JEU
QU’IL soit individuel ou collectif, le jeu est une activité qui semble échapper, presque par définition, aux normes de la vie sociale telle qu’on l’entend généralement, puisque jouer c’est précisément se situer en dehors des contraintes qui régissent l’existence ordinaire. Mais, en même temps, il est évident que le jeu n’est pas sans rapport avec cette même vie sociale puisque, d’une part, il la parodie bien souvent et que, d’autre part, on peut aisément trouver dans les formes les moins rationnelles de toute culture des éléments de fantaisie qui donnent satisfaction à notre appétit de jeu. On peut alors se demander si l’esprit ludique n’est pas présent dans certains processus qui s’imposent à l’attention du sociologue, s’il ne lui en fournit pas l’explication, et si, inversement, le jeu n’est pas une sorte de déformation des productions culturelles. On pourrait même soutenir que tout dérive du jeu ou que tout peut devenir jeu. Seules des définitions et des classifications rigoureuses permettent de délimiter la part exacte du jeu dans l’intégration de l’individu à la société; dans les institutions et les œuvres culturelles, et finalement dans le principe même de l’engagement social.
Dans la plupart des définitions du jeu, ce concept est assimilé à ceux de divertissement et d’amusement. De ce fait, on évoque la théorie pascalienne du divertissement qui permet à l’homme d’éviter l’ennui en se «pipant soi-même», c’est-à-dire en s’illusionnant sur une sorte de liberté qu’il croit ainsi acquérir par rapport à ses propres déterminations. Et l’on met d’autre part en évidence le lien entre l’activité ludique et les distractions joyeuses, dont celles des enfants sont l’image la plus manifeste.
En fait, pour distinguer, parmi toutes les activités, celles qui peuvent être appelées ludiques, il faut plutôt énumérer des critères spécifiques. Selon Ji Huizinga, ce qui caractérise le jeu, c’est qu’il est une action libre, sentie comme fictive, située hors de la vie courante, dépourvue d’intérêt matériel et d’utilité, bien délimitée dans le temps et dans l’espace, se déroulant selon certaines règles et suscitant des relations de groupe qui accentuent leur étrangeté vis-à-vis du monde habituel. En définitive, dit-il, le jeu, quant à ses fonctions, est «une lutte pour quelque chose ou une représentation de quelque chose». Roger Caillois a retenu la plupart de ces critères, mais après avoir remarqué qu’ils laissent de côté un certain nombre de jeux, notamment ceux qui présentent un intérêt matériel, comme ceux où il y a un enjeu et, en fait, presque tous les jeux de hasard. Il propose donc de circonscrire la notion par les caractères suivants: il s’agit d’une activité libre, réglée ou fictive, incertaine dans son déroulement même si elle est soumise à des règles, et improductive même quand elle implique un déplacement de propriété à l’intérieur du cercle des joueurs.
Ces caractéristiques aboutissent à distinguer nettement le jeu de l’ensemble des activités sociales, puisque le jeu pose de lui-même ses séparations par rapport à celles-ci et puisqu’il ne se conçoit comme un jeu que dans la mesure où il ne produit aucune œuvre culturelle, aucune acquisition et dans la mesure aussi où il échappe à toute détermination, même s’il est réglementé.
