Akademik

CHANT
CHANT

Le chant est d’abord expression naturelle de l’être humain, que la voix soit belle ou non, éduquée ou non. Qu’il soit plaisir pur, qu’il ait vocation cultuelle, esthétique ou cathartique, qu’il se réclame de traditions millénaires ou des formes policées de l’art classique, le chant est à la fois sonorité pure et véhicule de pensée, encore que le mot, onomatopée domestiquée, soit lui-même pensée et sonorité pure, ainsi que l’exprime Marcel Beaufils dans Musique du son, musique du verbe . Mêlant donc l’incantation à la récitation, la magie à la raison, le dionysiaque à l’apollinien, qu’il soit savant ou intuitif, le chant est fonction de la langue parlée: il en est plus proche dans les civilisations linguistiques de type magique (langues asiatiques, méditerranéennes, etc.) alors qu’il peut apparaître comme une création plus arbitraire, offrant un plaisir moins immédiat, dans les civilisations nordiques et rationnelles aux langues moins accentuées.

Par ailleurs, le larynx, qui, de tous les facteurs concourant à la phonation, est celui qui donne au chant toute sa personnalité, est défini comme un organe sexuel, sa détermination première, sa croissance et ses anomalies étant étroitement fonction du système génital. On comprend donc à quel point le chant reflète le plus profond de l’être, et pourquoi il est appelé à séduire, au sens le plus large du terme, qu’il s’agisse de musique vocale sacrée ou profane, traditionnelle ou écrite.

Traditions orales, folklore, ou chant classique?

Laissant hors de notre propos la musique de variété où le chant est essentiellement diction, et tributaire des médias sonores, nous distinguons deux formes de chant, quasi irréductibles dans leurs origines et leurs finalités: d’une part, le chant «classique», qui, depuis quatre siècles, répond à des conventions bien définies, et qui, parce qu’il tend à l’universalité, peut convenir aux ethnies les plus variées; d’autre part, le chant dit des traditions orales, qui, pour des raisons phonétiques et culturelles, ne concerne que des groupes humains précis. En effet, si rien ne distingue des chanteurs lyriques de races blanche ou noire, si l’école anglo-saxonne s’est imposée dans les patrimoines chantés allemand ou italien, si les chanteurs extrême-orientaux s’y affirment de mieux en mieux, il est difficile de concevoir qu’un chanteur d’opéra puisse allier son art à celui du r ga hindou, au chant d’excision ivoirien, aux modulations du flamenco, etc.

Une autre divergence importante entre ces deux expressions du chant vient de ce que le répertoire lyrique sacré ou profane est, pour l’essentiel, écrit ou codifié, et en perpétuel devenir dans son interprétation, puisque étroitement associé à l’évolution de l’écriture musicale ; au contraire, les chants de traditions orales, rarement inscrits (mais soumis à des règles non moins strictes), ont pour mission de conserver, inchangé, un patrimoine culturel sacré ou profane ancien. On peut affirmer, ainsi, que les récitations védiques, de nombreux rituels tibétains, les expressions vocales des aborigènes d’Australie ou de certaines ethnies de l’Afrique noire ont traversé parfois quatre millénaires, ou plus, sans subir d’altération notable. De formation plus récente, les chants des religions judéo-chrétiennes ont été aisément conservés. Ajoutons d’ailleurs qu’il serait vain de séparer profane et sacré, le premier étant toujours né du second, dont il diffère encore bien peu dans certaines cultures.

À l’inverse, le chant dit folklorique a souvent peu à voir avec les traditions orales; il s’apparente davantage à la chanson de création savante, et souvent assez récente (rarement plus de trois siècles, souvent moins de cent ans); il ressortit aisément au chant d’opéra ou à la mélodie, et convient à l’amateur comme au professionnel, ainsi qu’on le constate notamment dans le negro spiritual, la chanson napolitaine – née à la fin du XIXe siècle – ou la chanson espagnole, fort récente, et sans lien avec le flamenco andalou, ni avec les autres chants ibères anciens. Il n’en reste pas moins que, dans certains cas, les auteurs de ces chants ont su fixer des archétypes, et bien des ballades irlandaises, de vieux chants slaves, ceux de provinces françaises fortement individualisées (témoin la Corse ou le Pays basque) s’apparentent presque à la tradition orale ancestrale. Ajoutons que, plus récemment, certains types de chant ont pu naître de traditions détournées de leur culture originale aux fins d’être largement vulgarisés, comme en témoignent le phénomène «pop» et certains chants d’Amérique latine.

Les chants de traditions orales

En raison de leur nombre et de leur diversité, ils ne sauraient être simplement énumérés ici. Toutefois, certains traits leur sont communs, et notamment la sacralisation du chant, toutes les religions s’accordant à attribuer la naissance du monde au son (Jean, I, 1: «Au commencement était le verbe»...) et par conséquent au chant, indissociable de la parole. Cette croyance explique que, bien souvent, le chant soit, selon sa nature, lié à une fonction de la vie, sacrale ou non, à une heure du jour, une saison, un âge, un sentiment, un rite... Notons d’ailleurs que, dans la Grèce classique, Platon avait appliqué cette théorie de l’ethos au chant de la tragédie.

Outre leurs phonétiques particulières, ces chants reflètent l’expression de chaque culture, et on citera, à titre d’exemples significatifs, la méditation solitaire du chanteur de r ga, aux Indes, et les chants collectifs des groupements tribaux de l’Afrique noire; le chant du r ga, fort complexe, requiert, sur une étendue de trois octaves, des micro-intervalles irréductibles aux gammes tempérées du chant classique; il en est de même des échelles défectives des chanteurs noirs, d’une précision et d’une justesse quasi instrumentales. Ici et là, le chant se révèle affaire de professionnels, ayant parfois rang d’officiants. Notons que de curieuses affinités se rencontrent entre des civilisations très diverses, tel l’emploi du jodler (cette brusque alternance des registres de la voix, nommée aussi tyrolienne) au Japon, chez les Pygmées, au sein d’ethnies nordiques, etc.

