triste [ trist ] adj. I ♦
1 ♦ Qui est dans un état de tristesse. ⇒ abattu, affligé, 1. chagrin, découragé, 1. morose, sombre. Être triste, tout triste. « Ô triste, triste était mon âme À cause, à cause d'une femme » (Verlaine). Triste comme un bonnet de nuit, comme la mort. « je suis triste comme un lendemain de fête » (Musset). Triste à mourir : très triste.
2 ♦ Qui, par nature, présente les caractères extérieurs de cet état; qui ne rit pas, n'est pas gai. ⇒ mélancolique, 1. morose. « Certaines femmes timides et tristes s'épanouissent à la chaleur de l'admiration » (Maurois). Clown triste. Les gens tristes sont peu appréciés en société. ⇒ éteignoir, rabat-joie, trouble-fête. N. « Ils n'ont pas de tendresse pour les tristes » (Maurois).
3 ♦ Par ext. (1213) Qui exprime la tristesse, est empreint de tristesse. ⇒ éploré, funèbre, malheureux, maussade, rembruni, sombre. « L'air triste ne peut être de bon ton » (Stendhal). Visage triste. Faire triste mine. Figure triste (cf. fam. Figure de croquemort, tête d'enterrement). Allus. littér. Le chevalier à la triste figure : Don Quichotte. — Regard, sourire triste. — (Sentiments, idées) « une résignation plus triste que le désespoir » (R. Rolland). — Fam. Avoir le vin triste : être habituellement triste dans l'ivresse.
4 ♦ Par ext. (1636) Qui répand la tristesse, rend triste. ⇒ lugubre, 1. morne, 1. sinistre. « une espèce de triste mélopée, où un cœur semblait pleurer » (Goncourt). Tristes accents. ⇒ élégiaque. Temps triste. Couleur triste. ⇒ sévère, 1. terne. « Ville triste, lumières tristes dans les rues tristes » (Perec).
II ♦ (Choses)
1 ♦ (v. 1160) Qui fait souffrir, fait de la peine. ⇒ accablant, affligeant, affreux, attristant, cruel, désespérant, désolant, douloureux, grave, navrant, pénible, rude, tragique. « J'appréhende au retour cette triste nouvelle » (Molière). Triste sort, triste destinée. ⇒ funeste. — Où l'on souffre. Les jours tristes que nous avons passés. ⇒ difficile.
♢ (1628) Qui raconte ou montre des choses pénibles. « Les meilleurs [romans] sont tristes. Non pas tristes par les événements, mais par ce rabâchage sur soi-même » (Alain). Ce film est trop triste.
2 ♦ (Généralt av. le nom) Qui suscite des pensées, des jugements pénibles, qui afflige. ⇒ déplorable. « l'argent était comme une triste nécessité de la vie » (Stendhal). « C'est une triste chose quand l'amour [...] en devient la calamité [de la vie] » (A. Gide). — Livre dans un triste état. ⇒ mauvais, pitoyable. — (En attribut) C'est bien triste. ⇒ dommage, fâcheux. — (apr. 1970) Fam. Pas triste : amusant, pittoresque. Une soirée chez lui, c'est pas triste ! Si « on jette un œil côté boulot, c'est pas triste non plus » (Pennac). — Impers. Il est triste que (et le subj.). Il est triste qu'elle se soit fâchée.
3 ♦ (1671) (toujours devant le nom) Péj. Dont le caractère médiocre ou odieux afflige. ⇒ lamentable, misérable. Quelle triste époque ! Un triste sire.
⊗ CONTR. Content, gai, joyeux, réjoui, rieur. Amusant, comique, drôle, riant. Heureux, réconfortant, réjouissant. 1. Beau, 1. bon.