Pour comprendre, en dépit de telles oppositions, les implications sociales du domaine ludique, il faut les repérer, les classer et tenter d’en élaborer une typologie, car les aspects du jeu sont extrêmement variés. La classification établie par Roger Caillois distingue quatre sortes de jeux suivant qu’ils sont dominés par la compétition (agôn ), le hasard (alea ), le simulacre ou le «faire-semblant» (mimicry ) et la recherche d’un certain vertige (ilinx ). Dans tous les cas, le jeu place l’individu dans une situation qui suppose un rapport avec le monde différent de celui qui est habituel dans la vie sociale normale. Or il y a deux façons de modifier ce rapport. Ou bien on s’évade du monde en créant un univers artificiel d’égalité pure au départ grâce à la compétition libre ou à l’effet du hasard, ce qui renvoie aux deux premières catégories. Ou bien c’est le sujet lui-même qui se transforme dans son rapport avec le monde, soit en se créant un autre personnage, soit en provoquant un certain trouble intérieur, ce qui renvoie aux deux dernières catégories. Ainsi, par exemple, on peut citer d’une part, dans le premier cas le jeu d’escrime (agôn ), le baccara, la roulette (alea ) qui placent les partenaires dans une position égale au début de la partie; et, d’autre part, dans le second cas, l’activité de l’enfant qui joue à la maman, comme aussi les mascarades (mimicry ) et le manège (ilinx ). Bien évidemment, certains jeux consistent en une combinaison de plusieurs de ces principes: il en est qui font intervenir à la fois le hasard et la compétition comme le bridge, ou d’autres qui unissent le simulacre et le vertige. D’autre part, Roger Caillois fait remarquer que le simulacre et la compétition réglée peuvent créer des formes de culture telles que le sport ou le théâtre, tandis que le hasard et le vertige ne stimulent pas l’action créatrice mais paralysent au contraire le sujet. Autrement dit, dans la transformation du rapport entre l’individu et le monde, il y a quatre attitudes différentes, puisqu’on peut, d’une part, tenter de modifier le monde par une intervention active dans la compétition ou par une acceptation passive des effets du hasard et, d’autre part, essayer de transformer le sujet par la simulation volontaire d’une autre personne ou par la recherche d’un vertige subi. Encore faudrait-il ajouter que, dans certains cas, le principe de ces diverses catégories de jeu peut être compliqué par des phénomènes de substitution ou d’identification.
jeu [ ʒø ] n. m. I ♦
1 ♦ Activité physique ou mentale purement gratuite, qui n'a, dans la conscience de la personne qui s'y livre, d'autre but que le plaisir qu'elle procure. ⇒ amusement, divertissement, récréation; ludique. Le jeu. Le besoin du jeu chez l'enfant. Écolier qui ne pense qu'au jeu, n'a que le jeu en tête. — PAR JEU loc. adv.(cf. Par plaisir). Faire qqch. par jeu. Agir par jeu.
♢ UN JEU. Un jeu brutal, bruyant, dangereux, paisible, puéril. Prendre part à un jeu. S'adonner à son jeu favori. ⇒ passe-temps. La comédie est « un jeu qui imite la vie » (Bergson) . Ce n'est qu'un jeu : cela ne tire pas à conséquence. — Jeu d'imitation, de manipulation; jeu de groupe. Jeux éducatifs. Des jeux de son âge, qui ne sont plus de son âge. — Jeux de main(s), où l'on échange des coups légers par plaisanterie. PROV. (par allus. aux « vilains » du Moyen Âge qui vidaient leurs différends à coups de poing) Jeu(x) de main, jeu(x) de vilain : les jeux de main finissent presque toujours mal. — Vieilli Jeux de prince : fantaisies que les puissants n'hésitent pas à satisfaire au mépris des faibles. « Ce sont là jeux de prince » (La Fontaine).
2 ♦ Activité qui présente un ou plusieurs caractères du jeu (gratuité, futilité, bénignité, facilité).
♢ Ce qui relève ou semble relever de la fantaisie pure. Les jeux de l'imagination, de l'esprit. Les « jeux décevants du souvenir » (Camus). Par métaph. Les jeux du destin, de la fortune. « Le Jeu de l'amour et du hasard », comédie de Marivaux. — Un simple jeu d'esprit. ⇒ badinage. — Spécialt (1666) JEU DE MOTS : allusion plaisante fondée sur l'équivoque de mots qui ont une ressemblance phonétique, mais contrastent par le sens. ⇒ calembour, contrepèterie. Jeu de mots facile. Mauvais jeu de mots. JEU D'ÉCRITURES : opération comptable purement formelle, sans incidence pratique sur le compte qui en fait l'objet.
