1. aise [ ɛz ] n. f.
• XIIe; « espace vide à côté de qqn » XIe; lat. pop. °adjacens, subst. du p. prés. class. de adjacere « être adjacent, voisin »
1 ♦ État d'une personne que rien ne gêne. « L'aise en voyage, c'est tout » (Flaubert). Loc. ÊTRE À L'AISE : ne pas être gêné. Je suis à l'aise dans ce costume. Être commodément installé. « Croyez-vous donc qu'on soit à l'aise dans cette armoire ? » (Hugo). N'éprouver aucune crainte, aucun embarras. « si parfaitement à l'aise en toute circonstance » (Duhamel). Fam. Être à l'aise dans ses baskets. — SE METTRE À L'AISE : se débarrasser des vêtements, des objets qui gênent. Mettez-vous à l'aise. — METTRE À L'AISE : donner toute facilité de s'exprimer, d'agir, épargner toute gêne, toute timidité. Je vous mets à l'aise, nous serons seuls. — MAL À L'AISE : contraint, embarrassé, gêné. Son discours nous a mis mal à l'aise. Il est mal à son aise. « mal à son aise dans cette atmosphère lugubre » (Flaubert). — À SON AISE : sans être contraint. En parler à son aise, sans connaître les difficultés que d'autres peuvent éprouver. En prendre à son aise avec qqch. : ne pas se gêner, ne faire que ce qui plaît. Vous en prenez à votre aise avec le règlement. Faire qqch. à son aise, en toute liberté, à loisir. « Vous jouirez à votre aise du plaisir de sa vue » (Molière). À votre aise ! comme vous voudrez. — Fam. À l'aise : facilement. Ça passe à l'aise. À l'aise, Blaise ! — Être à son aise : vivre dans une honnête aisance. Ils sont à leur aise.
2 ♦ Littér. Contentement, joie. Combler, remplir d'aise. « tant ils avaient d'aise d'être ensemble » (Sand). « avec des tressaillements d'aise » (Maupassant).
3 ♦ Au plur. Les commodités de la vie. Loc. Aimer ses aises, son confort, son bien-être. Prendre ses aises : s'installer, s'étaler de façon peu discrète.
aise 2. aise [ ɛz ] adj.
♦ Littér. (auj. toujours précédé d'un intensif) Content. Nous en sommes bien aises. « il fut tout heureux et tout aise De rencontrer un limaçon » (La Fontaine). « on est bien aise de le lui dire » (Musset).
⊗ CONTR. Mécontent.
● aise nom féminin (latin populaire adjacens, de adjacere, être situé auprès) Littéraire. Contentement, satisfaction, joie : Rougir d'aise. ● aise (difficultés) nom féminin (latin populaire adjacens, de adjacere, être situé auprès) Genre Féminin : il prend toutes ses aises. Remarque Aise a longtemps hésité entre masculin et féminin. Aujourd'hui, il est employé le plus souvent dans des expressions où le genre est indiscernable : à l'aise, à son aise, d'aise… ● aise (expressions) nom féminin (latin populaire adjacens, de adjacere, être situé auprès) Être, se sentir à l'aise, à son aise, ne ressentir aucune gêne physique, être libre de ses mouvements : Se sentir à l'aise dans un vêtement. Être, se sentir, mettre quelqu'un à l'aise, à son aise, dans l'état de quelqu'un qui n'est soumis à aucune contrainte d'ordre psychologique ou intellectuel, qui peut agir, s'exprimer librement : Il est à l'aise dans tous les milieux. Familier. À l'aise, facilement. À votre aise, comme vous voudrez, libre à vous (souvent ironique). En parler à son aise, s'exprimer sans tenir compte de la situation d'autrui. En prendre à son aise, se conduire avec désinvolture. Être à l'aise, avoir des moyens matériels suffisants pour vivre confortablement. (Être) mal à l'aise, mal à son aise, éprouver une impression de gêne physique ou psychologique. Se mettre à l'aise, dans une tenue qui ne cause aucune gêne. ● aise (homonymes) nom féminin (latin populaire adjacens, de adjacere, être situé auprès) alaise nom féminin alèse nom féminin ● aise (synonymes) nom féminin (latin populaire adjacens, de adjacere, être situé auprès) Littéraire. Contentement, satisfaction, joie
Synonymes :
- aisance
- détente
- liberté
Contraires :
- embarras
- gêne
- malaise
● aise
adjectif
(de aise)
Littéraire. Être bien aise, fort aise de quelque chose, s'en réjouir : Je suis bien aise de ce résultat.
