PLAISIR
Le plaisir occupe une place décisive dans la culture occidentale, où il engage d’abord tout l’édifice moral . Faut-il l’éviter, le rechercher, le situer, le doser? Tel est l’objet de la réflexion populaire, mais aussi des raffinements dialectiques des stoïciens, qui s’en défient, des hédonistes, qui le recommandent, des platoniciens et aristotéliciens, qui prétendent le mettre à sa place, avant que Bentham et Stuart Mill en proposent un calcul. Cette problématique est loin d’être épuisée, puisque Herbert Marcuse, reprenant la visée de Schiller, se demande si, après l’incompatibilité entre plaisir et travail accentuée par l’industrie naissante, la société industrielle avancée ne serait pas en mesure d’inaugurer un monde où ces deux exigences se rejoindraient. Et la part qu’occupe dans ce courant l’« esthétisation » de la vie quotidienne nous rappelle que c’est souvent par le biais du plaisir esthétique qu’en Occident plaisir et morale ont cherché à se concilier.
Mais la portée métaphysique du plaisir n’a guère été moindre. Platon et Aristote ne se demandent pas seulement quelle place lui faire dans la pratique, mais quels rapports il entretient avec le souverain bien, c’est-à-dire, étant donné l’importance de la cause finale dans leurs systèmes, s’il n’est pas un ressort dernier de l’univers, ou du moins du monde vivant, en tout cas de l’homme. Ces spéculations trouvent un écho dans ce que Freud appelle sa métapsychologie, quand il allègue un principe de plaisir, dont le principe de réalité n’est qu’une transformation plus modeste. Du reste, le plaisir ne sollicite pas uniquement les visions unitaires et rationalistes. C’est encore à lui que, chez Sade, Nietzsche et Gilles Deleuze, s’alimentent les courants antiplatoniciens qui, dans l’épistémologie comme dans l’ontologie, soulignent la force créatrice de la perversion, et sont plus attentifs à la singularité des événements et des « séries » qu’à l’universalité des lois.
Enfin, le plaisir intéresse cet autre projet occidental qu’est la psychologie comme science exacte. Et les études menées sur les centres cérébraux qui y interviennent mettent le psychologue expérimental sur son terrain de prédilection: celui des mécanismes de la motivation, abordés par le biais de la physiologie.
Lorsqu’une notion connaît pareille fortune, elle a bien des chances de toucher quelque chose d’essentiel, mais aussi d’être floue et de puiser une partie de son crédit dans des refoulements collectifs.
1. Plaisir et état de conscience
Les expériences des physiologistes
En 1954, R. J. Heath rapporte qu’il a provoqué des sensations de plaisir chez l’homme par la stimulation électrique de certains centres cérébraux. La même année, J. Olds observe ce qu’il appelle un « comportement d’autostimulation » chez le rat: une électrode ayant été implantée dans telle région du cerveau, pour un courant donné et dans certaines circonstances, l’animal reproduit ce courant en actionnant une pédale, cela à raison de cinquante à cent coups par minute, pendant des heures, en dépit de la faim, souvent jusqu’à l’épuisement; et l’accroissement de courant entraîne, dans certaines limites, une accélération du rythme atteignant parfois la fréquence de deux à trois réponses par seconde. L’autostimulation se retrouve chez l’homme, où elle a été observée principalement chez des opérés du cerveau et des malades mentaux, dans un contexte thérapeutique.
Il y a assurément une similitude entre ces trois groupes d’observations qui engagent des régions cérébrales apparentées. Chez l’homme, pour l’évocation de plaisir par stimulation étrangère, les physiologistes ont signalé la région septale et la région latérale du tegmentum mésencépahlique (R. J. Heath), la région ventro-médiane du lobe frontal (C. W. Sem-Jacobsen), le lobe temporal (Pr Delgado); pour l’autostimulation, la région septale postérieure, le tegmentum mésencéphalique, le centre médian du thalamus, le noyau caudé, les noyeux amygdaloïdes antérieurs et postérieurs. Ce territoire « positif » semble d’autant mieux individualisé qu’à environ 0,5 à 1 cm s’en délimite un autre, « négatif », dont la stimulation provoque, au contraire, des sensations de déplaisir ou d’aversion. Du reste, en 1964, Heath a observé dans le système positif une onde caractéristique de grande amplitude au moment des états de plaisir induits par des drogues ou par certains souvenirs. Et, comme les structures cérébrales engagées dans l’autostimulation du rat (J. Olds), du chat (H. A. Wilkinson) et du lapin (A. Bruner) sont homologues entre elles et équivalentes à celles que l’on vient de citer, on se trouve sans doute en présence d’un système intéressant l’ensemble des Mammifères, voire des Vertébrés; E. S. Boyd a notamment observé des comportements d’autostimulation chez le poisson rouge.
Cependant, si le phénomène cérébral est assez individualisé, il n’en va pas de même du phénomène psychologique. Ainsi, chez l’homme, la stimulation étrangère de la région latérale du tegmentum mésencéphalique donne lieu à des sensations de plaisir intense, le sujet insistant pour que la stimulation soit répétée, tandis que celle de la région ventro-médiane du lobe frontal est liée à un sentiment de relaxation, et celle de la région septale à un état d’alerte. De même, l’autostimulation du septum a une composante érotique, alors que celle du tegmentum n’en a pas, et que celle du centre médian du thalamus est liée à l’impression que le sujet va évoquer un souvenir oublié. Les sensations induites par stimulation étrangère ne sont donc pas exactement les mêmes que celles qui le sont par autostimulation.
L’interprétation
Tel est le matériel à interpréter, ce qui présente des difficultés considérables. En effet, philosophes et psychologues s’accordent à dire que le plaisir comme état de conscience est indéfinissable, que c’est un affect, notion déjà obscure, et un affect premier, c’est-à-dire irréductible. D’où le recours à des définitions causales chez ceux qui ne s’embarrassent pas de théorie, ou à des définitions opérationnelles remplaçant le plaisir par un équivalent contrôlable, par exemple les comportements positifs ou les comportements d’approche, chez les behavioristes, soucieux de rigueur. Mais y a-t-il causalité ou pertinence, si l’on ne sait ni ce qu’on provoque, ni ce qu’on remplace? En particulier, quel sens prend, dans une systématique opérationnelle, l’affirmation que le « plaisir » est un facteur renforçant essentiel? Ces flottements de méthode sont particulièrement sensibles quand certains invoquent chez l’animal un « correspondant » du plaisir vécu chez l’homme. Et, à propos de ce dernier, y a-t-il moyen d’introduire dans une théorie un affect tantôt relaxant, tantôt stimulant, tantôt érotique, tantôt neutre? D’autant qu’on ne peut alléguer, comme l’exigerait le behaviorisme linguistique, un recouvrement exact des réponses verbales des sujets.
D’autre part, même si l’on néglige cette difficulté préjudicielle, le matériel recueilli par les physiologistes s’interprète difficilement dans le cadre de la psychologie traditionnelle. Chez les penseurs grecs, le plaisir était lié pour les uns à la poursuite d’une fin, pour les autres à une réduction de tension ou de douleur, pour d’autres encore à une certaine stimulation soutenue. Ces trois partis se retrouvent plus ou moins dans la psychologie moderne. Beaucoup d’exposés sur la motivation le lient à la poursuite ou à l’obtention d’un « but » (goal ); G. T. Fechner, par contre, l’envisageait dans un contexte homéostatique: « Tout mouvement psychologique qui passe le seuil de la conscience est affecté de plaisir dans la mesure où, au-delà d’une certaine limite, il se rapproche de la stabilité complète »; P. T. Young, de son côté, rompant avec cette hantise de la stabilité, soutient l’hypothèse qu’« un organisme se comporte de façon à maximiser l’excitation [arousal ] positive affective [delight , enjoyment ] ». Non sans contradiction, Freud saute d’un de ces trois points de vue à un autre au cours de sa méditation sur la pulsion de vie et la pulsion de mort. Enfin, et c’est peut-être le principal, dans tous ces cas, le plaisir est traditionnellement interprété au sein d’une vue unitaire du comportement. On le fait accompagner ou stimuler autre chose, qui est considéré comme l’essentiel – l’obtention d’un but, d’un repos, d’une excitation. Même chez les hédonistes cyrénaïques, sortes d’hérétiques qui y voyaient une fin en soi, la vue unitaire demeure, puisqu’ils rêvent d’une sagesse où le plaisir absorberait l’existence entière.
En fait, les expériences des physiologistes correspondent mal à cette lecture. Le plaisir cerné par eux ne s’inscrit pas dans la poursuite de buts, et en particulier il ne se situe pas dans la ligne de la satisfaction des besoins vitaux au sens habituel, puisque tout se passe comme s’il était à lui-même son propre but, au point que l’animal peut s’autostimuler jusqu’à l’épuisement. Il ne s’inscrit pas bien non plus dans une théorie homéostatique, puisque certains des comportements qui l’obtiennent postulent une augmentation de tension. Il ne vérifie pas davantage une théorie de l’excitation maximisée, puisqu’il est compatible avec des sentiments de relaxation. Bref, le plaisir apparaît comme un phénomène original. À telle enseigne qu’on pourrait se demander si le comportement de l’homme et celui de l’animal, au lieu d’être des phénomènes unitaires, ne connaîtraient pas en quelque sorte deux régimes: celui que l’on a décrit d’ordinaire, et qui consiste en poursuite de but, de relaxation, de stimulation, et celui qui se propose le plaisir, jouant peut-être un rôle complémentaire dans une économie d’ensemble. Il serait téméraire de trancher.
On suivra maintenant une autre approche de ces problèmes. À côté du plaisir, état de conscience, la langue, mère de toute psychologie, connaît aussi les plaisirs. Assurément, après ce qui vient d’être dit, on ne gagnera rien à les définir seulement comme des comportements accompagnés de plaisir vécu. Mais peut-être sont-ils abordables et définissables par un autre biais, celui de leur style particulier.
2. Plaisirs et style de comportement
Freud a sans doute introduit cette approche quand, plus ou moins systématiquement, il a décrit certains plaisirs, et surtout ces plaisirs élémentaires qu’il appelle plaisirs d’organe (Organlust ). Un cas exemplaire en est fourni par la succion du pouce.
Ce qui caractérise un comportement de ce genre, c’est d’abord qu’il est suffisant; il ne renvoie, du moins directement, à aucune effectuation extérieure à lui-même. Il est récurrent et insistant, suggérant un schéma d’aller-retour, avec un temps d’annulation. Bien plus, cet aller-retour prend la forme d’un circuit dont le sujet est à la fois le principe et le terme – mouvant et mû, sentant et senti. Et, entre ces termes, chacun étant actif et passif, existe une union physique étroite: celle du tenon et de la mortaise. Cette distance spatiale jointe à cette distance temporelle propose assez de différence pour qu’il y ait désir, assez de proximité pour que ce désir soit satisfait, satisfaction impliquant désir, désir impliquant satisfaction, selon l’ambiguïté du Lust allemand.
Mais le rapport tenon-mortaise n’est pas seulement une union physique; c’est aussi la médiation minimale qui se puisse imaginer et représenter , la matrice de toute « copule » imaginaire et sémiologique, donc le foyer de l’imaginaire et du sémiologique. Il est ainsi loisible au circuit envisagé d’être l’exercice de la continuité entre le corps, l’environnement, l’imaginaire et le sémiologique en général. Et, comme ces quatre ordres sont hétérogènes, pareil ajustement ne peut avoir lieu que par le rythme. Assurément, tous les plaisirs ne coadaptent pas à ce point le mouvant et le mû, le sentant et le senti; et ils ne se tiennent pas tous aussi près de la matrice de l’imaginaire et du sémiologique. Mais ils s’arrangent pour participer tous plus ou moins de cette rythmisation et de cette circulation dont la succion du pouce, préfiguration de la conjonction sexuelle, est un exemple si pur et si archaïque (souvent prénatal) que l’on devrait parler d’un stade du pouce comme Jacques Lacan a parlé d’un stade du miroir. Et si la conjonction sexuelle est le plaisir par excellence, et en même temps l’au-delà des plaisirs, c’est que le circuit des quatre ordres s’y accomplit non seulement au niveau de la pulsion de vie, mais aussi de la pulsion de mort.
On voit quelle serait la fonction des plaisirs ainsi conçus dans l’économie du psychisme. L’être humain est constitutionnellement à distance de soi, discontinu, n’arrivant à délimiter son environnement et son corps même qu’à partir de l’imaginaire et du sémiologique. Alors, de même que toute la vie de relation est l’exercice de la distance médiatrice dans le travail et la culture, le plaisir serait au contraire l’exercice de l’ajustement rythmique, sauvant l’immédiation ou la continuité de ces plans inconciliables. Plaisir et travail seraient les deux moments extrêmes de l’existence de l’organisme humain, le jeu fournissant un troisième terme, intermédiaire.
La norme des plaisirs s’inscrirait dans la même perspective, la fonction du plaisir se réalisant quand le travail est tel qu’il empêche les plaisirs de s’empâter dans leur récurrence, et que les plaisirs sont tels qu’ils gardent le travail de provoquer la dislocation du sujet. D’autre part, les plaisirs « normaux » seraient ceux dont le circuit rythmique est assez complet pour réaliser l’ajustement des quatre ordres envisagés, tandis que dans les plaisirs pathologiques le circuit, par régression ou par perversion, passerait en deçà d’un des termes à synchroniser.
