maître, maîtresse [ mɛtr, mɛtrɛs ] n. I ♦ Personne qui exerce une domination.
1 ♦ N. m. Personne qui a pouvoir et autorité sur qqn pour se faire servir, obéir. Le maître et l'esclave. Le maître et le vassal. ⇒ seigneur. — Vieilli Le maître et les serviteurs, les domestiques. ⇒ 1. patron. — PROV. Les bons maîtres font les bons valets : les maîtres ont les valets qu'ils méritent. Tel maître, tel valet : les valets ont souvent les qualités et les défauts de leur maître. Nul ne peut servir deux maîtres à la fois.
♢ N. Possesseur d'un animal domestique. Animal qui reconnaît son maître. « Le chien s'étendait sur un pouf aux pieds de sa maîtresse » (Green).
2 ♦ Personne qui a pouvoir d'imposer aux autres sa volonté. ⇒ chef. Le père romain était juge et maître. — Par plais. Mon seigneur et maître. — (1532) MAÎTRE, MAÎTRESSE DE MAISON : personne qui dirige la maison. Maître de maison qui reçoit. ⇒ amphitryon , hôte. Parfaite maîtresse de maison. « la maîtresse de maison, attentive à ce que tout se fasse dans le bon ordre, l'œil sur la pendule dans l'attente des derniers invités puis sur la difficile et minutieuse ouverture du champagne par le maître de maison » (P. Constant). — Vx Le maître du logis, des lieux, de céans : le propriétaire.
♢ Le maître d'un peuple, d'un pays, personne qui y exerce effectivement le pouvoir. ⇒ dirigeant, gouvernant, souverain. « Le Français est surtout jaloux de la liberté de se choisir son maître » (Saint-Évremond). Les maîtres du monde : tous ceux qui exercent un pouvoir (cf. Les puissants de ce monde). Devenir le maître du monde. ⇒ dictateur, dominateur, tyran.
3 ♦ ÊTRE (LE) MAÎTRE (quelque part) :avoir pleine autorité, toute licence là où l'on est (cf. Faire la loi). Être le maître chez soi. « J'étais maître en ces lieux, seul j'y commande encore » (Voltaire). — PROV. Charbonnier est maître dans sa maison. — Le capitaine d'un bateau est seul maître à bord, après Dieu. Loc. fig. Être seul maître à bord : être seul à décider. — Jeu Être maître à telle couleur, en avoir la carte la plus forte. Je suis maître à cœur. — Loc. L'œil du maître : la surveillance attentive du propriétaire. Ni Dieu ni maître, devise de Blanqui et des anarchistes. Parler, agir, décider en maître, avec l'autorité, la liberté d'un maître. Régner en maître. — Trouver son maître, la personne à qui l'on doit se soumettre, obéir (cf. ci-dessous II, 3o).
4 ♦ (Choses) Ce qui gouverne qqn, commande sa conduite. L'argent, maître du monde. « Notre tempérament, notre caractère, nos passions, sont nos maîtres » (Léautaud).
5 ♦ (1538) ÊTRE MAÎTRE, MAÎTRESSE DE SOI; ÊTRE SON MAÎTRE : être libre et indépendant, n'avoir d'autre maître que soi-même; être indépendant professionnellement. « Tout homme étant né libre et maître de lui-même » (Rousseau). « Depuis dix ans qu'elle était riche et veuve, maîtresse d'elle-même par conséquent » (Barbey). « il était son maître, on n'avait pas d'autres ouvriers » ( Céline). — Par ext. Être maître, le maître de ses actes, de son destin, de son emploi du temps : n'avoir à en référer qu'à soi-même. ⇒ disposer.
♢ (Par rapport à soi-même) ÊTRE MAÎTRE, MAÎTRESSE DE SOI : avoir de l'empire sur soi-même, contrôler ses affects. ⇒ se dominer, se maîtriser. « Je suis maître de moi comme de l'univers » (P. Corneille). « J'étais maître de moi, très calme, sans colère » (Duhamel). Elle parvint à rester très maîtresse d'elle-même. Par ext. « Il lui coupa la parole dans un mouvement d'impatience dont il ne fut pas maître » (Maupassant).
6 ♦ ÊTRE MAÎTRE DE FAIRE QQCH. : avoir entière liberté de. ⇒ libre. « Je laisse mon fils maître de faire ce qu'il voudra » (Balzac). Vous êtes maître de refuser.
7 ♦ Personne qui possède une chose, en dispose. ⇒ possesseur, propriétaire. Dr. Bien sans maître, abandonné. Voiture, cheval, maison DE MAÎTRE, dont l'usager est le propriétaire (opposé à de louage); par ext. Maison de maître, grande et cossue.
♢ Se rendre maître de qqch. (se l'approprier), de qqn (le capturer, le maîtriser), d'un pays (le conquérir, l'occuper). Se rendre maître d'un incendie, l'arrêter, le maîtriser. — (Choses abstraites) Se trouver maître d'un secret. Être, rester maître de la situation, des événements. ⇒ 1. arbitre. Être maître de son sujet. ⇒ posséder.
II ♦ (XIIe) Personne qualifiée pour diriger.
