besoin les reproduire. || Cet enfant a beaucoup d'oreille, n'a pas d'oreille.
21 Avoir de l'oreille, c'est avoir l'ouïe sensible, fine et juste : en sorte que, soit pour l'intonation, soit pour la mesure, on soit choqué du moindre défaut, et qu'aussi l'on soit frappé des beautés de l'art quand on les entend.
Rousseau, Dict. de musique.
22 Je lui dis : « C'était bien à dix heures ? » Elle me répond : « Naturellement. » Un quart de seconde d'hésitation sur le ton de la voix, car, pour ça, j'ai de l'oreille.
G. Duhamel, Salavin, V, X.
3 Partie visible de l'organe de l'ouïe, dont la grandeur et la forme varient selon les espèces et dans une certaine mesure les individus (→ ci-dessus, I., 1., oreille externe). Spécialt. || Oreille humaine. Pavillon. || Lobe (→ Collet, cit. 4), ourlet, trou d'oreille.
23 Le pavillon de l'oreille, vulgairement appelé oreille, est une expansion lamelleuse située sur les parties latérales de la tête (…) Son mode d'implantation est tel qu'il forme, avec la surface latérale de la tête, un angle à sinus dirigé en arrière. Cet angle, que nous appelons angle céphalo-auriculaire, mesure en moyenne 20 à 30°. Mais il présente, suivant les sujets, des variations d'amplitude fort étendues (…)
L. Testut, Traité d'anatomie, t. III, p. 718.
23.1 Une autre fois, sur un échafaudage du clocher, votre planche basculant, vous étiez tué sans un ouvrier qui vous rattrapa par les oreilles. Elles ne cédèrent point.
Giraudoux, Siegfried et le Limousin, p. 235.
Petites oreilles bien ourlées. || Grandes oreilles hautes et épaisses (cit. 6). || Oreilles pointues. || Oreilles attachées un peu bas (→ 1. Bas, cit. 62). || Oreilles bien détachées (→ Mobilité, cit. 2). || Oreilles décollées (→ 1. Carcan, cit. 2), en feuilles de chou, en chou-fleur (fam.). || Oreille poilue (→ Conque, cit. 6). || Avoir (1. Avoir, cit. 13) l'oreille rouge (→ Bouffée, cit. 6). || Avoir froid aux oreilles, avoir les oreilles gelées (→ Enrager, cit. 14). || Bijou, ornement porté à l'oreille, au lobe de l'oreille. Dormeuse, pendant, pendeloque (→ Anneau, cit. 6; bluette, cit. 1; étincelle, cit. 5). || Boucles d'oreilles. Boucle (→ Malgré, cit. 6). || Percer les oreilles pour y mettre des boucles (cit. 1). → aussi Lobe, cit. 2 et 3. || Amplificateur porté derrière l'oreille.
24 — Ma Mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
— C'est pour mieux écouter, mon enfant.
Ch. Perrault, Contes, « Le petit chaperon rouge ».
25 (…) son oreille
Petite, nacrée et vermeille (…)
Th. Gautier, Émaux et Camées, « La bonne soirée ».
26 De lourdes pendeloques gazouillent secrètement à ses mignonnes oreilles.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXV.
27 (…) le vieux aux oreilles pleines de poils blancs comme un cœur d'artichaut.
Claudel, l'Annonce faite à Marie, I, 3.
28 C'est alors que je remarquai son oreille gauche (…) C'était l'oreille d'un homme un peu sanguin; une oreille large, avec des poils et des taches lie-de-vin (…) tout à coup, j'allongeai délibérément le bras et posai, avec soin, l'index où je voulais, un peu au-dessus du lobule (…)
G. Duhamel, Salavin, I, I.
29 (…) elle a les oreilles droites et pointues comme on les peint aux satyres.
Émile Henriot, Mythologie légère, p. 147.
Porter les cheveux sur les oreilles, derrière les oreilles, roulés au-dessus des oreilles (→ Coiffure, cit. 7).Bouche (cit. 4) fendue jusqu'aux oreilles. || Rire jusqu'aux oreilles.Branches de lunettes (cit. 3) posées sur les oreilles. || Porter un crayon sur l'oreille. || Chapeau sur l'oreille, posé sur le côté de la tête, de telle manière que l'un des bords touche une oreille (→ Étudiant, cit. 4; garder, cit. 36; glace, cit. 23). || Bonnet enfoncé (cit. 7) jusque sur les oreilles. || Emmitouflés jusqu'aux oreilles dans un châle (cit. 1). || Enfant barbouillé de confiture jusqu'aux oreilles.Rougir jusqu'aux oreilles, beaucoup.
30 (…) rigoler soudain à m'en fendre la bouche, jusqu'aux oreilles (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, VII, p. 121.
