OS
Seuls constituants du corps des Vertébrés qui soient normalement préservés après la mort grâce à leur minéralisation élevée, les tissus du squelette (os, dents, cartilages) ont été longtemps considérés comme formant la charpente inerte de l’organisme. Toute l’évolution de la biologie s’inscrit en faux contre cette manière de voir superficielle. Actuellement, le squelette apparaît au contraire formé de tissus vivants ayant une activité physiologique importante, perpétuellement en voie de remaniement, échangeant sans cesse des éléments avec le milieu intérieur. Dans cette perspective, l’étonnant phénomène de la croissance squelettique, avec les changements de proportions qu’elle comporte, n’est que l’aspect le plus apparent de cette activité physiologique qui se poursuit toute la vie.
Cette conception essentiellement dynamique, issue de l’analyse microscopique, a ouvert la voie à l’interprétation fonctionnelle du tissu osseux qui constitue actuellement un domaine d’investigation très actif, abordé à l’aide d’une multitude de techniques modernes; parmi les plus importantes, il faut compter l’emploi d’éléments marqueurs (chimiques ou radioactifs). Pour fructueuses que soient ces voies de recherche, il ne faut pas perdre de vue que les tissus squelettiques constituent aussi une charpente à rôle mécanique , à propos de laquelle le vaste et difficile problème de l’adaptation de la structure à la fonction peut être abordé de façon tout particulièrement intéressante.
Enfin, grâce à la possibilité qu’a le squelette de se fossiliser, il fournit pratiquement la totalité des informations objectives dont on dispose quant au déroulement historique du phénomène évolutif. Il est peut-être moins connu, à ce propos, que la fossilisation préserve fréquemment les structures microscopiques du tissu osseux. Ainsi, au-delà de l’évolution morphologique du squelette, telle que nous la révèle la paléontologie classique, la paléohistologie offre l’intéressante occasion d’étudier le déroulement de l’évolution au niveau des tissus eux-mêmes. Cette science élargit ainsi à la dimension du temps les perspectives de l’histologie comparée, méthode d’investigation efficace pour parvenir à une interprétation fonctionnelle de la structure du tissu osseux.
Comme le biologiste, le médecin, pour attentif qu’il soit à l’importance du métabolisme phosphocalcique dans l’économie générale de l’organisme, ne peut oublier que le tissu osseux n’est que l’un des constituants des os. En tant qu’organes, ceux-ci représentent des édifices tissulaires, dans lesquels la moelle osseuse (c’est-à-dire le tissu conjonctif médullaire), par son rôle dans la formation des éléments sanguins [cf. HÉMATOPOÏÈSE], et le cartilage , par ses fonctions spécifiques [cf. ARTICULATIONS], sont l’objet d’une pathologie particulière. Mais la complexité de la pathologie osseuse tient notamment au fait que des relations biologiques étroites unissent fonctionnellement les différents tissus ainsi intriqués.
On s’explique donc que les maladies des os puissent souvent faire l’objet non pas, comme on le croit communément, d’une pathologie locale mais au contraire d’une pathologie de «système», modalité ou témoin de la pathologie générale.
1. Le tissu osseux
Les classiques de l’Antiquité (Hippocrate, Aristote, Galien) spéculèrent sur la nature des os sans atteindre, semble-t-il, un niveau de connaissance vraiment scientifique. Galilée reconnaît la relation entre la forme des os et leurs fonctions mécaniques (1638), orientant ainsi les recherches dans une voie aussi fructueuse que riche en controverses, et illustrée par K. Culmann (1867), J. Wolff (1892), A. Benninghoff (1927).
Les modalités de la croissance et du remaniement des os ont été étudiées, dès le XVIIIe siècle, par H. Duhamel du Monceau (1739, 1743) qui utilisa pour cela les propriétés tinctoriales de la garance au cours d’expériences restées célèbres. J. Hunter (1798), M. Flourens (1845), G. Humphry (1858) développèrent ces premiers travaux et les modernes techniques de marquage par les tétracyclines en sont la continuation directe.
La compréhension de la structure histologique du tissu osseux fut acquise lentement et difficilement au cours des trois derniers siècles. Les noms de A. Van Leeuwenkoek (1674, 1693), C. Havers (1691), J. Howship (1815), J. Müller (1836), A. von Koelliker (1853), K. Gegenbauer (1864) et V. von Ebner (1875), parmi beaucoup d’autres, jalonnent les progrès dans ce domaine.
Enfin, le problème de la constitution chimique de l’os fut abordé avec succès, dès le milieu du XVIIIe siècle, quand l’expérimentation démontra la présence simultanée de composants organiques et minéraux dans la substance osseuse (M. Hérissant, 1758).
Rapports de la structure à la fonction, modalités de la croissance et du remaniement, structure microscopique et, enfin, nature chimique apparaissent donc comme les quatre voies de recherche qui se sont précisées au cours de siècles de progrès difficiles. Il est important de reconnaître que chacune de ces voies intéresse un ensemble de problèmes qui se posent à des niveaux d’intégration différents de la structure osseuse. En effet, le terme d’os est ambigu car il désigne aussi bien un segment osseux ayant une signification d’organe anatomique, un fémur par exemple, que la texture et l’organisation microscopique des tissus de cet organe (histologie osseuse) ou que la substance chimique qui le compose (matière osseuse).
C’est pour remédier à cette confusion que H. Petersen a proposé (1930) de distinguer des «ordres de structure» qui sont généralement employés par les chercheurs actuels. À chacun de ces niveaux d’intégration correspondent des problèmes particuliers qu’il convient d’aborder par des techniques différentes (tabl. 1).
Ostéogenèse
On sait que le squelette comporte des éléments périphériques (exosquelette, ou mieux, squelette dermique) et des éléments profonds (endosquelette). Les tissus dentaires sont toujours associés aux os de l’exosquelette. La distinction entre éléments exo- et endosquelettiques, en outre, n’est pas essentiellement histologique mais plutôt histogénétique: elle tient compte, en effet, des modalités différentes de l’ostéogenèse qui se manifestent dans chaque cas.
Dans l’exosquelette, les éléments osseux se différencient toujours par ossification directe de membranes (on parle d’ossification dermique), tandis que dans l’endosquelette un stade transitoire cartilagineux précède presque toujours l’ossification, os et cartilage pouvant avoir ultérieurement des relations complexes.
Ossification dermique
Prenons comme exemple le cas d’un os de la voûte crânienne. Du mésenchyme squelettogène apparaît dans la partie profonde du derme (cf. photo page précédente). Les cellules mésenchymateuses indifférenciées sont pourvues de prolongements cytoplasmiques et constituent un petit massif aplati. Leurs caractéristiques cytologiques se modifient et elles deviennent des ostéoblastes . Ceux-ci forment un îlot au contact duquel la substance intercellulaire acquiert des propriétés nouvelles; il y a dépôt de fibrilles de collagène qui constituent l’essentiel de la substance préosseuse (tissu ostéoïde des pathologistes). Rapidement, intervient une minéralisation associée à la production in situ de phosphatase alcaline par les ostéoblastes et à l’incorporation de soufre dans certains constituants (acide chondroïtine-sulfurique) de la «substance fondamentale» située entre les fibrilles collagènes (cf. métabolisme PHOSPHOCALCIQUE). Des microcristaux d’hydroxyapatite («sels de l’os») se déposent sur la trame collagène irrégulière. La substance préosseuse ainsi minéralisée par ce phosphate de calcium devient alors la substance osseuse proprement dite, dont la composition est précisée dans le tableau 2 [cf. MINÉRALISATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE]. La texture de cet os jeune est souvent grossièrement fibreuse car les fibres collagènes sont disposées en désordre. Le mince disque osseux ainsi réalisé est entouré d’ostéoblastes et s’accroît par sa périphérie ainsi que par ses deux faces, supérieure et inférieure. Il y a donc développement par accrétion d’os nouveau.
Ce processus est général pour l’os; en effet, à la suite de multiples controverses, il est désormais acquis que le tissu osseux, contrairement au cartilage, ne s’accroît jamais par expansion interne (intussusception) comme le croyaient encore J. Meckel (1815), R. Volkmann (1862), J. Wolff (1870), mais toujours par accrétion ou apposition (J. Hunter, 1798). Comme le dépôt osseux se poursuit, de nombreux ostéoblastes se trouvent emprisonnés dans l’épaisseur de la substance extra-cellulaire qui se minéralise; on les nomme alors ostéocytes , ou cellules osseuses proprement dites. Les ostéocytes constituent ainsi des cellules vivantes emprisonnées dans la substance fondamentale de l’os. Ils sont pourvus de prolongements cytoplasmiques très fins (canaliculi ) qui les relient les uns aux autres et ont un rôle nourricier. Les cellules sont enfermées dans des logettes (ostéoplastes ), constituées par une différenciation acido-résistante de la substance fondamentale.
À partir de la petite plaque osseuse ainsi réalisée, en général près du centre du «territoire» qu’occupera le futur os, s’irradient des travées d’ossification qui progressent de manière centrifuge. À la périphérie du territoire occupé par elles, ces travées s’affrontent avec celles provenant des centres d’ossification voisins; la limite entre deux territoires contigus ne s’ossifie pas tant que dure la croissance, car c’est seulement à ce niveau qu’un dépôt d’os nouveau est possible et que l’os peut ainsi s’accroître en surface. Par contre, un accroissement en épaisseur est possible par le dépôt de nouvelles couches osseuses superposées. Le processus aboutit, en général, à la formation d’un os plat de texture d’abord fibreuse puis lamellaire (cf. infra , Croissance des os ). Une «table externe» compacte d’os cortical (ou cortex) limite l’os vers l’extérieur, et une «table interne», également compacte, le limite vers l’intérieur. Entre ces deux corticales, une région spongieuse (spongiosa ou medulla ), lieu de résorption et de remaniement, contient la moelle. Cette structure «en diploé» est typique des os plats.
Les os plats peuvent avoir en surface des ornementations variées (crêtes radiaires ou concentriques, cupules, etc.) comme chez les crocodiles, ce qui implique des modalités plus ou moins complexes de la croissance et du remaniement, ainsi que des taux différentiels de la croissance des diverses parties de l’os (A. Bystrov, 1935). Des variations complexes des rayons de courbure impliquées par la croissance des os plats crâniens sont également réalisées par le jeu différentiel de l’érosion et de la reconstruction.
Enfin, les os dermiques peuvent être associés avec des tissus dentaires ou superficiels variés: dentine (ivoire) et ganoïne mésodermiques, émail épidermique, etc. C’est le cas chez les Poissons sensu lato . Chez ceux-ci, ainsi que chez les Amphibiens primitifs, certains os dermiques sont associés à des systèmes de canaux sensoriels (os à canaux). Dans ce cas, au moins chez les Poissons, les neuromastes des canaux sensoriels jouent un rôle inducteur dans l’ostéogenèse (T. Pehrson, 1940; C. Devillers, 1947). Cette propriété est perdue chez les Tétrapodes.
Ossification périostique
On peut la décrire dans la diaphyse d’un os long (fig. 1). C’est une modalité particulière d’ossification dermique qui se réalise, par exemple, au niveau de la diaphyse des os longs de l’endosquelette. À la surface du massif cartilagineux constituant le «modèle» de l’os, la couche fibreuse (périchondre) se différencie, dans sa partie profonde (couche ostéogène), en périoste par apparition d’ostéoblastes qui édifient une virole osseuse périostique à la surface de la diaphyse de l’ébauche cartilagineuse. L’apposition centrifuge de couches osseuses superposées est la cause de l’accroissement progressif en diamètre de la pièce osseuse. Dans les embryons de Mammifères, l’os périostique présente, généralement, une texture fibreuse. Ultérieurement, le type d’os déposé change au cours de la croissance: l’os périostique qui se dépose alors est fréquemment de type lamellaire, ou encore composite (fibro-lamellaire). Outre les ostéocytes, la substance osseuse englobe dans son épaisseur de nombreux vaisseaux sanguins du périoste, qui sont enfermés dans l’os au cours de son dépôt et assureront sa vascularisation.
Ossification enchondrale
Rappelons que l’ébauche cartilagineuse d’un os long s’accroît à la fois par apposition périphérique de cartilage nouveau provenant de la différenciation du périchondre, et par croissance interstitielle provenant de la division des cellules cartilagineuses.