Et cela permet de dessiner une ontogenèse des plaisirs. L’enfant ayant à se situer à partir de l’imaginaire et du symbolique dans un corps non encore identifié par ces deux instances, et éprouvant le premier choc de cet écartèlement, cultive des plaisirs intenses, quasi permanents, et prenant la forme de plaisirs d’organe. En revanche, le circuit des quatre ordres une fois mis en place, les plaisirs adultes peuvent devenir « intellectuels ». Ceux de la rêverie à la Bachelard résorbent le corps et l’environnement dans l’imaginaire; ceux de la création mathématique ou musicale, dans le sémiologique. Ainsi se créent toutes sortes de combinaisons entre les plaisirs et le travail et l’on comprend qu’étant donné ses incoordinations, le vieillard soit souvent contraint de retourner aux plaisirs d’organe.
Enfin, on envisagerait une phylogenèse des plaisirs en observant que les comportements suffisants, récurrents, insistants et rythmiques, coadaptant le mouvant et le mû, le sentant et le senti, s’annoncent chez l’animal, par exemple, dans le lèchement des lèvres vulvaires chez certains mammifères pendant leur gestation. Mais, l’animal n’ayant pas à franchir la distance du sémiologique, les plaisirs lui sont moins nécessaires qu’à l’être humain et tiennent beaucoup moins de place dans son existence.
On le voit, l’approche des plaisirs par le style de comportement ne contredit pas ce qu’avait pu suggérer l’approche physiologique du plaisir comme état de conscience. En particulier, l’importance décisive qu’y occupe le rythme s’harmonise bien avec les expériences d’Olds sur l’animal et de Heath sur l’homme. D’autre part, ici comme là, on n’a pas à choisir entre la poursuite d’un but, la relaxation de la douleur ou l’excitation, l’essentiel étant, dans les trois cas, la rythmisation obtenue. Mais, outre ces parallélismes, l’approche par le style de comportement offre un avantage méthodologique: elle ne se fonde pas sur un affect indéfinissable et se prête à des investigations objectives de la part du psychologue expérimental, du phénoménologue et du psychanalyste.
3. Plaisir et civilisation
On pourrait parler d’un paradoxe du plaisir en Occident. Le fait que, par son activisme et son abstraction, l’homme occidental a le plus accentué la distance entre le corps et l’environnement, d’une part, l’imaginaire et le sémiologique, de l’autre, lui rend plus indispensable qu’à quiconque les plaisirs entendus comme des ajustements rythmiques des quatre ordres. Mais la même abstraction l’a amené à considérer le plaisir comme un état de conscience; et l’activisme (allant jusqu’à définir Dieu comme acte pur) devait l’induire à considérer ce plaisir-conscience comme un simple concomitant ou excitant de l’action. D’où la frustration attachée au(x) plaisir(s). D’où aussi la bonne conscience du « plaisir esthétique ». Ou bien encore la fuite aux extrêmes, tirant les plaisirs vers le simple pétillement verbal (Contes de La Fontaine) ou au contraire vers le « cochonner » dont parle Céline, après Horace.
Beaucoup d’autres peuples ne conçoivent même pas le plaisir-affect, abstrait et solitaire, et ne connaissent guère que les plaisirs comme comportements rythmiques et suffisants: ainsi dans le « joyeux », collectif et exubérant, de certaines langues africaines; dans la systématique temporelle des jouissances proposée par la poésie arabe préislamique; dans le système des quatre khoai vietnamiens: dormir, manger, déféquer, faire l’amour, parallèles à nos stades prénatal, oral, anal, génital. L’articulation entre plaisirs et travail peut prendre alors la forme de deux moments de la vie. L’Arabe vit « le paradis sous les pas des mères » avant que le monde paternel le fasse passer des plaisirs au bonheur, dans le lointain du mirage.
À suivre l’interprétation de Marcuse, la révolution culturelle initiée dans les années 1960 tiendrait en partie dans la tentative de fondre la pratique occidentale du plaisir et celle des autres peuples. Un des indices en serait l’intérêt pour la théorie du jeu, cet intermédiaire entre plaisirs et travail. La rythmisation de la vie quotidienne répondrait à deux thèmes culturels nouveaux: négativement, au sentiment de l’arbitraire du signe, accentuant encore la distanciation sémiologique; positivement, au sentiment écologique, ouvrant de nouvelles voies au rythme généralisé.
1. plaisir [ plezir ] n. m.
• 1080; anc. inf. du v. plaire; du lat. placere
I ♦ Vx (sauf dans des expr.) Ce qu'il plaît à qqn de faire, d'ordonner; ce qu'il juge bon, ce qu'il veut. Si c'est votre plaisir, si c'est votre bon plaisir. Car tel est notre (bon) plaisir, formule des anciens édits, qui marquait la volonté du roi. « il y avait le droit écrit, et par-dessus tout il y avait le bon plaisir, la raison du plus fort » (Zola). — À son plaisir : comme il lui plaît.
♢ (v. 1190) Mod. À PLAISIR : comme il plaît, autant qu'on veut. Les désordres « ont été grossis à plaisir, complaisamment exagérés » (Michelet). « Et c'est un vieux mensonge à plaisir inventé » (Musset). — (1615) À plaisir : en obéissant à un caprice, sans justification raisonnable, comme si on y prenait plaisir (cf. Sans raison, pour rien). « Vous confondez à plaisir cause et effet » (A. Gide).
II ♦ Mod. et cour. État affectif fondamental (affect), un des deux pôles de la vie affective; sensation ou émotion agréable, liée à la satisfaction d'une tendance, d'un besoin, à l'exercice harmonieux des activités vitales.
1 ♦ LE PLAISIR. Le plaisir et la douleur. États empreints de plaisir. ⇒ bien-être, contentement, délectation, euphorie, satisfaction. Le plaisir et le bonheur, et la joie. Le plaisir physique, des sens; le plaisir des yeux; le plaisir esthétique, intellectuel, moral. « Le plaisir est l'objet, le devoir et le but De tous les êtres raisonnables » (Voltaire ). La recherche du plaisir. ⇒ désir; libido. Morales du plaisir : épicurisme, hédonisme. — Éprouver, avoir du plaisir. ⇒fam. s'éclater, 2. planer. Faire durer le plaisir : prolonger qqch.; iron. d'une chose déplaisante ou douloureuse. ⇒ savourer. Causer, donner du plaisir : charmer, plaire, ravir, réjouir. Rougir de plaisir. Cela me fait un grand plaisir, ne me fait aucun plaisir. Personne, objet qui fait plaisir à voir. — Je vous souhaite bien du plaisir, formule de politesse ironique.
♢ FAIRE PLAISIR (À QQN) : être agréable (à qqn), en rendant service, etc. Je ne demande pas mieux que de vous faire plaisir. Il, elle ne cherche qu'à faire plaisir. ⇒ obliger. Vous me ferez plaisir de : vous m'obligerez en... Voulez-vous me faire le plaisir de dîner avec moi ? (Par menace) « Tais-toi donc ! murmura-t-il. Hein ? fais-moi le plaisir de te taire ! » (Zola).
♢ Le plaisir de qqn, le plaisir qu'il éprouve. Chacun prend son plaisir où il le trouve. Cela nous a gâté, gâché notre plaisir. Bouder son plaisir. Loc. fam. C'est le plaisir des dieux, un plaisir raffiné.
2 ♦ (1658) Spécialt et absolt Le plaisir : le plaisir des sens, de la chair (dans l'acte sexuel). ⇒ jouissance, volupté. Paroxysme du plaisir. ⇒ orgasme. Prendre du, son plaisir. Avoir du plaisir. ⇒ jouir (cf. S'envoyer en l'air, prendre son pied). Donner, recevoir du plaisir. — Plaisir solitaire. — Marchande de plaisir.
3 ♦ Un, des plaisirs. Émotion, sentiment agréable (état de conscience défini, correspondant à des circonstances particulières). Éprouver, goûter un plaisir, des plaisirs. Plaisirs innocents; plaisirs défendus. Les plaisirs des sens, de l'esprit. « il n'y a point de plaisir qui ne perde à être connu » (Marivaux). Les plaisirs de l'alpinisme. Un de mes plaisirs favoris est de faire la grasse matinée. Jouir d'un plaisir. — Procurer un petit plaisir à un enfant.
4 ♦ (La cause, la source du plaisir étant désignée) Le plaisir de : le plaisir causé par (une chose, un objet, ou une espèce d'objets). « Plaisir d'amour ne dure qu'un moment » (Florian). Le plaisir du devoir accompli. — Le plaisir d'avoir, de commander. « Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre » (Talleyrand).
5 ♦ Loc. Avoir du plaisir, beaucoup de plaisir à (et l'inf.) :être charmé, ravi de. Prendre (du, beaucoup de) plaisir à une chose, à faire qqch. « Si Peau-d'Âne m'était conté, J'y prendrais un plaisir extrême » (La Fontaine). Éprouver, trouver du plaisir à (et inf.).— (Au sens affaibli d'agrément) J'espère que nous aurons bientôt le plaisir de vous voir. ⇒ avantage. M. et Mme X ont le plaisir de vous faire part de...
♢ Loc. prov. Où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir.
♢ C'est, ce sera un plaisir de les voir, que de les voir. Sa propriété « où il se ferait un plaisir de me recevoir et de mettre à ma disposition ses papiers, sa bibliothèque » (A. Gide). ⇒ se complaire, se plaire. Se faire, prendre un malin plaisir à... Au plaisir de vous revoir, formule aimable d'adieu. Ellipt Pop. Au plaisir !
♢ POUR LE PLAISIR; POUR SON PLAISIR; PAR PLAISIR : sans autre raison que le plaisir qu'on y trouve. Il ment pour le plaisir, par plaisir. « ne faisant plus la médecine que pour son plaisir personnel, qui, d'ailleurs, était grand » (Barbey).
♢ À PLAISIR : extrêmement. Il complique les choses à plaisir.
♢ AVEC... PLAISIR : en y trouvant du plaisir. Accepter, accorder, donner avec plaisir, de bon cœur, bien volontiers. Avec plaisir, formule aimable pour acquiescer à une demande. Pouvez-vous nous accompagner ? — Avec grand plaisir.
♢ SANS PLAISIR. « Le soir, sur les planches, elle vend sa salade, sans défaillance comme sans plaisir » (Colette).
III ♦ Par ext. (surtout au plur.)
1 ♦ (v. 1360) Ce qui peut donner à qqn une émotion ou une sensation agréable; objet ou action qui en est la source ou l'occasion. ⇒ agrément, amusement, délice, distraction, divertissement, réjouissance. « Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs » (Boileau). Courir après les plaisirs. Les plaisirs de la vie. Les plaisirs de la table. Le tourbillon des plaisirs. — (1669) Anciennt Les Menus Plaisirs : les divertissements royaux (fêtes, spectacles, cérémonies de la cour). — Mod. Réserver une part de son budget pour ses menus plaisirs, pour les amusements, les distractions diverses. — Un plaisir coûteux.
2 ♦ Spécialt Les plaisirs sensuels, les distractions et les amusements qui en procurent. Mener une vie de plaisirs.
♢ (Sing. collect.) Homme de plaisir, qui se livre aux plaisirs. « lieux de plaisir, cabarets artistiques, restaurants de nuit où l'on compose de la joie avec du champagne » (F. Mauriac). Partie de plaisir.
⊗ CONTR. Affliction, 2. chagrin, déplaisir, douleur, peine, tristesse; désagrément, ennui.
plaisir 2. plaisir [ plezir ] n. m.
• 1829; de 1. plaisir
♦ Vx Oublie. Voilà le plaisir ! cri des marchands d'oublies.
