ERREUR
La définition classique de la vérité et de l’erreur est celle d’Aristote: «Dire de ce qui est qu’il est, ou de ce qui n’est pas qu’il n’est pas, c’est dire vrai; dire de ce qui n’est pas qu’il est ou de ce qui est qu’il n’est pas, c’est dire faux.» Cet énoncé, parfois jugé trop métaphysique, a retrouvé, dans les années 1930, grâce aux travaux de logiciens tels qu’Alfred Tarski, un regain de crédit sous le nom de conception sémantique de la vérité et de l’erreur.
Toutefois, définir simultanément et symétriquement la vérité et l’erreur est une source de méprise: en effet, il y a entre ces deux notions de profondes différences. On peut, en soumettant à l’expérience, par exemple, une conjecture, la réfuter et établir qu’elle est fausse, sans être pour autant en mesure de lui substituer une autre hypothèse dont on pourrait établir qu’elle est vraie.
Il ne peut y avoir erreur que là où il y a prétention à la vérité. Si nous ne cherchions pas la vérité, nous ne nous soucierions pas de nos erreurs. Or, puisque toute connaissance débute avec l’expérience, même si elle ne se réduit pas à elle, la réflexion sur l’erreur doit comporter deux types d’interrogations: à quelles conditions la connaissance sensible – ou perception – est-elle fiable? à quelles conditions le savoir scientifique – expérimental et théorique – est-il, lui aussi, testable et fiable?
Le lieu privilégié de l’erreur est la science. L’erreur n’est pas dans l’activité scientifique un accident que plus d’attention ou de soin permettrait d’éliminer. Elle est première et la vérité dans la science est toujours «erreur rectifiée», selon Gaston Bachelard.
1. L’erreur dans la connaissance ordinaire
Les philosophes de l’Antiquité ont poussé aussi loin qu’il est possible la critique de la connaissance sensible, celle que nous acquérons par les sens ou perception. Montaigne, dans les Essais (livre II, chap. XII), en a brossé un tableau qui, aujourd’hui encore, n’a pas été dépassé: «Que les choses ne logent pas chez nous en leur forme et en leur essence, et n’y fassent leur entrée de leur propre force et autorité, nous le voyons assez: parce que, s’il était ainsi, nous les recevrions de même façon; le vin serait tel en la bouche du malade qu’en la bouche du sain.» Bien plus, «si de notre part nous recevions quelque chose sans altération, si les prises humaines étaient assez capables et fermes pour saisir la vérité par nos propres moyens, ces moyens étant communs à tous les hommes, cette vérité se rejetterait de main en main de l’un à l’autre». En un mot, comment nous assurer que les sens nous peignent les choses comme elles sont et que les impressions ne varient que faiblement d’un homme à l’autre? Les exigences de la vie en société donnent d’ailleurs plus de poids à la seconde question qu’à la première. Épicure et Lucrèce insistaient sur le fait qu’il fallait se tenir fermement au témoignage de la perception, «car, dit Lucrèce, ce n’est pas seulement notre raison qui s’écroulerait, mais notre vie même qui périrait, si, perdant confiance en nos sens, nous n’évitions pas les précipices et autres dangers du même ordre qu’il faut fuir». Mais peut-on aller plus loin qu’un acte de foi et dire à quelles conditions la perception est ou non fiable? On ne peut pas exhiber de preuves directes de la similitude foncière de ce que voient deux individus, Pierre et Paul. Mais on en a de fortes présomptions indirectes: si, à la chasse, ils abattent du gibier, on ne doute pas qu’ils voient et visent; si, descendant une piste à skis, ils font un parcours sans faute, c’est qu’ils auront vu les bosses, les dénivellations, les plaques de glace, etc., car, par expérience, on sait que, s’ils n’avaient pas capté ces signaux, ils seraient tombés.
En revanche, on sait bien que les impressions de plaisir ou de douleur sont variables de l’un à l’autre, et que, d’une manière générale, la vision, dans bien des langues et dans bien des cultures, sert de modèle à la connaissance. Platon l’exprime ainsi: «N’as-tu pas remarqué que l’ouvrier de nos sens s’est mis beaucoup plus en peine pour la faculté de voir et d’être vu que pour les autres?»
Quel remède proposer pour limiter les erreurs des sens? «Les mêmes objets paraissent brisés ou droits, selon qu’on les regarde dans l’eau ou hors de l’eau, concaves ou convexes selon une autre illusion visuelle produite par les couleurs, et il est évident que tout cela jette le trouble dans notre âme», note Platon (République , X, 602 c-d). Nous avons beau savoir que le bâton est droit, l’apparence demeure. «Contre cette illusion n’a-t-on pas découvert de très beaux remèdes dans la mesure, le calcul et la pesée?» Cette recommandation antique et de bon sens, nous la retrouvons, sous une forme plus théorique et plus systématique, chez les créateurs de la science moderne, quand, par exemple, Galilée donne ce conseil: «Mesure ce qui est mesurable, et, ce qui ne l’est pas, efforce-toi de le rendre mesurable.» La science, en effet, n’apparaît pas comme un prolongement de la perception, mais comme une rupture avec elle. Elle ne se rapporte pas à l’expérience vécue, mais à une expérience construite.
2. L’erreur en mathématiques
L’idée de présenter les théories d’une manière axiomatique date des Grecs, et les Éléments d’Euclide ont constitué à cet égard un modèle pendant plus de deux millénaires. En fait, on s’est aperçu, au cours des siècles, que les figures jouaient un rôle équivoque dans certaines démonstrations, et on s’est efforcé de dissocier les représentations empiriques attachées aux notions de «point», de «droite», de «plan », etc., des idées et des relations auxquelles ces termes étaient associés. Ainsi s’est constituée, depuis un siècle environ, une présentation formalisée de certaines théories mathématiques: géométrie élémentaire, arithmétique, probabilités, etc.
Descartes exprime ainsi la conviction qui, au fond, a prévalu pendant des siècles parmi les mathématiciens: «La déduction, ou la simple inférence d’une chose à partir d’une autre [...], ne saurait être mal faite même par l’entendement le moins capable de raisonner» (Règles pour la direction de l’esprit , II). En un mot, l’erreur ne pouvait pas résulter du travail de la raison proprement dite, mais, par exemple, du mélange indu de la sensibilité et de l’entendement, de la confusion entre voir et concevoir. Telle était l’idée qu’on se faisait de l’erreur en mathématiques, autant qu’on le sache, du temps d’Euclide. Une «fausse démonstration» illustrera cette thèse: soit à prouver qu’un angle droit est égal à un angle obtus.
On prend un rectangle ABCD. Par C, on mène CE = CB, qui fait avec CB un angle quelconque. On mène AE, et on élève les médiatrices de AB et de AE qui se coupent en I. Du point I, on mène IA, IB et IE. Considérons les deux triangles ICE et ICB. Ils ont leurs trois côtés égaux (IA = IB = IE, puisque I est le point de concours des médiatrices de AB et de AE). Donc l’angle ICB = ICE. Or (fig. 1) ces deux angles ont une partie commune: ICD. Donc, quand on soustrait de deux angles égaux un même angle, les restes sont égaux et on a bien: DCB = DCE, c’est-à-dire qu’un angle droit est égal à un angle obtus.
L’erreur s’introduit au moment où l’on dit: «ces deux angles, ICB et ICE, ont une partie commune»; ce que l’on voit, mais qui est inconcevable. Dans le triangle ABE, en effet, la médiatrice de BE passe par C, puisque BCE est isocèle par construction; de ce fait, les deux triangles ICB et ICE sont bien égaux, mais ils sont symétriques par rapport à la droite CI, dont l’angle ICD ne peut être une partie commune aux angles ICD et ICE (fig. 2).
Quand, en géométrie d’abord, puis dans d’autres domaines, on s’est demandé si les axiomes d’un système étaient ou non compatibles entre eux, il a fallu imaginer des démonstrations d’un autre genre: elles ne visent pas à établir de nouvelles propriétés des objets mathématiques, mais à démontrer qu’une théorie est consistante, c’est-à-dire qu’à partir de ses axiomes et de ses notions primitives on ne déduit pas des propositions contradictoires.
Ces preuves de consistance, à leur tour, sont de deux ordres, indirectes ou directes. Une preuve indirecte de la consistance d’une théorie s’obtient en traduisant les axiomes et les termes primitifs de cette théorie en des propositions valides et en des termes bien formés d’une théorie dont on ne met pas en doute la consistance. Ainsi, si l’on suppose valide la géométrie d’Euclide, et qu’on puisse mettre en langage euclidien les axiomes de la géométrie de Riemann ou de celle de Lobatchevski, alors on établit aussi du même coup, indirectement, leur consistance.
Dans cette perspective, la vérité se confond avec la non-contradiction et l’erreur avec l’inconsistance. On s’est donc demandé si toutes les mathématiques ne pouvaient pas être reconstruites à partir de bases logiques, dont les signes et les règles seraient exhaustivement énoncés et dénombrés. L’entreprise a été tentée, notamment par Russell et Whitehead dans leur Principia mathematica : plus tard, dans les années 1930, Gödel et d’autres mathématiciens ou logiciens devaient démontrer que cette ambition se heurtait à des limites, même pour des théories telles que l’arithmétique des entiers naturels.