1 ♦ Personne qui exerce une fonction de direction, de surveillance. ⇒ chef. — Vx Maître de forges. — Maître d'œuvre (fém. maître) :chef de chantier; fig. et mod. directeur de travaux intellectuels. Le maître d'œuvre d'une encyclopédie. — Mod. Maître des requêtes au Conseil d'État (fém. maître). Maître de ballet : personne qui dirige un ballet dans un théâtre (fém. maître ou maîtresse). Maître de chapelle. Maître des cérémonies. Maître d'hôtel. — Milit. Maître de camp. ⇒ mestre. — Nom donné aux officiers mariniers. Premier-maître (voir ce mot). Second-maître. Quartier-maître (voir ce mot). Maître de manœuvre. ⇒ bosco. Maître d'équipage, dirigeant l'équipage du pont. — Grand maître de l'ordre : chef d'un ordre militaire. — Grand maître de l'Université : nom donné au ministre de l'Éducation nationale. — Maître de conférences (fém. maître) :personne chargée d'un cours dans une grande école ou enseignant dans une université avant d'accéder au titre de professeur. La maître de conférences. Maître assistant. Elle est maître assistant(e). Maître de recherches au CNRS (fém. maître).— Maître d'étude (fém. maîtresse),qui surveille une étude. ⇒ 1. pion, surveillant. Maître d'internat (fém. maîtresse).
2 ♦ Personne qui enseigne. Maître, maîtresse : personne qui enseigne aux enfants dans une école, ou dans le particulier. ⇒ éducateur, enseignant, instituteur, pédagogue, précepteur, professeur, régent; répétiteur. Maître, maîtresse d'école : instituteur, institutrice. Maîtresse auxiliaire. — Maître de musique. Maîtresse de piano. Maître d'armes, qui enseigne l'escrime. Maître nageur. — Loc. prov. Le temps est un grand maître, donne de l'expérience.
3 ♦ N. m. (XIIIe) Dans le système corporatif, Artisan qui dirige le travail et enseigne aux apprentis. Les maîtres, les compagnons et les apprentis d'une corporation. Fig. « L'homme est un apprenti, la douleur est son maître » (Musset). — Par anal. Dans la franc-maçonnerie, Grand Maître : chef d'une obédience maçonnique. Le Grand Maître du Grand Orient de France. — Loc. Être, passer maître dans le métier, dans l'art de. ⇒ adroit, compétent, expert, savant. Loc. Passer maître en, dans qqch. : devenir particulièrement adroit à... (en parlant d'une qualité ou d'un défaut). Elle est passée maître dans l'art de mentir. « L'autre était passé maître en fait de tromperie » (La Fontaine). De main de maître. Des coups de maître. Pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître (allus. littér.). Trouver son maître, qqn de supérieur à soi, de plus adroit, de plus compétent (cf. ci-dessus I, 3o).
4 ♦ N. m. Peintre, sculpteur qui dirigeait un atelier et travaillait souvent avec ses élèves à une même œuvre. Attribuer au maître l'œuvre d'un élève. Le maître de (suivi d'un nom de lieu, du titre de l'œuvre) :désignation d'un peintre ancien anonyme dont l'œuvre a la qualité de celle d'un maître d'atelier. Le Maître de Moulins.
5 ♦ N. m. Personne dont on est le disciple, que l'on prend pour modèle. ⇒ initiateur, modèle. Un maître à penser. Maître spirituel. ⇒ gourou. « Une génération trouve parfois ses maîtres chez elle-même » (Thibaudet). L'élève a dépassé le maître.
6 ♦ N. m. Artiste, écrivain ou savant qui excelle dans son art, qui a fait école. Les maîtres de la littérature, de la peinture espagnole (cf. Les grands noms). Un tableau de maître. — Petit maître : peintre de qualité considéré comme mineur. Les petits maîtres de la Renaissance.
III ♦ (XIIIe) Titre.
1 ♦ Vx (suivi du nom ou du prénom) Titre donné autrefois familièrement aux hommes qu'on ne pouvait appeler « Monsieur », et encore au XIXe s. aux paysans, aux artisans. Maître Pathelin. Maître Jacques. Région. Maîtresse Jacqueline. — Par plais. Maître Corbeau, maître Renard.
2 ♦ N. m. Titre qui remplace Monsieur, Madame en parlant des gens de loi ou en s'adressant à eux (avoué, avocat, huissier, notaire). Maître X, avocate à la cour (abrév. ME ).
3 ♦ N. m. Titre que l'on donne en s'adressant à un professeur éminent, à un artiste ou un écrivain célèbre. Monsieur (Madame) et cher Maître.
IV ♦ (v. 1080) MAÎTRE, MAÎTRESSE en appos. ou adj.
1 ♦ Qui est le maître, la maîtresse (au sens I, 1o).Vieilli Servante maîtresse : servante, domestique qui est devenue maîtresse d'une maison.
2 ♦ Qui a les qualités d'un maître, d'une maîtresse. Une maîtresse femme, qui sait organiser et commander. ⇒ énergique.
3 ♦ Anciennt Qui est le premier, le chef de ceux qui exercent la même profession dans un corps de métier, une entreprise. Maître compagnon. Maître cuisinier, maître-coq (⇒ 2. coq)ou maître-queux ⇒ queux . Maître sonneur : maître de la corporation des sonneurs de cornemuse. Fig. et vx ⇒ fieffé. Maître filou. « Voilà un maître fou » (Voltaire).
4 ♦ (Choses) Qui est important, ou qui est le plus important. Maîtresse branche d'un arbre, la plus grosse. ⇒ principal. Maîtresse poutre d'un comble. Maître-couple : couple placé dans la plus grande largeur du navire. (XVIe) Maître-autel :autel principal d'une église, placé dans l'axe de la nef. Des maîtres-autels.
♢ Maître-cylindre : ensemble cylindre et piston, actionné par la pédale de frein, transmettant la pression aux récepteurs des freins de chaque roue. — Inform. Se dit d'un dispositif qui pilote le fonctionnement d'un autre (opposé à esclave). Ordinateur maître. MAÎTRE-ESCLAVE,qui utilise deux dispositifs couplés dont l'un est maître et l'autre esclave. Une bascule maître-esclave. Ordinateurs fonctionnant en mode maître-esclave.