● plaisir nom masculin (ancien français plaisir, plaire, du latin placere, plaire) État de contentement que crée chez quelqu'un la satisfaction d'une tendance, d'un besoin, d'un désir : Cette musique lui procure un immense plaisir. Éprouver du plaisir à lire. Ce qui plaît, divertit, procure à quelqu'un ce sentiment agréable de contentement : Le plaisir de la table. S'emploie dans des formules de politesse pour exprimer un quelconque consentement, agrément : Quel plaisir de voyager avec vous ! Jouissance sexuelle, volupté : Donner du plaisir à son partenaire. Oublie roulée en cornet. ● plaisir (citations) nom masculin (ancien français plaisir, plaire, du latin placere, plaire) Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 Je ne sais pas quelle conjuration de cagots et de vieilles filles a pu réussir, en deux siècles, à discréditer le mot plaisir. La Répétition ou l'Amour puni, II, le comte La Table Ronde Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 Il ne se rencontre pas plus dans la vie de l'homme deux moments de plaisir semblables, qu'il n'y a deux feuilles exactement pareilles sur un même arbre. Physiologie du mariage Pierre Augustin Caron de Beaumarchais Paris 1732-Paris 1799 L'amour n'est que le roman du cœur : c'est le plaisir qui en est l'histoire. Le Mariage de Figaro, V, 7 Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs. L'Art poétique Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 Nos vrais plaisirs consistent dans le libre usage de nous-mêmes. Histoire naturelle, De l'homme Malcolm de Chazal Vacoas 1902-Port-Louis 1981 L'homme est, de tous les êtres vivants, le seul à courir deux plaisirs à la fois. Sens plastique Gallimard Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 À force de plaisirs notre bonheur s'abîme. Vocabulaire La Sirène Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 Ces plaisirs qu'on nomme, à la légère, physiques. Ces plaisirs Ferenczi Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 Le vice, c'est le mal qu'on fait sans plaisir. Claudine en ménage Mercure de France Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Que le plaisir se goûte au sortir des supplices ! La Veuve, III, 8, Clarice Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Tout amuse quand on y met de la persévérance : l'homme qui apprendrait par cœur un dictionnaire finirait par y trouver du plaisir. Correspondance, à Mlle Leroyer de Chantepie, 1858 Jean-Pierre Claris de Florian Sauve, Gard, 1755-Sceaux 1794 Académie française, 1788 Plaisir d'amour ne dure qu'un moment Chagrin d'amour dure toute la vie. Romance extraite de Célestine (musique de Jean-Paul Martini) Francis Jammes Tournay, Hautes-Pyrénées, 1868-Hasparren, Pyrénées-Atlantiques, 1938 Je fais ce qui me fait plaisir, et ça m'ennuie de penser pourquoi. Le Deuil des primevères Mercure de France Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 Il entre, dans toute espèce de débauche, beaucoup de froideur d'âme. Elle est un abus réfléchi et volontaire du plaisir. Carnets Pierre Jean Jouve Arras 1887-Paris 1976 Tout amour contient un abîme qui est le Plaisir. La Scène capitale Mercure de France Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 Le plaisir le plus délicat est de faire celui d'autrui. Les Caractères, De la société et de la conversation Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique La ville et la campagne, enfin tout ; il n'est rien Qui ne me soit souverain bien, Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique. Les Amours de Psyché et de Cupidon Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 […] Fi du plaisir Que la crainte peut corrompre. Fables, le Rat de ville et le Rat des champs Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Le plaisir est une prière Et l'aumône une volupté. Harmonies poétiques et religieuses, Pour une quête François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Le plaisir de l'amour est d'aimer, et l'on est plus heureux par la passion que l'on a que par celle que l'on donne. Maximes Henri René Lenormand Paris 1882-Paris 1951 Chacun tire son plaisir de l'instrument dont il joue le mieux. Le Mangeur de rêves Crès Marie François Pierre Gontier de Biran , dit Maine de Biran Bergerac 1766-Paris 1824 Notre âme a plus de capacité pour le plaisir que pour la douleur. Journal, 1793 Nicolas Malebranche Paris 1638-Paris 1715 […] Le plaisir est toujours un bien, et la douleur toujours un mal ; mais il n'est pas toujours avantageux de jouir du plaisir, et il est quelquefois avantageux de souffrir la douleur. De la recherche de la vérité François de Malherbe Caen 1555-Paris 1628 Tout le plaisir des jours est en leurs matinées. Stances Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux Paris 1688-Paris 1763 Il n'y a point de plaisir qui ne perde à être connu. Le Paysan parvenu André Maurois Elbeuf 1885-Neuilly 1967 Académie française, 1938 Les grands événements n'enlèvent pas leur charme aux petits plaisirs. Olympio ou la vie de Victor Hugo Hachette Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 Et ne vois-tu pas que changer sans cesse Nous rend doux et chers les plaisirs passés ? Premières Poésies, Chanson Évariste Désiré de Forges, chevalier puis vicomte de Parny île Bourbon, aujourd'hui la Réunion, 1753-Paris 1814 Académie française, 1803 Va, crois-moi, le plaisir est toujours légitime. Élégies Évariste Désiré de Forges, chevalier puis vicomte de Parny île Bourbon, aujourd'hui la Réunion, 1753-Paris 1814 Académie française, 1803 La variété est la source de tous nos plaisirs, et le plaisir cesse de l'être quand il devient habitude. Lettres, janvier 1775 Georges de Porto-Riche Bordeaux 1849-Paris 1930 Académie française, 1923 C'est du plaisir savant qu'il faut aux sénateurs. L'Infidèle, scène 5, Lazzaro Fayard Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 On est impuissant à trouver du plaisir quand on se contente de le chercher. À la recherche du temps perdu, le Côté de Guermantes Gallimard Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Rien n'est plus limité que le plaisir et le vice. À la recherche du temps perdu, le Temps retrouvé Gallimard Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Chacun trouve son plaisir où il le prend. Journal, 15 juin 1887 Gallimard Antoine Rivaroli, dit le Comte de Rivarol Bagnols-sur-Cèze 1753-Berlin 1801 Il est plus facile à l'imagination de se composer un enfer avec la douleur qu'un paradis avec le plaisir. Discours sur l'homme intellectuel et moral Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Pour ceux qui ont l'austérité trop facile, le devoir peut être dans le plaisir. Carnet d'un biologiste Stock Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné Paris 1626-Grignan 1696 Je comprends qu'il y a quelque sorte de plaisir dans la plainte, plus grand qu'on ne pense. Correspondance, à Mme de Grignan, 14 mai 1686 Lucrèce, en latin Titus Lucretius Carus Rome ? vers 98-55 avant J.-C. De la source même des plaisirs surgit je ne sais quoi d'amer qui jusque dans les fleurs prend à la gorge. … medio de fonte leporum Surgit amari aliquid quod in ipsis floribus angat. De natura rerum , IV, 1133 Palladas d'Alexandrie Ve s. La vie, c'est le plaisir ou rien. […] Jouissons aujourd'hui, nul ne connaît demain. Anthologie palatine V, 72 (traduction R. Brasillach) Anonyme Car tel est notre plaisir. Commentaire Cette formule terminait tous les édits royaux depuis une ordonnance de Louis XI du 31 octobre 1472. Quant au terme « bon plaisir », qui servit sous la Révolution pour caractériser le régime monarchique, il n'apparaît dans les actes qu'à la fin du règne de Louis XVI. Charles Maurice de Talleyrand-Périgord Paris 1754-Paris 1838 Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1780 n'a pas connu le plaisir de vivre. Phrase rapportée par François Guizot dans ses Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps Pedro Calderón de la Barca Madrid 1600-Madrid 1681 Rien ne me paraît juste qui contrarie mon bon plaisir. Nada me parece justo en siendo contra mi gusto. La vida es sueño Ricardo León Barcelone 1877-Madrid 1943 Plaisir non obtenu vaut mieux que plaisir comblé. Más que el placer conseguido vale el placer no logrado. ¡ Silencio ! ● plaisir (expressions) nom masculin (ancien français plaisir, plaire, du latin placere, plaire) À plaisir, selon son imagination, son caprice ; sans raison, sans motif sérieux ; beaucoup, sans retenue. Familier. Au plaisir (de vous revoir), formule lorsqu'on quitte quelqu'un. Avec (grand) plaisir, volontiers. Avoir, prendre (du) plaisir à quelque chose, y trouver de l'agrément, une satisfaction. Car tel est notre plaisir, formule fixée par Louis XI (décret du 31 octobre 1472) et apposée au bas des actes royaux pour affirmer le pouvoir absolu du roi. Faire à quelqu'un le plaisir de, exprime un souhait impératif ou un ordre : Fais-moi le plaisir de ranger ce disque. Faire plaisir à quelqu'un, lui être agréable. Le bon plaisir de quelqu'un, sa fantaisie, son caprice. Se faire un plaisir de, le faire très volontiers. Principe de plaisir, dans la première topique freudienne, principe organisateur du fonctionnement psychique et selon lequel l'individu ne tend qu'à la satisfaction, donc à l'évacuation, des quantités d'excitation qui affluent dans l'appareil psychique. ● plaisir (synonymes) nom masculin (ancien français plaisir, plaire, du latin placere, plaire) État de contentement que crée chez quelqu'un la satisfaction d'une...
Synonymes :
- bonheur
- joie
Contraires :
- chagrin
- déplaisir
- douleur
- ennui
- tourment
Ce qui plaît, divertit, procure à quelqu'un ce sentiment agréable...
Synonymes :
- agrément
Contraires :
- corvée
- désagrément
Jouissance sexuelle, volupté
Synonymes :
- volupté
Contraires :
- chasteté
plaisir
n. m.
aA./a
rI./r
d1./d état affectif lié à la satisfaction d'un désir, d'un besoin, d'une inclination; sensation, sentiment agréable. Le plaisir et la douleur.
— PHILO Morales du plaisir: V. épicurisme, hédonisme.
|| (Lié à l'exercice d'une fonction ou d'une faculté particulière.) Plaisir physique, sexuel; plaisir intellectuel, esthétique.
— Le plaisir de: le plaisir causé par (qqch). Le plaisir des sens. Plaisir d'offrir. Prendre, avoir plaisir à une chose, à faire une chose. Faire plaisir à qqn, lui être agréable.
— Spécial. (Formule d'insistance polie ou menaçante.) Faites-moi le plaisir d'accepter. Faites-moi le plaisir de vous taire.
|| Le plaisir de qqn, celui qu'il éprouve.
|| Un plaisir, des plaisirs: émotion agréable; joie, satisfaction. Accordez-lui ce petit plaisir.
d2./d Spécial. Le plaisir: le plaisir des sens; plus partic., le plaisir sexuel.
d3./d Distraction agréable.
|| Loc. Partie de plaisir. Ce n'est pas une partie de plaisir: ce n'est pas agréable.
|| (Sens affaibli, partic., dans des formules polies.) Se faire un plaisir de: faire (qqch) bien volontiers. J'ai le plaisir de vous annoncer, de vous faire part de...
|| Avec plaisir. "Voulez-vous venir?
— Avec plaisir, avec grand plaisir."
— Loc. adv. Par plaisir, pour le plaisir, pour son plaisir: sans autre raison que l'agrément que l'on en tire.
|| Iron. Je vous (lui, etc.) souhaite bien du plaisir: se dit à qqn (ou de qqn) qui va avoir à faire qqch de difficile ou de peu agréable.
d4./d Interj. (Aoste) Plaisir!: exclamation qui exprime le plaisir que l'on souhaite à la personne en l'honneur de laquelle on boit. Plaisir! à votre santé!
rII./r Par ext. (Souvent au Plur.) Objet ou action qui cause du plaisir.
d1./d Ce qui procure du plaisir; divertissement, distraction.
d2./d Spécial. Plaisirs sensuels. Vie de plaisirs.
aB./a
d1./d Ce qui est la volonté de qqn, ce qu'il lui plaît de faire. Le bon plaisir de qqn, sa volonté arbitraire.
d2./d Loc. adv. à plaisir: sans motif, sans raison valable. Se tourmenter à plaisir.
|| Il a inventé, menti à plaisir, autant qu'il lui a plu.
I.
⇒PLAISIR1, subst. masc.
I. A. —État affectif agréable, durable, que procure la satisfaction d'un besoin, d'un désir ou l'accomplissement d'une activité gratifiante. Elle se laissa prendre et baiser la main sans témoigner ce plaisir intime dont j'étais averti par son frissonnement de sensitive (BALZAC, Lys, 1836, p.188):
• 1. Quand Suzanne retirait les quelques épingles maîtresses, ses beaux cheveux, affranchis, lui coulaient sur les épaules et la jeune femme, à cette caresse fluide, éprouvait un plaisir étrange, voisin de la volupté.
DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.292.
♦Faire durer le plaisir. V. durer I A 2 c.
SYNT. Ressentir un mouvement, une sensation, un sentiment de plaisir; gâcher le plaisir de qqn; goûter un plaisir (+ adj.); priver qqn d'un plaisir, du plaisir de faire qqc.; éprouver un malin plaisir à faire qqc.; plaisir divin, doux, extrême, indicible, infini, innocent, intérieur, pur, rare, sans mélange, vif; plaisir médiocre, mélancolique, triste.
1. En partic.
a) [Plaisir est constr. avec un compl. prép. introd. par de (plus rarement à) ou un adj.]
) [Le compl. ou l'adj. désigne l'événement ou l'activité qui procure du plaisir; constr. avec un compl. nom. ou un inf.] Le plaisir de la chasse; ne pas résister au plaisir de faire qqc. Il (...) ouvrit une large bouche, et l'oeil à demi fermé, l'oreille tendue, vous auriez dit qu'il savourait par tous les sens le plaisir de la vengeance (JANIN, Âne mort, 1829, p.91).
) [Le compl. ou l'adj. désigne un type de plaisir ou le siège d'une sensation agréable procurant l'état de plaisir]
— [Constr. avec un compl. nom.] Le plaisir du corps, des sens. Je vois des gens qui paraissent boire uniquement pour le plaisir de la bouche, pour le goût (SENANCOUR, Obermann, t.2, 1840, p.101). Les images et les mouvements employés ne seront pas là seulement pour le plaisir extérieur des yeux ou de l'oreille, mais pour celui plus secret et plus profitable de l'esprit (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.149).
♦[Le compl. nom. n'est pas précédé de l'art.] Le plaisir d'amour. Je goûte un plaisir d'amertume et aussi un plaisir de noblesse, car d'une autre manière il n'y a pas tant de canailles, il y a de l'humanité chez tous (BARRÈS, Cahiers, t.5, 1907, p.135). Un plaisir qui n'est pas du tout (...) un plaisir d'amitié, mais un plaisir intellectuel et désintéressé, une sorte de plaisir d'art (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.414).