● aise (citations)
adjectif
(de aise)
Eustache Morel, dit Deschamps
Vertus, Marne, 1346-vers 1407
Il me suffit que je soye bien aise.
Ballades de moralité
● aise (expressions)
adjectif
(de aise)
Littéraire. Être bien aise, fort aise de quelque chose, s'en réjouir : Je suis bien aise de ce résultat.
● aise (synonymes)
adjectif
(de aise)
Littéraire. Être bien aise, fort aise de quelque chose
Synonymes :
- content
- enchanté
- heureux
- ravi
Contraires :
- chagrin
- désolé
- ennuyé
- fâché
- mécontent
n. f. et adj.
rI./r n. f.
d1./d état d'une personne qui n'est pas gênée. être à l'aise dans un vêtement. Se sentir à l'aise, à son aise.
d2./d (Plur.) Aimer ses aises: apprécier son confort personnel.
— Prendre ses aises: s'installer sans se soucier d'autrui.
d3./d Fig. Mettre quelqu'un à l'aise, à son aise (mal à l'aise, mal à son aise): procurer à qqn une impression de bien-être (de gêne). Cette réflexion désagréable l'a mis mal à son aise.
— En prendre à son aise avec...: ne pas se soucier de...
— Parler à son aise de qqch, en parler de manière détachée, sans être personnellement mis en cause.
|| à votre aise!: comme il vous plaira!
d4./d Litt. Joie, contentement. Pousser un soupir d'aise.
rII./r adj. Litt. Content, joyeux. Je suis bien aise de vous voir.
I.
⇒AISE1, subst. fém.
I.— Emploi subst., littér., vieilli
A.— [Avec une idée de commodité ou de confort matériel]
1. Au sing., vx, rare :
• 1. Quand je saurai l'époque de ton départ, je t'enverrai une liste d'objets que tu m'apporteras. Emmène une femme de chambre si tu le juges nécessaire ou même commode. L'argent est bon, mais l'aise meilleure. Et l'aise, en voyage, c'est tout. C'est la santé et la vie bien souvent. J'attribue notre bon état permanent au bon régime que nous avons suivi, à notre sobriété et, pour lâcher le mot, au confortable dont nous nous privions quand il était absent, mais que nous saisissions avec la même philosophie quand il se présentait.
G. FLAUBERT, Correspondance, 1850, p. 272.
2. Au plur. Ses (mes) aises. Les éléments du confort rendant la vie agréable et facile. Prendre ses aises; aimer ses aises (Ac. 1798-1932) :
• 2. Se mettre dans la dépendance, c'est condescendre à devenir homme, c'est s'abaisser volontairement, c'est faire un sacrifice, c'est s'ennoblir soi-même, car l'héroïsme seul ennoblit et il est héroïque de sacrifier librement son repos, ses aises, sa sécurité, ses goûts à l'idée d'un devoir.
H.-F. AMIEL, Journal intime, 11 nov. 1866, pp. 497-498.
• 3. — Alors, disait-il, vous êtes toujours là. Vous ne pensez pas à vous retirer. — Et pourquoi que je me retirerais, monsieur? Voulez-vous me dire où je serais mieux qu'ici, où j'aurais plus mes aises et tout le confortable?
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 309.
B.— [Avec une idée d'absence de gêne] Grande liberté.
1. [Absence de gêne phys.] Liberté et souplesse totale des mouvements du corps :
• 4. Je ne mangeais plus qu'à contre-cœur, bien que l'appétit me pressât; car je suivais des pensées qui m'enivraient d'une telle douceur, et le bonheur de mon âme communiquait à mon corps je ne sais quelle aise si sensible, qu'il répugnait à un acte qui le dégradait d'une si noble volupté.
M. DE GUÉRIN, Journal intime, 1834, p. 193.
2. [Absence de contrainte morale] Liberté et facilité.
a) Au sing. :
• 5. Tremblant de ses premières fièvres,
Mon cœur n'osait
Voler droit, des doigts qu'il baisait,
Aux lèvres.
Je sentais en moi, tour à tour,
Plaisir et peine,
Un mélange d'aise et de gêne :
L'amour.
SULLY PRUDHOMME, Les Vaines tendresses, Enfantillage, 1875, p. 147.
