suer [ sɥe ] v. <conjug. : 1>
• XIIe; suder 980; lat. sudare
I ♦ V. intr.
1 ♦ Rendre beaucoup de sueur, être en sueur. ⇒ transpirer. Suer abondamment, à grosses gouttes. « L'attelage suait, soufflait, était rendu » (La Fontaine). Suer de fatigue, d'angoisse. Remède qui fait suer (⇒ sudorifique) .
♢ Par ext. (1538) Se fatiguer, se donner beaucoup de mal. ⇒ peiner, travailler. « Nous suons, nous peinons, comme bêtes de somme » (La Fontaine). — (1911) Fam. Faire suer le burnous, se disait de colons européens d'Afrique du Nord accusés d'exploiter la main-d'œuvre indigène.
2 ♦ FAIRE SUER. (1678)Fam. Fatiguer, embêter (qqn). ⇒ ennuyer; fam. barber, raser; très fam. emmerder (cf. Casser les pieds, faire chier). « Ce qu'ils me faisaient suer avec leur petite femme, et leur gros bébé » (Mirbeau). « Ne commence pas à nous faire suer, dit Suzanne » (Queneau).
♢ Se faire suer : s'ennuyer.
3 ♦ Techn. Dégager de l'humidité, se couvrir d'humidité. Bois vert qui sue sous la flamme. Les plâtres suent. ⇒ suinter. — Cuis. Faire suer des légumes, de la viande, leur faire rendre de l'eau, le premier jus, par une première cuisson.
II ♦ V. tr.
1 ♦ Rendre par les pores de la peau. ⇒ dégoutter, exsuder. « Et n'ai-je pas sué la sueur de tes nuits » (Verlaine). Loc. (1588) Suer sang et eau : faire de grands efforts, se donner beaucoup de peine.
♢ Par anal. « Les boiseries suaient l'humidité par toutes leurs fentes » (Zola).
2 ♦ Exhaler. ⇒ respirer. Ce lieu sue l'ennui. « Sa physionomie sinistre qui suait le crime » (Balzac). Il sue la bêtise.
3 ♦ Loc. fam. (1888) En suer une (proprt exécuter en suant) :faire une danse, danser au bal.
⊗ HOM. Sue :sus (1. savoir).
● suer verbe intransitif (latin sudare) Éliminer par les pores de la peau un liquide appelé sueur, sous l'effet de la chaleur, d'un effort, de la fièvre, etc. : Suer à grosses gouttes en grimpant une côte. Familier. Fournir un gros effort, se donner de la peine sur une tâche : Ce que j'ai pu suer sur cet article ! Émettre à sa surface de fines gouttes d'humidité : Ce mur de cave sue par temps humide. ● suer (expressions) verbe intransitif (latin sudare) Faire suer un aliment, lui faire rendre son jus à l'aide d'un corps gras en le chauffant dans un ustensile fermé. Familier. Faire suer quelqu'un, l'ennuyer, l'impatienter, le fatiguer : Il nous fait suer avec ses histoires. Familier. Se faire suer, s'ennuyer. ● suer (homonymes) verbe intransitif (latin sudare) suée nom féminin suet nom masculin ● suer (synonymes) verbe intransitif (latin sudare) Éliminer par les pores de la peau un liquide appelé...
Synonymes :
Familier. Fournir un gros effort, se donner de la peine sur...
Synonymes :
- peiner
- s'échiner (familier)
- s'éreinter (familier)
Émettre à sa surface de fines gouttes d'humidité
Synonymes :
- exsuder
- suinter
Familier. Faire suer quelqu'un
Synonymes :
- barber (familier)
- bassiner (familier)
- casser les pieds (familier)
- enquiquiner (populaire)
- raser (populaire)
- tanner (familier)
Familier. Se faire suer
Synonymes :
● suer
verbe transitif
Éliminer un liquide organique par les pores de la peau : Suer toute l'eau de son corps.