— [Constr. avec un adj.] Plaisir charnel, intellectuel, physique, sensuel, sexuel; plaisir musical. Procurer au spectateur une sorte de plaisir à la fois esthétique et mathématique s'adressant à l'oeil et à l'esprit (Arts et litt., 1935, p.76-15). V. amour ex. 172.
b) Loc. adv., adj., prép.
) [Combiné avec à]
— À mon/ton... plaisir (vieilli). Comme il plaît et/ou autant qu'il plaît à quelqu'un. Synon. à mon/ton... gré, à ma/ta... guise. L'Anglais vainqueur consentait à épargner les habitants, moyennant qu'on lui livrât les plus considérables de la bourgeoisie pour en faire à son plaisir (PROUDHON, Propriété, 1840, p.162). Périnet, Poiresson, Henri de Vouthon lui firent bon visage et la retinrent chez eux où elle but et mangea à son plaisir (A. FRANCE, J. d'Arc, t.2, 1908, p.453).
♦À plaisir
Vx. En y apportant beaucoup de soin de manière à faire plaisir. Cela est travaillé à plaisir (Ac. 1798-1935). Et [le fleuve], superbe, à plaisir prodiguant les détours, S'avance vers la ville aux immenses faubourgs (SAMAIN, Chariot, 1900, p.228). Empl. p.iron. Synon. extrêmement. [Un] joli garçon (...) ne déparant point trop le salon d'une femme à la mode; du reste, ignorant à plaisir, et sachant à peine écrire (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.13).
En ne se réglant que sur son caprice, sans justification raisonnable. Synon. par caprice, sans raison. On a reproché à M. Sully-Prudhomme d'avoir accumulé les difficultés comme à plaisir. Non à plaisir, mais à dessein, et le reproche tombe puisqu'il les a vaincues (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.74). [Modifiant un verbe désignant une activité, un état pénible] Se tourmenter, s'inquiéter à plaisir. Quant à Julie, je te permets de la plaindre, car elle s'entête dans une idée folle... Elle fait son malheur à plaisir (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.227).
Rare, vieilli. Avec plaisir. Nous avons affaire en sa personne [Joinville] à un homme qui parle sincèrement de lui-même, et c'est pour cela que nous l'écoutons si à plaisir et que nous l'aimons (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t.8, 1853, p.522).
— (Être) tout au plaisir de. Il ne pensait quasi à rien, tout au plaisir de sa promenade (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.186).
) [Combiné avec avec] Avec bien du plaisir, beaucoup de plaisir, grand plaisir. Julien (...) entendait discuter auprès de lui la question de savoir si ce retard était de bon ou de mauvais augure. Il vit avec plaisir que tous les voeux étaient pour lui (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.483). J'ai relu avec plaisir ses jolis poèmes, frais, acidulés, avec beaucoup de réminiscences, d'influences, mais voulues et choisies (LARBAUD, Journal, 1934, p.287).
) De plaisir. [Constr. avec un verbe ou un adj. décrivant un état ou un comportement] Les yeux du capitaine Benoît pétillaient de plaisir en contemplant avec amour le portrait de ce qu'il appelait son épouse (SUE, Atar-Gull, 1831, p.2). Elle était infiniment belle, lumineuse de plaisir quand elle riait (HAMP, Marée, 1908, p.73).
— Du plaisir de + inf., subst., loc. prép., rare. Te voilà bien rétablie, mon adorable Joséphine; je brûle du plaisir de te voir (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1796, p.52). Elle s'assit sur le talus, toute frémissante encore du plaisir de la découverte (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p.76).
SYNT. Frissonner, rayonner, rougir, trembler de plaisir; être ivre, rouge de plaisir, (avoir) les yeux brillants, humides de plaisir.
) Par plaisir. Sur son ami Christodule nous prouva qu'il ne faisait pas le mal par plaisir. C'est un homme sobre et qui ne s'enivre de rien. Pas même de sang (ABOUT, Roi mont., 1857, p.30). Tout en marchant, par plaisir il imita le sillement du jars (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.81).
) [Combiné avec pour]
— Pour + poss. + plaisir. Ces voyages-là m'ayant beaucoup ennuyé, quand je n'ai plus eu d'affaires, j'ai voulu voyager pour mon plaisir (SENANCOUR, Obermann, t.2, 1840, p.142). [Il] n'a jamais écrit que pour son plaisir, rebutant toute idée et tout projet qui ne s'est pas présenté à lui comme un plaisir assez vif, pour avoir le caractère ou plutôt les caractères d'une haute entreprise amoureuse (LARBAUD, Journal, 1935, p.350).
— Pour le plaisir. Je ne puis croire que vous vous amusiez à m'intriguer, pour rien... pour le plaisir. Après tout, il s'agit d'une affaire sérieuse, que diable! (BERNANOS, Crime, 1935, p.791).
Pour le plaisir de + inf., loc. prop. Peu à peu Marius lui-même prit goût à cette amourette, commencée par bravade et continuée pour le plaisir de vexer Madame Grandfief (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.192). Dans les corporations ouvrières (...) on s'associait avant tout pour le plaisir de vivre ensemble (DURKHEIM, Divis. trav., 1902, p.XIV).
) [Combiné avec sans] Je suis en train de lire du de Maistre —non sans plaisir. Lire ça et Stendhal si opposé, c'est excitant (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1897, p.287).
c) Loc. verb.
) [Combiné avec avoir] Avoir du plaisir (vieilli), un plaisir + (groupe déterm.), (expr. quantifiante) + plaisir, avoir plaisir à faire qqc., avoir le plaisir de faire qqc. Je fais souvent du bien pour avoir du plaisir (FLORIAN, Fables, 1792, p.134). «(...) Que j'ai de plaisir auprès de vous!» ajoutait-elle quelquefois. «Quel bonheur m'a procuré notre liaison!...» (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.164):
• 2. Je lis (...) les Premiers poèmes de Régnier (...). Il y a des choses qu'on a plaisir à se lire à voix basse. Des vers admirables. Le rythme est un peu indécis encore. Mais que je l'aime, cet homme! Avec tous ses défauts insupportables et délicieux.
RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.295.
) [Combiné avec donner] Donner un plaisir + (groupe déterm.), (expr. quantifiante) + plaisir, donner du plaisir à qqn à faire qqc., (se) donner le plaisir de qqc., de faire qqc. [La chasse] le seul délassement sans mollesse, le seul qui donne un plaisir vif sans langueur, sans mélange et sans satiété (JOUY, Hermite, t.4, 1813, p.185). Elles résolurent de dîner ensemble, et se donnèrent le plaisir d'un repas tout à fait conforme aux saines doctrines (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.118):
• 3. ... pour me donner du plaisir à plonger, ce que je détestais parce que cela me coupait la respiration, elle remettait en cachette à mon guide baigneur de merveilleuses boîtes en coquillages et des branches de corail que je croyais trouver moi-même au fond des eaux.
PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.500.
) [Combiné avec être] C'est plaisir, un plaisir (pour qqn) (que) de faire qqc., le (seul, grand) plaisir de qqn est de faire qqc. Quel visionnaire aimé de Dieu que mon grand et pauvre Henry de Groux! C'est plaisir de le voir jouir de son succès, lequel est évident et considérable (BLOY, Journal, 1892, p.27). Le seul plaisir de Jean Péloueyre était de penser que la main de Noémi à ce papier s'appuya, —que l'ongle de son petit doigt avait creusé cette ligne sous chaque mot (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p.183). Ce nous était un plaisir toujours excitant que de partir, comme pour une expédition, pour le boulevard Maillot (BLANCHE, Modèles, 1928, p.43).
♦C'est un plaisir à + inf., p.ell. c'est un plaisir, un vrai plaisir. [Empl. fam. comme formule d'appréciation positive] Oh! Si monsieur et madame voyaient mademoiselle!... Elle dort, oh! elle dort, ainsi qu'un Jésus... On n'a pas idée de ça, c'est un plaisir à regarder (ZOLA, Germinal, 1885, p.1196). Regardant les autres élèves, elle conclut: —À la bonne heure!... Voilà ce qui s'appelle des leçons sues... C'est un plaisir! (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.128).
) [Combiné avec faire]
— Faire plaisir
♦[Le suj. désigne une pers.] Faire plaisir à qqn. Il y a vraiment chez la princesse une grande préoccupation de faire plaisir aux gens. Elle aime les petites surprises, les petits cadeaux (GONCOURT, Journal, 1865, p.203). Fais dodo, mon chéri... Fais dodo, pour me faire plaisir (ZOLA, Débâcle, 1892, p.532).
♦[Le suj. désigne une chose] Faire plaisir (à qqn), un plaisir + (groupe déterm.), bien, grand plaisir à qqn, le plaisir de qqn; ça fait plaisir (à qqn) de faire qqc. La vallée de Campan vous fera plaisir; le Tourmalet vous désolera (DUSAULX, Voy. Barège, t.1, 1796, p.264). Tes lettres font le plaisir de mes journées et mes journées heureuses ne sont pas fréquentes (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1796, p.28). Comme disait Chouteau, ça faisait plaisir, de ne plus obéir à personne, de flâner à sa fantaisie (ZOLA, Débâcle, 1892, p.442).
[P. méton. du compl. introd. par à] Honoré ne se dissimulait pas qu'il n'y avait rien dans le corsage de sa femme qui fît plaisir à la main (AYMÉ, Jument, 1933, p.65).
Qqc. fait plaisir (à qqn) à + inf. Faire plaisir à voir, à entendre. Allons, ne faites donc pas l'indifférent, et avouez que la chose vous a fait plaisir à recevoir (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.568). Ce tournoi est élégant et fait plaisir à suivre jusqu'au bout (AMIEL, Journal, 1866, p.183).
♦À faire plaisir, loc. adv., rare. J'espère que ce sera joli (...) sans compter que Mlle Tiennette et moi nous jouerons des castagnettes à faire plaisir (GUILBERT DE PIXÉR., Coelina, 1801, II, 2, p.27).
P. iron. Synon. à plaisir. Il est bête à faire plaisir, ton officier; que peux-tu faire de cela? (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, I, 5, p.113).
— Se faire plaisir; se faire un plaisir + (groupe déterm.), le plaisir de faire qqc.; se faire plaisir, un plaisir de qqc. Une amère douceur de vengeance, un sentiment âcre et douloureux, dont il se faisait un plaisir (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.252). Fanny, je te jure que jamais un homme n'a fait une action aussi égoïste que moi en ce moment. Je me fais plaisir, voilà la vérité (PAGNOL, Fanny, 1932, II, 6, p.138). Il se demandait à quoi il pourrait bien penser pour se faire un petit plaisir (SARTRE, Être et Néant, 1943, p.226).
♦Se faire un plaisir de faire qqc. M. Birton et son épouse se firent un plaisir de présenter Suzette aux autels (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p.216). Elle avait bon coeur, et le vieux David se faisait un plaisir de la proclamer le modèle accompli de son sexe (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.66).
) [Combiné avec prendre] Prendre du plaisir, son plaisir, un plaisir + (groupe déterm.), (expr. quantifiante) + plaisir, dans qqc., à qqc., à faire qqc. Je prenais du plaisir dans cette ascension, et je me sentais toujours plus actif, plus animé (...) j'étais heureux (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.192). Je me liai vite avec tous les trois, et je prenais un plaisir particulier à la compagnie de Fabrizio (GRACQ, Syrtes, 1951, p.27):
• 4. Il faisait aussi bien de prendre son plaisir par avance, car ensuite il dut déchanter: au terme de cette fouille géante, pas la moindre victuaille suspecte, pas le moindre objet prohibé, rien qui pût établir que nous eussions jamais entretenu la plus petite relation avec l'extérieur.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.329.
♦Loc. Prendre son plaisir où on le trouve. Tirer parti, tirer du plaisir de toutes les circonstances même fâcheuses. Je consens pourtant que mon argile serve de gabion à ma patrie. Peu de ministres, et peu de ministres triomphants, se sont occupés de leur tombeau: chacun prend son plaisir où il le trouve (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.211).
) [Combiné avec trouver] Trouver plaisir, du plaisir, son plaisir, un plaisir + (groupe déterm.), (expr. quantifiante) + plaisir dans qqc., à faire qqc.; trouver le plaisir de faire qqc. quelque part. Elle trouvait un plaisir extrême à se promener à ses côtés (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.350). Celui qui, par sentiment du devoir ou pour demeurer fidèle à un idéal, donne sa vie, c'est qu'il trouve plaisir dans son dévouement même et se satisfait dans son sacrifice (GIDE, Journal, 1943, p.200). V. dégoût ex. 7.
♦Se trouver du plaisir à faire qqc. Il n'y a, parmi les maisons où je vais, que sa maison où je me trouve du plaisir à aller (GONCOURT, Journal, 1894, p.518).
) [Combiné avec il y a] Il y a plaisir, du plaisir, (expr. quantifiante) + plaisir à faire qqc. Il y a plaisir à voir les géomètres bailler, tousser, cracher, ricaner, lorsqu'on y lit [à l'Académie Royale des Sciences] un mémoire de chimie (MARAT, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p.287). Que ses bras sont musculeux, et qu'il y a du plaisir à le regarder bêcher la terre avec tant de facilité (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p.153). Il y a tant de plaisir à décrire tout cela qu'on cesse de souffrir en le décrivant (MASSIS, Jugements, 1923, p.17).
