SUJET
Il n’est point de sujet sans dépendance affirmée à l’égard d’une puissance dont ce sujet relève, de par les hasards de sa constitution anatomique, de son caractère et de sa situation au sein d’une classe sociale et d’une constellation familiale déterminées, mais aussi de par les lois et coutumes de son pays, les études et les recherches en cours et, d’une façon générale, les conditions culturelles et politiques qui sont celles de son époque. «Derrière l’être aimé, notait W. Benjamin, l’abîme du sexe se referme comme celui de la famille.» Car qui pourrait ignorer que le sujet de l’amour est aussi celui du sexe et de la tribu, comme il est par ailleurs celui du droit, du prince ou de la science? Bref, tout se passe comme si l’être humain se découpait suivant les différentes incidences qui ont été arbitrairement adoptées à son égard: travailleur ou individu sexué, malade à soigner ou cadavre à disséquer, être inconséquent ou sujet responsable, matière à pétrir ou personne à respecter...
En ce sens, on pourrait dire que tout sujet participe du medium , puisqu’il se situe dans une zone tierce entre l’être indéterminé toujours en gésine et le point de vue transsubjectif qu’on adopte pour donner consistance à ce qui serait, sans une distribution particulière de la lumière, simple masse amorphe. Aussi bien ne saurait-on jamais partir d’un sujet isolé et absolu. Et, de fait, l’on connaît les difficultés rencontrées dans l’élaboration de la notion du «droit subjectif» par Grotius, Hobbes ou Rudolf von Jhering: comment le droit pourrait-il être tiré analytiquement de la notion de sujet, comment pourrait-il être son attribut, lors même qu’il résulte d’une attribution moins de «pouvoirs» que de «biens» dans une organisation générale du monde grâce à laquelle se trouve distribué à chacun son «lot»?
Or, dans la perspective ouverte par Freud, Lacan joint et oppose aux différentes interprétations possibles de la notion de sujet celle de sujet psychanalytique, compris comme sujet de l’inconscient. Il faudrait alors d’emblée définir celui-ci d’une façon tautologique comme ce qui est justiciable de l’investigation psychanalytique. Ainsi prétendrait-on éviter le contresens si naturel, pourrait-on dire, par lequel le sujet d’une praxis se trouve confondu avec l’être humain dans son entier. «L’homme de la science n’existe pas, mais seulement son sujet», écrit Lacan. Aussi bien nulle discipline ne pourra atteindre un statut scientifique, si elle ne parvient à déterminer – à «purifier» et à «réduire» – son sujet, de manière à se mettre en situation d’opérer correctement sur lui.
Cartésianisme et psychanalyse
Un premier point est essentiel: le sujet psychanalytique vient au jour en même temps que la science moderne et, plus exactement, au temps où l’impérialisme de celle-ci, se réfractant du côté de la logique, apprend à connaître ses bornes dans l’impossibilité d’une démonstration de consistance et l’indécidabilité formelle de ses énoncés. Le sujet psychanalytique, c’est celui que la science moderne s’est efforcée en vain de «suturer» et à partir duquel elle a pu se définir de cette impuissance même. Bref, c’est son «corrélat antinomique», comme l’écrit Lacan.
Mais revenons au sujet cartésien, surgi comme on le sait d’un rejet du Savoir: le sujet doutant exclut de lui quelque chose – tout le champ de l’inévident – pour parvenir à une certitude, dont on connaît pourtant le peu d’ampleur: même si le malin génie me trompe, je pense, donc je suis; et «la proposition je suis, j’existe est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit». Autrement dit, le sujet du cogito n’est que sous la condition contingente que je le pense. «Peut-être pourrait-il se faire si je cessais de penser, ajoute Descartes, que je cesserais en même temps d’être ou d’exister.»
Or, l’héritage que la psychanalyse retiendra du cartésianisme est bien celui-ci: le sujet ne saurait émerger qu’entre doute et certitude, ou encore, comme le dit Lacan, entre «savoir et vérité». Il ne saurait être conçu d’emblée comme substance au sens ontologique du terme, pas plus qu’il ne saurait se réduire au simple substrat du phénomène affectif. Celui-ci, Freud le souligne, échappe en tant que tel au départage entre conscient et inconscient. L’objet commun de la psychanalyse et du cartésianisme, en son noyau initial, c’est la «représentation», en tant que «je» suis susceptible de l’avoir ou de ne pas l’avoir. Chez Descartes, rien ne garantit que le sujet possède en soi la nature qu’il tend pourtant à s’attribuer à lui-même: de même que la connaissance de mon existence n’entraîne point celle de ma nature, la valeur subjective de cette dernière n’entraîne point sa valeur objective. La veritas rationum doit être distinguée de la veritas rei , dont Dieu, seul, sera garant.
Telle paraît alors la différence essentielle entre cartésianisme et psychanalyse: Freud maintient dans le sujet ce doute que Descartes résorbe grâce à l’affirmation de la réalité objective de l’idée d’infini, réalité dont la cause ne saurait se trouver dans le simple sujet fini, mais qui doit trouver sa raison dans l’être divin lui-même. En suite de quoi pouvaient se trouver tracées a priori les limites de l’intelligence, puisque la clarté et la distinction de l’idée d’une chose suffisaient à définir sa réalité et sa positivité.
Le sujet psychanalytique
Ce passage à la limite opéré par Descartes n’avait pourtant cessé d’être contesté tout au long de l’histoire de la philosophie. «Veritas filia temporis» , rappelait G. Vico: la vérité est fille du temps, non de l’évidence instantanée. Aussi bien l’idéal de la science moderne, n’admettant comme valeur que l’idée claire et distincte, se montrait-il totalement inapplicable dans le monde de la praxis. Descartes, recherchant avant tout la justesse matérielle, «coupe la gorge, selon Jean-Baptiste Rousseau, aux poètes et aux orateurs, qui, seuls, accoutument à la justesse métaphysique». Bref, la science laisse hors d’elle-même tout le champ de l’irrationnel d’où l’humanité se constitue comme son propre principe à elle-même.
Mais Kant, après avoir défini le sujet comme «foyer vivant d’aperception transcendantale», fit sans doute le pas le plus décisif en ce qui concerne la critique du cogito cartésien. Si le «je pense» doit pouvoir accompagner toutes mes représentations, c’est un «objet» dont nous n’avons aucun concept, ou un concept seulement problématique. Aussi bien toute connaissance nous en demeure-t-elle à jamais interdite , l’idée d’une condition générale de l’unité de la représentation ou encore l’idée d’un inconditionné ne pouvant être pensée sans contradiction. «Par ce «moi», par cet «il», ou par ce «ça» (la Chose) qui pense, on ne représente rien de plus qu’un sujet transcendantal des pensées: X. Et ce n’est que par ces pensées qui sont des prédicats que nous connaissons le sujet.»
Formule qu’on pourrait croire freudienne avant la lettre, à ceci près que cet interdit dont Kant frappe le sujet «inconnaissable» de la science est celui-là même qu’a levé la psychanalyse: le sujet est sujet d’un savoir qu’il ne connaît pas, ce qui provoque la chute du sujet supposé savoir. Ce dont la psychanalyse s’efforce de promouvoir non tant l’expression que la révélation, c’est cette vérité contradictoire qui habite le sujet, qu’il «n’est pas sans savoir», comme l’écrit Freud, et que pourtant il ne «connaît» pas; parce que le propre de cette vérité est d’interpréter avec les connaissances acquises, de manière à exiger l’héroïsme chez qui assumerait vraiment le trouble qu’elle engendre.
Ainsi le sujet freudien se constituera d’une «réduction» de l’homme non seulement au sujet qui pense, non seulement au sujet qui parle, mais au sujet de la pensée inconsciente et au sujet d’une parole désavouée et trouée. Être énigmatique qui n’apparaît que pour disparaître, le sujet psychanalytique glisse sous une nasse, s’ouvrant et se refermant sur une prise qui ne pourrait jamais être la bonne, puisque le sujet est, par essence, ce qui échappe à la définition. L’image qu’on en pourrait encore donner – pour rester dans le registre halieutique – serait celle d’un «poisson» problématique face auquel le langage ferait fonction de piège, voire de hameçon, venant buter contre sa proie et ne ramenant que des fantômes.
Ce qu’il faudra alors penser, c’est la dialectique où le sujet ne cesse de se destituer en même temps qu’il se constitue dans un temps toujours double qui est celui de l’aliénation et de la séparation. Mais deux niveaux de «refente» sont à distinguer, connotés par cette unique barre dont le sujet s’éprouve marqué dans l’algorithme lacanien: l’aliénation du sujet dont l’«unification» ne s’opère jamais que par la voie d’un autre – l’image étrangère – ; et, d’autre part, l’asservissement du sujet non seulement au langage en général, mais à un discours qui le positionne dès sa naissance, ne serait-ce que par le biais du nom propre.
Dès 1920, Freud, conscient du danger qu’il y aurait à hypostasier l’inconscient comme réservoir des pensées refoulées, distribue celui-ci entre trois instances entre lesquelles le sujet se trouve écartelé: le ça , où les pulsions trouvent leur premier mode d’expression psychique et dont les représentants représentatifs (Vorstellungsrepräsentanz ) seront soumis au refoulement; le surmoi , qui, formé à l’image non des parents mais du surmoi de ceux-ci, risque de provoquer une désintrication des pulsions par suite de l’incompatibilité des impératifs qu’il engendre avec les exigences pulsionnelles; le moi , enfin, qui, se déterminant par l’actualité historique, devrait jouer le rôle de pondérateur face aux pressions internes et externes.
Or, c’est toujours à cette trinité freudienne que Lacan se réfère, pour en généraliser la portée. Définissant le sujet comme «parlêtre», il situe celui-ci d’une exclusion hors des trois demeures qu’il ne cesse de hanter, ses trois «dit-mansions»: le réel , qui «cause tout seul» et qui, comparable à la vérité spinoziste, se révèle par la manière même dont le sujet le manque; le symbolique , qui constitue le lieu d’ancrage du sujet dans cet «Autre» dont le nom du père devient le signifiant, en tant qu’emplacement de la Loi; et enfin l’imaginaire , suivant lequel le sujet, fasciné par son alter ego , s’anticipe seulement dans un mirage et s’aliène d’autant plus qu’il s’affirme davantage comme moi.
Notons qu’au contraire du réel, qui emporte sa place avec lui, tel le soulier sa semelle, le symbolique a pour essence de toujours manquer à sa place, ses chaînes se déplaçant en un glissement perpétué du signifié sous le signifiant qui constitue le rapport métonymique. La propriété du signifiant étant de ne pas «coller» à la chose, son «existence» s’affirme au-delà de toute matérialisation phonique ou scripturaire déterminée. La trace s’efface, mais le signifiant demeure, justement parce qu’il ne symbolise qu’une absence, parce qu’il est toujours destituable et jamais fonctionnel. Ainsi s’affirme la supériorité de la parole par rapport à l’écrit, qui se fige en image: l’œuvre accomplie désespérera toujours le sujet, fatigué à l’avance de ces jeux que les signifiants ne peuvent pourtant opérer sans lui.
Le signifiant et le désir
Le sujet se définit comme l’effet du signifiant; mais le signifiant ne cesse d’effacer la trace du sujet grâce auquel il déroule ses chaînes. Ce que Lacan résume dans la formule suivante: «Le signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant.» Si le sujet est représenté par le signifiant, ce n’est pas pour un autre sujet: un signe y suffirait. Si le sujet est représenté par le signifiant, c’est par rapport à d’autres signifiants que précisément il n’est pas.
