● mort, morte nom (de mort) Être humain qui a cessé de vivre : Cet accident a fait trois morts. Dépouille mortelle d'un être humain : Incinérer un mort. Littéraire. Esprit d'une personne morte : Le royaume des morts. Jeux Au bridge, celui des quatre joueurs qui étale son jeu sur la table ; les cartes du mort. ● mort, morte (citations) nom (de mort) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Les morts ne sont pas morts, c'est assez clair puisque nous vivons. Propos sur le bonheur Gallimard Marcel Arland Varennes-sur-Amance 1899-Saint-Sauveur-sur-École, Seine-et-Marne, 1986 Académie française, 1968 Si je ne m'occupe pas de nos morts, qui s'en occupera ? La Consolation du voyageur Stock Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Les morts, les pauvres morts ont de grandes douleurs. Les Fleurs du Mal, la Servante au grand cœur Georges Bernanos Paris 1888-Neuilly-sur-Seine 1948 Il faut expier pour les morts. Les Grands Cimetières sous la lune Plon Chrétien de Troyes vers 1135-vers 1183 Les morts avec les morts, les vivants avec les vivants ! Les mors as mors, les vis as vis ! Perceval ou le Conte du Graal (traduction L. Foulet) Commentaire Proverbe dit par Perceval alors qu'il vient d'apprendre la mort de sa mère. Auguste Comte Montpellier 1798-Paris 1857 Les morts gouvernent les vivants. Catéchisme positiviste Commentaire La même notion se retrouve chez Comte sous diverses formes : « Les vivants sont toujours et de plus en plus, dominés par les morts » Politique positive, « L'Humanité se compose essentiellement des morts dignes de survivre » Catéchisme positiviste. C'est aussi à Comte qu'on rapporte la formule célèbre : « L'Humanité se compose de plus de morts que de vivants. » Fernand Desnoyers Paris 1828-Paris 1869 Il est des morts qu'il faut qu'on tue. Commentaire Écrit en 1858 contre Casimir Delavigne, mort en 1843. André Frénaud Montceau-les-Mines 1907-Paris 1993 Il est des morts vaincus qu'il faut précipiter encore un coup du haut des tours en pierre. Il n'y a pas de paradis Gallimard Eugène Guillevic Carnac 1907-Paris 1997 Il ne faut pas mentir, Rien n'est si mort qu'un mort. Exécutoire Gallimard Claude Adrien Helvétius Paris 1715-Paris 1771 L'envie honore les morts pour insulter les vivants. Notes, maximes et pensées Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Puisqu'il est des Vivants, ne songez plus aux Morts. Fables, la Jeune Veuve Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret. Fables, la Mort et le Mourant Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Contre de telles gens, quant à moi, je réclame. Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort ; Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort. Fables, le Philosophe scythe Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Quand le moment viendra d'aller trouver les morts, J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords. Fables, le Songe d'un habitant du Mogol Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 C'est la cendre des morts qui créa la patrie. La Chute d'un ange Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts. Premières Méditations poétiques, l'Isolement Patrice de La Tour du Pin Paris 1911-Paris 1975 Vous faites tant de morts dans vos engendrements ! Une somme de poésie Gallimard Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz, dit O. V. de L. Milosz Tchereïa, Lituanie, 1877-Fontainebleau 1939 Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi […]. Les Sept Solitudes, Tous les morts sont ivres… Jouve René de Obaldia Hong-kong 1918 Presque tous les morts sont bons. Les Richesses naturelles, la Traite des morts Julliard Pablo Ruiz Picasso Málaga 1881-Mougins 1973 Nos morts continuent à vieillir avec nous. Cité par Pierre de Champris dans Ombre et soleil Gallimard Jules Romains, pseudonyme littéraire devenu ensuite le nom légal de Louis Farigoule Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire, 1885-Paris 1972 Académie française, 1946 La victoire a beau grandir, elle ne réussit plus à rattraper les morts. Les Hommes de bonne volonté, Vorge contre Quinette Flammarion François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 On doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts que la vérité. Œdipe, Lettre écrite sur « Œdipe » en 1719 Théognis de Mégare VIe s. avant J.