De ces travaux essentiels, il est resté un souci accru, par rapport au XIXe siècle, de rigueur axiomatique et même formelle, mais aussi la constatation qu’il n’y avait pas une sorte de cour suprême, la Logique, à laquelle tous les énoncés douteux devaient être soumis, et qui avait le moyen de trancher tous les cas au moyen de règles formelles, connues de tous. La rigueur ne relève pas d’un étalon logique intemporel et indépassable; elle a, elle aussi, une histoire; elle s’affine et hausse ses exigences au cours du temps.
3. L’erreur dans les théories physiques
Très schématiquement, on attribue deux objets aux théories physiques: expliquer la réalité ou représenter les phénomènes, c’est-à-dire des effets observables. Pour Pierre Duhem, au début du XXe siècle, «une théorie physique n’est pas une explication. C’est un système de propositions mathématiques, déduites d’un petit nombre de principes, qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement que possible, un ensemble de lois expérimentales» (La Théorie physique , chap. II).
Dans cette optique, «une théorie vraie , ce n’est pas une théorie qui donne, des apparences physiques, une explication conforme à la réalité; c’est une théorie qui représente de façon satisfaisante un ensemble de lois expérimentales». Ces dernières ne portent pas sur la nature ou sur les causes des phénomènes, mais sur leurs effets observables ou, mieux, reproductibles grâce à l’expérimentation. Cette manière de voir s’inscrit dans une tradition, qu’on appelle le positivisme. Ainsi, en 1811, Joseph Fourier, admiré par Auguste Comte, écrit, sans se préoccuper de la nature de la chaleur, que ses effets «sont assujettis à des lois mathématiques que l’on ne peut découvrir sans le secours de l’analyse mathématique».
De la même façon, «une théorie fausse , reprend Duhem, ce n’est pas une tentative d’explication fondée sur des suppositions contraires à la réalité; c’est un ensemble de propositions qui ne concordent pas avec les lois expérimentales» (La Théorie physique , chap. II).
À la lumière de cette définition, la fausseté d’une théorie peut avoir plusieurs causes: le choix des grandeurs physiques à prendre en compte n’a pas été judicieux; celui des hypothèses qui expriment la forme mathématique des relations entre variables n’a pas été pertinent; on a commis des fautes dans «le développement mathématique de la théorie»; enfin, la mise en œuvre des expériences destinées à tester les conjectures a été défaillante. Comme on le voit, on ne compare jamais terme à terme ou pièce à pièce théorie et expérience ; la correspondance est globale. En même temps, ce qui confère à des hypothèses leur caractère scientifique, c’est le fait d’être testables, c’est-à-dire confirmables et plus encore réfutables par l’expérience. Une hypothèse qui résiste à ces mises à l’épreuve ne sera pas pour autant vraie ; mais elle sera satisfaisante.
Einstein distingue les «théories constructives» et les «théories de principe». Les premières, comme le suggère leur nom, tendent à construire une représentation du réel observable; les secondes, plus ambitieuses dans leur visée, prennent pour hypothèses fondamentales des «axiomes» – «principes généraux formels» à partir desquels on retrouve, par déduction, des lois physiques et des éventualités testables par observation ou expérimentation. Ici, la théorie doit satisfaire deux types d’exigences: celle de l’épreuve de l’expérience, ou «validité externe», et celle de la «perfection interne».
Alors que, dans la perspective positiviste, le critère de la réfutabilité par l’expérience est le signe essentiel de l’erreur, dans l’optique d’Einstein, une théorie peut s’accorder à l’ensemble des phénomènes connus dans un domaine, sans pour autant présenter les caractères de limpidité ou de rigueur qui sont les signes de «perfection interne».
Il est clair que l’idée de perfection intrinsèque d’une théorie n’est pas simple à saisir et qu’elle est plus difficile encore à prendre comme critère de vérité ou d’erreur, bien que, sur ce point, les hommes de science puissent avoir, à une époque donnée, un sentiment concordant. Le sens de l’exigence einsteinienne est différent: c’est l’idéal – qui n’a pas été réalisé jusqu’ici et dont la possibilité même est mise en doute – d’une vision unitaire et scientifique à la fois du monde. Bien des débats sur la mécanique quantique, depuis 1925, portent sur ce thème: est-il concevable que nous puissions nous faire une représentation scientifique, testable par expérience, d’une réalité qui serait indépendante des interventions expérimentales auxquelles nous procédons pour la décrire? Si l’on répond par la négative, comme beaucoup de physiciens le font, les termes de «vérité» et d’«erreur» ne doivent pas s’entendre en un sens absolu, mais relativement à des procédures de validation externe, ou, comme les nomme Karl Popper, de «réfutabilité». Est fausse une conjecture qui a été réfutée par l’expérience.
Mais il faut bien voir, comme Pierre Duhem l’a montré, que la science procède par approximations successives, de sorte que la théorie «réfutée» n’est jamais perdue corps et biens: des résultats expérimentaux, des lois empiriques, des équations, des concepts peuvent être repris dans la nouvelle théorie, à titre de cas particuliers ou d’approximations.
On nomme, actuellement, «révolutions scientifiques» ces refontes, ces remaniements profonds des hypothèses, des concepts, et des visions du monde qui se produisent dans les sciences. Cette idée de révolution scientifique apparaît dès le XVIIIe siècle; Lavoisier y fait allusion; au milieu du XIXe siècle, Antoine Augustin Cournot en élabore la première théorie épistémologique; mais c’est le livre de Thomas Kuhn, Structures des révolutions scientifiques , qui, en 1960, a mis cette question de nouveau en lumière. Dès lors, le problème de l’erreur dans les sciences doit être examiné à l’intérieur d’une histoire récurrente des sciences.
Gaston Bachelard, dans une analyse de la notion de masse, a montré comment chacun des concepts auxquels nous recourons pour penser le monde avait un «profil épistémologique», c’est-à-dire résultait de la présence simultanée en nous, selon des proportions variables, de concepts qui étaient d’âge et de formation distincts et se trouvaient pourtant désignés par le même nom. Dès lors, l’erreur naît de cette cohabitation inaperçue entre des idées disparates qui, sous un même terme, n’ont ni le même statut théorique ni la même fonction pratique. Ainsi la masse peut être objet de désir et symbole de richesse, résultat de l’opération de pesée, terme dans l’équation fondamentale de la dynamique classique: face="EU Arrow" づ = m . ゔ, enfin masse de la physique relativiste. Or, si nous psychanalysons notre idée de masse, nous y retrouverons ces éléments mêlés parfois indûment.
Pour éviter ce piège dans lequel nous tombons d’abord, il faut que notre description du monde, notre «phénoménologie», soit reprise et remplacée par une reconstruction à la fois théorique et technique, de sorte que soient mises exactement au jour les opérations symboliques, mathématiques et expérimentales au moyen desquelles nous cherchons à reconstituer, en laboratoire, l’équivalent des processus de la nature. Si une telle reconstitution se révèle possible, le «phénoménotechnique» se substitue au «phénoménologique»; et l’on agit plus aisément sur la production des phénomènes et sur les conditions de l’expérience. Mais ce n’est pas toujours réalisable, quand l’objet en question est un vivant, ou encore l’univers pris comme un tout. En un mot, reproduire des phénomènes et les tester par expérience et, par là, mettre à l’épreuve des hypothèses ou des conjectures n’est une opération ni simple ni même toujours réalisable à une époque donnée. Pourtant, on convient de réserver le nom d’hypothèses ou de propositions scientifiques aux conjectures qui présentent ce caractère de testabilité, et qui donc sont confirmables et réfutables par expérience.
La physique moderne étant une physique mathématique, il convient aussi de se demander: pourquoi connaître la nature mathématiquement est-il plus fondé que de la décrire poétiquement, par exemple? Pour la grande tradition rationaliste qui, de Pythagore jusqu’à nous, en passant par Thalès, Platon, Archimède, Ptolémée, Copernic, Galilée, Newton et tant d’autres, jalonne les progrès des sciences, la réponse, schématiquement, est la suivante: les mathématiques tirent leur place dominante du fait même que Dieu a créé ou ordonné le monde «selon le nombre, le poids et la mesure».
Cette conception, dans l’histoire des idées, n’a pas toujours fait l’unanimité et, près de nous, Nietzsche a proclamé hautement qu’il s’agissait là d’une falsification radicale du réel, d’une erreur qui est efficace, certes, mais qui altère et dénature la vie et la création.
Quoi qu’il en soit, notre physique est mathématique, mais nous ne savons pas exactement si ce n’est là qu’un instrument efficace de prédiction et de puissance technologique ou une peinture fidèle de l’ordre réel de l’univers. En d’autres termes, comme se le demande Georges Canguilhem, à la suite de Husserl: «Les succès de la science moderne rendent-ils impensable une résurrection du scepticisme?» La rationalité logique, mathématique et expérimentale inspire toute l’entreprise scientifique, mais elle n’y parvient qu’en acceptant une rupture entre la perception et la science, entre le sentiment d’être un vivant et la connaissance de la vie, entre l’histoire vécue et les sciences sociales.