Acte magique, le chant dispense son pouvoir d’envoûtement pour conduire à la paix de l’âme comme au déchaînement de forces surnaturelles: à toutes les étapes des civilisations se retrouvent les chants de transe, depuis celui de l’exarchon de la liturgie dionysiaque jusqu’à celui du sorcier africain. L’Église chrétienne jouera des pouvoirs multiples d’un chant, parfois organisateur du temps et de l’espace, ici facteur de paix par la ligne vocale sans aspérité du plain-chant (dit aussi grégorien), là par la vocalise jubilatoire de l’officiant à la chute de l’alléluia. Issu du sacré, le chant profane jouera des mêmes pouvoirs obsessionnels, qu’il s’agisse des troubadours, porteurs d’un message politique, ou, par le jeu des glissements géographiques, en passant des cantillations de la synagogue aux lectures ornées du Coran jusqu’au chant flamenco, pratiquement irréductible au chant classique.

Le chant classique

Au regard de tant de manifestations diverses, on peut réunir sous ce même vocable le vaste répertoire d’opéras, oratorios, lieder et mélodies, né voici quatre siècles sur une même convention du chant, étroitement balisé et codifié, et qui, s’il n’a connu que d’infimes modifications au niveau de l’émission de la voix, n’a, au contraire des chants de traditions, cessé d’évoluer dans sa finalité. Or, en toutes circonstances, ce chant se réclame d’impératifs absolus de beauté vocale, de virtuosité, soumis à la nécessité d’énoncer intelligiblement un texte ne varietur, supporté par une musique presque également immuable, en des lieux parfois fort vastes où le chanteur doit rivaliser avec un ou de nombreux instruments de musique. Cela implique une technique particulière et un apprentissage très sophistiqué dont les bases n’ont guère changé depuis quatre siècles; celles-ci concourent à l’homogénéité du chant par le mélange des registres de la voix, seul capable de permettre les infinies nuances d’expression des diverses composantes de ce chant classique. La découverte des mécanismes de la phonation n’a guère remplacé l’empirisme fondé sur l’audition et semble même avoir coïncidé avec une certaine décadence des canons de la beauté du chant.

Or si le chant classique débouche sur un phénomène social particulier, consistant à rémunérer le plaisir de chanter d’un individu en conviant une foule d’auditeurs passifs, on relèvera néanmoins bien des traits communs aux autres civilisations: l’envoûtement produit par le chant sur le public n’est pas sans évoquer parfois les transes collectives de maints rituels; ce chant puise ses principes dans le sacré, en l’occurrence dans le chant de l’Église romaine, qui, au XVIe siècle, entretient une école d’où proviennent les premiers virtuoses du domaine profane; cette Église intronise bientôt les chanteurs castrats, sur lesquels, durant deux siècles, reposera l’édifice du bel canto. En outre, ce difficile équilibre entre magique et rationnel trouve également là son origine, alors que, dès le début de la chrétienté, la cantillation simple, proche de la parole, s’adapte aux textes scripturaires, la psalmodie – donc l’incantation – aux paraphrases liturgiques, cependant que le chant se déploie avec somptuosité lors des grandes célébrations, et permet aussi à l’officiant de trouver sa catharsis profonde dans le jubilus d’alléluia. Nous retrouverons ces différences à tous les échelons du chant classique, qu’il soit opéra, mélodie ou musique religieuse d’apparat, avec son chant syllabique presque récité – le récitatif – où il importe de donner la priorité au texte, avec, d’autre part, le chant mélismatique ou chant orné – et donc incantatoire –, lorsque l’aria exprime le sentiment et non plus l’action.

Dans cet art de plaisir, ou de pure spéculation esthétique, seuls des phénomènes sociaux pouvaient influencer l’évolution du chant. Destiné à l’aristocratie, le bel canto d’obédience italienne s’adresse jusqu’en 1830 (soit jusqu’aux adieux de Rossini) à un public attentif au savoir-faire, à la beauté du chant, public plus attiré par son pouvoir d’irrationnel que par le support des mots. Notons toutefois que, en France, ce même public, réservé vis-à-vis du merveilleux et de l’irrationnel, préféra au bel canto un chant plus proche du récitatif, enrichi parfois, et notamment grâce à Rameau, d’un apport lyrique, l’arioso.

C’est une première pression sociale qui, en favorisant l’éclosion de l’opera buffa italien et de l’opéra-comique européen, devait, dès le XVIIIe siècle, tenter de réduire le chant à une syllabisation plus immédiatement accessible, sans pouvoir éviter que ces formes nouvelles ne fussent bientôt récupérées par le chant d’opéra; la Restauration aidant, les mouvements libertaires et préromantiques de la fin du siècle ne devaient guère influencer sensiblement le chant avant les bouleversements de 1830. À de nouveaux publics, il fallut alors autre chose que les conventions hédonistiques du bel canto: on assista donc à la naissance du lied et de la mélodie, qui s’ouvrent davantage à un chant syllabisé, abandonnant l’élément magique à l’instrument; ailleurs, l’éveil des nationalismes s’affranchit du chant italien, assimilant au chant savant certaines traditions populaires, notamment en Europe centrale. Dans le chant sacré et le chant d’opéra, la vieille disparité entre récitatif et aria s’efface derrière un arioso où le «récité» et le «chanté» s’égalisent (et, en Allemagne, Wagner jouera sur l’incantation pure de la sonorité du mot). Enfin, pour mieux traduire les élans libertaires des héros de l’opéra historique et politique, les chanteurs renonceront à la magie de la vocalise pour lui substituer l’effet non moins envoûtant de la puissance de la voix, et surtout des notes aiguës: le fameux «ut de poitrine» émis en 1831 par le ténor français Gilbert Duprez dans Guillaume Tell , de Rossini, aura de profondes répercussions sur l’art du chant et sur son nouveau public.