Laisser suinter un liquide à sa surface : Des parois rocheuses qui suent l'humidité.
Littéraire. Produire telle impression : Suer la tristesse.
● suer (expressions)
verbe transitif
Familier. Suer sang et eau, faire de grands efforts, se donner beaucoup de peine.
● suer (homonymes)
verbe transitif
suée
nom féminin
suet
nom masculin
● suer (synonymes)
verbe transitif
Éliminer un liquide organique par les pores de la peau
Synonymes :
- exsuder
Laisser suinter un liquide à sa surface
Synonymes :
- dégoutter
Littéraire. Produire telle impression
Synonymes :
- exhaler
- respirer
- sentir
suer
v.
rI./r v. intr.
d1./d Rejeter de la sueur par les pores. Suer à grosses gouttes. Syn. transpirer.
d2./d Loc. Fam. Faire suer qqn, l'ennuyer, l'impatienter.
|| Se faire suer: s'ennuyer.
d3./d (Sujet n. de chose.) Rendre de l'humidité. Murs qui suent.
rII./r v. tr.
d1./d Rejeter par les pores. Suer du sang.
— Loc. fig. Suer sang et eau: se donner beaucoup de mal.
d2./d Fig. Dégager une impression de, exhaler. Suer l'ennui, la peur.
⇒SUER, verbe
I. — Empl. intrans.
A. — Qqn/qqc. sue
1. [Le suj. désigne un être animé]
a) Éliminer de la sueur par les pores de la peau (sous l'effet de la chaleur, d'un effort physique intense, d'une émotion, d'un état morbide). Synon. transpirer. Contre la chaleur, les animaux qui ne suent pas, comme le chien par exemple et le mouton, compensent l'évaporation cutanée par une accélération du rythme des mouvements respiratoires (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 12). V. entrefesson (sous entre-) ex. de Flaubert.
♦ Vx. Suer d'ahan. Transpirer en faisant de gros efforts. Matamore, avec des tensions de nerfs, des roulements de prunelles, des clappements de langue, semblait faire les plus prodigieux efforts pour extraire la lame rebelle de sa gaine. Il en suait d'ahan (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 119).
SYNT. Suer abondamment, beaucoup, copieusement, énormément; suer avec excès, à flots, à pleine figure; suer à grosses gouttes; suer au soleil, en plein soleil; suer de chaud; suer d'angoisse, de dégoût, d'émotion, de faiblesse, de fatigue, de fièvre, de haine, de peur, de pitié; suer dans une chemise, des habits, une robe; suer sous les couvertures; suer sous le harnais; suer des aisselles, du/de tout le corps, des épaules, du front, des mains, des pieds, de la tête, du visage; suer comme un bœuf, un nègre; commencer, se mettre à suer; bête, cheval qui sue.
b) P. méton. Travailler beaucoup, se donner de la peine pour accomplir une tâche, un travail; fournir de gros efforts (intellectuels ou physiques). Synon. s'échiner, s'éreinter, se fatiguer, peiner. La terre n'est à personne, les fruits sont à tout le monde... Nous ne pouvons plus souffrir que la majorité des hommes travaille et sue au service et pour le bon plaisir d'une petite minorité (BABEUF, 1794-95 ds Rec. textes hist., p. 90). Quand Buffon, après avoir sué tout le jour sur une période, se mettait à table (...) on rapporte que l'écrivain si grave et si majestueux était dans ses propos d'une platitude à révolter les gens de goût (SAINTE-BEUVE, Tabl. poés. fr., 1828, p. 163).
2. P. anal. Se couvrir d'humidité; dégager de fines gouttelettes d'humidité, une substance liquide. Synon. exsuder. Bois, bûche, fromage, fruit qui sue. L'odeur des pins était exquise. Ils avaient dû suer abondamment tout l'été et maintenant dans la fraîcheur de cette nuit d'automne leur sève donnait son parfum le plus tendre (GIONO, Hussard, 1951, p. 248).