5 ♦ Qui a de la force, de l'efficacité. Maître mot ou maître-mot. « La retraite, c'était le grand mot, le maître-mot » (Pagnol). — Cartes Atout maître. Garder ses cartes maîtresses, celles qui peuvent faire une levée.
♢ Fig. Essentiel. (Surtout fém.) La pièce maîtresse d'une collection, d'un dossier. La qualité maîtresse d'une personne. ⇒ majeur.
⊗ CONTR. Esclave, serviteur; inférieur, subalterne; disciple, élève; apprenti. Accessoire, secondaire.
⊗ HOM. Mètre, mettre.
● me pronom personnel de la 1re personne (latin me, accusatif de ego) A la fonction de complément d'objet direct avant le verbe ou l'auxiliaire : Cela me fatigue. A la fonction de complément d'objet indirect ou d'objet secondaire avant le verbe ou l'auxiliaire : Cela m'est égal. Marque l'intérêt personnel que l'on prend à l'action dans un ordre, une injonction, etc. : Va me fermer la porte. Avec un verbe de forme pronominale, reprend le sujet je : Je me lève. S'emploie avant un présentatif : Me voici, me voilà.
me
Pron. pers. de la 1re pers. du Sing. (N.B. me s'élide en m' devant voyelle ou h muet.)
d1./d Comp. d'objet dir. Il me blesse.
d2./d Comp. d'objet indir. à moi. Il m'a parlé de toi.
|| Comp. d'attribution. Tu me donnes ce livre.
d4./d Sujet d'un inf. régi par faire, laisser, falloir ou un v. de perception. Il m'entend parler.
d5./d Dans les v. Pron. Je me suis blessé. Je me repens.
d6./d (Renforçant un ordre, une exclamation.) Vous allez me ficher le camp!
d7./d Devant voici, voilà, revoici, revoilà. Me voici!
⇒ME, M', pron. pers.
Pron. pers. non prédicatif de la 1re pers. du sing., des deux genres; assure la fonction objet.
A. — [En fonction d'obj. dir.]
1. [Devant une forme verbale] Puis un grand désir me prend de lui crier très fort: «Je t'aime beaucoup, ma tante!...» (GIDE, Journal, 1890, p.14):
• 1. C'était la Sogne. Ce nom m'intriguait. «Comme j'aimerais savoir ce que veulent dire tous ces noms, dis-je à Cottard...»
PROUST, Sodome, 1922, p.894.
Rem. Me, régime direct peut avoir un attribut de l'obj.: Ce livre immonde... — Vos critiques, lui dit-on... — Critiques! Me croyez-vous un valet d'écurie!... (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.16).
— [En fonction de «sujet» d'un inf. devant les verbes faire, laisser et les verbes de perception] C'est comme je vous le dis. Avertissez seulement le concierge, pour qu'il me laisse passer (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p.26):
• 2. ... très précisément, si j'étais un homme politique du parti libéral ou du monde républicain gouvernant, la spontanéité magnanime du dévouement de la nation me ferait réfléchir.
MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. CI.
2. [Devant les présentatifs voici, voilà ou leurs composés revoici, revoilà] Et me voici comme au retour d'un long exil (RÉGNIER, Sites, 1887, p.125). Eh bien! Aujourd'hui, me voilà en Frise à Leeuwarden (GREEN, Journal, 1933, p.148):
• 3. — Oui, me revoilà! Ce n'est pas comique. Vous n'espériez tout de même pas m'avoir envoyé dans l'autre monde...
ROMAINS, Copains, 1913, p.15.
B. — [En fonction de compl. d'obj. indir.; le pron. évoque le locuteur dans des rapports d'attribution, d'appartenance ou d'intérêt]
1. [Marquant des rapports d'attribution]
a) [Avec les verbes à double construction] J'invitai le major-général et son aide-major à me donner encore une fois leur avis (JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.385):
• 4. C'eût été pour ma mère un obstacle absolu non seulement à un mariage dont elle m'avait d'ailleurs demandé de ne pas parler encore définitivement à mon amie et dont l'idée m'était de plus en plus intolérable, mais même à ce que celle-ci passât quelque temps à la maison.
PROUST, Prisonn., 1922, p.14.
b) [Avec les verbes et loc. verb. construits avec la prép. à comme échapper, nuire, obéir, plaire, parler, ressembler, résister, survivre, etc., donner raison, donner envie, etc., faire joie, faire plaisir, etc.] Ses larmes me faisaient plus de mal que si je les pleurais (GIDE, Journal, 1890, p.14). Michaël vient pour moi. Il veut m'épouser et il me plaît beaucoup (COCTEAU, Enfants, 1929, p.119). J'écoutais bouche bée ce petit garçon qui m'avait déjà l'air de gouverner une équipe d'adultes: il m'en imposait (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.62):
• 5. AUGUSTE: Je te dis que c'est elle!... Pourvu qu'elle ne nous donne pas encore sa comédie, avec ces têtes qu'elle montre dans la fenêtre les soirs d'orage... Celle du vieillard blanc me fait froid dans le dos.
GIRAUDOUX, Ondine, 1939, I, 1, p.14.
c) [Avec les verbes d'état suivis d'un attribut et construits avec la prép. à ou la prép. pour] Suj. + me + verbe + attribut.
— [Le locuteur porte un jugement affectif sur ses rapports personnels avec le suj. de la phrase, me équivalant à la locution adv. «à mes yeux»]
♦[L'attribut est un adj.]
• 6. 15 janvier. Exposition de dessins et d'estampes de Corot, à la Nationale. J'en ai regardé une cinquantaine seulement, mais avec attention, avec le désir d'en emporter le plus possible dans ma mémoire. Les premiers me paraissent les plus beaux.
GREEN, Journal, 1931, p.34.
