joie [ ʒwa ] n. f.
• 1080; goie v. 1050; lat. gaudia, plur. neutre de gaudium, fém. en lat. pop.
1 ♦ Émotion agréable et profonde, sentiment exaltant ressenti par toute la conscience. La joie est différente du bonheur, du plaisir, de la gaieté. « Le bien-être est acceptable, la joie est noble, le plaisir est suspect » (H. Laborit). « La joie est une agréable émotion de l'âme » (Descartes). Joie calme, sereine. « la joie intérieure, une joie si profonde que rien ne saurait l'altérer » (Bernanos). Joie infinie, intense, immense, extrême. ⇒ allégresse, exaltation, ivresse, jubilation, ravissement. Joie délirante. Joie mystique, céleste. ⇒ béatitude, extase. Joie indescriptible, sans mélange. Éprouver de la joie. « Y a d'la joie », chanson de Charles Trenet. Être au comble de la joie, transporté de joie. Ne plus se sentir de joie. Être fou, ivre de joie (⇒ exulter, jubiler, 1. rayonner, triompher) . Cœur plein de joie. À cœur joie. Fête où règne la joie. — Être, mettre en joie (⇒ réjouir) . Cœur en joie. ⇒ fête (en fête). Travailler dans la joie et la bonne humeur. — Manifestations de joie. ⇒ 2. rire, 2. sourire; entrain, gaieté. La joie éclate sur son visage (⇒ radieux, rayonnant, réjoui) . Communiquer, épancher sa joie. Bondir, sauter de joie. Crier, pleurer de joie. Cacher sa joie. Des yeux qui pétillent de joie. Joie exubérante, bruyante, collective. ⇒ liesse, réjouissance. Explosion, cris de joie. Chant de joie (⇒ hosanna) . L'« Hymne à la Joie », de Beethoven. Feu de joie. — Respirer la joie de vivre. Joie de la réussite. ⇒ fierté, triomphe. Joie de donner, de faire le bien. Quand aurai-je la joie de vous revoir ? ⇒ avantage, 1. plaisir. Nous avons la grande joie de vous annoncer... Accepter avec joie. Spectacle qui fait la joie des enfants. Pour la plus grande joie de tous. À ma grande joie. — Loc. fam. C'est pas la joie ! la situation est difficile, désagréable.
2 ♦ Une joie. Cette émotion liée à une cause particulière. C'est une joie de vous revoir. Quelle joie d'être ici ! « Il y a de merveilleuses joies dans l'amitié » (Alain). Fausse joie. Se faire une joie de : se réjouir d'une chose actuelle ou attendue. Il s'était fait une joie de nous accompagner. Au plur. Les joies de la vie. ⇒ agrément, bienfait, douceur, 1. plaisir, satisfaction. Petites, menues joies. Une vie sans joies. Relig. Les joies du monde, de la terre, opposées à la vraie joie.
3 ♦ Par ext. Cause de joie. « Si posséder est un plaisir, donner est une joie » (Duhamel). « je suis ce qu'il aime le mieux, presque sa seule joie sur la terre » (Musset). ⇒ consolation.
4 ♦ Par antiphr. Plur. Ennuis, désagréments. Les joies du mariage. Encore une panne, ce sont les joies de la voiture !
5 ♦ Vx Plaisir des sens. Les enfants « que l'on conçoit en joie » (Molière). — Fille de joie.
⊗ CONTR. 2. Chagrin, désenchantement, désespoir, douleur, ennui, peine, tristesse.
● joie nom féminin (latin populaire gaudia, pluriel de gaudium) Sentiment de plaisir, de bonheur intense, caractérisé par sa plénitude et sa durée limitée, et éprouvé par quelqu'un dont une aspiration, un désir est satisfait ou en voie de l'être : Ressentir une grande joie. Être fou de joie. Ce qui provoque chez quelqu'un un sentiment de vif bonheur ou de vif plaisir : C'était une joie de les regarder. S'emploie comme intensif de « plaisir » dans des formules de politesse : J'accepte avec joie. État de satisfaction qui se manifeste par de la gaieté, de la bonne humeur : Travailler dans la joie. ● joie (citations) nom féminin (latin populaire gaudia, pluriel de gaudium) Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 La joie venait toujours après la peine. Alcools, le Pont Mirabeau Gallimard Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Je chante la joie d'errer et le plaisir d'en mourir. Calligrammes, le Musicien de Saint-Merry Gallimard Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 La joie ne peut éclater que parmi des gens qui se sentent égaux. La Vendetta Pierre Bayle Le Carla 1647-Rotterdam 1706 La joie est le nerf de toutes les affaires humaines. Pensées diverses sur la comète Paul, dit Tristan Bernard Besançon 1866-Paris 1947 Je n'ai aucune espèce de joie à faire le bonheur des gens qui ne me plaisent pas. Jules, Juliette et Julien L'Illustration Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Ô mort ! éloigne-toi de notre pensée, et laisse-nous tromper pour un peu de temps la violence de notre douleur par le souvenir de notre joie. Oraison funèbre d'Henriette-Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans Albert Camus Mondovi, aujourd'hui Deraan, Algérie, 1913-Villeblevin, Yonne, 1960 La joie est une brûlure qui ne se savoure pas. La Peste Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 Fais-leur comprendre qu'ils n'ont d'autre devoir au monde que de la joie ! Le Père humilié, II, 2, le pape Pie Gallimard Marceline Desbordes-Valmore Douai 1786-Paris 1859 Il ne faut pas compter sur la pitié des hommes quand ils peuvent se donner l'importante joie de punir. Correspondance, à Prosper Valmore, 17 novembre 1839 René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 J'ose croire que la joie intérieure a quelque secrète force pour se rendre la fortune plus favorable. Correspondance, à Élisabeth, octobre ou novembre 1646 René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Lorsque l'esprit est plein de joie, cela sert beaucoup à faire que le corps se porte mieux et que les objets présents paraissent plus agréables. Correspondance, à Élisabeth, octobre ou novembre 1646 René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Souvent une fausse joie vaut mieux qu'une tristesse dont la cause est vraie. Les Passions de l'âme André Gide Paris 1869-Paris 1951 On appelle « bonheur » un concours de circonstances qui permette la joie. Mais on appelle « joie » cet état de l'être qui n'a besoin de rien pour se sentir heureux. Divers Gallimard Jean Giono Manosque 1895-Manosque 1970 Les joies du monde sont notre seule nourriture. La dernière petite goutte nous fait encore vivre. Que ma joie demeure Grasset Pierre Jean Jouve Arras 1887-Paris 1976 Les joies des hommes sont aussi horribles que leurs douleurs. Le Monde désert Mercure de France Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Les tourterelles se fuyaient : Plus d'amour, partant plus de joie. Fables, les Animaux malades de la peste Clément Marot Cahors 1496-Turin 1544 Ne blâmez point doncques notre jeunesse Car noble cœur ne cherche que soulas. Ballade