permettre [ pɛrmɛtr ] v. tr. <conjug. : 56>
• permetre 980; rare av. 1410; lat. permittere, sous l'infl. de mettre
I ♦
1 ♦ Laisser faire (qqch.), ne pas empêcher. ⇒ autoriser, tolérer. « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent » (Montesquieu). — PERMETTRE QUE (et subj.). ⇒ admettre, approuver, consentir; 1. vouloir (bien). « maman, d'ordinaire intraitable sur les questions d'heure [...] , permettait que je prolongeasse la veillée » (A. Gide). « Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve [ces plaisanteries] » (Ed. Rostand). — PERMETTRE QQCH. à QQN. ⇒ accorder, autoriser. Vous permettez tout à cet enfant. ⇒ passer. Les sorties ne sont pas permises. Fam. Le médecin lui permet un peu de vin. — (Pass.) Ne te gare pas ici, ce n'est pas permis. Il croit que tout lui est permis, qu'il a le droit de faire, de dire n'importe quoi. Ellipt Il se croit tout permis. — PERMETTRE DE (et inf.) :donner le droit, le pouvoir de. ⇒ laisser. « Elle me permit plusieurs fois de lui donner un baiser » (Rousseau). Son patron lui a permis de ne pas venir travailler ce matin. ⇒ dispenser. — (Impers.) Il vous est permis de penser tout autrement. ⇒ loisible. « Il ne m'est pas permis, à ces conditions, de vous rien refuser : je ferai ce que vous voudrez » (Molière).
2 ♦ (Sujet chose) Rendre (qqch.) possible, faire que (qqch.) soit possible. Attitude qui permet tous les soupçons. ⇒ autoriser. Sa santé ne lui permet aucun excès. Il se hâtait « aussi vite que sa jambe torse le lui permettait » (Hugo). — PERMETTRE DE (et inf.) :donner le moyen, l'occasion, la possibilité de. « La nuit ne permit pas De voir de quel côté se dirigeaient ses pas » (Musset). « Mes moyens ne me permettant pas de prendre un cabriolet et mes goûts un omnibus » (Flaubert). — (Pass. impers.) Autant qu'il est permis d'en juger. ⇒ possible.
3 ♦ Permettez ! Vous permettez ? Tu permets ? formules pour contredire qqn, protester ou imposer sa volonté avec une apparence de courtoisie. Permettez ! Je ne suis pas de votre avis. Je passe devant vous, vous permettez ? — Permettez-moi de vous présenter M. X, acceptez que je vous le présente.
II ♦ SE PERMETTRE v. pron. (1159)
1 ♦ S'accorder (qqch.). Se permettre quelques petites douceurs.
♢ Faire, dire (qqch. qui dépasse les limites de la bienséance, de la morale, de la discrétion...). Il s'est permis des remarques désobligeantes.
2 ♦ SE PERMETTRE DE (et inf.). Prendre la liberté de. ⇒ s'aviser, oser. « Je ne me permettrai point de scruter les motifs de l'action de Monsieur de Valmont » (Laclos). « Ce jour-là il s'était permis de répliquer » (Romains). ⇒ s'enhardir (jusqu'à).
3 ♦ (Par politesse) ⇒ oser. Puis-je me permettre de vous offrir une cigarette ? « Je me permettrai de venir vous voir demain à 5 heures » (Montherlant).
⊗ CONTR. Défendre, empêcher, interdire, prohiber. Consigner. Brider, contraindre, forcer.
● permettre verbe transitif (latin permittere) Donner à quelqu'un le pouvoir, le droit de faire quelque chose, d'agir de telle ou telle manière : La loi ne (vous) permet pas de construire à cet endroit. Donner la possibilité, l'occasion, le moyen de faire quelque chose : Le bus nous permet de venir en dix minutes. Faire que quelque chose soit possible, puisse exister : Son attitude nous permet tous les soupçons. ● permettre (expressions) verbe transitif (latin permittere) Permettez-moi de, formule de politesse marquant la déférence ou introduisant une remarque critique. Permettez !, Tu permets !, expriment une objection, marquent une interruption : Tu permets ? je voudrais placer un mot ! ● permettre (synonymes) verbe transitif (latin permittere) Donner à quelqu'un le pouvoir, le droit de faire quelque chose...