— P. méton. [Le suj. désigne un liquide] S'écouler très lentement. Des fois, dit Jaume, cette eau ne fait pas de bruit. Elle sue de la terre, tout doucement, et, à la fin, ça fait pourtant des lacs (GIONO, Colline, 1929, pp. 77-78).
B. — Faire suer qqn/qqc.
1. Faire suer qqn
a) Imposer un travail dur, pénible; p. ext., exploiter. Je me sens prendre au collet par l'autre moitié de moi-même, le monsieur actif, le producteur, l'homme qui éprouve le besoin de mettre son nom sur de petites ordures qui l'ont fait suer (GONCOURT, Man. Salomon, 1867, p. 44). J'arriverai (...) avec la totalité des épreuves revues, corrigées, augmentées de trois grandes pages, capables à elles seules d'enlever un succès certain et qui m'ont fait suer jour et nuit depuis quatre jours (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1887, p. 170).
— Loc. Faire suer le burnous.
b) Ennuyer, exaspérer profondément. Synon. barber (fam.), casser les pieds (fam.), emmerder (pop.), enquiquiner (fam.), faire chier (vulg.), raser (fam.). Faire suer le monde. L'ingénue hausse ses épaules dodues:— Une fatigue saine! vous me faites suer! Rien ne vieillit une femme comme de vivre à la campagne, c'est connu! (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 8).
— Empl. pronom. Se faire suer. S'ennuyer. L'édifice de ces lois [faites par les trois assemblées nationales] est une œuvre atlantique dont l'aspect étourdit. Mais l'étonnement se change tout à coup en pitié, lorsqu'on songe à la nullité de ces lois; et l'on ne voit plus que des enfants qui se font suer pour élever un grand édifice de cartes (J. DE MAISTRE, Consid. sur Fr., 1796, p. 78).
2. Faire suer qqc.
a) ART CULIN. Donner, à feu doux et en vase clos, sans addition d'eau ou de matière grasse, une première cuisson à une pièce de viande, un poisson, un légume pour faire rendre le suc ou le premier jus. Faire suer de la viande, la mirepoix; faire suer à la braise. Faites suer dans une casserole un peu de veau et jambon, tranches d'oignon dessous, zestes de carottes et panais (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p. 250).
b) P. anal., vx. Faire suer l'argent. Prêter de l'argent pour en tirer de gros bénéfices. Faire suer les écus. Il y avait là le portier (...) engraissé par le veuvage (...) sachant faire suer son petit argent par toutes sortes de placements et de prêts sournois (GONCOURT, Sœur Philom., 1861, p. 81).
c) Vx, TECHNOL. Faire suer la baudruche. Débarrasser l'or des matières grasses qu'il peut contenir. (Dict. XIXe et XXe s.).
II. — Empl. trans.
A. — [Le compl. désigne un liquide]
1. [Le suj. désigne une pers., un être animé] Rendre par les pores de la peau. Synon. exsuder. Cette agonie-là dura longtemps, et plus longue et plus cruelle que celle du Christ, car elle était sans espoir (...). Lui aussi sua une sueur de sang et de larmes, et on les entendait tomber sur la terre (FLAUB., Smarh, 1839, p. 107). On voyait un garçon boucher qui, penché par-dessus les autres, le cou tendu, l'œil injecté, suait de grosses gouttes, et frappait le vide de ses poings, à gestes courts et inconscients (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 120).
— Loc. fig. Suer sang et eau, suer la/les grosse(s) goutte(s) (vieilli). Faire de grands efforts, se donner beaucoup de peine. Personne ne songerait à penser que Flaubert est un petit écrivain, s'il n'avait avoué candidement qu'il suait la grosse goutte sur ses phrases (MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1305):
• 1. M. Grandet était un demi-sot, lourd et assez instruit, qui chaque soir suait sang et eau pendant une heure pour se tenir au courant de notre littérature, c'était son mot. Du reste, il n'eût pas su distinguer une page de Voltaire d'une page de M. Viennet.
STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 336.
— P. anal.
♦ Suer la crasse, l'huile. Elle aimait à rire avec les ouvriers comme son père, des gens propres qui ne suaient pas la graisse et le vieux oing, elle voulait un mari qui n'eût pas de taches à sa blouse, qui se lavât les pieds tous les huit jours (HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 56).
♦ Laisser suinter d'une blessure. Il avait reçu en pleine figure toute une charge de ce plomb à perdrix dont s'étaient servis les républicains, faute de balles; sa face trouée, criblée, suait le sang (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 288). On harponne d'abord le baleineau et la mère vient s'exposer à tous les coups. Quand elle est atteinte à mort (...) elle écume, elle sue du sang. C'est ce que nous appelions la faire « fleurir » (CENDRARS, Confess. Dan Yack, 1929, p. 220).
— Empl. factitif. Faire suer. Suer un cheval. Faire galoper un cheval pour provoquer une forte transpiration de façon à lui faire perdre du poids. Quand on veut suer un cheval, on commence par l'envelopper de couvertures (Nouv. Lar. ill.). Suer le fer (vx). Chauffer le fer jusqu'à la chaude suante. (Dict. XIXe et XXe s.).
2. [Le suj. désigne qqc.] Rendre un liquide goutte à goutte. Il y a quelques années, en face de cette marchande, se trouvait une boutique dont les boiseries d'un vert bouteille suaient l'humidité par toutes leurs fentes (ZOLA, Th. Raquin, 1867, p. 5). [Agathe] portait sur un plateau six écrevisses écarlates, des biscuits, quelques pêches sombres, des prunes blessées par les guêpes, une carafe suant sa buée (MAURIAC, Galigaï, 1952, p. 25).
B. — Au fig. [Le compl. désigne qqc. d'abstr.]
1. Dégager, donner une impression par le seul aspect, par des signes extérieurs évidents. Synon. exhaler, respirer.
— [Le suj. désigne une pers.] — Laisse donc! déclara Claude avec férocité, ils ont sur la face tous les crimes de la bourgeoisie, ils suent la scrofule et la bêtise (ZOLA, L'Œuvre, 1886, p. 133):
• 2. [Le maire] hausse les épaules avec dégoût. — On appelle ça une victime. En un sens, docteur, je trouve ça peut-être plus répugnant à voir que le coupable. Un coupable c'est pareil à vous (...) Au lieu que ces macchabées, ils ont le crime au ventre, les cochons, ils suent le crime. (...) je trouve que la malice a l'air de leur sortir par tous les pores...
BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1399.
SYNT. Suer l'ambition, l'angoisse, la colère, la curiosité, l'ennui, la lâcheté, la lubricité, l'orgueil, la paresse, le péché, la peur, la santé, la tristesse, le vice.
— [Le suj. désigne la physionomie, le visage d'une pers.] Il y avait là, pêle-mêle avec les détenus politiques, des condamnés de droit commun, des faces bestialisées et qui suaient le crime et dont le rire, la voix, le seul regard, faisaient horreur (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 280).
— [Le suj. désigne qqc.] L'immeuble où créchait Paul suait le fric (...) Ça reniflait les deux cents familles (LE BRETON, Razzia, 1954, p. 29). [Le Puy-en-Velay] une de ces villes de province française qui doit suer un ennui de suie (BUTOR, Modif., 1957, p. 25).
— [Le suj. désigne des propos oraux ou écrits] Réponses qui suent le mensonge; suer l'angoisse. Ils échangeaient des propos où aucune joie vraie et saine ne se développait, plaintes, menaces, commérages, plaisanteries qui suaient la haine, la bassesse ou la lubricité (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 175).
2. Produire quelque chose en faisant de grands efforts, en travaillant durement. Vous verrez peut-être bientôt par vous-même ce que coûte un écu quand il faut le suer (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 71). Charogne de vie qu'on passe (...) dans la fatigue, dans l'inquiétude des mauvais hasards et même dans le remords des pauvres plaisirs de la gueule pris sur le marbre gras d'un bistro galeux, quand on a fini de suer sa journée (AYMÉ, Rue sans nom, 1930, p. 38).
