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GUEUX
GUEUX

GUEUX LES

Né de l’opposition sociale, politique et religieuse à l’autorité de Philippe II dans les Flandres et les Pays-Bas du XVIe siècle, le mouvement des «gueux» exprime à la fois le mécontentement populaire, responsable de la flambée d’iconoclasme, et les revendications des nobles et des notables calvinistes. Écrasée dans les provinces du Sud, la guérilla se développera, au nord, en une guerre de libération qui aboutira à l’indépendance de la Hollande.

Vers 1560, l’intransigeance du cardinal Granvelle a poussé au paroxysme l’hostilité de la population envers la domination espagnole. Les prêtres s’opposent aux restrictions apportées à leurs prérogatives par l’Inquisition. Les nobles, sans cesse rabaissés, contestent, en 1561, la décision de Granvelle de porter secours aux catholiques français. Guillaume d’Orange et ses alliés du Conseil d’État exigent la convocation des états généraux. Granvelle s’y refuse en évoquant les passions que déchaînerait «ce méchant animal nommé le peuple». De fait, les soulèvements se multiplient.

Peu après les émeutes de Bailleul et de Tournai, la foule délivre à Valenciennes deux tisserands calvinistes conduits au bûcher (1562). En 1564, le peuple force la porte des prisons à Bruges et à Bruxelles. Le 11 mars, Guillaume d’Orange et les comtes d’Egmont et de Hornes démissionnent de leurs fonctions au Conseil d’État. Le 8 avril 1566, catholiques et calvinistes s’unissent pour présenter à la régente, Marguerite de Parme, un programme commun contre l’Inquisition et les «mauvais conseillers du roi». Le texte, connu sous le nom de compromis des Nobles, assortit au rejet de l’absolutisme la promesse de ramener l’ordre. Reprenant à leur compte l’appellation de «gueux» que leur a value le mépris d’un ministre, ils s’affirment «fidèles au roi jusqu’à porter la besace», menace à peine voilée chez ceux qui songent à tirer parti des troubles populaires.

Effrayés par les émeutes iconoclastes d’Armentières, les catholiques se séparent des nobles calvinistes et réitèrent leur attachement à l’Espagne, à l’heure où la hausse du prix des céréales provoque à Saint-Omer un soulèvement iconoclaste qui embrase bientôt le nord de la France. Dans un premier temps, les gueux ou «hurlus» s’abstiennent de tuer et d’emporter les biens ecclésiastiques, généralement détruits sur place. Quelque quatre cents églises sont ainsi mises à sac, surtout dans les villes, car les campagnes se montrent réticentes. Du reste, il n’est pas rare que les prédicateurs calvinistes, soucieux d’obtenir des garanties à la liberté du culte, se désolidarisent du parti iconoclaste.

Le 13 août 1566, le cloître de Bailleul est détruit par la population. Deux seigneurs apportent leur aide aux insurgés de Hondschoote, où le mouvement a pris une telle ampleur que l’impitoyable répression du duc d’Albe n’osera y sévir. La vague iconoclaste atteint Menin, le Brabant, la Zélande, une partie de l’Artois, Anvers, où les commerçants sont pillés, Utrecht, Delft, Bois-le-Duc. Plusieurs magistrats font cause commune avec les émeutiers.

Le 25 août 1566, Marguerite de Parme feint de céder par une habile retraite. Elle décrète la suppression de l’Inquisition, l’abolition des «placards» interdisant le culte réformé, l’amnistie pour les nobles compromis, qui interviennent aussitôt auprès des consistoires et les incitent à calmer les esprits. Afin de rétablir l’ordre, Marguerite envoie Guillaume d’Orange à Anvers et Egmont en Flandre, où le nombre des révoltés est estimé à soixante mille, sur un total de près de deux cent mille.