des enfants sans souci donc joie Marcel Pagnol Aubagne 1895-Paris 1974 Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. Le Château de ma mère Pastorelly Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Joie, Joie, Joie, pleurs de joie. Mémorial Benjamin Péret Rezé, Loire-Atlantique, 1899-Paris 1959 La joie comme la peine se mesurent au centigramme. Le Grand Jeu, As de pique Gallimard Henri Pourrat Ambert 1887-Ambert 1959 Ce n'est pas tellement vers la joie, vers la peine, qu'on a choisi d'aller. On a choisi d'aller vers autre chose. À la belle bergère Albin Michel Jacques Prévert Neuilly-sur-Seine 1900-Omonville-la-Petite, Manche, 1977 Les jeux de la Foi ne sont que cendres auprès des feux de la Joie. Spectacle Gallimard Victor Segalen Brest 1878-Huelgoat 1919 L'Empire des joies défendues n'a pas de déclin. Stèles Plon Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 L'amour est la joie, accompagnée de l'idée d'une cause extérieure. Amor est Laetitia concomitante idea causae externae. L'Éthique, Livre III Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 Le désir qui naît de la joie est plus fort, toutes choses égales d'ailleurs, que le désir qui naît de la tristesse. Cupiditas, quae ex Laetitia oritur, caeteris paribus, fortior est Cupiditate, quae ex Tristitia oritur. L'Éthique, Livre IV Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection. Laetitia est hominis transitio a minore ad majorem perfectionem. L'Éthique, Livre III Euripide Salamine 480-Pella, Macédoine, 406 avant J.-C. Dans la vie, des principes rigoureux donnent, dit-on, plus de déceptions que de joies. Hippolyte, 261-262 (traduction Méridier) Bible Je trouverai ma joie à leur faire du bien. Ancien Testament, Jérémie XXXII, 41 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Dieu aime qui donne avec joie. Saint Paul, Épîtres aux Corinthiens, IIe, IX, 7 John Keats Londres 1795-Rome 1821 Toute beauté est joie qui demeure. A thing of beauty is a joy for ever. Endymion Vladimir Vladimirovitch Maïakovski Bagdadi, aujourd'hui Maïakovski, Géorgie, 1893-Moscou 1930 La joie est un escargot rampant. Le malheur un coursier sauvage. Vladimir Ilitch Lénine Friedrich von Schiller Marbach 1759-Weimar 1805 Joie, belle étincelle divine, Fille de l'Élysée, Nous pénétrons, ivres de ta flamme, Ô Céleste, dans ton sanctuaire. Freude, schöner Götterfunken, Tochter aus Elysium, Wir betreten feuertrunken, Himmlische, dein Heiligtum. À la joie Commentaire Paroles de l'« Hymne à la joie » de la neuvième symphonie de Beethoven. Lev [en français Léon] Nikolaïevitch, comte Tolstoï Iasnaïa Poliana, gouvernement de Toula, 1828-Astapovo, gouvernement de Riazan, 1910 La tristesse pure est aussi impossible que la joie pure. Guerre et Paix, livre IV, 4e partie, 1 ● joie (expressions) nom féminin (latin populaire gaudia, pluriel de gaudium) Les joies de quelque chose, les plaisirs qu'on en tire, les bons moments que cela procure ou, familièrement et ironiquement, les ennuis, les désagréments de quelque chose : Cela fait partie des joies de l'existence. Les joies du service militaire. Familier. C'est pas la joie, c'est difficile, désagréable, insuffisant, etc. Être tout à la joie de, être pris, absorbé totalement par quelque chose dont on retire une vive satisfaction. Faire la joie de quelqu'un, être une cause de satisfaction, de plaisir pour lui. Fausse joie, joie attendue, mais qui se révèle non fondée. Joie de vivre, plaisir à accomplir chacune des tâches de la vie. Mettre quelqu'un en joie, le mettre en gaieté, le disposer au rire, à la bonne humeur. Se faire une joie de, être extrêmement heureux à l'idée de. ● joie (synonymes) nom féminin (latin populaire gaudia, pluriel de gaudium) Sentiment de plaisir, de bonheur intense, caractérisé par sa plénitude...
Synonymes :
- allégresse
- béatitude
- félicité
Contraires :
- dépit
- désespoir
- désolation
- douleur
- mélancolie
Ce qui provoque chez quelqu'un un sentiment de vif bonheur...
Synonymes :
- griserie
- ivresse
Contraires :
- dégoût
- désenchantement
- ennui
S'emploie comme intensif de « plaisir » dans des formules de politesse
Synonymes :
- plaisir
Contraires :
- déplaisir
- désagrément
État de satisfaction qui se manifeste par de la gaieté...
Synonymes :
- agrément
- bien-être
- entrain
- euphorie
- hilarité
- liesse
Contraires :
- chagrin
- deuil
joie
n. f.
d1./d état de satisfaction intense. Cris de joie. Combler de joie.
— Se faire une joie de: se réjouir à l'idée de.
— Faire la joie de qqn, être pour lui un sujet de profonde satisfaction.
d2./d Gaieté, bonne humeur. La joie des convives.
— Mettre en joie: provoquer la gaieté.
d3./d (Plur.) Plaisirs, satisfactions. Les joies de la vie.
— Iron. Inconvénients. Il va connaître les joies du service militaire!
d4./d Loc. Fille de joie: prostituée.
⇒JOIE, subst. fém.
A. — Émotion vive, agréable, limitée dans le temps; sentiment de plénitude qui affecte l'être entier au moment où ses aspirations, ses ambitions, ses désirs ou ses rêves viennent à être satisfaits d'une manière effective ou imaginaire.
1. [Le sentiment de joie est d'ordre affectif, moral, intellectuel ou psychique] Contentement, profonde satisfaction. Un de ces moments si rares dans la vie où le cœur est inondé de joie par quelque bonheur extraordinaire et inattendu (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 6). Oh! ma joie alors de sortir en courant de ce collège, d'apercevoir maman qui avait tenu sa promesse, et qui m'attendait là, souriante, avec mon père et ma sœur (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 247). Je me laissai soulever par cette joie qui déferlait en moi, violente et fraîche comme l'eau des cascades (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 95). La définition du désespoir, c'est qu'il est sans arrière-pensée d'espoir ni mélange de lumière; la définition de la joie, c'est qu'elle est pure lumière sans ombre (JANKÉL., La Mauvaise conscience, Paris, éd. Montaigne, 1966, p. 215) :
• 1. ... il savourait une joie (...) consubstantielle à son âme, pleine comme l'accord parfait, augmentant à mesure qu'il en éprouvait les ressorts, occupant tout son volume intérieur comme on se carre dans un fauteuil.
MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 187.
♦ Fausse joie. Joie qui devance prématurément des événements qui ne la confirmeront pas. C'est un sage : il ne veut pas de fausse joie, il attend les pièces du procès (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 299).