-C. Une couche de ronces vaut bien des tapis pour un mort. Élégies, I, 1193 (traduction J. Carrière) Bible Mais Jésus lui répliqua : « Suis-moi et laisse les morts enterrer leurs morts. » Évangile selon saint Matthieu, VIII, 22 Camilo José Cela Trulock, dit Camilo José Cela Padrón, La Corogne, 1916 En Espagne, seuls les morts sont importants. En España sólo son importantes los muertos. San Camilo 36 Robert Louis Balfour Stevenson Édimbourg 1850-Vailima, près d'Apia, îles Samoa, 1894 Je te le dis, je n'ai encore rien vu de bien sortir de la bonté. Celui qui frappe le premier a raison. Les morts ne mordent pas. I tell you, I never seen good come o'goodness yet. Him as strikes first is my fancy, dead men don't bite. L'Île au trésor, V, 26 ● mort, morte (difficultés) nom (de mort) Orthographe Jamais de trait d'union dans les locutions : eau morte (= eau stagnante), ivre mort, rester lettre morte, nature morte, poids mort, point mort, mort vivant, à demi mort. Accord Faire le mort (= faire semblant d'être mort). L'expression reste le plus souvent au masculin singulier : lorsqu'on touche certaines scolopendres, elles s'enroulent et font le mort. L'accord au féminin n'est pas fautif, mais il est beaucoup plus rare : elles font les mortes. - Employée comme terme de bridge, l'expression est toujours au masculin singulier : c'est Marie-Gladys qui fait le mort, c'est Marie-Gladys le mort. ● mort, morte (expressions) nom (de mort) Familier. À réveiller les morts, se dit d'un bruit énorme, d'une boisson alcoolisée très forte, d'un mets très épicé. Faire le mort, ne donner aucun signe de vie, ne pas se manifester. Mort vivant, mort en sursis, personne dont la mauvaise santé laisse à penser qu'elle est condamnée à mourir prochainement. Familier. Place du mort, dans une voiture, place située à l'avant, à côté du conducteur. Littéraire. Rivage, séjour des morts, enfers mythologiques, lieu où sont réunies les âmes des morts. Livre des morts, en Égypte ancienne, rituel funéraire, datant du Nouvel Empire, dont on mettait dans les tombes un exemplaire sous la forme d'un rouleau de papyrus, souvent décoré de peintures et de vignettes. (C'est une source d'information sur les aspects les plus complexes de la religion égyptienne.) Le mort saisit le vif, maxime exprimant cette règle que l'héritier est de droit possesseur des biens de son auteur, dès l'heure de la mort de celui-ci. Fête ou jour des morts, deuxième jour de novembre, spécialement consacré, depuis 998, chez les catholiques, à des prières pour les morts. Messe des morts, messe célébrée pour le repos des âmes du purgatoire. Aux morts !, sonnerie et batterie pour honorer le souvenir des Français morts pour la patrie. ● mort, morte (homonymes) nom (de mort) maure adjectif et nom mor nom masculin mord forme conjuguée du verbe mordre mords forme conjuguée du verbe mordre more adjectif et nom mors nom masculin ● mort, morte (synonymes) nom (de mort) Être humain qui a cessé de vivre
Synonymes :
- défunt
- disparu
- trépassé
Dépouille mortelle d'un être humain
Synonymes :
- cadavre
- corps
- dépouille
- macchabée (argotique)
Littéraire. Esprit d'une personne morte
Synonymes :
- esprit
- lares
- manes
- ombres
Contraires :
- vivant
Morte
(manuscrits de la mer) manuscrits (IIe s. av. J.-C. - Ier s. apr. J.-C.) découverts entre 1946 et 1956 dans les grottes de falaises voisines de la mer Morte, à Qirbet Qumran (Jordanie). Dus à la secte juive des esséniens, ces écrits (une dizaine de rouleaux de parchemin et des milliers de fragments), bibliques (un quart) et non bibliques (trois quarts), en hébreu et en araméen, indiquent le contexte historique dans lequel est né le christianisme.
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Morte
(mer) lac aux confins d'Israël et de la Jordanie, alimenté par le Jourdain, à 393 m env. au-dessous du niveau de la mer; 1 015 km²; longueur, 85 km; largeur moyenne, 17 km. Les eaux sont sursaturées de sels minéraux (26 %).