Synonymes :
- tolérer
Contraires :
- défendre
- empêcher
- entraver
- prohiber
permettre
v.
rI./r v. tr.
d1./d Ne pas interdire, ne pas empêcher (qqch). Permettre qqch à qqn.
|| Permettre de (+ inf.): donner liberté, pouvoir de. Permettez-moi de sortir.
— Permettre que (+ subj.). Permettrez-vous qu'il vienne?
|| (Dans une formule de politesse.) Permettez-moi de me retirer.
d2./d (Sujet n. de chose.) Ne pas s'opposer à; rendre possible. Laisser-aller qui permet tous les excès.
|| Permettre de (+ inf.): donner la possibilité de. Dès que mes affaires me permettront d'aller vous voir...
|| Impers. Il est permis, possible. Il est permis de penser qu'il se trompe.
— Il vous est permis de, loisible de.
rII./r v. Pron.
d1./d S'accorder. Il ne se permet que quelques instants de repos.
|| S'autoriser. Elle se permet bien des familiarités.
— (Pour atténuer la formulation d'une observation, d'un reproche.) Je me permettrai une petite critique.
d2./d Prendre la liberté de. Il s'est permis de dire que...
⇒PERMETTRE, verbe trans.
A. — Empl. trans.
1. [Le suj. désigne une pers.] Vouloir bien que quelque chose se passe, donner son accord, son consentement. Synon. accepter, autoriser, concéder. On est surpris que maman et ma soeur permettent des obsèques civiles (RENARD, Journal, 1900, p.567). J'aurais chéri Navarin comme un père, j'aurais comblé ce vieux Cacique de respects et d'égards, je me serais fait son disciple docile, s'il l'eût permis (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.43). Demain, mon père, si vous le permettez, je noterai le détail de votre plan (BILLY, Introïbo, 1939, p.98).
— Permettre que + subj. Deux ou trois fois, je permis qu'il me serrât longuement contre son coeur dans une clairière (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.89). Vous permettez que je fasse quelques pas avec vous? (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.43).
— Permettre à qqn de + inf. Donner à quelqu'un l'autorisation, la liberté de faire quelque chose. Elle lui avait permis de fumer en sa présence: la fumée de ses cigarettes, à lui, avait une odeur si bonne, si réconfortante! Elle l'aspirait avec délices (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p.195). Les Allemands avaient enfermé hommes et femmes dans l'église, et puis après avoir mis le feu, ils avaient permis aux femmes de sortir (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.229).
♦P. ell. Si vraiment vous permettez que je vous embrasse, j'aimerais mieux remettre cela à plus tard et bien choisir mon moment. Seulement il ne faudrait pas que vous oubliiez alors que vous m'avez permis (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.363).
♦Absol. Emmanuel, allant au-devant de sa mère, met un genou en terre et lui prend la main. Madame la marquise permet? (DUMAS père, P. Jones, 1838, 2, p.125). Comme Passavant lui tendait son étui à cigarettes: —Si vous permettez, je préfère... —Je ne permets pas du tout. Avec vos affreuses cigarettes de contrebande, vous allez m'empester la pièce. Je n'ai jamais compris le plaisir qu'on pouvait trouver à fumer ça (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1195).
— Permettre qqc. à qqn. En la reconduisant, je la priai de me permettre un baiser. Sara s'était souvenue, à mes visites du jour de l'an, que j'avais évité sa bouche, et en cette occasion-ci, elle s'en ressouvint encore (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.7). Il est impossible que je permette à des femmes un voyage comme celui-ci: mauvais chemins, chemins peu sûrs et fangeux (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1807, p.128). Puisque M. de Seigneulles permettait le bal à son fils, il aurait bien dû lui payer une paire de gants jaunes (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.14).
2. [Le suj. désigne une réalité concr. ou abstr.] Rendre possible, faire que quelque chose soit réalisable. Quand le temps le permettait, nous sortions, tous les quatre le plus souvent, la gouvernante, Charlotte, mon élève et moi, dans l'après-midi (BOURGET, Disciple, 1889, p.149). Puisque la loi permet l'expropriation du fonds moyennant indemnité, pourquoi ne permettrait-elle pas de même l'expropriation des produits du fonds? (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.229).