• 6. Sans lui parler, sans paraître entendre, Berthe lui répondait cependant par un sourire qui s'adressait à tous, un regard brillant, un air de jeunesse, d'aise et de légèreté.
J. CHARDONNE, L'Épithalame, 1921, p. 433.
• 7. LE PRÉSIDENT. — Ce n'est pas votre amour. Votre amour est tout différent. Il nous ressemble. Il est un accord, un consentement, une aise. Celui-là, est le contraire. Mais c'est l'amour. Vous aimez Jérôme avec l'amour d'une autre.
J. GIRAUDOUX, Cantique des cantiques, 1938, 4, p. 64.
— Vieilli. Paix et aise :
• 8. Il n'a pas un grand bien, mais il vit chez lui paix et aise. Je ne demande que paix et aise. Je ne demande qu'une vie tranquille, sans contrainte et sans soins. Le premier de ces exemples a vieilli.
Ac. 1835-1932.
Rem. ,,Il s'emploie aussi adverbialement. Il vit chez lui paix et aise.`` (Ac. 1798-1932).
b) Au plur. :
• 9. La boutique [de la crémière] finit par devenir son lieu d'acoquinement [de Germinie], un lieu où sa pensée, sa parole, ses membres même et son corps se trouvaient des aises merveilleuses.
E. et J. DE GONCOURT, Germinie Lacerteux, 1864, p. 63.
• 10. L'esprit, d'autant plus délié des exigences profondes de l'ordre qu'elles furent mieux appliquées à le dispenser d'y songer, s'enivre de ses aises relatives, se joue dans ses lumières propres et dans ses pures combinaisons.
P. VALÉRY, Variété 2, 1929, p. 58.
3. [Avec une idée d'absence de gêne d'argent] Aisance matérielle, niveau de vie mettant à l'abri de tout souci d'argent :
• 11. Le hasard les avait mis face à face, le vieux soldat de la garde de Charles X et le fournisseur, qui avait grappillé sur une infortune royale et acheté à faux poids la vaisselle d'un roi aux abois; le soldat, libraire; le fournisseur, gros bourgeois épanoui, sonnant d'aise et de prospérité.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, févr. 1862, p. 1018.
• 12. — Ah! Nous avons plus besoin que jamais de ce maître, de ce chef, Dillaërts. L'abandon des campagnes a commencé par le maître, par la tête. Soit lassitude, soit recherche d'aise et de plaisir. Il a livré son bien à des mains mercenaires d'abord, et puis il a réalisé. Les maisons ne cessent de changer de propriétaire et de nom, les terres d'orientation et les maisons dépérissent un peu plus chaque fois, les terres se stérilisent...
J. DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, t. 3, 1932, p. 230.
— Loc. proverbiale vieillie. N'être malade que de trop d'aise (J.-F. ROLLAND, Dict. du mauvais langage, 1813, p. 6); (cf. Ac. 1798-1878, en parlant d'un homme riche qui souffre de petites incommodités).
C.— [Sentiment résultant des situations précédentes]
1. Joie résultant de l'absence de gêne dans ses mouvements ou dans sa manière d'être :
• 13. Notre-Dame de Dijon ne possédait pas l'empreinte mystérieuse et l'attitude imposante des grandes églises sombres. Elle était claire et blanche; elle gardait toujours quelque chose d'un mois de Marie, même pendant la semaine sainte; la disparition de ses anciens vitraux aidait peut-être à se suggérer cette impression qu'elle laissait de fête juvénile et d'aise.
J.-K. HUYSMANS, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 139.
2. Satisfaction profonde résultant d'un bien-être :
• 14. « Timide et contraint devant mon père, je ne trouvois l'aise et le contentement qu'auprès de ma sœur Amélie. Une douce conformité d'humeur et de goûts m'unissoit étroitement à cette sœur; elle étoit un peu plus âgée que moi. Nous aimions à gravir les côteaux ensemble, à voguer sur le lac, à parcourir les bois à la chûte des feuilles; promenades dont le souvenir remplit encore mon ame de délices.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 419.
• 15. Pour la première fois depuis qu'il avait repris le veston de civil, il se sentit heureux. Quinze francs par jour! Il supputait tout ce qu'il allait avoir de bien-être, d'aise, de bonheur, pour ses quinze francs.