Les courants naturalistes, fort éphémères, auront ensuite moins d’influence sur le chant que les besoins d’un public neuf, plus ouvert socialement, plus soucieux du plaisir épidermique d’un chant assez violemment déclamé auquel souscrivent les écoles française et allemande que sensible aux anciens raffinements du bel canto. Le XXe siècle, dans un souci de démocratisation encore plus large du chant, apportera seulement quelques pierres nouvelles à l’édifice – le Sprechgesang allemand ou «chant parlé», la chanson, l’assimilation au chant du rire et de diverses onomatopées, etc. – sans pour autant rompre avec les principes essentiels du chant classique.

Le chanteur

Isolé du chœur ou de petits ensembles de musique de chambre vocale, le chanteur soliste a toujours semblé investi d’une mission quasi sacrale, non sans contrepartie dans son rôle d’officiant soumis au châtiment céleste en cas de manquement aux règles de l’ethos, passible de mort dans le cas de certains griots à la mémoire infidèle. Il peut appartenir à une caste, tenir sa charge et son art de l’hérédité, mais être soumis aux vicissitudes des mœurs: certaines religions vénèrent les chanteuses, d’autres les assimilent aux prostituées. Dès le VIIIe siècle, le diacre, choisi en fonction de son talent de chanteur, est ambassadeur politique, comme le seront les troubadours occitans traqués par Rome, qui, plus tard, admettra implicitement la castration précoce qui fait du chanteur une vedette aux cachets fabuleux, mais, comme à Naples, relègue les cantatrices aux quartiers réservés, ou, en France, les excommunie. À la vogue des castrats, au talent hors pair, succède, au XIXe siècle, celle des cantatrices (le terme prima donna est honorifique), puis au XXe celui du ténor. Par le truchement des médias, de la publicité, du disque, on assiste désormais à la commercialisation des officiants, chanteurs des traditions orales, présentés sur des scènes de théâtre comme facteurs de divertissement. En fait, si l’art du chanteur véritable repose toujours sur un don exceptionnel, que seul un travail sans concession de plusieurs années peut faire accéder à une renommée justifiée, il n’en demeure pas moins que les mécanismes sociaux actuels, jouant sur la célébrité que la fascination du chant a portée jusqu’aux lieux les plus reculés grâce au disque et à la radio, ont créé une caste restreinte de «stars» de la scène lyrique, sélectionnées selon des critères où le chant n’est pas seul pris en compte. Quels que soient les abus de ce système, il n’en demeure pas moins fondé sur le pouvoir parfaitement irrationnel que le chant exerce sur l’être humain.

1. chant [ ʃɑ̃ ] n. m.
XIIe; lat. cantus
1Émission de sons musicaux par la voix humaine; technique, art de la musique vocale. L'art du chant. voix; bel canto; ambitus, appui, articulation, attaque, émission, intonation, modulation, phrasé , vibrato. Apprendre le chant. Suivre des cours de chant. École, professeur de chant. 2. conservatoire. Exercices de chant. gamme, vocalise.
2Suite de sons émis par la personne qui chante. Un chant mélodieux, harmonieux. Chant discordant. cacophonie. Fig. Le chant des sirènes.
Spécialt Composition musicale destinée à la voix, généralement sur des paroles. Chants profanes. 3. air, 2. aria, ariette, aubade, ballade, blues, chanson, fado, mélodie, mélopée, psalmodie, ranz, récitatif, roulade, sérénade, tyrolienne, vocero. Chants populaires, folkloriques. Chant patriotique. hymne. Chants sacrés. alléluia, antienne, cantique, gospel, motet, negro-spiritual, psaume. Chant de Noël. noël. Tour de chant.
3Forme particulière de musique vocale. Chant d'église. déchant, plain-chant; ambrosien, grégorien. Chant à une seule voix ( monodie, solo) , à deux, trois voix ( duo, trio) . Chant choral à une voix ( homophonie, unisson) , à plusieurs voix ( polyphonie; 2. canon, chorale, chœur) . Formes musicales destinées au chant. opéra, opéra-comique, opérette, vaudeville; cantate, choral, messe, oratorio, requiem.
4Par ext. Partie mélodique de la musique. mélodie. L'harmonie soutient, étoffe le chant.
5Par anal. Bruit harmonieux. Le chant du violon. Le chant des oiseaux. gazouillis, 1. ramage. Le chant de la cigale, du grillon. stridulation. Le chant des baleines. Au chant du coq. Fig. Le chant du cygne.
6Poésie lyrique ou épique destinée, à l'origine, à être chantée. Les chants de Pindare, d'Anacréon. Chant nuptial. épithalame. Chant funèbre. Chant Royal : forme poétique française de cinq strophes et un envoi, chacune des six parties se terminant par un même vers, le refrain. — Spécialt Division d'un poème épique ou didactique. Les douze chants de l'Énéide. « Les Chants de Maldoror », épopée en six chants de Lautréamont. Poét. La poésie, les poèmes. « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux » (Musset).
⊗ HOM. 1. Champ. chant 2. chant [ ʃɑ̃ ] n. m.
XIIe; lat. canthus « bande qui entoure la roue »
Rare Face étroite (d'un objet, et particult d'un parallélépipède). Le chant d'une brique, d'un livre (opposé à plat) . Cour. DE CHANT. Mettre, poser une pierre de chant, sur chant, de sorte que le sens de sa longueur soit horizontal.