3 ♦ Chose sans gravité, qui ne tire pas à conséquence (⇒ bagatelle, plaisanterie) ou qui n'offre pas grande difficulté. Ce n'est qu'un jeu pour lui. Elle « crut que ce lui serait un jeu d'en venir à bout » (F. Mauriac). Se faire un jeu des difficultés, en triompher aisément. ⇒ se jouer; jongler (avec). Je me fais un jeu d'y arriver. C'est un jeu d'enfant.
II ♦
1 ♦ (XIIe) Cette activité organisée par un système de règles définissant un succès et un échec, un gain et une perte; dr. civ. Contrat aléatoire par lequel deux ou plusieurs parties s'engagent à remettre une chose ou une somme d'argent à celui des contractants qui sera le gagnant. Gagner, perdre, tricher au jeu. Que gagne-t-on à ce jeu ? Quel était votre partenaire à ce jeu ? Elle est très forte à ce jeu. La règle du jeu; fig. les conventions établies dans une situation donnée. — Le jeu : l'ensemble des règles à respecter. C'est le jeu. ⇒ régulier. Fam. Ce n'est pas de jeu; ce n'est pas du jeu. ⇒ irrégulier (cf. C'est de la triche). — Loc. Jouer le jeu : se conformer strictement aux règles du jeu, et fig. aux règles d'une activité.
♢ (Jeux qui font appel à la vigueur ou à l'adresse physique) Jeux corporels, de plein air. Jeux de balle, de ballon. Jeux de poursuite. ⇒ cache-cache, 1. chat (cf. Quatre coins). Jeu de piste. Jeu de cache-tampon, de colin-maillard, de saute-mouton. Jeu de marelle. — Jeux d'adresse. ⇒ billard, boules, bowling, 2. croquet, mikado, osselets, quilles. Jeu de massacre (fig. ⇒ massacre ), de passe-passe. Jeux sportifs. ⇒ sport. Jeux de plage, que l'on pratique sur les plages. ⇒ frisbee, palet, 2. volant. Le football, jeu d'équipe. Jeu à treize : rugby. Terrain de jeux. ⇒ stade, terrain. Aire de jeu : espace réservé et aménagé pour les jeux d'enfants. — (Au plur.) Antiq. Compétitions sportives tenant la plus grande place dans les spectacles publics. Les jeux gymniques. Du pain et des jeux (« Panem et circenses »). Jeux du cirque, du stade. — J EUX OLYMPIQUES.
♢ (Jeux qui font appel aux facultés d'invention, à la mémoire, à l'érudition). Jeux intellectuels. Jeux de société, petits jeux, jeux innocents, où le manquement aux règles est sanctionné par le dépôt d'un gage et une pénitence. Jeux de stratégie. Jeux d'esprit. ⇒ anagramme, charade, devinette, énigme, lipogramme, logogriphe, rébus. Jeu du corbillon, de pigeon-vole. Jeu des métiers, des portraits. Jeux de rôle(s), de stratégie. Jeux électroniques, jeux vidéo. — Jeux radiophoniques, télévisés. (1966) Jeu-concours :jeu public, souvent publicitaire.
♢ (Jeux fondés sur le calcul, le hasard, ou sur les deux) Jeux de cartes, de dames, d'échecs, de go, de dés. Jeux de hasard (⇒ loterie, loto, roulette) ; jeu de l'oie, des petits chevaux. Jeux d'argent, où l'on risque de l'argent. — Absolt LE JEU. Cercle, établissement, maison, salle de jeu. ⇒ casino, tripot. « On connaît cette chance immanquable des novices aux tables de jeu » (Aragon). Aimer le jeu. Le démon, la passion du jeu. Se ruiner au jeu. Dettes de jeu. PROV. Heureux au jeu, malheureux en amour.
♢ Théorie des jeux, mettant en relief les analogies du comportement des agents économiques et des différents partenaires d'un jeu lors de l'élaboration d'une stratégie ou de la prise d'une décision. Jeu d'entreprise : simulation (sur ordinateur) de la gestion d'une entreprise. — Jeux de langage.
