1. lieu [ ljø ] n. m. I ♦
1 ♦ Portion déterminée de l'espace, considérée de façon générale et abstraite. ⇒ endroit. Situation d'un objet dans un lieu. ⇒ position. Être, se trouver dans un lieu; présence en un lieu. En quel lieu ? ⇒ où. Dans ce lieu (⇒ ici, là; cf. Hic et nunc) ; dans un autre lieu (⇒ ailleurs) ; dans un lieu quelconque (cf. Quelque part); en tous lieux (⇒ partout) . Lieux proches, voisins. ⇒ alentours, environs, parages, secteur, voisinage. Science des noms de lieu. ⇒ toponymie. Lieu dit, appelé... ⇒ lieudit. Donner, attribuer un lieu à une activité. ⇒ localiser, mettre, 1. placer, situer. Choisir un lieu pour. ⇒ emplacement, place. La date et le lieu. Ce n'est ni le temps ni le lieu pour faire cela. Les coutumes varient avec les lieux. ⇒ climat, contrée, 1. pays, région. — (Concret) Un lieu charmant, champêtre. ⇒ séjour, site; coin. Des lieux retirés, solitaires. « Il y a des lieux où souffle l'esprit » (Barrès). Lieu de débauche, de perdition; lieu mal famé. Lieu sûr, où l'on est en sûreté. ⇒ abri , cachette, planque. Loc. En lieu sûr. Mettre (qqn, qqch.) en lieu sûr. ⇒ 1. cacher, protéger. — Lieu de passage, de réunion. Indiquer l'heure et le lieu d'un rendez-vous. Lieu de rencontre. — Date et lieu de naissance. Lieu d'habitation. ⇒ 1. adresse, domicile, résidence. Lieu de travail. Le lieu du crime, du délit. Le lieu où s'est passé l'événement. ⇒ cadre, scène, théâtre. Unité de lieu du théâtre classique. « Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli [...] » (Boileau). — Gramm. Adverbes, prépositions, complément de lieu, qui indiquent une détermination spatiale dans un énoncé. ⇒ 2. locatif. — N'avoir ni feu ni lieu.
2 ♦ (1291) HAUT LIEU : (relig.) hauteur, colline sur lesquelles les juifs élevaient des autels et faisaient des sacrifices, avant la construction du Temple. — Fig. Lieu mémorable, théâtre de faits historiques. Saint-Germain-des-Prés fut le haut lieu de l'existentialisme.
♢ LIEU SAINT : temple, église, sanctuaire. Au plur. Les Lieux saints : les lieux de la vie de Jésus, en Palestine, et spécialt les lieux de la Passion. ⇒ terre (sainte). — Lieux saints de l'Islam : La Mecque, Médine, Jérusalem.
3 ♦ LIEU PUBLIC : lieu qui par destination admet le public (rue, jardin, gare, mairie), ou lieu privé auquel le public peut accéder (café, cinéma).
4 ♦ (1691) Math. LIEU GÉOMÉTRIQUE : l'ensemble des points d'un espace affine qui possèdent une propriété donnée. Le lieu géométrique des points du plan équidistants de deux points A et B est la médiatrice du segment AB. — Par anal. « Le centre, lieu géométrique des pulsions de la société politique » (Le Figaro, 1989).
II ♦ LES LIEUX, plur. à valeur de sing.
1 ♦ Vieilli Endroit unique considéré ou non dans ses parties (surtout avec le dém.). De ces lieux, en ces lieux : ici. Le maître de ces lieux. ⇒ céans. « allons, quittez ces lieux » (Molière).
2 ♦ Mod. Dr. Endroit précis où un fait s'est passé. L'assassin est revenu sur les lieux du crime. — Absolt La police s'est rendue sur les lieux. Être sur les lieux, sur place. « le meurtrier aurait pu tarder à quitter les lieux » (Romains).
3 ♦ Absolt Appartement, maison, propriété. Aménagement, configuration des lieux. ⇒ êtres. État des lieux. Maintien dans les lieux. Quitter, évacuer, vider les lieux. « tout est resté rituel dans la disposition des lieux » (Romains).
4 ♦ (1802) Lieux d'aisances. ⇒ cabinets, toilettes. Absolt, vieilli « Les lieux ! Oui ! ces braves latrines » (Flaubert).
III ♦ Au sing., dans des expr. figées
1 ♦ Place déterminée dans un ensemble, une succession (espace ou temps). Ce n'est pas le lieu pour en parler. En son lieu : à son tour. Chaque dossier sera examiné en son lieu. Loc. adv. EN TEMPS ET LIEU : au moment et à la place convenables. Nous vous ferons connaître notre décision en temps et lieu.
2 ♦ Points successifs d'une énumération, d'un discours, d'un écrit. En premier lieu : d'abord, premièrement, primo. En second lieu : après, ensuite, secundo. En dernier lieu : enfin.
3 ♦ AVOIR LIEU : avoir, prendre place (à un endroit, à un moment). ⇒ arriver, se passer, se produire. Le marché a lieu le samedi sur la place. ⇒ se tenir. Les Jeux olympiques ont lieu tous les quatre ans. ⇒ se célébrer. — Absolt Être, se faire, s'accomplir. La réunion aura lieu quand même. « La guerre de Troie n'aura pas lieu », pièce de Giraudoux.
4 ♦ Vx Place (d'une personne, d'un groupe) dans la hiérarchie sociale. Mod. EN HAUT LIEU : auprès de personnes haut placées. Je me plaindrai en haut lieu.
5 ♦ Loc. prép. (1538) AU LIEU DE : à la place de. Employer un mot au lieu d'un autre. ⇒ pour. Au lieu de prendre l'avion, nous prendrons le train. ⇒ défaut (à défaut de), faute (de). — (Suivi d'un inf.) Exprime l'opposition entre deux actes, deux états. « Au lieu de la questionner, nous ferions mieux de lui servir une bonne tasse de café » (Zola). ⇒ plutôt (que).
♢ Loc. conj. (1490) Vieilli AU LIEU QUE (et l'indic.),oppose deux états, deux actions différentes. ⇒ alors (que), là (où), tandis que. — (Suivi du subj.) Oppose deux actes, deux états dont l'un se substitue à l'autre. ⇒ loin (loin que). « Au lieu que son histoire l'ait calmé, on dirait plutôt qu'il s'aigrit » (Romains).
6 ♦ TENIR LIEU DE. ⇒ remplacer, servir (de). Marthe « me tenait lieu de tout » (Radiguet). « Ces superstitions tenaient donc lieu de religion à nos concitoyens » (Camus).
7 ♦ Vx Je ne vois aucun lieu de, aucun sujet. Mod. AVOIR LIEU DE (et inf.) :avoir des raisons de. Elle n'a pas lieu de se plaindre. Nous avons tout lieu de croire que... — Impers. Il y a lieu de : il est opportun, il convient de. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter; d'en parler. Absolt S'il y a lieu (de faire qqch.) :le cas échéant, si c'est nécessaire. Nous vous convoquerons, s'il y a lieu.
♢ DONNER LIEU À (suivi d'un nom) :fournir l'occasion. ⇒ occasionner, produire, provoquer. « Tout ce qui était sacré donnait lieu à une fête » (Fustel de Coulanges). Cela donne lieu à discussion. ⇒ prêter (à). — DONNER LIEU DE (et inf.). ⇒ autoriser, permettre. Rien ne nous donne lieu d'espérer. « Votre ressentiment me donnait lieu de craindre » (Molière).
IV ♦ (1565; lat. loci communes, trad. gr. topoi koinoi) LIEU(X) COMMUN(S).
1 ♦ Anciennt Arguments, développements et preuves applicables à tous les sujets. « Les Topiques » d'Aristote, traité sur les lieux communs.
2 ♦ Mod. Idée, sujet de conversation que tout le monde utilise (⇒ banalité); image, façon de s'exprimer qu'un emploi trop fréquent a affadie. ⇒ cliché, poncif. Lieux communs rebattus. Les lieux communs sur l'amour. « On ne s'entend que sur les lieux communs. Sans terrain banal, la société n'est plus possible » (A. Gide).
⊗ HOM. Lieue.
lieu 2. lieu [ ljø ] n. m.
• 1553; lief 1431; a. scand. lyr
♦ Poisson de mer carnivore (gadiformes) abondant en Europe. Lieu noir (⇒ 1. colin) , lieu jaune. Des lieus.