chant nom masculin (latin cantus) Suite de sons modulés émis par la voix humaine, qui, par la différence des intonations, produisent des sensations variées : Chant mélodieux. Action par laquelle la phonation, intensifiée et variée, devient musique. Art de produire par la voix des sons mélodieux, des œuvres musicales : Prendre des leçons de chant. Émission sonore spécifique produite par les oiseaux mâles matures dans le cadre du comportement reproducteur. Émission sonore produite par le battement des ailes de certains insectes : Le chant des cigales. Littéraire. Ce qui imite, évoque le chant humain ou le chant des oiseaux : Le chant d'une source. Poésie chantée, composition musicale, vocale ou instrumentale : Chants populaires. Toute composition en vers de style noble. Chacune des divisions d'un grand poème épique ou didactique. Dans les œuvres du Moyen Âge, type du discours ou du dialogue particulier, se distinguant du récit. Partie d'une composition musicale à laquelle est confiée la mélodie principale. ● chant (citations) nom masculin (latin cantus) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 L'homme pense son propre chant, et ne pense rien d'autre. Propos de littérature Gallimard Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 Je chante parce que l'orage n'est pas assez fort pour couvrir mon chant. Les Yeux d'Elsa Cahiers du Rhône Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 On pourra m'ôter cette vie, mais on n'éteindra pas mon chant. Les Yeux d'Elsa Cahiers du Rhône Marcel Arland Varennes-sur-Amance 1899-Saint-Sauveur-sur-École, Seine-et-Marne, 1986 Académie française, 1968 Nous portons deux ou trois chants, que notre vie se passe à exprimer. Antarès Gallimard Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 Il suffit de chanter un chant de paix avec grimace et gesticulation pour qu'il devienne un chant de guerre. La guerre de Troie n'aura pas lieu, II, 4, Pâris Grasset Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Ce serait une erreur de croire que ces choses Finiront par des chants et des apothéoses […]. Les Châtiments, l'Expiation, VII, 10 Pierre Jean Jouve Arras 1887-Paris 1976 Pas de plus ample chant que le chant qui finit. Pas de plus douce main que la main qui s'enfuit. Diadème Mercure de France Stéphane Mallarmé Paris 1842-Valvins, Seine-et-Marne, 1898 Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots ! Poésies, Brise marine Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 Les plus désespérés sont les chants les plus beaux Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots. Poésies, la Nuit de mai Tristan Tzara Moineşti, Roumanie, 1896-Paris 1963 Le chant et le silence mon beau pays de joie […]. Terre sur terre Les Trois Collines, Genève Bernard de Ventadour château de Ventadour vers 1125-abbaye de Dalon fin du XIIe s. Chanter ne peut guère valoir Si au-dedans du cœur ne se lève le chant ; Ni le chant ne peut du cœur s'élever Si n'y réside l'amour pur. Chantar no pot gaire valer Si d'ins del cor no mov lo chans, Ni chans no pot del cor mover Si no i es fin' amors corans. ● chant (homonymes) nom masculin (latin cantus) champ nom masculinchant (synonymes) nom masculin (latin cantus) Art de produire par la voix des sons mélodieux, des...
Synonymes :
- vocalise
Littéraire. Ce qui imite, évoque le chant humain ou le chant...
Synonymes :
- gazouillis
- roucoulement
Poésie chantée, composition musicale, vocale ou instrumentale
Synonymes :
- cantique
- litanie
- romance
chant ou champ nom masculin (latin canthus, bande de fer qui entoure la roue, d'origine celtique ;) Le plus petit côté de la section d'une pièce équarrie. ● chant ou champ (difficultés) nom masculin (latin canthus, bande de fer qui entoure la roue, d'origine celtique ;) Sens et orthographe On écrit : poser un madrier de chant, sur chant (sur sa face la plus étroite), et non de champ, sur champ. ● chant ou champ (expressions) nom masculin (latin canthus, bande de fer qui entoure la roue, d'origine celtique ;) De chant, sur chant, dans le sens de la longueur et sur la petite face, dans un plan vertical : Poser des briques de chant.chant ou champ (homonymes) nom masculin (latin canthus, bande de fer qui entoure la roue, d'origine celtique ;) champ nom masculin

chant
n. m.
d1./d Succession de sons musicaux produits par l'appareil vocal; musique vocale. Apprendre le chant avec un professeur.
|| Chant grégorien. Chant choral.
d2./d Composition musicale destinée à être chantée. Chants profanes, chants sacrés.
|| Partie mélodique d'une composition vocale ou instrumentale.
d3./d Par anal. Ramage des oiseaux. Le chant du rossignol.
d4./d Poésie destinée à être chantée. Chant nuptial, funèbre.
d5./d Chacune des divisions d'un poème épique ou didactique. épopée en douze chants.
d6./d Plur. POET Les chants: la poésie, les poèmes. "Les Chants du crépuscule", de Victor Hugo.
————————
chant
n. m. TECH Partie la plus étroite d'une pièce, par oppos. aux parties plus longues ou plus larges. Poser des briques sur chant, horizontalement, sur la face la plus étroite.