Soit donc le sujet dans les limbes. Il semble d’emblée forclos du jeu des signifiants et pourtant il ne peut advenir comme sujet que dans la mesure où le jeu des signifiants le fait signifier, le pétrifiant par le mouvement même où il le met au monde. Or, lorsque la relation s’établit entre l’innommable du sujet et la spécificité des signifiants qui s’organisent à sa place, l’ordre dans la mise en place de la chaîne signifiante devient essentiel: si un signifiant unaire représente d’abord le sujet, le signifiant binaire aura pour effet d’annuler ce même sujet, dont il révélera l’inconsistance. De fait, comment le sujet parviendrait-il à se penser comme une unité parmi d’autres? Le sujet s’apparaît toujours à lui-même comme «exception», comme «moins-un». Autrement dit, la fonction accordée au sujet comme à «un un» ne saurait être celle de l’unité unifiante (Einheit ), mais celle de l’unité distinctive (Einzigheit ) que Lacan appelle le «trait unaire».
Or, si la psychanalyse donne au phallus une fonction privilégiée dans l’identification du sujet, c’est parce que le phallus, pris comme concept de la jouissance et distingué de toute réalité anatomique, devient le signifiant de la distance qui sépare le désir de son objet, comme il est celui de l’impuissance du signifiant à rejoindre un signifié univoque, comme il est la métonymie par excellence. De fait, le sujet, ne pouvant se signifier lui-même en vertu de son propre clivage, attend de l’autre quelque espèce d’initiative privilégiée, telle qu’il le signifie enfin en lui-même. Bref, le désir, où Descartes avait d’emblée reconnu la marque du sujet, m’attache à l’autre moins comme désiré que comme désirant, c’est-à-dire à l’autre en tant qu’il a lui-même quelque manque à combler. Le désir se définit alors comme «désir de l’Autre», formule volontairement ambiguë, puisque le désir apparaît à la fois comme émanant de l’Autre et comme se rapportant à l’Autre, mais à cet Autre qui, doté d’une majuscule, n’est que le «pur sujet», le sujet mythique, retourné dans ce lieu de naissance d’où il s’abolit comme sujet incarné. «Vénus est proscrite du monde» et la substance du sujet n’est pas autre chose que la jouissance dont il est coupé, un mur et un monde séparant l’homme de la femme, comme l’homme de lui-même.
C’est pourquoi «il n’y a pas d’autre signe du sujet que celui de son abolition comme sujet», et c’est pourquoi la psychanalyse, en tentant de «subjectiver » ce que le désir «assujettit », ne rend à lui-même qu’un sujet troué, qu’un sujet castré, auquel elle a appris à connaître le «manque-à-être» fondamental qui se dissimule derrière son désir. Mais, si l’objet du désir n’en est que le prétexte, si ce que Lacan nomme l’objet a n’est qu’un voile dissimulant au sujet sa carence, encore est-ce à ce niveau que s’instaure l’élan du sujet vers autrui dans un mouvement métonymique qui est celui même de l’existence.
Dans cette perspective, une des originalités de Lacan est d’exploiter les ressources de la topologie de façon à donner de la structure subjective les représentations les plus concises possibles. Situant le sujet de par une «exclusion interne à son objet» – ce qui, au fond, ne fait que commenter la définition freudienne du symptôme comme «inneres Ausland » (étranger intérieur) –, Lacan découvre pour le sujet cet «indice topologique» qu’est le signe générateur de la bande de Mœbius et qu’il appelle le «huit intérieur». Tore trafiqué par une torsion et un collage, le ruban de Mœbius nous enseigne l’existence d’une surface pour laquelle les notions d’envers et d’endroit n’ont plus cours. Au lieu de distinguer les deux côtés, comme on le fait pour Janus bicéphale, l’on passe insensiblement sur ce qui serait l’autre côté, dans le cas d’un cylindre ordinaire. Considérons plus attentivement notre ruban: de la torsion qui l’anime naissent spontanément les deux anneaux du «huit».
Mais ne s’arrêtant jamais longtemps à ces figures, dessinées d’abord pour préciser son dire, Lacan n’a pas cessé de raffiner sur ces modèles, que ce soit dans le passage du «huit intérieur» au cross-cap ou «mitre», celui du tore à la bouteille de Klein, ou celui du nœud borroméen à des entrelacs plus complexes. Le sujet, doté de bords et de coutures, de trous et de béances, de boucles et de lacets, apparaît à travers ces schémas moins comme un puzzle dont les éléments seraient à ajuster que comme le champ de forces qui, de toutes parts, le dépassent, si bien que la question du sens paraît – un temps au moins – suspendue devant l’incroyable autonomie des puissances dont il se trouve l’arène.
Sujet, moi et parole
Et de fait – telle est bien la difficulté de cette conception du sujet – , l’au-delà toujours problématique auquel je n’ai accès qu’à travers les coupures de l’intersubjectivité finit par se résorber dans son lieu de naissance: le «sujet pur», le «creux de recel» des signifiants, l’Autre. Pour donner donc une quelconque surface à ce sujet transmoïque, qui ne cesse de disparaître, Lacan est obligé d’établir entre le sujet et l’ego une relation dont il affirme qu’elle s’établit en miroir, ou encore qu’elle est une relation de complémentarité. Le moi constituerait alors la part dimidiée du sujet sur cette bande de Mœbius où l’on passe insensiblement du moi à l’autre et de l’autre au moi, pris dans le vertige d’une ignorance à laquelle nulle volonté ne saurait remédier. Qu’enroulent alors les deux anneaux du «huit» sinon cette béance productive qui est la part cachée du sujet et cet abîme de l’Autre où «bourdonnent» les signifiants?
«Le sujet n’est pas celui qui pense. Le sujet est proprement celui que nous engageons, non pas, comme nous le lui disons pour le charmer, à tout dire – on ne peut pas tout dire – mais à dire des bêtises, tout est là.» Cette formule de Jacques Lacan nous semble bien résumer le paradoxe d’une psychanalyse qui, attentive à tout ce qui dans le discours non seulement contrecarre l’intentionnalité signifiante, mais se déploie en son absence, ne renonce cependant pas à injecter du sens là même où elle avait prétendu établir la préséance du signifiant sur le signifié. Puisque le sujet n’est pas celui qui pense, alors c’est le langage ou bien cet inconscient «structuré comme un langage» qui pensent à sa place, le sujet devant se résigner à n’être que le lieu de passage d’une pensée dont il est moins le substrat que le suppôt et moins l’auteur que la victime. Mais à déplacer le «génie» du sujet vers un certain type de langage, encore laisse-t-on entière la question du sceau par lequel la «parole vraie» se verra authentifiée; ou plutôt ne fait-on que reculer les termes du problème, puisque au niveau du discours se retrouve cette même dépendance dont le sujet s’éprouvait affecté: le style, c’est moins l’homme que l’Allocutaire du sujet, cet Autre d’où son discours lui revient, distordu d’avoir quêté sa place au lieu des signifiants. Qui décidera alors si cette parole est celle où s’emmure le sujet ou bien celle où il se délivre?
L’impératif analytique garde, sous cette incidence, la saveur d’un paradoxe. «Wo es war, soll Ich werden », écrit Freud – «Là où c’était, traduit Lacan, là comme sujet dois-je advenir.» Car j’ai beau ignorer en quoi je suis la cause de ce qui était, il me faut «assumer ma propre causalité», promouvant peu à peu à l’être ce dont je ne pouvais pas savoir qu’il constituait les fondements de mon avenir. Mais pourquoi le sujet devrait-il «s’assumer», dira-t-on, puisque de facto ses actes ne cessent de le poursuivre? Sans doute est-ce que le sujet existe d’autant plus qu’il consent davantage à s’asservir. Car c’est en pénétrant toujours plus avant dans le vaste champ du non subjectivable – ce champ dont l’imposteur, seul, tente de feindre l’arbitrage – que l’être humain se réalise comme sujet, c’est-à-dire non comme individu autonome, mais comme être innommable, fendu par la conscience d’être chaque fois débouté de l’image et du discours, d’où pourtant il prend ses seuls contours.
1. sujet, ette [ syʒɛ, ɛt ] adj.
• 1120 suget « soumis »; lat. subjectus, de subjicere « mettre sous »
1 ♦ Vx Sujet à..., de..., assujetti à... (par conquête). (1155) Vieilli Qui est dans la dépendance d'une autorité supérieure. ⇒ soumis.
2 ♦ Vx ou dr. Soumis à une nécessité, à une loi; dépendant de qqch. ⇒ astreint. Sujet à un droit, à une obligation. — Cour. Sujet à caution.
3 ♦ (XVe) Cour. Exposé à. ⇒ susceptible (de). Être sujet au mal de mer, au vertige. — (Suivi de l'inf.) « Les hommes les plus fermes [...] sont sujets à changer » (Lesage).
⊗ CONTR. Autonome, gouvernant.
sujet 2. sujet, ette [ syʒɛ, ɛt ] n.
• 1325; de 1. sujet
1 ♦ Personne soumise à une autorité souveraine (⇒ gouverné, inférieur). Le souverain et ses sujets. « Pour les rois, le monde est très simplifié. Tous les hommes sont des sujets » (Saint-Exupéry). Les sujets d'une démocratie, d'une république. « La France contient trente-six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement » (H. Rochefort).
2 ♦ Ressortissant d'un État. Il est sujet britannique. « Nos Normands et les Basques, sujets de la Castille, étaient en intime rapport » (Michelet).
⊗ CONTR. Maître, souverain; gouvernement.
sujet 3. sujet [ syʒɛ ] n. m.
• subjet XIVe; lat. subjectum « ce qui est soumis, subordonné à », distingué de objectum → objet
I ♦
1 ♦ (1580) Ce qui est soumis à l'esprit, à la pensée; ce sur quoi s'exerce la réflexion. — REM. Le sujet d'une discussion « est simplement ce dont elle traite; l'objet est le but qu'on s'est proposé en l'instituant » (Lalande). Des sujets de méditation, de pensée, de discussion. — Ce dont il s'agit, dans la conversation, dans un écrit. ⇒ matière, 1. point, question. « La marquise et le jeune homme [...] abordèrent en un moment une multitude de sujets : la peinture, la musique, la littérature, la politique, les hommes, les événements et les choses » (Balzac). Passer d'un sujet à un autre. Revenons à notre sujet (cf. Revenons à nos moutons). Entrer dans le cœur, dans le vif du sujet. Discussion qui porte sur tel sujet. — Par ext. Sur le sujet de...; sur ce sujet. ⇒ article, chapitre. Assez sur le sujet ! Au sujet de... : à propos de. C'est à quel sujet ?
2 ♦ (1533) Ce qui, dans une œuvre littéraire, constitue le contenu de pensée sur lequel s'est exercé le talent créateur de l'auteur. ⇒ fond, idée, thème. Le sujet et le style. Un sujet de roman. Un bon sujet; un sujet en or. « Les sujets proposent le style; mais ils ne le commandent pas » (Sartre).
3 ♦ Ce sur quoi s'applique la réflexion, dans un travail scientifique, une œuvre didactique. ⇒ problème, question. Bibliographie par sujets. ⇒ thématique. Traiter un sujet. Son devoir, sa rédaction est complètement hors (du) sujet.
4 ♦ Thème ou motif principal, spécialt dans la musique contrapuntique. Le sujet et les contresujets d'une fugue.
5 ♦ Ce qui est représenté ou évoqué dans une œuvre graphique, plastique; spécialt Représentation d'un motif anecdotique, littéraire, d'une action; ce motif (opposé à paysage, nature morte). Sujet de tableau. ⇒ motif. « Gervaise demanda le sujet des Noces de Cana; c'était bête de ne pas écrire les sujets sur les cadres » (Zola). Étude des sujets. ⇒ iconographie.