● triste adjectif (latin tristis) Qui éprouve du chagrin : Il était triste à l'idée de nous quitter. Un air triste. Qui fait naître le chagrin, la mélancolie, la peine : Un film triste. Qui est sombre, maussade, sans vivacité, sans éclat : Un temps triste. Qui est grave, austère, qui n'est jamais porté à rire : Elle est entourée de gens tristes. Qui inspire la commisération, qui est pénible : Il a eu une triste fin. Qui est méprisable, peu estimable : C'est un triste personnage. ● triste (citations) adjectif (latin tristis) Julien Green Paris 1900-Paris 1998 Académie française, 1971 Tout ce qui est triste me paraît suspect. Journal Plon Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Cet animal est triste, et la crainte le ronge. Fables, le Lièvre et les Grenouilles ● triste (difficultés) adjectif (latin tristis) Construction et sens Triste prend des sens différents selon qu'il est placé après ou avant le nom. 1. Après le nom, triste signifie « qui n'est pas gai, qui manifeste ou inspire la tristesse » : une histoire triste, un personnage triste. 2. Avant le nom, triste signifie « déplorable, lamentable » ou « qui inspire la pitié ou le mépris » : une triste histoire, un triste personnage. ● triste (expressions) adjectif (latin tristis) Familier. Pas triste, très amusant ou très étonnant. ● triste (synonymes) adjectif (latin tristis) Qui éprouve du chagrin
Synonymes :
- mélancolique
- morose
- sombre
Contraires :
- allègre
- badin
- content
- folâtre
- heureux
- joyeux
- réjoui
Qui fait naître le chagrin, la mélancolie, la peine
Synonymes :
- mélancolique
- morose
- noir
- sombre
Contraires :
- amusant
- comique
- drôle
- tonique
Qui est sombre, maussade, sans vivacité, sans éclat
Synonymes :
- déprimant
- maussade
- morne
- terne
Contraires :
- animé
- coloré
Qui est grave, austère, qui n'est jamais porté à rire
Synonymes :
- funèbre
- lugubre
- rembruni
- sinistre
Contraires :
- enjoué
- gai
- jovial
- rieur
Qui inspire la commisération, qui est pénible
Synonymes :
- désolant
- funeste
- navrant
Contraires :
- agréable
- plaisant
triste
adj.
rI./r
d1./d (Personnes) Qui est dans un état d'abattement et d'insatisfaction dû à un chagrin, à des soucis. L'enfant était triste de voir sa mère partir. Syn. affligé, morose, sombre. Ant. gai, joyeux.
d2./d Qui dénote la tristesse. Un air triste. Faire triste mine.
d3./d (Choses) Qui incite à la tristesse. Un temps triste.
rII./r
d1./d Qui fait de la peine; affligeant, pénible. Il a eu une triste fin. Syn. douloureux, navrant, tragique. Il est arrivé dans un triste état. Syn. mauvais, lamentable.
d2./d Péjor. (Toujours devant le nom.) Qui suscite le mépris. Un triste sire.
⇒TRISTE, adj.
A. — [En parlant d'une pers., de son état et, p. méton., d'un de ses attributs; l'adj. généralement postposé caractérise uniquement le subst. sur lequel il porte]
1. Qui est dans un état d'abattement, qui ne peut éprouver de gaieté, de joie en raison d'une douleur particulière, d'une peine, d'une préoccupation. Synon. abattu, affligé, découragé, désespéré, malheureux; anton. gai, réjoui. Tu me racontes qu'à ce bal tu as ri, ri comme une folle. Et tu te plains que tes paroles aient l'air de me faire du mal. Je voudrais ne pas sembler triste, mais j'ai du chagrin, oui, c'est vrai (...). Cette peine que j'ai, méchante, tes yeux la guettaient dans mes yeux (GÉRALDY, Toi et moi, 1913, p. 65). Ah! mes enfants! le vieux pommier va mourir. C'est même pour cela que je suis triste à pleurer (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 199).
♦ Être triste de. Être affligé, désolé du fait de. Je suis triste de votre ennui. Avec tant de moyens pour passer votre temps agréablement dans ce monde, vous ne jouissez pas des avantages que vous avez sous la main (DELACROIX, Journal, 1851, p. 440).
— Loc. Être triste comme un lendemain de fête. Être triste comme une porte de prison. V. porte1 II A 2 b. Être triste comme la mort. V. mort1.