À l’époque néolithique, observe Claude Lévi-Strauss, nos ancêtres ont créé l’agriculture, sélectionné des espèces, maîtrisé le milieu environnant en observant les qualités sensibles des objets et des êtres; la stratégie de la science est tout autre: elle privilégie le nombre et la mesure; et, au sens cyclique des saisons et des âges, se substitue un temps homogène, linéaire et irréversible. De même, ce que les physiciens nomment «force» n’a plus rien à voir avec la force de l’homme ou des animaux.
Ce choix stratégique d’une mathématisation de l’expérience et de la nature a eu d’immenses conséquences et une prodigieuse efficacité: il est l’une des causes du développement industriel, des découvertes biologiques et médicales, de la transformation des sociétés humaines. Il a aussi donné, par l’arme nucléaire, la possibilité à l’homme de détruire l’homme. Isoler le rôle des sciences dans ce processus d’ensemble est bien difficile.
Quoi qu’il en soit, on a expliqué de deux manières la place des mathématiques dans les sciences: ou bien, sur les pas de Platon, en supposant que leurs structures et leur ordre reflètent les structures et l’ordre de l’univers; ou bien en disant seulement que les mathématiques permettent de rendre plus compactes et plus simples des relations empiriquement constatées entre phénomènes. Dans le premier cas, recourir aux mathématiques, c’est s’approcher de la réalité et donc de la vérité; dans le second, c’est aller seulement au plus utile et au plus efficace. Selon que l’on adopte l’une ou l’autre de ces deux perspectives, la notion d’«erreur» a un sens différent: dans le premier cas, l’erreur peut être soit structurelle, soit empirique; dans le second, puisque la structure mathématique des théories ne fournit pas une image d’un ordre réel et objectif, le seul critère de l’acceptation ou du rejet d’une théorie, c’est la validation ou la réfutation par l’expérience.
Malheureusement, il n’y a pas de procédure expérimentale pour juger si une théorie physique est structurellement vraie, ou conforme à la réalité. On voit pourquoi: on ne teste jamais directement les axiomes ou les principes d’une théorie, mais seulement des conséquences qu’on en a tirées et déduites. Or, l’histoire des sciences le montre, deux théories dont la structure abstraite est différente peuvent également s’accorder, pendant un temps, aux données de l’expérience. Tel a été le cas, provisoirement, pour la représentation du système solaire par Ptolémée et par Copernic. En un mot, l’expérience ne suffit pas pour départager les théories, même si elle suffit, dans un certain nombre de cas, pour réfuter une théorie. Le sentiment de la «perfection interne» d’une théorie intervient aussi dans le crédit qu’on lui fait, ou dans la comparaison entre diverses explications d’un ordre de phénomènes.
Le constat d’un écart entre expérience et théorie est susceptible de deux interprétations entre lesquelles l’expérience seule ne permet pas de choisir: ou bien l’hypothèse est fausse ou bien l’expérience a été mal faite.
Un exemple ancien mais frappant illustrera ce propos. Au XVIIe siècle, on se demande si la vitesse de la lumière est finie ou infinie. Descartes répond: la propagation de la lumière est instantanée, et la preuve en est que les éclipses de Lune sont aperçues à l’instant même où, du point de vue astronomique, elles se produisent (lettre à Mersenne du 11 octobre 1638). Huygens applique le même raisonnement aux éclipses des satellites de Jupiter, observées par Römer, et, dans le Traité de la lumière , il établit que la lumière se propage avec une vitesse finie et que l’idée de Descartes, excellente en son principe, était mauvaise dans sa réalisation, car la Lune est trop proche de la Terre pour qu’un écart de temps entre l’éclipse physique et l’éclipse observée fût notable.
En ce sens la nature, c’est-à-dire l’expérience, ne répond pas sans ambiguïté aux questions qu’on lui pose.
C’est pourquoi, en épistémologie, on recourt assez peu aujourd’hui aux notions philosophiques d’erreur ou de vérité, au profit de concepts opératoires plus techniques, comme celui de confirmation ou d’infirmation d’un énoncé par des expériences. Ainsi entendue, l’erreur devient l’infirmation par l’expérience d’un énoncé ayant la forme d’une loi et, dans les disciplines majeures, les conditions de la confirmation et de l’infirmation sont précisées minutieusement.
4. Erreur, probabilité des causes, histoire
On a implicitement admis, dans ce qui précède, que, pour mettre en évidence l’éventuelle fausseté d’une hypothèse scientifique, on pouvait reproduire l’expérience et en contrôler les paramètres.
Le plus souvent, les conditions dans lesquelles s’effectue la recherche de la vérité sont tout autres: un événement – un accident ou une maladie, par exemple – se sont produits et l’on se propose d’en déterminer les causes. L’erreur, dans ce cas, a un double aspect, théorique et pratique.
Considérons l’établissement d’un diagnostic: un premier examen fait apparaître divers symptômes; ces derniers, la plupart du temps, ne désignent pas d’une manière univoque telle maladie définie; ils sont associés à plusieurs affections, d’une manière inégalement probable. Le problème du diagnostic sera, par des examens complémentaires, de tester les diverses hypothèses et, dans la mesure du possible, de conférer à l’une d’elles sinon le statut de «vérité», du moins un très haut degré de probabilité. Or, on le sait, il y a des cas où il faut traiter sans avoir résolu avec certitude la question de la cause.
De même, quand on reconstitue les circonstances d’un accident sur la base de traces et de témoignages, on se heurte à une difficulté du même ordre: comme on ne peut pas reproduire le passé, on ne remonte qu’à des causes probables, d’autant plus qu’une même trace ou effet – la déformation d’une pièce métallique, par exemple – peut résulter de processus différents.
Comme le notait A. A. Cournot, «la raison est plus apte à connaître scientifiquement l’avenir que le passé». Cet apparent paradoxe vient de ce que, dans les sciences, il est plus malaisé, en général, de remonter des effets aux causes que de prévoir des effets, quand on connaît des lois régissant les phénomènes et leurs conditions initiales. Lorsqu’un énoncé concerne le passé, on ne le confronte jamais, par définition, à ce qui a eu lieu, mais à ce qui subsiste aujourd’hui encore de ce passé: documents, vestiges, monuments, témoignages, souvenirs. Il s’ensuit que l’erreur n’a pas le même statut dans les sciences et en histoire, dans la mesure où les prises de l’homme sur le passé et sur l’histoire sont plus incertaines que celles qu’il peut avoir sur des expériences qu’il est en mesure de reproduire.
5. Conception épistémologique de l’erreur
L’erreur est plus facile à cerner que la vérité, car elle porte sur des écarts finis, sur des différences, sur des états successifs d’une science ou sur les approches d’un même problème; en revanche, la conception scolastique de la vérité comme «accord de la pensée et du réel», prise au pied de la lettre, impliquerait la comparaison de notre savoir actuel avec un réel qui, justement, n’est pas accessible d’un seul vol et absolument. Nous avons besoin, pour le saisir, de ces vues provisoires et précaires que la science nous fournit. Nous pouvons regarder l’évolution des théories, ou comparer entre elles celles qui se rapportent à un même domaine et juger que l’une est plus simple, plus puissante, et plus satisfaisante que l’autre. Il n’est pas nécessaire, pour porter de tels jugements, de disposer d’une norme idéale du vrai ni de rêver d’une science achevée et parfaite. En un mot, une théorie épistémologique et différentielle de l’erreur n’a nul besoin, pour être opératoire, d’une conception métaphysique et intégrale de la vérité. Il est toutefois exact que, lorsque nous rectifions nos erreurs, nous ne savons pas de combien nous nous rapprochons, par là même, de la vérité.
erreur [ erɶr ] n. f.
• 1160; lat. error, de errare, fig. → errer
I ♦
1 ♦ Acte de l'esprit qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement; jugements, faits psychiques qui en résultent. ⇒ égarement, faute. Erreur choquante, grossière, commise par ignorance. ⇒ ânerie, bêtise, bourde; fam. connerie. C'est une erreur, vous êtes mal informé. Erreur par laquelle on confond plusieurs choses, plusieurs personnes. ⇒ confusion, malentendu, méprise, quiproquo. Erreur de jugement, de raisonnement. ⇒ aberration, absurdité, non-sens. Erreur d'estimation, d'appréciation. Erreur des sens, d'interprétation de la perception. ⇒ illusion. « À toute erreur des sens correspondent d'étranges fleurs de la raison » (Aragon). L'homme est sujet à l'erreur, à se tromper (« Errare humanum est »). Faire, commettre une erreur. ⇒ s'abuser, se méprendre, se tromper; (cf. Se mettre le doigt dans l'œil, prendre des vessies pour des lanternes). Éviter une erreur. — C'est une erreur de croire, que de croire cela. Vous croyez cela : grave erreur, profonde erreur. « C'est une grande erreur de spéculer sur la sottise des sots » ( Valéry).
♢ FAIRE ERREUR : se tromper. Vous faites erreur.
♢ IL Y A ERREUR. Il y a erreur sur la personne, sur la date, sur le prix. Fam. (Il n'y a) pas d'erreur : c'est bien cela.
♢ PAR ERREUR. Faire, dire qqch. par erreur (cf. Par inadvertance, par mégarde). Ce colis vous a été envoyé par erreur. Être condamné par erreur, à la suite d'une erreur judiciaire.