♦Proverbe. Où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir. V. gêne B 2.
2. [Dans le lang. de la politesse]
a) Locutions
— Au plaisir de te, vous... voir, revoir, p.ell. au plaisir. [Formule pour prendre congé] Mais restez bien tranquille où vous êtes: je ne vous abandonnerai jamais. Au plaisir de vous voir (Procès conspir. 1er Consul, t.1, 1801, p.12):
• 5. —C'est que, voyez-vous, monsieur le curé, dit Cloquet (...) nous n'avons jamais eu à nous plaindre de vous (...). C'est mon habitude de ne point être en retard avec ceux qui sont de nos amis. —Je n'en suis pas assez, de vos amis, Gilbert Cloquet, mais la pensée est bonne quand même. Merci! —Au plaisir, monsieur le curé. —Ramenez la petite pour les vêpres, bien exactement, à deux heures et demie.
R. BAZIN, Blé, 1907, p.73.
Rem. Cette formule est considérée, de nos jours, comme ,,petite-bourgeoise ou populaire, en tout cas peu distinguée`` (REY-CHANTR. Expr. 1979).
— Je te, vous... souhaite (bien) du plaisir, p.ell. bien du plaisir. [Formule pour prendre congé, empl. de nos jours p.iron. à l'adresse de qqn qui peut s'attendre à passer de mauvais moments] Frédéric, n'y tenant plus, prit son chapeau. —«Allons, ma chère, bien du plaisir là-bas; au revoir!» (FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.75):
• 6. Je sanglai ma boîte sur mes épaules et je partis. —Bien du plaisir! me cria le roi. —Adieu, Sire! —Non pas, s'il vous plaît; au revoir!» J'entraînai mes compagnons dans la direction d'Athènes...
ABOUT, Roi mont., 1857, p.203.
— Avec plaisir. [Formule d'acceptation déférente] Monsieur Stephen, je voudrais causer avec vous. Voulez-vous, dans trois jours, venir déjeuner avec moi? —Avec plaisir (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.182). Conduisez-moi jusque chez le docteur Bellamy, voulez-vous? —Avec plaisir (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.165).
♦P. ext. Synon. volontiers. Si j'avais pu, ça aurait été avec plaisir. Mais qu'est-ce que vous voulez, je n'ai pas le droit. C'est le secret professionnel (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 2e tabl., 2, p.72).
— Tout le plaisir est, a été... pour moi, nous... [Formule avec laquelle on répond à la déclaration de plaisir d'une autre pers., gén. lors des présentations ou en réponse à des remerciements] Enfin la fête est réussie c'est le principal enchanté d'avoir fait votre connaissance mais non je vous assure tout le plaisir est pour moi j'espère que nous allons nous voir souvent mais bien sûr à très bientôt cher ami (J. PRÉVERT, Histoires, 1977, p.173 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
Rem. Cette formule est considérée comme peu distinguée.
— Avoir le plaisir de faire qqc. [Empl. pour présenter un acte accompli par le locuteur comme obligeant le locuteur] Rabagas, montrant la carte: C'est bien à Camille Desmoulins que j'ai le plaisir... Desmoulins: À lui-même! (stupeur) (SARDOU, Rabagas, 1872, II, 9, p.72). Mon cher Alain, prononça-t-il, avec peut-être une toute petite pointe d'ironie à l'adresse du nouveau venu, j'ai le plaisir de te présenter le commissaire Maigret, que tu avais tant envie de connaître (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.114).
— [Plaisir est combiné avec faire]
♦Faire à qqn un plaisir, le plaisir de faire qqc. [Empl. pour présenter un acte demandé à l'interlocuteur ou accompli par l'interlocuteur comme obligeant le locuteur] «Monsieur: j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien, si cela ne vous dérange pas trop, prendre la peine de passer chez moi (...). J'espère que vous voudrez bien me faire ce plaisir (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.166). Enfin, vous voilà, c'est l'essentiel, dit Jacques. Vous arrivez à point pour nous faire le plaisir de prendre du thé avec nous (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.150).
[Empl. pour renforcer une demande, un ordre] Monsieur le vicomte de Cambolh, dit Baccarat d'un ton bref, voulez-vous nous faire le plaisir de quitter cet accent méridional qui nuit à la rapidité de votre langage? (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.465). En voilà assez, hein?... Si ça ne te convient pas, tu vas me faire le plaisir de sortir... Je ne veux pas que tu cries chez moi (ZOLA, Nana, 1880, p.1448).
♦Quand il vous fera plaisir (vx); s'il vous fait plaisir (vx). Synon. quand vous voudrez, si vous le voulez (bien). Le maître des cérémonies (...) articula, en saluant, les mots d'usage: —«Messieurs, quand il vous fera plaisir.» On partit (FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.228).
♦Se faire un plaisir de faire qqc. Faire volontiers, trouver une satisfaction personnelle à faire quelque chose. Mes chers camarades, si nos heures ne vous conviennent pas, vous voudrez bien nous donner les vôtres: nous nous ferons un plaisir et un devoir de nous y conformer (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.57).
c) Vieilli. Grâce, faveur. Bianca, dis-je, tout embarrassé, je vous demanderais un plaisir... —Je ne savais pas encore ce que je lui demanderais (KRÜDENER, Valérie, 1803, p.153).
B. —[Gén. empl. avec l'art.déf. ou avec un poss.] Plaisir sexuel. J'adore ces vaillantes de la joie à qui ta Société n'a rien à reprocher (...) que de vendre du plaisir (VERLAINE, OEuvres posth., t.1, Hist. comme ça, 1896, p.310). Il tenait que le caprice du mâle avait force de loi et il méprisait le plaisir des femmes (AYMÉ, Jument, 1933, p.67):
• 7. ... Hélène dominait mal ma fougue, mais la dominait; et ceci la conduisait à son triomphe: quand, engagé en elle, trop vite je fus au but. Elle dans le plaisir avait pris une grandeur antique, son masque s'était creusé et surtout aggravé (...) elle n'avait pas poussé un cri...
JOUVE, Scène capit., 1935, p.244.
♦[Combiné avec avoir, donner, prendre, trouver] Avoir du plaisir, son plaisir (avec qqn). Synon. jouir, prendre son pied (pop.). Au milieu des blés en été, contre un mur en hiver, elle se donnait du plaisir, en compagnie de son amoureux de la semaine (ZOLA, Germinal, 1885, p.1155). Je me demande même avec quoi, le malheureux, il lui donne son plaisir... En tout cas, vous êtes presque sûr de le trouver chez elle à partir de dix heures du soir (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.68):
• 8. Personnellement je trouvais absolument indifférent au point de vue de la morale qu'on trouvât son plaisir auprès d'un homme ou d'une femme, et trop naturel et humain qu'on le cherchât là où on pouvait le trouver.
PROUST, Fugit., 1922, p.686.
— [Par personnification] Et le Plaisir rit dans l'alcôve Quand (...) Des poils roux d'une bête fauve Sort le torse blanc de Vénus (GAUTIER, Émaux, 1854, p.70). Pendant que des mortels la multitude vile, Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci, Va cueillir des remords dans la fête servile (BAUDEL., Fl. du Mal, 1861, p.134).
— Le plaisir solitaire. Synon. de masturbation. L'absurde chien battu du plaisir solitaire Traînant après sa queue l'ustensile imbécile (...) La casserole d'or du remords (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.252).
C. —Spécialement
1. PHILOS., PSYCHOL. Pôle fondamental de la vie affective (dont l'autre pôle est la douleur). Anton. déplaisir, douleur, souffrance. On se représente ordinairement l'épicuréisme comme la doctrine du plaisir: rien n'est plus faux, quant à Épicure (P. LEROUX, Humanité, 1840, p.74). Le plaisir et la douleur apparaissent comme liés à l'intensité de la sensation (Hist. sc., 1957, p.1633). V. affectif ex. 3:
• 9. Par nature, nous fuyons la souffrance et cherchons le plaisir. C'est uniquement par là que la joie sert d'image au bien et la douleur d'image au mal. D'où l'imagerie du paradis et de l'enfer. Mais, en fait, plaisir et douleur sont des couples inséparables.
S. WEIL, Pesanteur, 1943, p.88.
2. PSYCHANALYSE
— Principe de plaisir, du plaisir. Principe d'économie régissant l'appareil psychique, qui vise à la réduction des quantités d'excitation et des tensions (sources de déplaisir) (d'apr. LAPL.-PONT. 1967). Principe de plaisir et principe de réalité. Une tendance à répéter des situations antérieures, souvent plus forte que le principe de plaisir (...) qu'il [Freud] nomma compulsion de répétition (Hist. sc., 1957, p.1699). Au début de l'existence, l'appareil psychique est soumis exclusivement au principe du plaisir. Ce qui signifie que le plaisir est le seul but qu'il poursuit (M. SAFOUAN, L'Échec du principe de plaisir, 1979, p.29).
— Plaisir d'organe. Plaisir qui est lié à la satisfaction auto-érotique d'une pulsion partielle et qui est éprouvé indépendamment de la satisfaction d'autres pulsions et sans relation directe avec l'accomplissement d'une fonction (d'apr. LAPL.-PONT. 1967).
D. —P. méton. Ce qui procure une satisfaction sensuelle.
1. Au sing. [Avec un sens coll.] Rechercher le plaisir; vivre dans le plaisir, le luxe et le plaisir. L'amour du plaisir, si naturel à la jeunesse, ne peut être blâmé que lorsqu'il l'éloigne de ses devoirs (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p.40):
• 10. Avant de paraître, de festoyer, de courir au plaisir, d'allumer autant de flambeaux qu'il est d'astres; avant de s'enrichir, de dominer par l'or ou par le fer (...) il faut humblement vivre au sens matériel du mot, sous les espèces primordiales du pain et du vin que la terre germe seule.
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p.256.
— De plaisir, loc. adj.
a) [En parlant d'un lieu, d'un moment] Où l'on se divertit. Synon. (partiel) récréatif. Il va dès huit heures en cachette à la messe, comme s'il allait dans une maison de plaisir (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.7). Je viens d'organiser une après-midi de plaisir au bord du Cher pour jeudi prochain. Les uns chasseront, les autres pêcheront, les autres danseront (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p.133). Les terrains de sports et lieux de plaisir: dancings, cafés, casinos et clubs, parcs d'attractions, etc. (Jeux et sports, 1967, p.1175).
Partie de plaisir. V. partie D.
♦Dans le domaine du tour., vieilli. Synon. (partiel) d'agrément. Une famille bruxelloise très aimable qui, dans une voiture de louage, faisait un voyage de plaisir à Namur, Liège, Aix, Spa (MICHELET, Journal, 1832, p.107). En Grande-Bretagne, comme en France ou en Allemagne, les chemins de fer ont offert dès le milieu du XIXe siècle des «excursions» et des «trains de plaisir» en dehors de leurs services réguliers (DEFERT, Pol. tour. Fr., 1960, p.66).
b) Homme de plaisir. Homme qui recherche les satisfactions sensuelles. M. Leuwen (...) était bien plus un homme de plaisir et d'humeur qu'un homme d'affaires et surtout qu'un ambitieux (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.328). Toi, toi, le plus égoïste des hommes, le plus léger, celui sur lequel on peut le moins compter; un homme de plaisir, un jouisseur (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.26).
2. Au plur. Synon. amusements, distractions, agréments. Le mariage, c'était passer quatre mois d'hiver à la ville dans les plaisirs, dans les bals, dans les fêtes (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.204). Les beaux quartiers! Mais déjà s'éclaire la ville, vers le centre, où sont les plaisirs (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.191).
♦[Constr. avec un compl. spécifiant un lieu ou un moment] Les plaisirs de la capitale, de la cour; les plaisirs de la jeunesse, d'un jour. Quiconque a mis un grand devoir au-dessus des vains plaisirs de la vie, est bien sûr de ne pas périr tout entier avec elle (COTTIN, Mathilde, t.2, 1805, p.241). Quand il eut connu les plaisirs coûteux de la Butte, il dédaigna les amusements plus modestes du quartier (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p.31). V. intérêt I A 1 a ex. de Hermant.
♦[Constr. avec un compl. désignant une activité] Les plaisirs de la table. Un jeune sculpteur (...) épuisé (...) par des excès d'intempérance ou les plaisirs de l'amour (PINEL, Alién. ment., 1801, p.167). On peut s'y procurer les plaisirs de la chasse et ceux de la pêche, en un mot tous les amusemens qui peuvent convenir à des hommes qui ne sont pas encore corrompus (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p.17).
♦[Constr. avec un compl. ou un adj. désignant un type de plaisir] Les plaisirs amoureux, esthétiques; les plaisirs de la chair. Épouse d'Edward, elle connaissait les plaisirs des sens; mais elle ne savait pas tout ce que l'âme y ajoute de céleste (KARR, op.cit., p.301). La lippe pendante et les paupières soufflées jusqu'au milieu des joues témoignaient son goût des plaisirs du corps (HAMP, Marée, 1908, p.58).