2. mort, morte [mɔʀ, mɔʀt] (le t ne se lie pas : mort ou vif [mɔʀuvif], mais on disait encore [mɔʀtuvif] à l'époque de Littré) adj.
ÉTYM. Fin Xe; du lat. mortuus, mortus en lat. vulg. → Mourir.
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♦ Qui a cessé de vivre.
1 a (En parlant des êtres humains). ⇒ Décédé, défunt, 2. feu. || Corps mort. ⇒ Cadavre (→ Exsangue, cit. 1; infecter, cit. 1). || Être mort (→ Être dans le cercueil, dans la tombe, avoir six pieds de terre sur la tête; manger les pissenlits, fumer les mauves par la racine…). || Il est entré à l'hôpital dans un état désespéré, il en sortira probablement mort (→ Les pieds devant). || Il est mort. → Il a vécu, il n'est plus (→ Attendre, cit. 118; fort, cit. 28). || Il est mort depuis longtemps. || Il est mort et enterré (cit. 14). || « Madame (cit. 1) se meurt; madame est morte » (Bossuet). — Allus. myth. || Le grand Pan est mort ! (cf. Rabelais, IV, 29). — On le crut, on le croyait mort (→ Champ, cit. 6). || On l'a trouvé mort (→ Avérer, cit. 1). || Mort de faim, de froid, de maladie. || Mort accidentellement. || Mort à la guerre, au champ d'honneur, pour la patrie. ⇒ Mourir (supra cit. 28). || Quand nous serons morts (→ Cependant, cit. 4). || X…, mort à 29 ans (→ 1. Grave, cit. 6). || Enfant mort à la naissance. ⇒ Mort-né; mortinatalité. || Héritage, succession d'une personne morte (⇒ Mortaille). — Être laissé (cit. 45) pour mort. || Être comme mort, inanimé. ⇒ Immobile (→ Extrême-onction, cit. 1; léthargie, cit. 1). || Rendre comme mort. ⇒ Amortir (vx). — Il l'abat mort (→ Haubert, cit. 1). || Tomber mort (→ Exhalaison, cit. 2). || Raide mort (→ Archer, cit. 2). — Morts ou vifs (→ Faucher, cit. 6). — « J'aimerais mieux me voir morte que déshonorée » (→ Honneur, cit. 18). || « Il vaut mieux ivre (cit. 1) se coucher Dans le lit, que mort dans sa tombe. »
1 Nous sommes morts, âme ne nous harie (tourmente),
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Villon, Poésies diverses, Épitaphe de Villon.
2 Mon père est mort, Dieu en ait l'âme !
Villon, Testament, XXXVIII.
3 — Signez donc, reprit Richelieu; ce papier porte : « Ceci est ma volonté de les prendre morts ou vifs ».
A. de Vigny, Cinq-Mars, XXIV.
4 On entendait le général A. de Girardin raconter qu'ayant été laissé pour mort sur le champ de bataille, il n'en était pas moins revenu de ses blessures (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 118.
5 Fantine se dressa en sursaut, appuyée sur ses bras roides et sur ses deux mains, elle regarda Jean Valjean, elle regarda Javert, elle regarda la religieuse, elle ouvrit la bouche comme pour parler, un râle sortit du fond de sa gorge, ses dents claquèrent, elle étendit les bras avec angoisse, ouvrant convulsivement les mains, et cherchant autour d'elle comme quelqu'un qui se noie, puis elle s'affaissa subitement sur l'oreiller. Sa tête heurta le chevet du lit et vint retomber sur sa poitrine, la bouche béante, les yeux ouverts et éteints. Elle était morte.
Hugo, les Misérables, I, VIII, IV.
6 Le roi est mort ! Vive le roi ! disait-on sous l'ancienne monarchie (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le plus bel amour de Don Juan », I.
6.1 (…) il l'évoquait (le passé) d'une façon funèbre, mais sans tristesse. Il ne cessait d'énumérer tous les gens de sa famille ou de son monde qui n'étaient plus, moins, semblait-il, avec la tristesse qu'ils ne fussent plus en vie qu'avec la satisfaction de leur survivre. (…) C'est avec une dureté presque triomphale qu'il répétait sur un ton uniforme, légèrement bégayant et aux sourdes résonances sépulcrales : « Hannibal de Bréauté, mort ! Antoine de Mouchy, mort ! Charles Swann, mort ! Adalbert de Montmorency, mort ! Boson de Talleyrand, mort ! Sosthène de Doudeauville, mort ! » Et chaque fois, ce mot « mort » semblait tomber sur ces défunts comme une pelletée de terre plus lourde, lancée par un fossoyeur qui tenait à les river plus profondément à la tombe.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 862.