— Permettre (à qqn) de + inf. Donner (à quelqu'un) l'occasion, le loisir, la possibilité, le moyen de faire quelque chose. Traité en enfant de la maison, il y eut même sa chambre, y mangea, y vécut, ce qui lui permettait d'envoyer à sa mère la moitié de ses appointements de trois mille francs (ZOLA, Germinal, 1885, p.1307). La situation devint intolérable, d'autant plus que la pension de retraite ne permettait pas à mon oncle «de m'entretenir dans l'oisiveté» (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p.3). La faible contribution du gouvernement ne nous permet pas d'entamer de trop grands ouvrages d'art (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p.194). V. discours ex. 12.
♦[P. ell. du compl. indir.] Une ouverture ronde, pareille à celle d'un puits, permettait d'apercevoir le ciel tout constellé d'étoiles (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.465). Au lieu de se séparer de son argent, madame n'a qu'à dire qu'elle l'a perdu! Le résultat sera le même et ça permet de voir venir (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p.412):
• 1. C'est l'habitude, quand un camarade est pris, de faire une enquête sur toutes les circonstances qui ont entouré son arrestation. Ça permet souvent d'éviter d'autres coups durs, ça permet quelquefois d'aider celui qui vient de «tomber»...
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.31.
— Permettre qqc. à qqn. Nous dépassons une caravane de porteurs chargés d'un lot de grenades qui cheminent aussi vite que le leur permet leur charge (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p.57):
• 2. Quand nous paraissions tendre à un régime de république suisse, esprit radical et très petit bourgeois, anticlérical, protestant, on évitait manifestement de nous ramener de même au régime de neutralité extérieure qui permet à la Suisse le plus grand nombre de ses expériences sociales à l'intérieur.
MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p.86.
— Au passif. Tout est permis. À Venise, les mondaines ne sortent plus qu'avec un loup sur le visage. Les religieuses aussi. L'agonie des coeurs et des âmes se précipite sous les dehors charmants de la fête perpétuelle. Tout est permis, si l'on n'est vu (FAURE, Hist. art, 1921, p.131).
♦Empl. part. passé adj.:
• 3. Comme les médecins avaient décidé que Mme de Coantré n'irait pas au delà du 14, et que le 17 elle respirait encore, la garde eut un mot assez beau: «Pauvre Mme de Coantré! Qu'est-ce qu'elle fait donc?» (Entendez: où a-t-elle la tête? Elle ne voit donc pas qu'elle nous fait attendre?) Tout cela, la garde se le croyait permis, étant une vieille amie de la famille.
MONTHERL., Célibataires, 1934, p.766.
♦Locutions
Fam. Se croire tout permis. Se croire le droit de tout faire; p.ext., se comporter cavalièrement, de manière grossière, indiscrète ou discourtoise, manquer d'égards ou de retenue. Je les connais, j'en ai vu chez ma mère! Elles se croient tout permis pour l'église (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.297). Tout le monde se croit tout permis contre moi (BLOY, Journal, 1893, p.87).
3. [Dans des formules de politesse]
a) [Pour attirer l'attention de quelqu'un, pour contredire, déranger ou interrompre quelqu'un, pour exprimer son opinion ou un avis différent de celui qui vient de l'être, pour demander (fictivement) l'autorisation d'accomplir quelque chose devant quelqu'un] «Vous permettez que j'allume une cigarette, amie?» Il était incorrigible et délicieux. Il avait une manière à lui de prononcer ce mot amie (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p.659). Le café est-il bien chaud? —Mais certainement, monsieur. —Appelez-moi capitaine et permettez-moi, mademoiselle, de vous poser une question. Serais-je indiscret si j'osais allumer ma pipe? Non? Grand merci, mademoiselle (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.110). Elle vient vous voir souvent, en moyenne une fois ou deux par semaine? —C'est possible. Mais pourrais-je savoir...? —C'est moi qui questionne, si vous le permettez (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.157). V. supra A 1 ex. de Gide.