Une fois la virole d’ossification diaphysaire formée (ossification périostique), le cartilage diaphysaire sous-jacent est envahi par des bourgeons de tissu conjonctif contenant des vaisseaux sanguins et des cellules indifférenciées. Des chondroclastes , cellules géantes polynucléaires associées à ces bourgeons, détruisent le cartilage diaphysaire par phagocytose. Ainsi se différencie la cavité médullaire diaphysaire, limitée à sa périphérie par l’os périostique. Dans les régions moyennes de l’ébauche cartilagineuse (métaphyses), le cartilage subit une évolution complexe (cf. photo), responsable de la croissance en longueur de l’ébauche. Entre les rangées de cellules cartilagineuses hypertrophiées résultant de cette évolution, la substance fondamentale du cartilage se calcifie, formant des travées sur lesquelles se déposent les premières lamelles osseuses de l’ossification enchondrale, d’où leur nom de travées directrices . L’enchondral apparaît grâce à l’activité d’ostéoblastes différenciés à partir des bourgeons conjonctivovasculaires qui avaient envahi la diaphyse de l’ébauche cartilagineuse. Il s’organise en une spongiosa .
Chez les Vertébrés inférieurs, ce processus de remplacement du cartilage hypertrophié métaphysaire par de l’os (néoplasie) est responsable à lui seul de l’ossification interne des ébauches cartilagineuses. Il ne persistera, finalement, qu’une étroite bande de cartilage épiphysaire qui joue à la fois le rôle de cartilage articulaire par sa face externe et de cartilage d’accroissement par sa face interne (tortues, crocodiles; W. R. Haines, 1942). Chez certains poissons et lézards et chez tous les Mammifères, au contraire, des centres secondaires d’ossification enchondrale apparaissent aussi dans les épiphyses: ils sont responsables de l’ossification indépendante de l’extrémité des os longs (fig. 1). Dans ce cas, le massif cartilagineux épiphysaire initial est séparé en deux parties distinctes par le centre secondaire d’ossification: une région externe, superficielle, le cartilage articulaire ; une région interne, profonde, séparant les centres d’ossification épi- et métaphysaire et constituant le cartilage de conjugaison , seul responsable de la croissance en longueur. Chez les Mammifères, la fin de celle-ci est consommée par la fusion des ossifications épi- et métaphysaire, résultant de l’érosion définitive du cartilage de conjugaison.
Rapports du cartilage et de l’os
À la suite de controverses célèbres (H. Müller, 1858; N. Lieberkühn, 1862; E. Retterer, 1918, etc.), il paraissait bien établi que, dans le cas de l’ossification enchondrale, il n’y avait jamais transformation de cartilage en os (métaplasie chondro-osseuse), mais au contraire remplacement par celui-ci de celui-là (néoplasie). Mais ces vues classiques (P. Lacroix, 1949), qui demeurent largement correctes, doivent être quelque peu nuancées. Dans des circonstances pathologiques, on admet que des tissus cartilagineux ou «chondroïdes» puissent se transformer directement en os. Des expériences de culture de tissus sont venues confirmer l’existence incontestable de métaplasies chondro-osseuses (F. Bohatvichuk, 1969). De leur côté, R. Haines et A. Mohuiddin (1968) ont fait remarquer que la mince pellicule compacte et d’apparence osseuse située sous les cartilages articulaires semble normalement provenir d’une transformation directe du cartilage en os.
Les relations histologiques entre os et cartilage paraissent beaucoup plus variées chez les Poissons que chez les Tétrapodes. On a pu ainsi décrire chez eux des tissus mixtes (P. Stephan, 1900), des ossifications périchondrales , parachondrales (M. Blanc, 1958) qui pourraient faire intervenir, dans certains cas, une transformation directe du cartilage en os. Rappelons, à ce propos, que le terme d’os périchondral (souvent employé par les paléontologistes) a une signification topographique plutôt qu’histologique; il désigne simplement une pièce osseuse différenciée à la périphérie d’un cartilage, éventuellement par un mode d’ossification périostique banal.
Tous ces exemples confirment les relations qui existent entre os et cartilage (T. /Orvig, 1951; F. Pauwells, 1965). Les cellules mésenchymateuses squelettogènes sont originellement bipotentielles (cf. ONTOGENÈSE). Elles peuvent évoluer soit vers une chondrogenèse, soit vers une ostéogenèse en fonction de «facteurs locaux» (préexistence locale d’os ou de cartilage en particulier: B. Hall, 1968), dont le déterminisme est incomplètement élucidé. Chez les Vertébrés inférieurs, l’ambiguïté entre ces diverses catégories de tissus demeure beaucoup plus grande que chez les Mammifères par exemple (M. Blanc). Il paraît peu probable, cependant, que les chondrocytes, après différenciation cytologique complète, soient en général capables de se dédifférencier à nouveau pour se transformer en un autre type cellulaire, en ostéoblastes en l’occurrence, comme cela était admis par les tenants de la conception classique de la métaplasie (E. Retterer). En effet, dans tous les cas où une métaplasie chondro-osseuse paraît indiscutable, elle se réalise à la surface des pièces cartilagineuses, près du périchondre, dans une région formée de cellules jeunes et peu différenciées. L’ossification enchondrale proprement dite, intervenant en profondeur dans le cartilage déjà très différencié, paraît au contraire ressortir au processus de néoplasie, au sens de remplacement d’un tissu antérieur par un tissu nouveau.
Croissance des os
La croissance en épaisseur de la diaphyse d’un os long se fait par apposition centrifuge d’os périostique, tandis que sa croissance en longueur est réalisée grâce au cartilage épiphysaire (ou de conjugaison), qui est remplacé au fur et à mesure de son allongement par l’ossification enchondrale. On a vu, d’autre part, que le développement osseux ne peut s’effectuer que par apposition d’os nouveau sur des surfaces préexistantes, jamais par expansion interne.
Dans ces conditions, pour que l’os en croissance puisse conserver des proportions constantes ou, au contraire, pour que ces proportions puissent changer, des phénomènes de destruction, d’érosion doivent faire partie intégrante du processus de croissance d’un segment osseux dans son ensemble, au même titre que les phénomènes de dépôt d’os nouveau. Ainsi, dans les os longs, les extrémités (épiphyses) ont un plus grand diamètre que la diaphyse. Au cours du développement en longueur, une région proche de l’épiphyse à un moment donné va se trouver progressivement intégrée à la région diaphysaire de l’os plus âgé (fig. 2). Cette région de transition (métaphyse) devra donc subir à ce moment une érosion périphérique, déterminant une réduction de diamètre, pour acquérir le diamètre de la diaphyse. Plus tard encore, ce même niveau sera intégré à la diaphyse moyenne de l’os encore plus grand: ce niveau recevra à ce moment un dépôt périphérique d’os périostique qui fera augmenter son diamètre. Enfin, quand l’os aura encore crû, l’érosion périmédullaire qui accompagne la croissance en diamètre de la diaphyse pourra faire complètement disparaître la région considérée. De même, l’une des faces de l’os peut se développer activement par apposition, tandis que l’autre face croît plus lentement (croissance différentielle) ou peut même subir une résorption, ce qui entraîne un glissement latéral du grand axe de l’os, ou dérive osseuse (fig. 3).
Dépôt et érosion de l’os apparaissent donc comme deux phénomènes complémentaires et indissociables, qui rendent compte simultanément de la croissance harmonieuse d’un segment osseux dans son ensemble. Tous ces phénomènes ontogéniques complexes s’inscrivent dans la structure de l’os au fur et à mesure de sa formation et y laissent des traces visibles dans la mesure où le remaniement haversien ne bouleverse pas entièrement les séquences de dépôt (cf. Remaniements ). Ainsi, l’examen de sections adéquates de tissu osseux peut permettre à l’histologiste de reconstituer l’histoire de la formation d’un os au cours de l’ontogenèse, tout comme l’histoire géologique d’une province, inscrite dans la succession des couches sédimentaires, peut être reconstituée par le stratigraphe.
Types histologiques
En général, le tissu osseux diffère, chez le même individu, d’un os à l’autre. Dans un seul os, il diffère encore, à la fois localement et en fonction de l’âge individuel.
De plus, le tissu osseux n’est pas le même pour des espèces, des ordres et des classes différents.
Pour décrire ces structures nombreuses et tenter éventuellement de comprendre la signification de leur variété, les histologistes ont été d’abord conduits à édifier des classifications plus ou moins typologiques du tissu osseux. On a tenté ensuite de relier structure et fonction, c’est-à-dire d’associer chaque type de tissu aux circonstances générales ou locales qui justifient sa présence en tel ou tel point du squelette: cet essai de classification fonctionnelle , qui peut coïncider avec la classification typologique, en est encore à ses débuts.
Les classifications sont, en général, fondées sur la structure de la trame collagène extra-cellulaire (F. Weindenreich, 1930; J. Pritchard, 1956; M. Gabe, 1967), ou sur les modalités de la vascularisation de l’os (E. Enlow et S. Brown, 1956). On n’en donnera qu’un aperçu.
Tissus osseux primaires
Les tissus osseux primaires sont formés par un dépôt (périostique) et non précédés par le remaniement d’os préexistant.
Os acellulaire
L’os acellulaire (et parfois avasculaire) est spécial aux Téléostéens évolués (tissu ostéoïde des anatomistes, non des pathologistes). Une variante (aspidine ) est présente chez les Agnathes fossiles.
Os cellulaire
L’os cellulaire, avec ostéocyte inclus, est le cas général. Il comprend:
– L’os lamellaire vasculaire, chez lequel les fibres collagènes sont fines et possèdent une orientation qui varie régulièrement d’une lamelle à l’autre. Les logettes des cellules osseuses sont fusiformes et disposées régulièrement. La vascularisation est assurée par des canaux vasculaires souvent entourés d’un manchon d’os lamellaire (ostéone primaire). Les canaux vasculaires sont le plus souvent longitudinaux, c’est-à-dire parallèles au grand axe de l’os (fig. 4). L’os lamellaire se déposerait lentement.
– L’os lamellaire avasculaire, dont l’isopédine des écailles de poisson constitue un exemple.
– L’os fibreux, avec des fibres collagènes grosses, irrégulières, sans orientation spatiale privilégiée, des cellules osseuses réparties sans ordre et d’aspect globuleux; les anfractuosités sont souvent nombreuses dans cet os qui se dépose très rapidement (squelette fœtal).
– L’os fibrolamellaire, associant os lamellaire et os fibreux selon des modalités nombreuses et complexes. Ainsi, les canaux vasculaires traversant l’os fibreux peuvent être entourés d’os lamellaire qui forme, autour de chacun d’eux, un ostéone primaire; tel est le cas du squelette postfœtal des Mammifères.
Os secondaires (remaniés)
Dans le cas d’os secondaires, l’os préexistant est toujours plus ou moins remodelé par une érosion suivie d’une reconstruction, et la structure est toujours bréchique . On distinguera les variétés suivantes:
Os haversien
Les canaux vasculaires de l’os primaire compact subissent une érosion à leur périphérie. Un dépôt centripète de lamelles osseuses qui débute à la périphérie de ces baies d’érosion édifie des ostéones secondaires (ou systèmes de Havers proprement dits). Ceux-ci peuvent ultérieurement se recouper les uns les autres lors de l’édification d’ostéones secondaires de 2e, 3e, ne génération. L’os haversien dense paraît associé à l’acquisition d’un grand âge individuel.
Os spongieux remanié
Formant la spongiosa trabéculaire, l’os spongieux remanié s’élabore par l’érosion suivie d’une reconstruction partielle de la partie profonde (périmédullaire) des corticales, et par remaniement de l’os enchondral d’origine métaphysaire.
Os spongieux rendu compact
Ancien os spongieux, complété par un dépôt comblant ses cavités, l’os spongieux rendu compact est présent de façon caractéristique dans les corticales des métaphyses, où le diamètre de l’os doit diminuer pendant la croissance (cf. supra ); c’est donc la spongiosa métaphysaire profonde remaniée en cortex superficiel compact.