II ♦ (XVIe) Dans des expr. Ce qui fournit matière, occasion à (un sentiment, une action). ⇒ motif, occasion, raison. Sujet de chagrin, de mécontentement. « Non, ce n'était pas les sujets de satisfaction qui me manquaient » (Tournier). Sujet de dispute.
♢ Avoir sujet de (et l'inf.). Je n'ai pas sujet de me plaindre. — Sans sujet : sans raison.
III ♦
1 ♦ Log. Dans une proposition attributive, L'être auquel est attribué le prédicat, l'attribut.
2 ♦ Terme considéré comme le point de départ de l'énoncé, que l'on définit d'une manière logique (terme à propos duquel on exprime qqch.) ou formelle (terme qui régit le verbe). Le sujet grammatical d'une proposition. Sujet réel (logique) et sujet apparent (formel). Sujet, verbe et complément. Inversion du sujet. Phrase sans sujet. Par appos. Nom, pronom sujet.
IV ♦ (Personnes)
A ♦
1 ♦ (fin XVIe) Vx Être individuel, personne considérée comme le support d'une action, d'une influence. « Vos inclinations se tournaient [...] sur un sujet digne » (La Bruyère).
♢ Vieilli BON SUJET, qui se conduit bien. « Sois certain que je t'estime, car tu me sembles un bon sujet et un travailleur » (Zola). — Mod. MAUVAIS SUJET, qui se conduit mal. — Spécialt Un brillant sujet, un sujet d'élite : un très bon élève.
2 ♦ (1560) Être vivant soumis à l'observation; individu présentant tel ou tel caractère. Sujet d'étude, d'expérience. ⇒ cobaye. « Vous ne voyez donc pas que vous êtes de simples sujets d'expériences extravagantes, qu'on essaie sur vous mille actions et mille substances inconnues ? » (Valéry). « on admettra les multiples avantages du sujet humain sur le sujet animal » (J. Testart). ⇒ malade, patient. Le sujet parlant, en linguistique. ⇒ locuteur.
3 ♦ (d'ab. « danseur » 1754) Danse Troisième échelon dans la hiérarchie du corps de ballet de l'Opéra.
4 ♦ Dr. Sujet de droit : titulaire (d'un droit); personne considérée comme le support d'un droit.
B ♦ (empr. all., Kant) Philos., psychol. Être pensant, considéré comme le siège de la connaissance (opposé à objet).⇒ conscience, esprit, 1. personne; subjectif. Le sujet pensant.
● sujet nom masculin (latin subjectum, ce qui est subordonné) Ce qui fournit matière à quelque chose : Sujet de discorde. Ce qui fait la matière d'une discussion, d'un écrit, d'une œuvre ; ce dont il s'agit : Quel est le sujet du film ? Question posée à un examen, un concours : J'ai pris le troisième sujet au bac. Motif ornemental avec figures : Une tapisserie avec des sujets mythologiques. Figurine, statuette. Personne pourvue de qualités ou de talents appropriés à une situation : Ce candidat est un brillant sujet. Être vivant soumis à l'observation. Arboriculture Synonyme de porte-greffe. Chorégraphie Troisième échelon dans la hiérarchie des danseurs et danseuses du corps de ballet de l'Opéra de Paris. Linguistique Fonction exercée dans la phrase par un terme obligatoire appartenant à la catégorie du nom ou à des catégories équivalentes (pronom, forme nominale du verbe [infinitif], proposition conjonctive), qui confère au verbe ses catégories de personne et de nombre. Logique Dans la logique traditionnelle, ce à quoi est rapporté un prédicat ou un attribut. Musique Élément principal de la fugue ou d'une œuvre d'écriture contrapuntique, jouant le rôle de thème. Philosophie Être individuel et réel, supposé à la base de toute pensée (analogue à la conscience), face auquel le contenu de sa pensée, le monde extérieur constituent un objet. Psychanalyse L'être humain, en tant qu'il est soumis à la loi symbolique et contraint de passer par la parole pour établir sa vérité. ● sujet (citations) nom masculin (latin subjectum, ce qui est subordonné) Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 Il faut que l'imagination prenne trop pour que la pensée ait assez. L'Air et les Songes José Corti Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 C'est encore en méditant l'objet que le sujet a le plus de chance de s'approfondir. Le Nouvel Esprit scientifique P.U.F. Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 Dans la pensée scientifique, la méditation de l'objet par le sujet prend toujours la forme du projet. Le Nouvel Esprit scientifique P.U.F. Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 L'imagination n'est rien autre que le sujet transporté dans les choses. La Terre et les Rêveries du repos José Corti André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 Rien de ce qui nous entoure ne nous est objet, tout nous est sujet. Le Surréalisme et la Peinture Gallimard Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 On ne choisit pas son sujet. Voilà ce que le public et les critiques ne comprennent pas. Le secret des chefs-d'œuvre est là, dans la concordance du sujet et du tempérament de l'auteur. Correspondance, à Mme Roger des Genettes, 1861 Étienne de La Boétie Sarlat 1530-Germignan, Médoc, 1563 C'est un extrême malheur que d'être assujetti à un maître, dont on ne peut être jamais assuré qu'il soit bon, puisqu'il est toujours en sa puissance d'être mauvais quand il voudra. Discours de la servitude volontaire Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Le sujet d'un ouvrage est à quoi se réduit un mauvais ouvrage. Autres Rhumbs Gallimard ● sujet (difficultés) nom masculin (latin subjectum, ce qui est subordonné) → objet ● sujet (expressions) nom masculin (latin subjectum, ce qui est subordonné) Au sujet de, relativement à quelque chose, à propos de quelqu'un : Demander des renseignements au sujet d'un candidat. Avoir, donner sujet de, avoir, donner un motif, une raison légitime de faire quelque chose. Bon, mauvais sujet, personne, en particulier enfant, dont la conduite est digne d'éloges ou, au contraire, répréhensible. Sujet de droit, titulaire d'un droit. Sujet parlant, être humain capable de langage et possédant une compétence linguistique qui est la grammaire de sa langue. ● sujet (synonymes) nom masculin (latin subjectum, ce qui est subordonné) Ce qui fournit matière à quelque chose
Synonymes :
- cause
- matière
- motif
- objet
- occasion
- point
- problème
- question
Ce qui fait la matière d'une discussion, d'un écrit, d'une...
Synonymes :
- propos
- thème
Être vivant soumis à l'observation.
Synonymes :
- cobaye (familier)
Synonymes :
- Arboriculture. porte-greffe
● sujet, sujette
adjectif
(latin subjectus, de subjicere, soumettre)
[Être] sujet à, être exposé, par sa constitution, à certaines affections, à éprouver certains états : Elle est sujette au vertige ; être naturellement porté, enclin à quelque chose, à faire ou à subir quelque chose : Il est sujet à perdre son sang-froid.
● sujet, sujette (expressions)
adjectif
(latin subjectus, de subjicere, soumettre)
[Être] sujet à, être exposé, par sa constitution, à certaines affections, à éprouver certains états : Elle est sujette au vertige ; être naturellement porté, enclin à quelque chose, à faire ou à subir quelque chose : Il est sujet à perdre son sang-froid.
● sujet, sujette
nom
Membre d'un État soumis à l'autorité d'un souverain : Les sujets de Sa Gracieuse Majesté.
Ressortissant d'un pays : Un sujet américain.
sujet, ette
adj. et n.
rI./r adj. (Suivi de la Prép. à et d'un nom ou d'un inf.)
d1./d Qui, par sa nature, est exposé à, susceptible de. être sujet aux rhumes, à s'emporter.
d2./d Loc. Sujet à caution, dont il vaut mieux se méfier.
rII./r n.
d1./d Personne dominée par une autorité souveraine. Roi qui tyrannise ses sujets.
d2./d Ressortissant de certains états (monarchiques, notam.). Elle est sujette britannique.
d3./d HIST Dans les colonies françaises d'Afrique, autochtone qui ne jouissait pas du statut de citoyen français (réservé aux natifs des Quatre Communes) et était soumis au régime de l'indigénat.
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sujet
n. m.
d1./d Ce qui donne lieu à la réflexion, à la discussion; ce qui constitue le thème principal d'une oeuvre intellectuelle, artistique. Sujet de conversation. Le sujet d'une thèse, d'un tableau.
— Il est plein de son sujet, entièrement occupé par lui.
|| Loc. Prép. Au sujet de: à propos de, sur.
d2./d Motif, raison (d'un sentiment, d'une action). Un sujet de querelle. Avoir sujet de se plaindre.
— Sans sujet: sans raison.
d3./d LOG Ce dont on parle, par oppos. à ce que l'on en affirme. Le sujet et le prédicat.
d4./d LING Sujet grammatical: terme d'une proposition qui confère ses marques (personne, nombre) au verbe.
|| Sujet logique ou réel: agent réel de l'action. Dans la proposition "Abel a été tué par Caïn", le sujet grammatical (Abel) ne correspond pas au sujet réel (Caïn).
d5./d PHILO être connaissant (par oppos. à objet, être connu).
d6./d être vivant sur lequel portent des observations, des expériences. Sujet guéri.
d7./d Un brillant sujet: un élève très doué.
I.
⇒SUJET1, -ETTE, adj. et subst.
I. — Adjectif
A. — Rare. [En parlant d'une pers. ou d'une collectivité] Qui est soumis à une autorité souveraine. Le peuple est souverain, dit-on; et de qui? — De lui-même apparemment. Le peuple est donc sujet (J. DE MAISTRE, Souveraineté, 1821, p. 311).
— P. métaph. Ces sortes de grandeurs n'appartiennent qu'à ces illustres et sublimes trompeuses, elles restent royales encore là où les autres femmes deviennent sujettes (BALZAC, Secrets Cadignan, 1839, p. 363).
B. — [En parlant d'une pers. ou d'une chose] Sujet à
1. [Le compl. désigne une force, un agent, un phénomène, un processus ou son effet indésirable, une règle, une obligation] Soumis à.
a) [Le compl. désigne une force, un agent déterminant et inévitable] Lorsque les pays traversés sont sujets à des hivers rigoureux, ces stations intermédiaires sont munies de dispositifs de réchauffage (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 69). Le seul bien qui ne soit pas sujet au hasard est celui qui est hors du monde (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p. 111).
Rem. ,,On dit pop. être sujet à sa bouche, pour dire, avoir l'habitude de la gourmandise`` (J.-F. ROLLAND, Dict. mauv. lang., 1813, p. 126).
— Domaine de la pathol. Qui est fréquemment soumis à un mal ou à un trouble donné. Sujet à des maux de tête, au vertige. Elle fit signe à son mari qu'elle avait un saignement de nez, accident auquel elle était assez sujette (STENDHAL, Nouv. inéd., 1842, p. 365). Nerveuse et sujette à des vapeurs, elle jetait des cris pour un claquement de porte et se lamentait au son de l'angélus (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 153).
— Rare. [Dans un cont. favorable] Ne soyez pas triste, répondit-elle, je suis sujette aux bons souvenirs (L. DE VILMORIN, Julietta, 1951, p. 230).
b) [Le compl. désigne un phénomène, un processus dont l'être ou l'objet désigné par le subst. déterminé est exposé à subir les effets contraires] Ta qualité de fille du fils naturel de mon beau-père pourrait rendre des dispositions testamentaires faites en ta faveur sujettes à contestation (BALZAC, U. Mirouët, 1841, p. 181). Dans le cas d'un texte long et sujet à controverse (LIDDERDALE, Parlement fr., 1954, p. 200).
c) [Le compl. désigne une règle, une obligation] La Reine des provinces est sujette au tribut (CHATEAUBR., Martyrs, t. 3, 1810, p. 47).
♦ Sujet à caution.