— Absol. Permettez! Vous permettez! Elle y gardait un pupitre où étaient enfermées les lettres de Rodolphe. Il fallut l'ouvrir. —Ah! une correspondance! dit maître Hareng avec un sourire discret. Mais permettez! Car je dois m'assurer si la boîte ne contient pas autre chose (FLAUB., Mme Bovary, t.2, 1857, p.148). Permettez! Je sais qu'il y a deux jours vous n'aviez pour moi qu'une inclination modérée. Mais aujourd'hui je compte absolument sur un allié qui oblige cette inclination à se transformer en amour (CUREL, Nouv. idole, 1899, II, 3, p.206):
• 4. ... vous n'êtes que trop enclin au soupçon. On commence par des ruminations bénignes, on y prend goût, et on finit par devenir insensiblement un véritable paranoïaque. La chose est banale. —Permettez, permettez... protesta faiblement l'historien, moi aussi, j'ai des droits, des devoirs... Il ne m'est pas possible de me désintéresser entièrement.
BERNANOS, Joie, 1929, p.639.
b) [En précaution oratoire, pour exprimer une opinion qui pourrait sembler déplacée ou qui pourrait blesser qqn] Si son altesse veut me permettre un avis, ne l'attendons pas! Je cerne la brasserie, j'enlève tout, je rase la baraque (SARDOU, Rabagas, 1872, I, 13, p.39). De même, (qu'on me permette cette comparaison), la médecine a la surprise de constater que le microbe attaqué de front par les vaccins et les sérums leur oppose des obstacles inattendus (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p.308).
4. Empl. impers.
— Il/ce (n')est (pas) permis. Il/ce (n')est (pas) possible, on (ne) peut (pas). Cet Auteuil! (...) malgré les becs de gaz obscurs, le macadam absolument dérisoire et gluant comme il n'est pas permis de l'être, (...) il faut aimer ce coin si calme de la Ville (VERLAINE, OEuvres compl., t.4, Mém. veuf, 1886, p.201). Est-il permis une seule fois au cours de cette guerre d'accueillir des préoccupations qui soient hors de l'actualité et de la souffrance commune? (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1918, p.355). Il est (...) permis de dire que le site gouverne en partie l'habitat (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.173).
— [En exclamative, pour exprimer le reproche, la désapprobation] Si c'est permis, tout taché de vert, des talons pleins de boue (VALLÈS, J. Vingtras, Enf., 1879, p.61). Neuf heures passées, est-il permis! Jamais on ne se lèvera demain (ZOLA, Germinal, 1885, p.1280).
— Il n'est pas permis à tout le monde. Il n'est pas donné à tout le monde, tout le monde ne peut pas. (Dict. XIXe et XXes.).
B. —Empl. pronom. réfl.
1. S'accorder quelque chose qui n'était pas possible ou qui était défendu, avoir la possibilité, les moyens de se procurer quelque chose. Je crois qu'une honnête femme peut se permettre, en tout bien tout honneur, de petites coquetteries sans conséquence, qui font partie de ses devoirs en société (BALZAC, E. Grandet, 1834, p.69). Il décida (...) de se payer un bon dîner, un dîner à trois francs, dans un hôtel bourgeois. Il pouvait se permettre cela: voilà deux mois qu'il ne dépensait rien (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.105). Il n'était pas encore vieux mais tout de même il ne pouvait plus se permettre les excès d'autrefois; en fait il se les permettait, et même il les multipliait: peut-être pour se prouver qu'il était encore jeune (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.194).
— En partic. [Le compl. désigne des attitudes, des paroles, un comportement] Faire, dire, oser quelque chose qui peut choquer, qui peut aller contre les convenances. Se permettre d'étranges propos, des plaisanteries. Après avoir prouvé qu'il ne pouvait pas aimer; pour la première fois de sa vie il se permit avec madame d'Aumale des demi-mots presque tendres (STENDHAL, Armance, 1827, p.161). Avec ses intimes, elle appelait ainsi [mon petit mufe] le comte Muffat; et ces messieurs ne la questionnaient plus sur lui autrement: «Tu as vu ton petit mufe hier soir?... Tiens! Je croyais le trouver ici, le petit mufe?» Une simple familiarité que pourtant elle ne se permettait pas encore en sa présence (ZOLA, Nana, 1880, p.1440). Pendant la minute qu'elle se mit à enfiler ses gants, un plissement indécis, ébauche de grimace ou de sourire, ne cessa de taquiner ses lèvres (...). À ce moment-là, si elle s'était permis certain sourire effronté, peut-être bien qu'il ne se fût pas retenu de la jeter dehors (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p.1314).