— Locutions
♦ Quelle joie! Si Maurice arrivait aux vacances, quelle joie! Que papa serait heureux! (E. DE GUÉRIN, Journal, 1837, p. 136). Avec quelle joie! Nous dûmes nous battre, et comment! Et avec quelle joie! (Moi, parce que j'adorais la bagarre...) (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 262).
♦ Dans la joie, dans la joie de son cœur. On chante tous ensemble dans la joie de son cœur, les convives ont la même gaieté et la même ivresse (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 252).
♦ De joie. De joie ma respiration s'arrêtait dans ma poitrine (PROUST, Swann, 1913, p. 385). Chanter de joie. Mozart, réduit à la dernière misère et frappé à mort, chantait encore de joie (MAURIAC, Journal, 1937, p. 133). Mourir de joie (p. hyperb.). Je passe sur les fous rires mal réprimés (...) et sur l'ahurissement du wachmann qui ne voulut jamais me croire : c'était à mourir de joie (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 234).
♦ Ça me ferait joie de + inf. (fam.). Et ça me ferait joie de te savoir mariée (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 30).
— Au plur. Petites joies. Laisse-moi faire, Laurent, je verserai l'eau moi-même. Il y a de petites joies, même dans l'extrême détresse. Cécile arrosait, au pied, les touffes de myosotis (DUHAMEL, Cécile, 1938, p. 272).
— Vieilli
♦ ALCHIM. (p. méton.). Joie des philosophes. Pierre arrivée au blanc parfait (d'apr. Ac. Compl. 1842, GUÉRIN 1892).
♦ Littér. Avoir joie à + inf. Salut, monsieur Léonard Botal, j'ai joie à vous revoir (FRANCE, Com. femme muette, 1912, I, 1, p. 434). Avoir joie de + subst. Il semblait qu'elle eût joie de ce retour (CLAUDEL, Agamemnon, 1896, p. 898).
♦ [En guise de souhait] Que le ciel, que Dieu vous tienne en joie. Restez toujours jeunes, et que Dieu vous tienne en joie (RENAN, Drames philos., Caliban, 1878, II, 2, p. 404). Tenez-vous en joie. Donc revenez-nous si vous le pouvez. D'ici là tenez-vous en joie (FLAUB., Corresp., 1868, p. 160).
— En partic.
♦ [La joie est vécue dans la relation avec une autre pers.] Joie de l'amitié, de la camaraderie. Onze heures de joie sans mélange et sans interruption. Entente parfaite et causerie infinie (AMIEL, Journal, 1866, p. 367). Ah! Je suis fait, je suis fait pour la joie! Il est dur de garder tout son cœur. Il est dur de ne pas être aimé. Il est dur d'être seul (CLAUDEL, Part. midi, 1906, I, p. 1091) :
• 2. Celui qui a eu le bonheur de connaître, une fois dans le monde, l'intimité complète, sans limites, d'un cœur ami, a connu la plus divine joie, — une joie qui le rendra misérable, tout le reste de sa vie...
ROLLAND, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 922.
♦ [La joie est vécue dans la relation avec plusieurs pers., avec un groupe tout entier] Les joies de la famille, du foyer. Ce fut un délire de joie! On se répétait qu'il y avait eu six mille barbares de tués; les autres ne tiendraient pas, la guerre était finie (FLAUB., Salammbô, t. 2, 1863, p. 2). Une joie immense, une puissante fierté, ont déferlé sur la nation. Bien plus! Le monde entier a tressailli quand il a su que Paris émergeait de l'abîme et que sa lumière allait de nouveau briller (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 711) :
• 3. C'est un épanouissement, une gaîté, une joie à l'Odéon, une joie qui descend des auteurs aux machinistes. Ah! le succès au théâtre, quelle atmosphère ça fait, quelle griserie ça apporte à tout le monde!
GONCOURT, Journal, 1891, p. 68.
♦ [Avec une valeur négative; le sentiment de joie est altéré par les mauvais sentiments tels que l'envie, la haine, la malveillance] Joie amère, cruelle, féroce, horrible, infernale, sombre; la/les joie(s) de la vengeance. Mais elle voyait la joie mauvaise de ces gens, à la pensée que désormais la boutique était flambée (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 485). Une étincelle de joie illumina les yeux des hommes, la joie malsaine de vexer et d'injurier impunément l'adversaire (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 20) :
• 4. Je ne m'y trompais pas : il souffrait. Joie terrible, joie démoniaque : là, je pouvais le frapper. Toute la haine accumulée dans mon cœur se débondait soudain.
DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 354.
2. [Le sentiment de joie affecte l'humeur] Entrain, gaieté. Synon. enjouement. C'était une gaieté, une joie, une ardeur de recherches qui me rappelaient le temps heureux où j'avais couru ainsi à côté de ma mère (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 380) :
• 5. Le château du comte de Bedée était situé à une lieue de Plancouët, dans une position élevée et riante. Tout y respirait la joie; l'hilarité de mon oncle était inépuisable. Il avait trois filles (...) et un fils (...) qui partageaient son épanouissement de cœur. (...) on faisait de la musique, on dansait, on chassait, on était en liesse du matin au soir.
CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 38.
♦ En joie. Denis, tout le jour, chanta, comme un homme en joie, des refrains et des rondes du pays (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Denis, 1883, p. 845). Être en joie. Il était en joie d'un bout à l'autre de l'année (AYMÉ, Jument, 1933, p. 66). Mettre qqn en joie. Susciter la gaieté, la bonne humeur, provoquer l'hilarité. J'esquisse au tableau noir une caricature du père Blanchot et de ses grands favoris, qui met les gamines en joie (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 150).
♦ Faire la joie de. Faire l'amusement de. Une histoire qui fait la joie de Paris (GONCOURT, Journal, 1880, p. 66). C'était un pauvre bougre, qui faisait la joie du village (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 32).
♦ Pop., fam. Mère-la-joie. Femme qui a un caractère gai. J'ai encore de bons moments : j'étais une telle mère-la-joie quand j'étais jeune! (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 109).
♦ Rabat-joie. Personne chagrine qui trouve plaisir à rabattre la joie des autres. Repasser un bail avec la jeunesse! Cette idée fait battre le cœur une minute, avant que la raison, cette fée rabat-joie, n'ait souri et parlé (AMIEL, Journal, 1866, p. 390).
3. [La joie considérée dans son origine]
a) [La cause de la joie a sa source dans le corps, les sens] Plaisir.
— [La sensualité] Joie des sens. Je le vois courir, sauter, bondir, chanter, crier de joie, si heureux d'être et de sentir (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1815, p. 75). Je ne te dirai rien d'une petite promenade en bicyclette qui fut un délire de joie sensuelle (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 142) :
• 7. La nature flambait d'allégresse. Le soleil bouillonnait. Le ciel liquide, fleuve transparent, coulait. La terre râlait et fumait de volupté (...). Tout criait de plaisir. Et cette joie était sienne. Cette force était sienne.