3. Pop. En suer une. Danser une danse dans un bal. Ohé! Titine! viens-tu en suer une? (Vte RICHARD, Les Femmes des autres ds RIGAUD, Dict. arg. mod., 1881, p. 354).
REM. Sudorifère, adj., anat. a) Qui donne passage à la sueur. Synon. sudoripare. Pore sudorifère (MAN.-MAN. Méd. 1986). b) Qui produit, provoque la sueur. La plupart des visiteurs (...) courent s'emboîter les uns dans les autres dans quelque cinéma sudorifère où triomphe aujourd'hui la métaphysique du médiocre (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 126).
Prononc. et Orth.:[], (il) sue [sy]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. a) fin Xe s. suder « excréter par les pores de la peau » sudor ... suder (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 126); déb. XIIe s. suer (St Brendan, éd. I. Short-B. Merrilees, 1292); 1588 suer sang et eau (v. sang étymol. A 4); av. 1881 pop. en suer une « danser une danse » (Vte RICHARD, loc. cit.); b) 1783 suer le fer, suer l'acier (BUFFON, Hist. nat. des minéraux, Paris, Impr. royale, t. II, p. 465: il faut de plus que l'acier cémenté soit corroyé, sué & soudé); c) 1834 « produire au prix d'un effort, en particulier en parlant de l'argent » (BALZAC, loc. cit.); d) 1872 suer un cheval (PEARSON, Dict. du sport fr., Paris, O. Lorenz, p. 604); 2. fin XVIIIe s. « laisser transparaître » suer le crime (BEAUMARCHAIS ds BESCH. 1845). B. Intrans. 1. ca 1155 « transpirer, rendre de la sueur par les pores de la peau » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 1134); 1648 suer à grosses gouttes ([GUEZ DE] BALZ., Le Barbon ds LITTRÉ, s.v. goutte1); en particulier a) ca 1155 « transpirer sous l'effet de la fièvre » (WACE, op. cit., 14196); b) 1160-74 « transpirer sous l'effet d'une émotion » suer d'angoisse (ID., Rou, éd. A. J. Holden, II, 623); c) ca 1393 p. anal. art culin. laisser suer (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 235, ligne 23); 2. a) 1538 « travailler beaucoup sans venir à bout de quelque chose » (EST.); b) 1615 « exploiter, dépouiller quelqu'un » faire suer le bonhomme (arg. des soldats ds ESN. 1965); c) 1678 faire suer qqn « l'ennuyer, l'excéder » (Mme DE MAINTENON, Lett. à M. d'Aubigné, 28 févr. ds LITTRÉ). Du lat. class. , intrans. « suer, être en sueur », au fig. « se donner de la peine » trans. « épancher comme une sueur », au fig. « faire avec sueur, avec peine ». Fréq. abs. littér.:498. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 542, b) 904; XXe s.: a) 848, b) 658.
DÉR. Suette, subst. fém., pathol. Suette (miliaire) ou suette picarde. Maladie fébrile contagieuse et épidémique, d'origine inconnue, caractérisée par une élévation brusque de la température, accompagnée de sueurs abondantes et excessives, d'une éruption cutanée (constituée de petites papules rouges recouvertes de petites vésicules blanchâtres), de troubles nerveux et de difficultés respiratoires. Le maître couvreur est mort de la suette il y a quelques jours. Cette suette et la pluie continuelle retardent un peu la besogne (...). C'est une épidémie qui sévit ici depuis trois mois, et qui n'attaque que les bourgeois et les bourgeoises. Les pauvres gens sont à l'abri. On sue beaucoup, on devient fort rouge et l'on crève, le tout en 24 heures (MÉRIMÉE, Lettres L. Vitet, 1845, p. 147). Suette anglaise. Maladie fébrile contagieuse qui s'est développée sous forme de violentes épidémies en Angleterre aux XVe et XVIe s. Colin (...) évoque plusieurs affections qu'il englobe dans le même cadre (...) la suette anglaise (...) la suette picarde (RENAULT ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p. 426). —— []. Att. ds Ac. dep. 1762. — 1re attest. 1568 (PARÉ, Anat., XXIV, 1 ds Œuvres compl., éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 3, p. 351); de suer, suff. -ette.