2. Qui présente les caractères de cet état, qui paraît sombre, morose. Synon. mélancolique, taciturne; anton. enjoué, gai, joyeux. Il est né triste; on le voit toujours triste; elle est triste de son naturel. Devenu tout à fait un fêtard (...) [il déclare] que les artistes (...) sont des êtres mélancolieux, tristes, embêtants et n'apportant dans leurs relations que du noir, et qu'il veut maintenant autour de lui de la gaîté, de la joie! (GONCOURT, Journal, 1894, p. 533). Je n'éprouvais qu'un médiocre plaisir à me trouver avec eux (...). Je devenais triste, maussade et ne fréquentais mes camarades que parce que je ne pouvais faire autrement (GIDE, Si le grain, 1924, p. 421).
3. P. méton.
a) [En parlant d'un attribut de la pers.] Qui exprime cet état. Anton. gai, jovial. Avoir l'air triste; avoir un caractère triste; avoir un regard, un sourire, un visage, une figure, une mine triste. Madame Berthereau (...) avait des traits meurtris et tristes, des yeux de soumission, une bouche lasse où passait parfois le secret désespoir du bonheur perdu (ZOLA, Vérité, 1902, p. 3). La stupeur quitta son visage, où montèrent l'expression de la sévérité, une grimace amère et triste qui n'avait point d'âge (COLETTE, Blé en herbe, 1923, p. 132).
— [Antéposé] Le Chevalier à/de la Triste figure.
b) En partic. [Parfois antéposé; en parlant de sentiments, d'idées inspirés par cet état] Qui est marqué par cet état. Cœur lourd et triste; idées tristes; tristes propos; avoir la triste impression de vieillir, d'être inutile; abîmé/plongé dans de tristes pensées; se livrer à de tristes réflexions; tomber dans une triste et profonde rêverie. Je suis né (...) au bord d'une mer sombre (...). Les nuages y paraissent sans couleur, et la joie même y est un peu triste (RENAN, Souv. enf., 1883, p. 63). On parle de son métier, de ses amours, de ses affaires, avec de la gaieté partout. (...) sans vouloir mentir, on brode un peu: il y a si peu de choses dans notre passé naissant de jeunes gens. Les moins gais n'ont jamais de souvenirs tristes à raconter (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 125).
— Loc. verb., au fig. Avoir le vin triste.
4. Empl. subst. Personne dont la tristesse est un trait dominant de caractère. Jean avoua très simplement l'impression que lui avait faite le suicide d'Alice Doré. « Mais ce n'est pas la même chose dit Caoudal vivement (...). Celle-là, c'était une triste, une molle aux mains tombantes... » (A. DAUDET, Sapho, 1884, p. 263). Il me semble, à moi, que vous n'êtes pas un triste: vous n'êtes qu'un homme qui souffre (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 144).
— Au plur. En bon égoïste, il n'aime pas les tristes, et la vue de ce petit visage aminci et sans sourire l'offusquait (GYP, Passionn., 1891, p. 132).
5. P. anal. [En parlant d'un animal] Les carrioles sales, aux rideaux flottants, accompagnées d'un chien triste, allant, tête basse, entre les roues, s'étaient arrêtées l'une après l'autre (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Père Amable, 1886, p. 230). [P. méton.] [Le poney] qui a le sentiment inné des convenances, ne fringuait plus, allongeait un sabot triste (ARNOUX, Solde, 1958, p. 146).
B. — [En parlant d'un inanimé; l'adj. caractérise uniquement le subst. sur lequel il porte; l'antéposition constatée dans certains cas est littér. ou arch.]
1. Qui répand cet état, qui rend triste. Synon. austère, lugubre, morne1, sinistre1. Air tendre et triste; chanson mélancolique et triste; note monotone et triste; tristes accents (d'une élé-gie); couleur triste; automne pluvieux et triste; temps triste et gris; triste journée sans soleil; tristes ténèbres; paysage désertique et triste; lieu triste et solitaire; quartier triste; tristes rues de province; ville industrielle sale et triste; bâtiments nus et tristes; masures tristes et délabrées; uniforme/robe triste et sombre. Comme mes lauriers n'ont jamais empêché personne de dormir, des chœurs pourront chanter pendant la triste cérémonie (...) l'ode célèbre (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 223). Le vent soufflait de l'est et chassait devant lui une armée de nuages tristes chargés de neige (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 183).