● lieu, lieus nom masculin (ancien scandinave lyr) Poisson (gadidé) marin des côtes de l'Atlantique. (On distingue le lieu noir appelé aussi charbonnier ou colin, et le lieu jaune, à la chair estimée [taille 1,30 m pour 10 kg].) ● lieu, lieus (difficultés) nom masculin (ancien scandinave lyr) Orthographe On écrit : Un haut lieu, en haut lieu. - En tous lieux. - N'avoir ni feu ni lieu. Les Lieux saints (avec une majuscule) = les sanctuaires et les endroits de Palestine liés au souvenir du Christ. - Un lieu saint (sans majuscule)= un lieu de culte. Les lieux saints du bouddhisme, de l'islam. « Vrai Dieu, messieurs, votre fugue est fort belle, / Et telle / Qu'à l'entendre on se croit aux saints lieux »(H. Berlioz). Plur. : des lieux, avec unx. → lieu. Emploi Au lieu et place de qqn / en lieu et place de qqn : dans le registre courant, les deux tournures sont exactement équivalentes. Dans le vocabulaire juridique, agir en lieu et place d'une personne signifie précisément « remplacer une personne dans l'exercice de ses droits, de ses fonctions ». Construction 1. Au lieu de (+ nom) = à la place de, en remplacement de ; plutôt que du ou que des. Nous attendons des actes au lieu de paroles. Au lieu de (+ infinitif) = plutôt que de. Vous feriez mieux d'agir, au lieu de parler. Le vendredi, j'ai l'habitude de courir 5 kilomètres au lieu de déjeuner. 2. Au lieu que (+ indicatif) = tandis que, alors que. « Une paix injuste peut, momentanément du moins, produire des fruits utiles au lieu qu'une paix honteuse restera toujours par définition une paix stérile »(G. Bernanos). Construction légèrement vieillie, qui n'est plus usitée que dans le registre soutenu. Au lieu que (+ subjonctif) marque l'opposition entre l'action exprimée par le subjonctif et que l'on attendait, et l'action qui s'est réellement produite. Au lieu que cette explication l'ait rassuré, elle l'a encore plus inquiété. Construction courante. ● lieu, lieus (homonymes) nom masculin (ancien scandinave lyr) lieu nom masculin lieue nom féminin ● lieu, lieux nom masculin (latin locus) Situation spatiale de quelque chose, de quelqu'un permettant de le localiser, de déterminer une direction, une trajectoire : Le lieu du rendez-vous n'est pas fixé. Endroit, localité, édifice, local, etc., considérés du point de vue de leur affectation ou de ce qui s'y passe : Vous n'étiez pas sur votre lieu de travail. ● lieu, lieux (citations) nom masculin (latin locus) Maurice Barrès Charmes, Vosges, 1862-Neuilly-sur-Seine 1923 Il est des lieux où souffle l'esprit. La Colline inspirée Plon Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. L'Art poétique François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Les hommes éclatants ont un penchant pour les lieux obscurs. Vie de Rancé André Dhôtel Attigny 1900-Paris 1991 Il y a peut-être des lieux où l'on se trouve soudain comme dans le ciel. Mémoires de Sébastien Grasset Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu Paris 1585-Paris 1642 Il ne faut pas se servir des gens de bas lieu : ils sont trop austères et trop difficiles. Testament politique ● lieu, lieux (difficultés) nom masculin (latin locus) Orthographe Lieu, au sens de « poisson », fait au pluriel lieus, avec un s : des lieus bien frais. ● lieu, lieux (expressions) nom masculin (latin locus) Au lieu de, que, à la place de quelqu'un, en remplacement de quelque chose : Mettre un short au lieu d'un pantalon ; indique une préférence, une opposition : Tu ferais mieux de m'aider au lieu de rêvasser. Avoir lieu, se produire, arriver en un endroit et à un moment donnés : La réunion aura lieu à telle heure. Avoir lieu de, avoir une raison pour : Je n'ai pas lieu de m'inquiéter. Ce n'est pas le lieu de, ce n'est pas l'endroit, le moment pour. Complément de lieu, complément circonstanciel précisant l'endroit où l'on est, où l'on va, d'où l'on vient, par où l'on passe. Donner lieu à quelque chose, en fournir le prétexte, le provoquer : Cela donnera lieu à des critiques. Donner lieu (à quelqu'un) de, fournir l'occasion de : Ça me donne lieu de craindre le pire. En haut lieu, auprès des personnalités influentes, qui détiennent le pouvoir. En lieu et place, à la place de. En lieu sûr, dans un endroit qui n'offre aucun danger. En premier lieu, en deuxième lieu, etc., en dernier lieu, premièrement (d'abord) ; deuxièmement (ensuite), etc. ; enfin. En tous lieux, partout. Haut lieu, lieu rendu célèbre par un événement ou des chefs-d'œuvre artistiques. Il y a lieu de, il est permis, utile, opportun, il convient de : Il y a lieu d'être inquiet. Lieu commun, réflexion banale, dépourvue d'originalité, idée reçue. Lieu public, lieu ouvert au public. (Le caractère public d'un lieu le soumet à une réglementation particulière.) Lieu de vie, centre d'accueil en marge des institutions officielles, qui reçoit des personnes ayant des troubles psychiques. Lieu scénique, dans le théâtre moderne, tout espace de jeu. Mauvais lieu, endroit mal fréquenté. S'il y a lieu, le cas échéant, si c'est nécessaire. Tenir lieu de, jouer le rôle de, se substituer à quelque chose, quelqu'un pour le remplacer. ● lieu, lieux (homonymes) nom masculin (latin locus) lieu nom masculin lieue nom féminin ● lieu, lieux (synonymes) nom masculin (latin locus) Situation spatiale de quelque chose, de quelqu'un permettant de le localiser...
Synonymes :
- place
- point
Endroit, localité, édifice, local, etc., considérés du point de vue...
Synonymes :
- coin
- région
- secteur
- zone
Lieu commun
Synonymes :
- banalités
- bateau (familier)
- cliché
- poncif
- vieilleries (familier)
lieu, (plur.) lieux
n. m.
rI./r Partie délimitée de l'espace.
d1./d Espace considéré quant à sa situation, à ses qualités. Lieu écarté, humide.
— Lieu géométrique: ligne ou surface dont les points possèdent une même propriété. La sphère est le lieu géométrique des points situés à égale distance d'un point fixe.
d2./d Portion délimitée de l'espace, où se déroule un fait, une action. Le lieu d'un accident.
— Plur. Sur les lieux du crime.
|| Règle de l'unité de lieu: règle du théâtre classique selon laquelle l'action d'une pièce doit se dérouler dans un lieu unique.
rII./r Endroit considéré quant aux activités qui s'y déroulent.
d1./d Lieu public, lieu auquel tout le monde a accès.
d2./d Lieu saint, saint lieu: église, temple, mosquée.
— Les Lieux saints: V. Lieux saints (les).
d3./d Haut lieu: endroit rendu célèbre par les faits qui s'y déroulèrent.
rIII/r Plur.
d1./d Endroit destiné à l'habitation. Visiter les lieux.
|| DR état des lieux: acte constatant l'état d'un local avant que le locataire en prenne possession.
d2./d Lieu commun: idée banale, rebattue.
rIV./r Loc.
d1./d En premier, second, etc., lieu: premièrement, deuxièmement, etc.
d2./d Au lieu de: à la place de. Au lieu du train, nous prendrons l'avion.
|| (Avec un inf.) Au lieu de travailler, il dort.
d3./d Tenir lieu de: remplacer. Sa soeur aînée lui tient lieu de mère.
|| Avoir lieu de: avoir une occasion, une raison de. Avoir lieu de se réjouir.
————————
lieu
n. m. Poisson (genre Pollachius, Fam. gadidés) de la Manche et de l'Atlantique. (On distingue deux espèces: le lieu noir, ou colin, et le lieu jaune.)
I.
⇒LIEU1, subst. masc.
I. — Au sing. ou au plur. Portion déterminée de l'espace.
A. — [En constr. libre]
1. [L'espace est déterminé par sa situation dans un ensemble, par la chose qui s'y trouve ou l'événement qui s'y produit]
a) [Le subst., employé absol., est considéré d'une manière indéf.] Les mutuelles relations de tous les organismes vivant dans un seul et même lieu (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 7) :
• 1. Vous (...) avez employé quelquefois comme personnage comique le dieu qui occupe je ne sais quel lieu dans l'espace, et qui met seulement, comme dans une de vos chansons, le nez à la fenêtre, pour se rire de la folie des hommes.
P. LEROUX, Humanité, t. 1, 1840, p. VIII.
— [Le subst. dans quelques expr. est coordonné à un mot évoquant une idée de temps] Tu as bien choisi le lieu et le moment (CLAUDEL, Père humil., 1920, III, 1, p. 531). Qu'importe le lieu ou l'heure! (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 98).
— Expressions
♦ De lieu en lieu. Et tu errais de lieu en lieu, comme tous les gens maudits (CLAUDEL, Échange, 1954, II, p. 767).
♦ En tout/tous lieu(x). Partout. Hauts fourneaux, forges, brasseries, raffineries de mélasses s'étaient élevés en tous lieux et absorbaient du combustible (ADAM, Enfant Aust., 1902, p. 260).
♦ À toute heure (en tout temps, à tout instant), en tout lieu. Toujours, partout :
• 2. Je pense à toi, je te vois, je t'adore,
À tout instant, à toute heure, en tout lieu,
Je pense à toi quand je revois l'aurore,
Je pense à toi quand je ferme les yeux.
COLETTE, Sido, 1929, p. 111.
— GRAMM. Notion, relation par laquelle un objet (ou le déroulement d'un procès) est situé dans l'espace. La relation de lieu peut être impliquée par le sémantisme des mots (...), par des préfixes (Lar. Lang. fr.).
♦ De lieu. Qui exprime une relation de lieu; locatif.
Complément (circonstanciel) de lieu. Complément précisant l'endroit où l'on est, où l'on va, par où l'on passe. Il y a parenté entre les compléments de temps et les compléments de lieu (...) l'on construit : au même moment comme : au même endroit (G. MAUGER, Gramm. pratique du fr. d'auj., Paris, Hachette, 1968, p. 315).