R. DORGELÈS, Les Croix de bois, 1919, pp. 311-312.
Rem. 1. Syntagmes fréq. se pâmer d'aise (J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 247); soupirer d'aise (J.-P. SARTRE, La Nausée, 1938, p. 303); rougir d'aise (P. DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 39); rire d'aise (M. AYMÉ, La Jument verte, 1933, p. 157); remplir d'aise qqn; être transporté d'aise, ne pas se sentir d'aise (Ac. 1798-1932). 2. La lang. du XIXe s. connaît les subst. composés bien-aise et mal-aise, qui sont du genre masc. et semblent des substantivations des adj. corresp. (cf. malaise) :
• 16. Il resta dans cet état léthargique jusque vers minuit, qu'ayant ouvert de nouveau les yeux, je lui fis prendre un bon consommé, qui le rappela à la vie. — Ce mal-aise, lui dis-je, cette longue crise que vous venez d'éprouver, ne viennent-ils point des fatigues du voyage? — Oh! Non, me répondit-il, c'est des malheurs de la vie.
J. DE CRÈVECŒUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'État de New-York, t. 2, 1801, p. 369.
• 17. Je goûte une étrange volupté à sentir mon âme enlevée comme ce prophète qu'un ange emporta par les cheveux, et traversant d'une effroyable vitesse d'immenses étendues. Mais que me revient-il de ces voyages effrénés? Lassitude, éblouissement, surcroît de vertige, et pourtant, au fond de tout cela, un bien-aise secret de l'amour-propre qui s'applaudit du brûlant voyage et irrite sourdement la passion naissante de mon âme pour ces périlleuses aventures.
M. DE GUÉRIN, Journal intime, 1834, p. 218.
II.— Emploi adj. ou adv. [Précédé fréquemment d'un adv. intensif, surtout très] À l'aise, à son aise.
A.— [Absence de gêne phys.] (Être) à l'aise, à son aise. Avoir son confort. Anton. (être) mal à l'aise, mal à son aise :
• 18. Son petit pied aussi était andalou, car il était tout ensemble à l'étroit et à l'aise dans sa gracieuse chaussure. Elle dansait, elle tournait, elle tourbillonnait sur un vieux tapis de Perse, jeté négligemment sous ses pieds; ...
V. HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 74.
• 19. Pendant toute la visite, Mlle Lucinde parla plus que d'habitude et avec une sorte d'intimité, d'abandon; Jules se sentit plus à l'aise, plus libre de ses mouvements, plus spirituel et plus gracieux; en se séparant des deux actrices, il leur fit même un salut qu'il jugea d'une distinction charmante.
G. FLAUBERT, La Première éducation sentimentale, 1845, p. 109.
— [Avec un compl. circ. prép. dans + n. de chose] :
• 20. Fait de corps et d'âme pour d'autres temps, mal à l'aise dans un habit noir, Rémonville était mal à l'aise dans son temps, dans sa sphère. Sa patrie ni son siècle ne lui convenaient, encore moins son métier.
E. et J. DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, p. 174.
♦ Se mettre à son aise. Faire ce qu'il faut, dans la limite des convenances de lieu, pour n'éprouver aucune gêne (p. ex. en prenant place dans un fauteuil, en se dépouillant des vêtements inutiles) :
• 21. Il s'était remis en marche. On voyait maintenant la porte par laquelle la gamine était sortie mais elle était close. Ils passèrent, suivirent un large corridor dans lequel, assez loin, Bellamy poussa une autre porte.
— Entrez, monsieur. Mettez-vous à votre aise. Inutile de vous dire que, si vous avez chaud, vous pouvez retirer votre veston.
G. SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 50.
— Par métaph. :
• 22. 24 juillet. Dans une salle de la bibliothèque de l'arsenal, j'ai vu côte à côte, assis, deux fauteuils : un fauteuil Louis XV et un fauteuil Louis XVI. Il y a un siècle et un monde dans chacun de ces fauteuils. Le rocaille dit la corruption aimable, l'amour à l'aise et confortable; il dit l'accueil fait au plaisir, etc... L'autre, droit, est calviniste, janséniste, économiste, la vertu raide; il est Turgot, il est monsieur Necker.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, juill. 1856, p. 261.
Rem. Cette dernière expr. signifie parfois dans le lang. fam. ,,manquer aux convenances, en user avec trop de liberté, de familiarité`` (Ac. 1835-1932).
B.— [Absence de gêne morale] Mêmes expressions :(Être) à l'aise, à son aise.