2 ♦ État d'un esprit qui prend pour vrai ce qui est faux, et inversement. ⇒ aberration, aveuglement. Être, tomber dans l'erreur. Induire qqn en erreur. ⇒ fourvoyer, tromper. « les ténèbres de l'ignorance valent mieux que la fausse lumière de l'erreur » (Rousseau).
3 ♦ Ce qui, dans ce qui est perçu ou transmis comme étant vrai (apparences, connaissances), est jugé comme faux par celui qui parle. ⇒ fausseté, illusion. Erreur ayant l'apparence de la vérité. ⇒ sophisme. Toute cette théorie n'est qu'erreur, est entachée d'erreur (⇒ erroné, 1. faux) . « Nul doute : l'erreur est la règle; la vérité est l'accident de l'erreur » (Duhamel).
4 ♦ Assertion, opinion fausse. ⇒ contrevérité, fausseté. Erreur commune, courante, fréquente. Erreur très répandue. Il est revenu de bien des erreurs. ⇒ préjugé. « Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà » ( Pascal).
5 ♦ Absolt L'erreur. Conviction, doctrine qui s'écarte d'un dogme, au regard de ceux qui le défendent. Erreur en matière de convictions religieuses, de foi (⇒ hérésie) . Persistance dans l'erreur (⇒ impénitence) . Vivre dans l'erreur.
6 ♦ Action regrettable, maladroite, déraisonnable. ⇒ faute. Il a commis une grossière erreur en négligeant de l'inviter. ⇒ bévue, étourderie, 2. gaffe, impair, inadvertance, maladresse. Erreur de savoir-vivre. Erreur de tactique. Erreur qui provoque des incidents. ⇒ bavure. — Spécialt Écart de conduite; action blâmable (et jugée comme telle par celui qui l'a commise). ⇒ dérèglement, 1. écart, égarement, errements, extravagance. Erreurs de jeunesse. « si la Légion est un refuge, c'est à la condition de racheter les erreurs du passé [...] pour ceux qui, naturellement, ont un passé chargé d'erreurs » (Mac Orlan).
II ♦ (Sens objectif)
1 ♦ Chose fausse, erronée, action non prévue par rapport à une norme (différence par rapport à un modèle ou au réel). ⇒ faute, inexactitude. Exposé, article plein d'erreurs. Erreur de référence. Corriger une erreur (⇒ contrôleur, réviseur) . Liste d'erreurs (⇒ errata) . Erreur dans une traduction, une interprétation. ⇒ contresens, non-sens. Erreur de date, de temps (⇒ anachronisme) . Erreur dans un compte. ⇒ mécompte. Sauf erreur ou omission : formule que l'on met au bas des comptes courants et qui réserve le droit du possesseur du compte à le vérifier. Erreur de calcul : inexactitude dans un calcul. Erreur dans la distribution des cartes. ⇒ maldonne. Faire une erreur en composant un numéro de téléphone. Raccrochez, c'est une erreur. Erreur de manœuvre (d'un véhicule, d'une machine).
2 ♦ Math., phys. Écart entre la valeur exacte d'une grandeur et sa valeur calculée ou mesurée. Erreur absolue, majorant de la valeur absolue de cet écart. Erreur relative : rapport de l'erreur absolue à la valeur de la mesure. Erreur systématique, due à la méthode ou à l'instrument de mesure. Erreur accidentelle, dépendant de l'exécution de la mesure et se produisant de manière aléatoire. Erreur d'une approximation : différence (notée a-x) entre un réel x et la valeur approchée de sa mesure a.
♢ Automat. Signal d'erreur : différence existant, dans une chaîne d'asservissement, entre le signal de consigne et le signal de retour.
♢ Inform. Erreur de transmission : modification accidentelle d'un bit ou groupe de bits au cours d'une transmission numérique.
♢ Psychol. Erreurs individuelles d'observation (cf. Équation personnelle).
♢ Dr. ⇒ vice. L'erreur, vice de consentement. Nullité d'un acte juridique entaché d'erreur. Erreur de fait, portant sur une circonstance matérielle. Erreur de droit, portant sur l'existence ou l'interprétation d'une règle juridique. Erreur sur la substance, qui porte sur les qualités déterminantes de l'objet du contrat. — Cour. Erreur judiciaire : condamnation civile ou pénale injustement prononcée.
⊗ CONTR. Justesse, lucidité, perspicacité. Certitude, exactitude, réalité, vérité.
● erreur nom féminin (latin error, -oris) Acte de se tromper, d'adopter ou d'exposer une opinion non conforme à la vérité, de tenir pour vrai ce qui est faux : Commettre une erreur. État d'un esprit qui se trompe, qui prend le faux pour le vrai : Persister dans l'erreur. Chose fausse, erronée par rapport à la vérité, à une norme, à une règle : Une erreur d'addition. Acte, comportement inconsidéré, maladroit, regrettable ; faute : Des erreurs de jeunesse. Ce qui est jugé comme faux du point de vue du locuteur, opinion ou assertion fausse : Cette théorie est une erreur. Algèbre Différence Δa = a′ − a entre une évaluation a′ d'un nombre a et sa valeur exacte a. (On dit aussi erreur absolue.) Cybernétique Différence entre les valeurs des grandeurs d'entrée et de sortie d'un système asservi. (L'erreur est donc égale à l'écart en valeur absolue, et de signe contraire.) Droit Appréciation inexacte soit des qualités ou de l'existence d'un fait (erreur de fait), soit de l'interprétation ou de l'existence d'une règle de droit (erreur de droit). [C'est un vice du consentement d'un acte juridique. Il peut entraîner la nullité de l'acte.] Philosophie Selon Descartes, usage de la liberté humaine (ou libre arbitre) en dehors des limites de la raison, usage qui n'est possible que parce que l'homme est un être imparfait. ● erreur (citations) nom féminin (latin error, -oris) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Si on ne suppose pas que les hommes ont tous la même intelligence, et l'ont toute, il n'y a plus ni vérité ni erreur. Cahiers de Lorient Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 L'erreur de Descartes est de meilleure qualité que la vérité d'un pédant. Propos d'un Normand, tome IV Gallimard Henri Frédéric Amiel Genève 1821-Genève 1881 Une erreur est d'autant plus dangereuse qu'elle contient plus de vérité. Journal intime, 26 décembre 1852 Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 À toute erreur des sens correspondent d'étranges fleurs de raison. Le Paysan de Paris Gallimard Robert Brasillach Perpignan 1909-Montrouge 1945 La Justice, c'est six mille ans d'erreurs judiciaires. Lettre à un soldat de la classe 60 Les Sept Couleurs Georges Clemenceau Mouilleron-en-Pareds, Vendée, 1841-Paris 1929 Ce que nous dénommons vérité n'est qu'une élimination d'erreurs. Aux embuscades de la vie Fasquelle André Isaac, dit Pierre Dac Châlons-sur-Marne 1893-Paris 1975 Une erreur peut devenir exacte, selon que celui qui l'a commise s'est trompé ou non. L'Os à moelle Julliard Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Il arrive que l'erreur se trompe. Défense des lettres Mercure de France Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 L'erreur est la règle ; la vérité est l'accident de l'erreur. Le Notaire du Havre Mercure de France Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 « Le bien et le mal doivent leur origine à l'abus de quelques erreurs. » Capitale de la douleur, Joan Miró Gallimard Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 Les multiples erreurs donnent la main aux crimes. Dédicace sur Poèmes pour la paix, à André Breton Gallimard Bernard Le Bovier de Fontenelle Rouen 1657-Paris 1757 Le cœur est la source de toutes les erreurs dont nous avons besoin. Dialogues des morts Joseph Fouché, duc d'Otrante Le Pellerin, près de Nantes, 1759-Trieste 1820 Beaucoup se sont trompés, il y a peu de coupables. Mémoires Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 Il y a des esprits qui vont à l'erreur par toutes les vérités ; il en est de plus heureux qui vont aux grandes vérités par toutes les erreurs. Carnets Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont Montevideo 1846-Paris 1870 L'erreur est la légende douloureuse. Poésies, II Roger Martin du Gard Neuilly-sur-Seine, 1881-Sérigny, Orne, 1958 Quand la vérité est libre, et l'erreur aussi, ce n'est pas l'erreur qui triomphe. Jean Barois Gallimard Jean-Baptiste Massillon Hyères 1663-Beauregard-l'Évêque, Puy-de-Dôme, 1742 Académie française, 1719 La source de nos chagrins est d'ordinaire dans nos erreurs. Sermons, Sur le bonheur des justes Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures. L'Étourdi, IV, 3, Anselme Pierre Nicole Chartres 1625-Paris 1695 C'est encore un effet de la faiblesse des hommes que la lumière les aveugle souvent aussi bien que les ténèbres, et que la vérité les trompe aussi bien que l'erreur. Essais de morale, De la faiblesse de l'homme Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Plaisante justice, qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. Pensées, 294 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 L'erreur est plus entêtée que la foi et n'examine pas ses croyances. À la recherche du temps perdu, la Prisonnière Gallimard Raymond Queneau Le Havre 1903-Paris 1976 Toute action est déception, toute pensée implique erreur. Le Chiendent Gallimard Antoine Rivaroli, dit le Comte de Rivarol Bagnols-sur-Cèze 1753-Berlin 1801 D'idées vraies en idées vraies et de clartés en clartés, le raisonnement peut n'arriver qu'à l'erreur. Discours sur l'homme intellectuel et moral Jules Romains, pseudonyme littéraire devenu ensuite le nom légal de Louis Farigoule Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire, 1885-Paris 1972 Académie française, 1946 Une erreur n'est souvent qu'une vérité coupée en herbe. Lucienne Gallimard Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Il m'arrive de me demander si deux erreurs qui se combattent ne sont pas plus fécondes qu'une vérité qui régnât sans conteste. Pensées d'un biologiste Stock Claudine Alexandrine Guérin de Tencin Grenoble 1682-Paris 1749 La grande erreur des gens d'esprit est de ne croire jamais le monde assez bête. Cité par Nicolas de Chamfort dans Caractères et Anecdotes Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 Il n'y a peut-être point de vérité qui ne soit à quelque esprit faux matière d'erreur. Réflexions et Maximes François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Aime la vérité, mais pardonne à l'erreur. Discours en vers sur l'homme, De la liberté Sophocle Colone, près d'Athènes, entre 496 et 494 avant J.