7 Oui Jacques, c'est vrai, elle était morte. Son petit corps était raide et glacé. Je le sais; toute la nuit je l'ai tenue entre mes bras.
Claudel, l'Annonce faite à Marie, IV, 3.
♦ ☑ Loc. prov. (1790, in D. D L.). Fam. Quand on est mort, c'est pour longtemps !
♦ Par exagér. ☑ Être à demi, à moitié mort, très malade, très affaibli ou inanimé. || Demi-mort (→ Coup, cit. 18). || Demi-morte de faim (→ 2. Marron, cit.). — Par appos. ☑ Ivre mort.
b (En parlant des animaux). || Hérisson (cit. 2), sanglier mort (→ Livrée, cit. 12), poisson mort (→ Carène, cit. 1). || Carcasse, ossements de bêtes mortes. Spécialt. || Corail mort. — ☑ Prov. Morte la bête, mort le venin. ☑ Un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort (Bible, Ecclés., IX, 4).
c V. 1320. (En parlant des végétaux). || Bois (cit. 23) mort (⇒ Mort-bois). || Feuille (cit. 2) morte (→ Fin, cit. 11; joncher, cit. 3). ⇒ Feuille-morte (cit. 1). — Fleurs mortes (→ Croupir, cit. 8; faire, cit. 146). || Arbre mort (→ Feuille, cit. 1). || Paille morte, sèche (→ Maïs, cit. 1).
2 Par ext. (En parlant d'un organe, d'un tissu). Dont les cellules ne vivent plus. || Chair morte. || Peau morte. || Tissus morts.
8 Si quelque accident vous enlève un peu de peau et de chair, ce morceau de vous-même est bientôt mort (…)
Alain, Propos, Colonies d'animaux, 4 déc. 1910.
8.1 Je prendrai dans mes mains ta face morte. Je la coucherai dans le froid. Je ferai de mes mains sur ton corps immobile la toilette inutile des morts.
Yves Bonnefoy, Poèmes, p. 81.
3 V. 1360. (Personnes). Qui est en grand danger, qui est condamné (par la maladie, par les hommes, etc.). — (Par ext., se dit d'une personne qui mène une vie diminuée, ralentie). || C'est un homme mort.
9 (…) il fut condamné à mort par contumace, et, par parenthèse, ne se présenta jamais pour la purger, il mourut mort.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 542.
10 On me purge, on me saigne, on me met des sangsues, la bonne chère m'est interdite, le vin m'est interdit; je suis un homme mort.
Flaubert, Correspondance, 85, 9 févr. 1844.
4 (Fin XIIe). Fig. Qui semble avoir perdu la vie. || Être mort de fatigue, de lassitude, épuisé, rendu (→ Courbatu, cit. 1; elfe, cit. 1). Absolt. || Je n'en puis plus, je suis mort ! (→ pop. Crevé). — Mort de peur. Absolt. ☑ Être plus mort que vif, paralysé par la peur, effrayé au point de ressembler à un mort plus qu'à un vivant. — Mort de douleur (Mme de Sévigné, IX, 532), de jalousie (Mme de Sévigné, IV, 320), de honte (Mme de Sévigné, IV, 514). — Mort d'amour, de plaisir… ⇒ Pâmé.
11 Mort de plaisir, tant le plaisir extrême
Avait perdu ma raison et moi-même.
Ronsard, Élégies, XX.
12 La chatte siamoise, tout à l'heure morte d'aise sur le mur tiède, ouvre soudain ses yeux de saphir dans son masque de velours sombre (…)
Colette, Histoires pour Bel-Gazou, p. 138.
12.1 Le sommeil tomba sur moi, comme jadis en Espagne, quand un repas suivait des combats d'avions : endormi mort, comme on dit ivre mort.
Malraux, Antimémoires, p. 231.