2. Disposé à.
a) [Suivi d'un subst.] J'ai ouvert un gros dictionnaire, comptant y retremper ma mémoire sujette à l'erreur (COLETTE, Pays. et portr., 1954, p. 250).
b) [Suivi d'un inf.]
— [En parlant de pers. ou d'animaux] Vingt-quatre lévriers barbaresques, plus véloces que des gazelles, mais sujets à s'emporter (FLAUB., St Julien l'Hospitalier, 1877, p. 88). Plus nous nous rapprochons du sommeil plein, plus nous sommes sujets à confondre ce qui vient de nous avec ce qui vient des autres (ALAIN, Propos, 1921, p. 331).
— Vieilli. [En parlant de choses] Les ébauches épaisses sont (...) sujettes à se fendre en séchant (Al. BRONGNIART, Arts céram., t. 1, 1844, p. 163). Tous ces métaux étant sujets à se trouver dans les roches éruptives (ÉLIE DE BEAUMONT, B. de la Sté géol. Fr., t. 4, 1847, p. 18).
II. — Substantif
A. — Celui, celle qui est soumis(e) à une autorité souveraine, absolue. Sujet fidèle; fidèle sujet. Par scrupule religieux, les souverains de Russie ne prenaient femme (..) que parmi leurs sujettes, et la beauté était le principal titre au choix du prince (MÉRIMÉE, Hist. règne Pierre le Gd ds Journal des Savants, 1867, p. 361). L'échec retentissant de Joseph II avait encouragé ses sujets à la révolte, au point que l'État habsbourgeois paraissait se décomposer quand son souverain mourut en février 1790 (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 221).
— P. anal. Rien ne démontrera mieux la singulière puissance que communiquent les vices, et à laquelle on doit les tours de force qu'accomplissent de temps en temps les ambitieux, les voluptueux, enfin tous les sujets du diable (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 126).
— P. métaph. Qu'est-ce que la vie? un amas de petites circonstances, et les plus grandes passions en sont les humbles sujettes (BALZAC, Œuvres div., t. 3, 1846, p. 648).
B. — Ressortissant(e) d'un État donné. Synon. citoyen. Il existe désormais un « Anglicanisme » japonais et chinois, dont les chefs et les fidèles, sans répudier la dette spirituelle qu'ils ont contractée envers les Églises-mères d'Europe ou d'Amérique, n'ont point pour autant le sentiment d'être devenus sujets britanniques ou américains (Philos., Relig., 1957, p. 50-13).
Prononc. et Orth.:[], fém. [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1re moit. XIIe s. « soumis, subordonné » sugete a Deu (Psautier Oxford, 61, 1 ds T.-L.); en partic. 1155 « soumis à une autorité politique » a un rei ... suget (WACE, Rou, éd. I. Arnold, 13666); d'où 1325 subst. « celui qui est sous la domination d'un prince ou d'un état souverain » commandons à touz nos subgiés (Lettre de Jeanne, comtesse de Rethel... ds Trésor des Chartes du Comté de Rethel, éd. G. Saige et H. Lacaille, t. 1, p. 697); 2. a) 1485 « astreint par la loi à une obligation, à une charge » (Myst. Vieux Testament, 31197, éd. J. de Rothschild, t. 4, p. 181: Tu es subgect de la garder [la femme de ton servant] Ainsi comme ung pasteur son ouaille); b) 1579 subject à caution (H. ESTIENNE, La Précellence du langage françois, éd. E. Huguet, p. 16); 3. a) 1485 « astreint par sa condition à une nécessité de nature » (Myst. Vieux Testament, 1933, t. 1, p. 77); b) 1485 « exposé par sa constitution à éprouver certaines maladies, à présenter certains états » subgects sommes a la malladie (ibid., 34820, t. 4, p. 337); c) 1536 « porté par une tendance naturelle ou l'habitude de ressentir, subir ou faire quelque chose » subgect n'estoit à nulle tromperye (R. DE COLLERYE, Epitaphe de feu noble ... Estienne Fichet ds Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 282); 4. a) 1531 « (d'un inanimé) exposé par sa nature à présenter certains inconvénients » Vostre argent ... est subject à la pince (MAROT, Epitre, XXV, 48, éd. C. A. MAYER, p. 173); b) 1579 « qui fournit matière ou occasion à, qui donne lieu à » subjectes à preuve (H. ESTIENNE, op. cit., p. 184). Empr. au lat. class. subjectus « soumis, assujetti », part. passé adj. de subjicere « placer dessous, mettre sous, soumettre, assujettir » comp. du préf. sub-, v. l'élém. formant sub- et de « jeter ».
II.
⇒SUJET2, subst. masc.
I. — Ce qui constitue la matière, le thème ou bien le motif d'une activité ou d'un état.
A. — Ce qui constitue la matière, le thème principal d'une activité intellectuelle ou artistique, indépendamment de l'interprétation qui en est faite ou du résultat obtenu. Anton. objet. Beau, bon, excellent, grand sujet; sujet concret, difficile, important, grave; sujet historique, religieux; choisir, traiter un sujet.
1. Ce qui est proposé à la réflexion, à l'étude, à la critique, au débat. Sujet de comparaison, de méditation(s), de recherche(s), de réflexion; sujet brûlant, délicat, inépuisable; sujet d'actualité; bibliographie sur un sujet donné; aborder, connaître, épuiser le sujet; donner son opinion sur un sujet. L'hyperthyroïdien passe allégrement d'un sujet à l'autre, tour à tour affirme et nie (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 168):
• 1. Chaque jour, il [l'élève] reçoit de la nature une leçon nouvelle; chaque proie qu'il poursuit lui est un sujet d'étude, chacun de ses repas est le prix de son adresse ou de ses réflexions.
LACLOS, Éduc. femmes, 1803, p. 436.
♦ Sujet (battu et) rebattu. Sujet déjà très souvent traité et qui ne présente plus d'intérêt. M. Cazin a trouvé moyen de faire, avec des sujets battus et rebattus depuis des siècles, une œuvre très originale, très hardie (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 156).
♦ Sujet tabou.
— [Le compl. désigne la manifestation, l'expression, le domaine, le résultat de la réflexion] Sujet de débat, de discussion; sujet d'une conférence, d'un discours, d'un exposé. Lorsque le sujet de la conversation fut épuisé, le comte me mit encore en scène au détriment de Monsieur de Chessel (BALZAC, Lys, 1836, p. 51). Dans certains d'entre eux [les bulletins paroissiaux], on trouve des articles bien documentés sur des sujets d'histoire locale (Civilis. écr., 1939, p. 16-14).
— Sujet à + subst. Tout lui était sujet à dissertation lorsqu'il entreprenait quelqu'un (AYMÉ, Brûlebois, 1926, p. 116).
— Rare. [Le compl. désigne la matière traitée] Si je voulais, non pas épuiser le sujet des facultés réceptives, mais seulement le traiter un peu à fond (BROUSSAIS, Phrénol., leçon 17, 1836, p. 624).
Rem. Sujet est parfois empl. dans un sens voisin de celui de objet, sujet désignant plutôt ce dont il s'agit, et objet ce qu'on en dit. Il arrive que les deux mots soient empl. à peu près indifféremment: Cependant l'amour qui avait fait le principal objet des conversations de la matinée était dans l'air de la journée. Il revint tout naturellement dans l'entretien: c'est avec l'ambition le sujet de prédilection des jeunes hommes (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 101).
— BIBLIOTHÉCON., DOCUMENTOL. Classement par sujets. Un catalogue par sujets ne peut être établi que dans des conditions rarement réalisées. Les rédacteurs doivent être assez au fait des diverses disciplines scientifiques pour distinguer nettement le sujet de chaque œuvre (Civilis. écr., 1939, p. 52-1).
— PRESSE. ,,Thème de reportage. Thème de la prise de vue en général. Toute partie d'une émission formant un tout`` (CFPJ Presse 1982).
2. Locutions
a) À ce sujet. En ce qui concerne ce thème de réflexion ou de débat. Synon. à ce propos. Les travaux modernes (...) ont conduit à abandonner les idées anciennes à ce sujet (MAURAIN, Météor., 1950, p. 60).
b) Loc. prép. Au sujet de. À propos de, en ce qui concerne.
— [Le subst. déterm. désigne un animé] Déjà d'infâmes suggestions s'élevaient au sujet des combattants (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 169). Hubert te demanda je ne sais plus quel renseignement au sujet de Dreyfus (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 109).
— [Le subst. déterm. désigne un inanimé] Je posai à Swann, au sujet de cette autre partie de la maison, des questions savamment voilées (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 529).
— C'est au sujet de qqn/qqc.; c'est à quel sujet? Ce n'est pas au sujet de ma femme que je viens vous voir (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 108).
3. [Dans le domaine de l'enseign., de l'apprentissage, dans le cadre d'une compétition] Matière, thème imposé sur lequel porte un exercice, l'épreuve d'un examen, d'un concours. Ce n'est pas le sujet; hors sujet.
— [Le compl. désigne la forme de l'épreuve] Sujet de dissertation, de mémoire, de thèse. Que les collègues qui donnent des sujets de diplôme choisissent, sans attendre le client, des sujets moins académiques que « la route de Trifouillis à Cucugnan » (Colloque géogr. appl., 1962, p. 87).
— [Le compl. désigne la matière à traiter] Sujet de mathématiques. Avoir obtenu le diplôme d'études supérieures sur un sujet de français (Encyclop. éduc., 1960, p. 370).
— [Le compl. désigne un examen, un concours, un prix] Sujet d'agrégation, de licence, de maîtrise. Un Corps savant vient de proposer, cette année, pour sujet de prix, de rechercher s'il existe une circulation dans les radiaires (LAMARCK, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 129). V. proposer I B 1 ex. de Encyclop. éduc.
4. LITT., ARTS
a) LITT. Fond principal, historique ou fictif, d'une œuvre. Sujet d'un livre, d'une pièce; sujet intimiste, légendaire, mythologique. Un thème fréquent est l'exaltation des gens humbles mais honnêtes, qui constitue également un sujet favori de notre littérature enfantine (LOWIE, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 223):
• 2. Les sujets choisis par M. Zola sont toujours très généraux, peuvent être compris de tout le monde, n'ont rien de spécial, d'exceptionnel, de « curieux »: c'est l'histoire d'une famille d'ouvriers qui sombre dans l'ivrognerie, d'une fille galante qui affole et ruine les hommes, d'une fille sage qui finit par épouser son patron, d'une grève de mineurs, etc...
LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 282.
b) MUS. Thème principal d'une œuvre contrapuntique, notamment d'une fugue. [La fugue est une] forme de composition à plusieurs parties, entièrement basée sur le principe de l'imitation et dans laquelle un thème principal, ou sujet, et un ou plusieurs thèmes secondaires, ou contre-sujets, semblent fuir sans cesse de voix en voix (BRENET Mus. 1926, p. 166).
— P. anal., CHORÉGR. Thème principal d'un ballet. J'étais libre de choisir le sujet et le scénario du ballet (STRAVINSKY, Chron. vie, 1931, p. 127).
c) ARTS PLAST. ,,Se dit de l'ensemble d'objets, ou de l'événement que le peintre ou le sculpteur prétendent imiter ou représenter, ou dont ils s'inspirent pour exécuter une décoration quelconque`` (HAVARD 1890):
• 3. Un signe plastique est, toujours, une reconstitution et jamais une restitution. La double recherche qui conduit à faire l'inventaire des sujets figuratifs entrant en combinaison et la reconstitution du processus mental qui a suscité l'activité combinatoire de l'artiste créateur est possible.
Traité sociol., 1968, p. 290.