Ce dernier exemple montre que les facteurs qui déterminent le type de tissu osseux en un point donné, à un moment fixé, sont essentiellement ontogéniques. Les conditions locales du dépôt périostique (vitesse, en particulier) et le destin ultérieur du dépôt considéré (stratification continuée in situ ou, au contraire, érosion-reconstruction) paraissent rigoureusement programmés dans une séquence complexe d’événements ontogéniques. Le résultat global est l’édification d’un os de taille et de morphologie données dans un laps de temps déterminé.
Remaniements
L’étude du remaniement osseux est l’un des plus importants thèmes de recherche pour la biologie de ce tissu. Il y a remaniement chaque fois que de nouvelles couches d’os se redéposent dans des régions préalablement occupées par de l’os qui a été érodé: l’aspect «bréchique» des structures ainsi édifiées par érosion-reconstruction est caractéristique. La signification du remaniement peut être très variée, et on en distinguera trois modalités.
Un premier type, lié à des nécessités d’ordre géométrique, est impliqué, on l’a vu, par les modalités générales de la croissance osseuse. Tandis que certaines régions de l’os doivent subir une érosion, d’autres reçoivent un dépôt d’os nouveau. Ultérieurement, il arrive qu’une région érodée soit reconstruite, en fonction de la séquence locale d’événements associés à la croissance. Ce premier type est donc le remaniement général lié à la croissance: il intéresse le cortex comme la spongiosa.
Les régions d’insertions musculaires ou tendineuses doivent subir des déplacements séquentiels de position au cours de la croissance et possèdent, de ce fait, une structure particulière. Un deuxième type de remaniement des corticales osseuses paraît associé à ces régions particulières qui contiennent parfois de nombreux systèmes de Havers. C’est un remaniement local associé au déplacement séquentiel des zones d’insertion.
Enfin, il arrive fréquemment que les canaux vasculaires primaires inclus dans l’os (ostéones primaires) soient érodés à leur périphérie, puis partiellement ou totalement reconstruits (fig. 5). Le résultat de ce remaniement haversien est l’édification d’ostéones secondaires (ou systèmes de Havers). D’aspect caractéristique, ceux-ci sont souvent (et improprement) présentés comme les constituants essentiels de tout tissu osseux compact.
Quelle peut être la signification de la transformation, parfois généralisée, des corticales – elles-mêmes initialement constituées d’os primaire – en os haversien (secondaire) compact?
Pour A. Benninghoff (1927-1935), le remaniement haversien des corticales serait l’expression de l’adaptation de celles-ci aux contraintes mécaniques. Cette conception, très discutée, paraît peu fondée puisque de nombreux travaux ont maintenant démontré que, dans bien des cas, l’os primaire possède des caractéristiques mécaniques plus favorables que l’os haversien par lequel il est remplacé. On a supposé que le remaniement cortical, une fois commencé, interrompait partiellement le plexus vasculaire de l’os primaire préexistant, d’où nécrose de celui-ci, ce qui entraînerait, par une sorte de réaction en chaîne, un remaniement toujours plus poussé de l’os cortical: la formation de corticales haversiennes en serait donc finalement le résultat (J. Currey, 1960).
Il est manifeste, d’autre part, que le remaniement particulièrement actif et généralisé de la corticale périmédullaire profonde en une spongiosa intramédullaire est lié au processus général d’accroissement en diamètre de la diaphyse. Pour Enlow et Brown (1958), si l’activité hormonale commandant le processus d’érosion-reconstruction n’était pas limitée à la région périmédullaire, mais s’étendait aussi aux vaisseaux intracorticaux, la formation d’un remaniement haversien s’ensuivrait automatiquement. Dans cette perspective, le remaniement haversien des corticales ne serait qu’une conséquence secondaire du processus d’érosion périmédullaire associé à l’accroissement en diamètre. Une autre interprétation voit dans la substitution haversienne une réponse adaptative visant au remplacement de matériaux ayant subit une fatigue , du fait des contraintes mécaniques supportées.
Si chacune des «explications» proposées ci-dessus peut contenir une part de vérité, il est néanmoins manifeste qu’aucune d’elles ne peut rendre compte de la généralité du phénomène. Pour R. Amprino, la formation d’ostéones secondaires serait essentiellement l’expression histologique des échanges minéraux entre le milieu intérieur et le squelette (1967). Le squelette jouerait le rôle de «réservoir» de sels phosphocalciques et l’érosion-reconstruction haversienne correspondrait à la libération et à la solubilisation de ces sels, puis à leur redépôt, en fonction des nécessités physiologiques de l’organisme. Le contrôle fait intervenir des vitamines et hormones (cf. HORMONES, HYPOPHYSE, PARATHYROÏDES, métabolisme PHOSPHOCALCIQUE, THYROÏDE, VITAMINES). L’histologie comparée enseigne, d’autre part, que les systèmes de Havers sont particulièrement fréquents dans les espèces de grande taille et de forte longévité, en particulier chez les Oiseaux et chez les Mammifères. Ces observations sont en accord avec l’explication «physiologique» proposée ci-dessus: toutes choses égales d’ailleurs, l’activité métabolique du tissu osseux serait plus grande chez un homéotherme que chez un poïkilotherme, et chez un individu de grande taille et / ou à croissance rapide que chez un individu de petite taille et / ou à croissance lente de la même espèce.
Il apparaît, en conclusion, qu’une explication générale et détaillée de la répartition de l’os haversien, qui rendrait compte de tous les faits connus, reste encore à produire.
Adaptation biomécanique
Les rapports entre la forme et la fonction constituent un problème général en biologie. Dans le cas du tissu osseux, il se pose de manière particulièrement aiguë. S’il paraît évident qu’il existe une «relation de cause à effet» entre les fonctions variées que le tissu osseux doit remplir et la structure de celui-ci, le mécanisme précis de cette relation demeure mystérieux après plus d’un siècle de recherches assidues.
Les premiers auteurs (K. Culmann, 1866-1873; H. von Meyer, 1867) remarquèrent la coïncidence entre l’orientation des travées de l’os spongieux et celle des poutrelles de constructions métalliques. Dans les deux cas, l’application des lois de la statique conduit à une économie maximale de matière pour une résistance donnée (grue de Culmann). J. Wolff (1870, 1892, 1899) et W. Roux (1885, 1895) développèrent et synthétisèrent toutes ces données et appliquèrent à l’os l’analyse mécanique rationnelle. La célèbre loi de Wolff , prise en un sens très large, exprime que l’architecture d’un os s’adapte, au cours de sa croissance, aux sollicitations mécaniques qui s’appliquent sur lui. La théorie trajectoriale postule que les travées osseuses s’orientent en fonction des lignes de contraintes qui parcourent l’os. Ainsi, ces travées réalisent une structure légère et résistante, très adaptée à sa fonction. Toute cette phase de la recherche, résumée par P. Murray (1936), aboutit à admettre que, dans certaines limites , les forces de tension stimuleraient le dépôt osseux, tandis que les pressions favoriseraient la résorption. Les généralisations de ce type constituent en tout état de cause une tentative de description plutôt qu’une véritable explication (D. Enlow, 1968).
Au cours des deux dernières décennies, de nombreux travaux ont montré que les généralisations simples concernant les effets des pressions et tractions étaient erronées. Si les contraintes mécaniques exercent bien un effet «modelant» sur l’architecture osseuse, il ne s’agit certainement pas, au moins dans la spongiosa, d’une relation de cause à effet simple et directe, mais d’un mécanisme bien plus subtil. B. Kummer (1959), F. Pauwels (1965) et, plus récemment, B. Epker et H. Frost (1966) et J. Currey (1968) ont proposé des modèles complexes de relations entre contraintes mécaniques et comportement du tissu osseux qui paraissent davantage compatibles avec les faits connus. Comment les contraintes mécaniques peuvent-elles exercer un effet sur l’activité des ostéoblastes et des ostéoclastes? Comment cet effet sera-t-il intégré de telle sorte que les réponses tissulaires globales soient adaptées? Les effets piézo-électriques, mis en évidence dans les os placés sous contrainte (C. Basset, 1966), pourraient bien jouer un rôle fondamental dans le mécanisme de la réponse adaptative du tissu osseux. Il demeure qu’une compréhension précise de l’adaptation biomécanique de l’os adulte, comme de la régulation de la croissance globale de l’os jeune, ne sera acquise que lorsqu’on connaîtra les mécanismes qui contrôlent et régulent l’activité locale du dépôt et de l’érosion du tissu osseux. Ces mécanismes sont sans doute multiples, certains génétiques, d’autres épigénétiques (D. Enlow, 1968).
Histologie comparée
Vertébrés actuels
Toutes les études classiques dans le domaine de l’histologie comparée (J. Foote, 1916; R. Amprino et G. Godina, 1947; D. Enlow et S. Brown, 1956-1958) ont clairement montré la grande variété des types de tissus osseux des divers Vertébrés. Cette constatation contredit le caractère unitaire de la description «classique» du tissu osseux (toujours réalisée à partir du même matériel: homme, lapin, rat), et suggère même quelques réserves quant aux généralisations sur la physiologie et la biochimie du tissu osseux, tant que celles-ci resteront également fondées sur l’étude d’un matériel restreint.
Au contraire, l’analyse des différences histologiques entre tissus osseux de Vertébrés variés est instructive, car elle conduit, par une approche comparative, à l’interprétation du sens de ces différences. Des Vertébrés différant de façon caractéristique par le niveau évolutif, la taille, la longévité, le type adaptatif, l’écologie, etc. présentent entre eux des séries de ressemblances et de différences au niveau du tissu osseux qu’il paraît possible de relier aux particularités biologiques susdites. La perspective de l’histologie comparée permet ainsi de suggérer certaines causes des différences observées, en essayant de relier structure et fonction.
Si l’on ne tient compte que de la structure du cortex des os longs des adultes, on peut schématiser les faits de la manière suivante. Chez les Poissons, le tissu osseux est en général lamellaire, la vascularisation des corticales est assez faible, le remaniement haversien peu abondant, sauf chez les grandes formes (thons) à forte activité physiologique (Amprino et Godina, 1956). Les Amphibiens actuels ont un tissu osseux simple, lamellaire, le plus souvent peu vascularisé. Parmi les Reptiles, il en va de même des Squamates (lézards et serpents) qui possèdent, sauf exception, un os lamellaire avasculaire. Tortues et crocodiles ont, au contraire, un tissu osseux plus élaboré – modérément ou moyennement vascularisé; et il est parfois partiellement remanié en os haversien dans sa partie profonde. Les Oiseaux ont un tissu osseux très richement vascularisé et parfois entièrement remanié en os haversien. Les Mammifères possèdent des tissus osseux très variés. Les grands herbivores ont, en général, de l’os fibrolamellaire très régulier (plexiforme), partiellement remanié en os haversien. Les carnivores ont un os fibrolamellaire lui aussi très remanié. Les grands primates à forte longévité (Homme) ont un os qui finit par être entièrement haversien. Les petits primates, les rongeurs et les insectivores, etc. ont souvent un os lamellaire partiellement remanié. Les formes aquatiques (Cétacés, Siréniens) ont un tissu osseux primaire, très vascularisé, spongieux, peu remanié.
L’os de la plupart des Vertébrés à sang froid (poïkilothermes) montre très souvent dans sa structure l’alternance cyclique de phases de croissance active (zones) et plus lente (annuli ) [F. Peabody, 1961], et un remaniement haversien incomplet. Les homéothermes, au contraire, posséderaient souvent un os primaire très vascularisé, fibrolamellaire, largement remanié dans de nombreux cas en os haversien dense, surtout chez les formes de grande taille et de forte longévité. Ces différences systématiques générales se superposent, bien entendu, aux différences ontogéniques , liées, comme on l’a vu, à la position dans le squelette des structures osseuses examinées. D’intéressantes applications, réunies sous le nom de Squelettochronologie (Castanet, 1973), résultent de la connaissance de plus en plus précise de ces divers aspects comparatifs de la structure du tissu nerveux. Celui-ci joue le rôle, à bien des égards, d’un véritable «enregistreur» de la croissance de l’organisme. La «lecture» de cet enregistrement permet désormais de connaître dans certains cas la vitesse de croissance, l’âge à la maturité sexuelle, l’âge au décès, etc. L’application de ces approches au domaine de la structure et de la dynamique des populations d’espèces sauvages (éco-démographie) ouvre des perspectives considérables, non seulement en écologie théorique et appliquée, mais encore en archéologie préhistorique et en paléontologie.