BBG. — BALDINGER (K.). Zur Entwicklung der Tabakindustrie und ihrer Terminologie. Mél. Piel (J.-M.). Heidelberg, 1969, p. 57. — QUEM. DDL t. 10, 15, 38. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 111, 126, 157, 293.
suer [sɥe] v.
ÉTYM. XIIe; suder, 980; lat. sudare.
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I V. intr.
A (Personnes; êtres animés).
1 Rendre beaucoup de sueur, être en sueur. ⇒ Transpirer. — REM. Le verbe transpirer, d'abord didactique, est couramment employé à la place de suer, jugé familier. — La chaleur, l'angoisse… font suer. || Suer abondamment (cit. 3), à grosses gouttes (cit. 18 et 20). || Suer sous ses vêtements (→ Élève, cit. 4; punching-ball, cit.). || Suer à en mouiller, à en tremper sa chemise (Cf. Être en nage). || « L'attelage (cit. 3) suait, soufflait, était rendu » (La Fontaine). || Suer d'ahan (vx). || Suer d'angoisse (→ Impatience, cit. 12). || Remède qui fait suer. ⇒ Sudation, sudorifique.
1 Boire à ces gourdes jaunes, loin de ma case
Chérie ? Quelque liqueur d'or qui fait suer.
Rimbaud, Une saison en enfer, « Délires », II.
2 (1538). Se fatiguer, se donner beaucoup de mal. ⇒ Peiner, travailler. || « Nous suons, nous peinons, comme bêtes (cit. 11) de somme ». || Le pauvre monde suant sur la glèbe (→ Justice, cit. 25). || « Il faut suer sans cesse à chercher que lui dire » (→ Martyre, cit. 10).
2 J'ai sué, travaillé, écrit et composé.
Quatre heures en la nuit à peine ai reposé (…)
Ronsard, Élégies, IV.
3 Connaissez-vous ça, la glèbe, enfants ? (…) On disait que les anciens seigneurs nous avaient attachés à cela pour nous faire périr à force de suer, mais que la Révolution avait coupé le câble et que nous ne tirions plus comme des bœufs à la charrue du maître (…)
G. Sand, François le Champi, XIX.
b Faire travailler durement et exploiter. — ☑ (1911). Fam. Faire suer le burnous, se disait de colons européens d'Afrique du Nord accusés d'exploiter la main-d'œuvre indigène. — ☑ Vx. Faire suer le bonhomme, « se disait des soldats qui extorquaient de l'argent au paysan » (Littré). ⇒ Pressurer.
4 (Les Turcs) n'ont nulle expérience sur la mer, nulle habileté dans la montagne. On dit qu'une poignée de chrétiens sortis d'un rocher (Malte) font suer tous les Ottomans, et fatiguent leur empire.
Montesquieu, Lettres persanes, XIX.
d Mod. Ennuyer. ⇒ fam. Barber, raser; très fam. chier (faire chier), emmerder. || Elle fait suer le monde avec ses critiques. || Assez ! tu nous fais suer ! ⇒ Fatiguer (cf. Casser les pieds). || Se faire suer : s'ennuyer. || On se fait suer, ici !
4.1 Ce qu'ils me faisaient suer avec « leur petite femme, et leur gros bébé ! » Ce qu'ils avaient l'air stupide tous les deux (…)
O. Mirbeau, le Journal d'une femme de chambre, p. 378.
5 J'aime pas la soupe, dit Michou. — Ne commence pas à nous faire suer, dit Suzanne. — On ne va pas l'obliger à manger de la soupe s'il ne l'aime pas, dit L'Aumône. N'est-ce pas, mon petit ?