— Menus plaisirs. V. menu1.
— Plaisirs défendus. Plaisirs de la chair. Elle s'efforçait de ne pas montrer sa jalousie (...) chaque fois qu'il quittait la charcuterie pour aller rue Pirouette, et qu'elle s'imaginait les plaisirs défendus qu'il devait y goûter (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.743). V. imprimer I C 2 a et b ex. de Balzac.
SYNT. Se dégoûter, jouir des plaisirs; mépriser les plaisirs; renoncer aux plaisirs; vivre au milieu des plaisirs; l'abus, l'excès des plaisirs; la vanité des plaisirs; les plaisirs et les maux, les peines, les souffrances, les travaux de la vie.
II. A. —[Dans les loc. infra.] Ce qu'il agrée à quelqu'un de décider, de permettre.
— (Si) c'est votre (...) plaisir (vx), votre bon plaisir (vieilli). Cette fois je hasarde une autre requête. Si c'était, dis-je, tenant mon chapeau à deux mains, si c'était votre bon plaisir de nous laisser danser devant notre logis le dimanche (COURIER, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p.151). La patrie vous rappela, c'était son devoir; vous fûtes sourd à son appel, c'était sans doute votre bon plaisir; elle confisqua vos biens, c'était son droit (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p.122).
— (Car, puisque) tel est notre (...) plaisir, notre bon plaisir (vieilli). C'est le style impérial, ennemi des longueurs et des explications. Veuillez mettre en prison, cela dit tout, on n'ajoute pas: car tel est notre plaisir (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1819, p.15).
Rem. ,,Tel est notre plaisir, notre bon plaisir. Formule de chancellerie, par laquelle le souverain marquait sa volonté dans les déclarations, les édits, etc.`` (Ac. 1935).
B. —Le bon plaisir (de qqn)
1. Décision, expression de la volonté de quelqu'un, qui n'admet ni justification ni contestation. Le régime qui soumettait toute la presse au bon plaisir de l'État sous le second empire n'a réussi qu'à renforcer l'opposition (MORIENVAL, Créateurs gde presse, 1934, p.150). Le commissariat commençait à reprendre sa physionomie habituelle, peuplé de gens (...) attendant sur des bancs le bon plaisir de ces messieurs (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.97). V. courroux ex. 1.
♦Sous le bon plaisir de qqn (vieilli). Viendront avec le temps les ornements obligés de cette société, la prostitution théâtrale, les gladiateurs, les cochers de cirque, le tout sous le bon plaisir des prétoriens (CHATEAUBR., Mém., t.1, 1848, p.633).
♦Selon le bon plaisir de qqn. Dieu sait que je l'aime et que je le sers. Il me traitera pour l'éternité selon son bon plaisir (SALACROU, Terre ronde, 1938, II, 3, p.204).
2. Absol., p.ext.
a) Liberté absolue. Je n'écris que lorsque j'ai envie d'écrire. La seule règle est le bon plaisir. Ce que je fais par contrainte est toujours médiocre. Je ne sais ce que c'est qu'écrire par devoir (GREEN, Journal, 1953, p.231).
b) Règne de l'arbitraire (politique, social). Puisque la société implique nécessairement des exceptions à la concurrence, l'hypothèse d'une concurrence universelle est chimérique, et nous voilà replacés sous le régime du bon plaisir (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.196):
• 11. D'un côté (...) les ligatures innombrables, le fisc, les gabelles, la mainmorte, les capitations, les exceptions, les prérogatives, les préjugés, les fanatismes, le privilège royal de banqueroute (...) le bon plaisir, le droit divin...
HUGO, Quatre-vingt-treize, 1874, p.225.
Prononc. et Orth.:[], [--]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 a son plaisir «à son gré, selon son désir» (Roland, éd. J. Bédier, 3894); av. 1615 à plaisir «en obéissant à un caprice, en inventant» (PASQUIER, Recherches, 876); 2. ca 1121-34 «ce qui est l'expression d'une volonté, d'un désir» (PHILIPPE DE THAON, Bestiaire, 1646 ds T.-L.); ca 1480 le bon plaisir (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 35316); 1638 tel est notre bon plaisir «formule des décrets royaux sous l'Ancien Régime» (SULLY, OEcon. roy., VIII, 455 ds GDF. Compl.). B. 1. 1349 «sensation, émotion agréable» (Songe vert, 1576 ds T.-L.); 2. a) ca 1433 prendre plaisir à (J. RÉGNIER, Fortunes et Adversités, éd. E. Droz, 2787, p.100); b) 1524 pour son plaisir (GRINGORE, Le Blason des heretiques, éd. A. de Montaiglon et C. d'Héricault, I, 301); c) 1657-62 il y a plaisir de (PASCAL, Pensées, éd. Brunschvicg, section 14, 302); 1670 il y a plaisir à (MOLIÈRE, Bourgeois gentilhomme, I, 1); 1661 par plaisir «pour se divertir» (ID., École des maris, I, 2); 3. a) ca 1433 faire plaisir à qqn «rendre service, obliger» (J. REGNIER, Fortunes et Adversites, éd. E. Droz, 2197, p.79); 1669 id. «être agréable» (MOLIÈRE, Tartuffe, II, 4); b) 1790 faites-moi le plaisir de (J.-J. ROUSSEAU, Confessions, XI ds LITTRÉ); 1869 id. «pour marquer l'impatience dans un ordre» (LITTRÉ); c) 1694 faire un plaisir de (BOILEAU, Satire, X, éd. C. H. Bowdhors, p.87); d) 1869 avec plaisir «volontiers» (LITTRÉ); e) 1767 au plaisir (J.-B. ARTAUD, La Petite poste dévalisée, p.18 ds QUEM. DDL t.19); 1837 au plaisir de vous revoir (CLAIRVILLE, 1837 aux enfers, 24, ibid. t.2); 4. 1458 avoir, faire son plaisir (d'une femme) (Archives du Nord, B 1687, f° 53 r° ds IGLF). C. 1. Fin 1482 au plur. (G. COQUILLART, Balade quant on cria la paix à Reims, éd. M. J. Freeman, 123); 1547 les menus plaisirs (N. DU FAIL, Propos rustiques, éd. J. Assézat, 46); 1669 les plaisirs du Roy «étendue de pays où la chasse était réservée au roi» (Ordonn. ds BAUDR. Chasses 1834); 1678 «les joies de la chair» (LA FONTAINE, Fables, IX, 15 ds LITTRÉ); 2. 1536 «amusement, divertissement, activité à laquelle on s'adonne pour son bien-être» (R. DE COLLERYE, OEuvres, éd. C. d'Héricault, 185); 1563 le plaisir de la chasse, de la musique (B. PALISSY, Recepte, p.101, 116 ds IGLF); 3. 1579 homme de plaisir (LARIVEY, Esprits, éd. Viollet-le-Duc, V, 269); av. 1646 partie de plaisir (BASSOMPIERRE, Mémoires ds Lar. Lang. fr.); 1869 id. «partie galante» (LITTRÉ, s.v. partie); 1872 train de plaisir (ibid., s.v. train). Empl. subst. de l'a. inf. plaisir «plaire», (1re moitié XIIes. Psautier Oxford, 68, 36 ds T.-L.), du lat. placere «plaire, être agréable, agréer». Fréq. abs. littér.:21358. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 38317, b) 23696; XXes.: a) 26702, b) 29380. Bbg. BARTHES (R.). Le Plaisir du texte. Paris, 1973, pp.33-36. — DUMONCEAUX (P.). Langue et sensibilité au 17es. Genève, 1975, pp.285-350. — IMBS (P.). [Plaisir]. Anatomie d'un mot. Communio. 1982, t.7, n° 2, pp.40-50. — LANLY (A). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp.256-258. — QUEM. DDL t.2, 20, 21. — SCKOMM. 1933, pp.62-71, 75-78.
II.
⇒PLAISIR2, subst. masc.
Vx. Synon. de oublie. Il nous est resté l'impression d'un Paris du dimanche (...) où sonnent dans le murmure de la foule la cliquette des marchands de plaisir et la sonnette du marchand de coco (A. DAUDET, Crit. dram., 1897, p.300).
♦V(oi)là le plaisir. [Cri des marchands vendant des oublies] Voir FRANCE ds Lar. Lang. fr.
Prononc. et Orth.:[], []. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1829 (BOISTE). Empl. spécialisé de plaisir1.
plaisir [pleziʀ] n. m.
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; anc. inf. du v. plaire; du lat. placere.
❖
———
I Vx (sauf dans des expr.). Ce qu'il plaît à qqn de faire, d'ordonner; ce qu'il juge bon, ce qu'il veut. || Si c'est votre plaisir. ☑ Vx ou hist. Bon plaisir. || Si c'est votre bon plaisir, puisque tel est votre bon plaisir. || Avec, sous votre bon plaisir : avec votre consentement. (Av. 1628). || Car tel est notre (bon) plaisir, formule des anciens édits, qui marquait la volonté du roi. || Le régime du bon plaisir, de la monarchie absolue, et, par ext., le règne de l'arbitraire.
1 Ainsi, les deux premières libertés, la liberté de la presse et la liberté électorale, étaient radicalement extirpées : elles l'étaient, non par un acte inique et cependant légal, émané d'une puissance législative corrompue, mais par des ordonnances, comme au temps du bon plaisir.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 183.
2 Il y avait le droit coutumier, il y avait le droit écrit, et par-dessus tout il y avait le bon plaisir, la raison du plus fort. Aucune garantie, aucun recours, la toute-puissance de l'épée.
Zola, la Terre, I, V.
3 (…) ceux qui veulent être libres, et ne point suivre de lois que leur bon plaisir, l'ont toujours pu faire (…)
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », VI.
♦ ☑ Loc. adv. (Vx). À son plaisir : comme il lui plaît et autant qu'il lui plaît (→ À son gré, à sa guise; et aussi gouvernail, cit. 5; humain, cit. 9). — ☑ (V. 1190). Mod. À plaisir : comme il plaît, autant qu'on veut, en se réglant sur le bon plaisir et le caprice (modifiant un verbe, un p. p. ou un adj.). Vx : modifiant un nom (→ ci-dessous cit. 4). || Un conte (cit. 8, La Fontaine) à plaisir inventé, fait à plaisir, de pure imagination. ⇒ Fiction. || Des passages que vous fabriquez (cit. 11) à plaisir. || Les désordres ont été exagérés, grossis (cit. 11) à plaisir. || Des variations subtiles à plaisir (→ 1. Montre, cit. 3). || Pouvoir à plaisir assener (cit. 1) des coups. || Croître (cit. 3) à plaisir.
4 Ce sont des portraits à plaisir, où l'on ne cherche point de ressemblance (…)
Molière, Critique de l'École des femmes, 6.
5 Et c'est un vieux mensonge à plaisir inventé,
Que de croire au bonheur hors de la volupté !
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Idylle ».
♦ (1636). || À plaisir : en obéissant à un caprice, sans justification raisonnable, comme si on y prenait plaisir. ⇒ Raison (sans), rien (pour). || Exciter à plaisir la haine d'une femme aimable (→ Gaucherie, cit. 3). || Bouleverser à plaisir tous les sentiments naturels (→ Magie, cit. 8). || S'accabler, s'inquiéter, se tourmenter à plaisir (→ Gourmander, cit. 6). || Comme à plaisir (→ Bouton, cit. 5).
6 Messieurs, ne gagnez point de rhumes à plaisir (…)
Molière, l'Étourdi, III, 9.
7 — Vous confondez à plaisir cause et effet.
Gide, Corydon, IIIe dialogue, III.
———
II (1456). Mod., cour. État affectif fondamental (affect), un des deux pôles de la vie affective; sensation ou émotion agréable, liée à la satisfaction d'une tendance, d'un besoin, à l'exercice harmonieux des activités vitales.
1 Le plaisir. || Le plaisir et la douleur (→ Accompagner, cit. 11; affectif, cit. 1; cœur, cit. 14; indiscernable, cit. 3). || Peine ou plaisir (→ Cœur, cit. 14). || États affectifs empreints de plaisir. ⇒ Bien-être, contentement, délectation, euphorie, plaisance (vx), satisfaction. || Le plaisir et le bonheur, et la joie. ⇒ Bonheur, joie (cit. 5; et supra cit. 4). — Formes, variétés du plaisir (→ ci-dessous, cit. 21, Ribot). || Le plaisir sensible (→ Esprit, cit. 54), physique (→ Inconstance, cit. 8); le plaisir des sens (→ Galanterie, cit. 6); le plaisir des yeux; le plaisir esthétique, intellectuel, moral (→ ci-dessous, 3.). — Théories psychologiques du plaisir et de la douleur : théories monistes, optimiste (la douleur n'est que la négation du plaisir : Aristote) ou pessimiste (le plaisir est la négation d'un besoin, d'une douleur : Platon [le Philèbe], Épicure, Schopenhauer); théories dualistes (le plaisir et la douleur ramenés à des sensations).