Préposition de lieu. Préposition introduisant un complément circonstanciel de lieu.
Adverbe, locution adverbiale de lieu. Adverbe, locution adverbiale fonctionnant comme un complément circonstanciel de lieu. L'adverbe relatif de lieu hors (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 123). Certains adverbes de lieu permettent au lecteur de s'orienter dans un livre (...) supra, infra, idem et passim (Gramm. Lar. 1977).
b) [Le subst. est déterminé par l'ensemble dans lequel il se situe et qui est précisé]
— [par le cont.] Le lieu était absolument désert. Il n'y avait pas une âme dans le bois ni dans la vallée (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 510). Le corps avait été trouvé, couché sur un banc de marbre rose, dans un lieu écarté, au sommet des jardins (, Aphrodite, 1896, p. 195).
— [par un compl. déterminatif] La présence actuelle de cette sphère en tel lieu de l'espace (COURNOT, Fond connaiss., 1851, p. 43). La peste donc semble (...) affectionner tous les lieux du corps, tous les emplacements de l'espace physique, où la volonté humaine, la conscience, la pensée sont proches et en passe de se manifester (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 26).
— En partic.
♦ [L'espace est une région géogr.]
) Localité, pays :
• 3. Je suis Tourangeau, j'habite Luynes, sur la rive droite de la Loire, lieu autrefois considérable, que la révocation de l'édit de Nantes a réduit de mille habitants, et que l'on va réduire à rien par de nouvelles persécutions, si votre prudence n'y met ordre.
COURIER, Pamphlets pol., Pétition aux deux Chambres, 1816, p. 3.
— Nom de lieux.
Lieu + dit + nom propre. Endroit généralement situé à la campagne et désigné traditionnellement par une particularité d'ordre topographique ou historique (cf. lieu-dit). L'an 1906, le dimanche 22 juillet, à une heure de relevée, à la requête de M. Lureux Étienne, fermier au lieu dit l'Épine, sis commune de Fonteneilles (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 255). Toutes les localités ou propriétés appelées « la Commanderie » ont été bâties ou possédées par les chevaliers de l'Ordre de Malte (...) comme les lieux dits le « Temple » (PROUST, Sodome, 1922, p. 1104).
) Habitation. (Être) sans feu ni lieu, n'avoir ni feu ni lieu. (Être) sans résidence fixe; (être) dans la misère. Je suis coquette, Je suis lorette, Reine du jour, reine sans feu ni lieu! (NADAUD, Chansons, 1870, p. 23). Avec ces gens qui n'ont ni feu ni lieu (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 144).
♦ [L'espace est un livre] Il faudra que demain matin je recherche à quel lieu précis de l'Évangile intervient la parole : « À qui irions-nous, Seigneur? Vous avez les paroles de vie éternelle » (DU BOS, Journal, 1927, p. 222).
— Spécialement
♦ ASTRON. ,,Point du ciel auquel répond une planète, une comète. Lieu astronomique, apparent, véritable`` (Ac.).
♦ MATH. Lieu (géométrique). Ensemble de points jouissant de la même propriété. La droite en tant que déterminée par deux de ses points a pour opposé le lieu géométrique quelconque de tous les points dont la position est déterminée exclusivement par celle de points extérieurs (HAMELIN, Élém. princ. représ., 1907, p. 83).
P. anal. Je suis le lieu géométrique de toutes les contradictions (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1899, p. 366).
♦ PHILOSOPHIE
Lieu intérieur, intrinsèque. ,,Étendue même d'un corps, qu'il emporte avec lui si on le déplace`` (LAL. 1968).
Lieu extérieur, extrinsèque. ,,Étendue qu'il [le corps] occupait et que l'on considère comme demeurant en place, tandis que le corps la quitte`` (LAL. 1968).
c) [Le subst. précédé d'un adj. poss. ou suivi d'un compl. prép., est déterminé par la chose (plus rarement la pers.) qui est située dans l'espace en question] On me cite là-bas, à Tours lieu de mon domicile, devant un juge d'instruction (COURIER, Pamphlets pol., À réd. Constitutionnel, 1823, p. 202). Il continua donc d'errer en cherchant le lieu de l'embarcadère, autour de la longue maison châtelaine aux ailes inégales, comme une église (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 98).
— Au fig. Place, rang, portion de l'espace qui est assignée, réservée à une chose ou à une personne. Si j'étais en votre lieu (...) je me dirais : Landry Barbeau m'a aimée quand je portais des guenilles (SAND, Pte Fad., 1849, p. 301) :
• 4. J'essayerais vainement d'en donner l'analyse [de La femme au XVIIIe siècle de E. et J. de Goncourt], car c'est une analyse déjà, mais dont chaque trait est groupé, rapporté à son lieu, et serré dans une trame.
SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 4, 1862, p. 2.
♦ DR. Chaque créancier viendra en son lieu (Ac.).
En lieu et place de qqn. À la place de quelqu'un dans l'exercice de ses droits, de ses fonctions. Il importait, dès lors, qu'il acquittât, en votre lieu et place, les 11 et demi pour 100 exigés par la Loi (COURTELINE, Client sér., Héritier, 1927, p. 151). Subroger quelqu'un en son lieu et place (HANSE 1949).
Au/aux lieu et place de qqn. Même sens. C'est la société qui devient vraiment propriétaire des produits du sol : elle en dispose, aux lieu et place du propriétaire individuel (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 229).
♦ C'est le lieu de + verbe à l'inf. C'est le moment et l'endroit opportuns de + verbe à l'inf. Mais ce n'était ni le lieu ni le moment de poser des questions (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1270). C'est sans doute le lieu de dire ici le service que j'eus l'occasion de rendre au maréchal French (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 479).
♦ [Le compl. prép. est sous-entendu]
En temps et lieu. Au moment et à l'endroit opportuns. Je t'avertirai en temps et lieu (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, III, 1, p. 168).
En bon lieu. À l'endroit convenable. L'auteur, en cette circonstance, est semblable à un monsieur qui donnerait une poignée de main à une poignée d'amis, les chargeant de la porter en bon lieu (VERLAINE, Dédic., Paris, éd. de Cluny, 1940 [1890], p. 66).
De bon lieu. De bonne source. J'ai appris cela de bon lieu, je tiens cela de bon lieu (Ac.).
d) [Le subst. est déterminé par le procès qui s'y déroule] Lieu de l'action, du délit. Le criminel revient toujours au lieu de son crime, comme le boomerang aux pieds de son maître (GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, I, 5, p. 36) :
• 5. D'après mes propres conjectures sur le texte de l'anonyme (...), je pensais qu'il fallait chercher aux environs de Montilla le lieu mémorable où, pour la dernière fois, César joua quitte ou double contre les champions de la république.
MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p. 3.
♦ Unité de lieu. L'une des quatre règles du théâtre classique qui prescrivait que l'action s'accomplît au même endroit :
• 6. Quant à la règle de l'unité de lieu, elle n'est considérée comme impérieuse qu'à partir de 1631, sans d'ailleurs être prise dans toute sa rigueur, le lieu unique pouvant être une île, une ville, une province, ou même, selon Corneille (1634) ,,les lieux où l'on peut aller dans les vingt-quatre heures``.
Ph. VAN TIEGHEM. Les Grandes doctrines littér. en Fr., Paris, P.U.F., 1968, p. 50.
2. [L'espace est qualifié par un adj. qui le caractérise dans ses dimensions, son aspect, sa qualité] Sa boutique, située place du Carrousel, était un lieu féerique où l'on trouvait toute chose à souhait (MURGER, Scène vie boh., 1851, p. 182) :
• 7. Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres
VALÉRY, Charmes, 1922, p. 149.
SYNT. Lieu caché, champêtre, charmant, désert, désuet, écarté, élevé, fatal, inaccessible, inconnu, lugubre, nouveau, sauvage, sinistre, tranquille, voisin.
B. — [Formant des syntagmes nom. plus ou moins figés]
1. [Avec un adj. qualificatif antéposé ou postposé ayant souvent une valeur déterminative]
a) [L'adj. n'est pas marqué stylistiquement]
♦ Lieu public. Lieu ouvert librement au public (café, cinéma, restaurant). Une sottise que j'ai faite hier en me montrant dans un lieu public où Madeleine et Julie se trouvaient avec mon oncle (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 223).
♦ Lieu sûr. Lieu où l'on est en sûreté, où l'on ne risque rien. Être, mettre qqn en lieu sûr. Mais, même après l'avoir ramené en lieu sûr, Jos-Mari avait caché à son client la catastrophe (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 126).
♦ Lieu commun. V. infra II B et commun.
b) [L'adj. est péj. ou laud.]
♦ Haut lieu. V. infra II A 1 a.
♦ Mauvais lieu. Maison de débauche. Je fis d'abord mes adieux aux tripots et aux mauvais lieux de Venise, de compagnie avec l'ingénu et doux vicomte (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 239).
♦ Saint lieu, lieu saint, lieu sacré. Église, temple. Je ne dirai rien dans l'église, par respect pour le lieu sacré (MAUROIS, Silences Bramble, 1918, p. 95) :
• 8. Tous ces fronts prosternés, ce feu qui les embrase,
Ces parfums, ces soupirs s'exhalant du saint lieu;
Ces élans enflammés, ces larmes de l'extase.