♦Vx ou littér. [L'attribut est un subst.] Ce m'est une douceur d'entendre déclarer par la plus haute autorité judiciaire de l'empire russe que c'est là tout simplement la condamnation par mesure administrative «en vigueur dans les pays où règne le despotisme» (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p.323). Vous m'êtes une énigme, vous êtes indéchiffrable! (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p.48):
• 7. Au diable tout concert, quand je mange! Et pourtant
J'adore la musique
Mais, à table, elle m'est un déplaisir constant
Fût-elle séraphique.
PONCHON, Muse cabaret, 1920, p.36.
— Plus rarement. [Le locuteur prend conscience du rapport personnel que le sujet de la phrase entretient avec lui, me équivalant à la locution adv.: «à mon égard»] Et l'œilladé présage Des Dames belles, qui débonnaires me sont (MORÉAS, Sylves, 1896, p.190). Je ne veux pas qu'on me soit indulgent. Je veux qu'on soit pour moi sévère et exigeant (GÉRALDY, Robert et Mar., 1925, I, p.2).
d) [Avec les verbes de mouvement, et plus partic. avec venir et ses composés, construits avec la prép. à] Toutes sortes de pensées me sont venues aussitôt à l'esprit alors que je m'enfermais dans mon bureau avec deux cents pages dactylographiées (GREEN, Journal, 1934, p.223):
• 8. MARIUS: Je ne pensais pas très souvent à toi. Pour moi, c'était une chose réglée, finie... Et puis, petit à petit, ça m'a commencé. Ça me venait surtout le soir, dans mon hamac. Je pensais à toi.
PAGNOL, Fanny, 1932, III, 5, p.188.
Rem. La constr. me + verbe, à côté de la constr. verbe + à moi insiste moins sur le terme du mouvement (tu reviens à moi) que sur l'intérêt que porte le locuteur à la réalisation du procès exprimé par le verbe (tu me reviens). Gén., le verbe s'accompagne d'une autre détermination de lieu (cette idée me vient à l'esprit), à moins qu'il ne serve de verbe attributif (il me revient fatigué).
e) [Dans des tournures impers. ]
— [Avec un verbe construit indirectement] Aveuglé par l'Atlantique ensoleillé, je me trouve en plein ciel, à une hauteur telle qu'il me semble que je devrais voir l'Europe (MORAND, New-York, 1930, p.47):
• 9. Il me plaît que mon vers se mette à la taille des chaises longues
Et le cheval prenne ce pas où son cavalier le réduit
Il me plaît d'entendre un bras d'homme frapper sur le bois ou la pierre
Qui fabrique des pieux peut-être ou c'est quelque chose qu'il cloue...
ARAGON, Rom. inach., 1956, p.21.
— [Avec un verbe d'état suivi d'un attribut et construit indirectement]
♦Il/ce (fam. ça) + me + verbe + adj./adj. verbal. Il m'est déplaisant de voir de chères pensées ainsi confondues avec des impressions d'une heure (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p.319):
• 10. C'est dans le sentiment d'un accord, non d'une rivalité qu'est le bonheur, et quand bien même toutes les forces de la nature l'une contre toutes autres, chacune lutterait, il m'est impossible de ne pas concevoir une unité supérieure présidant à cette lutte même, initiale de toute division, où chaque âme peut se réfugier pour son bien-être.
GIDE, Réflex. litt. et mor., 1897, p.416.
♦Il/ce + me + verbe + part. passé (passif impers.). Il m'était alors répondu d'insérer les clauses navales dans les conditions de l'armistice (FOCH, Mém., t.2, 1929, p.287).
— [Avec un verbe de mouvement construit indirectement] Il me vient de ton amour une chaleur qui me rend la vie (ROLLAND, J.-Chr., Matin, 1904, p.162).
— [Dans les prop. inf. qui dépendent d'une construction impers. et où le suj. n'est pas exprimé, me peut être interprété comme suj.] Moi, s'il me fallait habiter en bas, je ne vivrais pas (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p.480):
• 11. Mais, comme l'affaire risquait d'avoir des conséquences, il me fallait m'attendre à ce qu'un jour se posent sur moi les projecteurs de la vie publique.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.6.
Rem. Avec les prép. après, sur, derrière, la lang. pop. emploie me conjointement au verbe et utilise la prép. adverbialement, sur se transformant en dessus. Comme j'couche juste en dessous, tu feras attention de n'pas m'tomber dessus, au milieu d'la noïe [nuit] (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p.11). Il y en a de plus jolis que vous qui me courent derrière! (PAGNOL, Marius, 1931, I, 8, p.59).
2. [Dans une prop. comportant l'indication d'une partie du corps ou d'une qualité essentiellement humaine ou la marque d'un degré de parenté, me exprime avec plus de force que l'adj. possessif, un rapport de possession, d'appartenance] J'ai chaud et la fumée des cigarettes me pique les yeux (GREEN, Journal, 1933, p.165):
• 12. Les ramoneurs savoyards étaient aussi revenus, poussant leur cri d'automne, qui déjà, les années précédentes, me serrait le coeur à me faire pleurer.
LOTI, Rom. enf., 1890, p.206.
Rem. Dans le cas de l'obj. interne, il peut même y avoir pléonasme avec le subst.: Apollon, dieu cruel... Si tu m'as fait saigner tout le sang de mon coeur (MORÉAS, Stances, 1901, p.11).
3. [Me explétif («datif éthique»)]
a) [Me souligne l'importance que le locuteur attribue au procès exprimé par le verbe] Dans les rues, tout me tourne, je suis hébété, incertain, ivre; je n'ai vraiment mes aises que dans mon clocher ou dans cette chambre (HUYSMANS, Là-bas, t.1, 1891, p.225). Ils me l'ont tuée. Elle avait huit ans. Ils l'ont tirée à la course dans la rue (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p.14).
b) [Me souligne l'intérêt que porte le locuteur à l'accomplissement d'un ordre qu'il a donné] La bonne parut. Il lui dit: «Allez me chercher Louis» (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Père, 1883, p.437). Vas-tu me la regarder, tout de même! éclata Haudouin. Tu n'en vois pas des pareilles à Épinal (AYMÉ, Jument, 1933, p.206).