-C.-Athènes 406 avant J.-C. L'erreur est commune à tous les hommes. Antigone, 1023-1024 (traduction Masqueray) John Dryden Aldwinkle, Northamptonshire, 1631-Londres 1700 Les erreurs, comme des pailles, flottent à la surface. Celui qui veut chercher des perles doit plonger en profondeur. Errors, like straws, upon the surface flow. He who would search for pearls must dive below. All for love, Prologue Ernst Jünger Heidelberg 1895-Bade-Wurtemberg 1998 Une erreur ne devient une faute que lorsqu'on ne veut pas en démordre. Ein Irrtum wird dann erst zum Fehler, wenn man in ihm beharrt. Sur les falaises de marbre Joost Van den Vondel Cologne 1587-Amsterdam 1679 Qui donc est si parfait qu'il vive sans une erreur ? Joseph à Dothan, III Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wilde Dublin 1854-Paris 1900 L'expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs. Experience is the name everyone gives to their mistakes. L'Éventail de Lady Windermere ● erreur (difficultés) nom féminin (latin error, -oris) Sens Ne pas employer l'un pour l'autre ces deux mots séparés par une importante nuance de sens. 1. Errements n.m. plur. = manière d'agir habituelle ; manière d'agir considérée comme blâmable. Les errementsde l'Administration. Emploi littéraire et légèrement vieilli. 2. Erreur n.f. = fait de se tromper ; faute, méprise. ● erreur (expressions) nom féminin (latin error, -oris) Droit à l'erreur, droit de commettre des erreurs, sous réserve de les rectifier. Erreur de fait, erreur matérielle, erreur qui ne procède pas d'un jugement faux. Erreur des sens, illusion. Faire erreur, se tromper. Il y a erreur sur la personne, vous vous trompez sur l'identité de quelqu'un. Il n'y a pas d'erreur, c'est bien cela. Par erreur, en se trompant, par ignorance ou par étourderie. Sauf erreur, à moins que je ne me trompe. Pourcentage d'erreur, valeur égale à 100 ta %, où ta est le taux d'erreur de a. Taux d'erreur de a, quotient ta égal à Δa°a si a est non nul. (On dit aussi erreur relative.) Erreur commune, erreur partagée par les deux contractants et qui est créatrice de droit si les deux parties étaient de bonne foi. Erreur judiciaire, erreur de fait d'une juridiction portant sur la culpabilité d'une personne et entraînant sa condamnation. (La condamnation par erreur judiciaire peut faire l'objet d'un pourvoi en révision et entraîner le paiement de dommages et intérêts.) Fonction d'erreur, fonction définie comme intégrale de 0 à x de . [Elle est notée erf (x). On a erf (+ ∞) = + 1.] Erreur absolue, différence entre le résultat de la mesure d'une grandeur et la valeur exacte de cette grandeur, par opposition à l'erreur relative, rapport de l'erreur absolue à la valeur de la grandeur elle-même. Erreur de première espèce, en théorie de l'estimation, erreur commise lorsqu'on rejette l'hypothèse nulle alors que celle-ci est vraie, par opposition à l'erreur de seconde espèce, commise lorsqu'on ne rejette pas l'hypothèse nulle alors que celle-ci est fausse. ● erreur (synonymes) nom féminin (latin error, -oris) Acte de se tromper, d'adopter ou d'exposer une opinion non...
Synonymes :
- bévue
- méprise
État d'un esprit qui se trompe, qui prend le faux...
Synonymes :
Chose fausse, erronée par rapport à la vérité, à une...
Synonymes :
- faute
- mécompte
Acte, comportement inconsidéré, maladroit, regrettable ; faute
Synonymes :
- écart
- péché
Ce qui est jugé comme faux du point de vue...
Synonymes :
- déviation
- fausseté
- hérésie
- illusion
- préjugé
- sophisme
erreur
n. f.
d1./d Action de se tromper; faute, méprise. Faire une erreur de calcul, une erreur de date. Sauf erreur. Syn. (Acadie) trompe.
— Loc. Faire erreur: se tromper.
d2./d état de celui qui se trompe. être dans l'erreur. Tirer qqn de l'erreur.
|| Fausseté, partic. en matière de dogme religieux.
d3./d Ce qui est inexact (par rapport au réel ou à une norme définie).
|| PHILO Erreur des sens: illusion produite par les sens.
— Erreur de raisonnement, causée par l'équivoque, la généralisation hâtive.
|| PHYS Erreur de mesure d'une grandeur.
— Erreur absolue: différence entre la mesure d'une grandeur et sa valeur réelle.
— Erreur relative: rapport entre l'erreur absolue et la valeur réelle.
— Calcul d'erreurs: estimation de la limite supérieure des erreurs de mesure.
|| DR Erreur de droit, qui porte sur ce que la loi permet ou défend.
— Erreur de fait: appréciation inexacte d'un fait matériel ou ignorance de son existence.
— Erreur judiciaire: condamnation d'un innocent à la suite d'une erreur de fait.
d4./d Action inconsidérée, regrettable, maladroite. Il a commis une grossière erreur en me parlant sur ce ton.
⇒ERREUR, subst. fém.
I.— Vx ou littér. [P. réf. à errer « aller çà et là »]
A.— Action d'errer çà et là; parcours sinueux et imprévisible. Ce ruisseau sinueux a d'aimables erreurs (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t. 1, 1844-64, p. 27) :
• 1. Ici, du labyrinthe habilement tissu,
Dédale a retracé le piège inaperçu :
On le voit, d'Ariane écoutant la tendresse,
Lui-même en révéler l'insidieuse adresse;
Et, débrouillant l'erreur de ses mille chemins,
Du fil libérateur armer ses jeunes mains.
DELILLE, Énéide, 1804, p. 217.
♦ Les erreurs d'Ulysse. Les pérégrinations du héros grec sur le chemin du retour vers Ithaque retracées dans l'Odyssée. Il aimait les beaux voyages et, comme on dit d'Ulysse, les longues erreurs (...), il s'amusait à prendre le plus long (FRANCE, Rabelais, 1924, p. 26).
B.— Illusion, méprise. Tout est erreur ici bas. Pensers amoureux, imaginations vaines et douces (DELACROIX, Journal, 1849, p. 268).
II.— Cour. [P. réf. à errer « s'écarter, s'éloigner de la vérité »]
A.— Action, fait de se tromper, de tenir pour vrai ce qui est faux et inversement. Mais ils ne sont pas plus convaincus de mon erreur, que je ne suis convaincu qu'ils se trompent (GIDE, Feuillets, 1937, p. 1285) :
• 2. L'obstination de la dame d'honneur de la princesse de Parme à voir en moi un neveu de l'amiral Jurien de La Gravière avait en soi quelque chose de vulgairement risible. Mais l'erreur qu'elle commettait n'était que le type excessif et desséché de tant d'erreurs plus légères, mieux nuancées, involontaires ou voulues, qui accompagnent notre nom dans la « fiche » que le monde établit relativement à nous.
PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 498.
— Locutions
♦ Faire erreur. Se tromper. Je vous dis que vous faites erreur (DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 79).
♦ Il y a erreur (fam.). C'est une erreur, vous vous trompez. Il y a erreur, dit une voix. C'est Archambaud, l'ingénieur de l'usine (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 29).
♦ Il n'y a pas d'erreur. Indiscutablement, sans possibilité de se tromper. Pour ce qui est de ça, il n'y a pas d'erreur, c'est bien votre tour, oh là, là! (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 7, p. 77).
♦ Sauf erreur. Sauf si j'ai fait erreur. Grosso modo et sauf erreur, car je n'ai pas sous les yeux les règles d'ordres (HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 48).
♦ Convaincre qqn d'erreur. Lui donner la preuve irréfutable qu'il se trompe. Le peu d'extériorisation que tu donnes à tes résultats n'est pas fait pour les convaincre d'erreur (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1899, p. 358).
SYNT. Combattre, commettre, découvrir, démontrer, éviter, reconnaître, réparer une erreur; une erreur d'appréciation, de jugement, d'optique, de perspective; une erreur commune, complète, déplorable, fondamentale, grossière, profonde; être une cause, une source d'erreur; être sujet à l'erreur.