ROLLAND, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 265.
♦ Au plur. Joies simples; grosses joies. C'était un brave et gros garçon, (...) aimant les grosses joies, la bière, le vin, l'eau-de-vie (GONCOURT, Journal, 1855, p. 195). Il y avait des joies simples, triviales : courir, sauter, manger des gâteaux (SARTRE, Mots, 1964, p. 63).
— [La sexualité] Joie sexuelle; les joies de la chair. Les Français d'alors aimaient la joie et adoraient le plaisir (TOCQUEVILLE, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 203). Ma joie se développait après la sienne, bien du temps après mon plaisir (...). Et cette femme vivante au corps de reine était à moi! Et mon plaisir, ma joie me revenaient après la chose passée et je revivais cent fois plus joyeuse et voluptueuse la chose même, que j'avais faite (JOUVE, Scène capit., 1935, pp. 244-245) :
• 6. ... Otto (...) demandait à tous les secrets de débauche les plus énormes, de quoi rassasier son âme, et l'engloutir, pour ainsi dire, par l'excès de son plaisir. Alors, ses os criaient de joie; le cœur lui palpitait dans le sein, comme un aigle qui bat des ailes; pendant un point et un moment, sa passion trouvait enfin, sa complète assouvissance.
BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 249.
♦ Fille de joie. Prostituée. Au bord du quai parut une fille de joie avec un soldat (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 3).
b) [La cause de la joie a sa source dans la nature, dans la vision de la beauté] Joie esthétique, joie des yeux. De joie en joie. Erré deux heures dans ce paysage incomparable (AMIEL, Journal, 1866, p. 361). Le sentiment de joie, d'allégresse, de vie divine qui répond à la perception abondante et aisée des belles lignes et des belles couleurs (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 28). En poussant mes volets j'eus la joie de voir un ciel à peu près pur; le jardin, mal ressuyé d'une récente averse, brillait; l'air était bleuissant (GIDE, Isabelle, 1911, p. 609) :
• 8. Les nuits même, noires, touffues, surchargées d'astres, m'écartent souvent du sommeil et me donnent le désir de la fraîcheur. Pourtant c'est là que je me plais; là que je prends mes joies réelles...
BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 170.
c) [La cause de la joie réside dans la réalisation d'une ambition, d'un projet, d'un désir ou d'un rêve] Joie de gagner, de réussir, de revoir qqn; joie d'une lettre, du retour, du succès. Le soir, lorsqu'elle apprit à Julien qu'il était lieutenant de hussards, sa joie fut sans bornes (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 444). Inondée de cette joie immense qui suit la terreur d'une maladie, dans cet allégement bienheureux, (...) Madame Gervaisais n'était plus occupée à rien qu'à voir revivre cet enfant qui était encore là (GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p. 142). Je compare la joie à cette vaste jatte de lait frais que nous trouvâmes au gîte d'étape, un soir d'accablante chaleur, après avoir marché dans l'aridité tout le jour (GIDE, Nouv. Nourr., 1935, p. 289) :
• 9. ... à l'aurore, M. Churchill vint me réveiller pour me dire, en dansant littéralement de joie, que le congrès américain avait voté le « Lease-Lend Bill », en discussion depuis plusieurs semaines. Il y avait là, en effet, de quoi nous remplir d'aise...
DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 141.
— Au plur. [P. oppos. à joies du ciel (infra C)] Joies du monde. J'ai eu beaucoup de bijoux, de richesses et de joies de ce monde; j'ai eu tout cela; mais j'ai toujours pensé ce que vous-même savez bien, que la joie du monde ne vaut rien (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 177).
d) En partic. Joie (de vivre). Sentiment de bien-être général, de bonheur complet qui vient du simple fait d'exister. Il s'agissait [dans les Noces de Cana] (...) de montrer la force, la santé, et la joie de vivre dans des visages radieux, exempts d'inquiétude, et des corps robustement superbes (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 40). Fini de sa joie de vivre, de ce puissant oiseau de joie qui jadis s'élevait, par élans emportés, en chantant! (ROLLAND, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1340) :
• 10. ... il quitte sa chambre, avance en tâtonnant le long du corridor encore sombre; il descend sans bruit l'escalier (...) il tire les verrous de la grande porte, qu'il ouvre; le voici sous le vaste ciel, seul, éperdu de joie et bondissant comme un danseur...
GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 1083.
SYNT. Joie délicieuse, extrême, indicible, inexprimable, intime, radieuse, secrète, suprême; bouffée, élan, mouvement de joie; ivresse de la joie; joie sans limite, sans mélange; être au comble de la joie; être transporté de joie; être plongé dans un océan de joie; fondre, frémir, rougir, trembler, tressaillir de joie; empoisonner la joie de qqn; perdre toute joie; rayonner de joie; éprouver la (une des) plus grande(s) joie(s) de sa vie.
B. — [Cet état de sensibilité considéré dans ses expressions les plus spectaculaires et le plus souvent collectives] Manifestation de gaieté, de liesse, d'allégresse publique. Joie bruyante, populaire, tonitruante; accès, transports de joie; bondir, éclater, exulter, pleurer de joie. On ne peut se faire une idée du transport, du délire que cet événement excita à bord de La Hyène : c'étaient des cris, des battements de mains à la faire sombrer; Brulart surtout ne se possédait pas de joie; il sautait, gambadait, tonnait, ravi de voir la réussite de sa ruse (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 22). Pendant que les élèves rient à pleine gorge, crient de joie et grimpent debout sur leurs bancs (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 123). La joie délirante de New-York, qui est la plus grande ville italienne du monde, a duré toute l'après-midi d'hier (GREEN, Journal, 1943, p. 74) :
• 11. ... la famille (...) céda brusquement à un coup de joie folle, délirant, se prenant par les mains, dansant une danse de sauvages autour de la table; le père lui-même obéit à la contagion, la mère battait des entrechats, les filles poussaient de petits cris inarticulés...
ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 97.
♦ Joie du diable. Manifestation effrénée de la joie. Tout un carnaval en bois. Cela n'est pas beau, mais il y a un entrain extraordinaire, une joie du diable après la peste (MICHELET, Journal, 1838, p. 269).
♦ Jour de joie. Jour de fête publique. La fête de hilaries, jour de joie, dans lequel on célébrait, comme nous l'avons déjà dit, l'époque heureuse où le soleil Atys reprenait son empire sur les longues nuits (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 348). Le jour où tout fut prêt (...) fut un jour de joie populaire. Les places et les rues de la ville qu'elle devait parcourir étaient remplies d'une foule immense (THIERRY, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 258).
♦ Feu de joie. P. métaph. Mon bonheur se répandait sur chacun en amabilité joyeuse (...) et le sentiment que personne ne savait quelle main inconnue d'eux (...) avait allumé en moi ce grand feu de joie dont tous voyaient le rayonnement, ajoutait à mon bonheur (PROUST, Plais. et jours, 1896, p. 205).