C. —Emploi réfl.
1. [Avec un verbe essentiellement pronom.]:
• 13. Me voilà repris d'un rhume. Avec l'habitude que j'ai contractée dans les longues immobilités du travail assis à me couvrir de gilets, de tricots, à me coiffer de toquets, j'ai une facilité à me bronchiter, — et la maison de Daudet m'est meurtrière à cause de la haine de Mme Daudet pour la chaleur.
GONCOURT, Journal, 1892, p.183.
2. [Avec un verbe accidentellement pronom.] Oubliez-moi, comme je m'oublie, et pesez ce que je dis (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p.1127). Je me marie avec ton frère! (GIONO, Gd troupeau, 1931, p.30).
D. — Syntaxe de me
1. [Ordre des mots]
a) [Avec l'impér.]
— [Après l'impér. positif; me s'emploie (sous sa forme élidée) devant les pron. en et y; dans les autres cas, on emploie la forme accentuée moi] En ce cas, récompensez-m'en: prêtez-moi encore une fois votre bête féroce (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.422).
— [Précédant l'impér. négatif; on emploie toujours me précédé de la négation ne (omise dans la lang. pop.)] Il s'appelle Richard... Ne me dites pas qu'il sort d'ici, vous ne le connaissez pas (GIDE, Paludes, 1895, p.105).
— [Dans la lang. littér. (vestige d'un tour fréq. en fr. class.), lorsque deux impér. se suivent et sont joints par une conj. de coordination, me se place devant le second, même si celui-ci est positif] Laissez-moi votre ajustement, et me regardez en face (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.26). Venez avec moi dans le jardin, mon jeune hôte, et me donnez des nouvelles du Paris penseur (GIDE, Isabelle, 1911, p.612).
♦Rare. [Devant un impér. coordonné à un verbe à un temps personnel] Scapin: Monsieur? X...: Je te baille un louis et m'enseigne où peut être Géronte (CLAUDEL, Raviss. Scapin, 1952, préf., p.1344).
b) [Avec un autre verbe conjugué]
— [Devant un verbe conjugué à un mode personnel ou devant l'impér. négatif, les pron. le, la, les, en et y, régimes directs, suivent toujours me, régime indir.] Allons, ôte-toi de là, que je descende... Je m'en irai ce soir. — Tout de suite! (ZOLA, Terre, 1887, p.98):
• 14. BIBIANE: Voilà qu'elle veut me le prendre! Voilà qu'elle veut me le prendre, à cette heure! C'est moi qui devais toujours être sa femme et non pas elle. Elle sait bien que c'est moi.
CLAUDEL, Violaine, 1892, p.502.
— Me + verbe + à moi. [Me régime direct figure seul (ou précédé de la négation) devant le verbe, et les pron. régimes indir. se placent derrière le verbe à l'aide de la prép. à et sous la forme prédicative] Yves restait pensif devant la nécessité de cette cérémonie, parce qu'il venait de me faire, à moi, un grand serment d'être sage (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p.13).
— Me + le/la/les + verbe + à moi. Ma messe n'aura pas de servant. Faute de mieux, je me la réponds à moi-même; mais ce n'est pas la même chose (RENAN, Souv. enf., 1883, p.156).
Rem. 1. L'ambiguïté due à la fonction double de me, te, se et vous rend impossible leur combinaison avec me. De même est exclue l'alliance de me et de lui ou leur; lui ou leur, régimes indirects se placent obligatoirement en seconde position; or en 1re position me est incapable de signifier le régime direct. 2. Les combinaisons me me, me te, me lui, me vous, me leur ne se conçoivent que dans le cas où le régime indirect est explétif (tu vas me lui donner une bonne correction). Pourtant K. Heger, examinant de telles constr., les a interprétées comme la norme et intégrées dans son système de conjugaison (cf. Langages. Paris, 1966, n°3, pp.19-39).
c) [Avec un inf., me, compl. d'un verbe régissant l'inf. lui-même, se place toujours devant le verbe conjugué, lorsque celui-ci est faire, laisser ou un verbe de perception (il m'entend chanter); ailleurs me compl. de l'inf. (ayant le même suj. que le verbe qui le régit) se place normalement devant l'inf. (il crut me voir). Cependant, par archaïsme, on peut le trouver placé avant le verbe] On me vint chercher. Elle se débattait, en hurlant, dans une horrible crise de douleur, de colère, de passion (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Berthe, 1884, p.994). Je ne crois pas que le cours des choses m'ait pu contredire (MAURRAS, Chemin Paradis, 1894, p.XXV).
Rem. Avec falloir suivi de l'inf., la place de me change le sens de la phrase (il faut m'écouter/il me faut écouter et il faut me croire/il me faut croire). Si l'inf. et le verbe qui le régit ont chacun un pron. pers. régime (direct ou indirect), chaque pron. se place devant le verbe dont il est le régime (il me fallait l'attendre), exception faite des verbes faire, laisser, entendre, voir suivis d'un inf., où les deux pron. se placent devant le verbe régissant selon l'ordre défini ci-dessus (supra b: il me le fait entendre). Toutefois, cette règle n'est pas stricte, et il est même des cas où elle ne peut être appliquée, à savoir quand le verbe régissant a pour compl. le, la ou les et que l'inf., de son côté, a pour compl. d'obj. le pron. me (il le laissera me voir/il me le laissera voir).
d) Vx ou littér. [Me peut quelquefois être séparé du verbe dont il est gén. conjoint par tout ou rien, par des adv. comme assez, tant, trop, beaucoup, peu, bien, mieux, et particulièrement par l'adv. mal qui joue alors le rôle d'un préf. adv. et par pas, point, plus, etc.] À l'idée qu'on a pu me mal juger (COLETTE, Entrave, 1913, p.46).