Paléohistologie
Le degré de préservation du tissu osseux chez les fossiles permet fréquemment de l’étudier avec précision. Grâce aux travaux de A. Seitz (1907), W. Gross (1934), T. /Orvig (1951), D. Enlow et S. Brown (1956-1958), W. Bryant (1936), etc., on connaît ainsi l’histoire du tissu osseux depuis les plus anciens gisements qui aient livré des restes de Vertébrés identifiables (sables verts d’Estonie, grès de Harding dans le Colorado, d’âge ordovicien), jusqu’à nos jours. On doit pratiquement distinguer deux séries de problèmes, selon que l’on aborde la paléohistologie chez les Agnathes et Poissons, d’une part, chez les Tétrapodes, d’autre part.
Chez les premiers, l’étude du tissu osseux a été, dans une certaine mesure, subordonnée à celle des autres tissus durs (dentine, émail, etc.). Ces travaux conduisent à des problèmes généraux tels que l’origine des tissus squelettiques des Vertébrés, les relations phylogénétiques entre tissus osseux et dentaires, la théorie lépidomoriale [cf. DENTS], etc. La paléohistologie des Tétrapodes est limitée à l’étude des dents (H. P. Schultze, 1970) et du tissu osseux. On examinera ce problème en premier lieu.
Histoire du tissu osseux des Tétrapodes
L’étude comparée du tissu osseux chez les Vertébrés actuels (cf. Vertébrés actuels ) pourrait laisser croire que son évolution s’est déroulée selon une séquence linéaire, progressive, manifestant une complexité croissante des Poissons aux Mammifères (G. Crawford, 1940). La paléohistologie des Tétrapodes montre que cette perspective est entièrement erronée. Dès l’origine, les premiers Tétrapodes possédaient (tout comme les «poissons» dont ils dérivent) des tissus squelettiques complexes et élaborés. À cet égard, les Amphibiens primitifs (Stégocéphales) apparaissent bien plus complexes par leur tissu osseux que les représentants actuels de la classe. Ainsi, ces derniers ne représentent pas, par leur tissu osseux, un stade structural simple et primitif de l’histoire des Tétrapodes, mais au contraire un type de structure secondairement simplifié. Il en va de même pour la plupart des Reptiles fossiles dont les tissus osseux, souvent assez comparables à ceux des Stégocéphales, sont bien plus complexes que ceux des Squamates actuels, par exemple. Parmi les Reptiles actuels, tortues et crocodiles sont ceux qui offrent le plus de ressemblances, par leur os relativement complexe, avec les Tétrapodes primitifs. Contrairement à la plupart des autres Reptiles fossiles et actuels, les Dinosaures possédaient souvent un os haversien dense absolument identique à celui des Mammifères de grande taille: des facteurs comparables dans la physiologie (homéothermie?), le taux de croissance et la longévité doivent être à l’origine de cette convergence. Les Mammifères fossiles ne paraissent pas différer des formes vivantes par le tissu osseux; les Thérapsides eux-mêmes, Reptiles mammaliens évolués dont dérivent les Mammifères, possèdent déjà un tissu osseux tout à fait comparable à celui des Mammifères.
Origine du tissu osseux
Il paraissait naturel d’admettre, au XIXe siècle, qu’au cours de l’histoire des Vertébrés un stade primitif à squelette cartilagineux ait précédé le stade osseux, considéré comme plus évolué. Cette conception se fondait sur l’étude du développement ontogénique des Vertébrés actuels (cf. CHONDRICHTHYENS, DENTS). En fait, dès qu’apparaissent des documents, les trois types de tissus durs mésodermiques (cartilage, os et dentine) sont connus et il est difficile, en vérité, de décider quel est le plus primitif. Depuis A. S. Romer (1942), on s’accorde en général à considérer le cartilage non pas comme un tissu phylogénétiquement primitif mais comme un tissu «cænogénétique», c’est-à-dire adapté à la phase embryonnaire de l’ontogenèse. Ainsi, les formes actuelles à squelette cartilagineux ne devraient plus être considérées comme primitives, mais au contraire comme avancées dans la voie d’une évolution néoténique du squelette.
Les Agnathes les plus anciens (Hétérostracés) possèdent un tissu osseux acellulaire (aspidine). Pour Halstead Tarlo (1964), ce tissu représente un stade phylogénétique primitif de la différenciation de l’os, avant que celui-ci ait acquis des cellules incluses (ostéocytes); par conséquent, la dentine (ivoire), également acellulaire, représenterait elle aussi un tissu phylogénétiquement plus primitif que l’os et dérivant d’une forme d’aspidine. Pour T. /Orvig (1968), au contraire, l’acellularité de l’aspidine n’est pas primitive mais secondaire: ce tissu dériverait d’os plus typique, encore plus ancien, par perte des cellules, selon un processus comparable à celui observé chez les Téléostéens modernes (P. Stephan, 1900; M. Moss, 1961-1964). D’autre part, des tissus de passage (mésodentine, semi-dentine) montreraient aussi l’évolution progressive de tissus prédentineux cellulaires vers la dentine acellulaire.
Se fondant sur des considérations biochimiques (M. Urist, 1964) et histologiques, /Orvig (1968) admet que tous les tissus durs mésodermiques seraient d’ancienneté égale et dériveraient d’un tissu primitif commun, à cellules incluses (scléroblastes). Dans un premier stade phylogénique, la minéralisation de ce tissu s’effectuerait selon une modalité primitive: la calcification sphéritique , qui persiste à l’état de vestige dans la dentine, l’os et le cartilage, au moins chez les Vertébrés assez anciens (Dévonien). Ce type de minéralisation n’exigerait qu’une coparticipation simple des cellules incluses. Ultérieurement, la calcification sphéritique serait remplacée en général, dans l’os et la dentine au moins, par la calcification inotropique où les cellules incluses joueraient un rôle beaucoup plus important, associé au dépôt des fibres collagènes qui seront minéralisées par les microcristaux d’hydroxyapatite. Le cartilage conserverait une calcification sphéritique (cartilage globulaire), sauf chez les Chondrichthyens (calcification prismatique, plus évoluée).
Au cours de la phylogenèse des Vertébrés, le tissu osseux serait apparu d’abord dans l’exosquelette, et l’ossification enchondrale des cartilages endosquelettiques ne correspondrait qu’à une étape bien ultérieure de l’évolution (/Orvig, 1968).
En conclusion, il ne convient pas de considérer le tissu osseux comme le théâtre d’innovations structurales progressives; il évolue plutôt à la faveur d’un perpétuel réarrangement de constituants présents dès l’origine (D. Enlow et S. Brown, 1958). Aussi loin que remontent les documents dont on dispose, le tissu osseux apparaît en effet avec ses composants fondamentaux et caractéristiques (structures du 3e et du 4e ordre): cellules de forme étoilée, substance fondamentale à trame collagène minéralisée, vaisseaux sanguins inclus. Le passage de la minéralisation sphéritique à la minéralisation inotropique, s’il est confirmé, apparaît comme le changement microstructural majeur qui serait intervenu au cours de la phylogenèse. L’histoire ultérieure du tissu osseux reflète un réarrangement relatif de ses constituants (structures du 1er et du 2e ordre) plutôt que l’apparition de constituants nouveaux. L’histoire de ces réarrangements n’est pas progressive, linéaire, mais s’effectue selon une multitude de directions qui paraissent très clairement adaptatives. Une conséquence particulièrement nette de ce processus est la fréquence de phénomènes de parallélisme évolutifs dans des lignées différentes. Ainsi, la grande ressemblance que manifestent les tissus osseux de tous les Tétrapodes retournés secondairement à un mode de vie aquatique (certains Stégocéphales, Mésosaures, Nothosaures, Plésiosaures, Ichthyosaures, Siréniens, Cétacés) en constitue sans doute un des exemples les plus frappants.
Par ailleurs, il est en un sens erroné d’affirmer que le tissu osseux haversien dense, celui de l’Homme par exemple, constitue le «stade évolutif» le plus élevé de l’organisation du tissu osseux. Ce type de structure doit seulement être associé à certaines circonstances de la physiologie, de la croissance et du remaniement qui ont été réalisées indépendamment dans de nombreuses autres lignées de Vertébrés. Il n’y a pas de tissu osseux «primitif» ou «évolué» en tant que tel, mais l’arrangement relatif de ses constituants reflète et exprime les grandes tendances adaptatives réalisées par les diverses lignées de Vertébrés.
2. Les maladies des os
Le squelette humain est un système complexe, formé d’un tissu conjonctif, à cellules hautement différenciées, assurant des fonctions mécaniques, métaboliques et hématopoïétiques fondamentales. Sa croissance met en jeu des processus d’organisation tissulaire et d’incitation hormonale très précis.
Les maladies du squelette sont de nature très variée; elles peuvent être la conséquence d’une affection générale de l’organisme, ou se présenter comme des affections spécifiquement ou primitivement osseuses, tumorales, infectieuses, dystrophiques, congénitales ou non.
Rappelons que leur diagnostic est parfois très difficile. Les signes qui attirent l’attention sont, en effet, d’une assez grande uniformité: douleur, tuméfaction, déformation, fracture parfois. L’examen clinique est souvent pauvre. La radiologie, par contre, occupe une place essentielle dans la recherche du diagnostic, mais il est toujours imprudent de vouloir lui en faire dire plus qu’elle ne le peut; il est rare qu’on puisse affirmer de façon formelle la nature d’une lésion osseuse sur un simple cliché radiographique et, plus encore, sur une scintigraphie au phosphate de technétium, dont les images ne sont pas spécifiques. L’aide du contexte biologique, du laboratoire et surtout de l’étude microscopique d’un fragment prélevé par biopsie est très souvent indispensable.
On essaiera de donner ici une classification, provisoire comme toute classification des maladies osseuses, mais aussi logique que possible, en s’appuyant sur la cause ou la nature réelles ou supposées de celles-ci, ce qui, malgré d’indiscutables imperfections, fera apparaître l’orientation des recherches en pathologique osseuse. Il ne sera pas question de donner une liste exhaustive des maladies du squelette, mais de souligner les faits les plus importants et les mieux assurés. La pathologie mécanique et chirurgicale est traitée ailleurs [cf. TRAUMATISMES].
Maladies infectieuses et parasitoses
Les maladies d’origine infectieuse et parasitaire sont devenues moins fréquentes à mesure qu’ont progressé l’hygiène et la thérapeutique antibiotique, mais bien des agents microbiens et quelques parasites restent responsables d’ostéites ou d’ostéomyélites.
L’ostéomyélite aiguë de l’enfant, le plus souvent staphylococcique, se présente sous la forme d’une douleur osseuse localisée, accompagnée de fièvre, de polynucléose et parfois d’un syndrome septicémique. L’examen révèle un point douloureux osseux précis. La radiographie, au début, montre peu de chose. Le traitement antibiotique massif, orienté par la nature supposée du germe, donne de bons résultats.
Dans les formes décelées plus tardivement ou résistant à la thérapeutique, l’os s’hypertrophie; la radiographie peut montrer un foyer clair intra-osseux. L’intervention pourra être alors nécessaire pour drainer l’abcès, étudier la sensibilité du germe et apporter localement les antibiotiques. Les formes chroniques , à poussées récidivantes, sont devenues beaucoup plus rares sauf chez les toxicomanes.
D’autres germes peuvent donner des infections osseuses, sur les membres ou le rachis : les bacilles typhiques, les Brucella , les germes d’origine urinaire.
Les ostéites tuberculeuses peuvent être le point de départ d’ostéoarthrites lorsqu’elles siègent près des articulations. Leur diagnostic est souvent difficile et l’exploration chirurgicale du foyer peut être nécessaire.
La lèpre touche les os, mais surtout par l’intermédiaire de lésions nerveuses.
Parmi les parasitoses , rappelons surtout l’échinococcose osseuse , fréquente en Amérique du Sud et en Afrique du Nord, d’évolution lente et de traitement difficile.