♦ (V. 1175). En parlant des parties du corps. Insensible, paralysé. || Jambes mortes (→ ci-dessous, cit. 13). — (1798). Éteint, sans vie. || Yeux morts (→ Lépreux, cit. 2). Par ext. || Avoir l'air mort. — Spécialt. Qu'on laisse pendre. || Jambes mortes (→ Affaler, cit. 1; feindre, cit. 4). || Faire la main morte. Fig. || Ne pas y aller de main (cit. 58 et 59) morte. — Par ext. || Geste alangui, endormi et mort (→ Apathique, cit. 2).
13 N'êtes-vous point effrayé de ces jambes froides et mortes ?
Mme de Sévigné, 855, 22 sept. 1680.
14 (…) elle reprit l'air mort qui convient à son habit.
Th. Gautier, Voyage en Russie, XVIII.
5 Fig. (Personnes). || Mort à… : insensible, indifférent à… || Mort au monde (→ Errer, cit. 7). || Mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés (→ Ensevelir, cit. 23).
♦ Mort pour…, à… (littér.) : qui n'existe plus, qui ne compte plus pour (qqn). || Il n'a plus donné signe de vie, il est mort pour nous (⇒ Absent).
15 Mais je trouve encore meilleur
Le baiser de sa bouche en fleur,
Depuis qu'elle est morte à mon cœur.
Verlaine, Romances sans paroles, « Aquarelles, Streets », I.
6 (Choses). Sans activité. — (En parlant d'un lieu). ⇒ Désert. || Ville morte (→ 1. Brouillard, cit. 8). || Tout semblait mort (→ Carillonner, cit. 1). || La gare (1. Gare, cit. 3) semblait morte. — Par ext. || Le commerce est mort. || Saison morte. ⇒ Morte-saison (ci-dessous, composés).
16 Lise était arrivée devant la maison des Fouan. D'abord, elle craignit qu'il n'y eût personne, tant le logis semblait mort.
Zola, la Terre, II, IV.
17 (…) avec la saison morte (…) un bon journalier ne gagnait pas plus de quarante-deux, quarante-trois sous par jour (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XV.
18 Paris était mort. Plus d'autos, plus de passants — sauf à certaines heures dans certains quartiers. On marchait entre des pierres; il semblait que nous fussions les oubliés d'un immense exode.
Sartre, Situations III, p. 24.
♦ Sans vie, sans force, ou sans efficacité (→ Aspiration, cit. 6). || Idées (→ Force, cit. 34), pensées mortes (→ 2. Lieu, cit. 55). || Art mort pour qqn (→ 1. Faux, cit. 14). || Ces noms sont bien morts pour nous : oubliés (→ Liquidation, cit. 1). || Livres (cit. 9) qui ne contiennent « que le vide des phrases mortes ». — ☑ Loc. Lettre morte. ⇒ Lettre (cit. 11, et supra). — || « Ma chandelle est morte, je n'ai plus de feu » (Au clair de la lune, chanson populaire).
19 Qui fuit croit lâchement, et n'a qu'une foi morte.
Corneille, Polyeucte, II, 6.
20 Tu ranimes par là mon espérance morte.
Molière, l'Étourdi, IV, 1.
21 Tout ce qui est mort comme fait, est vivant comme enseignement.
Hugo, Paris, II, IV.
22 (…) ma vieille amitié pour lui n'est point morte et ne demanderait qu'à refleurir.
Gide, Journal, 27 sept. 1914.
23 N'empêche que les gens cultivés sont constamment ramenés, par leur culture même, à traiter de problèmes morts, et à leur rendre ainsi une vie artificielle.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IX, XVII, p. 129.
♦ Fam. Inutilisable, usé à l'extrême. || Ces pneus sont morts (→ Cuit). || Le moteur est mort, hors d'usage.
♦ Temps mort. ⇒ Temps.
♦ Spécialt. || Soleil mort, froid, pâle (→ Lumière, cit. 6). || L'éclat mort du mercure (→ Bleu, cit. 12). — Eau morte, qui ne circule pas. ⇒ Stagnant (→ Follet, cit. 6). || Morte-eau. ⇒ Eau (infra cit. 7). || La mer Morte. || Bras mort d'une rivière.