— Locutions
♦ À la (grande) joie de qqn, des enfants. À la grande joie des collectionneurs qui se précipitent sur ces pacotilles! (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 183). À grande joie (vieilli). Beauvais, Senlis, Montdidier, le reçurent à grande joie; on criait « Noël! » au passage de celui qui abolissait les aides et les gabelles (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 141).
♦ S'en donner à cœur joie. S'abandonner pleinement à la joie. Les danseurs s'en donnaient à cœur joie, riant et se poussant, pareils à un pensionnat pris tout d'un coup d'une folie joyeuse, en l'absence du maître (ZOLA, Page amour, 1878, p. 900).
♦ En signe de joie. Cette nuit, la tour et la cité de Londres seront illuminées de flammes et flambeaux, en signe de joie (HUGO, M. Tudor, 1833, 3e journée, 1re part., 9, p. 183). En témoignage de joie. Tous, en témoignage de joie, s'étaient mis une fleur à l'oreille (FLAUB., Salammbô, t. 1, 1863, p. 135).
— Loc. verb.
♦ Être à la joie. La maison regorgeait de monde et tout le monde était à la joie (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 378). Être dans la joie; être en joie. On chantait, on dansait, on riait, on priait. Tout le monde était dans la joie (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 220).
♦ Ne pas, ne plus se sentir, se tenir de joie. M. Renan ne se sent pas de joie! (...) La tête puissante, inclinée sur une épaule et rejetée en arrière, s'illumine et rayonne; les yeux pétillent (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 202).
— Loc. exclam. Vive la joie! Cri des gens qui s'amusent, qui sont en fête. Vive la joie!... crioit un homme au gosier desséché (BALZAC, Annette, t. 1, 1824, p. 167).
— HIST. [P. réf. au cri des troupes du roi de France Mont-joie et Saint-Denis] Mont-joie et Saint-Denis! À son tour, il entrait en lice (...) le casque en tête et la lance au poing (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 23).
C. — [Le sentiment de joie au-dessus de tout, préférable à tout] Bien suprême. La joie des joies. La vraie grandeur se reconnaît au pouvoir de jubiler, dans la joie et la peine. Un Mendelssohn ou un Brahms, dieux des brouillards d'octobre et de la petite pluie, n'ont jamais connu ce pouvoir divin (ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 399). Cette accession à la métempirie, même si elle ne dure qu'un instant, nous apporte une grande joie : la créature perce le plafond de sa finitude et de sa naturalité (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 133) :
• 12. ... nous avions la joie. Il n'y avait pas cette confusion entre le plaisir et le bonheur. Nous étions heureux. Que pouvions-nous souhaiter de plus? Je crois que si ces gens connaissaient une heure de l'inexprimable bonheur que nous goûtions ils ne l'oublieraient jamais et y penseraient comme à l'événement principal de leur vie.
GREEN, Journal, 1946, p. 24.
♦ Joie parfaite. Une joie parfaite, close, totale; un maximum; sans retour, sans regret, sans remords; sans un point de poussière, sans un atome de regret, sans une ombre d'ombre. Une plénitude, une perfection, un total. Un plein. Un rassasiement parfait. On en avait plein la tête et plein le cœur. On en était gorgé (PÉGUY, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 692).
♦ Joie pure. En toutes choses, seul ce qui nous vient du dehors, gratuitement, par surprise, comme un don du sort, sans que nous l'ayons cherché, est joie pure (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p. 54).
♦ Vraie joie. Les Athéniens eurent de l'esprit, c'est-à-dire la vraie joie, l'éternelle gaieté, la divine enfance du cœur (RENAN, Souv. enf., 1883, p. 68).
— MYSTIQUE RELIG. Joie céleste, éternelle, inaltérable, ineffable, infinie; joies du ciel. Une joie divine s'était donc répandue sur toute sa vie, tout son être : aucune tribulation, aucune épreuve ne pouvait en troubler la paix et la douceur (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 263). Plus de séparation radicale entre ce qui aime et ce qui est aimé : Dieu est présent et la joie est sans bornes (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 244). Nous brûlerons, David, nous brûlerons dans une éternité de joie (GREEN, Moïra, 1950, p. 208) :
• 13. ... une joie sans mélange, située par delà le plaisir et la peine, qui est l'état d'âme définitif du mystique.
BERGSON, Deux sources, 1932p. 277.
♦ [P. réf. au texte de Pascal] Le caractère plein de cet état mystique. (...) à propos des mots : certitude, sentiment, joie, paix, pleurs de joie, renonciation totale et douce (DU BOS, Journal, 1922, p. 104).
— P. méton.
♦ [En parlant d'une personne qui est la source de joie pour quelqu'un; personne qui incarne cette joie] Être, devenir, faire la joie, toute la joie de qqn, la joie de la vie de qqn. Mon père m'appelait sa joie (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 720). La petite Louise (...) est le rayon, l'arc-en-ciel, la joie de la maison (AMIEL, Journal, 1866, p. 144). Ô mon amour, ô mon trésor, ma chère vie, ô mon bien unique; ô toi qui es ma joie, ma lumière (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 243) :
• 14. ... ce qui m'est plus cher que ma chair et le dedans de ma pensée ce qui m'est l'être de mon être ma prunelle ma douceur ma joie majeure mon souci tremblant mon haleine mon cœur comme un oiseau tombé du nid ma déraisonnable raison mes yeux ma maison ma lumière...
ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 54.
♦ Plus rare. [En parlant d'un animal ou d'une chose qui est source de joie pour quelqu'un] Viens, viens donc, mon joli sansonnet. Tu es toute ma joie, tu n'as point de tristes secrets, toi. Amuse-moi, réjouis-moi; je te donnerai une branche d'amandier à becqueter (QUINET, Ahasverus, 1833, 3e journée, p. 198). Ses plus grandes joies sont un coucher de soleil, un bruit de vent dans les forêts, un chant d'alouette à la rosée (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 277).