• 23. MARGUERITE. — Je ne voudrais pas vivre avec son pareil! Quand il va pour entrer, il regarde d'un air railleur, et moitié colère! On voit qu'il ne prend intérêt à rien; il porte écrit sur le front qu'il ne peut aimer nulle âme du monde. Il me semble que je suis si bien à ton bras, si libre, si à l'aise! ... Eh bien! Sa présence me met toute à la gêne.
G. DE NERVAL, Faust, 1840, p. 143.
• 24. Je touchai Allan à l'épaule.
« Allan! Vous êtes fou! »
Il se retourna, très à l'aise, pétrifiant de sang-froid.
« Que vous arrive-t-il? »
Puis, haussant les épaules, il me suivit, déjà souriant, spirituel, volubile, tellement à l'aise que je me sentis soudain ridicule. Je l'entraînai dans le jardin nocturne.
J. GRACQ, Un Beau ténébreux, 1945, p. 101.
• 25. Tout cela n'aurait pas suffi à me ramener à lui. Ce qui fut beaucoup plus décisif. C'est qu'il restait mal à l'aise dans sa peau, inadapté, incertain; je me sentais moins insolite auprès de lui qu'auprès de tous les gens qui acceptaient la vie; rien ne me semblait plus important que de la refuser; je conclus que nous étions lui et moi de la même espèce, et de nouveau je liai mon destin au sien.
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 261.
— [Avec un compl. circ. prép. avec + n. de pers.] :
• 26. L'empereur n'a pu s'empêcher d'en rire, et a dit : « (...) Mes soldats étaient fort à leur aise, très libres avec moi. J'en ai vu souvent me tutoyer. »
E.-D. DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 79.
— Loc. diverses. Mettre qqn à l'aise. Lui faciliter les relations directes avec son interlocuteur. À votre aise! (avec ou sans iron.) À votre initiative, quand vous voudrez!
C.— Péj. [Avec une idée de liberté désinvolte, de sans-gêne] Parler de qqc. bien à son aise (cf. J.-F. ROLLAND, Dict. du mauvais langage, 1813, p. 6; G. FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 137). Conseiller une chose difficile sans se sentir personnellement engagé. N'en prendre qu'à son aise. Ne faire que ce qui correspond à son goût.
II.
⇒AISE2, adj.
[En parlant d'une pers., gén. précédé d'un adv. intensif et toujours constr. en attribut] Très heureux, très satisfait. Bien aise; fort aise; tout aise (Ac. 1798-1932).
A.— Vx, rare. [Sans adv. intensif] :
• 1. C'est votre voyage à Paris et d'autres choses ensuite qui m'ont empêchée de vous parler plus tôt de Marie (...). C'est pour elle que je vous écris, d'abord parce que je l'aime et que son souvenir m'est doux à rappeler, et puis, parce qu'elle me paraît aise que vous entendiez quelquefois ces tours de langage qui vous la rappellent au vif.
E. DE GUÉRIN, Lettres, 1835, p. 89.
• 2. Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs,
Et ma mie, et l'air du pays :
Que mon cœur était aise.
Ah, les vignes de Jurançon,
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson?
P.-J. TOULET, Les Contrerimes, Un Jurançon 93, 1920, p. 47.
B.— Littér. [Avec un adv. intensif]
1. Vx, rare. [Avec un compl. de cause prép. de] Mal-aise. Très malheureux, au physique et au moral :
• 3. En partie inédite. Jeudi soir. (Croisset, fin septembre 1847.) J'ai été malade tous ces jours-ci, ma chère amie. Mes nerfs m'ont repris. J'ai eu une attaque, il y a une huitaine et j'en suis resté passablement mal-aise et irrité.
G. FLAUBERT, Correspondance, 1847, p. 46.
2. Usuel. [Gén. avec un compl. prép. de + subst. ou inf., ou une prop. compl. conj. que] Bien aise :
• 4. Il a fait hier le plus beau temps du monde, et mon oncle, qui était de bonne humeur à déjeûner, m'a demandé comment je me portais, et si je ne serais pas bien aise de faire une belle promenade? Je l'ai assuré que j'en serais charmée.
G. SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, pp. 1724-1725.
• 5. Lorsqu'un événement quelconque se manifeste, il ne saurait produire que trois effets; c'est-à-dire que, sur trois hommes, il peut y en avoir un qui dise : « J'en suis bien aise »; un autre qui dise : « J'en suis fâché »; et le dernier : « Ça m'est égal. » Il s'agirait de démontrer que ces trois sentiments représentent trois classes d'individus, lesquels composent toute cette espèce que nous nommons humaine.