Intoxications
Quelques substances chimiques sont toxiques pour le squelette. L’affection la plus connue est la fluorose qui donne une importante ostéocondensation associée à une coloration anormale de l’émail des dents. Parfois reconnue à l’occasion de douleurs osseuses ou de fractures, la fluorose osseuse est souvent bien tolérée. Elle est transmise par l’eau de boisson, dans certaines aires géographiques (Inde, États-Unis, Maroc), et par la contamination des cours d’eau par les déchets de l’industrie de l’aluminium et de l’extraction des phosphates.
Des nécroses osseuses ont été décrites lors de l’intoxication par le phosphore. Le plomb, le fer, le béryllium, le bismuth ont été accusés de donner des lésions osseuses, qui sont d’ailleurs polymorphes et de mécanisme mal connu.
Beaucoup de métaux sont, au contraire, bien tolérés par le squelette; l’importance de cette question est fondamentale en raison de la fréquence avec laquelle des prothèses métalliques osseuses ou ostéoarticulaires sont mises en place par les orthopédistes; dans cet usage, l’acier et le tantale ne donnent pratiquement jamais de lésions locales d’intolérance.
Enfin, les injections répétées d’héparine peuvent favoriser l’ostéoporose, la polyvinylpyrolidone peut s’accumuler dans le squelette, et certains détergents industriels provoquent l’ostéolyse des phalangettes chez les ouvriers qui les manipulent.
En Extrême-Orient, la maladie de Kashin-Bek est caractérisée par des nécroses épiphysaires attribuées à une intoxication par un parasite des céréales (fusariose).
Tumeurs
Les cellules osseuses sont le point de départ de proliférations tumorales appartenant spécifiquement au squelette. Mais celui-ci est également le site préférentiel des métastases de tous les cancers viscéraux, et le siège de beaucoup d’hémopathies malignes.
Les tumeurs primitives du squelette peuvent être bénignes ou malignes: leur diagnostic repose essentiellement sur l’examen histologique, la radiographie ayant au préalable localisé et précisé l’aspect de la zone suspecte. Rappelons qu’un simple cliché radiologique ne saurait en aucun cas fournir une certitude quant à la nature d’une tumeur osseuse. Les tumeurs primitives des os doivent être classées en partant de la cellule qui leur a donné naissance.
Les ostéoblastes et ostéocytes sont à l’origine de tumeurs malignes de la plus haute gravité: les ostéosarcomes. On distingue les formes ostéolytiques et les formes ostéoplastiques. Le traitement est, dans les deux cas, décevant: l’amputation, la radiothérapie, la chimiothérapie autorisent rarement une survie de cinq ans.
Les tumeurs bénignes d’origine ostéoblastique sont l’ostéoblastome bénin , tumeur formée de tissu ostéoïde non calcifié, l’ostéome ostéoïde , remarquable par l’importance de la condensation osseuse qui entoure la zone centrale ostéoïde, et enfin les ostéomes , localisés au crâne et à la face.
Les ostéoclastes donnent les ostéoclastomes , ou «tumeurs à cellules géantes», le plus souvent bénignes, siégeant dans la métaphyse des os longs et dans les vertèbres; les formes malignes sont des formes bénignes négligées ou traitées par la radiothérapie. Ces tumeurs donnent, dans les deux cas, des images radiologiques comportant de grandes lacunes traversées de cloisons de refend. L’examen histologique permet le diagnostic. Le meilleur traitement est l’exérèse ou l’évidement suivi d’un bourrage.
Les chondrocytes forment des chondromes bénins souvent localisés aux extrémités. Leur évolution est très lente. Par contre, le chondrosarcome est une tumeur radiorésistante de très mauvais pronostic.
Les fibroblastes intra-osseux peuvent donner lieu à des tumeurs bénignes, tels le fibrome non ostéogénique ou le fibrome chondromyxoïde; l’examen histologique est nécessaire pour reconnaître celui-ci. Les lésions fibreuses isolées du squelette, en dehors de ces deux cas, évoquent une parenté avec la dysplasie fibreuse des os dont elles prennent souvent l’aspect radiologique.
Le fibrosarcome , beaucoup plus rapidement évolutif, est parfois sensible à la radiothérapie.
Les tumeurs réticulo-endothélio-histiocytaires forment un groupe disparate dans lequel les formes malignes se présentent sous deux aspects classiques: la tumeur d’Ewing, réticulo-endothéliosarcome de l’enfant et de l’adolescent, et la tumeur de Parker et Jackson. Ces formes sont radiosensibles, mais leur pronostic reste très sombre.
Les proliférations histiocytaires bénignes sont à la frontière des maladies tumorales et des proliférations dysplasiques ou virales. Elles constituent le groupe de l’«histiocytose X» de Lichtenstein, dont on distingue trois variétés:
– l’histiocytose du nourrisson, affection plus viscérale qu’osseuse, de pronostic très grave, appelée maladie de Letterer-Siwe;
– l’histiocytose de l’enfant et l’adolescent à forme pluri-osseuse, maladie de Hand-Schuller-Christian, très sensible à la radiothérapie;
– le granulome éosinophile, souvent (mais non toujours) isolé, de pronostic bénin, à traiter par le curage chirurgical ou la radiothérapie.
Ces trois affections comportent une lésion histologique caractérisée par une prolifération histiocytaire associée à un granulome riche en éosinophiles, en cellules spumeuses, puis en fibroblastes.
D’autres variétés cellulaires peuvent donner lieu à des proliférations intra-osseuses de type varié: lipomes et liposarcomes, hémangiopéricytomes, angiomes, lymphangiomes, neurinomes, tumeurs glomiques, adamantinomes, chordomes.
Les hémopathies malignes peuvent toutes donner des localisations osseuses, mais l’affection le plus nettement ostéotrope est le myélome multiple , défini par une prolifération plasmocytaire disséminée au sein du tissu médullaire. Ces plasmocytes continuent à sécréter l’immunoglobuline (Ig. G., Ig. A) que produisait la cellule originelle [cf. ANTIGÈNES]. Dans le sang, l’électrophorèse met en évidence un pic de globulines dont l’étude immunologique montre qu’il s’agit toujours de la même molécule chez le même malade.
La chimiothérapie anticancéreuse retarde l’évolution du myélome multiple.
Les leucémies aiguës ou chroniques peuvent s’accompagner de lésions osseuses; celles-ci sont prédominantes dans une variété particulière de maladie proliférative du conjonctif et de la moelle sanguine: la «splénomégalie myéloïde».
Les métastases osseuses des cancers viscéraux constituent parfois un accident révélateur. Le plus souvent, elles marquent une étape évolutive et témoignent de la diffusion souvent inéluctable du processus cancéreux. Elles se présentent sous deux formes, ostéolytique et ostéocondensante, parfois associées. Tous les cancers sont ostéophiles , les métastases provenant du sein (généralement de forme ostéolytique) et celles venant de la prostate (généralement de forme condensante), du poumon et du rein (formes mixtes) sont prépondérantes.
Au cours de l’évolution d’un cancer traité, l’apparition d’une métastase osseuse est toujours un événement grave dont les conséquences (fracture, paraplégie) doivent être traitées chirurgicalement. La chimiothérapie générale ou la radiothérapie locale, lorsqu’elle est possible, retardent souvent l’évolution, et quelques formes sont sensibles à des traitements spécifiques: œstrogènes dans le cancer de la prostate, iode radioactif (après thyroïdectomie) dans le cancer thyroïdien.
Dystrophies
Dystrophies fibreuses
Sous l’expression de dystrophies fibreuses, seront regroupées les trois maladies appelées globalement naguère «maladie fibrokystique de Recklinghausen».
La maladie de Paget est une affection très fréquente chez les sujets âgés. Elle se caractérise par un remaniement hypertrophique d’un ou plusieurs os, qui donne lieu à une transformation fibreuse de la moelle, à une hypervascularisation et à une accélération générale du métabolisme osseux. La calcitonine et les diphosphonates sont efficaces.
La dysplasie fibreuse des os est beaucoup plus rare. Elle est marquée par la présence de tissu fibreux et fibrocartilagineux dans certains os. Il en résulte des troubles de la croissance et très souvent des incurvations des extrémités supérieures des fémurs en «crosse». Parfois, la dysplasie fibreuse des os s’accompagne de pigmentation cutanée et d’une puberté précoce chez la fille: c’est le syndrome d’Albright .
L’hyperparathyroïdisme , lié à une hypersécrétion d’hormone parathyroïdienne, d’origine le plus souvent adénomateuse, peut réaliser d’importantes lésions osseuses faites à la fois d’ostéolyse ostéoclastique et de transformation fibreuse des zones détruites. Le bilan phosphocalcique montre une hypercalcémie et une hypophosphorémie.
Les manifestations rénales (lithiase récidivante) sont plus fréquentes et plus graves: l’ablation de l’adénome doit intervenir avant l’installation de lésions rénales définitives.
Dystrophies d’origine nerveuse ou vasculaire
De nombreuses affections neurologiques ou vasculaires peuvent compromettre la trophicité osseuse.
Parmi les premières, citons surtout les ostéoarthropathies nerveuses qui sont essentiellement des maladies ostéolytiques de l’épiphyse retentissant rapidement sur les articulations. La perte de la sensibilité profonde paraît l’élément essentiel qui déclenche une destruction aiguë ou subaiguë, mais indolore, des extrémités osseuses. Les causes essentielles sont: le tabès, le diabète, la lèpre, la syringomyélie, l’analgésie congénitale.
Les comas prolongés, le tétanos peuvent provoquer, au contraire, des proliférations osseuses juxta-articulaires, appelées para-ostéoarthropathies neurogènes .
Les algodystrophies réflexes sont des décalcifications régionales douloureuses, secondaires à des traumatismes parfois minimes. Elles s’accompagnent d’œdème et d’hypersudation. En général, elles régressent en quelques semaines.
Au cours des affections vasculaires, on peut voir quelques anomalies osseuses: périostose des séquelles de phlébite, exagération de croissance des anévrismes artério-veineux, ostéolyse locale ou régionale de la lymphangiomatose.
La suppression de l’apport artériel dans les zones à vascularisation terminale donne une nécrose dont le type est la nécrose de la tête fémorale après fracture du col.
Les ostéonécroses de l’adulte restent parfois sans explication. Lorsque celle-ci peut être retrouvée, elle est plus souvent d’origine sanguine que vasculaire: embolie gazeuse (maladie des caissons), crises hémolytique des drépanocytoses, hyperlipidémie, mais aussi goutte, diabète et corticothérapie.
Les nécroses épiphysaires , ou épiphysites de l’enfance et de l’adolescence, sont le plus souvent cryptogénétiques.
C’est pour des raisons d’analogie qu’elles sont classées ici. De rares cas semblent déclenchés par le froid. Parfois, il s’agit d’une dystrophie plus ou moins généralisée des noyaux épiphysaires qui paraissent d’une fragilité extrême. Certains cas sont héréditaires et associés à d’autres malformations.
Les épiphysites «de croissance» peuvent toucher ainsi tous les points d’ossification: hanche, tubérosité antérieure du tibia, bases des phalanges, calcanéum, etc.
Déminéralisations
Rien n’est plus banal qu’une déminéralisation du squelette: la sénescence en est la cause la plus habituelle; en outre, de nombreuses perturbations métaboliques ou endocriniennes peuvent faire apparaître une raréfaction osseuse.
On distingue schématiquement deux grandes variétés de déminéralisation: l’ostéoporose et l’ostéomalacie.
L’ostéoporose correspond à une atrophie progressive du squelette, et semble liée à un hypofonctionnement des cellules qui construisent la matrice protéique de l’os et assurent les premiers stades de sa calcification. Cette affection se déroule en dehors de toute anomalie du métabolisme phosphocalcique. Elle est aggravée par le fait que, bien souvent, les phénomènes normaux d’ostéolyse persistent alors que la substance osseuse nouvelle est défaillante.
L’ostéoporose se manifeste par des douleurs osseuses prédominant sur le rachis et le bassin, parfois par des tassements vertébraux ou des fractures. Les radiographies montrent un squelette raréfié et, fréquemment, une cyphose dorsale et des vertèbres déformées, biconcaves. Les examens biologiques ne montrent aucune anomalie du calcium ou du phosphore plasmatique et urinaire.