) DESSIN, PEINT. Élément dominant d'une figure, d'un tableau. Des peintures sans sujet, sinon le plus général, le plus anonyme: la servante, la montagne, le torchon, quelques murs, quelques pommes, et finalement les cônes et les cylindres. Rapprochons de ces sujets les sujets du cubisme. Car il faut, dans toute école, étudier ses sujets puisqu'il y a toujours sujet, même lorsque cette école a résolu de déprécier et de restreindre le sujet (CASSOU, Arts plast. contemp., 1960, p. 178).
— P. anal., PHOT. Les limites du sujet photographié sont déterminées par l'angle de champ (PRINET, Phot., 1945, p. 25).
) SCULPT., GRAV. Les stalles sont autant de merveilles; elles représentent des sujets de l'Ancien Testament en bas-reliefs (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 44). La différence entre le sujet gravé sur le premier sceau, anonyme, et celui gravé sur le second sceau, nominatif (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 419).
— En partic. ,,Nom qu'on donne aux groupes allégoriques, emblématiques ou historiques, qui ornent certains meubles, les pendules, principalement`` (HAVARD 1890). Pendule à sujet. A-t-elle beaucoup souffert? demanda Lucy, qui s'était absorbée devant le sujet de la pendule, les trois Grâces, nues (ZOLA, Nana, 1880, p. 1479). P. métaph. Sujet de pendule. V. pendule2.
— P. ext. Représentation souvent miniaturisée de personnages ou d'animaux dans l'évocation d'une scène, dans un décor. Sujet de crèche. Fort garni de sujets en aluminium (Catal. jouets (Trois-Quartiers), 1936).
B. — [Souvent dans un cont. à connotation défavorable] Motif, raison.
1. [Suivi d'un compl. déterminatif]
a) [À propos de choses] Sujet d'affliction, d'alarme, d'amertume, de chagrin, de crainte, de discorde, d'émerveillement, d'étonnement, de fierté, d'inquiétude, de jalousie, de joie, de mécontentement. D'après les économistes, les partisans de la balance du commerce devront être satisfaits; ils n'auront plus aucun sujet de plainte (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 2, 1846, p. 70). Aussitôt que des situations se présenteront qui paraîtront menacer le bien-être général, elles devront être un sujet de préoccupation pour l'assemblée générale (Charte Nations Unies, 1946, p. 22).
b) [À propos d'une pers.] Lucien, dit madame Chardon à son fils, tu as beaucoup à réparer ici. Parti pour être un sujet d'orgueil pour ta famille, tu nous a plongés dans la misère (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 650).
2. a) Avoir (grand, tout) sujet de + inf. J'ai eu tout sujet de m'applaudir (...) de mon courage (DELACROIX, Journal, 1850, p. 404). La Suisse n'a donc pas, en définitive, grand sujet de craindre les radicaux (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1850, p. 118). Ma chère maman (...) demanda si l'on a bien sujet de dire que les perroquets sont gais (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 158).
b) Donner sujet de + inf. Blanchet voulut le renvoyer, et il pleura, ce qui donna sujet à son père de dire qu'il était mal élevé (SAND, Fr. le Champi, 1848, p. 78).
3. Sans sujet. Rire sans sujet. Lorsque ces jeunes personnes sont attaquées de cette maladie (...), elles aiment à dormir, et sont tristes sans sujet (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 219).
Rem. [Par jeu sur le sens A et B] Margerie, géologue et savant, a lu les livres, les mémoires, les articles que Margerie bibliographe a recensés (nouveau sujet de réflexion et d'étonnement) (L. FEBVRE, De Margerie, [1924] ds Combats, 1953, p. 315).
C. — LOG., LING.
2. LINGUISTIQUE
a) Sujet (grammatical)
) [En gramm. traditionnelle] Fonction qui désigne l'être ou la chose qui fait l'action exprimée par un verbe, que détermine un verbe d'état ou qui supporte l'action exprimée par un verbe au passif. Accord du sujet et du verbe; inversion, place du sujet:
• 4. Nous avons trouvé dans les mots qui composent les langues parlées, les interjections qui expriment des propositions tout entières, les noms et pronoms qui expriment les sujets des propositions, et les verbes qui expriment les attributs de ces mêmes propositions.
DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 102.
♦ Sujet apparent, sujet réel. Dans les constructions dites impersonnelles (il m'est impossible de finir ce travail, il n'est pas étonnant qu'il soit malade), on appelle sujet réel la complétive (qu'il soit malade) ou l'infinitif (de finir ce travail); quant au il, on l'appelle sujet apparent (d'apr. Ling. 1972).
— En appos.
♦ Cas sujet. En ancien français, cas exprimant la fonction grammaticale de sujet ou d'attribut du sujet (le cas sujet est marqué dans le plus grand nombre de déclinaisons par la désinence s). À une certaine époque presque toutes les formes de l'ancien cas sujet ont disparu en français (...). C'est la notion particulière de cas sujet qui a été atteinte et sa disparition a entraîné naturellement celle de toute une série de formes (SAUSS. 1916, p. 132).
♦ Fonction sujet (p. oppos. à substantif, pronom, proposition... sujet, qui désignent non pas la fonction mais l'élément qui la remplit). Des phrases (...) où la fonction sujet et la fonction prédicat sont réalisées, non par un mot, mais par un groupe de mots, un syntagme (GREV. 1986, § 227).
) [Dans une ling. fonctionaliste] Syntagme nominal qui détermine l'accord du verbe et qui constitue avec lui un énoncé minimal (Pierre lit un livre peut se réduire à Pierre lit, mais non à lit un livre ou à lit).
Rem. Dans l'énoncé minimum à deux termes, ,,l'un, qui désigne normalement un état de choses ou un événement sur lequel on attire l'attention, reçoit le nom de prédicat (...) l'autre, dit sujet, désigne un participant, actif ou passif (...). Formellement (...) le sujet est toujours caractérisé soit par un monème fonctionnel, soit par sa position (...)`` (MARTINET 1969, pp. 125-126). Ce qui le distingue des compléments, ,,c'est sa présence obligatoire dans un certain type d'énoncé`` (ibid.).
) [En gramm. générative] Fonction du SN (syntagme nominal) dans la règle de base qui réécrit P (symbole de la phrase) par SN + SV (SV = syntagme verbal). On distingue le sujet de la phrase de structure profonde du sujet de la phrase de structure de surface. Dans la phrase La voiture renverse le passant, la voiture est en même temps le sujet de la structure profonde et le sujet de la structure de surface dérivée. Mais dans la phrase passive Le passant est renversé par la voiture, le sujet de la structure de surface le passant n'est pas le sujet de la structure profonde (Ling. 1972).
) [Dans une ling. sémantico-logique; p. oppos. à sujet profond (v. infra I C 2 b), sujet thématique ou thème, sujet logique (v. infra I C 2 d)] Fonction du syntagme nominal qui, dans la phrase active, exprime la donnée première, le point de départ de la prédication (le prédicat verbal est considéré comme une relation orientée dont le sujet représente le premier argument). Voir R. MARTIN, Pour une log. du sens, 1983, pp. 217-218.
b) Sujet profond. Représentation de l'agent, de celui qui fait l'action (le sujet grammatical se confond souvent avec le sujet profond: Pierre a appris à Marie que..., mais pas toujours: Pierre a appris (par Marie) que...). Synon. agent. Le « sujet profond » est le premier argument qui suit le prédicat le plus élevé dans la représentation profonde/logique de la phrase (S. STAROSTA ds Langages. Paris 1975 n° 38, p. 118).
Rem. Notion abandonnée, remplacée par celle d'agent.
c) Synon. de thème. Le sujet est alors conçu comme le « point d'appui » du jugement, sa « source », son « point de départ dans la pensée ». C'est à cette conception que correspond la notion de « thème », fréquemment utilisée pour décrire le rôle du sujet (Gramm. auj. 1986, p. 657).
♦ Sujet psychologique. Synon. vieilli de thème. Dans Demain, je sortirai, répondant à une question du type Que ferez-vous demain?, le sujet psychologique, ou thème, est constitué par demain (Lang. 1973).
d) Sujet logique. Toute langue suppose, dans une approche sémantico-logique, qu'une place soit faite à la notion de « sujet logique ». Si je dis:Le facteur vient de passer, alors je parle d'un être d'univers (au sens le plus général), d'un objet du monde si l'on préfère, dont on dit qu'il est facteur, c'est-à-dire qu'il est un être animé, doué de raison, jouant un certain rôle dans l'organisation sociale, et de qui l'on affirme qu'il vient de passer. Facteur (F) et vient de passer (V) sont des prédications complexes sur x : V(Fx). On dira de x, qui n'a pas en soi de sens et dont la raison d'être unique est dans la référence à l'univers, qu'il est le sujet logique de F, ainsi que de la prédication du second ordre de V sur Fx. Le sujet ainsi conçu n'est rien d'autre que le lieu de la désignation (R. MARTIN, Pour une log. du sens, 1983, p. 215).
3. SÉMIOT. ,,L'une des grandes fonctions du récit; celle qui regroupe tous les attributs et toutes les actions du héros principal, lequel désire et recherche l'objet; par exemple Ulysse dans son retour vers Ithaque`` (Media 1971).
— En partic. [Dans le schéma actantiel de A. J. Greimas] Actant en quête d'un objet. Le schéma narratif, modèle hypothétique d'une organisation générale de la narrativité, qui cherche à rendre compte des formes à l'aide desquelles le sujet conçoit sa vie en tant que projet, réalisation et destin (GREIMAS-COURTÉS 1979).
II. — Être vivant considéré dans son individualité.
A. — Être vivant considéré dans son individualité et du point de vue de ses qualités, de ses besoins, de ses actions ou de son évolution.
1. [À propos de pers.] Brillant sujet; sujet doué; sujet d'élite. La comtesse mène une vie héroïque (...). Elle s'est consacrée à l'éducation de ses enfants qu'elle a parfaitement élevés. L'aîné est un charmant sujet (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 436). Saint-Nicolas fut sous sa direction [de l'abbé Frère] (...) un séminaire par anticipation, ouvert aux seuls sujets qui se destinaient à l'état ecclésiastique (RENAN, Souv. enf., 1883, p. 165).
— Bon, mauvais sujet. Avec un homme comme le sien, bon sujet, ne buvant pas, elle était certaine de faire ses affaires et de ne pas être mangée (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 478). Caire débaucha Zerbin et en fit en peu de temps un mauvais sujet (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 208).
♦ P. plaisant. [Forme fam. d'interpellation] Elle interpella de nouveau le jeune homme à la barbe blonde. — Allons, mauvais sujet, reprit-elle, invitez vite une de ces demoiselles et faites-nous vis-à-vis (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p. 11).
— CHORÉGR. ,,Se dit d'une danseuse qui quitte le corps de ballet pour entrer dans les pas. Elle devient sujet de la danse. Il y a des degrés: premier sujet, deuxième sujet`` (BOUCHARD 1878). L'élégance de madame Colleville allait de pair avec celle de Tullia, premier sujet de l'Opéra, qu'elle voyait beaucoup (BALZAC, Pts bourg., 1850, p. 28). La seconde partie [du corps de ballet comprend] : les petits sujets, les grands sujets, les premières danseuses et les Étoiles (MEUNIER, Danse class., 1931, p. 123).
— LING. Sujet parlant
♦ ,,Émetteur d'un message oral`` (D.D.L. 1976). Synon. locuteur. L'activité du sujet parlant doit être étudiée dans un ensemble de disciplines qui n'ont de place dans la linguistique que par leur relation avec la langue (SAUSS. 1916, p. 37).
♦ ,,Être humain capable de langage et possédant une compétence linguistique qui est la grammaire de sa langue`` (Ling. 1972).