♦ Mar. || Corps mort (⇒ Corps-mort) : « chaînes et ancres disposées au fond de la mer (…) et dont une branche (…) revient au-dessus de l'eau où elle est portée par un corps flottant » (Gruss). || Bouée, flotteur de corps-mort. — Œuvres mortes d'un navire. — Fortif. || Angle mort. — Mécan. Qui n'agit pas. || Point mort (d'un changement de vitesse; de la course d'un piston). || Force morte (vx). || Poids mort. ⇒ Poids. — Balle morte.
7 Qui appartient à un passé révolu. || Année morte (→ Livrée, cit. 9). || Les printemps morts (→ Attrister, cit. 15). — Spécialt. (En parlant d'une personne encore vivante). || Le plus mort des morts est encore le petit garçon (cit. 6) que je fus.
24 Il se trouve, en un mot, chez les trois quarts des hommes,
Un poète mort jeune à qui l'homme survit.
A. de Musset, Poésies nouvelles (1833-1852), « À Sainte-Beuve ».
♦ (1918). Argot. || C'est mort : c'est fini, terminé. || Elle est morte (la journée de travail, la besogne). Aussi : || elle est morte, la chèvre (même sens).
♦ Spécialt. || La résurrection des villes mortes, des civilisations mortes.
25 Comme les villes mortes sortent des sables, les paquets de lettres jaunies émergent des coffrets.
A. Maurois, la Vie de Byron, Préface, p. 11.
♦ Langue morte, par oppos. à langue vivante. ⇒ Langue.
8 Spécialt. Qui, de par sa nature, n'est pas vivant. || Cheptel mort : les instruments du travail agricole.
♦ Peint. || Nature morte.
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CONTR. Animé, vif, vivant. — Immortel. — Ardent.
COMP. Mainmorte. — Morflat ou mort-flat, mort-bois, mort-gage, mort-né, morts-terrains. — Morte-eau, morte-paye, morte-saison, morts-terrains.
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3. mort, morte [mɔʀ, mɔʀt] n.
ÉTYM. 1080; de 2. mort.
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♦ Personne qui a cessé de vivre.
1 Dépouille mortelle d'un être humain. ⇒ Cadavre, corps, macchabée (pop.). || Corps inanimé, froid, rigide… d'un mort. || Restes des morts. ⇒ Ossement, squelette; cendre, poussière. || Pâleur, lividité d'un mort. — Être pâle comme un mort (→ Interdire, cit. 17). — Tête de mort. — Monceau de morts (→ Bouclier, cit. 3). || Joncher (cit. 1) la terre de morts. || Relever les morts d'un champ de bataille. — Lit de parade où l'on expose un mort. || Au chevet des morts (→ Héritier, cit. 5). || Veiller un mort. || Veillée des morts. || Faire la toilette des morts; laver (cit. 10) les morts. || Embaumer les morts. ⇒ Embaumement, momie. || Masque (1. Masque, cit. 27) d'un mort (⇒ Mortuaire). || Faire l'autopsie d'un mort. — ☑ Fam. Médecin des morts : médecin légiste. — Ensevelissement des morts. ⇒ 2. Bière, cercueil; linceul, suaire; fossoyeur. || Porter un mort en terre. ⇒ Ensevelir, enterrer (cit. 13); enterrement, obsèques; fosse, tombe; corbillard; convoi (cit. 6), cortège. Par plais. || « Un mort s'en allait tristement… » (→ Curé, cit. 1, La Fontaine). || Emmener un mort à sa dernière demeure. — Incinérer un mort. ⇒ Crémation. || Cendres d'un mort. ⇒ Cinéraire (urne). — Lieu où l'on enterre les morts, où l'on place leurs restes. ⇒ Catacombe(s), caveau (cit. 2), champ (des morts), charnier (cit. 4), cimetière, columbarium, crypte, fosse, nécropole, sépulcre, sépulture, tombeau. || Maison des morts (→ Apprivoiser, cit. 23). — Les morts gisent (cit. 3) dans la terre. || Mort décomposé. || Les morts sont la proie des vers.
1 Ainsi, quand de tels morts sont couchés dans la tombe (…)
La gloire, aube toujours nouvelle,
Fait luire leur mémoire et redore leurs noms !
Hugo, les Chants du crépuscule, III.