2. Se permettre de + inf. Prendre la liberté de, avoir l'audace de faire quelque chose, oser faire quelque chose. Dès le coup de téléphone, je me suis permis de m'informer avant mon départ. Je sais donc que vous êtes arrivé par le train de dix heures (BERNANOS, Crime, 1935, p.765):
• 5. La communauté israélite dont elle fait partie s'était cotisée pour lui procurer quelques secours. Cela n'a pas suffi. Nous organisons une représentation à son bénéfice, je me suis chargée de placer des billets. On m'a dit à l'ambassade que nous pourrions compter sur vos sentiments de générosité, on m'a encouragée à vous importuner hardiment. Je ne me serais pas permis de vous écrire.
VOGÜÉ, Morts, 1899, p.328.
— Absol. Blanche: (...) Il a deviné que je voulais lui parler seul. Il l'a mise en voiture, et il est resté. Alors, je lui ai dit... Alors, je l'ai prié... de renoncer... aux projets de vengeance qu'il pouvait avoir contre vous... Courpière: Vous vous êtes permis! (HERMANT, M. de Courpière, 1907, IV, 8, p.31).
— [Dans des formules de politesse] Puis-je me permettre de vous demander, mon père, quel a été le résultat de vos réflexions? (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.228).
Prononc. et Orth.:[], (il) permet []. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. v. mettre. Étymol. et Hist. 1. Fin Xes. permetre «donner liberté, possibilité de dire, faire quelque chose» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 56), attest. isolée; à nouv. 1357 (Livre noir, ms. 535, f° 4 ds CAFFIAUX, Régence d'Aubert de Bavière, p.83); 1585 «tolérer ce qu'on pourrait empêcher» (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 145); 1718 «tolérer ce qu'on ne peut pas empêcher» (Ac.); 2. 1538 il est permis (de) (EST.); 1553 si Dieu le permet «si aucun événement ne l'empêche» (Bible Gérard, 6, 3 ds FEW t.8, p.251); 1668 se croire tout permis (BOILEAU, Satires, éd. C. H. Boudhors, IX, 121, 70); 1690 «autoriser quelque chose à quelqu'un» (FUR.); 1694 il n'est pas permis à tout le monde de (Ac.); 3. 1547 (formules de politesse) permettez-moi que (MARGUERITE DE NAVARRE, Nativité, éd. Schneegans, 927); 1582 Permettez moy de (GARNIER, Bradamante ds Tragédies, éd. W. Foerster, IV, 57); 1669 permis à vous «formule qui exprime l'indifférence ou le mépris pour ce que pense ou fait l'interlocuteur» (MOLIÈRE, Tartuffe, II, 4); 1694 à vous permis «id.» (Ac.); 1857 Permettez! «formule pour contredire quelqu'un, protester ou imposer sa volonté» (FLAUB., loc. cit.); 4. 1580 «donner le moyen, la possibilité de faire quelque chose» (B. PALISSY, Discours admirable, 341 ds IGLF); 5. 1559 verbe pronom. «se donner la licence de faire des choses dont on devrait s'abstenir» (AMYOT, Alex., 83 ds LITTRÉ). Empr. au lat. permittere «laisser libre, permettre» avec francisation d'apr. mettre. Fréq. abs. littér.: 13769. Fréq. rel. littér.:XIX:a) 18831, b) 17940; XXes.: a) 16736, b) 22811. Bbg. CLEDAT (L.). Contribution à un nouv. dict. hist. et «de l'usage». R. Philol. fr. 1915-16, t.39, p.177).
permettre [pɛʀmɛtʀ] v. tr. [CONJUG. mettre.]
ÉTYM. 980, permetre; rare av. 1410; lat. permittere, sous l'infl. de mettre.