Les causes de l’ostéoporose sont diverses; toute insuffisance dans les mécanismes qui stimulent les ostéoblastes peut créer la maladie.
Les incitations mécaniques, par l’intermédiaire du jeu des tendons et des muscles, sont un des promoteurs les plus efficaces de l’activité ostéoblastique. Aussi, l’immobilisation prolongée, l’inactivité physique sont des causes d’ostéoporose. On doit en rapprocher l’ostéoporose des cosmonautes, liée à l’apesanteur.
Beaucoup d’hormones ont aussi une action directe ou indirecte sur les cellules osseuses: la castration, dans les deux sexes, entraîne l’ostéoporose, ainsi que les agénésies ou les dysgénésies gonadiques (syndrome de Turner ou de Klinefleter).
L’excès d’hormones corticosurrénales du groupe cortisolique (maladie de Cushing) et les traitements cortisoniques prolongés figurent en bonne place dans les causes d’ostéoporose, de même que l’excès d’hormone thyroïdienne.
Les déperditions rénales de calcium (acidose, hypercalciurie idiopathique) peuvent parfois donner lieu à une ostéoporose.
La sénescence, enfin, entraîne le ralentissement de l’édification du squelette. Les affections réalisant une sénilité précoce (progéria, syndrome de Werner) entraînent aussi une ostéoporose considérable.
L’ostéomalacie , au contraire, est directement liée à un manque de calcium ou de phosphore. Les cellules osseuses continuent à fabriquer la trame protéique, mais les éléments minéraux, calcium ou phosphore, manquent et le cristal osseux ne peut pas être édifié normalement.
L’ostéomalacie se traduit par les mêmes troubles subjectifs que l’ostéoropose, mais l’aspect radiologique est un peu différent: les os paraissent moins décalcifiés; ils se déforment plus facilement, et donnent lieu à des fissures ostéomalaciques caractéristiques; ce sont les stries de Looser-Milkman.
Du point de vue biologique, les anomalies sont nettes et permettent de séparer les formes liées à un déficit calcique de celles où le manque de phosphore est dominant. Dans le premier cas, le plus fréquent, le taux du calcium sanguin et urinaire est très bas, alors que celui du phosphore est normal ou un peu abaissé dans le sang. Dans les ostéomalacies d’origine phosphorée, le taux du phosphore sanguin est très abaissé; celui du phosphore urinaire varie suivant l’origine de la maladie. Dans certains cas, on trouve une véritable fuite de phosphore dans les urines.
Les ostéomalacies «par défaut calcique» dépendent de nombreux facteurs. Elles sont souvent liées à un défaut d’absorption ou d’utilisation de la vitamine D. Cette carence vitaminique entraîne immédiatement un défaut d’absorption du calcium au niveau de la muqueuse intestinale. Aussi parle-t-on souvent d’ostéomalacies «vitamino-calciques».
Les carences alimentaires en vitamine D et en calcium, la carence solaire sont des causes classiques, responsables d’ostéomalacie chez l’adulte ou de son équivalent chez l’enfant: le rachitisme.
Les malabsorptions du calcium, qui sont actuellement des causes très fréquentes, peuvent être liées à des processus très divers: elles constituent parfois des séquelles de la chirurgie digestive, après gastrectomie ou iléostomie. On les rencontre au cours des affections gastriques, biliaires, pancréatiques. Les maladies de l’intestin grêle surtout retentissent sur l’absorption du calcium: c’est le cas, par exemple, des entéropathies infectieuses, allergiques (gluten), vasculaires, lymphathiques ou veineuses, amyloïdes, sclérodermiques. La malabsorption porte souvent sur d’autres éléments (en particulier fer).
D’autres malabsorptions sont liées à une inhibition de l’action de la vitamine D: on les rencontre dans l’insuffisance rénale chronique et au cours des traitements prolongés par les anticonvulsivants et les cortisoniques. Dans certains cas, l’alimentation contient des substances qui entravent l’absorption (phytates).
Plus rares, les ostéomalacies «d’origine phosphorée» sont liées soit à une malabsorption chez les sujets qui abusent de gels d’alumine, soit à une déperdition de phosphore par le rein (tubulopathie proximale; syndrome de Fanconi), soit à une hypophosphorémie idiopathique, parfois familiale, parfois associée à la neurofibromatose de Recklinghausen. Dans le même cadre, il est nécessaire de citer les ostéomalacies hypophosphorémiques dues à la présence en un endroit quelconque de l’organisme d’une tumeur du tissu conjonctif. L’ostéomalacie guérit lorsque l’ablation totale de la tumeur est possible.
En dehors de ces deux grandes formes de déminéralisation du squelette, il existe encore d’autres variétés:
– L’ostéoporomalacie combine les signes des deux affections précédentes; elle est liée le plus souvent à la conjonction de plusieurs facteurs étiologiques.
– L’hyperparathyroïdisme primitif, affection qui a été citée plus haut.
– La myélomatose décalcifiante diffuse est une forme particulière du myélome multiple simulant une ostéoporose.
– La fragilité osseuse constitutionnelle, l’hypophosphatasie sont des maladies de l’édification du squelette qui réalisent de grandes déminéralisations avec fragilité du squelette et qu’il vaut mieux considérer comme des maladies osseuses constitutionnelles (cf. infra ).
Maladies secondaires à des affections viscérales
On regroupe ici quelques maladies osseuses disparates, satellites d’affections viscérales diverses:
– L’ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique de Pierre Marie accompagne les affections pulmonaires, pleurales et médiastinales; elle est définie par une prolifération osseuse sous-périostée, la «périostose engainante» et par l’«hippocratisme» digital qui déforment les phalanges terminales.
– L’ostéolyse stéatonécrotique s’observe au cours des affections pancréatiques; elle paraît liée à la destruction du tissu osseux par des ferments libérés dans la circulation. Elle peut s’accompagner de nécrose graisseuse de la moelle, qui se calcifie secondairement pour donner l’image dite d’infarctus osseux.
– L’hyperostose de l’acromégalie se traduit par un squelette épais, de trabéculation grossière.
– L’hyperostose vertébrale ankylosante donne des coulées osseuses prévertébrales. Elle se rencontre surtout chez les diabétiques.
– Les remaniements osseux des hémoglobinopathies comportent une trabéculation grossière, une hypertrophie de la voûte crânienne et parfois des dysmorphies, comme dans la thalassémie.
– Les réticuloses de surcharge, maladies de Gaucher, de Niemann Pick, de Fabry, peuvent s’accompagner de lacunes osseuses, ainsi que la goutte.
– La sarcoïdose de Besnier-Boeck-Schaumann peut donner des lésions osseuses de type ostéolytique et des perturbations du métabolisme phosphocalcique (hypercalcémie et surtout hypercalciurie).
– Les phacomatoses (neurofibromatose de Recklinghausen, sclérose tubéreuse de Bourneville) s’accompagnent également d’anomalies osseuses variées.
– Les anomalies héréditaires du tissu conjonctif (maladie de Marfan) comportent des dysmorphies du squelette des membres (arachnodactylie).
Cette énumération ne donne qu’un aperçu partiel des très nombreuses affections susceptibles de donner lieu aux manifestations osseuses les plus diverses.
Maladies constitutionnelles
Les maladies osseuses constitutionnelles forment un groupe extrêmement hétérogène comprenant toutes les affections, génotypiques ou non, touchant les os dès la naissance ou se révélant plus tardivement, caractérisées par un vice d’édification généralisé ou localisé du squelette. Ces affections sont très nombreuses et peuvent s’associer à d’autres dysplasies ou malformations tissulaires ou viscérales. On en distinguera deux types principaux.
Maladies par insuffisance de l’édification du tissu osseux
La fragilité osseuse constitutionnelle , maladie familiale caractérisée par un squelette pauvrement calcifié et sujet aux fractures, en est l’exemple type. On en distingue plusieurs formes de gravité variable, depuis la variété maligne néonatale (dysplasie périostale de Porak et Durante) jusqu’à la forme complexe associée à une surdité et à une coloration bleue des sclérotiques (maladie de Van der Houwe) et à la forme minime qui atteint l’enfant et est susceptible de s’estomper avec la croissance (maladie de Lobstein).
L’hypophosphatasie revêt également des aspects de gravité très variable. Il s’agit d’une enzymopathie congénitale.
Maladies avec anomalies de la résorption osseuse et ostéocondensation
– L’ostéopétrose (maladie d’Albers-Schoenberg), affection génotypique autosomique, offre deux aspects essentiels: la forme néonatale, très sévère, et la forme à révélation plus tardive, parfois latente. Le squelette est très dense, les os des membres présentent des anomalies de modelage, les fractures sont fréquentes.
– La pycnodysostose associe à une ostéocondensation des dysmorphies variées: ostéolyses des phalangettes, aplasie des clavicules, disjonction des sutures crâniennes.
– La maladie de Camurati-Engelmann se traduit par une condensation diffuse des diaphyses des os longs.
– La mélorhéostose est caractérisée par la présence, dans les os des membres, de coulées denses qui sont parallèles à l’axe de l’os.
– L’ostéopœcilie et l’ostéopathie striée comportent, dans les épiphyses, des grains, des nodules ou des bandes de tissu osseux dense non résorbé.
Maladies touchant la croissance générale du squelette
Ce groupe comprend, d’une part, les nanismes secondaires, d’origine endocrinienne, hypophysaire et thyroïdienne notamment ou métabolique (nanisme rénal, etc.) et, d’autre part, une grande variété de nanismes primitifs tantôt visibles dès la naissance (nanisme intra-utérin), tantôt apparaissant après quelques mois de développement normal. D’autres malformations peuvent être associées à la brièveté de la taille. D’autre part, les troubles de la croissance peuvent ne frapper qu’un segment précis du squelette, et donner lieu aux différentes éventualités étudiées dans la catégorie suivante.
Maladies frappant la croissance des membres
Ces affections concernent surtout les cartilages de croissance. L’achondroplasie en est le type le plus pur: elle réalise un nanisme associant un tronc de taille normale et des membres très courts. Des dysmorphies de la face lui sont associées. Il s’agit d’une maladie génotypique. Il en existe une forme fruste: l’hypochondroplasie .
En ce qui concerne la dyschondrostéose , elle frappe seulement les avant-bras et les jambes.
Des formes plus localisées encore entraînent des hypoplasies, symétriques ou non, d’un seul os.
Maladies frappant les épiphyses et le rachis
Il s’agit d’un groupe de dystrophies de croissance atteignant les vertèbres et les épiphyses des os longs, d’une façon très irrégulière suivant les variétés. Ces dysplasies «spondylo-épiphysaires» peuvent en effet prédominer tantôt sur le rachis, tantôt sur les membres. Le type en est la maladie de Morquio, où le thorax est très court et les membres subnormaux. Les autres dysplasies spondylo-épiphysaires portent une multitude de dénominations. Il faut en isoler la dysplasie spondylo-épiphysaire tardive, affection génétique liée au sexe.
Toutes les affections de ce groupe donnent d’importantes anomalies des épiphyses, et notamment de graves dysplasies des hanches.
Maladies du développement du crâne et des extrémités
Elles associent des sutures prématurées des os du crâne avec déformation de la voûte, et, parfois, des anomalies des mains, des pieds ou d’autres parties du squelette. On décrit:
– la dysostose craniofaciale (maladie de Crouzon) avec aplasie du maxillaire supérieur;
– la dysostose cléïdocrânienne, avec aplasie des clavicules;
– l’acrocéphalosyndactylie, avec syndactylie et polydactylie (maladie d’Apert);
– la dysostose mandibulofaciale (maladie de Franceschetti).
Maladies malformatives complexes
Elles sont innombrables; certaines ne sont connues qu’à un très petit nombre d’exemplaires. Les associations à des anomalies viscérales sont fréquentes. Il est impossible de citer ici toutes les dysplasies congénitales comportant une ou plusieurs anomalies du squelette. Citons, à simple titre d’exemple, l’ostéo-onychodysplasie et le syndrome tricho-rhino-phalangien.
os [ ɔs ] plur. [ o ] n. m.
• 1080; lat. ossum, var. de os, ossis REM. Au pluriel prononcé [ ɔs ] dans certaines locutions.