Ayant concentré les troupes espagnoles, Marguerite passe à l’offensive en décembre 1566. Elle annule les décisions que lui avait dictées la nécessité de temporiser et jette l’armée sur Armentières, Tournai, Valenciennes. Nobles calvinistes et gueux se retirent dans les provinces du Nord, où Guillaume d’Orange et Brederode organisent la résistance et, dès 1568, mènent une guerre ouverte contre l’Espagne. Envoyé par Philippe II, le duc d’Albe entreprend d’achever par la terreur l’œuvre de pacification de Marguerite. Son Conseil des troubles propage une justice expéditive, qui n’épargnera pas les comtes d’Egmont et de Hornes, exécutés en 1568.

Dans les provinces du Sud, les gueux se livrent sur deux fronts à des opérations de harcèlement. Les «gueux des forêts» se battent en Hainaut et en Artois sous la conduite de Guillaume de La Marck et, en Flandre, autour de Jan Camerlynck, originaire de Hondschoote, du prédicateur Michiels et de Heule, fils d’une riche famille brugeoise. De leur côté, Jan Abels et ses «gueux des mers» attaquent les bâtiments espagnols à l’aide d’embarcations légères. Ils bénéficient de la bienveillance d’Élisabeth d’Angleterre et de l’aide de Guillaume d’Orange, qui s’efforce en vain de les soumettre à son autorité. Le 1er avril 1572, la prise du port de La Brielle et l’occupation de Flessingue, qui lui succède, marquent une étape décisive dans la libération de la Hollande. Albe, qui échoue dans sa tentative de la reconquérir, est rappelé en Espagne un an plus tard. Le mouvement des gueux tombe alors sous la coupe de Guillaume d’Orange et ne suscite plus guère dans le Sud que des complots politiques sans lendemain.

gueux, gueuse [ gø, gøz ] n.
• 1452; moy. néerl. guit « fripon, fourbe »
1Vx Personne qui vit d'aumônes, est réduite à mendier pour vivre. clochard, mendiant, miséreux, vagabond, va-nu-pieds. Mener une vie de gueux. « La Chanson des gueux », de J. Richepin.
Par ext. pauvre. L'avare « vit en gueux » (La Fontaine).
2Vx coquin, fripon.
N. f. (1655) Femme de mauvaise vie. catin, prostituée, ribaude. Loc. Vieilli Courir la gueuse : se débaucher.
⊗ HOM. 1. Gueuse, gueuze.

gueux nom masculin Nom donné aux gentilshommes flamands qui se liguèrent en 1566 contre l'administration espagnole et catholique de Philippe II. (Luttant contre l'envoyé du roi d'Espagne, le duc d'Albe [1567-1573], les plus célèbres furent les « gueux de la mer ». S'attaquant au commerce maritime des Pays-Bas, ils multiplièrent les coups de main contre les ports, entraînant en 1572 le soulèvement de la Hollande et de la Zélande.) ● gueux, gueuse nom et adjectif (moyen néerlandais guit, coquin) Littéraire Personne qui vit dans la misère, qui est réduite à la mendicité. Être méprisable ; coquin. ● gueux, gueuse (citations) nom et adjectif (moyen néerlandais guit, coquin) Littéraire Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Il est dur d'être gueux, tandis qu'il y a tant de sots opulents aux dépens desquels on peut vivre. Le Neveu de Rameau Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Tous les gueux se réconcilient à la gamelle. Le Neveu de Rameau Antoine Godeau Dreux 1605-Vence 1672 Académie française, 1634 La Provence est fort pauvre. Il ne lui reste plus que des jasmins et des orangers. On peut l'appeler une gueuse parfumée. Cité in Menagiana Charles Péguy Orléans 1873-Villeroy, Seine-et-Marne, 1914 Les patries sont toujours défendues par les gueux, livrées par les riches. Notre patrie Gallimardgueux, gueuse (homonymes) nom et adjectif (moyen néerlandais guit, coquin) Littéraire gueuze nom féminingueux, gueuse (synonymes) nom et adjectif (moyen néerlandais guit, coquin) Littéraire Personne qui vit dans la misère, qui est réduite à...
Synonymes :
- chemineau (vieux)
- clochard
- crève - la - faim (familier)
- galvaudeux
- mendiant
- mendigot (vieux)
- meurt - de - faim (vieux)
- misérable
- miséreux
- miteux (familier)
- paria
- pouilleux
- trimardeur
- vagabond
- va-nu-pieds

gueux, gueuse
n.
d1./d Vx Mendiant, pauvre.
d2./d n. f. Courir la gueuse: mener une vie de débauche.