❖
1 (Sujet n. de personne ou de chose signifiant une volonté humaine). Laisser faire (qqch.), ne pas empêcher. ⇒ Autoriser, tolérer. || « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent » (Montesquieu). || Permettre l'exportation (cit. 6) de certains produits. || Si Dieu n'eût permis qu'une religion… (→ Discerner, cit. 2). || Je ne permettrai pas plus longtemps ce vacarme. ⇒ Endurer, souffrir, supporter.
1 Il pense aux civilisations qui permettaient l'orgie (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XV, p. 155.
♦ Permettre que (suivi du subj.). ⇒ Admettre, approuver, consentir; bon (trouver); vouloir (bien). || L'évêque permit qu'il restât en habit laïque (cit. 5). || Je vous supplie de permettre qu'il soit des nôtres (→ 1. Être, cit. 74). || Sa mère permettait parfois qu'il prolongeât la veillée (→ Intraitable, cit. 2). || Elle a permis qu'il s'en aille.
2 — Protège-moi, mon doux Jésus ! (…) Ne permets pas que le fantôme accomplisse ce que n'a point accompli le corps. Quand j'ai triomphé de la chair, ne souffre pas que l'ombre me terrasse.
France, Thaïs, p. 221.
3 (Ces folles plaisanteries)
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, I, 4.
♦ (Suivi de l'indic. ou du cond.). || Le ciel permit que…; Dieu, la Providence a permis que… ⇒ Vouloir (→ Après, cit. 60).
♦ (1572). || Permettre qqch. à qqn. ⇒ Accorder, autoriser. || Permettre à qqn l'entrée de l'église (→ Naturaliser, cit. 4). || Permettre quelques licences (cit. 8) aux poètes. || Elle m'a demandé à partir plus tôt; je le lui ai permis (⇒ Acquiescer; aller [laisser]). — Votre indulgence envers cet enfant dépasse les bornes; vous lui permettez tout. ⇒ Passer.
4 (…) bien que les magistrats lui aient permis tels transports de bois qu'il lui plairait (…) il n'a point voulu user de ce privilège.
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, « De l'ostentation ».
5 (…) la trahirez-vous, cette confiance que vous-même avez semblé me permettre, et à laquelle je me suis livré sans réserve ?
Laclos, les Liaisons dangereuses, XXIV.
♦ (Au passif et p. p.). || L'usage de la poste restante n'est permis qu'aux plus de 18 ans (→ Falsifier, cit. 5).
♦ ☑ Il croit que tout lui est permis, qu'il a le droit de faire, de dire n'importe quoi. Ellipt. || Se croire tout permis.
6 Peuple, ne croyons pas que tout nous soit permis.
Craignez vos courtisans avides,
Ô peuple souverain !
André Chénier, Odes, « Jeu de Paume », XVII.
♦ Littér. || Se croire permis de (et inf.).
7 Ma belle-sœur est injuste parce qu'elle est en discussion d'intérêt avec elle et qu'elle se croit permis de la traiter de toutes les manières.
G. Sand, François le Champi, XXI.
♦ Spécialt. (En parlant de prescriptions médicales). || Son médecin lui permet le tabac. — (Passif). || Les exercices violents lui sont interdits, mais la marche lui est permise.
♦ Permettre de (suivi de l'inf.). Donner le droit, la liberté, le pouvoir de… ⇒ Laisser. || Je vous en conjure à mains (cit. 104) jointes, permettez-moi de l'épouser. || Il va mieux, mais on ne lui permet pas encore de se lever. || Son patron lui a permis de ne pas venir travailler ce matin (⇒ Dispenser). — (Sans compl. ind. exprimé). || Les biens dont la loi permet de disposer (→ Legs, cit. 2). || L'ordonnance ne permet de faire un emprunt (cit. 1) qu'à condition de…
8 Ils ont permis à leur fille d'accepter mes cadeaux; ils m'ont laissé vingt fois en tête-à-tête avec elle (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 701.