I.
⇒CHANT1, subst. masc.
I.— A.— MUS. VOCALE. Intonation particulière de même nature que celle de la parole, à la différence que dans le chant la voix s'élève et s'infléchit bien davantage en modulant sur les différents degrés de l'échelle diatonique accessibles au registre du chanteur. Un virtuose du chant; un maître de chant; les vocalises du chant :
1. Il n'y a qu'une manière d'imaginer un chant, c'est de le chanter. Et si la belle pense à un pas de danse, regardez ses talons. Et le poète n'imagine pas un beau vers, il le fait. La parole, le chant, la danse sont des choses réelles dans le monde, des choses que l'on entend ou que l'on voit.
ALAIN, Propos, 1930, p. 931.
B.— P. méton. [Suivi d'un adj. déterminatif ou d'un compl. déterminatif prép. de] Composition musicale destinée à la voix.
1. Genre particulier de la musique vocale. Chant ambrosien, choral; chant d'église, d'opéra; chant folklorique, liturgique. Il révisa le chant grégorien dont les chantres avaient altéré les textes (HUYSMANS, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 281) :
2. Les deux souverains ayant pris leur place accoutumée, l'office commence par le beau chant des psaumes qu'accompagne l'assistance toute entière. C'est le plain-chant du moyen âge, où vibre encore l'âme du peuple.
MICHELET, Sur les chemins de l'Europe, 1874, p. 331.
3. ... en les entendant, Durtal jaillissait, transporté hors de lui-même par ce chant étrange et pénétrant; c'était une sorte de mélopée courant dans le récit, revenant avec des retours flottants de ritournelles; ce chant était monotone et angoissant et presque câlin, aussi; et cette impression de bercement et de peine, on l'éprouvait également pendant les lamentations de ténèbres, chantées sur quelques tons à peine, ...
HUYSMANS, L'Oblat, t. 2, 1903, p. 63.
2. Type particulier de chant. Chant d'adieu, de deuil, de marche, de triomphe, de victoire; chant patriotique, populaire, profane, religieux, révolutionnaire, sacré. C'étaient [les forgerons du Smiasen révoltés] des hommes (...) qui marchaient (...) sans autre chant de guerre que les psaumes et les cantiques de la bible (HUGO, Han d'Islande, 1823, p. 391). Un chant flamenco monta : guttural, intense, il tenait du chant funèbre et du cri désespéré des caravaniers (MALRAUX, L'Espoir, 1937, p. 535) :
4. ... Vous qui chantez — c'est votre chant — vous qui chantez tous bannissements au monde, ne me chanterez-vous pas un chant du soir à la mesure de mon mal?
un chant de grâce pour mes lampes,
un chant de grâce pour l'attente, ...
SAINT-JOHN PERSE, Exil, Poème à l'étrangère, 1942, p. 285.
3. Procédé de chant. Chant alterné, polyphonique; chant en canon; chant en ison, ou chant égal, qui utilise seulement deux notes. Le chant antiphonique, ou à deux chœurs, chez les Grecs, répétait une même mélodie à l'octave supérieure (J. COMBARIEU, La Mus., 1910, p. 151). Comme un chant repris « en voix de tête » une octave au-dessus (PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 64).
4. Tel chant particulier. Le chant du Départ, de la Marseillaise; le chant des Pêcheurs de Perles. Le Chant des chants. Synon. du plus usuel le Cantique des cantiques. Ah! c'est le chant des chants, Démétrios! C'est le cantique nuptial des filles de mon pays. « J'étais endormie, mais mon cœur veillait, c'est la voix de mon bien-aimé... » (, Aphrodite, 1896, p. 178).
En compos. Guide-chant. Le maître fait marcher de pair l'enseignement du solfège et les exercices vocaux accompagnés le plus possible au piano ou, à défaut, au guide-chant (L'Enseign. en France. L'enseign. de la mus. et l'éduc. musicale, 2, 1950, p. 11).
Expr. fig. Le chant des sirènes. Un langage séduisant et trompeur.
II.— P. ext.
A.— 1. Usuel [En parlant d'oiseaux ou d'insectes] Chant de l'alouette, du coucou, du rossignol, de la tourterelle; chant des cigales, du grillon.
Loc. fig. Le chant du cygne. Dernière composition, supposée la plus belle, d'un artiste ou d'un poète, par allusion à la légende de l'Antiquité suivant laquelle le cygne chanterait au moment de sa mort.
P. ext. On peut dire que la Chambre des pairs eut son chant du cygne dans ce dernier discours de M. de Montalembert (SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, t. 1, 1851-62, p. 87).
2. [En parlant de phénomènes de la nature] Le chant des arbres, de l'eau, des fontaines, de la mer, du vent. Ô bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits! Pour un cœur qui s'ennuie, Ô le chant de la pluie! (VERLAINE, Romances sans paroles, Ariettes oubliées, 1874, p. 14). Le chant grave de la forêt ondulait lentement et frappait là-haut dans le nord, contre les montagnes creuses (GIONO, Le Chant du monde, 1934, p. 17).
Spéc. Le chant du grisou. Un petit bruissement (...) que les mineurs appellent chant du grisou. On dit également que le gaz frise (J.-N. HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Cours d'exploitation des mines, 1905, p. 708).
3. Tout bruit assez agréable. Le chant des fourchettes, des machines, d'une scie. Le chant modulé de la lampe qui file (GIONO, Colline, 1929, p. 133). J'entendis s'éteindre sur la grand-route le chant du moteur (P. VIALAR, Le Bon Dieu sans confession, 1953, p. 168).