♢ Fam. Jeux de con : jeux absurdes. C'est vraiment un jeu de con, une activité absurde, inepte. — Ce petit jeu, désignant des manières de faire peu franches ou puériles. À ce petit jeu, tu n'es pas sûr de gagner !
2 ♦ Action de jouer, partie qui se joue. Suivre le jeu, être au jeu. Meneur de jeu. — Loc. Calmer le jeu : apaiser une querelle. Sport Joueur hors jeu.
♢ (1578) ENTRER EN JEU : ouvrir le jeu; fig. se mettre de la partie, entrer dans une affaire, une discussion. ⇒ intervenir. — (Choses) Facteurs qui entrent en jeu dans une affaire. ⇒ jouer. — Entrer dans le jeu : participer à (une affaire, une entreprise); fig. prendre part à une entreprise déjà commencée. ⇒ participer. Entrer dans le jeu de qqn, favoriser ses intérêts. Faire entrer, mettre qqn dans son jeu. — ÊTRE EN JEU : être en cause, en question. Une grosse somme est en jeu. Son honneur est en jeu. Votre vie est en jeu : il y va de votre vie. — Mettre (de l'argent) en jeu. ⇒ miser; enjeu, mise. Mettre en jeu toutes ses ressources, les employer, les déployer. Mettre en jeu la vie d'un homme, l'exposer, la risquer.
♢ D'ENTRÉE DE JEU : dès le début. « il fallait d'entrée de jeu noter les circonstances » (Tournier). Se prendre, se laisser prendre, se piquer... AU JEU : se laisser passionner; s'obstiner.
♢ PROV. Le jeu ne vaut, n'en vaut pas la chandelle. — Tirer son épingle du jeu.
3 ♦ Chacune des divisions de la partie, à la paume, au tennis. Une manche en six jeux. Jeu ! Balle de jeu. Deux jeux à trois. Jeu décisif. ⇒ tie-break.
4 ♦ Hist. littér. Pièce en vers, dramatique ou comique, au Moyen Âge. Le Jeu de Robin et de Marion.
5 ♦ (Dans des expr.) Somme d'argent risquée au jeu. Jouer petit jeu, gros jeu (⇒ flamber) . Fig. Jouer gros jeu : prendre de grands risques. — Faites vos jeux : misez. Les jeux sont faits, rien ne va plus. Loc. fig. Les jeux sont faits : tout est décidé (cf. Les dés sont jetés). « il est trop tard maintenant, les jeux sont faits, je n'y puis rien changer » (Butor).
III ♦ Ce qui sert à jouer.
1 ♦ (1489) Instruments du jeu. Jeux de quilles, de boules. Jeu d'échecs, de dames, de l'oie, de dominos. Jeu de 32, de 52 cartes. Elle « battait machinalement un jeu de cartes » (Chardonne). Jeu de construction. Offrir un jeu de société. Jeux éducatifs, électroniques, vidéo. Prêt de jeux (⇒ ludothèque) .
♢ Lieu du jeu, dans certains jeux. Le jeu de boules du Luxembourg. Jeu de paume.
2 ♦ (1580) Assemblage de cartes plus ou moins favorable qu'un joueur a en main. Avoir du jeu, un beau jeu. Il a un jeu superbe; son jeu est superbe. Avoir des atouts dans son jeu. J'ai vu son jeu. — Loc. Avoir beau jeu : être en situation de triompher aisément. Cacher son jeu. Mettre tous les atouts dans son jeu. Abattre son jeu. Étaler son jeu.
♢ Le grand jeu : le jeu complet des tarots, en cartomancie. Faire le grand jeu.
3 ♦ Par anal. (1687) Série complète d'objets de même nature et d'emploi analogue. Un jeu de cravates, d'aiguilles, de clés (⇒ trousseau) . — Imprim. Jeu d'épreuves : série d'épreuves du même ouvrage. — Mar. Jeu d'avirons, de voiles. — Mus. Jeu d'orgue(s) : rangée de tuyaux de même espèce et de même timbre, formant une suite chromatique de sons.