Prononc. et Orth. : [] et [--]. Ac. 1694 et 1718 : joye; dep. 1740 : joie. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1150 goie « sentiment de bonheur intense, de satisfaction profonde » (S. Alexis, éd. Chr. Storey, 503); ca 1100 « ce sentiment considéré dans ses manifestations » (Roland, éd. J. Bédier, 3944 : Repairet s'en a joie e a barnage); id. dans son orig., la cause qui l'engendre (ibid., 1627); b) début XIIe s. spéc. (S. Alexis, éd. citée, prol. : sei delitent es goies del ciel); ca 1274 (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 1270 : Mais Dieus, qui est donneres de joie souveraine); 2. 1168-91 « manifestation d'amour, caresse » (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 5770); ca 1170 « joie d'amour » (M. DE FRANCE, Lais, Guigemar, 523, éd. J. Rychner, p. 21); 1188 joie d'amour (A. DE VARENNES, Florimont, 2582 ds T.-L.); XIIIe s. femme de joie (Marguet convertie, éd. JUBINAL, Nouv. Recueil, I, 317, ibid.); 1389 filles de joye (doc. ds DU CANGE, s.v. abbas-abbatissa); 3. 1225-30 « personne, chose source de joie » (G. DE LORRIS, Rose, éd. F. Lecoy, 2347). Du lat. gaudia, plur. de gaudium (« contentement, aise, plaisir, joie; plaisir des sens, volupté; personne, chose source de joie » dans la lang. class., caelestis gaudium, gaudium Domini « joie éternelle, joie du ciel » dans la lang. chrét.), employé à basse époque comme fém. sing., TLL, s.v., 1711, 68-71; v. aussi VÄÄN., § 217 et LÖFSTEDT, Synctatica, I, p. 48-49. Au sud d'une ligne Loire-Vosges, les dér. gallo-rom., de même que les divers corresp. des domaines ital. et hisp. (v. REW3 3705) reposent sur le masc. gaudium (cf. a. fr. joi subst. masc. ca 1150 employé pour renforcer une négation ne... joi, Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 5261; ca 1165 « joie » B. DE STE MAURE, Troie, 13640 ds T.-L.; cf. aussi l'a. fr. joie à l'emploi masc. [nomin. sing. joies] ca 1165 G. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1133). Fréq. abs. littér. : 17 134. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 22 674, b) 25 665; XXe s. : a) 28 250, b) 22 777. Bbg. CHAUTARD (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 419. - LAVIS (G.). L'Expr. de l'affectivité ds la poésie lyrique fr. du M. Âge. Paris, 1972, passim. - ROHOU (J.). Le Bonheur, la joie, le plaisir ds les tragédies de Racine. Cahiers raciniens. 1968, n° 24, pp. 11-76; 1969, n° 25, pp. 11-81. - SPITZER (L.). Schadenfreude In : S. (L.). Essays in historical semantics. New York, [1948], 316 p.
joie [ʒwa] n. f.
ÉTYM. 1080; goie, v. 1050; du lat. gaudia, plur. neutre de gaudium, pris comme fém. en latin populaire.
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1 Émotion agréable et profonde, sentiment exaltant ressenti par toute la conscience humaine.
1 La joie n'est qu'un épanouissement du cœur.
Corneille, Disc. à l'Acad.
2 La joie est une agréable émotion de l'âme, en laquelle consiste la jouissance qu'elle a du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien.
Descartes, Les passions à l'âme, II, 91 (→ aussi Chatouillement, cit.).
3 La joie intérieure n'est pas (…) un fait psychologique isolé (…) À son plus bas degré, elle ressemble assez à une orientation de nos états de conscience vers l'avenir (…) Enfin, dans la joie extrême, nos perceptions et nos souvenirs acquièrent une indéfinissable qualité, comparable à une chaleur ou à une lumière, et si nouvelle, qu'à certains moments (…) nous éprouvons comme un étonnement d'être.
H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, p. 8.
REM. La joie se distingue du bonheur en ce qu'elle n'a pas le même caractère de calme plénitude et de durée (→ Bonheur, 2.); du plaisir, en ce qu'elle concerne toute la sensibilité et qu'elle constitue une émotion, un sentiment (→ Plaisir; et aussi ci-dessous, cit. 5); de la gaieté et de l'enjouement (cit. 2) qui désignent surtout une disposition ou une humeur (→ Gaieté, cit. 1; et aussi Inaltérable, cit. 5, et ci-dessous, cit. 4, Vauvenargues).
4 Le premier degré du sentiment agréable de notre existence est la gaieté; la joie est un sentiment plus pénétrant. Les hommes enjoués n'étant pas d'ordinaire si ardents que le reste des hommes, ils ne sont peut-être pas capables des plus vives joies; mais les grandes joies durent peu et laissent notre âme épuisée.
Vauvenargues, De l'esprit humain, XXIII, De la gaieté, de la joie…
5 La différence que les analyses classiques mettent entre plaisir et joie consiste surtout dans le caractère plus stable, plus lucide, et plus complet de la joie; mais c'est dans sa spiritualité qu'il faut voir la source profonde de ces caractères (…) Il existe un plaisir des sens (…) mais il ne saurait se muer en joie véritable s'il ne s'y joint une espèce de « ravissement », une satisfaction centrale de l'être (…)
Jean Maisonneuve, les Sentiments, p. 59-60.
♦ Joie et amour (cit. 26); joie et santé (→ Effondrer, cit. 7), et espérance (cit. 33). || La joie et la douleur, et la tristesse. || La joie dans la pauvreté est préférable à la richesse. → prov. Contentement passe richesse. || L'élégie (cit. 1) « peint des amants la joie et la tristesse » (Boileau).
6 Louée soit la joie, et louée la douleur ! L'une et l'autre sont sœurs, et toutes deux sont saintes. Elles forgent le monde et gonflent les grandes âmes. Elles sont la force, elles sont la vie, elles sont Dieu. Qui ne les aime point toutes deux n'aime ni l'une, ni l'autre. Et qui les a goûtées sait le prix de la vie et la douceur de la quitter.
R. Rolland, Michel-Ange, p. 12.
7 (…) comme la joie est le signe évident d'une bonne attitude viscérale, on peut parier que toutes les pensées qui vont à la joie disposent aussi à la santé.
Alain, Propos, 28 sept. 1921, Art de se bien porter.
♦ Expressions, manifestations de la joie. ⇒ 2. Rire, 2. sourire; épanouissement, rayonnement (→ Grimer, cit. 1; enthousiasme, cit. 12; exprimer, cit. 39). || Visage qui exprime la joie. ⇒ Éclatant, épanoui, radieux, rayonnant, réjoui. || La joie éclate (cit. 28) sur son visage. || Sa joie éclate (→ Attendre, cit. 42; couver, cit. 5). || « Éruption (cit. 2) de joie » (Hugo). — Communiquer (cit. 8), épancher sa joie (→ 1. Chant, cit. 7). || Dissimuler (cit. 5), cacher sa joie (→ Grâce, cit. 32). || Sa joie ne peut se dissimuler (→ Heureux, cit. 48). — Frémir, tressaillir de joie; tressaillement de joie (→ Avertir, cit. 17; forfanterie, cit. 2). || Bondir, frétiller, sauter, danser, trépigner de joie (→ Feuilleton, cit. 1; héritier, cit. 1). || Se pâmer de joie. || Pleurer de joie. || Pleurs, larmes de joie (→ Émotion, cit. 12; extasier, cit. 1). || Des yeux qui pétillent de joie. || Les accents, le ton de la joie (→ Corde, cit. 17; fauvette, cit.). || Crier, cris de joie. ⇒ Acclamation, exclamation (→ Angoisse, cit. 8; étouffer, cit. 26; germe, cit. 8; hirondelle, cit. 7). || Chanter sa joie (→ Écouter, cit. 15); chant de joie (⇒ Hosanna, cit. 1). — L'Hymne à la Joie de la IXe Symphonie de Beethoven (→ Abîme, cit. 24).