Tout me répond que c'est un dieu.
LAMART., Médit., 1820, p. 229.
c) Position, situation dans une hiérarchie sociale ou politique.
♦ De bas, de petit lieu (vieilli). De basse, de petite condition. Des conseillers sortis de petit lieu (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 386). Nous sommes pauvres et de bas lieu (MÉRIMÉE, Théâtre C. Gazul, 1825, p. 183).
♦ De haut lieu, de bon lieu (vieilli). De haute noblesse, d'origine honorable. Voyez-vous, qui ne naît pas de bon lieu finit toujours mal (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 51). Comme chien de haut lieu, comme chien familier avec des personnes trop élevées pour seulement se plaire à mes respects (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839p. 106).
♦ En haut lieu. Parmi les dirigeants, les cadres d'une nation, d'une entreprise, p. ex. On m'a demandé, en très haut lieu, pour une grande dame de votre connaissance, les costumes de Salammbô (FLAUB., Corresp., 1863, p. 316).
2. [Avec un subst. compl. déterminatif]
a) Siège de la réalisation de quelque chose. Lieu d'origine. Il court au tombeau, enlève triomphant Juliette de ce lieu de mort (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 464) :
• 9. — Levez-vous. Vos nom, prénoms? — Lédard François. — Lieu et date de naissance? — Amiens, 26 août 1895.
VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 81.
♦ Lieu d'édition, d'impression. Nom de la ville où l'ouvrage a été édité (ou publié), a été imprimé (d'apr. ROLLAND-COUL. 1969).
b) Lieu destiné spécifiquement à quelque chose. Un couvent! ce n'est pas un lieu de repos, un asile, une infirmerie! (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 127).
♦ Lieu d'asile. Synon. de lieu de franchise. Et la cathédrale? Elle est lieu d'asile (COCTEAU, Bacchus, 1952, III, 1, p. 170).
♦ Lieu de franchise.
♦ Lieu de plaisance. Endroit destiné à l'agrément. Jésus (...) prenait un peu de repos dans le verger d'un établissement agricole [probablement une exploitation d'huile] nommé Gethsémani, qui servait de lieu de plaisance aux habitants (RENAN, Vie Jésus, 1863, p. 352).
♦ Lieu de sûreté. Lieu de franchise; fam. prison. Cet étourdi s'est fait mettre en lieu de sûreté (Ac. 1835, 1878).
SYNT. Lieu d'agrément, de débauche, de délassement, de délices, d'horreur, de distraction, de luxe, de méditation, de passage, de pèlerinage, de perdition, de plaisir, de prière, de promenade, de rendez-vous, de repos, de réunion, de séjour, de travail.
C. — [Formant des loc.]
1. Loc. verb.
a) Avoir lieu. Se produire à un endroit ou à un moment donné. Le départ eut lieu à sept heures et demie, du moins pour le bataillon de Jerphanion (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 90).
— Vieilli. Il y a lieu à + subst. Il y a + subst. Toutes les fois qu'on s'avance de deux cents lieues du midi au nord, il y a lieu à un nouveau paysage comme à un nouveau roman (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 2). Il allait falloir prendre des informations, vérifier les hypothèques, voir s'il y avait lieu à une licitation ou à une liquidation (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 102).
b) Avoir lieu de + verbe (souvent un verbe de sentiment) à l'inf. Avoir un motif de + verbe à l'inf. Nous avons lieu d'être inquiètes de ton sort (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 491).
— Il y a lieu de. Il convient de. Il y a lieu de supposer que la rédaction en sera confiée au moine Didon Coupe-Têtes (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 150).
— Plus rarement. Il y a lieu à. Mais il y a lieu à demander jusqu'à quel point nos inclinations, nos passions dépendent de nous (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 145).
— Il y a tout lieu de. Il y a de bonnes raisons pour. Il y a donc tout lieu de croire qu'on ne trouvera jamais rien et que l'affaire sera bientôt classée (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 174).
— [Dans une phrase hypothétique, souvent avec ell. du verbe] Elle décida, s'il y avait lieu, d'organiser seule sa défense (RADIGUET, Bal, 1923, p. 116).
c) Donner lieu
— Donner lieu à + subst. Fournir le prétexte, l'occasion à + subst. Je vis et revis beaucoup d'amis, et qui me donnèrent lieu à de substantiels entretiens (DU BOS, Journal, 1924, p. 143).
— Donner lieu de + verbe à l'inf. Permettre, donner l'occasion de + verbe à l'inf. La maladie de ma grand'mère donna lieu à diverses personnes de manifester un excès ou une insuffisance de sympathie qui nous surprirent (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 325).
d) Tenir lieu de + subst. Remplacer, tenir la place de + subst. C'était (...) une forte ficelle qui tenait lieu de toute ceinture à notre personnage (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 738).
2. Loc. adv.
a) En premier, en second... lieu. Premièrement, deuxièmement. Puisque ce qu'on avait cru probable d'abord s'est montré faux ensuite, et se trouve en troisième lieu être vrai (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 361).
b) En dernier lieu. Finalement, en définitive. J'insiste, décrivant l'expérience sous la forme donnée en dernier lieu (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 87).
3. Loc. prép. Au lieu de
a) [Pour opposer deux choses] Au lieu de + subst. Au lieu d'une fille, j'ai un fils (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 14).
b) [Pour opposer deux actions ou deux états] Au lieu de + verbe à l'inf. Elle recula comme épouvantée, au lieu de tomber dans mes bras (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 292).
— Rare. Au lieu que de. Pourquoi ne voulez-vous pas venir à la maison comme je vous l'ai demandé, au lieu que de rester dans cette mauvaise cabane? (CLAUDEL, Échange, 1954, I, p. 752).
4. Loc. conj. Au lieu que
a) [Suivi d'un verbe à l'ind. pour opposer deux états, deux actions différentes] Le navigateur s'oriente d'après ces remarques; au lieu que les rossignols et les hirondelles sont portés d'un lieu à l'autre comme les nuages du ciel (ALAIN, Propos, 1921, p. 307). Cette main toute froide, cette main comme de la pierre, au lieu qu'elles étaient si bonnes chaudes avant, si douces à tenir avant (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 218).
b) [Suivi d'un verbe au subj. pour opposer deux actions dont l'une seulement se réalise ou deux faits dont l'un seulement existe] Comme ma fenêtre donnait, au lieu que ce fût sur une campagne ou sur une rue, sur les champs de la mer (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 953).
II. — Au plur.
A. — Vieilli et littér. [Le plur. exprime la singularité]
1. Endroit où l'on se trouve. Le maître de ces lieux. Je quittais ces lieux le cœur ému, l'âme remplie d'enchantement (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 187) :
• 10. Nous nous arrêtons dans ces citations si incomplètes, si difficiles à faire comprendre sans la musique et sans la poésie des lieux et des hasards, qui font que tel ou tel de ces chants populaires se grave ineffaçablement dans l'esprit.
NERVAL, Filles feu, Chansons et légendes du Valois, 1854, p. 637.
— En partic.
a) Hauts lieux. ,,En Israël, lieu de culte situé sur une hauteur et souvent suspect à cause des pratiques idolâtriques qui s'y déroulaient`` (Foi t. 1 1968). Les rites cananéens ainsi repris étaient appliqués à Yahweh, seul Dieu; mais la dispersion des hauts lieux entraînait avec elle un péril d'idolâtrie (Théol. bibl. 1970, s.v. montagne).
♦ P. anal., au sing. ou au plur. Endroit où se sont accomplis de grands faits, endroit mémorable :
• 11. La Colline inspirée, de Barrès, est une légende d'une portée infinie. Elle montre à quel point la sainteté reste liée à certains sommets, depuis les origines de l'humanité (...). Il n'est pas impossible d'imaginer les événements extraordinaires qui ont ensanglanté ces hauts lieux, à l'aurore des sociétés humaines, et ont consacré ces éminences à jamais, dans l'obscure mémoire de l'espèce.
J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 155.
P. métaph. Voici le plus haut lieu, en France, de la géographie romanesque (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 148).
b) Lieux réguliers. Parties intérieures du monastère réservées aux seuls religieux (d'apr. LEP. 1948).
c) Lieux saints. Région (Palestine, Galilée) où s'est déroulée la vie et spécialement la passion du Christ. Visiter les lieux saints. Les saints! L'atmosphère des saints! Respirer le parfum des saints! Aller de temps en temps dire la messe à leurs autels (DUPANLOUP, Journal, 1863, p. 242).
2. Usuel et dans le vocab. jur.
a) Endroit où s'est déroulé un événement. Être, se rendre sur les lieux; les lieux du crime. Les départements de la Mayenne et d'Ille-et-Vilaine étaient alors commandés par un vieil officier qui, jugeant sur les lieux de l'opportunité des mesures à prendre, voulut essayer d'arracher à la Bretagne ses contingents (BALZAC, Chouans, 1829, p. 9).
b) Maison, immeuble. Aménagement, configuration, plan des lieux; maintien dans les lieux; visiter les lieux (synon. rare aîtres).
♦ État des lieux. V. état I B 3. L'œil-de-bœuf est crevé au front des combles vides qu'on n'inspecte plus. Que manque-t-il encore à cet état des lieux? (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 221).
♦ Vider les lieux.