1 ♦ Chacune des pièces rigides, constituées par un tissu spécial (⇒ osseux), du squelette de l'homme et des animaux vertébrés. ⇒ ossature. (REM. Ne se dit pas des poissons. ⇒ arête.) Articulation des os. ⇒ diarthrose, suture, symphyse, synarthrose. Os longs, os plats, os courts. Intérieur (⇒ moelle) et extérieur (⇒ périoste) de l'os. Diaphyse, épiphyse, apophyse d'un os. Les os de la main, du bassin. Os brisé (⇒ esquille; fracture) , démis, déboîté. Maladie des os. ⇒ carie, ostéite , ostéomyélite, etc. Décalcification des os.
♢ Loc. Avoir les os saillants : être maigre. — N'avoir que la peau sur les os : être très maigre. « Un loup n'avait que les os et la peau » (La Fontaine). — On lui voit les os (cf. On lui compterait les côtes). — C'est un sac d'os [ sakdɔs ], un paquet d'os [ pakɛdɔs ],une personne très maigre (cf. Squelette ambulant). — En chair et en os [ ɑ̃ʃɛreɑ̃nɔs ] :en personne, physiquement réel. « Une de ces vagues de tendresse fraternelle qui le soulevaient chaque fois qu'il retrouvait Antoine, en chair et en os » (Martin du Gard). — Se rompre les os : se blesser grièvement dans une chute. — Il ne fera pas de vieux os : il ne vivra pas longtemps. — Jusqu'aux os, jusqu'à l'os : complètement. Être trempé, gelé... jusqu'aux os. Fig. « Ce monde propret, fini, hiérarchisé, rationnel jusqu'à l'os » (Sartre). Il est pourri jusqu'à l'os, jusqu'à la moelle des os (cf. Jusqu'au trognon). — (1948; euphém. pour cul) Vulg. L'avoir dans l'os : ne pas obtenir ce qu'on voulait; être possédé, refait. Il l'a dans l'os !
2 ♦ Viande vendue avec os, sans os (⇒ désossé) . Des os de poulet. Os de côtelette. ⇒ 2. manche. Os de gigot. Des os à moelle [ ɔsamwal ]. Jarret de veau servi avec l'os à moelle. ⇒ osso buco. Jeter un os à un chien (fam. un nonos [ nɔnɔs ]). Ronger un os. — Loc. Donner un os à ronger à qqn, lui abandonner quelque petit profit pour apaiser ses exigences. « C'est un os qu'ils vous jettent à ronger pour qu'on se tienne tranquille » (Dorgelès). — Allus. littér. Rompre l'os et sucer la substantifique moelle.
♢ (1914) Fam. Difficulté, obstacle, problème. ⇒ cactus, hic. Tomber sur un os; il y a un os !
3 ♦ LES OS : restes d'un être vivant, après sa mort. ⇒ carcasse, ossements. « Tes os dans le cercueil vont tomber en poussière » (Musset).
4 ♦ Matière qui constitue les os, utilisée pour fabriquer certains objets. Aiguille, alène, boutons en os. Couteaux à manches en os. Jetons en os.
5 ♦ Par anal. Os de seiche : lame calcaire qui soutient le dos de la seiche, et qu'on donne aux oiseaux pour s'y aiguiser le bec.
⊗ HOM. Au, aulx, aux, eau, haut, ho, 1. o, ô, oh.
● Os Symbole chimique de l'osmium.
os
n. m.
d1./d élément dur et calcifié du corps de l'homme et des vertébrés servant à soutenir les parties du corps entre elles, et dont l'ensemble constitue le squelette.
|| Loc. fig., Fam. En chair et en os: en personne.
— Jusqu'aux os, jusqu'à la moelle des os: entièrement, complètement.
— N'avoir que les os et la peau, n'avoir que la peau sur les os: être très maigre.
d2./d (Plur.) Ossements, restes d'un être vivant après sa mort.
d3./d Os de seiche: coquille interne de la seiche.
I.
⇒OS1, subst. masc.
A. —ANAT. Élément de consistance dure et de couleur blanchâtre servant de soutien aux parties molles du corps de l'homme et des vertébrés (à l'exception de certains poissons). Les Mélanésiens et les Péruviens enlevaient avec beaucoup d'habileté les os fracturés du crâne afin de décongestionner le cerveau (LOWIE, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.362):
• 1. Les os sont les éléments du squelette des Vertébrés. On les divise en os longs (...) os plats (crâne, thorax) et os courts (...). Dans les os plats et dans les os courts, il n'y a pas de canal médullaire.
Encyclop. Sc. Techn. t.8 1972, p.633b.
SYNT. Os courts, longs, plats; os frontal, maxillaire; os sacrum; os pubis; l'os de la pommette; les os du bassin, du crâne, du nez; os pointus; avoir de petits, de gros os; fracture d'un os.
— P. métaph. ou au fig. La Seine (...) longeait une grande côte onduleuse boisée en haut et montrant par places ses os de pierre blanche (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p.220). Il n'y avait plus d'arbres et plus d'herbe, plus que de grands sillons, et les coteaux n'étaient que des os de craie, tout décharnés (GIONO, Gd troupeau, 1931, p.121).
B. —En partic.
1. a) [L'os dans ses utilisations; l'os provient d'un animal de boucherie] Blanquette, rôti avec ou sans os; chien qui ronge un os. Il avait dîné d'un os où il restait un peu de viande et d'un morceau de pain (HUGO, Misér., t.2, 1862, p.60). J'ai fait une soupe aux herbes avec une couenne de lard et un gros os de boeuf. Il n'y a rien qui embaume un potage comme un os à moelle (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.66).
— Os verts. ,,Os de boucherie traités par la cuisson et ayant perdu leur graisse et leur gélatine`` (CLÉM. Alim. 1978).
— Loc. fig.
♦Donner, (laisser) un os à ronger à qqn. Donner à quelqu'un une occupation qui l'absorbe afin de s'en débarrasser, de le détourner d'autre chose:
• 2. Ta jeunesse longue et ton calme inviolable feront la haine des yeux-cernés, si tu n'as pas soin de leur donner à l'occasion un os à ronger (par exemple, tous les dix-huit mois environ, tu pourras laisser entendre que tu as des ennuis d'argent).
MONTHERL., Olymp., 1924, p.320.
♦Jeter un os (à ronger) à qqn. Donner à quelqu'un un petit profit pour le satisfaire momentanément:
• 3. ... des âmes de domestiques, aplaties devant les titres, les galons, les décorations: pour les tenir, il n'y avait qu'à leur jeter en pâture un os à ronger, ou la légion d'honneur.
ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p.765.
b) [L'os est utilisé, comme matière industrielle, à cause de sa composition]
♦Noir d'os. Synon. de noir animal. Les noirs d'os possèdent en général un reflet rougeâtre qu'on croit dû au phosphate de chaux qu'ils renferment (Manuel du fabricant de couleurs, t.2, 1884, p.201).
♦[Os pulvérisés utilisés comme engrais] La poudre d'os constitue un très bon engrais phosphaté (Lar. agric. 1981).
c) [L'os est utilisé à cause de sa forme] Dans des calebasses ils mangent avec des os plats le riz couleur de ciment (RENARD, Journal, 1895, p.287).
d) [L'os est utilisé comme matériau] L'humanité a dû faire des centaines de millénaires d'apprentissage avant d'avoir son avenir bien en main. Pendant plus d'un demi-million d'années elle s'est contentée de perfectionner laborieusement la taille de ses outils de pierre, et l'utilisation de l'os et de l'ivoire lui a paru, sans doute, une nouveauté prodigieuse (P. ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p.7).
♦Subst. désignant un objet + d'os ou en os. Aiguille, outil d'os; flûte, poignard, manche de couteau en os. Laissant tomber brusquement un coupe-papier d'os sur le noyer du bureau (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p.181):
• 4. Lorsqu'une australienne avait à coudre, elle faisait un trou avec un poinçon en os et y passait au travers un fil en tendon d'opossum ou de kangourou. De même, une couturière Ona perce avec son alène en os deux bandes de cuir, puis, humectant un tendon, elle le pousse à travers le trou.
LOWIE, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.362.
2. [À propos d'une pers.]
a) [Dans des loc.] En chair et en os; les os de mes os et la chair de ma chair; n'avoir que la peau sur les os; n'avoir que la peau et les os.
♦Sac à os, sac d'os (fam.). ,,Personne très maigre`` (REY-CHANTR. Expr. 1979). V. aussi paquet d'os.
♦P. ell. S'il ne l'a pas eue, il va l'avoir... Et il n'en aura pas l'étrenne, ah! non, il n'en aura pas l'étrenne (...). Il ajouta d'un air provocant: —Ceux qui aiment les os peuvent se la payer pour cent sous (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p.667).
♦Être tout en os. Avoir des os saillants. Il est maigre et tout en os comme un cep de vigne (GIONO, Regain, 1930, p.104).
♦Amener ses os (fam.). Venir (d'apr. CAR. Argot 1977).
— Ne pas faire de vieux os. Ne pas vivre longtemps. S'il guérit, ce ne sera pas pour faire de vieux os (MÉRIMÉE, Carmen, 1845, p.69). Je ne me vois pas faisant de vieux os! (COLETTE, Music-hall, 1913, p.63).
— Ne pas donner cher des os de qqn. Estimer qu'il n'a pas longtemps à vivre. Synon. ne pas donner cher de la peau de qqn:
• 5. ... si tu découvres cet autre-là, comme tu m'as découvert, un autre viendra, et un autre! et un autre! jusqu'à ce que ce Trébassof paie ses crimes! C'est tout ce que j'ai à te dire, Koupriane!... Quant à vous, mon petit, ajouta-t-il en se tournant vers Rouletabille, je ne donnerais pas cher de vos os! Nous ne valons guère mieux tous les deux.
G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p.79.
— [Les os désignent la charpente du corps]
♦Casser (rompre) les os de qqn.
♦Risquer ses os. Risquer sa vie. La grille était presque infranchissable et on risquait ses os pour l'escalader, ce qui n'empêcha pas quelques-unes d'entre nous d'y pénétrer par surprise deux ou trois fois (SAND, Hist. vie, t.3, 1855, p.88). Après avoir, en sa vie, sauvé de la mort une douzaine de camarades, risquant ses os dans le grisou et dans les éboulements, il cédait à des choses qu'il n'aurait pu dire (ZOLA, Germinal, 1885, p.1447).
♦Se rompre les os. Se tuer. Ceux qui ont un sang plus vif se jettent dans la chasse, la guerre ou les voyages périlleux. D'autres roulent en auto et attendent impatiemment l'occasion de se rompre les os en aéroplane (ALAIN, Propos, 1909, p.49).
♦Laisser ses os quelque part ou dans une action. Mourir quelque part ou en accomplissant quelque chose. Pour fricasser ta potbouille, faudra que tu en sues de l'ouvrage! et avec ça que tu es forte! tu y laisserais tes os à ce métier-là! (HUYSMANS, Soeurs Vatard, 1879, p.296).
— [Signifiant la moelle et par conséquent la partie essentielle du corps, le noyau de l'être]
♦Jusqu'aux os, jusque dans les os (var. jusqu'à la moelle des os, jusqu'aux moelles des os, jusque dans la moelle des os). Au plus profond de soi; complètement. Avoir froid jusque dans les os; être glacé, percé jusqu'aux os. N'ayant plus d'univers, plus de chambre, plus de corps que menacé par les ennemis qui m'entouraient, qu'envahi jusque dans les os par la fièvre, j'étais seul, j'avais envie de mourir (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.667). Elle frissonna, claqua des dents, s'aperçut qu'elle était trempée jusqu'aux os. Sa robe collait à ses jambes, à ses cuisses, et à chaque mouvement des épaules un filet glacé coulait le long de ses reins (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p.1016). V. imbibé ex. de Courier.
♦Jusqu'à l'os. Complètement. Le peuple des pauvres (...) est un peuple errant parmi les nations, à la recherche de ses espérances charnelles, un peuple déçu, déçu jusqu'à l'os (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p.1074). Ce n'était pas facile de l'aider; il ne levait pas une phalange pour s'aider lui-même, et il était usé jusqu'à l'os. Il mourut à quarante-six ans de misère physiologique (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.347).