— Empl. attribut, fam. (C'est) pas triste. (C'est) très amusant. La créativité de la gauche, en ce moment, c'est pas triste! (Le Point, 3 oct. 1977, p. 105, col. 2).
— Empl. adv., notamment dans le lang. public. D'une manière triste, dans la tristesse. Hier encore, rouler diesel c'était rouler triste. Mais c'était économique (Le Point, 24 nov. 1980, p. 20, col. 1). La vie est trop courte pour s'habiller triste (Le Nouvel Observateur, 23 mars 1981, p. 16).
♦ Il fait triste. Il fait gris et sombre. Il faisait triste dans cette cave, triste comme dans un tombeau (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 158).
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre, littér. Quelque chose de triste, un je ne sais quoi de triste. Solitude où quelques passants (...); Couleur de demi-deuil planant sur les dimanches, Avec de la fumée en lentes vapeurs blanches Et du triste dans l'air comme un jour de Toussaint. Silence des quartiers monotones (RODENBACH, Règne sil., 1891, p. 198).
2. [L'adj. caractérise non seulement un subst. de l'inanimé, parfois abstr., mais l'effet qu'il produit sur autrui; il est souvent antéposé et en fonction d'épithète]
a) Qui engendre la tristesse, qui est dur à supporter, qui fait souffrir. Synon. affligeant, attristant, cruel, douloureux, grave, pénible, tragique. Triste devoir; faire une triste expérience; c'est une triste compensation; triste accident; quelle triste chose! La guerre a le triste privilège de brasser les hommes et aussi de les forcer à réfléchir à leurs problèmes communs (CACÉRÈS, Hist. éduc. pop., 1964, p. 73):
• Les regards (...) revinrent vers la malade. Une femme forte et courageuse, qui avait toute sa santé et toute sa connaissance cinq jours plus tôt... Sûrement elle n'allait pas mourir aussi vite que cela... Mais, maintenant qu'ils savaient l'issue triste et inévitable, chaque coup d'œil révélait un changement subtil.
HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 223.
b) [En fonction d'épithète d'un subst. exprimant la durée, le temps témoin de cet état] Où l'on souffre, où l'on a souffert. Synon. calamiteux, difficile, douloureux, tragique. Évoquer les jours tristes de la guerre, de l'occupation; époques tristes de l'histoire; mener une existence triste et monotone, une vie triste et sans histoires. Les jours furent bien tristes qui suivirent, ces jours mornes dans une maison qui semble vide par l'absence de l'être familier disparu pour toujours (MAUPASS., Une vie, 1883, p. 175). L'année dernière, le 6 octobre, de même que tous les ans à cette triste date, j'allai déposer des fleurs sur la tombe de M. Georges (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 154).
C. — [L'adj. est antéposé]
1. [En parlant d'un animé]
a) Qui suscite des pensées pénibles, qui fait pitié. Synon. malheureux, pauvre. Triste moribond; tristes enfants du Tiers-Monde; tristes familles désunies; tristes victimes du nazisme, de l'Inquisition. Je vois la triste Phèdre, innocente et coupable (MORÉAS, Ériphyle, 1894, p. 211). Je suis sûre qu'elle se trouve poétiquement malheureuse, triste fiancée abandonnée, et qu'elle se plaît, toute seule, à prendre des poses nostalgiques (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 244).
b) [Avec une connot. nettement péj., en raison de l'inconduite, des défauts de la pers.] Qui est affligeant, attristant. Synon. médiocre, méprisable, sinistre1. Triste auteur, individu, sire, sujet; tristes petits bourgeois. Ah! le triste chef de famille, sans force pour garder ou défendre le bonheur des siens (A. DAUDET, Nabab, 1877, p. 102). Mes études, sous mes ternes et tristes maîtres, m'avaient fait croire que la science n'est pas amour, que ses fruits sont peut-être utiles, mais son feuillage très épineux, son écorce affreusement rude (VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 125).