IV ♦ (1220 fig.)
1 ♦ La manière dont on joue. Un jeu habile, prudent, subtil. Fig. Jouer un jeu dangereux, serré. — Loc. Jouer franc jeu. Jouer (un) double jeu : agir de deux façons pour tromper. Cessez ce jeu. Voir clair, lire dans le jeu de qqn; percer le jeu de qqn, deviner ses intentions. « J'ai tout de suite lu dans votre jeu » (F. Mauriac). — Bien jouer son jeu : conduire habilement son entreprise. Faire le jeu de qqn : servir involontairement ses intérêts.
2 ♦ Façon de jouer d'un instrument, d'une arme. « C'est une belle épée. Son jeu est net » (Hugo). Jeu d'un violoniste. Un jeu brillant, nuancé.
3 ♦ (XIIIe) Manière de jouer un rôle. Le jeu d'un comédien. Un jeu pathétique, poignant, sobre. ⇒ interprétation. « donner aux acteurs des indications de jeu » (Duhamel). — Jeu de scène : ensemble d'attitudes qui concourent à un effet scénique.
♢ Loc. adj. (inv.) (1867; allus., à l'origine, au jeu démodé des vieux comédiens) VIEUX JEU : peu en accord avec la mode, le goût du jour. Elle est, elles sont vieux jeu. C'est vieux jeu. ⇒ démodé .
♢ Rôle, comédie qu'on joue. Être pris à son propre jeu. Se laisser prendre au jeu de qqn. Jouer un drôle de jeu. Jouer le jeu du désespoir. Jouer le grand jeu : déployer tous ses talents de comédien pour convaincre, séduire, et par ext. toutes ses ressources pour arriver à ses fins.
4 ♦ Manière de mettre en œuvre. JEU DE (suivi du nom d'une partie du corps). Le jeu de mains d'un pianiste. Boxeur qui a un mauvais jeu de jambes. — Jeu de physionomie : mouvement des traits qui rend le visage particulièrement expressif à un moment donné.
♢ Jeu de lumière : combinaison de reflets mobiles et changeants. Les jeux de lumière du théâtre, produits par des sources lumineuses mobiles. (1888) Jeu d'orgue : tableau électrique qui commande les éclairages, au théâtre. — JEU D'EAU : combinaison de formes variées qu'on fait prendre à un ou plusieurs jets d'eau, et par ext. le dispositif utilisé à cet effet. Jeu d'eau d'un bassin. Les jeux d'eau de Versailles.
V ♦
1 ♦ (1677) Mouvement aisé, régulier d'un objet, d'un organe, d'un mécanisme. ⇒ fonctionnement. Jeu d'un ressort, d'un verrou. Le jeu des muscles. « le jeu rapide des doigts dépeçant la viande » (Fromentin). Le libre jeu des articulations.
2 ♦ Fig. ⇒ 1. action. Par le jeu d'alliances secrètes, de causes diverses. Les forces en jeu, mises en jeu. Le jeu de l'offre et de la demande.
3 ♦ Techn. Espace ménagé pour la course d'un organe, le mouvement aisé d'un objet. Jeu du cylindre, entre le piston et le couvercle ou le fond du cylindre. Donner du jeu à une fenêtre, un tiroir. — Fig. Laisser un peu plus de jeu aux transactions. ⇒ marge.
♢ Défaut de serrage, d'articulation entre deux pièces d'un mécanisme. Cette pièce a du jeu, il faut la revisser.