B.— MUS. INSTRUMENTALE
1. Littér. Mélodie très harmonieuse. Le chant de la flûte, des guitares :
5. Et un chant perçait déjà l'air, chant de sept notes, mais le plus inconnu, le plus différent de tout ce que j'eusse jamais imaginé, à la fois ineffable et criard, non plus roucoulement de colombe comme dans la sonate, mais déchirant l'air, (...) quelque chose comme un mystique chant du coq, un appel, ineffable mais suraigu, ...
PROUST, La Prisonnière, 1922, p. 250.
2. Spéc. Partie d'une composition de musique instrumentale exprimant la mélodie principale. Le chant de la main droite. Le chant de violon s'exprime en ut majeur, dans la tonalité la plus apaisée (R. ROLLAND, Beethoven, t. 2, 1928, p. 389). Il suivait le chant du piano avec une attention de toutes les fibres (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 24) :
6. Les mêmes personnes [les amateurs], dans l'exécution d'un morceau de piano à 4 mains, disent « jouer le chant » pour jouer la partie supérieure, celle qui est notée en clef de sol, parce que, dans la musique moderne, la mélodie se trouve le plus souvent placée à l'aigu.
M. BRENET, Dict. pratique et historique de la mus., 1926, p. 66.
C.— LITTÉRATURE
1. Poème lyrique ou épique; partie d'un poème. Une épopée en vingt-quatre chants. Pour lui [Byron], en écoutant le troisième chant de Childe Harold, il fut ému et découragé (MAUROIS, Ariel ou la Vie de Shelley, 1923, p. 212). Homère, au chant XVI de l'Odyssée, montre Ulysse et le divin porcher préparant le repas du matin (Arts et litt. dans la société contemp., 1935, p. 6401).
Au plur. Les chants du poète; les chants du Crépuscule de V. Hugo.
2. Ce qui constitue la poésie : l'euphonie verbale, le rythme. Le chant des mots; le chant d'un style. Le poète est celui qui dit par le chant et par une magie particulière son dialogue avec l'univers (BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, p. 146) :
7. Que ma parole encore aille devant moi! et nous chanterons encore un chant des hommes pour qui passe, un chant du large pour qui veille : ...
SAINT-JOHN PERSE, Exil, Pluies, poème numéro 6, 1942, p. 252.
8. Un chant jusque-là inouï fait éclater le chant du vers classique. La modulation déplace le rythme, suspend un instant la voix comme perdue dans la solitude du veuvage éternel, et prolonge le récitatif par l'ampleur du mot qui s'étend à la rime sur un espace de désolation — tandis qu'au vers suivant se lève aux confins du rêve un personnage de légende détruite : Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé, le prince d'Aquitaine à la tour abolie...
M.-J. DURRY, Gérard de Nerval et le mythe, 1956, p. 167.
III.— P. métaph. [Le chant; expression d'un contenu]
A.— Le chant en tant que parole musicale exprimant dans une composition lyrique les désirs, la nostalgie, la joie, tous les sentiments de l'âme humaine. Beau chant, chant triste; chant d'amour. Le chant de Sole Mio s'élevait comme une déploration de la Venise que j'avais connue, et semblait prendre à témoin mon malheur (PROUST, La Fugitive, 1922, p. 653) :
9. ... le charme désespéré mais fascinateur de ce chant. Chaque note que lançait la voix du chanteur avec une force et une ostentation presque musculaires venait me frapper en plein cœur. Quand la phrase était consommée en bas et que le morceau semblait fini, le chanteur n'en avait pas assez et reprenait en haut comme s'il avait besoin de proclamer une fois de plus ma solitude et mon désespoir.
PROUST, La Fugitive, 1922 p. 654.
10. ... le chant qui conjure et célèbre. Orphée est le dieu du Chant : (...); le chant est existence.
Célébrer, c'est cela! être dont l'office est de célébrer.
RICŒUR, Philos. de la volonté, 1949, p. 446.
SYNT. Chant doux, mélancolique, mystérieux, plaintif, pur, suave.
B.— Ce qui monte, s'élève, s'exhale d'un pays, d'une œuvre d'art, d'un ensemble, d'une personne; ce qui se dégage de particulier ou d'essentiel. Le Chant général (titre d'une œuvre de P. Neruda); le Chant du monde (titre d'une œuvre de J. Giono). Il y avait un chant triste au bord de tout (J. BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-36, p. 173). Le chant de la terre entière (CAMUS, Noces, 1938, p. 88). Trop longtemps il n'avait entendu que le chant profond de son propre cœur (GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des « Confessions », 1948, p. 145). Derrière eux, les klaxons, les sifflets, les sirènes : un ramage d'oiseaux de fer, le chant de la haine (SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, p. 16). Le musée imaginaire est le chant de l'histoire (MALRAUX, La Voix du silence, 1951, p. 622) :
11. ... elle [Donna Marie] parle, et voici que, douce, timide, toujours soumise, elle devient forte, et d'une voix nette desséchée, elle dit tous ses griefs, ce qu'elle a deviné (...). C'est le chant de la fierté, du naturel dédain, de l'antique et claire hauteur. Antoine ne reconnaît pas son amie plaintive et penchée.
A. DE NOAILLES, La Domination, 1905, p. 167.