♦ (Passif impers.). || Il est, il n'est pas permis de…; il est permis à… de… || Il n'est permis à personne de violer sa foi (→ Infidélité, cit. 9). || Il n'est jamais permis de détériorer (cit. 1) une âme humaine (Rousseau). || En province, il n'est pas permis d'être original (2. Original, cit. 12, Balzac). || Il vous est permis de penser tout autrement. ⇒ Loisible. — Ellipt. et fam. || « Mangeons comme de droit, buvons comme permis » (→ Haleine, cit. 10, Verlaine).
9 Il ne m'est pas permis, à ces conditions, de vous rien refuser : je ferai ce que vous voudrez.
Molière, le Sicilien, 15.
10 La Grèce a-t-elle encor quelque droit sur sa vie ?
Et seul de tous les Grecs ne m'est-il pas permis
D'ordonner d'un captif que le sort m'a soumis ?
Racine, Andromaque, I, 2.
♦ ☑ Fam., plais. Ce n'est pas permis d'être aussi naïf, aussi bête, c'est excessif.
♦ Vieilli. || Permis à vous, à lui… ⇒ Libre.
11 J'ose même ajouter qu'elle n'a connu qu'un seul vrai plaisir au monde; c'était d'en faire à ceux qu'elle aimait. Toutefois, permis à chacun d'argumenter là-dessus tout à son aise (…)
Rousseau, les Confessions, V.
2 (Sujet n. de chose). Rendre possible, faire que (qqch.) soit possible. || Son attitude permet tous les soupçons. ⇒ Autoriser (cit. 12); place (laisser place à). — Il a été aussi amical (cit. 3) que le permet son caractère. ⇒ Comporter. || Se laisser entraîner (cit. 16) sur une pente qui ne permet pas de retour. || L'art du gouvernement (cit. 15) doit permettre l'accomplissement maximum de la personne humaine. ⇒ Aider.
♦ (Avec un compl. ind.). || Son endurance permet à cet athlète de ne pas souffrir. || Sa santé ne lui permet aucun excès de table. || Elle grimpa (cit. 15) aussi vite que ses jambes le lui permettaient (→ Hâter, cit. 11).
12 (…) sa hiérarchie lui permet une sélection de plus en plus rigoureuse.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, X, p. 108.
♦ Permettre de… (suivi de l'inf.). Donner, laisser la faculté, le moyen, la possibilité de… || Ses infirmités (cit. 8) ne lui permettent pas d'aller en voiture. || L'état du malade ne permet de tenter aucune intervention (cit. 5). || Sa fortune lui permettait de garnir (cit. 6) sa table. — Une embellie (cit. 2) nous permit de sortir. — Glace (cit. 24) à trois panneaux qui permet de se voir de face, de dos et de profil.
♦ Les objets qui ont permis d'établir l'identité (cit. 14) de la victime. || Une bonne expérience (cit. 46) est celle qui permet de généraliser. || Chaque effet permet de remonter à une cause (→ Deviner, cit. 4, Balzac). || L'histoire ne nous permet guère de prévoir. — Donner l'occasion de… || « Une fonction qui lui permettra d'approcher (cit. 21) des hommes intelligents. » || Cet examen permet de penser que…, voilà qui permet de supposer que… ⇒ Lieu (donner lieu). — Donner le loisir de… || Le temps ne me permet pas de m'étendre (cit. 43) plus longuement. || Une affaire qui ne me permet pas d'attendre (cit. 27), d'arrêter (cit. 49) en chemin.
13 (…) La nuit ne permit pas
De voir de quel côté se dirigeaient ses pas.
A. de Musset, Premières poésies, « Portia », II.
14 Mes moyens ne me permettant pas de prendre un cabriolet et mes goûts un omnibus.
Flaubert, Correspondance, 73, fin janv. 1843.
15 Rêve de grandes choses : cela te permettra d'en faire au moins de toutes petites.
J. Renard, Journal, 9 mai 1894.
♦ (Passif impers.). ⇒ Possible; pouvoir (v. tr.). || Autant qu'il est permis d'en juger (→ Moelle, cit. 6). || Des choses sur quoi il est permis de faire fond (cit. 34). || S'il est permis de parler aussi…
16 Enfin ! seul ! (…) il m'est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres !
Baudelaire, le Spleen de Paris, X.