3. Lieux (d'aisance). Cabinets. Aller aux lieux. Comme une personne enfermée dans les lieux, qui demande à en sortir (COURTELINE, Femmes d'amis, Lauriers coupés, 1894, p. 183).
♦ Lieux à l'anglaise. Latrines munies d'une cuvette fermée par une soupape qu'on ouvre à volonté. (Dict. XIXe s.).
B. — Lieux communs
1. RHÉT. Lieux (communs), lieux (oratoires). Sources où un orateur peut puiser des pensées et des preuves sur tous les sujets. Aristote a traité des lieux communs (Ac.).
♦ Lieux (oratoires) extérieurs. Preuves, arguments qui se trouvent hors du sujet lui-même. Les lieux oratoires extérieurs, c'est-à-dire ceux qui sont placés hors du sujet, ne sont pas les mêmes pour toutes les espèces de discours (M. DOMAIRON, Rhét. fr., Paris, Deterville, 1804, p. 219).
♦ Lieux (oratoires) intérieurs. Preuves, arguments qui se trouvent dans le sujet lui-même. Les principaux lieux intérieurs (car il seroit trop long et même inutile de les parcourir tous) sont la définition, l'énumération des parties, la similitude, les contraires et les circonstances (M. DOMAIRON, Rhét. fr., Paris, Deterville, 1804p. 207).
— P. ext., au sing. et au plur. V. commun B 2.
♦ Idée générale que l'on utilise pour étayer un sujet, une démonstration. On trouve, il est vrai, chez Bossuet des morceaux et de beaux lieux communs sur la mort, qui ont servi et resservi dans plusieurs de ses sermons ou de ses oraisons funèbres (SAINTE-BEUVE, Chateaubr., t. 2, 1860, p. 21).
♦ Péj. Idée couramment reçue. Je me montre même plus prévenante, diseuse de banalités et de lieux communs : — Quel beau temps, monsieur Marin! (COLETTE, Cl. Paris, 1901, p. 227) :
• 12. « Dans une société qui répugne à la consommation, qui favorise les plus défavorisés et qui prône l'égalité des chances » (fin de citation), le lieu commun se développe et se reproduit admirablement, nul n'échappe à sa maligne prolifération dont les vecteurs principaux sont les médias.
Le Monde dimanche, 14 oct. 1979, p. I, col. 1.
P. anal., MUS. Des lieux communs mélodiques (BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 323).
2. THÉOL. Lieux (communs), lieux (théologiques). Sources de la science théologique hiérarchiquement ordonnées et critiquées, où le théologien va prendre ses principes pour élaborer son argumentation et sa construction (d'apr. Foi, t. 1 1968).
Prononc. et Orth. : [ljø]. Att. ds Ac. dep. 1694. Homon. lieue. Étymol. et Hist. A. 1. Fin du Xe s. loc « portion déterminée de l'espace » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 407); ca 1050 leu (Alexis, éd. Chr. Storey, 133); 2. 1re moitié du XIIe s. lieu saint « temple, église » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, XXIII, 3 [locus sanctus]); 1690 lieux saints « lieux de la vie du Christ, en Palestine » (FUR.); 3. 1260 tenir feu et leu « avoir un ménage et une maison » (ÉTIENNE BOILEAU, Métiers, 69 ds T.-L., s.v. feu); 4. 1538 lieu public (EST., s.v. statio); 5. 1690 lieu géom. (FUR.); 1691 lieu géométrique (OZANAM); 6. 1691 haut lieu « hauteur, colline sur laquelle les juifs élevaient des autels et faisaient des sacrifices » (RACINE, Athalie, III, 6); 1931 au fig. « lieu mémorable théâtre de hauts faits » (J.-R. BLOCH, Dest. du S., p. 155). B. Au plur. 1. a) 1538 dr. « endroit précis où un fait s'est passé » (EST., s.v. in); b) 1643 « endroit unique considéré ou non dans ses parties » (CORNEILLE, Polyeucte, I, 3); 2. 1640 lieux « latrines » (OUDIN Curiositez); 1802 lieux d'aisances (FLICK, Nouv. dict. fr.-all. et all.-fr. d'apr. FEW t. 5, p. 392b); 3. 1690 « appartement, maison, propriété » (FUR.). C. Dans des loc. 1. a) ca 1100 estre es lius de « être à la place de » (Roland, éd. J. Bédier, 3016 : Seiez es lius Oliver e Rollant); b) ca 1160 en leu de « à la place de » (Eneas, 3554 ds T.-L.); c) 1531 au lieu de « id. » (EST., s.v. vicis); 2. 1155 tens et leu « au moment et à la place convenables » (WACE, Brut, 536 ds T.-L.); 3. a) ca 1200 (aimer) en haut lieu « (aimer) une personne de naissance noble » ([CHÂTELAIN DE COUCI], Chansons, éd. A. Lerond, VIII, 22), cf. lieu « place (d'une personne, d'un groupe) dans la hiérarchie sociale » (ca 1165, BENOÎT DE SAINTE-MAURE, Troie, 7839 ds T.-L.); b) XIIIe s. de haut lieu « de naissance noble » (Guillaume au faucon, 216 ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 99); c) 1863 en haut lieu « dans les milieux influents » (FLAUB., Corresp., p. 316); 4. a) ca 1180 avoir bon lieu « être bien reçu, admis » (Proverbes au vilain, 187 ds T.-L. : bone parole bon lieu a); b) ca 1500 n'avoir nul lieu « ne pas se produire » (COMMYNES, Mémoires, VIII, 2, éd. J. Calmette, t. 3, p. 143); c) 2e moitié du XVIe s. avoir lieu « se réaliser (en parlant de souhaits) » (CHOLIÈRES d'apr. FEW t. 5, p. 393a); d) 1611 il y a lieu de (COTGR.); 1636 avoir lieu de (CORNEILLE, Le Cid, III, 6); e) 1778 avoir lieu « prendre place (à un moment précis du temps) » (BUFFON, Hist. nat. des oiseaux, t. 4, p. 104 ds LITTRÉ); 5. a) début du XIIIe s. lieu « passage d'un livre » (MAURICE DE SULLY, Sermons, éd. C. A. Robson, 1, 89); b) 1538 en premier lieu (EST., s.v. cum); 6. a) 1374 tenir le lieu de « servir de » (N. ORESME, Livre de Yconomique, éd. A. D. Menut, p. 818 : en petite maison, le seigneur tient le lieu de curateur); b) 1534 tenir lieu de (RABELAIS, Gargantua, VIII, éd. R. Calder et M. A. Screech, p. 65); 7. a) 1643 donner lieu de « fournir l'occasion » (CORNEILLE, Polyeucte, IV, 3); b) 1656 donner lieu à (PASCAL, Provinciales, VII ds Œuvres complètes, éd. L. Lafuma, 1963, p. 399b). D. 1. 1562 lieux communs « arguments, développements et preuves applicables à tous les sujets » (BONIVARD, L'Amartigénée, 91 d'apr. FEW t. 5, p. 393a); 2. 1666 « banalité » (MOLIÈRE, Le Misanthrope, II, 4). Du lat. locus « lieu, place, endroit », servant à traduire le gr. , dont il a pris les sens techn. « endroit d'un ouvrage », terme de rhét. loci communes « lieux communs », v. ERN.-MEILLET. Bbg. COHEN 1946, p. 7; Un Terme de scénologie médiév. lieu ou mansion. In : [Mél. Huguet (E.)]. Paris, 1940, pp. 52-58. - QUEM. DDL t. 15, 18, 21. - WEXLER 1955, p. 83, 84, 86, 87, 88, 91.
II.
⇒LIEU2, subst. masc.
Poisson marin voisin du merlan. Synon. colin, merlan jaune. Un enfant de quinze mois était mort tout à coup, une petite fille, qui, la veille encore, mangeait son lieu séché, buvait l'eau du ciel, aussi bien que père et mère (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 119). Lieu jaune et lieu noir ou colin noir (CLÉM. Alim. 1978).
Prononc. : [ljø]. Étymol. et Hist. 1431 lief (Archives de Bretagne t. 1, 1883, p. 49 d'apr. Fonds BARBIER); 1553 lieu (G. DE GOUBERVILLE, Journal ds POPPE, p. 52). De l'a. nord. , , de même sens (FEW t. 16, p. 494b). Fréq. abs. littér. : 27 209. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 54 493, b) 34 334; XXe s. : a) 29 735, b) 32 937.
1. lieu [ljø] n. m.
ÉTYM. XIIe; leu, Xe; du lat. locus.