A. DE MUSSET, « Le Temps » en 1830 et 1831, 1831, p. 25.
• 6. Le boulevard d'Enfer était barré par des ormeaux abattus. Dans ma rue, mes voisins me virent arriver avec plaisir : je leur semblais une protection pour le quartier. Mme de Chateaubriand était à la fois bien aise et alarmée de mon retour.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 597.
• 7. Le vieux soldat ne comprenait pas qu'on se laissât aller, qu'on eût si peu de courage. C'était trop bête à la fin, de se manger les sangs pour un pareil freluquet. Un beau merle que ce Pierre, et qui vraiment avait trop l'air de s'en croire! Avec ça que beaucoup d'autres ne seraient pas bien aises d'épouser une belle fille, vaillante à la besogne, et qui apportait de l'argent. Un de perdu, dix de retrouvés.
É. MOSELLY, Terres lorraines, 1907, p. 113.
Rem. Bien aise sans compl. est rare et vx :
• 8. Quand les filles de son âge rient avec des garçons, c'est mauvais signe pour le mariage, vois-tu; mais quand elles s'en sauvent, c'est signe qu'elles veulent qu'ils les recherchent pour tout de bon.
— Oh! Que non! Répondis-je à ma mère; Denise n'a pas de ces semblants-là.
— Eh bien, me dit-elle, fais voir semblant toi-même de t'en aller demain pour ton tour de France, et tu verras si elle est bien aise ou si elle est fâchée.
A. DE LAMARTINE, Le Tailleur de pierre de Saint-Point, 1851, pp. 474-475.
♦ Fort aise. ,,Elle en est fort aise.`` (Ac. 1798-1932). Tout aise :
• 9. Le bonhomme était tout aise d'avoir trouvé un compagnon si obligeant, et qui lui disait à l'occasion : « portez votre pain, du fromage et une bouteille, vous viendrez faire quatre heures avec moi. »
H. POURRAT, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 230.
Rem. Ac. 1798-1932 signalent en outre : j'en suis très aise; j'en suis aise au dernier point; que je suis aise de cette nouvelle! Ac. 1798-1835 : j'en suis extrêmement, infiniment, on ne peut plus aise.
Rem. gén. 1. L'adj. aise est mieux représenté dans les textes au XIXe qu'au XXe s. 2. Bien aise s'oppose à fâché, irrité, alarmé; il est un équivalent, en moins fort, de charmé (ex. 4).
Prononc. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[]. — Rem. FÉR. Crit. t. 1 1787 fait observer que ,,le genre de ce mot est incertain au singulier : on ne l'unit qu'avec des pronoms, dont on ne peut distinguer le genre par la terminaison, à son aise, à votre aise. Au pluriel, l'usage le plus autorisé le fait féminin, prendre toutes ses aises. L'Acad. ne lui done que ce genre.`` 2. Dér. et composés : aisance, aisé, aisement (arch.), aisément, malaise, malaisé.
Étymol. ET HIST. — 1. XIe s. subst. judéo-fr. ajjse « espace vide à côté de qqn » (Gloses fr. de Raschi, éd. A. Darmesteter, Paris, 1909, p. 33), attest. isolée; XIIe s. aise « commodité, agrément » (L'Estoire Joseph, éd. E. Sass, 136 ds T.-L. : lor fait tot lor aise); 1170 a eise « dans l'aisance » (CHRÉT. DE TROYES, Le Chevalier à la charrette, éd. W. Foerster, 2504, ibid. :Chies un chevalier mout a eise); d'où 2. 1164 adj. « content » (ID., Erec et Enide, éd. Foerster, 1401, ibid. :va plus eise et plus soëf Que s'il estoit an une nef).
Du lat. adjacens, proprement « se trouvant à proximité », part. prés. de adjacere, qui fut substantivé sous la forme plur. adjacentia (aisance). Cf. aux IXe-Xe s. le lat. médiév. in aiace « dans le voisinage de » (DESJARDINS, Cart. de Conques, p. 9 n° 6, a. 930 ds NIERM. t. 1 1954-58 : In pago Arvernico in ministerio Cartladense in vicaria Arpajonense, hoc est villa mea... Similiter in ipso aice cedo mansos meos...). Pour le développement phonét., voir A. THOMAS, Essais de philol. fr., 1897, pp. 207-237. L'ital. agio et le port. azo sont empruntés au prov. aize, de même orig. que le fr. aise, ce qui rend caduque l'hyp. de C. C. RICE, Etym. and other studies, 1946, pp. 25-26, qui fait remonter les quatre formes rom. à un lat. vulg. atiare.