B.— État de celui qui se trompe. Supposons que nous soyons en erreur; cela peut être (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 205). Elle se décida sans balancer à confirmer Gérold dans son erreur (GENLIS, Chev. Cygne, t. 3, 1795, p. 96). Cette petite part de vérité que, sombrés à pic dans l'erreur, ils détenaient encore (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 43) :
• 3. ... je (...) demeurai persuadée que j'étais née à Madrid et que j'avais un an ou deux de plus que mon âge présumé. (...) je lus rapidement la correspondance de mon père avec ma grand'mère, et une lettre mal datée, intercalée mal à propos dans le recueil de 1803, me confirma dans mon erreur. Cette lettre, qu'on trouvera à sa place véritable, ne m'abusa plus, lorsqu'au moment de transcrire cette correspondance, je pus y porter un examen plus attentif.
SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 77.
SYNT. Être, tomber, s'entêter, persévérer dans l'erreur; tirer qqn de l'erreur.
— État de celui qui est trompé. Induire qqn en erreur. Tromper quelqu'un volontairement ou non. Les autres [amies] m'accusaient d'une profonde hypocrisie qui les avait induites en erreur (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1781). Même s'il était prouvé que ces deux ministres ont été induits en erreur (MAURIAC, Bâillon dén., 1945, p. 450).
C.— Faute commise en se trompant.
1. Assertion fausse, opinion qui s'écarte de la vérité généralement admise. Il est singulier qu'il faille lui [Montesquieu] tenir compte de n'avoir pas professé une erreur si grossière (DESTUTT DE TR., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 237). Y a-t-il pour chaque objet une forme idéale, hors de laquelle tout soit déviation ou erreur? (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 225) :
• 4. Mon bizarre visiteur s'écria avec une grande véhémence : « Erreur, monsieur! erreur, erreur absolue! Nous sommes, nous autres, plus loin du soleil en été qu'en hiver. »
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Homme de mars, 1889, p. 1182.
— Spéc. [En parlant du dogme d'une relig.] Erreur doctrinale. Cette erreur a été condamnée par l'Église (FRANCE, Orme, 1897, p. 75). La grande erreur du protestantisme, de prétendre limiter aux seuls évangiles la révélation (GIDE, Feuillets, 1918, p. 676).
♦ Faute commise, péché. Leur bec sublime (os sublime) n'est pas la moindre cause de l'erreur où tomba l'apôtre (FRANCE, Île ping., 1908, p. VIII) :
• 5. La couronne d'épine est énorme et cruelle
Sur le front inclinant sa pâleur fraternelle
Vers l'ignorance humaine et l'erreur du pécheur...
VERLAINE, Œuvres compl., t. 2, Amour, 1888, p. 26.
2. Chose fausse, erronée.
a) [L'erreur naît d'une transgression d'une règle gén. admise] Erreur de transcription, de référence. S'il s'était glissé quelques erreurs dans la narration d'Hermann! (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 6). Cela fourmillait d'erreurs (GIDE, Journal, 1902, p. 121) :
• 6. Même de jolies fautes de français, même d'adorables et rares, aussi bien, erreurs d'orthographe, mettaient un charme de plus dans ce courrier presque quotidien...
VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Confessions, 1895, p. 130.
— Spéc., DR. Vice du consentement qui rend le contrat annulable lorsqu'il porte sur des qualités substantielles.
♦ Erreur judiciaire. Condamnation pénale prononcée à tort. Nous sommes décidés, en effet, à ne point laisser douze braves gens commettre une abominable erreur judiciaire (G. LEROUX, Mystère ch. jaune, 1907, p. 124).
♦ Erreur de droit. Erreur portant sur l'existence ou sur l'interprétation d'une règle juridique. De plus, cette même possession est privée de « bonne foi », puisqu'elle a pour fondement une erreur de droit, et que l'erreur de droit empêche la prescription (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 200).
♦ Erreur de fait. ,,Erreur portant sur une circonstance matérielle`` (Lar. Lang. fr.).
♦ Erreur de personne, erreur sur la personne. Erreur consistant à confondre une personne avec une autre. Un ennui gêné descendait maintenant dans la pièce : il y avait erreur sur la personne (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 170).
b) [L'erreur naît d'une mauvaise mesure, d'une différence avec le réel] Erreur de date, de compte, de mesure. Il est impossible qu'il y ait une erreur en longitude de 10 minutes (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 71). Une simple erreur de date (H. BATAILLE, Maman Colibri, 1904, p. 31). Erreur n'est pas compte. Cf. J.-F. ROLLAND, Dict. mauv. lang., 1813, p. 60.
— Spécialement
♦ COMPTAB. Il retombait toujours dans leur erreur de calcul (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 366). C'est comme si je corrigeais une erreur dans un livre de compte (JANET, Obsess. et psychasth., 1903, p. 138).
Sauf erreur ou omission. Formule accompagnant un compte bancaire, un rapport, un procès-verbal, par laquelle on admet implicitement que le compte ou le texte peuvent comporter erreur ou omission involontaires :
• 7. Le procès-verbal permet à l'autorité de tutelle de contrôler la validité des délibérations, il doit être porté à la connaissance des conseillers municipaux qui conservent le droit d'en demander la rectification, s'il contenait une erreur ou une omission.
FONTENEAU, Conseil munic., 1965, p. 111.
♦ PHYS. Courbe d'erreur, erreurs individuelles d'observation.
Erreur absolue. Différence entre le résultat numérique d'une observation et la valeur réelle la plus probable. Le convaincre d'erreur absolue (RENAN, Drames philos., préf., 1888, p. 371).
Erreur relative. ,,Rapport de l'erreur absolue à la valeur de la grandeur elle-même`` (Lar. Lang. fr.).
Erreur systématique. Dans les sciences expérimentales, erreur due à la méthode suivie ou à l'instrument d'observation ou d'analyse utilisé. Résistance dynamométrique. — (...) elle peut être entachée d'une erreur systématique due à l'imperfection de la méthode ou de l'appareil employé (THIÉBAUT, Fabric. tissus, 1961, p. 79).
3. Action inconsidérée, contraire au bon sens, à la réflexion et imputable à l'ignorance ou à l'étourderie. Erreur de savoir-vivre, de bienséance, de tactique. Ce portrait de moi en gentleman revenu des erreurs de le jeunesse (FLAUB., Corresp., 1857, p. 227). La Bataille d'Anghiari par suite d'une erreur de préparation est vouée à une perte certaine (GILLE DE LA TOURETTE, L. de Vinci, 1932, p. 97). « Incident technique » et non « erreur de parcours » (VIALAR, Bon Dieu, 1953, p. 166) :
• 8. C'est la même erreur que l'on a commise au Louvre le jour où l'on a mis ensemble tous les Rembrandt, tous les Ruysdaël : on sort de ces cabinets avec une impression de dégoût et d'indigestion.
CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1910, p. 150.
• 9. Ce soir-là, mes hôtes m'expliquèrent que cette guerre était une erreur, que nous avions toutes raisons de nous entendre avec le nazisme, et qu'ils espéraient une paix de compromis avant la fin de 1940.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 21.
♦ Loc. adv. Par erreur. En se trompant par ignorance ou par étourderie. Que c'était au contraire comme si on avait par erreur laissé tomber quelques épis, quelques grains de blé, dans une prairie naturelle, qui auraient poussé (PÉGUY, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 686).
— Au plur. Dérèglements dans les mœurs. Dans le temps de ses erreurs, elle n'avait cessé d'adresser (...) une oraison à Notre-Dame (FRANCE, Vie littér., 1890, p. 268) :
• 10. À cette époque, la comtesse (...) expiait par des larmes de sang les fautes de sa vie passée (...) Peut-être ne connut-elle le prix de la vertu qu'au moment où elle recueillit la triste moisson semée par ses erreurs...
BALZAC, Gobseck, 1830, p. 427.
Prononc. et Orth. :[]. [RR] ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 2 1787, LAND. 1834, NOD. 1844, LITTRÉ, DG, PASSY 1914. [] ou [RR] ds BARBEAU-RODHE 1930 et WARN. 1968. [] ds DUB. (qui transcrit [e] fermé à l'initiale), Pt ROB. et Lar. Lang. fr. Cf. errer. Enq. : //. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin du Xe s. error « tromperie, imposture » (Passion de Clermont, éd. D'Arco Silvio Avalle, 365); 2. a) ca 1125 « action de se tromper » (Grant mal fist Adam, éd. H. Suchier, 15 f); b) ca 1200 « action regrettable » (Jourdain de Blaye, éd. P. Dembowski, 3864); ca 1355 plur. (BERSUIRE, f° 28 r° ds LITTRÉ : humaines erreurs); 3. a) ca 1200 « jugement, opinion, doctrine fausse » (Dialogue Grégoire, 10, 6 ds T.-L. : maistres d'error); b) 1549 dr. (EST.); c) 1585 « faute, inexactitude » (N. DU FAIL, Contes et discours d'Eutrapel, t. 2, p. 12 ds IGLF : erreur de calcul). Du lat. class. error, erroris « erreur, illusion, méprise, faute » lat. chrét. « doctrine fausse, hérésie ». Fréq. abs. littér. :6 626. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 12 647, b) 5 818; XXe s. : a) 7 166, b) 9 959. Bbg. JODOGNE (O.). Sur la doctrine de Vaugelas. Vie Lang. 1962, p. 521. — MARSAUD (M.). L'Impr. des timbres-poste. Banque Mots. 1974, n° 8, p. 201.
erreur [ɛʀœʀ] n. f.