2. [En parlant d'un inanimé]
a) Qui suscite des jugements pénibles, qui afflige. Synon. attristant, déplorable, lamentable. Avoir une bien triste fin; triste époque; triste humanité; malade dans un triste état; (avoir une) triste figure/mine (fam.). Au lieu de rechercher l'amour immortel dans les jardins pleins de fleurs, de soleil et de voix, je dirigeais ma course fastidieuse vers les plus tristes lieux de ce monde; vers les forêts croupissantes des contrées baltiques; (...) vers les petits ports anglais, stagnants et crépusculaires; vers certains villages d'Italie, vieux et vides (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 35).
— Loc. verb.
♦ Faire une triste figure. Avoir l'air gêné, se trouver déplacé, mal à l'aise. Je ne reconnaissais personne dans ce bal, j'y faisais une triste figure (Ac. 1935).
♦ Faire triste mine. Avoir la mine chagrine. Il venait de perdre beaucoup d'argent, il faisait triste mine (Ac. 1935).
♦ Faire triste mine (visageigure) à qqn/qqc. (Lui) faire mauvais accueil, le recevoir froidement. Tous ces timides qui font voir à l'occasion tant de résolution et de fureur, tous ces gens polis et inquiets feraient triste visage aux coups de poing (ALAIN, Propos, 1921, p. 255). Essayer sans foi et dire après l'échec; « Je l'aurais parié; c'est bien ma chance ». (...) S'appliquer à déplaire et s'étonner de ne pas plaire. (...) Douter de toute joie; faire à tout triste figure et objection à tout. De l'humeur faire humeur. En cet état, se juger soi-même. (...) Se faire bien laid et se regarder dans la glace. Tels sont les pièges de l'humeur (ALAIN, Propos, 1921, p. 347).
— Empl. attribut. [Dans une tournure impers.] C'est bien triste. C'est dommage. Il est triste de (+ inf.). Il est pénible, fâcheux de. Il est triste de devoir se quitter; il est triste de se voir accusé quand on est innocent, se voir traité de la sorte. [Avec ell. de il est] Si loin que nous fussions des lieux de chute des bombes, la maison en était secouée. (...) j'imagine que la pauvre Chacha a dû croire sa dernière heure sonnée. Triste d'avoir dû l'abandonner dans cette épreuve (GIDE, Journal, 1943, p. 227).
b) [Avec une nette connot. péj.] Dont la médiocrité afflige, suscite la réprobation. Synon. déplorable, lamentable, piètre, misérable, mauvais, médiocre, regrettable. Jouer un triste personnage/rôle (dans une affaire); avoir une triste opinion de qqn; avoir une triste réputation; tristes plaisirs de l'ivresse; triste affaire; tristes astuces; c'est la triste vérité. Triste besoin d'injurier, de ravilir son adversaire; besoin commun également aux deux partis et qui fait que j'écoute parfois si péniblement les émissions de la radio, tant celles de Londres et de l'Amérique que de Berlin ou de Paris-Vichy (GIDE, Journal, 1943, p. 190).
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le triste de l'aventure, le plus triste c'est que... Timbre mouillé qui charme autant qu'il interloque, Son bizarre d'un triste à vous faire pleurer; Voix de surnaturelle amante ventriloque (ROLLINAT, Névroses, 1883, p. 75).