♦ Il n'est pas permis à tout le monde de réussir, d'avoir des dons pour la musique… ⇒ Donner.
3 (1636). Dans des formules de politesse. ⇒ Accepter, agréer. || Permettez, Madame, que je vous raccompagne. — Permettez-moi de vous présenter M. X… || Voulez-vous nous permettre de vous jouer (cit. 56) quelque chose ? — (En manière de précaution oratoire). || Permettez-moi cette épithète (→ Maître, cit. 113). || J'ajouterai, si vous le permettez, que… || Permettez-moi de vous dire que… (→ Nomination, cit. 1). — (Passif impers.). || S'il est permis de le dire (→ Affection, cit. 7), d'emprunter cette expression (→ Laine, cit. 6), d'employer ce mot (→ Négligé, cit. 4).
17 Permettez-moi de vous remercier, monsieur, de la lettre que vous avez bien voulu m'adresser.
♦ Permettez ! vous permettez ?, formules pour contredire qqn, protester ou imposer sa volonté avec une apparence de courtoisie. || Permettez ! je ne suis pas de votre avis. || Je passe devant vous, vous permettez ?
17.1 (…) c'est vous qui m'avez fait la commande !
— J'ai été l'intermédiaire, permettez !
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, IV.
18 — Je vous empoigne par le fond de la culotte, et je vous envoie, par cette croisée, voir les poules ! (…) — Permettez ! (…) — Silence ! taisez-vous !
Courteline, Boubouroche, Nouvelle, IV.
18.1 Alors, l'homme se rapprocha. — Vous permettez. Elle ne s'étonna pas, toute à son désarroi.
M. Duras, Moderato cantabile, p. 35.
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se permettre v. pron.
ÉTYM. (1559).
♦ Permettre à soi-même.
1 S'accorder (qqch.). || Se permettre un peu de franc-parler (cit. 3), quelques petites douceurs, une distraction. — Les mensonges oratoires que se permettent les historiens (→ Harangue, cit. 2).
♦ Faire, dire… (quelque chose qui dépasse les limites permises en matière de bienséance, de morale, de discrétion…). || Se permettre une réflexion pareille est du dernier (cit. 14) goujat. || Se permettre des impertinences (cit. 10), des observations (cit. 8) déplacées, des libertés avec une femme (→ Frôlement, cit. 1).
19 (…) elle en fut choquée comme d'une privauté qu'il se fût permise (…).
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 227.
2 Se permettre de (suivi de l'inf.). Prendre la liberté de… ⇒ Aviser (s'), oser. || Je ne me permettrai pas de juger sa conduite (→ Louable, cit. 2). || Des limites (cit. 7) qu'ils ne se sont jamais permis de passer. || Ce jour-là il s'était permis de hausser (cit. 3) le ton. ⇒ Enhardir (s'enhardir jusqu'à).
♦ Avoir la hardiesse, l'impudence de… || Se permettre d'apostropher, de narguer qqn (→ Galérien, cit. 3; gond, cit. 4). || Des hommes qui se permettent d'être indécents (cit. 3).
3 (1672). Dans des formules de politesse, en manière de précaution oratoire. ⇒ Oser. || Je me permettrai de vous demander si…, de vous faire remarquer… || Puis-je me permettre de… ?
20 Je me permettrai de venir vous voir demain à 5 heures. Votre affectionné, Léon.
Montherlant, les Célibataires, I, IV.
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permis, ise p. p. adj.
1 Autorisé. || Tout ce qui n'est pas défendu est permis. — Plaisirs permis. ⇒ Légitime, licite (cit. 2).
21 (cette comédie) se tient partout dans les bornes de la satire honnête et permise (…)
Molière, les Précieuses ridicules, Préface.
2 (Dans des emplois attributs). → ci-dessus, cit. 6, 7 et supra; cit. 9, 11 et supra.
3 Didact. || Application permise d'une règle. — Math. || Sous-ensemble permis à droite, à gauche.
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CONTR. Défendre (cit. 42), empêcher, interdire, prohiber. — Consigner. — Brider, contraindre, forcer. — Défendu.
DÉR. Permis, permissible.
Encyclopédie Universelle. 2012.