31 Malgré l'heure tardive, la jeune femme était encore au lit, la face contre le mur et les couvertures par-dessus les oreilles (…)
J. Green, Léviathan, II, XIII.
Se gratter l'oreille (en signe d'inquiétude, de perplexité). || Couper l'oreille, les oreilles à qqn (→ Épée, cit. 1). || Coupeur d'oreilles. || Tirer qqn par l'oreille pour le faire avancer. || Tirer, pincer l'oreille de qqn en signe d'amitié. — ☑ (1460). Loc. Tirer les oreilles; (1669) frotter (cit. 25) les oreilles; (vx) chauffer les oreilles (à qqn, pour le punir ou par menace feinte, affectueuse…). → Galopin, cit. 3. || Si tu continues, tu vas te faire tirer les oreilles !
32 Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles (…)
Molière, Tartuffe, V, 2.
33 Et vous, marmaille, silence ! On va vous prendre par les oreilles et vous reconduire chez vos parents.
Zola, la Terre, I, V.
33.1 Supposez un de ces petits conscrits à qui Napoléon venait de tirer l'oreille et qui brûlaient de couvrir de baisers et de larmes la main qui les avait flattés.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 424.
34 Veux-tu que je te tire les oreilles, rat de bordel ?
P. Mac Orlan, la Bandera, XX.
Loc. Se faire tirer l'oreille (proprement en se faisant amener par l'oreille) : se faire prier, ne pas céder aisément. || Nous comptions sur son aide mais il se fait tirer l'oreille ( Résister).
35 (…) voyez Jacques, questionnez-le : il ne se fera pas tirer l'oreille pour vous satisfaire; cela le désennuiera.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 738.
Dormir (cit. 14) sur ses deux oreilles. — ☑ En avoir jusqu'aux oreilles, par-dessus les oreilles : en avoir plus qu'assez, trop (cf. Par-dessus la tête).
36 Dites-moi dans votre réponse si vous avez renoncé à cette ville pour jamais; je vous avoue que j'en ai par-dessus les oreilles, et que j'y souffre autant de la présence de certaines gens que de votre absence (…)
Rivarol, Lettres, XI, 8 déc. 1793.
Échauffer (cit. 4), chauffer les oreilles à qqn, l'irriter.
37 (…) cette engeance, dont le seul nom lui échauffait les oreilles.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, Œ., t. VIII, V, p. 33.
Oreilles d'animaux. || Les longues oreilles du lièvre. Oreillard (→ Craindre, cit. 10). || Petites oreilles rondes de la souris. || L'éléphant (cit. 6) a de grandes oreilles en éventail (→ Ajouter, cit. 2). || Oreilles de sanglier. Écoute (vx). || Oreilles d'âne.Allus. myth. « Midas, le roi Midas a des oreilles d'âne » (cit. 13).Jument, âne qui chauvit (cit. 1 et 2) des oreilles, qui couche les oreilles (→ Frein, cit. 2). || Le lièvre (cit. 2) remue ses oreilles. || Faune qui dresse (cit. 1) ses oreilles pointues. || Cerf qui boit, l'oreille au guet (→ Muguet, cit. 1). || Chien qui a l'oreille tendue (→ Babine, cit. 1), basse (→ 1. Morne, cit. 1). || Couper les oreilles d'un chien ( Essoriller), d'un cheval ( Bretauder). || Chien à oreilles et à queue coupées. Courtaud (→ Maladie, cit. 9). || Chat à une seule oreille. Monaut. || Oreille fendue (→ Haret, cit.). — ☑ Loc. prov. Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée (La Fontaine, → Mésaventure, cit.).Tenir le loup (cit. 4) par les oreilles.
38 De la peau du lion l'âne s'étant vêtu
Était craint partout à la ronde.
Et, bien qu'animal sans vertu,
Il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d'oreille échappé par malheur
Découvrit la fourbe et l'erreur.
La Fontaine, Fables, V, 21.
39 Il regardait remuer les oreilles du cheval. Quelles bêtes étranges que ces oreilles ! Elles allaient de tous côtés, à droite, à gauche, elles pointaient en avant, elles retombaient de côté, elles se retournaient en arrière, d'une façon si burlesque qu'il riait aux éclats.
R. Rolland, Jean-Christophe, L'aube, I, p. 23.
Loc. fig. (XIXe). Appliquées aux personnes. Montrer le bout de l'oreille, laisser passer le bout (cit. 12) de l'oreille (→ ci-dessus, cit. 38, La Fontaine). — ☑ Avoir l'oreille au guet (→ Éveiller, cit. 32). — ☑ Dresser (cit. 4 et 5) l'oreille. — ☑ Tendre l'oreille pour mieux écouter (cit. 7). — ☑ Baisser l'oreille.Avoir l'oreille basse. || Rentrer au bercail l'oreille basse (→ Fugue, cit. 5). || Honteux et portant bas (1. Bas, cit. 63) l'oreille. — ☑ Fendre (cit. 6) l'oreille à qqn.Avoir, mettre la puce à l'oreille.