STAT. — Fréq. abs. litt. :3 930. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 5 526, b) 7 025; XXe s. : a) 5 689, b) 4 811.
BBG. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — BONNAIRE 1835. — Canada 1930. — DUP. 1961. — FÉR. 1768. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 66. — Gramm. t. 1 1789. — GUIZOT 1864. — LACR. 1963. — LAF. 1878. — LAV. Diffic. 1846. — LE ROUX 1752. — NOTER-LÉC. 1912. — SARDOU 1877. — SOMMER 1882. — Synon. 1818. — THOMAS 1956.
aise [ɛz] n. f. et adj.
ÉTYM. XIIe; aiise « espace vide à côté de quelqu'un », XIe, en judéo-français; lat. pop. adjacens, subst. du p. prés. class. de adjacere « être adjacent, voisin ». → Adjacent.
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I N. f.
1 Vx ou littér. en emploi libre : l'aise de qqn, son aise. État commode, agréable, absence de gêne, liberté de mouvement. ⇒ Aisance, confort, liberté.
1 L'argent est bon, mais l'aise meilleure. Et l'aise en voyage, c'est tout.
Flaubert, Correspondance, t. III, p. 22.
a (Concret). ☑ Être, se mettre à son aise, bien à son aise pour faire quelque chose, dans un costume, dans une position convenable, confortable.
2 Il faut l'habiller large pour qu'un enfant soit à son aise.
Mme de Maintenon, Lettre à d'Aubigné, 7 sept. 1683.
3 Puis je venais m'asseoir près de sa chaise
Pour lui parler le soir plus à mon aise.
Hugo, les Contemplations, I, XI.
♦ ☑ Mettez-vous à l'aise, à votre aise : débarrassez-vous des vêtements, des objets qui vous gênent.
♦ ☑ Être à l'aise, commodément installé. || Le voilà à son aise, bien carré dans son fauteuil. || On n'est pas très à l'aise dans cette petite voiture.
4 (…) Est-ce la mode
Que baudet aille à l'aise et meunier s'incommode ?
La Fontaine, Fables, III, 1.
5 Croyez-vous donc qu'on soit à l'aise dans cette armoire ?
Hugo, Hernani, I, 2.
b ☑ (Fig.). Être à l'aise : n'éprouver aucune gêne, aucun embarras (⇒ Assurance).
6 Lui, si parfaitement à l'aise, en toute circonstance, lui si fier et si vindicatif, il avait soudain l'air humble et embarrassé.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, II, II.
7 Comme les êtres les plus droits peuvent vivre à l'aise dans le mensonge !
Martin du Gard, les Thibault, III, IX.
♦ ☑ Vieilli. N'être pas à son aise, être mal à son aise : se sentir gêné, contraint, embarrassé ou indisposé.
8 Il arrive en toilette des dimanches, mal à son aise dans cette atmosphère lugubre.
Flaubert, Trois contes, « Un cœur simple ».
♦ Mod. ☑ Mal à l'aise : contraint, embarrassé, gêné.
♦ ☑ Fig. Mettre qqn à l'aise, à son aise : dissiper l'embarras, la gêne, la timidité, l'appréhension, les scrupules… chez qqn.
9 Le prêtre l'écoutait, le mettait à son aise (…) jamais une indiscrète censure ne venait arrêter son babil et resserrer son cœur (…)
Rousseau, Émile, IV.
10 Pour mettre sa vanité à l'aise il avait pris l'habitude salutaire de ne pas compter ses défaites, mais seulement ses succès.
Stendhal, Lamiel, p. 580.
♦ ☑ Faire qqch. à son aise, suivant sa convenance, en toute liberté, à loisir, comme et autant qu'il plaît.
11 Vous jouirez à votre aise du plaisir de sa vue, et vos yeux auront tout le temps de se satisfaire.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 6.
12 Que tantôt Marinette endure qu'à son aise
Jodelet par plaisir la caresse et la baise (…)
Molière, le Dépit amoureux, I, 1.
13 Nous pourrons rire à l'aise, et prendre du bon temps.
Boileau, Épîtres, I.