8 (…) il faut (…) bien distinguer la joie d'avec le rire. La joie existe par elle-même, mais elle a des manifestations diverses. Quelquefois elle est presque invisible; d'autres fois, elle s'exprime par les pleurs.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, VI, V.
♦ Joie calme, douce, sereine. ⇒ Aise (I., 2.), contentement, satisfaction (→ Bienfait, cit. 14; cristallin, cit. 3; ébaudir, cit. 3; embrumer, cit. 1; étreinte, cit. 6). || Joie intérieure (→ Bienheureux, cit. 5), cachée, secrète (→ Agrément, cit. 8). || Joie inexprimable (cit. 2 et 3), indicible, indescriptible. || Joie infinie, intense, vive, extrême (cit. 14), extraordinaire. || Une immense joie. ⇒ Allégresse, délice, enchantement (3.), exaltation, exultation, ivresse, jubilation, ravissement (→ Blêmir, cit. 2; étoile, cit. 13; facteur, cit. 11; faible, cit. 15). || Une joie sans mélange (→ Base, cit. 15). || Joie surhumaine (→ Absorber, cit. 10). || Joie délirante (cit. 1), éclatante, enivrante (→ Effusion, cit. 2; épaule, cit. 14), enthousiaste (→ Enthousiasme, cit. 18), extatique. — Joie naturelle, innocente, naïve, fraîche (→ Capable, cit. 5; évaporer, cit. 5; imperméable, cit. 4). || Joie brusque, subite (→ Éclairer, cit. 9; éclat, cit. 8). || « Le doux saisissement d'une joie imprévue » (Gresset). — Joie amère (cit. 10), imparfaite, médiocre; joie mêlée de larmes (→ Accabler, cit. 15; croix, cit. 11). || Fausse (1. Faux, cit. 29) joie. || Joie mauvaise, sanguinaire, féroce (cit. 6), furieuse (cit. 17). Joie indomptée (cit. 4), farouche, belliqueuse (→ Fanfare, cit. 4). — Joie honteuse (→ Aumône, cit. 14), furtive (cit. 12), discrète, muette (→ Éloquent, cit. 4). || Joie bruyante, insolente (→ Fléau, cit. 9), turbulente, tumultueuse (→ Bacchante, cit. 2). — Joie durable, passagère (→ Fugacité, cit. 3). || « Toute joie veut la profonde, profonde éternité » (Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra).
9 La profonde joie a plus de sévérité que de gaieté; l'extrême et plein contentement, plus de rassis que d'enjoué.
Montaigne, Essais, II, XX.
10 (…) un certain frémissement presque imperceptible qui est comme celui de la joie intérieure, une joie si profonde que rien ne saurait l'altérer, comme ces grandes eaux calmes, au-dessous des tempêtes.
Bernanos, Journal d'un curé de campagne, p. 131.
11 Pourquoi renoncer, surtout, à de petites joies qui peuvent nous aider à en atteindre d'autres, de grandes ?
G. Duhamel, Salavin, VI, III.
12 Il y a des joies calmes (…) caractérisées surtout par un sentiment de bien-être et de force, par la conscience d'une plus grande puissance physique et mentale (…) Il y a, d'autre part, des joies exubérantes caractérisées par une suractivité mentale et par un sentiment spécial de plaisir qui accompagne cette activité (…)
Georges Dumas, Tristesse et Joie, III, p. 118-119.
♦ Joie de l'âme (cit. 53), du cœur (→ Couvrir, cit. 24). — ☑ (Vx). || « Être dans la joie de son cœur » (Académie) : être transporté de joie.
13 Me voici à la joie de mon cœur, toute seule dans ma chambre à vous écrire paisiblement (…)
Mme de Sévigné, 144, 13 mars 1671.
♦ Vx. || Se donner au cœur, à cœur joie. ☑ Loc. À cœur joie. ⇒ Cœur (cit. 60 et 61; → aussi Avant, cit. 61).
♦ Spécialt. || Joie mystique, céleste, paradisiaque. ⇒ Béatitude, extase (→ Eucharistie, cit. 2). || Trouver la paix et la joie (→ Anachorète, cit. 2). || Jésus, que ma joie demeure…, titre français d'un célèbre choral de J.-S. Bach.
13.1 Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix.
Dieu de Jésus-Christ (…)
Joie, joie, joie, pleurs de joie.
Pascal, Mémorial.
♦ Éprouver de la joie. || Avoir de la joie, beaucoup de joie. ☑ Loc. littér. Avoir joie à (et inf.), de (et nom). ☑ Être dans la joie, au comble (cit. 2) de la joie; être brisé (cit. 35), comblé (cit. 5), transporté de joie. ⇒ Ange (aux anges). → Aventure, cit. 10; honte, cit. 43; illumination, cit. 2. ☑ Ne plus se sentir de joie; être fou de joie, ivre de joie. ⇒ Exulter, jubiler, rayonner, triompher. || Être plein de joie (→ Emparer, cit. 13; étendre, cit. 51). || Excès (cit. 7) de joie (→ Baigner, cit. 18), épanouissement (cit. 10), extase de joie (→ Abîmer, cit. 6). || La joie qui l'envahit. || Cœur plein, gonflé (cit. 25) de joie (→ Glacer, cit. 7). || La joie inonde, remplit, submerge le cœur (→ Contenir, cit. 11; filer, cit. 7; éclatement, cit. 2). — Joie qui succède à la tristesse (→ Après la pluie, le beau temps). || Tristesse allégée (cit. 3) par un peu de joie (⇒ Consolation). || Souvenir d'une joie passée (→ Approche, cit. 27; attrister, cit. 7). || Alternative (cit. 1) de joie et de malheur, de tristesse (→ Bizarre, cit. 6). || Brouiller (cit. 12), empoisonner (cit. 10), troubler la joie de qqn (→ Bannir, cit. 14).
14 Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie.
Bible (Sacy), Psaumes, CXXV, 6.
15 À ces mots le corbeau ne se sent pas de joie (…)
La Fontaine, Fables, I, 2.
♦ Être en joie (→ Amoureusement, cit. 3), en état de joie (→ Équilibre, cit. 17). || Mettre en joie. ⇒ Réjouir. || Âme, cœur en joie. ⇒ Fête (II., en fête).
16 Le père Duroy mis en joie par le cidre et quelques verres de vin, lâchait le robinet de ses plaisanteries (…)
Maupassant, Bel-Ami, II, I.
♦ Faire (1. Faire, cit. 35) la joie de qqn, être, constituer une cause, une source de joie (→ Fil, cit. 34). — Par ext. Cause de joie. || Son fils est sa seule joie (→ Enfant, cit. 24; 1. devoir, cit. 23; inespéré, cit. 1).