♦ La psychologie moderne considère le plaisir comme lié à la satisfaction d'un besoin, d'une tendance (⇒ Tendance; désir) et non pas au mécanisme externe des sens (comme la douleur). || Plaisir et instinct. || Plaisir physique et sensation (→ Immatériel, cit. 2, Pascal). || Plaisir et activité, et motricité… et conscience (cit. 2) de notre existence. || Attrait, recherche du plaisir (→ Mensonge, cit. 12). || Plaisir et désir (→ Inséparable, cit. 2). — Psychan. || Recherche du plaisir. ⇒ Libido. || Principe de plaisir et principe de réalité. — (Morale). || Dieu a fait du plaisir l'instrument de notre conservation (→ 2. Palais, cit. 2). || L'homme est né (cit. 9) pour le plaisir. || La morale du plaisir. ⇒ Épicurisme, hédonisme (cit. 1). → Hédoniste, cit. 1; libertin, cit. 6. || Le plaisir détourne du devoir (cit. 6), égare (cit. 6) l'âme.
8 (…) considérant avec soin en quoi consiste la volupté ou le plaisir, et généralement toutes les sortes de contentements qu'on peut avoir, je remarque, en premier lieu, qu'il n'y en a aucun qui ne soit entièrement en l'âme, bien que plusieurs dépendent du corps (…) Puis je remarque qu'il n'y a rien qui puisse donner du contentement à l'âme, sinon l'opinion qu'elle a de posséder quelque bien (…)
Descartes, Lettre à Christine de Suède, 20 nov. 1647.
9 La fête, au reste, ne fut pas ruineuse. Pour trente sous qu'il m'en coûta tout au plus, il y eut pour plus de cent écus de contentement; tant il est vrai que le plaisir ne se mesure pas sur la dépense, et que la joie est plus amie des liards que des louis.
Rousseau, Rêveries…, IXe promenade.
10 Le plaisir est l'objet, le devoir et le but
De tous les êtres raisonnables (…)
Voltaire, Épîtres, XIV.
11 En présence de plusieurs plaisirs conçus par l'intelligence, notre corps s'oriente vers l'un d'eux spontanément, comme par une action réflexe (…) L'attrait du plaisir n'est point autre chose que ce mouvement commencé, et l'acuité même du plaisir, pendant qu'on le goûte, n'est que l'inertie de l'organisme qui s'y noie, refusant toute autre sensation.
H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, p. 28.
12 (…) l'erreur est de croire que l'action court au plaisir; car le plaisir accompagne l'action.
Alain, Propos, 5 févr. 1913, L'égoïste.
13 (…) il n'y a pas de stimulant d'action plus efficace ni de guide plus précis et plus docilement obéi que le plaisir.
M. Pradines, Traité de psychologie générale, t. I, p. 172.
14 Le plaisir et la douleur, avec les anticipations que la mémoire en permet et les émotions qui en résultent, dominent toute l'activité de l'animal.
M. Pradines, Traité de psychologie générale, t. I, p. 183.
♦ Éprouver, avoir du plaisir. || Expression, manifestation du plaisir (rire, sourire…). — ☑ De plaisir (causal). || Rougir (→ 1. Canon, cit. 1), frémir (cit. 15), haleter (cit. 4) de plaisir. || Grognements de plaisir (→ Ongle, cit. 7). — Défaillir, mourir de plaisir.
15 Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !
Corneille, Horace, IV, 5.
♦ Causer, donner, procurer du plaisir. ⇒ Charmer, chatouiller, égayer, flatter, plaire, ravir, réjouir (→ Instrument, cit. 11). || Occasions de plaisir (→ Empoigner, cit. 5). || Ne faire aucun plaisir (→ Approbation, cit. 10), pas tant de plaisir (→ Boutique, cit. 4). || Faire un grand plaisir (→ Écrire, cit. 27).
♦ (Sans article). || Faire plaisir, grand plaisir. ⇒ ci-dessous, IV. (→ Coup, cit. 69; hargne, cit. 3; houblon, cit.; indifférent, cit. 19). || Cela me fait grand plaisir. || Personne, objet qui fait plaisir à voir, dont la vue fait plaisir (→ Gras, cit. 15; pastèque, cit.).
♦ ☑ Je vous souhaite bien du plaisir, ou, ellipt, bien du plaisir !, formule de politesse, qui s'emploie aujourd'hui ironiquement en s'adressant à qqn qui peut s'attendre à passer de mauvais moments.
16 — Adieu, monsieur, bien du plaisir. — Et vous, idem, madame, répondit le vieux dragon en regardant un jeune homme alors à la mode nommé Rastignac qui passait pour être l'amant de madame de Nucingen.
Balzac, Melmoth réconcilié, Pl., t. IX, p. 274.
♦ Assaisonner, augmenter… le plaisir. || Gâcher, gâter le plaisir (→ Exaspérer, cit. 4). || « … fi du plaisir que la crainte peut corrompre » (→ Adieu, cit. 3).
♦ Le plaisir de qqn, le plaisir qu'il éprouve. || L'homme goûte mieux son plaisir quand il est rare (→ Épicurien, cit. 1). || Faire durer son plaisir (→ Nuage, cit. 7). || Cela nous gâte (cit. 23) notre plaisir. || Chacun prend son plaisir où il le trouve. ⇒ Pied (fam.). — Plaisir des dieux, plaisir rare, raffiné.
2 (1658). Spécialt. || Le plaisir : le plaisir des sens, de la chair (dans l'acte sexuel). ⇒ Volupté (→ Absent, cit. 2; accoupler, cit. 8; apaiser, cit. 27; conjugal, cit. 2; génération, cit. 8; gorger, cit. 11; légitime, cit. 10; nonchalant, cit. 4). || Nos appétits de plaisir (→ Fumet, cit. 6). || Le plaisir atteint à l'orgasme (cit.). || Cette chair (cit. 26) à plaisir, cette chose de plaisir (→ Majesté, cit. 23). || Ces dépravations (cit. 3) du plaisir. || Donner, recevoir du plaisir (→ Gosse, cit. 8; jalousie, cit. 28; 1. physique, cit. 6). || Prendre du plaisir, son plaisir (→ Partenaire, cit. 6). || Avoir du plaisir (→ S'envoyer en l'air, prendre son pied, jouir). — Plaisir solitaire : masturbation (→ aussi ci-dessous, cit. 35.2 et 35.3, au pluriel).
16.1 Or, il n'est aucune sorte de sensation qui soit plus vive que celle de la douleur; ses impressions sont sûres, elles ne trompent point comme celles du plaisir, perpétuellement jouées par les femmes et presque jamais ressenties par elles (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 196.
17 Françoise rouvrit les yeux, sans une parole, sans un mouvement, hébétée. Quoi ? c'était déjà fini, elle n'avait pas eu de plaisir ! Il ne lui en restait qu'une souffrance. Et l'idée de l'autre lui revint, dans le regret inconscient de son désir trompé.
Zola, la Terre, III, IV.
18 « Dis-moi ce que tu sens ? dis-le moi » (…) « As-tu du plaisir ? Je veux que tu aies du plaisir ». Sa voix s'irritait, elle exigeait des comptes : « Tu n'en as pas ? Ça ne fait rien : la nuit est longue. »
S. de Beauvoir, les Mandarins, II, II.
3 (Un plaisir, les plaisirs). Émotion, sentiment agréable (état de conscience défini, correspondant à des circonstances particulières). || Un plaisir ou une souffrance (→ Guetter, cit. 8). || Plaisir mêlé d'amertume (cit. 8), de douleur (→ Gratter, cit. 22). || Plaisir faible, insignifiant, fort, intense, inconcevable (cit. 4). || « Nos plaisirs les plus doux… » (→ Aller, cit. 57, Corneille). || Plaisirs innocents (→ Évoquer, cit. 9), licites (cit. 1 et 2), permis…; plaisirs défendus. || Plaisirs décevants, trompeurs; dangereux. || Plaisirs morbides, hors nature (dans les perversions). || Les plaisirs des sens (→ Chair, cit. 47); de l'esprit (→ Attrister, cit. 4). || Un vif plaisir d'intelligence (→ Analogie, cit. 11). || Les plaisirs que donne le beau (cit. 94). ⇒ Beauté (→ aussi Musique, cit. 2). — Choses qui nous donnent, nous procurent, nous promettent un plaisir, des plaisirs. ⇒ Charmer, plaire, réjouir (→ Invention, cit. 6; 1. livre, cit. 31). — Avoir, éprouver, goûter, ressentir, sentir un plaisir, des plaisirs (→ Assaisonnement, cit. 7; compte, cit. 1; étendue, cit. 17; misérable, cit. 4). || Jouir d'un plaisir (→ Communicatif, cit. 2; gratis, cit. 4). ⇒ aussi Savourer. || Il n'a jamais eu un tel plaisir (→ Il n'a jamais été à pareille fête). — Procurer un plaisir, un petit plaisir à un enfant (→ Ingénier, cit. 3).
19 Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
La Fontaine, Fables, I, 16.
19.1 La véritable sagesse consistait infiniment plus à doubler la somme de ses plaisirs, qu'à multiplier celle de ses peines (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 9.
20 (…) il n'y a point de plaisir qui ne perde à être connu.
Marivaux, le Paysan parvenu, IV, p. 191.
21 Quoique l'opinion commune établisse une séparation entre les plaisirs sensoriels et les plaisirs spirituels, cette distinction est purement pratique. Le plaisir, comme état affectif, reste toujours identique à lui-même; ses nombreuses variétés ne sont déterminées que par l'état intellectuel qui le suscite : sensation, image, concept… Toutes les formes du plaisir s'accompagnent des modifications organiques précédemment énumérées. À l'origine, il ne peut être que physique, c'est-à-dire lié à une sensation (plaisir d'un contact doux et chaud, apaisement de la faim et de la soif,…). Puis (…) apparaît le plaisir attaché à des pures représentations. C'est, comme pour la douleur, le grand groupe, celui des joies diverses et multiples qui consolent l'humanité de ses misères : elles se scindent aussi en plaisirs égoïstes et plaisirs sympathiques.
Th. Ribot, Psychologie des sentiments, Le plaisir.
21.1 (…) car il est indispensable à la pureté de notre plaisir qu'on ne nous le compte pas pour un plaisir.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 510.
22 Certes, nous disons que la libération de la douleur est un plaisir; mais qui mettrait, s'il s'agit vraiment de jouissance (…) ces « plaisirs » négatifs, pauvres (…) nés du contraste (…) en comparaison avec les plus humbles de ces plaisirs positifs, riches de substances (…) qui correspondent à l'exercice des activités appropriatives.
M. Pradines, Traité de psychologie générale, t. I, p. 303.
4 Le plaisir de… : le plaisir causé par (une chose, un objet ou une espèce d'objets). || « Plaisir d'amour (cit. 27) ne dure qu'un moment ». || « Tout le plaisir de l'amour est dans le changement (cit. 4) ». || Le plaisir de la table. ⇒ Appétit, gourmandise (→ Associer, cit. 24). || Plaisir de la chasse (→ Battue, cit. 2). || « Tout le plaisir des jours est en leur matinée (cit. 1) ». || Le Plaisir du texte, ouvrage de R. Barthes. — (En parlant d'une action). || Plaisir de la critique (cit. 18), des disputes (cit. 4). || Le plaisir du devoir accompli. — Le plaisir d'avoir (1. Avoir, cit. 7), d'exister (cit. 16), de commander (→ Cachemire, cit. 2), d'étonner (cit. 13), de plaire (→ Légitime, cit. 11). || Plaisir de souffrir (masochisme).
23 Les premières fois je fus charmé de le voir, je lui donnais de très bon cœur, et je continuai quelque temps de le faire avec le même plaisir, y joignant même le plus souvent celui d'exciter et d'écouter son petit babil que je trouvais agréable. Ce plaisir, devenu par degrés habitude, se trouva (…) transformé dans une espèce de devoir dont je sentis bientôt la gêne (…)
Rousseau, Rêveries…, VIe promenade.
24 M. de Talleyrand me disait un jour : « Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre. »
F. Guizot, Mémoires pour servir à l'hist. de mon temps, t. I, p. 6.
5 ☑ Loc. Avoir du plaisir, beaucoup de plaisir à…, suivi de l'inf. ⇒ Aise (être bien aise); charmé, ravi (→ Aimer, cit. 37; 1. avoir, cit. 28). || Avoir plaisir à… (→ Grume, cit. 6). || Il y a du plaisir, bien du plaisir, il y a plaisir à… (→ 1. Bien, cit. 101; intolérant, cit. 4). — ☑ Loc. prov. Où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir. — Prendre plaisir à une chose (→ Étude, cit. 14; exposer, cit. 29), à faire qqch. (→ Dictionnaire, cit. 1; divan, cit. 1; exciter, cit. 18; extrême, cit. 26; malfaisant, cit. 1). || « Si Peau-d'Âne (cit. 17) m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême » (La Fontaine). — Vx. || Prendre plaisir de faire… (→ Battre, cit. 51). — Mod. || Sentir, éprouver, trouver du plaisir à faire… (→ Désintéresser, cit. 1; diamant, cit. 8; mêlée, cit. 5; noir, cit. 27). || Avoir le plaisir d'apprendre (cit. 56), d'être… (→ Guère, cit. 14). — (XVe). Au sens affaibli d'agrément. || J'espère que nous aurons bientôt le plaisir de vous voir. ⇒ Avantage (→ Hôtelier, cit. 3). || M. et Mme X ont le plaisir de vous faire part de…
25 (…) j'aurais un plaisir extrême à lui jouer quelque tour.