❖
———
1 Portion déterminée de l'espace. ⇒ Endroit. — REM. Lieu est plus général, plus abstrait qu'endroit et s'emploie moins de nos jours que dans la langue classique. — Situationd'un objet dans un lieu de l'espace. ⇒ Espace, position (→ Impression, cit. 46). || En quel lieu ? ⇒ Où. || Lieu précis. || Lieu quelconque. ⇒ 1. Part (quelque part). || Dans ce lieu. ⇒ Ici (cit. 16), là. || Le lieu où l'on n'est pas. ⇒ Ailleurs (l'). || Dans un autre lieu. ⇒ Ailleurs; 1. part (autre part). ☑ En tout lieu, en tout temps; en tous lieux, en tous temps : toujours et partout (→ Attente, cit. 26; avantage, cit. 44). || Lieux très éloignés. ⇒ Bout (du monde); loin. || Lieux proches, voisins. ⇒ Alentour (cit. 3), environ(s), secteur; parage, voisinage, zone; près. || Représentation d'un lieu. ⇒ Carte, topographie. || Science des noms de lieu. ⇒ Toponymie. || Reconnaissance d'un lieu. || Lieu dit, appelé… ⇒ Lieudit. || Être en un lieu, dans un lieu (⇒ Trouver [se]; présence), en tous lieux. ⇒ Ubiquité. || Ne pas être dans un lieu. ⇒ Absence. || Quitter un lieu; partir, se retirer d'un lieu. ⇒ Aller (s'en). || Changer de lieu. || Arriver dans un lieu. || Donner, attribuer un lieu à qqch., une sensation. ⇒ Localiser, mettre, placer, situer. || Choisir un lieu pour qqn, qqch., pour y faire qqch. ⇒ Emplacement, place. || Enfermer, confiner, cacher qqch. en un lieu. || La date et le lieu. || Ce n'est ni le temps ni le lieu pour faire cela. — ☑ Loc. En temps et lieu : au moment et à l'endroit convenable (rare au sens propre; → ci-dessous, II., 1.). — Les coutumes (cit. 9) varient avec les lieux. ⇒ Climat, contrée, pays, région.
1 (…) c'est n'être en aucun lieu, que d'être partout.
Montaigne, Essais, I, VIII.
2 Une lutte éternelle en tout temps, en tout lieu,
Se livre sur la terre, en présence de Dieu,
Entre la bonté d'Homme et la ruse de Femme.
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, « Colère de Samson ».
3 En quel lieu, dans quel lit, à qui souriais-tu ?
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit d'octobre ».
♦ (Dans un contexte concret). || Un lieu charmant, agreste (cit. 4), champêtre. ⇒ Séjour, site. || La majesté du lieu. || Lieux élevés (→ Haut, cit. 62), souterrains. || Lieu désert; des lieux retirés, écartés et solitaires (→ Apparaître, cit. 2; blaireau, cit. 1). || Un lieu perdu. ⇒ Coin. || « Il y a des lieux où souffle l'esprit » (→ Esprit, cit. 4, Barrès). || Lieu de délices (⇒ Paradis), de supplice (⇒ Enfer); lieu dangereux (⇒ Antre). || Lieu de plaisir (→ Écouler, cit. 6; étudiant, cit. 3), lieu public où l'on se distrait. || Lieu de débauche (→ Incognito, cit. 2), lieu de perdition. || Mauvais lieu, lieu mal famé (cit.). || Coureur (cit. 3.1) de tavernes et de mauvais lieux. Plais. || Je ne pensais pas vous rencontrer dans ce mauvais lieu (en parlant d'un lieu quelconque). — Lieu de retraite (→ Couvent, cit. 1), de refuge (→ Inviolable, cit. 5); lieu d'asile. ⇒ Asile (cit. 11 et 12). — Lieu secret. || Lieu sûr, où l'on est en sûreté. ⇒ Abri, cachette, planque (fam.). ☑ Loc. Mettre (qqn, qqch.) en lieu sûr : mettre à l'abri, protéger. — Lieu de promenade, de passage, de rencontre, de réunion. || Lieu de pèlerinage. || Lieux célèbres. || Lieu de départ, de destination, d'arrivée. || Lieu où l'on s'arrête. ⇒ Étape. || Indiquer (cit. 4) l'heure et le lieu d'un rendez-vous. — Lieu de naissance d'une personne; lieu d'origine. || Lieu d'habitation. ⇒ 1. Adresse, domicile, résidence. || Les habitants d'un lieu. || Cesser de paraître au lieu de son domicile (→ Absence, cit. 13). || Le lieu de son travail. || Lieu de travail (→ Bibliothèque, cit. 7). — Lieu où se passe un événement. ⇒ Scène, théâtre (→ ci-dessous, Les lieux). || Le lieu du crime, du délit (→ Attroupement, cit. 2). || Être ailleurs qu'au lieu du crime. ⇒ Alibi. || Lieu de la scène, de l'action. — Unité de lieu du théâtre classique (→ Autant, cit. 45). || « Qu'en (cit. 20) un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli… » (Boileau).
4 Quelle maison pourriez-vous me bâtir ?
et en quel endroit le lieu de mon repos ?
Bible (Jérusalem), Isaïe, 66, 4.
5 Il y a des lieux que l'on admire : il y en a d'autres qui touchent, et où l'on aimerait à vivre.
La Bruyère, les Caractères, IV, 82.
6 (Il) choisit pour asile
Le haut d'un pin. Là, dans le sein des dieux,
Il goûte sa vengeance en lieu sûr et tranquille.
La Fontaine, Fables, X, 11.
7 La mort de son frère (…) avait ramené toutes ses pensées aux lieux et aux jours de leur commune enfance (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 458.
7.1 Nous supprimons la scène et la salle qui sont remplacées par une sorte de lieu unique, sans cloisonnement, ni barrière d'aucune sorte, et qui deviendra le théâtre même de l'action.
A. Artaud, le Théâtre et son double, Idées/Gallimard, p. 146.
♦ (V. 1960). Spécialt. Espace, considéré dans ses possibilités scéniques, spectaculaires ou dans son esthétique.
♦ ☑ Loc. prov. (1549). N'avoir ni feu (1. Feu, cit. 28) ni lieu, être sans feu ni lieu, se dit de pauvres gens sans foyer, sans domicile fixe, ou de vagabonds sans aveu (→ Bandit, cit. 1).
2 (1291). || Haut lieu : lieu élevé. — Spécialt (relig. juive). || Hauts lieux : hauteurs, collines sur lesquelles les Juifs élevaient des autels aux faux dieux et faisaient des sacrifices (→ Bâtir, cit. 19). || Holocaustes d'Israël qui fument sur les hauts lieux (→ Immoler, cit. 18). — Fig. Lieu mémorable, théâtre de hauts faits. || Le Chemin des Dames est un des hauts lieux de la guerre 1914-1918.
8 (…) depuis que le temple de Salomon fut bâti, il n'était pas permis de sacrifier ailleurs; et tous ces autres autels qu'on élevait à Dieu sur des montagnes, appelés par cette raison dans l'Écriture les hauts lieux, ne lui étaient point agréables.
Racine, Athalie, Préface.
♦ Lieu saint, saint lieu : nom donné aux temples, aux églises, aux sanctuaires (→ Humilier, cit. 16; impiété, cit. 4). Au plur. || Les lieux saints : les lieux de la vie de Jésus, en Palestine, et, spécialt, les lieux de la Passion du Christ. ⇒ Terre (sainte). || Faire un pèlerinage, un voyage aux lieux saints.
9 Tout l'édifice s'appelait en général le lieu saint.
Racine, Athalie, Préface.
10 Je lui ai dit l'impression religieuse que m'avaient faite les saints lieux, c'est-à-dire impression nulle (…) Ces lieux saints ne vous font rien.
Flaubert, Correspondance, 266, 20 août 1850.
3 Lieu public : lieu qui, par destination, admet le public (rue, jardin, mairie…), ou lieu privé auquel le public peut accéder (café, cinéma…). → Crime, cit. 17; endroit, cit. 6. || J'ai eu l'occasion de le voir dans divers lieux publics, mais jamais dans le privé.
11 (…) l'affluence désordonnée qui fait queue, chaque jour, au cinéma, qui remplit toutes les salles de spectacles et les dancings eux-mêmes, qui se répand comme une marée déchaînée dans tous les lieux publics (…)
Camus, la Peste, p. 214.
♦ Dr. || Lieu d'un délit, qui exige la publicité.
4 Gramm. || Complément de lieu : complément circonstanciel, déterminant le lieu d'un procès exprimé par le verbe. || Dans les grammaires scolaires, on a longtemps défini le complément de lieu comme celui qui répond à la question « Où ? ». || Adverbes de lieu. ⇒ Adverbe, et aussi avant; après, 1. bas (en bas), 1. ci, côté (à côté), haut (en haut), 2. outre, 1. part (autre part, nulle part, quelque part). || Prépositions de lieu. ⇒ Préposition.
12 Il n'est point besoin d'expliquer ce que c'est qu'un lieu; observons seulement que le lieu dont il est question dans les compléments de lieu est très souvent, non point, un emplacement dans l'espace, mais un endroit figuré, comme un texte, ou même un auteur. De même qu'on dit : il est chez lui, on dit : j'ai trouvé cette doctrine chez Platon. Ce n'est pas non plus de lieux réels qu'il est question dans : entrer dans le commerce, sortir de la théorie; — vous croyez-vous au-dessus de la loi ? — délibérer sous la présidence du juge de paix; — mettre sa confiance en Dieu; — être hors la loi.
Le lieu est en certains cas plutôt une situation, qui marque non seulement l'endroit ou le moment, mais tout un ensemble de circonstances : dans le trouble où j'étais; — il paraît dans un état de nervosité extrême; — il passe par des circonstances difficiles.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 420.
5 (1691). Sc. || Lieu géométrique. || Lieu géométrique d'un point P, d'une courbe C satisfaisant à certaines conditions : ensemble des positions occupées par ce point, cette courbe.