2. [À propos d'animaux] Sujet reproducteur. Un vol de pigeons bien organisé se compose d'une bande de 12 à 16 sujets (LEDIEU, CADIAT, Nouv. matér. nav., t. 2, 1890, p. 463).
3. SYLVIC. Arbrisseau apte à recevoir une greffe. Synon. porte-greffe. Le greffage a pour objet de souder une portion de végétal, que l'on nomme greffon, sur une autre portion de végétal, que l'on désigne sous le nom de porte-greffe ou de sujet et qui fournit les aliments nécessaires au développement du greffon (BRUNET, Matér. vitic., 1909, p. 47).
♦ Sujets co-dominants. ,,Arbres dont les sommets forment le niveau général de la voûte foliacée et qui reçoivent pleine lumière du haut`` (Forest. 1946). Sujets dominés. ,,Arbres dont la cime est entièrement en-dessous du niveau général de la voûte foliacée et complètement privée de lumière directe`` (Forest. 1946).
B. — En partic. Être soumis à l'observation scientifique, notamment biologique, psychologique, sociologique. Sujet jeune, normal, sain, vivant; sujet âgé de. J'ai essayé de saisir en lui, comme en un « sujet » particulièrement favorable à cette observation, une infirmité essentielle à l'esprit humain (PROUST, Past. et mél., 1919, p. 187). Il est curieux de noter que l'antipathie semble avoir été, dans les expériences de Casper, le facteur le plus favorable. Les sujets masculins ou féminins réussissaient mieux avec la personne de l'autre sexe pour laquelle ils avaient le moindre attachement (AMADOU, Parapsychol., 1954, p. 233).
— MÉD. Sujet déprimé, nerveux; sujet vacciné. Ces lésions du larynx sont fréquentes chez les sujets atteints de phtisie chronique (CALMETTE, Infection bacill. et tubercul., 1920, p. 173).
♦ En compos. Sujet-contact, subst. masc. ,,Individu vivant dans l'entourage d'un malade contagieux, susceptible d'avoir été contaminé et devant faire l'objet d'une surveillance attentive ou de mesures prophylactiques`` (Méd. Flamm. 1975).
C. — PHILOS. Être ou principe actif susceptible de posséder des qualités ou d'effectuer des actes. La raison n'est pas subjective; le sujet, c'est le moi, c'est la personne, la liberté, la volonté (COUSIN, Hist. philos. mod., t. 1, 1846, p. 139).
♦ Sujet de la connaissance. ,,Être qui connaît, considéré, non dans ses particularités individuelles, mais en tant que condition nécessaire à l'unité d'éléments représentatifs divers, unité en vertu de laquelle ces représentations apparaissent comme constituant un objet`` (LAL. 1968). Kant entreprit de faire porter sur le sujet même de la connaissance les recherches qui jusque-là ne s'étaient appliquées qu'à ses objets (COUSIN, Philos. Kant, 1857, p. 33).
— En partic. [Chez Kant] Sujet transcendantal. ,,Faculté a priori qui en tant que telle agit sur le réel et détermine les conditions de l'expérience`` (THINÈS-LEMP. 1975).
— PSYCHOL. Sujet secondaire. ,,Processus inconscient qui possède une énergie suffisante pour exercer une action sur la conscience du Moi sans parvenir à la prise de conscience. Il constitue une sorte de conscience secondaire qui représente une composante de la personnalité dissociée du Moi conscient primaire`` (VIREL Psych. 1977).
— P. ext. Celui, celle qui agit, qui a l'initiative d'une action. Paradoxalement, ces femmes qui exploitent à l'extrême leur féminité se créent une situation presque équivalente à celle d'un homme; à partir de ce sexe qui les livre aux mâles comme objets, elles se retrouvent sujets (BEAUVOIR, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 392).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Subst masc. A. 1. ca 1370 « ce dont on parle, ce qui est soumis à la réflexion et constitue le support de qualités, de caractères » suject et cause matériel (ORESME, Ethiques, X, 6, éd. A. D. Menut, p. 507, note 7); 2. 1680 gramm. le sujet de la proposition (RICH.). B. 1. 1532 « ce qui, dans une œuvre littéraire, constitue le contenu de la pensée sur lequel s'est exercé le talent créateur d'un auteur » (Cl. MAROT, Préface des poésies de Villon ds Œuvres compl., éd. P. Jannet, t. 4, p. 192); 2. 1556 « idée centrale autour de laquelle se développe une conversation, s'organisent des propos écrits ou oraux » suyvre son sujet (RONSARD, Hymne de Calaïs, et de Zetes, 25 ds Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 8, p. 256); 1656 sortir ... de notre sujet (PASCAL, Provinciale, VIII ds Œuvres compl., éd. L. Lafuma, p. 405); 3. a) 1580 « ce à propos de quoi s'exerce la pensée, la réflexion; ce qui est soumis à l'esprit à fin d'examen » (MONTAIGNE, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, Au lecteur, p. 3); 1636 le Suiet de l'Astrologie (MONET); b) 1580 « matière à réflexion » (MONTAIGNE, op. cit., I, 8, p. 32); d'où av. 1783 « texte d'un exercice imposé à des candidats » la liste des sujets ... proposés pour le prix d'éloquence (D'ALEMB., El. Mongin, note 1 ds LITTRÉ); 4. a) 1660 [éd.] « motif principal d'un tableau, d'un dessin, d'une œuvre plastique » (D'AUBIGNÉ, Divorce satyrique ds Œuvres compl., éd. Réaume et de Caussade, t. II, p. 666); 1777 spéc. « motif ornemental composé d'une ou plusieurs figurines représentant des personnages » pendule à sujets (Annonces, affiches divers, 26 juin ds HAVARD t. 4); b) 1690 mus. (FUR.). C. 1. 1562 « être vivant ou mort pris comme objet d'expérience ou d'étude » (PARÉ, Anatomie, I, 21 ds Œuvres compl., éd. J. Fr. Malgaigne, t. 1, p. 148); 2. av. 1585 « être individuel, personne considérée comme le support d'une action, d'une influence » (RONSARD, De l'envie ds Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 18, p. 463, ligne 59); 3. 1637 « individu faisant montre d'une personnalité déterminée et considérée par rapport à ses qualités » ce digne sujet (CORNEILLE, Le Cid, I, 3, vers 167, var.); 1690 un bon sujet (FUR.); 1740 un mauvais sujet (Ac.); 4. 1703 bot. « sauvageon » (L. LIGER, Dict. gén. des termes propres à l'agric., Paris, D. Beugnié, p. 341); 5. 1754 danse (Encyclop. t. 4, p. 629a, s.v. danseur); 6. 1775 « être animé faisant l'objet de soins » (BUFFON, Hist. nat. des oiseaux, Paris, Impr. royale, t. 5, p. 205); 7. ca 1824 philos. « être pensant dans la mesure où il se saisit comme connaissant par une intuition interne » (MAINE DE BIRAN, Examen des leçons philosophiques, III ds ROB. 1985, s.v. réflexion); 8. 1916 sujet parlant (SAUSS., loc. cit.); 9. 1936 sujet d'un droit (CAP.). D. 1. 1555 « ce qui fournit un motif ou prétexte à une action, un comportement, un sentiment » le sujet de douleur, de misère (RONSARD, Hymne de la mort, 144 ds Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 8, p. 170); a) 1574 avoir sujet pour + inf. « avoir un motif légitime de, avoir matière à » (GARNIER, Cornélie, V, 1858 ds Tragédies, éd. W. Foerster, I, 144); fin XVIe s. avoir sujet de + inf. « id. » (PASQUIER, 559 ds IGLF); b) fin XVIe s. prendre sujet de + inf. « saisir l'occasion de » (ID., 541, ibid.); c) 1604 sans sujet « sans motif » Sans sujet, sans raison (MONTCHRÉTIEN, Aman, II ds Tragédies, éd. L. Petit de Julleville, p. 260); d) 1626 donner sujet de + inf. « procurer une raison légitime de; fournir prétexte à » (RICHELIEU, Lettres, II, 215 ds HASCHKE Richelieu, p. 131); e) 1644 à quel sujet? (SCARRON, Le Typhon, chant III ds Œuvres, Paris, J. Fr. Bastien, t. 5, p. 454); 2. 1578-83 « personne considérée comme la cause, le motif d'une action, d'un comportement, d'un sentiment » (D'AUBIGNÉ, Le Printemps, Préf. ds Œuvres compl., éd. Réaume et de Caussade, t. 3, p. 11: La plupart des Césars Sont les subgets de nos larmes). II. Loc. prép. 1580 sur le subject de « à propos de, relativement à » (MONTAIGNE, op. cit., II, 12, p. 556); 1588 [éd.] au sujet de « id. » (ID., ibid., III, 3, p. 824). Empr. au b. lat. subjectum « substance », neutre subst. de subjectus (v. sujet) traduisant le gr. « ce qui sert de fondement à une discussion, texte, matière », opposé à accidens (v. accident) et distinct de objectum « objet », v. ce mot pour l'oppos. entre objet et sujet; l'empl. gramm. A 1 b est un empr. au lat. des grammairiens (SOUTER Later Latin).
STAT. — Sujet1 et 2. Fréq. abs. littér.:15 674. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 28 200, b) 15 456; XXe s.: a) 14 786, b) 25 423.
BBG. — LAGANE (R.). Probl. de définition. Le Sujet. Lang. fr. 1969, n° 1, pp. 58-62. — MARTINET (A.). Thème, propos, agent et sujet. Linguistique. Paris. 1985, n° 21, pp. 207-220. — PERROT (J.). Rem. sur la not. de sujet. Mél. Cohen (M.). The Hague. Paris, 1970, pp. 107-112. — POTTIER (B.). Sujet et prédicat en fr. B. Soc. Ling. 1949, t. 45, pp. XVI-XVIII. — QUEM. DDL t. 19, 30. — RUWET (N.). Montée du sujet et extraposition. Fr. mod. 1975, t. 43, pp. 97-134. — SAUVAGEOT (A.). Le Probl. du sujet. B. Soc. Ling. 1974, t. 69, pp. 225-246. — SØRENSEN (F.). La Position du sujet en fr. et en dan. Analyses gramm. du fr. pour le 50e anniversaire de C. Vikner. Copenhague, 1983, pp. 38-49. —Subjet and topic. Ed. by C. N. Li. New York, 1976, 594 p. — VAILLANT (Ph.). À Propos de sujet et objet. Parlure. 1987, n° 3, pp. 59-63. — ZEMB (J. M.). La Fallacieuse équipollence du sujet et du thème. Fr. mod. 1978, t. 46, pp. 333-346.
1. sujet, ette [syʒɛ, ɛt] adj.
ÉTYM. V. 1138; sugez « soumis », 1120; var. subject, jusqu'au XVIe; lat. subjectus, de subjicere « mettre sous »; de sub-, et jacere.
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1 (V. 1393). Vieilli. Qui est dans la dépendance d'une autorité supérieure. ⇒ Soumis, sujétion. — (V. 1138). Vx. || Sujet à… (Bossuet, Racine, Pascal). — (V. 1120). || Sujet de… : assujetti à… (par conquête). — Devant l'État souverain, les Églises sont sujettes (→ Laïque, cit. 7).
1 Il est votre empereur. Vous êtes, comme nous,
Sujette à ce pouvoir qu'il a reçu de vous.
Racine, Britannicus, IV, 1.
2 (V. 1538). Vieilli ou dr. Soumis à une nécessité, à une loi (→ Loi, cit. 34, Malherbe). ⇒ Astreint, dépendant (de), obligé (de). || Ils ne se crurent plus sujets à la mort (→ Ressusciter, cit. 11). || Sujet à un droit, à une obligation, à l'impôt, à une taxe… || Jugements sujets à l'appel (cit. 20). || Sujet à litige (cit. 1). — ☑ Loc. (1673). Cour. Sujet à caution (cit. 5 et 6).