REM. 1. Tristolet, -ette, adj., fam. Qui est un peu triste. Mine, moue (un peu) tristolette; habit tristolet. Et l'on décréta le départ de Marie Mancini (...). On l'enverrait à Brouage, petite ville tristolette (LA VARENDE, Anne d'Autr., 1938, p. 260). 2. Tristouillet, -ette. V. -et E 6. 3. Tristoune, adj., var. fam. Ils s'en vont et ils nous quittent mais ils reviendront. On est tristounes on est déprimes (Le Nouvel Observateur, 2 août 1976, p. 45, col. 1). 4. Tristounet, -ette, adj., var. fam. La grande Chine entretient aussi des tas d'emporia (grands magasins) à Hongkong. On y vend des vêtements un peu tristounets, mais à des prix sans concurrence (Le Monde, 28 août 1979, p. 2, col. 4).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 2e moit. Xe s. trist (Saint-Léger, éd. J. Linskill, 143); ca 1145 triste (WACE, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 469); 1611 Triste comme un bonnet de nuict sans coiffe (COTGR.); b) 1213 « qui exprime la tristesse » (Vocab. Fet des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 624, 11: Ele se fist mate chiere et triste au plus qu'ele pot); 1690 faire une triste mine « avoir la mine chagrine » (FUR.); 1694 faire triste mine à qqn « lui faire mauvais accueil » (Ac.); 2. ca 1150 tristre (mangier) « misérable, piètre (repas) » (Conte de Floire et Blancheflor, éd. J.-L. Leclanche, 984); 1683 « qui est insuffisant, médiocre, au-dessous de ce qu'on attend » (BOILEAU, Lutrin, VI, 175 ds Œuvres compl., éd. Ch.-H. Boudhors, p. 165: Il hesite, il begaye, et le triste Orateur Demeure enfin muet aux yeux du Spectateur); 1879 triste sire « individu de peu de valeur » (CLADEL, Ompdrailles, p. 103); 3. ca 1160 « qui inspire la tristesse » tristes pensanz « soucieux, qui a des idées tristes » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 5260). Empr. au lat. tristis « affligé, chagrin » et « fâcheux ». Fréq. abs. littér.: 13 324. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 22 509, b) 23 418; XXe s.: a) 20 412, b) 12 631. Bbg. GAMILL-SCHEG (E.). Etymologische Miszellen. Rom. Jahrb. 1950, t. 3, p. 296-297. — KLEIBER (G.). Le Mot ire en ac. fr. Paris, 1978, pp. 214-217.
triste [tʀist] adj.
ÉTYM. Xe, trist; du lat. tristis.
❖
———
1 Qui est dans un état de tristesse (1.). ⇒ Abattu, affligé, chagriné, découragé, morose, sombre; fam. cafardeux. Cf. Avoir le cœur, l'âme en deuil; avoir la mort dans l'âme, des idées noires. || Être triste (→ Nœud, cit. 4). || Se sentir triste (→ Bord, cit. 27), un peu triste (→ Se sentir tout chose). || Triste et démoralisé. || « Captive, toujours triste, importune (cit. 8) à moi-même. » || « Seul, triste, amer, songeant à la patrie perdue » (→ Rôder, cit. 3). || Chacun fut triste et réprima des pensées ou des pleurs (→ 1. Morne, cit. 6). || J'étais triste et las (→ Angoisse, cit. 12). || Pensive et triste (→ Buvard, cit. 1). || La mélancolie (cit. 8), bonheur d'être triste. ☑ Loc. Triste comme une porte (1. Porte, cit. 23) de prison, comme un bonnet de nuit, comme la mort. ☑ Être triste à mourir, très triste. || « Triste comme une chanson à boire » (Dumas, la Dame aux camélias, I, 8).
1 (…) je suis triste comme un lendemain de fête.
A. de Musset, les Caprices de Marianne, II, 6.
2 Il se sentit triste comme une maison démeublée (…)
Flaubert, Mme Bovary, I, IV.
3 Ô triste, triste était mon âme
À cause, à cause d'une femme.
Verlaine, Romances sans paroles, VII.
4 (…) seuls le désir et l'oisiveté nous rendent tristes.
France, le Lys rouge, IX.
♦ Humeur, caractère triste.
♦ Triste de (et l'inf.). || Elle était triste de devoir partir.
2 (V. 1380). Qui, par nature, présente les caractères extérieurs de cet état; qui ne rit pas, n'est pas gai. ⇒ Atrabilaire, mélancolique, morose, taciturne. || Un enfant doux et triste (→ Olivâtre, cit. 1). || Femme timide et triste (→ Épanouir, cit. 18). || La personne sèche et triste de Robespierre (→ Académique, cit. 2). || Clown triste (→ Taciturnité, cit. 2). || Le sourire exquis (cit. 12) des hommes tristes. || Les gens tristes sont peu appréciés en société. ⇒ Éteignoir, rabat-joie, trouble-fête.