⇒GUEUX, GUEUSE, subst.
A. — Celui, celle qui est réduit(e) par la plus extrême pauvreté à mendier pour subsister. Synon. clochard, indigent, mendiant, miséreux, nécessiteux, va-nu-pieds. Un gueux en guenilles; mener une vie de gueux. Tôt ou tard la banqueroute nous pend au nez, et nous crèverons tous sur la paille comme des gueux (FLAUB., Corresp., 1852, p. 159). Roi des poëtes en guenilles, O gueux, maître François Villon (RICHEPIN, Chans. gueux, 1876, p. 205). Un monde de gueux et de gueuses hébétés d'oisiveté, et déformés par la satisfaction régulière et naïve de leurs vices pauvres (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 131). V. affilé ex. 3:
1. Les gueux, les gueux,
Sont les gens heureux;
Ils s'aiment entre eux.
Vivent les gueux!
BÉRANGER, Chans., t. 1, 1829, p. 57.
P. compar. Fier comme un gueux. Tel guerrier se présentait, fier comme un gueux, mais le maintien sérieux, les traits fins, la draperie annonçaient l'aristocrate (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 38). Pauvre comme un gueux. Satan était riche, et saint Michel était pauvre comme un gueux (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Lég. Mt St Michel, 1882, p. 1253).
Expr. vieillies
Gueux fieffé. Mendiant qui se tient toujours à la même place qu'il défend et s'attribue comme un fief (cf. Ac. 1798-1878). P. ext. [avec valeur intensive] Coquin. Ne vous fiez pas à lui c'est un gueux fieffé (Ac. 1932). V. infra C.
Gueux revêtu. Gueux enrichi et devenu arrogant (cf. Ac. 1798-1878).
Herbe aux gueux. Clématite des bois. La clématite des haies, vigne blanche. On la nomme encore herbe aux gueux parce que les mendiants s'en servaient pour se créer des plaies et exciter la commisération (DORVAULT, Officine, 1844, p. 204).
Velours de gueux. Toile de chanvre contenant une trame de coton grossier et imitant le velouté. Veste de velours de gueux (BALZAC, Œuvres div., t. 1, Mém. Samson, 1830, p. 541).
HIST., au plur.
[Moy. Âge] Corporation supposée des gueux de Paris dont le quartier général était la Cour des Miracles. Le roi des gueux. Vive Clopin, roi de Thune! Vivent les gueux de Paris! (HUGO, Esmer., 1836, p. 137).
[Au XVIe s.] Huguenots des Flandres ligués contre Philippe II et qui, s'honorant d'une qualification injurieuse, portaient comme signes de ralliement l'écuelle et la besace (cf. LITTRÉ). L'association des gueux, pour s'opposer à l'établissement de l'inquisition, soulève les Pays-Bas (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t. 4, 1831, p. 287). Voir SARDOU, Patrie! 1869, I, tabl. 1, 3, p. 31.
Emploi adj. Ces gens là sont si gueux qu'ils n'ont pas de pain (Ac. 1798-1878). Ce quartier gueux et noir, mal peuplé, mal pavé, mal bâti, qui dort à l'ombre du Panthéon (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 222).
Proverbial et fam. Être gueux comme un rat (d'église), comme un peintre. Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, père Ubu? (JARRY, Ubu, 1895, I, 1, p. 36).
B. — Celui, celle que la pauvreté contraint à ne pas maintenir un train de vie correspondant à sa condition sociale, à ses désirs. Ainsi furent donnés l'amour du Beau et la Puissance poétique au fils d'un sombre gueux, carrier de son état (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 97).