ÉTYM. V. 1125; error, fin Xe; lat. error, de errare, fig. → Errer.
❖
———
1 (Une, des erreurs; l'erreur). Acte de l'esprit qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement; jugements, attitudes psychiques qui en résultent. ⇒ Errement, faute, fourvoiement. || Erreur choquante, grossière, commise par ignorance. ⇒ Ânerie, bêtise, bourde. || Erreur par laquelle on confond plusieurs choses, plusieurs personnes. ⇒ Bévue, confusion, malentendu, méprise, quiproquo. || La Comédie des erreurs, pièce de Shakespeare. || Erreur capitale, complète, totale. || Profonde erreur (→ Borne, cit. 5), grosse erreur (→ Conquérir, cit. 12). || Erreur extrême, pernicieuse (→ Attendre, cit. 92 et 107). || Erreur volontaire. ☑ L'homme est sujet à l'erreur, à se tromper (→ Apprécier, cit. 4). ⇒ Errare humanum est. || Faire, commettre une erreur. ⇒ Abuser (s'), égarer (s'), errer (I.), faillir, méprendre (se), tromper (se). || Revenir d'une erreur. ⇒ Désabuser (se). || Éviter une erreur, éviter l'erreur en ne portant pas de jugement (→ Caractère, cit. 20). || Erreur d'appréciation, d'estimation (⇒ Mésestimer), de jugement (⇒ Aberration; méjuger), de raisonnement. ⇒ Paralogisme, sophisme, vice (de raisonnement). || Erreur de goût, contre le goût (⇒ Défaut, faute, manquement). || Erreur de prononciation (⇒ Cuir), erreur qui fait dire un mot pour un autre (⇒ Lapsus). — C'est une erreur de croire, que de croire cela. || Vous croyez cela : grave erreur, profonde erreur. — Convaincre qqn d'erreur, lui prouver qu'il s'est trompé.
1 C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire.
La Fontaine, Fables, II, 13.
2 La grande erreur des gens d'esprit est de ne pas croire le monde aussi bête qu'il est.
Mme de Tencin, citée par Chamfort, Caractères et anecdotes.
3 Les erreurs de nos jugements produisent l'ardeur de tous nos désirs.
Rousseau, Émile, IV.
4 C'est une grande erreur de spéculer sur la sottise des sots (…)
Valéry, Rhumbs, p. 244 (→ Bâtir, cit. 36).
5 C'était une idée à laquelle il tenait : qu'il y a, fatalement, à la base de tout amour passionné, un malentendu, une illusion généreuse, une erreur de jugement : une conception fausse qu'on s'est faite l'un de l'autre et sans laquelle il ne serait pas possible de s'aimer aveuglément.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 45.
6 Nous commettons sans cesse, dans l'ordre de la pensée, des erreurs analogues à celle qui nous ferait prendre, dans l'ordre des sens, un homme normal pour un nain, parce que nous le voyons de loin.
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, p. 99.
6.1 Errare humanum est. L'erreur est essentielle à l'humanité, c'est un élément de progrès et de découverte; qui élimine l'erreur élimine la recherche, cette provocation à l'inconnu et l'inattendu, quelque chose d'étranger à qui nous fournissons le moyen d'intervenir.
Claudel, Journal, févr.-mars 1930.
♦ ☑ Loc. Faire erreur : se tromper. || Vous faites erreur. — ☑ Il y a erreur. || Il y a erreur sur la personne (→ fam. Gourance). ☑ Fam. Il n'y a pas (y a pas) d'erreur : c'est bien cela. — ☑ Sauf erreur : excepté si l'on se trompe (→ infra II., 2.). || Sauf erreur de ma (ta, sa, votre…) part.
♦ Erreurs des sens : erreurs d'interprétation des données des sens. ⇒ Illusion; apparence (fausse). → Courrier, cit. 2.
7 Quant à l'erreur et incertitude de l'opération des sens, chacun s'en peut fournir autant d'exemples qu'il lui plaira, tant les fautes et tromperies qu'ils nous font sont ordinaires.
Montaigne, Essais, II, XII.
8 Je ne veux plus me retenir des erreurs de mes doigts, des erreurs de mes yeux. Je sais maintenant qu'elles ne sont pas que des pièges grossiers, mais de curieux chemins vers un but que rien ne peut me révéler, qu'elles. À toute erreur des sens correspondent d'étranges fleurs de la raison.
Aragon, le Paysan de Paris, p. 13.
♦ Fig. || Les erreurs du cœur. || Les Erreurs amoureuses, recueil de poèmes de Pontus de Thiard.
9 Le cœur se trompe, comme l'esprit; ses erreurs ne sont pas moins funestes et l'on a plus de mal à s'en défaire à cause de la douleur qui s'y mêle.
France, le Petit Pierre, V, p. 26.
♦ ☑ Par erreur. || Faire qqch., dire qqch. par erreur. ⇒ Mégarde (par). || Il a été condamné par erreur, à la suite d'une erreur (II.) judiciaire.
2 (L'erreur : surtout dans des constructions avec dans, en, de…). État d'un esprit qui prend pour vrai ce qui est faux, et inversement (soit qu'il se trompe soit qu'il soit trompé). ⇒ Aberration, aveuglement (→ Aveugler, cit. 21). || Être dans l'erreur. || Donner, tomber dans l'erreur. || Être embourbé, enfoncé dans l'erreur. || Rester, persévérer dans l'erreur par préjugé, prévention, idée préconçue. || Pousser (cit. 25) l'erreur jusqu'au bout. || Induire en erreur. ⇒ Blouser, fourvoyer, séduire, tromper. || Laisser dans l'erreur. || Tirer qqn d'une erreur. ⇒ Détromper (→ Assez, cit. 39). || Sortir de l'erreur pour entrer dans le doute.
10 (…) l'erreur n'est pas une pure négation, c'est-à-dire n'est pas le simple défaut ou manquement de quelque perfection qui ne m'est point due, mais c'est une privation de quelque connaissance qu'il me semble que je devrais avoir.
Descartes, Méditations, IV, 4.
11 C'est trop vous tenir dans l'erreur; il faut lever le masque (…)
Molière, la Princesse d'Élide, V, 2.
12 Induire en erreur est mettre l'homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté.
Pascal, Pensées, XIII, 821.
13 L'erreur est la nuit des esprits et le piège de l'innocence.
Vauvenargues, Réflexions et maximes, 388.
14 (…) les ténèbres de l'ignorance valent mieux que la fausse lumière de l'erreur (…)
Rousseau, Lettre à Mgr de Beaumont.
15 L'erreur agite; la vérité repose.
Joseph Joubert, Pensées, XI, LXXIII.
16 Mieux vaut l'erreur que le doute, — pourvu qu'elle soit de bonne foi.
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 118.
3 (L'erreur; une erreur). Ce qui, dans ce qui est perçu ou transmis comme étant vrai (apparences, connaissances), est jugé comme faux par celui qui parle. ⇒ Fausseté, illusion, mensonge, songe. || Les attraits (cit. 7) de l'erreur. || Donner à l'erreur une apparence flatteuse, l'apparence de la vérité. ⇒ Sophisme (→ Colorer, cit. 9). || Auteurs qui répandent le mensonge et l'erreur (→ Charlatan, cit. 4). || Toute cette théorie n'est qu'erreur, est entachée d'erreur (⇒ Erroné, faux). || Tout n'est qu'erreur et mensonge. ⇒ Trompeur, vain, vanité. || C'est une erreur pour moi : je juge cela faux.
17 (…) l'homme (…) dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur; gloire et rebut de l'univers.
Pascal, Pensées, VII, 434 (→ Chaos, cit. 4).
18 (…) la grandeur est un songe, la joie une erreur (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche (→ Trompeur).
19 Ce monde est-il le vrai ? le nôtre est-il l'erreur ?
Ô possibles qui sont pour nous les impossibles !
Hugo, les Contemplations, III, XXX, II.
20 Ce qu'un système affirme, c'est sa part de vérité, ce qu'il nie, c'est sa part d'erreur.
Renan, l'Avenir de la science, in Œ. compl., t. III, p. 1085.
21 (…) ceux (les intellectuels) dont le métier est de chercher la vérité au milieu de l'erreur (…)
R. Rolland, Au-dessus de la mêlée, p. 12.
22 (…) que la vérité de l'un soit l'erreur de l'autre, quelle meilleure conclusion ? « Qu'est-ce que la vérité ? » dit Ponce-Pilate.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », VIII, p. 169.
23 Nul doute : l'erreur est la règle : la vérité est l'accident de l'erreur.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, I, p. 26.
24 L'erreur s'accompagne de certitude. L'erreur s'impose par l'évidence. Et tout ce qui se dit de la vérité, qu'on le dise de l'erreur : on ne se trompera pas davantage. Il n'y aurait pas d'erreur sans le sentiment même de l'évidence. Sans lui on ne s'arrêterait jamais à l'erreur.
Aragon, le Paysan de Paris, p. 9.
25 Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà.
Pascal, Pensées, V, 294 (→ Degré, cit. 9).