2 Hermann reprit alors : le malheur, c'est la vie.
Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! J'envie
Leur fosse où l'herbe pousse, où s'effeuillent les bois.
Hugo, les Contemplations, IV, XII.
3 Seigneur, j'ai vu la face inerte de vos morts,
J'ai vu leur blanc visage et leurs mains engourdies;
J'ai cherché, le front bas devant ces calmes corps,
Ce qui reste autour d'eux d'une âme ivre et hardie.
Anna de Noailles, les Vivants et les Morts, « Les morts ».
4 La terre est tellement pleine de morts que les éboulements découvrent des hérissements de pieds, de squelettes à demi vêtus et des ossuaires de crânes placés côte à côte sur la paroi abrupte, comme des bocaux de porcelaine. Il y a dans le sol, ici, plusieurs couches de morts, et en beaucoup d'endroits l'affouillement des obus a sorti les plus anciennes et les a disposées et étalées par-dessus les nouvelles.
H. Barbusse, le Feu, II, XX.
♦ Spécialt. ⇒ Défunt. || Le mort n'a pu être identifié.
2 Être humain qui ne vit plus (mais est considéré comme existant dans l'au-delà, ou dans la mémoire des hommes). ⇒ Défunt. || Les morts et les vivants (→ Hommage, cit. 28). || Culte (cit. 8), religion des morts. ⇒ Ancêtre (cit. 7). → Ancien, cit. 6; homme, cit. 60. || Commémoration d'un mort. || Le jour des morts. ⇒ Toussaint. || Les parentales, fête des morts dans l'antiquité romaine. — Relig. cathol. || Messe des morts. ⇒ Requiem (→ Célébrer, cit. 2). || Prières des morts. ⇒ Absoute, de profundis, dies iræ, libera… || Office, vêpres, vigile des morts. || Service de quarantaine, service anniversaire pour un mort. ⇒ Obit. — La mémoire des morts. || Monument à la mémoire d'un mort. ⇒ Cénotaphe. || Monument (cit. 3 et 4) aux morts. || Lanterne des morts. || Liste des morts. ⇒ Nécrologie, obituaire. || Cataloguer (cit. 1) les morts. || Nos morts, ceux dont nous nous souvenons, de notre famille, de notre pays… (→ Défaut, cit. 34). || Venger un mort. — Les morts dorment en paix (→ Éteindre, cit. 61). || L'oubli, second linceul des morts (→ Asile, cit. 25). || La gloire (cit. 21) est le soleil des morts.
5 (…) on doit des égards aux vivants; on ne doit aux morts que la vérité.
Voltaire, Œdipe, « Lettre I », note.
6 C'est la cendre des morts qui créa la patrie.
Lamartine, la Chute d'un ange, 3e vision.
7 Les morts durent bien peu. Laissons-les sous la pierre !
Hélas ! dans le cercueil ils tombent en poussière.
Moins vite qu'en nos cœurs !
Hugo, les Feuilles d'automne, VI.
8 Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Tableaux parisiens », C.
9 (…) une patrie se compose des morts qui l'ont fondée aussi bien que des vivants qui la continuent.
Renan, Discours et Conférences, « Réponse au discours de Lesseps », Œ. compl., t. I, p. 816.
10 Les morts ne sont pas morts, c'est assez clair puisque nous vivons. Les morts pensent, parlent et agissent; ils peuvent conseiller, vouloir, approuver, blâmer; tout cela est vrai; mais il faut l'entendre. Tout cela est en nous; tout cela est bien vivant en nous.
Alain, Propos, Le culte des morts, 8 nov. 1907.
3 Personne que la mort a frappée. ⇒ Victime. || Les morts de la guerre, de Verdun, des bombardements. — Les morts du choléra, de la peste. Spécialt. (Dans le décompte des victimes d'un accident). || Un mort, deux blessés graves (cit. 25). — Dr. anc. || Le mort saisit le vif… (→ Hoir, cit. 1).
♦ ☑ Allus. hist et littér. « Les morts vont vite », refrain d'une ballade fantastique de Burger, dans laquelle Lénore est entraînée dans la tombe par son amant mort. ☑ Debout (cit. 13), les morts ! — ☑ Prov. Les morts ont toujours tort. || Il faut laisser les morts ensevelir les morts.