Emploi adj. C'est un gentilhomme fort gueux. Faites les prix pour moi, en pensant que je suis devenu plus gueux qu'en aucun temps (BALZAC, Corresp., 1839, p. 643). T'ai-je jamais caché que, dans ma vieille bicoque à poivrières, je n'étais pas moins gueux qu'un croquant? (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 82). V. bouquer ex. 1.
Au fig. Ne me juge pas d'après mes lettres, cher ami. Les tiennes sont si pleines, si riches, si affectueuses, que je me sens, à côté, tout gueux (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1922, p. 492).
[S'appliquant à des inanimés] Avoir un équipage fort gueux (Ac. 1798-1878). ARCHIT. Corniche gueuse. ,,Corniche dépourvue d'ornements`` (Ac. 1798-1932).
C. — P. ext. Personne de mauvaise apparence, à la conduite vile, méprisable. Synon. coquin, filou, fripon, misérable. Traiter (qqn) de gueux, de vieille gueuse. Chez les nécessiteux, un garçon qui force les parents à écorner le capital devient un mauvais sujet, un gueux, un drôle! (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Oncle Jules, 1883, p. 414) :
2. ... il s'apostrophait grossièrement, il se traitait de cochon, de triple gueux, de foutue bête et de paillasse.
ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 380.
Fam. [Avec une nuance amicale] Tu sais bien que non, petite gueuse, que je t'aime bien mieux qu'elle! (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 197).
[En appos., avec un subst. désignant une pers. ou une chose dont on a à se plaindre] Gueux de. Ces gueux de riches. Gueux de fanal, sors donc... sors donc... Ah! enfin le voilà... Est-il rouge ce matin! (SUE, Atar Gull, 1831, p. 8). Son mobilier était saisi!... — Rapport aux frais. — Ces gueux d'huissiers! (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 197) :
3. —Eh ben allons-y; un' deuss' troiss'! Pas gymnastique et en avant! ah! gueux de sort, en voilà une partie de plaisir! et ils prirent le pas de course.
COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., III, p. 124.
Subst. fém. Femme de mauvaise vie. Synon. catin, prostituée, ribaude. S'amouracher d'une gueuse :
4. Après dîner, la princesse nous disait : « Oui, j'aurais voulu avoir un tempérament de gueuse, faire mille coquineries... mais je vous promets que ce n'est pas du tout ma nature! ».
GONCOURT, Journal, 1872, p. 860.
Courir la gueuse. Fréquenter les prostituées. Avoir une femme à lui, ça lui semble plus mâle que de courir la gueuse; c'est plus commode aussi (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 350). Rarement au plur. Courir les gueuses. Sait-on pourquoi et comment sa brute de mari (...) après avoir été assez rustre pour la rendre sept fois mère, l'a lâchée tout à coup pour courir les gueuses? (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Inutile beauté, 1890, p. 1161).
La Gueuse ou la gueuse (vieilli). La République française pour ses adversaires royalistes. Je ne suis pas tendre pour la gueuse. Mais il faut reconnaître que la République est quelque fois bonne fille (A. FRANCE, M. Bergeret, 1901, p. 150). Si elle [la République] n'est pas renversée, dans un mouvement de mépris et d'horreur, cette Gueuse, elle fera sans doute mieux une autre fois. (L. DAUDET, Police pol., 1934, p. 168).
D. — Objets d'apparence pauvre ou de bas prix.
1. Subst. masc. Chaufferette en terre percée de trous et portée sur les genoux pour se réchauffer. La bonne chaufferette classique, le pot, le gueux où brûle un morceau de tourbe et qu'abrite une boîte ouverte d'un côté et percée en dessus à coups de tarière (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 30).