5 Il y a une foncière gaieté du cœur qui n'appartient qu'aux bonnes gens. Les esprits occupés de mauvaises pensées deviennent, au contraire, facilement tristes. Il y a bien de quoi.
Charles Nodier, Contes, « Lidivine ».
♦ Subst. || Les tristes : les gens tristes. — Le Bonheur des tristes, roman de Luc Dietrich.
6 Ils n'ont pas de tendresse pour les tristes et méprisent les sentimentaux.
A. Maurois, les Silences du colonel Bramble, VII.
3 (1213). En parlant de l'apparence physique, du comportement; après le nom, en épithète, sauf dans quelques expressions. Qui exprime cet état. || Avoir l'air triste. ⇒ Consterné, éploré, funèbre, malheureux, maussade, rembruni, sombre (→ Austère, cit. 16; gâter, cit. 4). || Visage triste (⇒ Défait); triste mine, mine triste et transie (→ Enjoué, cit. 1). — Faire triste mine. || Figure éteinte (cit. 63) et triste (cf. fam. Figure de croque-mort, tête d'enterrement). ☑ Allus. littér. Le chevalier à la triste figure : Don Quichotte. — Regard triste (→ Cadavérique, cit. 1). ⇒ Désespéré. || Sourire triste. ⇒ Désabusé. || Une voix triste (→ Diable, cit. 17).
7 L'air triste ne peut être de bon ton; c'est l'air ennuyé qu'il faut. Si vous êtes triste, c'est donc quelque chose qui vous manque, quelque chose qui ne vous a pas réussi.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XXIV.
♦ (En parlant des sentiments, des idées; parfois antéposé). || Une gravité triste (→ Long, cit. 41). || Résignation plus triste que le désespoir (→ Abdiquer, cit. 6). || La triste impression (cit. 40) de vieillir. || La foi triste de Pascal (→ Simple, cit. 3). || Rouler de tristes pensées (→ Distraction, cit. 4). ⇒ Sombre.
♦ ☑ (1694). Fam. Avoir le vintriste : être habituellement triste dans l'ivresse.
4 (Choses). Qui répand la tristesse, rend triste (l'antéposition est archaïque ou littér.). ⇒ Ennuyeux, lugubre, morne, sinistre (supra cit. 1). || De tristes devoirs (→ Asservir, cit. 16). || « La chair est triste, hélas… » (Mallarmé, → Fuir, cit. 10). || Tristes réunions que ces soupers (1. Souper, cit. 1) de famille. || Mélopée, chanson triste; air tendre et triste (→ Musique, cit. 10; pauvre, cit. 29). || Tristes accents. ⇒ Élégiaque. || Note monotone et triste. || Couleur triste. ⇒ Obscur, terne. || La triste ardoise (→ Maison, cit. 4). — « Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir » (cit. 1). || Un jour douteux plus triste que la nuit (→ Blafard, cit. 2). || Triste journée sans soleil. || L'automne (cit. 9) pluvieux et triste. — (1690). || Temps triste et gris. — Adv. || Il fait triste, aujourd'hui. — Robe triste, sombre et sans rien qui flatte. ⇒ Austère, sévère (→ 1. Friper, cit. 1). || Tristes rues de province (→ Agrément, cit. 7). || Quartier triste. || Bâtiments nus et tristes (→ Marquise, cit. 2). || Logis triste (→ Faute, cit. 10). || Tristes Tropiques, ouvrage de Cl. Lévi-Strauss.
8 Le printemps est triste en Lorraine, ou du moins sévère; la neige, à tous instants, passe encore dans le ciel et prolonge ses derniers adieux.
M. Barrès, la Colline inspirée, XIV.
5 (Après 1970). Fam. || Pas triste : très amusant, très plaisant; par ext., Étonnant, hors du commun.
8.1 Triste (pas). Étonnant, irrésistible. Sortant du commun. « J'ai passé la soirée avec Antonio. Quand il imite Marie-France Garaud, c'est pas triste. »
———
II
1 (V. 1160). Choses; souvent antéposé en épithète. Qui fait souffrir, fait de la peine. ⇒ Accablant, affligeant, affreux, attristant, cruel, déchirant, douloureux, funeste, grave, navrant, pénible, rude, tragique. || Une triste nouvelle (→ Cacher, cit. 26). || Un bien triste accident. || Quelle triste chose ! || Dire des choses tristes (→ Parti, cit. 22). || La triste captivité où je vis (→ Bercer, cit. 8). || Triste sort (→ Immortaliser, cit. 2); une triste destinée (→ Atteindre, cit. 1).