♦Dans les os. Au plus profond de. L'antique crédulité passée dans les os de leur race, les secouait d'un frisson (ZOLA, Terre, 1887, p.445).
b) Toujours au plur. [En parlant d'un cadavre] Jurer par ou sur les os de ses ancêtres. Le malheureux! on va l'enterrer à Évreux! c'est cruel, pour des os aussi parisiens que les siens, d'attendre en province le jugement dernier (GONCOURT, Journal, 1874, p.982):
• 6. ... l'archevêque de Paris, M. de Harlai, si décrié pour ses moeurs, le même qui persécutera Port-Royal, avait fait le rigide pour l'enterrement du comédien, et (...) les os de Molière, pour tout dire, avaient été en peine, comme ceux d'Arnauld le seront tout à l'heure, de trouver une fosse où reposer.
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.3, 1848, p.242.
C. —P. anal.
1. Os de seiche. Lamelle calcaire, provenant du corps de la seiche, que l'on place dans la cage des oiseaux afin de leur permettre de s'y aiguiser le bec et de trouver la chaux nécessaire à leur alimentation. C'est leur coquille interne que l'on donne aux oiseaux pour aiguiser leur bec, sous le nom d'os de seiche (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p.429).
— P. métaph. V. aiguiser ex. 10.
2. Noyau d'un fruit. Jeannie a bien reçu vos dattes. C'est moi qui les mange. J'ai un immense faible pour ce fruit poisseux dont le sucre à demi liquide et presque charnu est pénétré d'une soie particulière autour d'un os prédestiné aux bouches (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1903, p.402).
D. —Arg., pop.
1. Chose sans valeur. On ne lui a pas choisi un «os» pour l'occasion. On lui a «offert» Rusticali (Match, 12 févr. 1935, p.7 ds GRUBB Sports, 1937, p.52).
♦Refiler un os. «Vendre une chose ou un objet n'ayant aucune valeur» (SANDRY-CARR. 1963, p.161).
2. Argent. Et on va boire un coup ensemble. Justement, j'ai de l'os (MÉTÉNIER, Lutte pour amour, 1891, p.84).
— Ça vaut l'os. «Ça vaut la peine» (SANDRY-CARR. 1963). ,,Ce n'est pas banal, il faut se le payer`` (ESN. 1965).
3. [Dans des loc.] Difficulté imprévue. Tomber sur un os; il y a un os! Rencontrer une difficulté imprévue. Dans ce casse qu'était prétenduement du mille-feuilles, on tombait sur un os d'entrée. Le gardien (...) nous flinguait à tout vu (SIMONIN, Pt Simonin ill., 1957, p.208).
Rem. À noter la loc. d'orig. inc. tourner en os de boudin.
4. Vulg. Os à moelle
a) Nez. Faire juter l'os à moelle. Se moucher dans ses doigts (d'apr. FRANCE 1907).
b) Membre viril. Faire juter l'os à moelle. Se masturber (d'apr. FRANCE 1907).
5. Vulg. [Dans des loc.] Anus.
♦L'avoir dans l'os. Éprouver une vive déception. J'ouvris, ma porte, le coup de téléphone, que j'espérais, cessa son carillon. Je l'avais dans l'os (SIMONIN, Cave se rebiffe, 1954, p.146).
6. Autres loc. Cavaler, courir, taper sur l'os de qqn. Synon. courir sur le haricot. Les embusqués «commencent à m'taper sur l'os» (BARBUSSE, Feu, [1916] ds ESN. Poilu 1919, p.136). À la gare! Tu commences à m'cavaler sur l'os avec ton air d'avoir toujours raison (ESN. Poilu 1919, p.377).
REM. Ossi-, élém. formant tiré du lat. os, ossis, entrant dans la constr. de termes sav.; le 2e élém. est tiré du lat. V. ossifier, ossification et aussi: a) Ossifère, adj., paléont. Qui porte des os; qui en renferme. ,,Caverne ossifère. Celle dans laquelle on trouve des os fossiles, humains ou autres`` (LITTRÉ-ROBIN 1865). Un limon rouge des cavernes, avec éclats anguleux de silex, souvent avec ossements de renne, parfois assez abondants pour transformer le dépôt en une brèche ossifère (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p.388). Les couches ossifères des cavernes sont de date plus récente (DÉCHELETTE, Manuel archéol. préhist. celt. et gallo-rom., t.1, 1914, p.96). b) Ossifluent, -ente, adj., pathol. [En parlant d'un abcès] ,,Qui provoque une fonte osseuse`` (MAN.-MAN. Méd. 1980). L'examen décèle une douleur à la pression des apophyses épineuses des vertèbres malades et dans quelques cas des abcès ossifluents, qui guérissent en quelques mois, même lorsqu'ils sont gros, après ponction ou incision (RAVAULT, VIGNON, Rhumatol., 1956, p.525). c) Ossiforme, adj., anat. ,,Qui a la forme ou la structure de l'os`` (Méd. Biol. t.3 1972). d) Empr. au lat., v. ossifrage et aussi Ossicule, subst. Ossicule. ) Subst. masc. ,,Petit noyau des fruits`` (LITTRÉ-ROBIN 1855). ) Subst. fém., entomol. ,,Petite pièce chitineuse placée dans l'articulation de l'aile avec le thorax`` (SÉGUY 1967).
Prononc. et Orth.:[], plur. [o]. XVIIIe s. [o] au sing. comme au plur.; XIXe s. restitution de l's essentiellement au sing.; d'abord [o:s] puis selon la 1re loi de position []; (v. G. STRAKA ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t.19 n° 1 1981, p.241) FÉR. 1768, FÉR. Crit. t.3 1788, LAND. 1834, GATTEL 1841 [o:s]; BESCH. 1845: ,,pron. ô à la fin de la phrase et devant une consonne; oss devant une voyelle ou un h muet``; LITTRÉ [ô] mais ,,plusieurs font sentir l's au singulier comme au pluriel``; DG: []; PASSY 1914 [] ou [o:s]; à partir de BARBEAU-RODHE 1930 (Pt ROB., WARN. 1968, Lar. Lang. fr.) []. Au plur. gén. [o] mais l's gagne également du terrain: v. LITTRÉ (rem. supra), ROB.: ,,ô au plur.; parfois des oss' ou des ôss' dans la langue fam.``; notamment dans la lang. des bouchers (MART. Comment prononce 1913, p.102). Selon ce dernier: un paquet d'os [o:s], mais selon Pt ROB.: un paquet d'os, un sac d'os, en chair et en os []. Pour les dér. MART. Comment prononce 1913, p.109: ,,même sans accent circonflexe, l'o reste ordinairement fermé et long dans ossements ou désosser (...) mais non dans osseux, ossifier, où les deux s se prononcent le plus souvent, et oss(e)let, où l'e est suivi de sl, pour l'oreille``. Pt ROB. tous avec []. V. chaque dér. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «partie dure et solide qui forme le squelette» (Roland, éd. J. Bédier, 1200); 2. 1176 «os d'animal travaillé» (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, 4031 ds T.-L.); 2e moitié XIIIe s. os dou cuer «os de coeur de cerf: cartilages ossifiés du coeur du cerf très employés en médecine» (Chace dou cerf, éd. G. Tilander, 393); 3. 1188 Il n'avoit que la pel et l'os «il était maigre» (Florimont, 1760 ds T.-L.); 1668 n'avoir que les os et la peau (LA FONTAINE, Le Loup et le chien ds Fables, L. I, V); id. n'avoir que la peau sur les os (RACINE, Les Plaideurs, I, 4); 4. 1606 rompre les os (NICOT); 5. 1640 il ne fera jamais vieux os (OUDIN Ital.-Fr.); 1690 ne pas faire de vieux os (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. M. Monmerqué, 9, 545); 1823 faire de vieux os (BOISTE); 1690 ses vieux os «pour désigner une personne âgée» (Mme DE SÉVIGNÉ, op. cit., 400); 1676 fig. ne pas faire vieux os quelque part «ne pas demeurer longtemps au même endroit» (ID., ibid., 5, 64); 6. 1640 ronger qqn jusqu'aux os «épuiser, ruiner» (OUDIN, loc. cit.); 7. 1609 mouillé jusqu'à l'os (RÉGNIER, Satires, XI, p.53); 1878 (avoir froid) jusqu'à la moelle des os (Ac.); 8. 1680 donner un os à ronger à qqn (Mme DE SÉVIGNÉ, op. cit., 6, 173); 1868 jeter un os à qqn (LITTRÉ); 9. 1851 avoir de l'os «de l'argent» (ds ESN.); 1895 ça vaut l'os (ibid.); 1914 tomber sur un os (ibid.); 1948 l'avoir dans l'os (ibid.); 10 ca 1200 subst. masc. plur. «restes d'un être vivant après sa mort» (Dialogues Grégoire, 49, 8 ds T.-L.). B. 1616 os de seiche (CRESPIN). Du lat. ossum, var. pop. du lat. os, ossis «os, ossement; fond de l'être humain». Fréq. abs. littér.:4350. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 12209, b) 4247; XXe s.: a) 4580, b) 3050.
DÉR. 1. Osséine, subst. fém., chim. organique. Protéine de consistance dure constituant la substance fondamentale de l'os adulte, représentant environ un tiers du poids de l'os (d'apr. MAN.-MAN. Méd. 1980). L'osséine, essentiellement constituée par du collagène (...) donnant de la gélatine par hydrolyse (coction ou chauffage en milieu acide) (POLICARD, Histol. physiol., 1922, p.236). — []. LITTRÉ, BARBEAU-RODHE 1930: [-ss-]. — 1re attest. 1865 (LITTRÉ-ROBIN); de os1, suff. -(e)ine. 2. Osseret, subst. masc. ,,Espèce de couperet, dont les bouchers se servent pour trancher, sur le billot, les parties osseuses de la viande`` (HAVARD 1889). — []. — 1re attest. 1752 (Trév.); de os1, suff. -eret d'apr. couperet.
BBG. —Sculpt. 1978, p.609.
II.
⇒OS2, subst. masc. plur.
VÉN. ,,Ergots situés au-dessus du talon des cerfs et des chevreuils`` (Vén. 1974).
Prononc. et Orth. V. os1. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 2e moitié du XIIIe s. «ergot du cerf sur lequel celui-ci ne porte que lorsqu'il court» (Chace dou cerf, éd. G. Tilander, 91, 220). V. os1.
III.
⇒OS3, ÔS, subst. masc.; plur.OSER
GÉOL. Long ruban formé d'alluvions faisant saillie sur une plaine. Ces «vallées tunnels» (...) se remplissent alors d'alluvions torrentielles et, après la fonte de la glace qui les emprisonnait, on retrouve ces remplissages alluviaux, plus ou moins sinueux, et qui bien que formés d'alluvions, dominent les plaines environnantes: on les appelle des «Oser» (ou «Asar»; singulier, «os») (M. GIGNOUX, Géol. stratigraphique, Paris, Masson, 1960, p.653).
Prononc. et Orth.:[], plur. []. ROB. Suppl. 1970: os ou ôs; Lar. Lang. fr.: os; Lexis 1975: os ou ôs. Étymol. et Hist. 1960 (M. GIGNOUX, loc. cit.). Empr. au suédois ås même sens, (cf. 1828, AL. BRONGNIART, Notice sur les blocs de roches... ds Ann. des sc. nat., t.XIV, p.13 et 14: ces amas de débris de montagnes [...] s'y élèvent en collines [...] auxquelles les géographes suédois ont donné le nom de ôse).
O. S. [oɛs] n.
ÉTYM. 1950, in D. D. L.; sigle de ouvrier ou ouvrière spécialisé(e).
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♦ Ouvrier, ouvrière sans qualification professionnelle, qui effectue, en général dans une chaîne, un petit nombre de tâches très limitées. || O. S. payé au S. M. I. C. || Un O. S. qui devient O. P. (ouvrier professionnel). || Cadences infernales, abrutissantes imposées aux O. S. || Une O. S.
0 (…) une amélioration du sort des manuels type O. S. est d'autant plus nécessaire (…) que les volontaires disparaîtront, si rien n'est fait pour eux.
A. Sauvy, Croissance zéro ?, p. 270.
Encyclopédie Universelle. 2012.