Rem. Var. fém. de même sens (infra étymol. B 2 c).
2. Subst. fém.
a) Étoffe de laine fabriquée en Flandre (cf. LITTRÉ, Lar. 19e-Lar. encyclop., QUILLET 1965). Synon. picote.
b) Dentelle légère et aérée (cf. Mots rares 1965).
REM. 1. Gueusement, adv., rare. À la façon d'un gueux, très pauvrement. Cette manière de ne rien faire, combien le paie-t-on? — Cent guinées par an (...). C'est de quoi vivre. — Gueusement (HUGO, Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 21). 2. Gueusette, subst. fém. Petite gueuse. [La gouvernante du Maire :] je l'aime tout plein la gueusette [la petite Bohémienne de dix ans] (RICHEPIN, Miarka, 1883, p. 115). 3. Gueux-gueux, subst. masc. avec valeur hypocoristique. Gros farceur! gros gueux-gueux! (LABICHE, Chap. paille Ital., 1851, IV, 8, p. 99).
Prononc. et Orth. : [gø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. 1694-1932. Homon. gueuse (fonte). Étymol. et Hist. A. Subst. masc. 1. mil. XVe s. « compagnon, coquin » (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 46098 : un rouge gueux); 2. a) 1458 « personne qui vit d'aumônes, et réduite à mendier pour vivre » (A. GREBAN, Le Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 7488); b) 1545 « personne pauvre » (Le Mirouer des enfans ingratz ds ESN.); c) 1654 « personne qui n'a pas de quoi vivre selon son état, ses désirs » (GUEZ DE BALZAC, De la Gloire ds LITTRÉ); 3. mil. XVe s. terme de dédain « être vil » (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 17677); 4. 1830 « pot de terre servant de chaufferette » (BALZAC, Œuvres div., t. 2, p. 187). B. Subst. fém. 1. a) ca 1454 la gueue « femme de mauvaise vie » (PHILIPPE BOUTON, Les Gouges, 69 ds Romania t. 47, p. 172); b) 1808 courir la gueuse (HAUTEL); 2. a) 1669 « sorte de dentelle » (WIDERHOLD Fr.-all.); b) 1723 « petite étoffe qui se fabrique en Flandre » (SAVARY); c) 1851 « pot de terre servant de chaufferette » (LAND.). C. Adj. 1. ca 1615 « vil, ignoble, méprisable » (HARDY, La Belle Égyptienne ds Théâtre, éd. Stengel, t. 5, p. 969 : cette gueuse de vie); 2. a) av. 1648 « qui n'a pas de quoi vivre selon son état » (VOITURE ds TRÉV. 1704); b) 1654 « pauvre » (CYRANO DE BERGERAC, Lettres Diverses, p. 49 ds Œuvres diverses, éd. F. Lachèvre, p. 49 : gueux comme des Diogènes). Prob. empr. au m. néerl. guit « coquin, fripon », qui donne régulièrement gueu en fr. (cf. m. fr. gueu, gueue, gueuesse et gueuer ds FEW t. 16, pp. 98a-99a). Le fém. gueuse a été refait sur le masc. gueu(x) d'apr. le modèle des mots en -eux, -euse. Les sens B 2 viennent de ce que ceux qui gén. font usage de ces objets ou tissus sont des personnes de misérable condition (des gueux). Le nom de gueuse fut donné par les femmes aux misérables garnitures en dentelle, à la suite de l'édit de Richelieu (1644) contre les passements (cf. J. QUICHERAT, Hist. du cost. en France, Paris, 1875, p. 502). Fréq. abs. littér. : 930. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 812, b) 3 191; XXe s. : a) 1 986, b) 357. Bbg. BARB. Misc. 1 1925-28, p. 19. - QUEM. DDL t. 3, 11, 18. - SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 5, 35, 201, 270, 272, 317. - SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 341, 344, 398; t. 2 1972 [1925], p. 228; t. 3 1972 [1930], p. 105, 201.