———
II Par anal. de forme.
1 Techn. Partie saillante ressemblant au pavillon de l'oreille. || Les oreilles d'un ballot, d'un sac.
40 Il portait sous son bras une toilette verte qu'il posa sur une chaise; puis, défaisant les quatre oreilles de la toilette, il découvrit un tas de petits livres jaunes.
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, I, p. 269.
(1868). Agric. || Oreille d'une charrue. Versoir. || Tourne-oreille d'une charrue.(1690). Techn. Chacun des deux appendices symétriques d'un écrou destiné à être serré à la main. || Écrou à oreilles.Saillie d'une pièce de construction destinée à recevoir un boulon. || Assemblage à oreilles de deux pièces métalliques mises bout à bout.(1690). Mar. Partie élargie à chaque extrémité de la patte d'une ancre.
(1690). Cour. Chacun des deux appendices symétriques de certains récipients et ustensiles, par lesquels on les prend. Anse. || Les oreilles sont généralement pleines, et les anses évidées. || Oreilles d'une cocotte, d'une marmite, d'un plat, d'une tasse, d'une écuelle ( Orillon).
2 Partie d'une coiffure (casquette, bonnet) qui protège l'oreille. || Bonnet à oreilles. Oreillette.
40.1 (…) il reprenait avec plaisir sa vieille veste de chasse en drap côtelé, ses gros souliers à clous et se coiffait d'une casquette à oreilles qu'il ne quittait plus, la gardant même à table (…)
R. Frison-Roche, Premier de cordée, p. 93.
3 (1836). || Oreilles de chien : mèches plates pendant sur les oreilles, comme les portaient des hommes sous le Directoire.
41 (…) cette coiffure consistait en une bourse carrée de taffetas noir et deux grandes oreilles de chiens (tel fut leur nom six ans plus tard), comme en porte encore aujourd'hui M. le Prince de Talleyrand.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 4.
4 (1830, Balzac). Chacune des deux parties latérales du dossier de certains fauteuils sur laquelle on peut appuyer sa tête. || Bergère à oreilles. Oreillard.
42 Les pièces du mobilier dont Germaine est le plus fière sont une paire de bergères à oreilles, qu'elle a payée deux cents francs chacune à une vente de l'Hôtel Drouot (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, II, p. 36.
5 (1656). Vx. Pli au coin d'un feuillet de livre. Corne. || Oreille d'une page.
6 Oreille de… (Dans des syntagmes désignant des plantes et des animaux inférieurs).
a Noms de plantes (d'après la forme des feuilles). || Oreille d'âne : la grande consoude, dite aussi plantain lancéolé (Normandie), molène (Provence), etcOreille de lièvre : plantain lancéolé; mâche.Oreille de chèvre : centaurée (Loire), etc.Oreille d'éléphant : plante ornementale à feuilles très larges; colocase des marais; taro (en franç. d'Afrique, in I. F. A. N.).Oreille de rat : céraiste; mâche (Ain, Jura).(1546, in D. D. L.). || Oreille de souris : myosotis. aussi Céraiste (céraiste cotonneux).Oreille de loup : variété de primevère.(1611). || Oreille d'ours (désigne diverses plantes à feuilles velues).Oreille d'homme : asaret.Oreille de Judas : auricularia (champignon).
43 On peut donc formuler la règle;
oreille d'animal signifie « herbe médicinale ou potagère à feuilles larges et plates, allongées ou arrondies selon le cas, et le plus souvent duvetées ».
L'intérêt de cette définition est qu'elle est commune à toutes les plantes de la série.
Les variations spécifiques sont peu nombreuses du fait que seuls les mammifères ont des oreilles et qu'elles sont peu différenciées.
Les plus caractéristiques sont celles de l'âne et du lièvre, plus ou moins synonymiques, et celles du rat qui désignent une masse de petites feuilles rondes ou légèrement ovalisées comme celle de la « mâche ou du myosotis ». Car c'est de ses feuilles que ce dernier tire ici son nom (comme d'ailleurs en grec)…
Presque toutes ces plantes ont des feuilles pelucheuses qui les opposent aux langues (…) feuilles sensiblement de même forme allongée, mais à surface lisse. Mais cette distinction n'est pas toujours maintenue et beaucoup d'oreilles échangent leur nom avec des langues (cf. « piloselle » = oreille de rat et langue de brebis).
Pierre Guiraud, Structures étym. du lexique français, p. 161.
b Noms d'animaux. || Oreille de mer. Haliotide.
DÉR. Oreillard, oreiller, oreillette, oreillons.
COMP. Cure-oreille, perce-oreille, pince-oreille, tourne-oreille.

Encyclopédie Universelle. 2012.