6 Astron. || Lieu apparent (4.), d'un astre.
———
II (Plur. à valeur de sing.; emploi très fréquent dans la langue class.). || Les lieux.
1 (Souvent après une préposition). Endroit unique considéré ou non dans ses parties. || Dans ces lieux, en ces lieux : ici (→ Abord, cit. 4; accès, cit. 2). || Les lieux que l'ours habitait (→ Affaire, cit. 65). — Mod. (dans des expr.). || Le maître de ces lieux (⇒ Céans). || Venons au sujet qui m'amène (cit. 4) en ces lieux.
13 (Un loup) que la faim en ces lieux attirait (…)
La Fontaine, Fables, I, 10.
14 Vite, sortez friponne; allons, quittez ces lieux (…)
Molière, les Femmes savantes, II, 6.
15 Il me fut aisé de reconnaître l'étrangère qui, comme moi, venue chercher dans ces lieux (le château de Combourg) des pleurs et des souvenirs !
Chateaubriand, René.
2 Mod. (Dr. et cour.). Endroit précis où un fait s'est passé. || La police s'est rendue sur les lieux. || Descente sur les lieux. || Être sur les lieux, sur place (→ Barque, cit. 7; fantaisie, cit. 7). || Le juge de paix des lieux (→ Apposer, cit. 3). || L'usage, la coutume des lieux.
16 (…) il (le bailleur) est tenu de signifier d'avance un congé aux époques déterminées par l'usage des lieux.
Code civil, art. 1762.
17 Je reconnais qu'il n'est pas commode d'admettre que le crime a eu lieu en plein jour. Maintenant le meurtrier aurait pu tarder à quitter les lieux; pour une raison quelconque.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XIII, p. 135.
3 Appartement, maison, propriété. || Aménagement, configuration (cit. 2) des lieux. ⇒ Êtres. || Les lieux étaient aménagés pour servir d'imprimerie (cit. 5). || État (cit. 64, et supra) des lieux. || Visiter les lieux. || Emménager, entrer dans les lieux. || Quitter, évacuer, vider les lieux. ⇒ Déloger.
18 (…) tout est resté rituel dans la disposition des lieux, dans les ornements et les emblèmes, dans l'ordonnance des marchandises (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XIX, p. 263.
4 (1801). || Lieux d'aisances (→ Excrétion, cit. 1). ⇒ Cabinet(s), commodité(s), goguenot(s), latrines, tartisse, water-closet (→ aussi Petit endroit).
19 (…) l'argent était comme une triste nécessité de la vie indispensable malheureusement, comme les lieux d'aisance, mais dont il ne fallait jamais parler.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 7.
20 Les lieux ! Oui ! ces braves latrines (…) ces pauvres lieux où l'on fumait des cigarettes de maryland (…)
Flaubert, Correspondance, 552, 12 août 1857.
20.1 Je me fous bien de tous vos dieux,
Ils sont jolis, s'ils vous ressemblent,
Et bons à foutre dans les lieux.
Germain Nouveau, Valentines, Pl., p. 626.
♦ ☑ Loc. (Vx). Lieux communs, lieux secrets : les lieux d'aisance.
———
III Au sing. (dans des emplois figés, au fig.).
1 Place déterminée dans un ensemble, une succession (espace ou temps). || Ce n'est pas le lieu de parler de cela (Littré). → Déplacé. || En son lieu : à son tour. || Chaque dossier sera examiné en son lieu. ☑ Loc. adv. En temps et lieu : au moment et à la place convenable. || Nous vous ferons connaître notre décision en temps et lieu. Vieilli. || Hors de lieu : hors de propos. ☑ Premier, second… lieu (dans une énumération, un classement). En parlant des personnes (vx). || « Si l'ange est premier, l'homme a le second lieu » (Malherbe). — (En parlant des points successifs d'un discours, d'un écrit). || En premier lieu : d'abord, premièrement, primo (→ Fléau, cit. 6; guerre, cit. 40; individualisme, cit. 10). || En second lieu : après, ensuite. || En dernier lieu : enfin.
21 En premier lieu je te demande, Cinna, paisible audience. N'interromps pas mon parler (…)
Montaigne, Essais, I, XXIV.
22 Va, je reconnaîtrai ce service en son lieu.
Corneille, Rodogune, III, 1.
23 je saurai me souvenir, en temps et lieu, de tout ce que je viens d'apprendre.
Molière, les Fourberies de Scapin, II, 3.
23.1 Aristote le naturaliste a enfin décrit cet objet comme il aurait décrit le chameau ou la girafe, plutôt se garder, à ce que je crois, de s'en servir hors de lieu (…)
Alain, les Idées et les Âges, in les Passions et la Sagesse, Pl., p. 61.
2 ☑ Avoir lieu : avoir, prendre place à un endroit, à un moment. ⇒ Arriver, passer (se), produire (se). (Avec une précision de lieu ou de temps). || La fête aura lieu sur la grand-place. ⇒ Tenir (se). || Les jeux olympiques ont lieu tous les quatre ans. ⇒ Célébrer. || Le convoi (cit. 5) aura lieu demain, à telle date. || Événements, crises qui ont lieu successivement, coup sur coup. ⇒ Dérouler (se). — Absolt. Être, se faire. ⇒ Accomplir (s'), opérer (s'). || La chose a eu lieu, n'a pas eu lieu, s'est produite ou non. || « La combinaison des deux substances aura lieu si l'expérience est bien faite » (Littré). || La réunion n'aura pas lieu. || Si l'exécution a lieu (→ Franc-maçon, cit. 1). || La guerre de Troie n'aura pas lieu, pièce de Giraudoux.
24 Que droit règne et justice ait lieu (…)
Clément Marot, Psaumes, XXIII.
25 (…) plus elles (les faisanes) avançaient en âge, plus elles devenaient semblables aux mâles, comme cela a lieu plus ou moins dans presque tous les animaux.
Buffon, Hist. nat. des oiseaux, Le faisan doré.
26 (…) comment ne pas avoir recours aux moyens de l'intrigue, quand les développements sont censés avoir lieu dans un espace aussi court ?
Mme de Staël, De l'Allemagne, II, XV.
27 Il s'est sauvé de l'endroit un quart d'heure avant; mais l'« action » avait peut-être eu lieu beaucoup plus tôt. Il a pu rester près de sa victime.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, XIX, p. 213 (→ aussi ci-dessus, cit. 17).
3 (Vx). || Bas lieu; (vieilli) haut lieu : rang qu'un groupe ou une personne occupe dans la hiérarchie sociale. ⇒ Famille, maison, milieu, société. — (Vx). || Une personne de bas lieu, de basse naissance. ⇒ Extraction, naissance, origine. || Argot de bas lieu (→ Boui-boui, cit. 1). — (Vx). || De haut lieu : noble, de haut lignage.
28 Nous qui sommes,
De par Dieu,
Gentilshommes
De haut lieu (…)
Hugo, Odes et Ballades, Ballade XII.
♦ ☑ Mod. En haut lieu : auprès des supérieurs haut placés dans une hiérarchie administrative. || Aller se plaindre en haut lieu.
29 Il se sentait fort, au surplus, coté à son prix en haut lieu, pour son chic et son élégance (…)
Courteline, le Train de 8 h 47, I, I.
4 ☑ Au lieu : à la place (en parlant du remplacement d'une chose ou d'une personne par une autre). — ☑ Dr. (par pléonasme). Au lieu et place de… : à la place de, au nom de… || « Lorsque le père est déchu de l'administration (des biens de ses enfants mineurs), la mère devient de droit administratrice (cit. 1) en ses lieu et place » (Code civil).
♦ ☑ Loc. prép. (1538). Au lieu de : à la place de (→ Attendre, cit. 6; bélier, cit. 1; bruit, cit. 5; frein, cit. 3). || Employer un mot au lieu d'un autre. ⇒ Pour. — Au lieu de grives, nous mangerons des merles. ⇒ Défaut (à défaut de), faute (de).
30 Je vous envoie, au lieu de moi, pour le portrait que vous savez ce gentilhomme français (…)
Molière, le Sicilien, 10.
31 (…) condamné aux travaux forcés, en 1812, pour avoir livré, au lieu de bœuf, la viande de chevaux morveux.
France, le Mannequin d'osier, V, Œuvres, t. XI, p. 284.
♦ (Suivi d'un verbe à l'infinitif; pour exprimer l'opposition entre deux actes, deux états). || Vous rêvez au lieu de réfléchir (→ Boutade, cit. 5). || Au lieu d'être apitoyée (cit. 3), elle se montra très dure. ⇒ Loin (bien loin de). || Grimper par ruse au lieu de s'élever par force (→ Lierre, cit. 2).
32 L'adroit confident appellerait la voiture, ouvrirait la portière; et lui Prévan, au lieu de monter, s'esquiverait adroitement.
Laclos, les Liaisons dangereuses, LXXXV.
33 — Au lieu de la questionner, dit-il, nous ferions mieux de lui servir une bonne tasse de café au lait bien chaud.
Zola, le Rêve, I.
♦ ☑ Loc. conj. (1490). Au lieu que a (Suivi d'un verbe à l'indicatif; pour opposer deux états, deux actions différentes). ⇒ Alors (que), là (où), tandis (que). → Assemblage, cit. 1; assurer, cit. 7; indispensable, cit. 10. || L'honnête homme ment dans les cas forcés au lieu que le fripon va au-devant des occasions (→ Jouer, cit. 62). || « On s'imaginait que je pouvais écrire par métier (…) au lieu que je ne sus jamais écrire que par passion » (→ Glacer, cit. 16, Rousseau).