4 (Une, des erreurs). Assertion, opinion fausse (⇒ Contre-vérité, fausseté). || Erreur commune, courante, fréquente; erreur populaire. || Erreur ancienne, vieille comme le monde. || Erreur répandue, enracinée (→ Comment, cit. 12). || Avancer (cit. 9), soutenir une erreur. || Aimer, chérir, diviniser ses erreurs. || Combattre des erreurs. || Reconnaître, confesser, corriger, rectifier ses erreurs (→ Plébéien, cit. 7). || Il est revenu de bien des erreurs. ⇒ Préjugé. || Manuel, compendium (cit. 2) d'erreurs (→ Absurdité, cit. 3).
26 Il n'y a point de prescription contre la vérité : les erreurs pour être vieilles n'en sont pas meilleures.
Bayle, Nouvelles de la République des Lettres, mars 1684, Deux dissertations sur oracles païens.
27 Il y a des esprits qui vont à l'erreur par toutes les vérités; il en est de plus heureux qui vont aux grandes vérités par toutes les erreurs.
Joseph Joubert, Pensées, XI, LXVIII.
28 (…) propager une erreur qu'on sait mortelle pour la Société.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, I, p. 22.
5 Absolt. || L'erreur. Conviction, doctrine qui s'écarte d'un dogme, au regard de ceux qui le défendent. || Erreur en matière de convictions religieuses, de foi (⇒ Hérésie). || Tomber, vivre dans l'erreur, persister dans l'erreur (⇒ Impénitence). || Prédicateur qui combat l'erreur, triomphe de l'erreur. || Renier l'erreur (→ Abjurer, cit. 2). || Faire régner l'erreur (→ Arracher, cit. 10). || Défendre (cit. 8) l'erreur.
29 L'erreur et la nouveauté se faisaient entendre dans toutes les chaires (…)
Bossuet, Oraison funèbre de la reine d'Angleterre.
30 Ce Dieu, maître absolu de la terre et des cieux,
N'est point tel que l'erreur le figure à vos yeux.
Racine, Esther, III, 4.
31 Pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes, il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarant que tout le monde est dans l'erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu'elle sera toujours sur la terre.
Pascal, Pensées, IX, 618.
32 Si les hérétiques couverts, et qui, ne se séparant pas de l'Église, sont néanmoins dans l'erreur (…)
Pascal, Pensées, XIII, VIII.
6 (Une, des erreurs). Action regrettable, maladroite, déraisonnable. ⇒ Faute. || Il a commis une grossière erreur en négligeant de l'inviter, en se trompant d'adresse. ⇒ Étourderie, gaffe, impair, inadvertance, inattention, maladresse, manquement, oubli. || Erreur d'étiquette, de savoir-vivre. — Erreur de tactique. — Spécialt. Écart de conduite; action blâmable (et jugée comme telle par celui qui l'a commise). ⇒ Dérèglement, écart, égarement, errements (cit. 3), extravagance. || Erreurs de jeunesse. || Son mariage est une erreur. || Subir les conséquences d'une erreur passée. || Les erreurs d'une âme faible. ⇒ Défaillance, faiblesse. || L'erreur que l'amour, la passion lui a fait faire. || Pardonner les erreurs passées.
33 (…) un amour que je regardais plutôt comme une erreur de l'enfance (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XCVIII.
34 (…) réparer les erreurs de sa jeunesse (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CXXIV.
35 Dites-vous bien que si la Légion est un refuge, c'est à la condition de racheter les erreurs du passé (…) pour ceux qui, naturellement, ont un passé chargé d'erreurs.
P. Mac Orlan, la Bandera, VIII, p. 96.
♦ Spécialt. Faute, péché. || Se confesser de ses erreurs.
———
II (Sens objectif).
A Une, des erreurs.
1 Chose fausse, erronée par rapport à une norme (différence par rapport au modèle ou au réel). Faute, inexactitude. || Relever une erreur dans un texte, un passage, une citation, une référence. || Corriger, effacer, rectifier, redresser une erreur. || Correction des erreurs (→ Avis, cit. 31). || Erreur typographique, erreur d'impression (⇒ Bourdon, coquille, doublon, mastic). || Liste d'erreurs (⇒ Errata). || Erreur dans une traduction, une interprétation. ⇒ Contresens, faux-sens, non-sens. || Erreur de date, de temps. ⇒ Anachronisme (cit. 1), métachronisme. || Texte rempli, bourré d'erreurs, contenant de nombreuses erreurs. ⇒ Fautif. || Cette erreur est due au défaut d'attention, à la négligence, à l'inadvertance du correcteur. || Faire une erreur en composant un numéro de téléphone. || Raccrochez, c'est une erreur !
36 Renduel veut en publier une deuxième édition complète. Brizeux avait remarqué, à la première édition complète qui fut faite très négligemment, des erreurs et inadvertances impardonnables (…)
Sainte-Beuve, Correspondance, 454, 7 mars 1835.
2 Chose erronée, élément inexact, dans certaines opérations particulières. || Erreur dans un compte. ⇒ Mécompte. || Rectifier une erreur par une écriture rectificative. ☑ Sauf erreur ou omission : formule que l'on met au bas des comptes courants et qui réserve le droit du possesseur du compte à le vérifier. — ☑ Prov. Erreur n'est pas compte. — Erreur volontaire. ⇒ Falsification, irrégularité. — Erreur dans la distribution des cartes. ⇒ Maldonne.
♦ Erreur de calcul : inexactitude dans un calcul.
37 L'erreur de calcul dans une transaction doit être réparée.
Code civil, art. 2058.
♦ Phys. Écart entre la valeur exacte d'une grandeur et sa valeur calculée ou mesurée. || Erreur systématique, due à la méthode ou à l'instrument utilisé; erreur accidentelle. || Erreur absolue : la quantité dont il faut augmenter ou diminuer la valeur de la mesure pour que le nombre réel soit compris entre la valeur de la mesure augmentée de l'erreur et cette même valeur diminuée de l'erreur. || Erreur relative : rapport de l'erreur absolue à la valeur de la mesure. || Rapport de la valeur de la mesure à l'erreur absolue : degré d'approximation de la mesure. || L'erreur absolue commise sur une somme, une différence est égale à la somme des erreurs absolues commises sur chacun des termes. || L'erreur relative commise sur un produit, un quotient est égale à la somme des erreurs relatives commises sur chacun des termes. — Courbe d'erreur. — Expérience entachée d'erreurs.
38 (…) il n'y a aucune circonstance (…) dans laquelle on puisse affirmer que des êtres microscopiques sont venus au monde sans germes (…) Ceux qui le prétendent ont été le jouet d'illusions, d'expériences mal faites, entachées d'erreurs qu'ils n'ont pas su percevoir ou qu'ils n'ont pas su éviter.
♦ Loi des erreurs.
38.1 La loi des erreurs admise par tous les calculateurs est la loi de Gauss, qui est représentée par une certaine courbe transcendante connue sous le nom de « courbe en cloche ».
Henri Poincaré, la Science et l'Hypothèse, p. 240.
♦ Dr. ⇒ Vice. || Erreur portant sur un élément du contrat. || Erreur sur la nature du contrat, erreur sur l'objet. || Erreur sur la substance; erreur sur la personne. || Erreur de fait, portant sur une circonstance matérielle (→ Amen, cit. 28). || Erreur de droit, portant sur l'existence ou l'interprétation d'une règle juridique. || En droit pénal, l'erreur de droit n'a pas de conséquence (cf. Nul n'est censé ignorer la loi). || Erreur sur la substance, qui porte sur les qualités déterminantes de l'objet du contrat.
39 Lorsqu'il y a eu erreur dans la personne, le mariage ne peut être attaqué que par celui des deux époux qui a été induit en erreur.
Code civil, art. 180.
40 Il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur (…) L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité, lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l'intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.
Code civil, art. 1109-1110.
♦ Cour. || Erreur judiciaire : erreur de fait commise par le juge et entraînant la condamnation d'un innocent. — (Il y a) erreur sur la personne ou, absolt, il y a erreur.
B L'erreur : l'ensemble des erreurs. Sc. || Courbe d'erreur. → ci-dessus, 2. — Dr. || L'erreur, vice de consentement. || Nullité d'un acte entaché d'erreur.
———
III (XVIe). Vx. Action d'errer çà et là. ⇒ Errance, pérégrination.
41 Encore que nous disions des Étoiles errantes, nous ne disons pourtant point l'erreur des Étoiles (…) Erreur est proprement en notre langue une fausse opinion (…) nous sommes plus retenus que ceux qui ont dit les erreurs d'Ulysse.
Chevreau, Observations sur Malherbe (1660), I, 276.
42 Contez-moi d'Ilion les terribles assauts,
Et vos longues erreurs sur la terre et sur l'onde.
Delille, Énéide, I.
43 Il se pourrait que vous m'eussiez écrit, car, dans mes longues erreurs, j'ai perdu des lettres.
P.-L. Courier, Lettres, I, 322.
♦ Fig. et vx. || Erreur de l'imagination, du cœur (compris aujourd'hui au sens I.).
❖
CONTR. Justesse, lucidité, perspicacité. — Certitude, exactitude, réalité, vérité. — Correction, rectification.
Encyclopédie Universelle. 2012.