9 J'appréhende au retour cette triste nouvelle :
(…) Votre fils a la fièvre, ou jambe, ou bras cassé.
Molière, le Dépit amoureux, II, 5.
♦ Où l'on souffre. || Les jours tristes que nous avons passés (→ Fortune, cit. 18). || Mener une vie triste et monotone. ⇒ Calamiteux, difficile.
♦ Qui raconte ou montre des choses pénibles. || Histoire triste. || Les bons romans sont tristes (→ Rabâchage, cit. 2). || Ce film est trop triste.
2 (1677, Racine). Vx (personnes; antéposé). Qui fait pitié. ⇒ Malheureux, pauvre. || « Pour mes tristes enfants quel affreux héritage » (→ Après, cit. 3). || « Noble et brillant auteur d'une triste famille » (cit. 8). || Les tristes victimes de l'Inquisition (→ Autodafé, cit. 1).
3 (1636; antéposé). Qui suscite des pensées, des jugements pénibles, qui afflige. ⇒ Attristant, déplorable. || Il a eu une bien triste fin. || Rassembler (cit. 2) les tristes restes de sa fortune. || Une triste et continuelle expérience (→ Homme, cit. 27). || J'en ai fait la triste expérience. || L'argent était une triste nécessité (→ 2. Lieu, cit. 19). || « C'est une triste chose quand l'amour devient la calamité (cit. 4) de la vie ». || Le triste XIVe siècle, plein de fureurs et de folies (→ Oasis, cit. 3). || Un des tristes côtés de l'Ancien Régime (→ Patronage, cit. 1). || Triste époque. ⇒ Lamentable. || « Ô triste humanité, je fuis dans la nature » (Hugo, → Imposture, cit. 3). || Tristes exemples qui feraient douter de la vertu (→ Renoncer, cit. 8). — Malade dans un triste état. — Après l'accident, la voiture était dans un triste état, complètement inutilisable. ⇒ Mauvais, piètre, pitoyable. — (En attribut). || C'est bien triste. ⇒ Dommage, fâcheux.
♦ Il est triste de (et l'inf.), que (et le subj.). || Il est triste de devoir partir. || Il est triste qu'il soit mort si jeune.
4 (1671, Boileau). Péj. (toujours antéposé). Dont la médiocrité, la mauvaise qualité afflige. ⇒ Lamentable, piètre; misérable, médiocre; mauvais. || Une triste affaire. || C'est la triste vérité. || Les tristes résultats de cette éducation (→ Pédagogue, cit. 1). || Un triste rôle (→ Garçon, cit. 19). || Jouer un triste personnage. ⇒ Sinistre. || Un gentilhomme, triste épave du monde parisien (→ Dévaster, cit. 5). ☑ Un triste sire. || Triste gagne-petit (cit. 1). || L'idéal et la triste réalité (→ Folie, cit. 18; imagination, cit. 17). || Les tristes plaisirs des riches (→ Faufiler, cit. 2).
10 Peut-on être (…) satisfait (…)
Lorsque par la contrainte on obtient ce qu'on aime ?
C'est un triste avantage, et l'amant généreux
À ces conditions refuse d'être heureux (…)
Molière, Dom Garcie, V, 5.
❖
CONTR. Allègre, content, enjoué, folâtre, gai, gaillard, jovial, joyeux, radieux, réjoui, rieur, sémillant. — Amusant, animé, brillant, burlesque, comique, crevant, divertissant, drolatique, drôle, ensoleillé, folichon, fou, hilarant, riant, risible. — Heureux, réconfortant, réjouissant. — Beau, bon, noble.
DÉR. Tristâtre, tristement, tristesse, tristouillet, tristounet.
COMP. Attrister, contrister. — Triste-à-patte.
Encyclopédie Universelle. 2012.