12. Nous l'aimons [Pascal] parce que cette sensibilité qui s'exhale de son œuvre c'est le chant de notre destinée morale, c'est un phare où s'oriente notre destin.
BARRÈS, Mes cahiers, t. 7, 1907, p. 203.
13. Le chant grave des espaces intérieurs de Sainte-Sophie, et des hypogées d'Égypte, de la mosquée impériale d'Ispahan et des bas-côtés de la cathédrale de Bourges, donne tout leur sens à la colonnade de Karnak et à celle du Parthénon, aux tours épiques de Laon, à la place du Capitole...
MALRAUX, La Voix du silence, 1951, p. 625.
SYNT. Le chant des colonnes, du désert, du silence; le chant des couleurs; le chant de l'absence, de la reconnaissance.
C.— Expression de la beauté, du bonheur. [Sertorius :] ... sans toi, ma fille, je ne jouirais de rien au monde (...) Tu es le soleil qui éclaire tout; tu fais le chant de ma vie! (O. FEUILLET, Scènes et comédies, 1854, p. 82). [Dans le Moulin de la Galette, par Renoir] il y a là un chant de la lumière, un hymne de joie, (...) le poète a transfiguré le vrai (C. MAUCLAIR, Les Maîtres de l'impressionnisme, 1904, p. 131).
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. chantement (prob. un occitanisme). Chant. Le chantement pieux des petites filles porteuses de roses et de lys sur les pavés doux et naïfs (JAMMES, Correspondance avec A. Gide, 1893-1938, p. 50).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. champ. Étymol. et Hist. 1. Début XIIe s. « émissions de sons musicaux par la voix humaine » (Psautier Oxford, 68, 35 ds T.-L.); 1541 « genre particulier de musique vocale » chants à quatre parties (CALV[IN], Instit., 711 ds LITTRÉ); 1690 partie mélodique de la musique (FUR.); 2. fin XIIIe s. p. anal. chant des oisiaus (Clef d'amour, éd. Doutrepont, 2597); XIVe s. « jeu d'un instrument » (Batard de Bouillon, 3521 ds T.-L.); 1857 son mélodieux d'un instrument [le] chant des violons (BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal, p. 169); 3. 1521 [date de composition] Chant Royal « poème à forme fixe, composé de 5 couplets construits sur les mêmes rimes et terminés par un refrain » (Cl. MAROT, Chant Royal de la Conception nostre Dame ds Œuvres diverses, éd. Mayer, p. 175); 1644 division d'un poème épique (SCARRON, Le Typhon ou la Gigantomachie, [éd. 1786] : chant premier, chant second, etc.). Du lat. class. cantus « chant d'un humain, d'un oiseau », « son d'un instrument », « poème ». Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, p. 106. — GUIRAUD (P.). Mél. d'étymol. arg. et pop. Cah. lexicol. 1970, t. 17, p. 6.
II.
⇒CHANT2, CHAMP2, subst. masc.
TECHNOL. Face la moins large d'un objet parallélépipédique. Le chant d'une brique, d'un livre, d'une planche; poser à, de, sur chant. ,,Poser de chant des briques, des pierres, des solives`` (Ac. 1932). Cf. barrique ex. 2. L'angle formé par le chant de la plinthe et le mur (BONNEL-TASSAN 1966) :
... je me rendis dans l'église avec l'espoir de trouver quelques inscriptions mises à découvert par les ouvriers. Je ne me trompais pas. L'architecte me montra une pierre qu'il avait fait poser de champ, contre le mur.
A. FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1881, p. 293.
Rem. On rencontre avec le même sens le subst. masc. can ou cant, terme de charpent., attesté ds BESCH. 1845, Lar. 19e-20e, LITTRÉ et QUILLET 1965 et terme de mar. attesté ds QUILLET 1965 avec le même sens. Sur le cant, de cant. De côté.
Prononc. et Orth. :[]. Écrit chant ds Ac. 1932. Cf. aussi ds DG, ROB., Lar. encyclop., QUILLET 1965 et Lar. Lang. fr. pour lesquels champ n'est qu'une vedette de renvoi à chant. L'anc. graph. champ considérée comme abusive par les dict. cités est empl. comme vedette ds Ac. 1694-1878. Cf. aussi ds LITTRÉ qui préconise cependant dans une rem. la forme chant, ds Pt Lar. 1906, Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e qui soulignent également que l'orth. chant serait préférable. Ds la docum. on rencontre la graph. champ p. ex. ds E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1862, p. 1151, ou ds GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, p. 685. Noter comme terme de charpent. la var. dial. norm. et anc. can(t), ds BESCH. 1845 qui l'écrit can et qui propose en outre la forme khan, ds LITTRÉ et DG qui l'écrivent cant, ds Lar. 19e-20e et QUILLET 1965 qui admettent can ou cant. Tous ces dict. renvoient à chant2, champ2. On rencontre l'homon. de cette var. dial. comme terme de mar. ds Lar. 19e Suppl. 1890, ds Lar. 20e, Lar. encyclop. et QUILLET 1965 qui admettent can ou cant. Étymol. et Hist. 1155-60 de chant « sur le côté » (Thèbes, éd. L. Constans, 8888) en a. et m. fr. seulement; repris au XVIIe s. ds les expr. de champ « posé horizontalement » (FUR. 1690), « posé sur la partie la moins large » (Trév. 1704) et roue de champ « roue qui a des dents perpendiculaires au plan de rotation » (FUR. 1690). Du lat. canthus « bande de fer qui entoure la roue » prob. d'orig. celt. plutôt qu'esp. ou africaine comme l'indique Quintilien (Inst., 1, 5, 8 ds TLL s.v., 282, 83).
STAT. — Chant1 et 2. Fréq. abs. littér. :5 688. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 9 269, b) 8 168; XXe s. : a) 8 509, b) 6 785.