♦ Ellipt. Vieilli ou style soutenu. ☑ À votre aise : à votre convenance, à votre gré. || À votre aise !, n'en parlons plus, faites ce qui vous plaira.
13.1 Monsieur, vous vous moquez !… À votre aise ! Au revoir (…)
E. Labiche, les Petites Mains, II, 14.
♦ ☑ Loc. En prendre à son aise : ne pas se donner de peine pour faire qqch., ne faire que ce qui plaît. En user librement avec, ne pas se gêner. || Vous en prenez à votre aise avec les règlements.
♦ ☑ En parler à son aise, sans connaître les difficultés, sans éprouver les peines d'autrui.
14 Vous en parlez fort à votre aise, et le métier de plaisant n'est pas comme celui d'astrologue.
Molière, les Amants magnifiques, I, 1.
15 Mon Dieu, vous en parlez, mon frère, bien à l'aise,
Et vous ne savez pas comme le bruit me pèse.
Molière, les Femmes savantes, II, 9.
N. B. Ces deux loc., fam. dans la langue classique, appartiennent aujourd'hui à une langue châtiée.
16 (Se peut-il) que tu ne sois bien à ton aise ? — Je suis dans la plus grande nécessité du monde.
Molière, Dom Juan, III, 2.
16.1 Et il eut la surprise de reconnaître madame Théodore et la petite Céline, toutes les deux proprement vêtues, l'air à leur aise.
Zola, Paris, t. II, p. 220.
d Fam. Mod. || À l'aise : avec facilité, sans effort. || Il court le cent mètres en 11 secondes, à l'aise.
2 (Dans quelques expr.). Plur. || Aises (avec un possessif). Les commodités de la vie. ☑ Aimer ses aises. ☑ Prendre ses aises. ⇒ Bien-être, confort.
17 Les aises de la vie, l'abondance, le calme d'une grande prospérité font que les princes ont de la joie de reste pour vivre (…)
La Bruyère, les Caractères, IX, 27.
17.1 À la première station, deux des manilleurs descendirent en grommelant terriblement, avec d'horribles yeux de lapins de choux fâchés. La petite demoiselle, suçotant son doigt, descendit également. Le militaire en civil prit ses aises et se cura les dents avec l'ongle de l'index (…)
R. Queneau, le Chiendent, p. 17.
3 L'aise (dans : … d'aise). Sentiment agréable causé par la présence ou la possession d'un bien. ⇒ Contentement, félicité, joie. || Combler, remplir qqn d'aise.
18 Si bien que ce pêcheur, d'aise tout transporté,
Avait couru chercher ce fils si fort vanté.
Corneille, Don Sanche, V, 7.
19 Il (l'enfant) fuit, il vient, il parle, il pleure, il saute d'aise.
Mathurin Régnier, Satires, 5, 125.
20 Je sens d'aise mon cœur tressaillir par avance.
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
21 Que vous me comblez d'aise !
Molière, Tartuffe, II, 4.
22 (…) ne voulant plus rentrer, tant ils avaient d'aise d'être ensemble.
G. Sand, la Petite Fadette, II.
23 Il la regardait avec ravissement, comme on regarde une aurore, comme on écoute de la musique, avec des tressaillements d'aise.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 218.
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II Adj. (XIIe). Vx (langue class.) ou littér. Qui éprouve de l'aise, de la joie. ⇒ Content. (Aujourd'hui toujours précédé d'un intensif, bien, tout, etc.). || Je suis bien aise de vous avoir rencontré. || Nous en sommes bien aises. || J'en suis aise au dernier point.
24 Vous chantiez ? J'en suis fort aise;
Eh bien ! dansez maintenant.
La Fontaine, Fables, I, 1.
25 La faim le prit; il fut tout heureux et tout aise
De rencontrer un limaçon.
La Fontaine, Fables, VII, 5.
26 Cela signifie (faire la cour à une femme) que cette femme vous plaît, et qu'on est bien aise de le lui dire.
A. de Musset, Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, p. 439.
27 Je serais assez aise d'avoir le droit de vie et de mort, pour ne pas en user (…)
Renan, Souvenirs d'enfance…, VI, 4.
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CONTR. (Du sens I.) Embarras, gêne, malaise, misère, pauvreté. — Chagrin, déplaisir. — (Du sens II.) Chagrin, mécontent, triste.
Encyclopédie Universelle. 2012.