34 Nous avons du foin dans nos bottes, nous autres ! Au lieu qu'un de ces matins, vous verrez le Café français fermé (…)
Flaubert, Mme Bovary, II, I.
b (Suivi d'un verbe au subjonctif; pour opposer deux actes, deux états dont l'un se substitue à l'autre). ⇒ Loin (loin que). « Suivi du subjonctif, au lieu que devient une locution franchement subordonnante, et introduit un fait qui n'a pas eu lieu, mais qui a été remplacé par le fait énoncé dans la principale : “En voyant Gilberte, au lieu qu'elle vînt aux Champs-Élysées, aller à une matinée…” Proust, Swann, II, 278; “Au lieu que son histoire l'ait calmé, on dirait plutôt qu'il s'aigrit.” Romains, Humbles, XXIII, p. 206 » (G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1570).
5 ☑ Loc. (Lieu a la même valeur abstraite que dans au lieu, ci-dessus). Tenir lieu de. ⇒ Remplacer, servir (de), valoir. || Copie authentique (cit. 6) qui tient lieu d'original. || Les bonnes intentions (cit. 10) ne peuvent tenir lieu de génie. || Personne qui tient lieu de père à un enfant.
35 Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
La Fontaine, Fables, IX, 2.
36 Il m'aurait tenu lieu d'un père et d'un époux (…)
Racine, Andromaque, I, 4.
37 Maintenant Marthe ne m'était pas seulement la plus aimée, ce qui ne veut pas dire la mieux aimée des maîtresses, mais elle me tenait lieu de tout.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 156.
38 Ces superstitions tenaient donc lieu de religion à nos concitoyens (…)
Camus, la Peste, p. 242.
6 (Dans des loc. verbales, en parlant des circonstances, des conditions qui autorisent ou justifient telle ou telle chose). ⇒ Cas, 3. droit, occasion, prétexte, raison, 3. sujet (II.). — ☑ Vx (langue class.). Il n'y a aucun lieu de, je ne vois aucun lieu de…, aucune raison. || Laisser lieu, prendre lieu.
39 Je n'y vois pour ta flamme aucun lieu de murmure (…)
Molière, Amphitryon, III, 10.
40 Et sur ce fondement, ils prennent lieu de blasphémer la religion chrétienne (…)
Pascal, Pensées, VIII, 556.
♦ ☑ Mod. Avoir lieu de (suivi d'un verbe à l'infinitif) : avoir des raisons de. ⇒ 3. Sujet (avoir sujet de). || Avoir lieu de se louer, de se plaindre de quelqu'un. || Elle n'a pas lieu de se plaindre, elle est plutôt favorisée. || Nous avons tout lieu de le croire (→ Accoutumer, cit. 6). || Vous n'avez nullement lieu, vous n'avez plus lieu de vous tracasser. — Impers. || Il y a lieu de… : il est opportun, il convient de… || Il y a lieu de maintenir cette distinction (→ Animal, cit. 1). || Il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour le moment. Absolt. || S'il y a lieu (de faire qqch.) : le cas échéant, si cela est nécessaire. || Nous vous convoquerons, s'il y a lieu.
41 (…) vous n'aurez ni l'un ni l'autre aucun lieu de vous plaindre (…)
Molière, l'Avare, I, 4.
42 (…) il y a souvent moins lieu de craindre de pleurer au théâtre que de s'y morfondre.
La Bruyère, les Caractères, I, 50.
43 Faire taire le droit jusqu'à ce que la justice soit établie, c'est le faire taire à jamais puisqu'il n'aura plus lieu de parler si la justice règne à jamais.
Camus, l'Homme révolté, p. 359.
♦ ☑ Donner lieu à (suivi d'un n.) : fournir l'occasion, donner matière ou prétexte à. ⇒ Occasionner, produire, provoquer. || Son retour donna lieu à de grandes réjouissances. || Ce remède a donné lieu à des abus (→ Grain, cit. 2). || Exhérédation (cit. 2) qui donne lieu à un procès. || Cette affaire a donné lieu à un long procès. || Cela ne donne pas lieu à des discussions, à discussion.
44 (…) cette comédie qui donna lieu à la naissance de votre passion (…)
Molière, le Malade imaginaire, II, 1.
45 Il paya, contrarié que son passage eût donné lieu à une observation.
Hugo, les Misérables, II, V, II.
46 Tout ce qui était sacré donnait lieu à une fête.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, III, VII.
♦ ☑ Donner lieu de (suivi d'un verbe à l'infinitif). ⇒ Autoriser, permettre. || Rien ne nous donne lieu d'espérer (→ Floraison, cit. 3).
47 Votre ressentiment me donnait lieu de craindre (…)
Molière, le Dépit amoureux, III, 4.
47.1 (…) il ne pouvait pas lui parler en public, de peur de donner lieu de soupçonner qu'il eût ou qu'il eût eu un commerce avec Schemselnihar.
A. Galland, les Mille et une Nuits, t. II, p. 63.
———
1 (Au plur.) Log. et rhét. anc. || Lieux communs, lieux d'arguments ou lieux : arguments, développements et preuves applicables à tous les sujets. || Les Topiques d'Aristote, traité sur les lieux communs. — REM. Dans ce sens, l'usage didactique moderne emploie le mot grec topos, topoï.
48 Ce que les logiciens appellent lieux (loci argumentorum) sont certains chefs généraux auxquels on peut rapporter toutes les preuves dont on se sert dans les diverses matières que l'on traite.
Arnauld et Nicole, Logique de Port-Royal, III, XVII.
♦ Littér. (vx). Citations, sentences célèbres, utilisées par un écrivain; emprunt littéraire.
49 Ces pastissages (mélanges) de lieux communs (…)
Montaigne, Essais, III, XII.
50 Lieu, — se dit aussi des sentences et édits notables des Anciens, et des choses les plus remarquables qu'on extrait des livres (…)
Furetière, Dict., art. Lieu.
51 En vain, pour attaquer son stupide silence,
De tous les lieux communs vous prenez l'assistance (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
2 (Déb. XIXe). Mod. (Sing. et plur.). Idée, sujet de conversation que tout le monde utilise (⇒ Banalité, idée [rebattue], sentier [battu], trivialité [vx]); image, association de mots de caractère littéraire, qu'un emploi trop fréquent a affadie. ⇒ Cliché (cit. 3), poncif; → Moraliser, cit. 3. || Des lieux communs (cit. 25) rebattus, prétentieux. || Locutions banales et lieux communs des lettres d'amour (→ Épancher, cit. 25). || La conversation (cit. 5) roulait sur des lieux communs. || S'écarter des lieux communs (cit. 24). || Éviter les lieux communs. || C'est un lieu commun de dire que… (contr. : invention, originalité, trouvaille). || Des lieux communs sur la destinée des femmes (→ Mesurer, cit. 15).
52 À la fin, tout devient lieu commun en littérature.
Rivarol, Littérature, Notes, p. 127.
53 (…) la différence d'âge est, après celle de la fortune, un des grands lieux communs de la plaisanterie de province, toutes les fois qu'il est question d'amour.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XVI.
54 On ne s'entend que sur les lieux communs. Sans terrain banal, la société n'est plus possible.
Gide, Attendu que…, p. 174.
55 (…) quelques-unes de leurs pensées (des grands écrivains) sont tout à fait mortes et il y en a d'autres que le genre humain tout entier a reprises à son compte et que nous tenons pour des lieux communs.
Sartre, Situations II, p. 80.
56 Pour banal que soit un lieu commun, il peut toujours avoir été inventé par qui le prononce : il s'accompagne même, en ce cas, d'un vif sentiment de nouveauté. Qui ne se voit humilié, parcourant le Dictionnaire des idées reçues ou tout autre recueil de clichés, d'y retrouver telle « pensée »… qu'il croyait avoir inventée; telle phrase qu'il disait jusque-là fort innocemment ?
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 92.
57 L'énergie du désespoir. C'est un lieu commun. Mais il est vrai. Il est tellement important de dire quelque chose qui exprime ce qui est réellement qu'il faut respecter les lieux communs, car huit ou neuf fois sur dix ils expriment la réalité. Il est très bien d'être original, mais à condition d'être original en disant vrai.
♦ Vieilli (par métonymie). Chose, personne qui incarne un thème rebattu.
58 Le plénipotentiaire était un lieu commun de brigand de mélodrame, quant à la figure et au costume.
V. Jacquemont, Correspondance, sept. 1831, II, p. 137.
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COMP. Chef-lieu, lieudit, milieu, non-lieu.
HOM. 2. Lieu, lieue.
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2. lieu [ljø] n. m.
ÉTYM. 1552; lief, 1431; anc. scandinave lyr; cf. breton leouek.
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♦ Poisson anacanthinien, de la famille du merlan (Gadidés), parfois appelé merlan jaune, merluche. || Des lieus. || Du lieu séché. — REM. On dit parfois lieu jaune. — N. sc. : Pollachius pollachius.
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HOM. 1. Lieu, lieue.
Encyclopédie Universelle. 2012.