2 Nombre de maladies, qui dans les autres pays sont obligatoirement dénoncées, isolées, guéries de force, la tuberculose par exemple, ne sont sujettes à la déclaration ni du médecin ni de la famille.
Giraudoux, De pleins pouvoirs à sans pouvoirs, II, p. 34.
3 (XIVe). Cour. Qui est exposé à… ⇒ Susceptible (de). || Des hommes sujets à l'erreur (→ Apprécier, cit. 4), à l'ignorance (cit. 11). || Être sujet au mal de mer, au vertige… || En s'élançant trop haut, on était sujet aux chutes (cit. 13). || « Et les lièvres, sujets à des terreurs paniques » (cit. 1). || Conceptions sujettes à révision. — Personne sujette à un sentiment, une passion. ⇒ Enclin (à); → Disproportionner, cit. 1; extrême, cit. 8. — (XVIe). || Sujet à… suivi de l'infinitif (→ Âme, cit. 5; esprit, cit. 40). || Être sujet à changer (→ Ferme, cit. 12), à faillir (→ Humble, cit. 10). || Être sujet à boire. ⇒ Habitude, inclination…
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CONTR. Autonome, gouvernant. — Exempt (II.), exempté.
DÉR. 2. Sujet.
HOM. 2. Sujet, 3. sujet.
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2. sujet, ette [syʒɛ, ɛt] n.
ÉTYM. V. 1138, suget; sorgeiz, v. 1190; de 1. sujet, adj.
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1 Personne soumise à une autorité souveraine (⇒ Gouverné, inférieur). || Les sujets et le monarque (→ Aristocratie, cit. 1; démocratie, cit. 1 et 8), et le souverain (→ Gouvernement, cit. 32). || Les sujets d'un seigneur, d'un suzerain. ⇒ Vassal. || Se faire obéir de ses sujets; accabler ses sujets (→ Libre, cit. 2). || La soumission du sujet (→ Arrogant, cit. 3). — Sujets d'une démocratie, d'une république. || La loi (cit. 11) considère les sujets en corps. — REM. Dans ces emplois, sujet est vieilli; le mot implique de nos jours la soumission à une autorité absolue, au contraire de citoyen. — Allus. hist. || « La France contient trente-six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement » (cit. 6), par jeu de mot avec sujet (3. Sujet, II.).
1 Le lion, terreur des forêts,
Chargé d'ans et pleurant son antique prouesse,
Fut enfin attaqué par ses propres sujets (…)
La Fontaine, Fables, III, 14.
2 Le 7 août, le jour même où le duc d'Orléans prêta serment comme roi, M. Dupont de l'Eure lui porta une loi à promulguer. Le préambule disait : Mandons et ordonnons à tous nos sujets, etc. Le commis chargé de copier la loi, jeune homme fort exalté, s'effaroucha du mot sujets, et ne copia point.
Hugo, Choses vues, II, IX, I.
3 Il ne savait pas que, pour les rois, le monde est très simplifié. Tous les hommes sont des sujets.
Saint-Exupéry, le Petit Prince, X.
2 (Déb. XXe). Ressortissant d'un État. ⇒ Habitant (2.); → Nationalité, cit. 4. || Être sujet britannique.
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CONTR. Maître, souverain; gouvernement.
HOM. 1. Sujet, 3. sujet.
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3. sujet [syʒɛ] n. m.
ÉTYM. XIVe, subjet, Oresme; lat. scolast. subjectum « ce qui est soumis, subordonné à… », distingué de objectum. → Objet; de subjectus. → 1. Sujet.
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1 (1580). Ce qui est soumis à l'esprit, à la pensée; ce sur quoi s'exerce la réflexion. REM. Étymologiquement l'objet est présent devant l'esprit, alors que le sujet lui est assujetti (→ Objet, I., B.), mais objet désigne plutôt le but, l'intention : le sujet d'une discussion « est simplement ce dont elle traite; l'objet est le but qu'on s'est proposé en l'instituant » (Lalande). — Penser (cit. 8) sur un sujet. || Des sujets de méditation (cit. 2). — « C'est un sujet merveilleusement vain, divers (cit. 1) et ondoyant » que l'homme. || « Je m'étudie (cit. 19) plus qu'autre sujet… » (Montaigne). — (V. 1636). Vx. || Le sujet d'une science, ce qu'elle étudie (→ Gastronomie, cit.).
♦ (1580). Ce dont il s'agit, dans les discours, la conversation…; dans un écrit. ⇒ Matière (III., 1.), point (V., 2.), propos (2. Propos, vx), question (I., 2.). || Aborder (cit. 8), attaquer, toucher, quitter un sujet. || Passer d'un sujet à l'autre. || Revenir à son sujet (→ À ses moutons). ☑ Entrer dans le cœur, dans le vif du sujet. || Sortir du sujet, être hors (cit. 31) du sujet. || Épuiser (cit. 14) un sujet. || Entretenir (cit. 31) qqn d'un sujet (⇒ Converser, discuter). || Discourir (cit. 3), parler, poursuivre (cit. 18) sur un sujet. || Discussion qui porte sur un sujet ardu, épineux. || Il ne tarit pas sur ce sujet, c'est son sujet favori. ⇒ Thème (cf. Cheval de bataille). || Professer (cit. 3) une opinion sur un sujet. — Sujets de conversation (→ 1. Débiter, cit. 12).
1 Une conversation s'établit alors entre la marquise et le jeune homme, qui, suivant l'usage, abordèrent en un moment une multitude de sujets : la peinture, la musique, la littérature, la politique, les hommes, les événements et les choses.
Balzac, la Femme de trente ans, Pl., t. II, p. 760.
♦ Sur le sujet de… (→ Indulgence, cit. 13); sur ce sujet. ⇒ Article, chapitre (I., 3.). — ☑ Au sujet de… : à propos de… ⇒ Concernant, relativement (à), sur (→ Indu, cit. 1). || Au sujet de qqn. ⇒ Compte (sur son). || Un contrat, au sujet duquel… (→ Partie, cit. 20). ⇒ De (IV., 2.), dont. || À ce sujet (→ 2. Pas, cit. 8). || À quel sujet voulez-vous lui parler ? || C'est à quel sujet ?
2 (1533, Marot, Préface des poésies de Villon). Ce qui, dans une œuvre littéraire, constitue le contenu de pensée sur lequel s'est exercé le talent créateur de l'auteur. ⇒ Étoffe (d'un livre), fond (V., 4.), idée (de roman,…), thème (→ Auteur, cit. 41; épopée, cit. 2; forme, cit. 56; 3. plan, cit. 6; racine, cit. 6). || Le sujet et le style. || Sujet de récit, de roman… (⇒ Fable [I., 1.], histoire), de pièce de théâtre (→ Drame, cit. 4). || Le sujet d'un livre, d'un ouvrage. || Le choix des sujets (→ Romantisme, cit. 4). || Sujet aride, épineux (→ Habile, cit. 12), ingrat (cit. 9); mince (→ Œuvre, cit. 25). || Sujet grave (→ Minauderie, cit. 4), honnête (cit. 16), sérieux; plaisant (cit. 4). || Un bon sujet; un sujet en or, excellent, facile à traiter. || Ce n'est pas un bon sujet. || Banalité (cit. 4), difficultés (cit. 11), richesse, simplicité (→ Entrer, cit. 40) d'un sujet. || Exploiter (cit. 8), traiter un sujet (→ Couvent, cit. 2). || Être plein de son sujet.
2 L'art procède du cerveau et non du cœur. Quand votre sujet vous domine, vous en êtes l'esclave et non le maître. Vous êtes comme un roi assiégé par son peuple.
Balzac, Massimilla Doni, Pl., t. IX, p. 381.
3 Le mot sujet est de ceux, nombreux en français, qui se montrent susceptibles d'un grand nombre d'acceptions (…) J'appelle donc sujet un événement historique ou légendaire, une idée philosophique, un argument moral, parfois même une combinaison d'éléments anecdotiques, susceptibles de servir de fondement ou de ressort à une œuvre d'art.
G. Duhamel, Défense des lettres, III.
4 (…) les sujets proposent le style : mais ils ne le commandent pas; il n'y en a pas qui se rangent a priori en dehors de l'art littéraire. Quoi de plus engagé, de plus ennuyeux que le propos d'attaquer la Société de Jésus ? Pascal en a fait les Provinciales.
Sartre, Situations III, p. 76.
4.1 Je vois un beau film à faire. Un sujet en or, approuva Lili. Il faudrait traiter ça dans une lumière floue, je ne sais si vous voyez ce que je veux dire.
M. Aymé, Travelingue, p. 233.
3 (1580). Ce sur quoi s'applique la réflexion (dans un travail scientifique, une œuvre didactique, etc.). ⇒ Problème, question (I., 2.); → Nomenclature, cit. 1. || Le sujet de ses investigations. ⇒ Champ (II., A., 1.). || Bibliographie par sujets. || Littérature sur un sujet. || Traiter; approfondir, creuser un sujet. || Sujet de thèse… || Sujet de composition, de dissertation, de devoir. || Donner, proposer un sujet.
5 On a critiqué et le sujet que j'avais choisi pour la première leçon et la manière dont j'ai traité ce sujet.
Renan, Questions contemporaines, Œ. compl., t. I, p. 143.
6 Il me citait le sujet de dissertation dont s'amusaient traditionnellement les normaliens : « Différence entre la notion de concept et le concept de notion ». Il en avait inventé d'autres (…) L'âme et le corps : ressemblances, différences, avantages et inconvénients.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, p. 312.
4 (V. 1690). Mus. Thème ou motif principal (spécialt, dans la musique contrapuntique). || Sujet et contre-sujets d'une fugue. ⇒ Fugue.
7 FUGUE. s. f. Pièce ou morceau de musique où l'on traite, selon certaines règles (…) un chant appelé sujet, en le faisant passer successivement et alternativement d'une partie à une autre (…) Le sujet procède de la tonique à la dominante, en montant ou en descendant.
Rousseau, Dict. de musique, Fugue.
5 (1667). Ce qui est représenté ou évoqué dans une œuvre graphique, plastique. || Sujet de tableau. ⇒ 2. Idéal (1., vx), motif (→ Description, cit. 2; forme, cit. 31; naïf, cit. 5). || Étude des sujets. ⇒ Iconographie (cit. 2). || Genre des sujets (dans la peinture classique). || Sujet allégorique, biblique, mythologique, de bataille, réaliste… — Sujet vivant, humain : le modèle (spécialt, quand ce dernier mot est employé dans son sens de « modèle académique »; → Dessin, cit. 3).
8 Adraste (se disposant à peindre Isidore) … Je n'ai pas grande habileté; mais le sujet, ici, ne fournit que trop de lui-même et il y a moyen de faire quelque chose de beau sur un original fait comme celui-là.
Molière, le Sicilien, 11.
9 Comment diable ! Jacques, ta composition est bien ordonnée, riche, plaisante, variée et pleine de mouvement. À notre retour à Paris, porte ce sujet à Fragonard; et tu verras ce qu'il en saura faire.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 664.
10 Gervaise demanda le sujet des Noces de Cana; c'était bête de ne pas écrire les sujets sur les cadres.
Zola, l'Assommoir, t. I, III, p. 95.
♦ Arts. Représentation d'un motif anecdotique, narratif; ce motif (opposé à paysage, nature morte, figure, portrait…).
♦ (1667). Œuvre représentant un tel sujet (→ Produire, cit. 3).
♦ ☑ Loc. Sujet de pendule : figure ornant une pendule.