2. [Omission de me]
— [Si un verbe est précédé du pron. régime me et qu'un autre verbe ayant le même régime vienne s'y ajouter, la répétition est de rigueur] Le doute m'environne, m'assaille et me flagelle (BARRÈS, Colline insp., 1913, p.270). Voici comment m'agit et me guide le mot de révolution (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.84).
— [Cependant, l'omission est possible aux temps simples quand les verbes sont synon.; elle peut se faire aux temps composés quand les verbes ont un auxil. commun (les deux part. pouvant même avoir des suj. différents)] Pauvre miss Bell qui ne m'oublie pas. Elle m'a écrit de Florence et envoyé son livre (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p.10). Ah! Comme j'ai envie de dormir!... Cette délibération m'a épuisé, ce cigare étourdi (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.15).
— [Si des verbes à des temps composés ont des régimes différents, l'un ayant me pour régime direct et l'autre me pour régime indirect, on doit répéter le pron. et l'auxil.; néanmoins dans le style fam., on néglige la répétition du pron. et de l'auxil., me ayant alors un sens double] Il m'a pris par le cou et demandé pardon (DUHAMEL, Plais. et jeux, 1922, pp.151-151).
3. [Élision; me s'élide en m' devant une voyelle ou un h muet. Dans la lang. pop., l'élision se fait même devant consonne] M'taire? Pourquoi que j'me tairais?... (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.69). J'la garde. Ça m'servira bien, tu voiras (BARBUSSE, Feu, 1916, p.16).
— [Exceptionnellement, l'élision se fait devant un h aspiré] Je voulais le garder chez moi et le nourrir, mais il n'a pas consenti. On eût dit qu'il m'haïssait depuis la chose (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Misti, 1884, p.912).
Prononc. et Orth.:[] devant consonne
devant voyelle ou h non aspiré, ex.: vous me recevez; il m'invite, il m'honore. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. Pron. pers. régime atone de la 1re pers. du sing. I. A. 1. Régime indir. a) 842 me (Serments de Strasbourg, éd. HENRY Chrestomathie, p.2, 4: in quant Deus savir et podir me dunat); fin Xe s. élidé devant voyelle (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 83: Que m'en darez vos tradrai?); ca 1050 enclitique (St Alexis, éd. Chr. Storey, 495: Il nem faldrat [Deus], s'il veit que jo lui serve); b) employé avec un pron. régime dir. de la 3e pers., celui-ci le précède — fin Xe s. (Passion, 512: Per ta pitad m perdones); ca 1050 (St Alexis, 108: Pechet le m'at tolut; cf. 227), peu à peu le régime indirect apparaît en tête v. J. MELANDER ds St. neophilol. t.11, 1938-39, pp.101-114; c) ca 1100 exprime l'intérêt que prend à l'action la personne qui parle [datif éthique] (Roland, éd. J. Bédier, 656, 3751); 2. régime dir. fin Xe s. (Passion, 152); id. enclitique (ibid., 67, 68); ca 1050 élidé (St Alexis, 433). B. Sujet d'un inf. régi par faire laisser ou un verbe de perception 2e moitié Xe s. (St Léger, éd. J. Linskill, 93: Meu' evesquet m lez tener; 95: En u monstier me laisse intrer). C. Avec un verbe pronom. 1. ca 1050 en emploi réfl., me compl. d'obj. renvoie au sujet ,,je`` (St Alexis, 209: Or ne lairai nem mete an lur bailie); 2. id. élément du verbe pronom. non réfl. (ibid., 60: S'or ne m'en fui; 404: Ed enpur tei m'en esteie penet); ca 1100 (Roland, 2909: ... jo m'en irai en France). II. Place de me 1. 2e moitié Xe s. compl. d'un inf. dépendant lui-même d'un verbe à un mode pers., me précède ce verbe (St Léger, 94: Por te qui m vols aver); ca 1050 (St Alexis, 488: Ja tute gent ne m'en soust turner); 2. a) ca 1100 dans une phrase à l'impér. précédée d'un adv. d'insistance ou d'une négation, me précède le verbe (Roland, 275: Car m'eslisez un barun de ma marche); au XVIIe s. encore, me précède l'impér. quand celui-ci est coordonné à un 1er impér. 1670 (MOLIÈRE, Bourgeois gentilhomme, III, 8: Ote-toi de mes yeux, vilaine, et me laisse en repos); b) ca 1050 me suit l'impér. si celui-ci est placé en tête (St Alexis, 462: Aidiez m'a plaindra le duel de mun ami); c) ca 1165 dans une phrase interr., me suit le verbe (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 1503: Estuet me il estre en esfrei ...?); 1176-81 [XIIIe s. mss] (CHRÉTIEN DE TROYES, Lion, éd. W. Foerster, 6398, leçon des mss GAS: Volez me vos prendre a parole?); fin XIIe s. (Orson de Beauvais, éd. G. Paris, 1885: Dis me tu verité?), cf. ca 1276 (ADAM DE LA HALLE, Jeu de la Feuillée, éd. E. Langlois, 392: Me volés vous tuer?). Du lat. me «moi» acc. de ego (pron. pers. de la 1re pers. du sing., nomin.), en position atone. Fréq. abs. littér.:431 426. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 636 495, b) 610 869; XXe s.: a) 565 745, b) 624 148.
me [mə] pron. pers.