1. chant [ʃɑ̃] n. m.
ÉTYM. XIIe, Psautier d'Oxford (sens 1); du lat. cantus.
1 (Le chant). Émission de sons musicaux par la voix humaine; technique, art de la musique vocale. || L'art du chant. Voix; bel canto, musique; accent, appui, attaque, débit, émission, intonation, liaison, modulation, phrasé, timbre, vocalise; déclamation (lyrique), sprechgesang. || École, professeur de chant. Conservatoire; solfège. || Exercices de chant (→ ci-dessous, cit. 4, 6 et 7).
(Un, des chants). Suite des sons émis par une personne qui chante. || Chant mélodieux, harmonieux. || Chant discordant, bruyant. Beuglement, bruit, cacophonie, cri, gueule (coup de gueule). || Entonner un chant. || Interpréter un chant. || Écouter un chant (→ ci-dessous, cit. 1, 2 et 7.1).
Spécialt. Composition musicale destinée à la voix, généralement sur un texte, un poème (→ ci-dessous, cit. 5). || Chant épique, de guerre. || Chant national, patriotique. Hymne. || Chant populaire, folklorique ( Folklore). || Chant d'allégresse, de joie. || Chant de deuil, de lamentation. || Le thrène, les Nénies, chants funèbres grecs. || Chant d'adieu. || Chant lyrique, chant d'amour. || Chants profanes… 3. Air, 2. aria, ariette, arioso, aubade, ballade, barcarolle, bardit, blues, cantabile, cantilène, cavatine, chanson, complainte, couplet, fado, lied, mélodie, mélopée, péan, psalmodie, ranz, récitatif, refrain, rhapsodie, romance, roulade, sérénade, spiritual, tyrolienne, variation, vocero… || Chants sacrés, liturgiques, religieux. || Chants d'Église. Antienne (et antiphone), cantique, hymne, litanie, motet, prose, psaume, répons, séquence; agnus Dei, alléluia, hosanna, magnificat, miserere, noël, requiem, Te Deum… || Recueil des chants de l'office. Antiphonaire, hymnaire, psautier.
Spécialt (qualifié). Forme particulière de musique vocale (→ ci-dessous, cit. 3). || Chant ambrosien. || Chant grégorien : chant ordinaire de l'Église catholique romaine. Plain-chant; déchant, neumeChant à une seule voix. Homophonie, monodie, solo, unisson. || Chant collectif, chant choral, chant à plusieurs voix. Polyphonie; canon, choral, chœur; duo, trio; et aussi chantrerie, manécanterie, maîtrise, psallette, schola. || Chant amébée; chants alternés. || Formes musicales destinées au chant. Opéra, opéra-comique, opérette, vaudeville; cantate, choral, messe, oratorio… || Chant sans accompagnement, a cappella.Morceau de chant. || Motif, leitmotiv d'un chant. || Paroles, musique, partition d'un chant. || Canevas d'un chant.
1 (…) et quant aux merveilles
Dont votre divin chant vient frapper les oreilles (…)
La Fontaine, Fables, XI, 5.
2 Elles (les courtisanes)chantaient, et leur chant traînait comme la mer, soupirait comme le vent du midi, haletait comme une bouche amoureuse.
Pierre Louÿs, Aphrodite, II, VI.
3 (…) le chant grégorien semble emprunter au gothique ses lobes fleuris, ses flèches déchiquetées, ses rouets de gaze, ses trémies de dentelles, ses guipures légères et ténues comme des voix d'enfants.
Huysmans, En route, p. 9.
4 Bref, tout se passe comme si musique, chant et danse étaient sortis du même foyer, dans une sorte d'explosion unanime d'allégresse et de jubilation.
Francis de Miomandre, Danse, Introduction, p. 4.
5 (…) L'internationale, gueulée sans trêve, à pleines voix, déployait son chant puissamment martelé, qui était comme la pulsation de tous ces cœurs.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 62.
6 On peut diviser l'art du chant en cinq chapitres : 1. La respiration. 2. L'émission, c'est-à-dire la production de la voix (…) 3. La virtuosité, qui est l'utilisation musicale de l'instrument vocal. 4. Le chant avec paroles (…) 5. Le chant artistique et expressif, synthèse des éléments précédents.
Th. Salignac, in Encycl. franç., XVI, I, 36, 7.
7 Le chant est une fonction naturelle à l'homme (…) On chante pour rythmer son travail, pour stimuler son plaisir, on chante pour bercer sa peine ou pour épancher sa joie. Et l'on chante le plus souvent sans raison, machinalement, en accomplissant les actes les plus ordinaires (…)
Initiation à la musique, p. 119.
7.1 Les rues sont pleines de troupes en armes qui défilent en scandant des chants rythmés, aux intonations basses, plus nostalgiques que joyeuses.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 211-212.
(Dans un titre). || Les quatre Chants sérieux, de Brahms. || Le Chant du Départ.Le Chant des chants (cour. : le Cantique des cantiques).
Loc. fig. Chant des sirènes : discours séduisant et trompeur. || N'écoutez pas le chant des sirènes.
2 Partie mélodique de la musique. Mélodie. || L'harmonie soutient, étoffe le chant. || Le chant est repris par les hautbois.
3 (Le, un chant de…). Bruit harmonieux, d'origine musicale ou non. Chanson I., 2. || Le chant du violon. || Le chant des oiseaux, de l'alouette, de la fauvette, du rossignol. Gazouillis, ramage. || Le chant des insectes, de la cigale, du grillon. Stridulation. || Le Chant du Monde, titre d'un roman de J. Giono. || Le Chant de la Terre (das Lied des Erde, de Mahler).
8 L'insecte (…) s'interrompt et va rapidement porter son chant ou sa plainte à un autre point de rappel.
G. Sand, François le Champi, Avant-propos, p. 7.
9 Le deuxième Paradis était celui des oiseaux, situé dans un bocage frais où leurs chants ruisselaient sur les feuilles des aulnes qui en devenaient ondulées.
Francis Jammes, le Roman du lièvre, II.
Au chant du coq : au point du jour.
Fig. Le chant du cygne : la dernière et la plus belle composition d'un artiste, d'un poète… d'après la légende antique selon laquelle le cygne, avant de mourir, faisait entendre un chant mélodieux.
10 (…) le chant du cygne, un chant merveilleux tout trempé de pleurs, montant jusqu'aux sommités les plus inaccessibles de la gamme, et redescendant l'échelle des notes jusqu'au dernier degré (…)
Th. Gautier, Fortunio…, « Le nid de rossignols ».
4 Poésie lyrique ou épique destinée, en principe, à être chantée (→ 2. Carme, vx). || Les chants de Pindare, d'Anacréon. || Chant nuptial. Épithalame. || Chant guerrier. || Chant pastoral. || Chant funèbre. || Chant Royal : forme poétique française de cinq strophes et un envoi, chacune des six parties se terminant par un même vers, le refrain.
Spécialt. Chaque division d'un poème épique ou didactique. || Le premier chant de l'Iliade, de l'Odyssée. || Les douze chants de l'Énéide.Les Chants de Maldoror, de Lautréamont.
5 Plur. Littér. La poésie, les poèmes. Poésie. || Les chants du poète. || La muse inspire ses chants. || Mes chants rediront tes exploits (Académie). || Les Chants du crépuscule, de Hugo.
11 (…) réciter des chants qu'il (Néron) veut qu'on idolâtre (…)
Racine, Britannicus, IV, 4.
12 Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
A. de Musset, la Nuit de mai.
COMP. Contre-chant, déchant, plain-chant.
————————
2. chant [ʃɑ̃] n. m.
ÉTYM. Mil. XIIe; du lat. canthus « bande bordant une jante », var. champ par confusion avec champ.
1 Rare. Face étroite d'un objet, et, spécialt, d'un parallélépipède. || Le chant d'une brique, d'une pierre.
2 Cour. || Mettre, poser de chant (sur chant) une pierre, de façon que sa face longue soit horizontale et en profondeur ( Boutisse).
REM. L'orthographe champ (Littré, Académie Septième éd.), qui résulte d'une confusion avec le mot champ, a été abandonnée par la plupart des dictionnaires, y compris celui de l'Académie (huitième éd.).
DÉR. Chanteau, 2. chanterelle, chantignole.
COMP. Chantourner.
HOM. 1. Champ, chand.

Encyclopédie Universelle. 2012.