R. Queneau, Loin de Rueil, III, X.
B (Fin XIVe, puis 1549; choses). Dégager de l'humidité, se couvrir d'humidité. || Bois vert qui sue sous la flamme. || Les murs, les plâtres suent. ⇒ Suinter. || L'alcarazas (cit. 1) qui sue sur la table. — Par ext. || La source sue dans la mousse (→ Fontaine, cit. 8). — Cuis. || Faire suer des légumes, de la viande, leur faire rendre de l'eau, le premier jus, par une première cuisson. — Fig. (Vieilli). || Faire suer l'argent, le faire rendre; le faire travailler.
6 Il y avait là le portier, un petit homme (…) engraissé par le veuvage, fort bien renseigné sur les valeurs industrielles, et sachant faire suer son petit argent par toutes sortes de placements et de prêts sournois.
Ed. et J. de Goncourt, Sœur Philomène, II.
♦ ☑ Loc. Techn. Faire suer la baudruche : débarrasser l'or de ses graisses.
———
II V. tr.
1 (V. 1460, Villon). Rendre par les pores de la peau. ⇒ Dégoutter, exsuder. || « Puis sue, Dieu sait quelle sueur ! » (→ Mourir, cit. 2, Villon). || Suer le sang. ⇒ Sueur.
7 Brûlante et suant les poisons (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et idéal, XXIX.
8 N'ai-je pas sangloté ton angoisse suprême
Et n'ai-je pas sué la sueur de tes nuits,
Lamentable ami qui me cherches où je suis ?
Verlaine, Sagesse, II, IV, I.
♦ ☑ Loc. fig. (1588). Suer sang et eau : faire de grands efforts, se donner beaucoup de peine (→ Chaîne, cit. 12; chose, cit. 43; écheveau, cit. 5).
♦ Par anal. || Il a l'air de suer la crasse (cit. 5).
♦ (Sujet n. de chose). || Les arbres semblent avoir sué de la glace (→ Givre, cit. 4).
9 (…) une boutique dont les boiseries d'un vert bouteille suaient l'humidité par toutes leurs fentes.
Zola, Thérèse Raquin, I.
2 Factitif. a (1872). Faire suer. || Suer un cheval, le faire galoper jusqu'à ce qu'il soit en sueur.
3 (XVIIIe, Beaumarchais). Fig. a Exhaler. (Personnes). || Suer l'ennui, la peur, l'orgueil. ⇒ Respirer, sentir. — (Choses). || Ce lieu sue la bêtise (→ Canaillerie, cit. 2).
10 C'était si bien la marchande des rues, qu'un sergent de ville, si l'institution en avait été créée alors, l'eût laissée circuler sans lui faire exhiber son permis, malgré sa physionomie sinistre qui suait le crime.
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 924.
11 Est-ce croyable ? Et cependant, tout ce passage sue la véracité (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 28.
11.1 Il avait peur. Il suait la peur. Il ne tremblait pas. De tous ses pores traversant l'étoffe de son bleu de mécano, suintait une buée très légère, mais lumineuse qui enveloppait son corps entier (…)
Jean Genet, Pompes funèbres, p. 90.
b Donner (de l'argent) contre sa volonté, sous la contrainte.
12 Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie (…)
(…) Le peuple misérable, et qu'on pressure encor,
A sué quatre cent trente millions d'or !
Hugo, Ruy Blas, III, 2.
13 (…) se cramponnant aux actionnaires des Salines des Landes, tâchant de leur faire suer un dernier versement.
Zola, Nana, VII.
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DÉR. 2. Suage, suant, suée, suerie, suette. V. Sueur. V. aussi Sudation et suaire.
COMP. Ressuer. V. aussi Transsuder.
Encyclopédie Universelle. 2012.