ÉTYM. 842, Serments de Strasbourg; de l'accusatif lat. me « moi, me », en position inaccentuée.
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REM. 1. Me s'élide en m' devant une voyelle ou un h muet : il m'envoie, il m'honore, vous m'y invitez, elle m'en donne.
2. Me est le pronom personnel de la première personne du singulier pour les deux genres. → Je, moi. Il accompagne toujours un verbe ou les présentatifs voici, voilà.
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I (Emplois de me).
1 Me, complément d'objet direct, représentant la personne qui parle ou qui écrit. || On me voit. || Il m'a envoyé chercher. || Il l'a envoyé me chercher. || Tu me présenteras à lui. || « Vous m'eussiez condamnée sans m'entendre » (cit. 62, Musset). || Un songe m'abuse (cit. 11).
1 Dans quel trouble nouveau cette fuite me plonge !
Racine, Iphigénie, II, 7.
2 On me dit une mère et je suis une tombe.
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, « La maison du berger », III.
2 Me, complément d'objet indirect. || À moi.
a Me, énonçant les rapports de destination, d'attribution, d'intérêt, d'appartenance qu'expriment normalement les prépositions à ou pour. || On me l'avait prédit… (→ Attendre, cit. 98). || Plus il se livre (cit. 23), plus il me plaît. || Les longs (cit. 3) ouvrages me font peur. || Il me fait pitié. || Il veut me parler. || Donnez-m'en.
3 (…) je compte tous les instants qui s'écoulent : mon impatience me les allonge toujours (…)
Montesquieu, Lettres persanes, CLV.
4 Je la promenais partout, aux Tuileries, au Palais-Royal, aux Boulevards. Il était impossible qu'elle me demeurât.
Diderot, le Neveu de Rameau.
5 (…) je fus averti qu'une maigre pension (…) me serait versée les premiers du mois (…)
Gide, les Caves du Vatican, II, VII.
♦ Spécialt. || Me, comme complément d'un verbe d'attribution ou de jugement et marquant un rapport d'appartenance plus ou moins explicite (→ Lui, supra cit. 7).
b Me, complément d'un adjectif ou d'un nom attribut construit avec être, devenir, sembler… || Pour moi.
6 Ton amitié m'est le plus grand des biens.
R. Rolland, Jean-Christophe, Le matin, p. 155.
7 Rien qui me soit plus étranger que le prosélytisme.
Montherlant, Carnets, XXVI.
REM. De nos jours, on n'use guère de la forme atone me que dans le cas où le verbe être est construit avec un adjectif ou un nom pris adjectivement ayant fonction d'attribut. Quand l'attribut introduit par le verbe être est un nom, l'emploi de la forme me est vieilli. On dirait : c'est un supplice pour moi de… plutôt que ce m'est un supplice… (cf. G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., t. I, §245).
c Me, faisant office de possessif (mon, ma, mes) avec un nom désignant une partie du corps ou une faculté de l'âme. || Vous m'avez fermé la bouche (cit. 15). || Les bras m'en tombent.
8 (…) la plume me tombe des mains (…)
Montesquieu, Lettres persanes, CLXI.
9 Il me passa toutes sortes de projets par la tête.
Diderot, le Neveu de Rameau.
10 Le cœur me battait fort en poussant la barrière du jardin.
Gide, la Porte étroite, III.
♦ Par ext. (Fam.). || Il m'a sauté dessus (cit. 9). || Ils m'ont couru (cit. 4) après.
♦ (Avec un nom désignant une affection physique ou un sentiment, un désir, une émotion…). || Il me vint une grande fatigue. || Le désir me vint de…
♦ Me, comme pronom explétif d'intérêt personnel (renforce un ordre, etc.). || Va me fermer cette porte !
11 Qu'on me l'égorge tout à l'heure; qu'on me lui fasse griller les pieds, qu'on me le mette dans l'eau bouillante, et qu'on me le pende au plancher.
Molière, l'Avare, V, 2.
3 Me, sujet d'un infinitif régi par faire, laisser, ou un verbe de perception. || On me fit voir les cabanes (→ Magnanerie, cit. 1). || Il me laissa lire cette lettre. || Vous m'entendez souvent répéter…
12 (…) et quelle erreur fatale
M'a fait entre mes bras recevoir ma rivale ?
Racine, Iphigénie, II, 5.
4 Me, avec un verbe de forme pronominale.
a En emploi réfléchi, comme objet direct ou indirect, me renvoyant au pronom sujet je. || Je me console. || Je me fais du mauvais sang. || Les livres que je me suis achetés.
13 Je me dirai, j'imite Julie, et me croirai justifié.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, II, V.
5 Me, employé avec un présentatif. || Me voici. || Me voilà tranquille. || M'y voici arrivé. || M'en voilà tiré.
14 Ah ! m'y voilà donc enfin au feu ! se dit-il… Me voici un vrai militaire.
Stendhal, la Chartreuse de Parme, III.
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II (Place de me).
1 (Par rapport à un verbe).
a Me, placé devant un verbe à l'indicatif, au conditionnel, au subjonctif ou au participe présent. || Tu m'affliges. || M'a-t-on jamais vu manquer à mes promesses ? || Me voyant. || M'ayant rencontré…
15 Et vous me conseilleriez de l'imiter ?
Diderot, le Neveu de Rameau.
16 Il ne se consolait pas (…) que Paris m'eût laissé mauvais souvenir.
Gide, les Caves du Vatican, II, VII.
b Avec un verbe à l'impératif.
♦ Avec un impératif négatif me, placé avant le verbe. || Ne me poussez pas. || Ne me donnez rien.