11 Il (Jésus) dit à un autre : « Suis-moi ». Celui-ci répondit : « Permets-moi de m'en aller d'abord enterrer mon père ». Mais il lui répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts; pour toi va-t'en publier le Royaume de Dieu ».
Bible (Jérusalem), Évangile selon St Luc, 9, IV, 59-60.
12 Il n'y a que les morts qui ne reviennent pas.
13 Il est des morts qu'il faut qu'on tue.
Fernand Desnoyers, Protestation (contre une statue de Casimir Delavigne).
14 Les Morts gouvernent les vivants.
A. Comte, Catéchisme positiviste, p. 29.
REM. Cette pensée est généralement citée sous la forme suivante, attribuée à Auguste Comte : « L'Humanité se compose de plus de morts que de vivants » (cf. Guerlac, p. 160).
♦ ☑ Loc. fam. La place du mort : la place voisine de celle du conducteur, dans une automobile.
14.1 La traction-avant file à près de cent sur la route de Malesherbes (…) Lui, il est à ma droite, qui va une fois de plus mériter son nom de place du mort.
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 92.
♦ ☑ Loc. fig. Faire un bruit à réveiller les morts. ☑ Dire des énormités à faire se retourner les morts dans leurs tombes. || Ce cognac réveillerait un mort.
15 Les femmes poussaient des cris à réveiller les morts.
France, le Petit Pierre, XIX.
♦ ☑ Contrefaire (cit. 6 et 7), faire (cit. 163) le mort : rester rigoureusement immobile, et, fig., ne pas agir, ne pas se manifester; je lui ai écrit plus de dix fois, mais il fait le mort.
16 Ne bougez point, cela est salubre. Faites le mort, on ne vous tuera pas. Telle est la sagesse de l'insecte.
Hugo, l'Homme qui rit, II, III, IX.
4 (XVIe). Esprit, âme d'une personne morte. || Les morts, dans l'au-delà. ⇒ Double, esprit, ombre (→ Les pâles ombres), spectre; larve, lémure. || Âme des morts. ⇒ Mânes (antiq. rom.). || L'empire (cit. 10), le royaume des morts. || Le livre des Morts, dans l'ancienne Égypte et au Tibet, décrivant la condition des morts dans l'au-delà. || Le rivage des morts (→ Fois, cit. 4). Poét. || Descendre chez les morts, au séjour des morts : mourir (⇒ Passer). — Le dieu des morts : Hadès, Pluton. || Évoquer, faire apparaître les morts par magie. ⇒ Nécromancie (→ Illuminer, cit. 22 et 26). || Mort qui vient hanter un lieu. ⇒ Revenant; fantôme.
17 Un mort, un mort de qualité surtout, est accueilli sur le sombre rivage comme un voyageur qui débarque au port, et que tous les courtiers d'hôtellerie fatiguent de leurs recommandations.
Balzac, le Cousin Pons, Pl., t. VI, p. 764.
♦ Ressusciter les morts (→ Aveugle, cit. 34). || La vallée de Josaphat, où les morts ressusciteront au jugement dernier. || Le Christ ressuscita d'entre les morts.
5 ☑ Fig. Un mort vivant, un mort en sursis : qqn qui est condamné, qui va mourir (→ Appétit, cit. 25). — Allus. littér. || Souvenirs de la maison des morts (récit de la déportation de Dostoïevsky).
♦ (1837). Dr. anc. || Mort civil, celui qui était frappé de mort civile (→ Failli, cit. 1).
6 N. m. (1861). (Cartes : whist, bridge). Joueur qui étale ses cartes sur la table et ne participe plus au jeu, une fois les annonces faites. || Au bridge, c'est le (ou la) partenaire du demandeur qui fait le mort. — Cartes de ce joueur. || Jouer pique du mort.
18 Dans le salon bleu, des tables tendues de drap étaient préparées pour le bridge (…) Les morts se lèvent comme dans une insomnie, et un instant détachés du jeu (…) s'approchent des groupes dans la fumée d'une cigarette vite rejetée, puis retournent à leur concentration insondable.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 443.
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CONTR. Vivant.
COMP. Croque-mort.
HOM. Maure, formes du v. mordre, more, mors.
Encyclopédie Universelle. 2012.