gueux, gueuse [gø, gøz] n.
ÉTYM. 1452; du moy. néerl. guit « coquin, fripon, fourbe ». Selon P. Guiraud, même orig. que 1. queux « cuisinier », d'après le sens « importuner » du lat. coquere « cuire » et le sémantisme « importun » attaché au mendiant.
———
I
1 N. m. Vx. Personne qui vit d'aumônes, est réduit à mendier pour vivre. Mendiant, claque-faim, clochard, indigent, miséreux, nécessiteux, pouilleux, traîne-misère, vagabond, va-nu-pieds. || Mener une vie de gueux. || Gueux qui demande l'aumône (cit. 7). || Gueux qui passe subitement de la misère à l'opulence (cit. 1). || Bande, troupe de gueux. Gueusaille.La Chanson des gueux, recueil de poèmes de J. Richepin (1876).
1 Un quartier comme celui-ci, où il n'y a que des gueux.
Racine, Lettres, 6, 26 janv. 1661.
2 Enfin, quoi qu'on puisse penser de ces infortunés, si l'on ne doit rien au gueux qui mendie, au moins se doit-on à soi-même de rendre honneur à l'humanité souffrante ou à son image, et de ne point s'endurcir le cœur à l'aspect de ses misères.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, IV, V, II.
3 (…) des mendiants en loques, des gueux d'hôpital tendent vers lui leurs mains suppliantes (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 227-228.
4 Le soldat (…) couche comme un gueux sur la paille.
France, le Petit Pierre, XXII, p. 155.
(Au XVIe, attesté, plus tard). Hist. Nom que se donnèrent les Républicains de Hollande, huguenots ligués contre Philippe II.
(1545). Par ext. Pauvre.
5 (…) l'avare (…) vit en gueux.
La Fontaine, Fables, IV, 20.
Loc. Herbe aux gueux : clématite.
2 Adj. (1654). Vieilli. Pauvre (→ Arpent, cit. 1; assigner, cit. 14; bâtir, cit. 51). || Il est gueux comme un rat.
6 Montchevreuil était (…) sans esprit aucun, et gueux comme un rat d'église.
Saint-Simon, Mémoires, I, III.
7 Qu'y a-t-il de plus ridicule qu'un grand seigneur devenu gueux, qui porte dans sa misère les préjugés de sa naissance ?
Rousseau, Émile, III.
3 N. et adj. Vx. Être vil, méprisable. Bélître (cit. 1), coquin, fripon, malandrin. || Un gueux, une gueuse.
8 (…) et, quand l'autre viendra, prends ta règle et donne-lui une raclée en lui disant qu'il est un gueux, qu'il voulait se servir de toi, que tu révoqueras ta procuration, et que tu lui rendras son argent la semaine des trois jeudis.
Balzac, les Petits Bourgeois, Pl., t. VII, p. 204.
8.1 Ce que je n'avais pas prévu, mon cher, c'est que cette femme que je croyais riche comme la reine de Saba, mourrait sans me laisser un sou, la gueuse ! (…)
G. Leroux, Rouletabille chez Krupp, p. 65.
Adj. Méprisable.
4 N. f. (1655). || Gueuse : femme de mauvaise vie. — ☑ Loc. mod. (1808). Courir la gueuse, les gueuses : se débaucher.
9 (…) une fille coureuse,
De qui le noble emploi n'est qu'un métier de gueuse ?
Molière, l'Étourdi, IV, III.
10 Eh mais, peut-être bien, infâme saligaud, que tu voudrais courir la gueuse ! (…) pour revenir ici avec la gale, n'est-ce pas ? ou quelque chose de mieux encore, et en empoisonner tout mon escadron ?
Courteline, le Train de 8 h 47, V.
(Dans le vocabulaire de l'extrême-droite française, à la fin du XIXe siècle). || La gueuse, terme d'injure pour désigner la République.
11 (…) légitimistes et orléanistes n'avaient pas (après 1871) contre les républicains la rancune que nourrissaient les bonapartistes. La « gueuse » n'était pas de leur vocabulaire.
J. Bainville, la Troisième République, p. 69.
———
II N. m. (1830). Vx. Pot de grès percé de trous dans lequel on plaçait des braises.
12 Une vieille fille lui apporta un peu de poussier, afin qu'elle renouvelât les cendres de son gueux.
Balzac, Zéro, in Œ. diverses, t. II, p. 187.
———
III N. f. || Gueuse.
1 (1669). Vx. Variété de dentelle. (1723). Étoffe de peu de valeur, fabriquée en Flandres.
2 (1851). Syn. de gueux (II.).
DÉR. Gueusaille, gueusard, gueusement, gueuser, gueuserie.
HOM. (Du fém.) 1. Gueuse, 3. gueuse ou gueuze.

Encyclopédie Universelle. 2012.