♦ Avec un impératif positif : employé seul, le pronom objet de la première personne est moi et se place après le verbe. ⇒ Moi. || Poussez-moi. || « Quitte tout et suis-moi » (Bible). → ci dessous, 2., a. — REM. Dans la langue classique, quand deux impératifs positifs étaient coordonnés, le personnel de la première personne pouvait prendre la forme atone me, et précéder le second impératif. Ce tour est devenu archaïque ou poétique. || Poète, prends ton luth (cit. 6) et me donne un baiser.
c Avec un verbe à l'infinitif.
♦ Me, complément d'objet d'un infinitif dépendant d'un premier verbe (aller, croire, devoir, oser, penser, pouvoir, savoir, vouloir…) et placé normalement entre ce verbe et l'infinitif lorsque tous deux ont le même sujet. || Vous ne pensiez pas me revoir si tôt. || Il a voulu me parler (→ 2. Le, I., 4., C.).
17 Quoi ? Madame, un barbare osera m'insulter ?
Racine, Iphigénie, III, 6.
18 (…) ils me jugent et voudraient me conduire selon leurs principes.
Montherlant, Carnets, XXVI.
♦ Par archaïsme. (→ 2. Le, REM. supra cit. 20).
19 J'abordai la rue Clovis, qui m'allait conduire au lycée.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, II, IV.
♦ Me, placé avant le verbe régissant, quand celui-ci n'a pas le même sujet que l'infinitif. || Il me voit venir. || Vous m'entendez chanter. || Elle me fit partir. || Il me ferait condamner par le juge.
20 Me verra-t-on sans vous partir avec la Reine ?
Racine, Iphigénie, II, 5.
21 (…) je parierais bien que je ne me ferai jamais imprimer ni représenter.
Flaubert, Correspondance, 28, 24 févr. 1839.
REM. Dans ce tour, me est généralement complément d'objet du verbe régissant et en même temps sujet de l'infinitif. Il peut cependant arriver que, même placé devant le premier verbe, il soit le complément d'objet du second malgré l'équivoque qui en résulte parfois. Ex. : On m'a fait chercher inutilement (on m'a obligé à chercher ou bien on a envoyé quelqu'un me chercher). — Spécialt. Avec falloir et l'infinitif, la place de me change le sens : il faut me parler (à moi); il me faut parler (que je parle).
2 (Par rapport à un autre pronom).
a Me, placé régulièrement devant le, la, les. || On ne me le donnera pas.
REM. 1. Après un impératif positif, me est remplacé par moi, qui se place après le, la, les. || Donnez-les-moi. || Rends-la-moi. ⇒ Moi.
22 À votre place je ne me le tiendrais pas pour dit, j'essayerais.
Diderot, le Neveu de Rameau.
23 Je ne me le fais pas présenter. On me le présente.
France, le Lys rouge, I.
2. Si le verbe régissant et l'infinitif ont chacun un pronom personnel complément d'objet direct ou indirect, on place chaque pronom devant son verbe. || Vous m'envoyez le chercher. || Vous l'envoyez me chercher. — REM. Avec faire, laisser et les verbes de perception → 2. Le, la, les (I., 4., D. et rem. supra cit. 26). || On m'a vu l'emmener de force. || On me l'a vu emmener de force.
24 (…) un signe de toi m'aurait fait te suivre de l'autre côté de la terre (…)
Alphonse Daudet, Sapho, XV.
25 En m'entendant lui avouer mon admiration pour la Nuit d'Octobre, il avait fait éclater un rire bruyant (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 126.
26 Les raisons qui me font le fuir ?
Gide, la Porte étroite, « Journal d'Alissa », Lundi soir 3 mai.
b Me, employé avec lui, eux, leur. || Tu me présenteras à lui (et non pas : tu me lui présenteras). || Tu me présenteras à eux (et non : tu me leur présenteras). — REM. Dans la langue familière on peut joindre me à lui, leur, si me est pronom explétif d'intérêt personnel. || Tu me leur flanqueras une bonne correction.
c Me, placé toujours devant en et y. || Vous m'en reparlerez. || On ne m'y reprendra plus. — (À l'impératif). || Donnez-m'en. || Croyez-m'en. || Mène-m'y (on dit plutôt mènes-y-moi).
27 Quand je m'y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s'exposent (…)
Pascal, Pensées, II, 139.
28 Ah ! si je m'en croyais (…)
Racine, Iphigénie, IV, 1.
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III (Répétition de me).
1 Me, normalement répété devant chaque verbe juxtaposé ou coordonné (→ 2. Le, I., 6., et rem.) || Il m'admire et me respecte. || Il m'a abordé et m'a interrogé. || « Elle m'a écrit de Florence et envoyé son livre » (A. France).
29 Si j'entre dans la salle, le sourire de Mathouillet m'attend et m'accueille.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, I, IX.
2 Me, nécessairement répété quand il est complément de deux verbes n'ayant pas la même construction. || Il m'a aidé et m'a prêté de l'argent. — REM. En pareil cas, l'omission de me devant le second verbe n'est pas conforme à l'usage courant.
30 Tout m'afflige et me nuit, et conspire à me nuire.
Racine, Phèdre, I, 3.
31 Il m'a pris par le cou et demandé pardon (…)
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, IV, III.
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IV Omission de me devant un infinitif pronominal, après faire (cit. 196 et supra) et laisser (cit. 10). || Il me laissa asseoir. || Vous me faites repentir. || Vous me ferez souvenir de… — REM. Certains écrivains emploient parfois me dans ce cas avec une valeur stylistique (→ ci-dessous, cit. 33, Gide).
32 Ces réflexions tristes mais attendrissantes, me faisaient replier sur moi-même.
Rousseau, les Confessions, IX.
33 (…) ce sont des raisons sentimentales qui me font m'efforcer de trouver un terrain de conciliation (…)
Gide, Journal, 9 janv. 1933.
———
Encyclopédie Universelle. 2012.