17 Enfants, ma seule joie en mes longs déplaisirs (…)
Racine, Athalie, I, 3.
18 Songez que je suis ce qu'il aime le mieux, presque sa seule joie sur la terre. S'il venait à me perdre, je ne sais vraiment pas comment il supporterait ce malheur.
A. de Musset, Carmosine, III, 5.
19 Ô doux et grand Racine (…) Vous êtes maintenant mon amour et ma joie, tout mon contentement et mes plus chères délices.
France, le Petit Pierre, XXXIV.
20 Ce qui m'est l'être de mon être ma prunelle ma douceur ma joie majeure mon souci tremblant (…)
Aragon, le Roman inachevé, p. 54.
♦ Événement, chose qui apporte (cit. 38 et 41), donne de la joie (⇒ Agréable; égayer, réjouir). || Joie de créer (cit. 11). ⇒ Ardeur. — ☑ Loc. La joie de vivre : état d'euphorie lié au sentiment d'exister, d'agir. || Il respire la joie de vivre. → Être bien dans sa peau. || Sa joie de vivre fait plaisir à voir. — La joie de la réussite. ⇒ Fierté, triomphe. || Joie de posséder (→ Assouvissement, cit. 6; harmoniser, cit. 2), de donner, de faire le bien (→ 1. Goûter, cit. 5; hanter, cit. 14). || Il était tout à la joie de la contempler (→ Abaisser, cit. 2). || Quelle joie de se retrouver ! (→ Absence, cit. 7). || Quand j'aurai la joie de vous revoir… ⇒ Avantage, plaisir. — Faire une chose dans la joie (→ Conversion, cit. 8), avec joie. || Voulez-vous venir avec nous ? Avec joie ! || Accepter avec joie. || Le travail par la joie.
21 J'y cours (…) avec joie, et je ne pouvais recevoir une commission plus agréable (…) Je suis une ambassadrice de joie.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 7 et 8.
22 Le bonheur des autres devient la joie de ceux qui ne peuvent plus être heureux.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 999.
22.1 Il reprenait tout à coup tant de joie à l'existence qu'il s'empressait de répandre autour de lui gaieté et confort, c'est-à-dire plaisanteries, cigarettes, coups de vin.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 348.
♦ Interj. fam. || Joie ! ⇒ Chic, chouette. ☑ Loc. Vx. Une mère la joie, un père la joie. ⇒ Rabat-joie.
2 (V. 1170, au sens de « manifestation d'amour »). || Une joie, des joies. Cette émotion, liée à une cause particulière. || C'est une joie de vous revoir. ☑ Loc. Fausse joie. ⇒ 1. Faux. ☑ Se faire une joie de… : se réjouir d'une chose actuelle ou attendue, et aussi, se promettre une joie d'un événement attendu. || Il se faisait une joie de ce voyage, il a été bien déçu. || Il s'était fait une joie de nous accompagner. — Quelle joie !
22.2 Je me faisais une joie de ce que la fortune n'avait amené aucun Grec pour cette journée (…)
Racine, Plan du 1er acte d'Iphigénie en Tauride.
23 Il y a de merveilleuses joies dans l'amitié. On le comprend sans peine si l'on remarque que la joie est contagieuse. Il suffit que ma présence procure à mon ami un peu de vraie joie pour que le spectacle de cette joie me fasse éprouver à mon tour une joie; ainsi la joie que chacun donne lui est rendue (…)
Alain, Propos, 27 déc. 1907, Amitié.
♦ (1230). Par métonymie. Cause de joie.
24 Si posséder est un plaisir, donner est une joie.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, III, XV.
3 a Comportement joyeux. ⇒ Entrain, gaieté, liesse, réjouissance, rigolade. || La joie bruyante des convives. || Fête où règne la joie. || Vive la joie ! — ☑ Loc. Être à la joie, dans la joie.
25 On chantait, on dansait, on riait, on priait. Tout le monde était dans la joie.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-tombe, t. II, p. 220, in T. L. F.
26 Vive la joie ! (…) criait un homme au gosier desséché.
Balzac, Annette, t. I, p. 167, in T. L. F.
♦ Joie collective, publique.
27 Il y avait ce jour-là bal masqué, grand bruit, grande foule. Les rues d'Aix étaient encombrées de voitures appartenant à des curieux venus de Chambéry et même de Genève. Tout cet éclat de la joie publique redoublait la sombre mélancolie de Mina.
Stendhal, Romans et Nouvelles, Mina de Vanghel.
b Littér. Atmosphère joyeuse. || Joie immense (cit. 12), universelle, qui imprègne (cit. 7) l'air, l'atmosphère.
4 Par antiphr. (Plur.). Ennuis, désagréments. || Encore une panne, ce sont les joies de la voiture ! || Les joies du mariage.
5 (V. 1170). Vx. (Pour plaisir, avec le sens du lat. gaudium). Plaisir des sens (→ Garce, cit. 1). || Les enfants « que l'on conçoit en joie » (Molière, → Dette, cit. 1). ☑ Loc. mod. (XIIIe, femme de joie; fille de joye, 1389). Fille de joie. ⇒ Fille, II., 5. (cit. 37 et 41).
28 Mon père a un peu mangé, un peu trop aimé la joie, ce qui n'enrichit pas une famille (…)
Marivaux, la Vie de Marianne, VI.
6 (Emploi spécial du sens 3). || Les joies (au plur.). Plaisirs, jouissances, et, par ext., choses, événements qui sont des causes de plaisir. || Les joies de la vie. ⇒ Agrément, bienfait, douceur, félicité, jouissance, satisfaction. || Les joies de la gloire, de la considération (cit. 8), de l'amour (→ Fièvre, cit. 8). || Petites, menues joies (→ Inracontable, cit. 1). || Une vie sans joies. — Spécialt. || Les joies du monde, de la terre, opposées au vrai bonheur, à la béatitude (cit. 10), à la joie intérieure (→ Attacher, cit. 48; circonstance, cit. 1). — Joies des sens, joies de la chair. ⇒ Jouissance, plaisir, volupté (→ Étancher, cit. 6; évoquer, cit. 22; imparfait, cit. 3; inceste, cit. 4).
29 Les joies temporelles couvrent les maux éternels qu'elles causent.
Pascal, Lettre à Mlle de Roannez, 2.
30 Bien qu'elle n'eût jamais éprouvé pour son compte les joies sensuelles de l'amour, elle trouvait absurde de prétendre en priver pendant de longs mois un gentilhomme robuste, bon mangeur, et chasseur.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, VIII, p. 123.
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CONTR. Affliction, 2. chagrin, consternation, dépit, désenchantement, désespoir, désolation, deuil, douleur, ennui, épreuve, mélancolie, peine, tristesse.
DÉR. Joyeux — V. Jouasse ou joisse.
COMP. Rabat-joie.
Encyclopédie Universelle. 2012.