♦ Par ext. || Le sujet : la peinture figurative. || Retour au sujet. ⇒ Représentation.
———
II (1580, Montaigne). Vx ou littér. (sauf dans quelques expressions : sujet de…). Ce qui fournit matière, et, par ext., occasion à (un sentiment, une action…). ⇒ 1. Lieu (III., 6.), motif, occasion, raison. || Sujet d'affliction (→ Misanthrope, cit. 4), d'alarme, de chagrin (→ Noircir, cit. 6), de mécontentement (cit. 1). ⇒ aussi Cause. || « Quel monstre, quel chaos (cit. 4), quel sujet de contradiction », que l'homme (Pascal; → aussi Homme, cit. 54). || Un sujet d'erreur. || Sujet de plaintes (→ Calomniateur, cit. 4; lamenter, cit. 7; plaindre, cit. 17). || Un, des sujets de dispute (→ Prétention, cit. 1), de guerre (→ Ramper, cit. 2). || Sujet d'orgueil (cit. 17), de satisfaction.
10.1 Vivant toujours ensemble dans cette grande demeure où ils partageaient entre eux l'autorité sur les sœurs et les surveillantes, ayant les mêmes études, les mêmes chefs, les mêmes devoirs, les mêmes camarades, les mêmes sujets de préoccupation, de réflexion, de satisfaction, de plaisanteries, leur amitié les réunissait par mille liens différents et entrecroisés (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., 696.
♦ ☑ Loc. verbales. (1612). Avoir… sujet de… (suivi de l'infinitif). → Enfer, cit. 7. || Avoir un juste sujet de s'alarmer (cit. 1), de nouveaux sujets d'aimer (→ Constance, cit. 5). || « Vous avez bien sujet d'accuser (cit. 12) la nature ». || Je n'ai pas sujet de me plaindre. — Il y avait sujet à… ⇒ Quoi (de quoi à…).
♦ ☑ Donner… sujet de…
11 (…) ai-je aucun sujet de maudire Dieu ? Quand je regarde au contraire autour de moi dans le passé, dans le présent, dans ma famille, mes amis, mes affections, à peu de chose près je devrais le bénir.
Flaubert, Correspondance, 30, 15 avr. 1839.
12 Elle nous donna sujet de rêver sur de plus étranges lyrismes.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 112.
♦ ☑ (1690). Sans sujet : sans raison.
♦ ☑ (1644). À quel sujet ? (et l'inf.) : pourquoi ?
♦ Absolt. Vx. || Avec plus, moins de sujet, de raison (Molière, le Dépit amoureux, v. 549).
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III
1 (V. 1370, subjet). Ce dont on parle, ce qui est soumis à la réflexion et constitue le support de qualités, de caractères.
♦ Log. Dans une proposition attributive, l'être auquel est attribué le prédicat. ⇒ Attribut, thème (opposé à prédicat). || Extension (cit. 10) du sujet. || Affirmer, nier quelque chose du sujet.
♦ Métaphore. Substance.
13 Un sujet, en ce sens, c'est un être considéré dans son unité intégrale et permanente, comme constituant le lien, à la fois dans l'espace et dans le temps, de ses qualités multiples, de ses phénomènes successifs. Au fond, c'est la même notion que celle du sujet logique, mais transportée de l'ordre des idées abstraites dans celui des réalités concrètes.
2 (V. 1680). Gramm. Terme considéré comme le point de départ de l'énoncé, que l'on définit d'une manière logique (terme à propos duquel on exprime qqch.) ou formelle (terme qui régit le verbe). || Le sujet d'une proposition. || Fonction de sujet. || Sujet, verbe et complément. — (En appos.). || Nom, pronom sujet. || Infinitif sujet. — Accord du sujet et du verbe. || Place du sujet; inversion (cit. 4) du sujet. || Phrases sans sujet. || Sujet exprimé; sujet implicite (→ Gérondif, cit. 2). || Sujet complexe, formé de plusieurs éléments. || Sujet multiplié. — Sujet logique, sujet réel, se dit parfois du terme ou des termes qui désignent le « sujet logique » (au sens III, 1, ci-dessus), le sujet grammatical étant appelé sujet apparent (cette terminologie est rejetée par les grammairiens modernes).
14 À l'exceptions des phrases où le verbe d'action comporte un complément d'objet (…) le sujet (…) n'est nullement ce qui fait l'action (…) Qu'est-ce alors ? tout simplement le mot qui, selon la naïve mais très juste expression du vieux grammairien, donne la loi au verbe (Vaugelas), le mot qui en régit l'accord (…)
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §669.
15 (…) nous ne pouvons concevoir un procès (phénomène, action, état, qualité) sans une substance qui en est le siège. Ce lieu du procès, c'est le sujet; on ne peut concevoir les mouvements, les bruits, les couleurs, la vie, la mort, la souffrance, etc., sans un sujet. L'indo-européen, le sémitique et bien d'autres langues reflètent (…) cette association nécessaire dans un fait grammatical (…) l'incorporation du sujet dans le verbe, autrement dit, l'impossibilité d'employer un verbe sans son sujet (latin, amo, amas, amat, etc., fr. j'aime, tu aimes, il aime, etc.). Or, il est bien évident que les sujets distincts du verbe (…) sont la protection (…) du pronom-sujet (…) Il serait inconcevable qu'une association aussi étroite entre sujet et verbe ne crée pas une différence radicale entre la fonction de sujet et celle de complément d'objet (…)
Charles Bally, Linguistique générale et Linguistique franç., p. 122, note 1.
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IV (Appliqué à une personne, aux sens I, 1 et II de sujet).
1 a (XVIe). Vx. Être individuel, personne considérée comme le support d'une action, d'une influence (→ Argent, cit. 4, Descartes; envie, cit. 1, Ronsard). || « La constance (en amour) n'est qu'une inconstance (cit. 5) renfermée dans un même sujet » (La Rochefoucauld).
16 Rodrigue aime Chimène, et ce digne sujet
De ses affections est le plus cher objet.
Corneille, le Cid, I, 3 (v. 167-168, var.).
17 J'avais cru entrevoir (…) que vos inclinations se tournaient (…) sur un sujet digne, sur un homme rempli de vertus (…)
La Bruyère, Disc. de réception à l'Académie, 15 juin 1693.
b (V. 1636). Spécialt, vieilli. Personne qui possède telle ou telle qualité (→ Paraître, cit. 15). || Le sujet le plus éminent (cit. 2). || Un sujet docile (→ Pâte, cit. 15).
18 Si la science et la sagesse se trouvent unies en un même sujet, je ne m'informe plus du sexe, j'admire (…)
La Bruyère, les Caractères, III, 49.
c ☑ (V. 1690). Vieilli. Bon sujet (→ Déranger, cit. 13) : qui se conduit bien. — ☑ (V. 1740). Mod., mais marqué : régional, allusif… Mauvais sujet (→ Amender, cit. 2; mangeur, cit. 8) : qui se conduit mal. || Mauvais sujet : s'est dit au sens fort d'un débauché, et, par ext., d'un jeune homme, d'un enfant dont la conduite est répréhensible (⇒ Bandit [fig.], drôle [régional]). — (Appellatif). || Mauvais sujet !, garnement ! — Un bon, un brillant, un excellent sujet, un sujet d'élite : un élève (⇒ Élève), un étudiant bon, brillant…
19 Son dépôt, établi à l'île d'Elbe, avait servi à déporter honorablement et les fils de famille qui donnaient des craintes pour leur avenir, et ces grands hommes manqués, que la société marque d'avance au fer chaud, en les appelant des mauvais sujets !
Balzac, les Marana, Pl., t. IX, p. 792.
20 Mais quoi qu'il arrive, sois certain que je t'estime, car tu me sembles un bon sujet et un travailleur.
Zola, la Terre, V, V.
2 (V. 1560, Paré). Être vivant soumis à l'observation; individu présentant tel ou tel caractère. || Sujet d'étude, d'expérience. ⇒ Cobaye (fig.)… — En médecine (⇒ Malade, patient), dans les sciences humaines (→ Drogue, cit. 6; hypnose, cit. 2; hypnotiseur, cit. 2; inconscient, cit. 4; introversion, cit.). || Détruire les sujets tarés (→ Euthanasie, cit. 1). — Les sujets d'un éleveur (cit.) : les animaux, envisagés individuellement. || De beaux sujets (→ Malingre, cit. 3). — (1933). Ling. || Les sujets parlants : les locuteurs (→ Langue, cit. 25).
21 (…) suivant qu'ils sont plus habitués au langage médical, à l'emploi du mot sujet pour désigner le cadavre qu'on dissèque, ou au contraire plus versés dans le langage philosophique et plus accoutumés à parler du sujet pensant, les psychologues doivent avoir de ce mot une conscience sémantique toute différente.
Lalande, Voc. de la philosophie, art. Sujet (critique).
22 (Dinah) pensait aux devoirs de la profession et se demandait si une femme pouvait être autre chose qu'un sujet aux yeux d'un médecin qui voit tant de sujets dans sa journée.
Balzac, la Muse du département, t. IX, Pl., p. 138.
23 (…) vous ne voyez donc pas que vous êtes de simples sujets d'expériences extravagantes, qu'on essaie sur vous mille actions et mille substances inconnues ?
Valéry, Regards sur le monde actuel, t. II, Œ., Pl., p. 1061.
REM. Dans les contextes où il s'agit d'un être humain, sujet en ce sens, est employé avec un adj. ou un compl. qualifiant; il est sinon compris au sens B.
♦ Anat. Organisme vivant ou cadavre utilisé pour l'étude de l'anatomie, la dissection, la vivisection.
3 (1703). Arbor. Individu, plante qui subit une opération (spécialt, une greffe. ⇒ Porte-greffe. → Greffage, cit.).
4 (D'abord « danseur » : « la danse entière [le corps de ballet] est composée de quarante sujets », Encyclopédie, 1754, art. Danseur). Danse. Nom donné à certains danseurs de ballet, dans la hiérarchie de l'Opéra. || Petits sujets, qui « constituent la véritable structure du corps de ballet » (M. Bourgat). || Grands sujets, à qui sont réservés les jeux de trois ou quatre exécutants et quelques solos. || Les premiers danseurs sont recrutés parmi les grands sujets.
5 (XXe). Dr. || Sujet de droit : titulaire (d'un droit); personne considérée comme le support d'un droit.
B (Déb. XIXe). Philos., psychol. (sens empr. à l'allemand, Kant). Être pensant, considéré comme le siège de la connaissance (par oppos. à objet, II., 2.). ⇒ Esprit (IV., 3.), personne (3.; → Idéalisme, cit. 1; 1. logique, cit. 4; phénoménologie, cit.; réflexion, cit. 10). — REM. « Depuis Kant, ce nouveau sens tend à se substituer de plus en plus à tous les autres, (Boirac) en philosophie et dans les sciences humaines » (→ ci-dessus, IV., A., 2.). — Du sujet. ⇒ Subjectif (II.). || Le sujet pensant. || La conscience, le pour-soi du sujet. || Relations entre sujets. || Théorie selon laquelle le sujet est la seule réalité. ⇒ Solipsisme. || Relation épistémologique entre le sujet et l'objet.
24 (…) préoccupé (…) d'établir les lois universelles de la subjectivité (…) (Kant) n'a pas abordé la question des personnes. Le sujet est seulement l'essence commune de ces personnes (…)
Sartre, l'Être et le Néant, p. 279.
♦ (Dans les théories modernes, notamment depuis Freud). || La critique du sujet, du sujet cartésien. || Le sujet et l'inconscient.
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CONTR. (Du sens II.) Forme.
COMP. Contre-sujet.
HOM. 1. Sujet, 2. sujet.
Encyclopédie Universelle. 2012.