Molière, l'Amour médecin, I, 4.
26 Si nous n'avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir à en remarquer dans les autres.
La Rochefoucauld, Maximes, 31.
27 Prenez garde à la tristesse. C'est un vice. On prend plaisir à être chagrin et, quand le chagrin est passé, comme on y a usé des forces précieuses, on en reste abruti.
Flaubert, Correspondance, 1746, 15 août 1878.
28 Elles trouvaient, à parler de ses débordements, un plaisir furtif et jaloux
A. Maurois, le Cercle de famille, I, VI.
♦ C'est, ce sera un plaisir de… (→ Car, cit. 4; moqueusement, cit.), que de… (→ Enivrer, cit. 4). || Quel plaisir ! || Quel plaisir de… (→ Nuancer, cit. 5). || Son plaisir, son plus grand plaisir est de… (→ Accompagner, cit. 4). — ☑ Se faire un plaisir de troubler la paix des ménages (cit. 11), de déplaire (→ Méprisant, cit. 2) : faire en sorte qu'on trouve un plaisir personnel à troubler…, à déplaire…; troubler, déplaire à plaisir (I.). ⇒ Complaire (se), plaire (se). ☑ Se faire, prendre un malin (cit. 5) plaisir à… — (1767, in D. D. L.). || Au plaisir de vous revoir, formule aimable d'adieu (considérée comme peu distinguée). Ellipt. Pop. || Au plaisir !
29 (…) Je me suis fait un plaisir nécessaire
De la voir chaque jour, de l'aimer, de lui plaire.
Racine, Bérénice, II, 2.
30 (…) le Carrefour, propriété de famille aux environs de Pont-l'Évêque, dont il ne bougeait plus, où il se ferait un plaisir de me recevoir et de mettre à ma disposition ses papiers, sa bibliothèque et son érudition (…)
Gide, Isabelle, I.
♦ Pour le plaisir, pour son plaisir, par plaisir : sans autre raison que le plaisir qu'on y trouve. || Elle y va par plaisir. || Pour le profit et pour le plaisir (→ Hobereau, cit. 2). || Faire qqch. pour son plaisir (→ Gauche, cit. 10; homme, cit. 154; long, cit. 21). || Des cierges brûlés pour le plaisir (→ Gâterie, cit. 4). || On ne fait pas des fautes pour le plaisir d'en faire (→ Incorrection, cit. 3). || Pour le seul plaisir (→ Humour, cit. 8), rien que pour le plaisir (→ Briller, cit. 12; et aussi aise, cit. 12; bretauder, cit.; dévisager, cit. 8).
31 À peine me pouvais-je persuader, avant que je l'eusse vu, qu'il se fût trouvé des âmes si monstrueuses, qui, pour le seul plaisir du meurtre, le voulussent commettre (…) aiguiser leur esprit à inventer des tourments inusités et des morts nouvelles, sans inimitié, sans profit, et pour cette seule fin de jouir du plaisant spectacle des gestes et mouvements pitoyables, des gémissements et voix lamentables d'un homme mourant en angoisse.
Montaigne, Essais, II, XI.
32 (…) ne faisant plus la médecine que pour son plaisir personnel, qui d'ailleurs, était grand (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Bonheur dans le crime ».
♦ Avec… plaisir : en trouvant du plaisir. || Faire une chose avec plaisir (→ Empressement, cit. 2; immortel, cit. 20; insouciant, cit. 6; pâte, cit. 13). || Avec beaucoup de plaisir (→ Almanach, cit. 1), avec un plaisir toujours nouveau (→ Abeille, cit. 14). || Accepter, accorder, donner avec plaisir, de bon cœur, bien volontiers (→ Importunité, cit. 3; introduire, cit. 16). || Avec plaisir, formule aimable pour acquiescer à une demande. || Pouvez-vous nous accompagner ? — Avec plaisir, avec grand plaisir. || Accueillir avec plaisir. ⇒ Bienvenu. || Parler de soi avec plaisir. ⇒ Complaisance. || On ne vit pas cette liaison avec plaisir, d'un bon œil (→ Passer, cit. 80). — Sans plaisir (→ Fourmi, cit. 8; 2. mine, cit. 10; moutonnerie, cit.). || Sans grand plaisir (→ Entraînement, cit. 8).
———
III Par ext. (Un, des plaisirs). Surtout au pluriel.
1 (V. 1360). Ce qui peut donner à l'homme une émotion ou une sensation agréable, objet ou action qui en est la source ou l'occasion. ⇒ Agrément, amusement, délice (II.), distraction, divertissement, félicité, jeu, jouissance, récréation, régal, réjouissance, et, par métaphore, fleur, rose. || « Chaque âge (cit. 21) a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs » (Boileau). || Aimer (cit. 47) tous les plaisirs. || Tous les plaisirs sont fades s'il ne s'y mêle un peu d'amour (→ Agréable, cit. 15). || La recherche de tous les plaisirs (→ Épicurisme, cit. 3). || Essayer (cit. 20 et 21) de tous les plaisirs. || Courir après les plaisirs. || Je hais tous vos plaisirs (→ Flatter, cit. 6). || Les plaisirs de la vie (→ Heureux, cit. 36; jovialité, cit. 1), les plaisirs terrestres (→ Pari, cit. 7). || « Et ces plaisirs légers qui font aimer la vie » (→ Ne, cit. 10, Musset). || « Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs » (→ Inépuisable, cit. 1, Racine). || Être sevré de plaisirs (→ 1. Marasme, cit. 2). || Payer pour ses plaisirs (→ Fonds, cit. 1). || Le tourbillon des plaisirs. || Les plaisirs bruyants (→ Étourdir, cit. 15 et 18). || Les plaisirs de la campagne (cit. 13), de la table (→ Augurer, cit. 2), de la société (→ Femmelette, cit. 2). || Les plaisirs amoureux. ⇒ Ébat (1.), jeu (→ ci-dessous, absolt). || Les plaisirs du régiment. ⇒ Gaieté (iron.). || Il leur faut des plaisirs nombreux et variés (→ Exigeant, cit. 1). || Nos affaires, nos occupations, et nos plaisirs (→ Heureux, cit. 49). — ☑ (1669). Anciennt. Menus Plaisirs. || Les Menus Plaisirs : les divertissements royaux (fêtes, spectacles, cérémonies de la cour), réglés par une administration particulière qui était dirigée par l'Intendant ou Trésorier des Menus (Plaisirs). Ellipt. Les Menus (cit. 5). — Mod. Amusements, distractions diverses. || Réserver une part de son budget pour ses menus plaisirs.
33 Lorsque les plaisirs nous ont épuisés, nous croyons avoir épuisé les plaisirs (…)
Vauvenargues, Réflexions et maximes, 195.
34 Les plaisirs de la société, surtout en province, consistent à se dire du mal les uns des autres (…)
Balzac, le Député d'Arcis, Pl., t. VII, p. 714.
♦ (Au sing.). ⇒ Distraction, divertissement. || Le théâtre fut longtemps un plaisir ignoré (→ Abhorrer, cit. 1). || Inventer un nouveau plaisir (→ Jouissance, cit. 3). || La conversation était le suprême plaisir (→ Improvisateur, cit. 1). || Le ski nautique est un plaisir coûteux.
35 (Ces enfants) que l'on voit se transformer bien vite en sportsmen de métier, vaniteux, cupides, que la moindre défaveur aigrit et dévoie, qui cessent d'aimer leur plaisir dès qu'il devient un gagne-pain.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, XII.
35.1 Je ne sais d'ailleurs pas quelle conjuration de cagots et de vieilles filles a pu réussir, en deux siècles, à discréditer le mot plaisir. C'est un des mots les plus doux et les plus nobles de la langue. Je ne suis pas croyant mais, si je l'étais, je crois que je communierais avec plaisir. Le mal et le bien, aux origines, cela a dû être ce qui faisait plaisir ou non — tout bonnement. Toute la morale de ces cafards repose précisément sur ce petit mot fragile et léger qu'ils abhorrent. Pourquoi l'amour ne serait-il pas d'abord ce qui fait plaisir au cœur ? On a bien le temps de souffrir par la suite.
J. Anouilh, la Répétition, II.
2 (1678). || Les plaisirs sensuels : les sensations, les émotions agréables qui ont pour source les sens, le corps (opposé à plaisirs spirituels, intellectuels). || Les bourbiers (cit. 2) des plaisirs. || Efféminé (cit. 3) et noyé dans les plaisirs. || S'amollir dans les plaisirs. || Étrangers de passage auxquels on offre des plaisirs à tout prix (→ Honneur, cit. 111). || Se livrer (cit. 29) aux plaisirs. || S'abstenir des plaisirs. ⇒ Austérité, chasteté, continence. || Mener une vie de plaisirs (→ Se faire du bon sang). ⇒ Fête, noce. — Les plaisirs solitaires : la masturbation (→ ci-dessus, sens II, 2, au singulier).
35.2 Peu importe que mes besoins sexuels, à l'époque, aient subi, quant à leur intensité relative, le même « retard » que l'ensemble de mes autres besoins corporels, la même naturelle contention. À l'âge où les plaisirs solitaires leur sont un substitut normal, je n'ai pas non plus attaché de honte à ces plaisirs.
Raymond Abellio, Ma dernière mémoire, t. I, p. 173.
35.3 Cet enfant était hypocrite et solitaire. Parfois le premier, il n'hésitait pas à conquérir la dernière place, si ses angoisses l'y obligeaient (…)
En dehors des plaisirs solitaires qui absorbaient une partie considérable de ses loisirs, il n'aimait pas grand-chose, ne collectionnait rien et lisait peu.
R. Queneau, le Chiendent, p. 28.
♦ (Sing. collectif). || Une cour toute remplie par le plaisir et l'intrigue (→ Exercer, cit. 33). || Penchant au plaisir. ⇒ Concupiscence, lasciveté, luxure, sensualité. || Se précipiter dans le plaisir (→ Frondeur, cit. 4). || Venise, patrie du plaisir (→ Matin, cit. 12). — Poét. || « Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci… » (→ Mortel, cit. 5, Baudelaire). ☑ Boire à la coupe du plaisir.
36 Allons ! vive l'amour que l'ivresse accompagne !
Que tes baisers brûlants sentent le vin d'Espagne !
Que l'esprit du vertige et des bruyants repas
À l'ange du plaisir nous porte dans ses bras !
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Rolla », III.
♦ … de plaisir. || Homme de plaisir, qui se livre aux plaisirs. — Lieux de plaisir (→ Étudiant, cit. 3; flâne, cit. 1). Spécialt. Lieu de débauche (→ Baleinier, cit.). || Un rendez-vous de plaisir (→ Abonder, cit. 4). ☑ Partie (cit. 27) de plaisir (→ Frasque, cit. 3; maître, cit. 15; 1. pair, cit. 9).
♦ (1872). Vx. || Train de plaisir : train affrêté pour une excursion; train allant vers une station, un lieu de vacances.
37 J'aime le jeu, les visites, les assemblées, les cadeaux et les promenades, en un mot, toutes les choses de plaisir (…)
Molière, le Mariage forcé, 2.
38 (…) Jean-Paul redoutait les « parties » avec Lulu et son amie et quelques compagnons de plaisir dans les lieux de plaisir, cabarets artistiques, restaurants de nuit où l'on compose de la joie avec du champagne (…)
F. Mauriac, l'Enfant chargé de chaînes, XXIV.
———
IV ☑ Loc. Faire plaisir (à qqn) : se rendre agréable (à qqn), spécialt, en rendant service. ⇒ Bienfait, faveur, grâce, office (bon), service. || Je ne demande (cit. 21) pas mieux que de vous faire plaisir. || Il, elle ne cherche qu'à faire plaisir. ⇒ Obliger (→ Attention, cit. 45). || Ne pas manquer une occasion de faire plaisir (→ Attacher, cit. 82). || Il m'a fait un grand plaisir, un plaisir que je n'oublierai jamais (Académie). || Vous me ferez plaisir de… : vous m'obligerez en… (→ Aller, cit. 84). || Faites-moi le plaisir de n'en pas parler. ⇒ Amitié. || Voulez-vous me faire le plaisir de dîner avec moi ? ⇒ Invitation, politesse. (Au restaurant). || Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? : que désirez-vous ? — Iron. || Faites-moi le plaisir de vous taire, de prendre la porte !
39 Tais-toi donc ! murmura-t-il. Hein ? fais-moi le plaisir de te taire !
Zola, Nana, IX.
40 — Vous êtes dans les écritures, dans les bureaux. Ah ! mais c'est très bien aussi. — Vous dites ça pour me faire plaisir. Vous n'en pensez pas un mot.
G. Duhamel, Salavin, III, VI.
———
41 (…) de petits Italiens, portant de grandes boîtes de fer peintes en rouge où les numéros — perdants et gagnants — étaient marqués, et jouant d'une crécelle, proposaient : « Amusez-vous, mesdames, v'là le plaisir. »
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XI, p. 147.
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CONTR. Affliction, chagrin, déplaisir, douleur, fâcherie, géhenne, peine, tristesse. — Corvée, désagrément, ennui.
Encyclopédie Universelle. 2012.