● jeu nom masculin (latin jocus, plaisanterie) Activité d'ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s'adonne pour se divertir, en tirer un plaisir : Participer à un jeu. Activité de loisir soumise à des règles conventionnelles, comportant gagnant(s) et perdant(s) et où interviennent, de façon variable, les qualités physiques ou intellectuelles, l'adresse, l'habileté et le hasard : Jeu d'adresse. Jeu télévisé. Jeux d'argent. Jeux de cartes. Tricher au jeu. Ensemble des différents jeux de hasard, en particulier ceux où l'on risque de l'argent : Se ruiner au jeu. Ensemble des règles qui régissent un divertissement organisé : Se conformer au jeu. Lieu où se pratiquent certains jeux ; espace délimité où la partie doit avoir lieu : Balle qui est sortie du jeu. Ensemble des éléments, des instruments nécessaires à la pratique d'un jeu : Les 32 pièces d'un jeu d'échecs. Un jeu de 52 cartes. Ensemble des cartes, des jetons, des lettres, etc., distribués à un joueur : Montrer son jeu. Avoir un mauvais jeu. Action ou manière de jouer, de pratiquer un divertissement organisé, un sport, de conduire une partie, un match : Joueur de tennis au jeu puissant. La ligne d'avants a un jeu rapide. Manière dont un exécutant se sert de son instrument, dont un acteur joue ou interprète un rôle : Le jeu brillant d'un pianiste. Manière d'agir de quelqu'un, d'un groupe en vue d'obtenir un résultat : Le jeu subtil d'un négociateur. Action, attitude de quelqu'un qui n'agit pas sérieusement, qui cède au caprice ou à la fantaisie : Contredire son interlocuteur par jeu. Manière dont quelqu'un use de quelque chose, en particulier de ses moyens physiques, en vue d'obtenir un résultat : Jeu de jambes d'un boxeur. Littéraire. Ensemble des mouvements des choses ou des êtres produisant un effet agréable ou curieux, ou libre exercice de quelque chose : Le jeu des vagues, de la lumière. Les jeux du rêve. Mouvement régulier d'un mécanisme d'un organe : Jeu du piston dans le cylindre. Fonctionnement normal d'un système, d'une organisation, des éléments d'un ensemble : Le jeu de l'offre et de la demande. Par le jeu des circonstances. Intervalle entre deux pièces, deux surfaces : Il y a trop de jeu. Latitude laissée à quelqu'un dans son action : Laisser du jeu dans un emploi du temps. Ensemble d'objets similaires destinés au même usage : Un jeu de clefs. Droit Contrat aléatoire par lequel les parties s'engagent réciproquement à un paiement en espèces ou en nature à celle d'entre elles qui obtiendra un résultat dépendant d'un fait à accomplir. Toute opération financière dont le résultat est indépendant de l'activité de la personne qui l'accomplit. Mécanique Dans un assemblage, intervalle séparant les surfaces de deux pièces en regard (jeu positif). [En horlogerie, on dit aussi ébat.] Dans un serrage, mesure de la déformation des pièces par rapport à leur position à l'état libre (jeu négatif). Musique Totalité des cordes tendues sur un instrument. Sur un clavecin, ensemble des cordes pincées par une série de sautereaux. (Un clavecin moderne comprend six jeux qui permettent d'obtenir des changements contrastés d'intensité et de timbre.) Pêche Ligne de fond munie d'un nombre plus ou moins grand d'hameçons. (S'emploie surtout au pluriel.) Sports Au tennis, division d'un set. (Pour remporter un jeu, le joueur doit gagner, au minimum, quatre points.) À la pelote basque, chacune des divisions d'une partie. Théâtre Forme dramatique du Moyen Âge. ● jeu (citations) nom masculin (latin jocus, plaisanterie) François Andrieux Strasbourg 1759-Paris 1833 Ce sont là jeux de prince : On respecte un moulin ; on vole une province. Le Meunier sans souci Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 Ce que l'art est tout d'abord, et ce qu'il demeure avant tout, est un jeu. Lascaux ou la naissance de l'art Skira Roger Caillois Reims 1913-Paris 1978 Académie française, 1971 Le jeu n'a pas d'autre sens que lui-même. Les Jeux et les hommes Gallimard Jean Genet Paris 1910-Paris 1986 Créer n'est pas un jeu quelque peu frivole. Le créateur s'est engagé dans une aventure effrayante qui est d'assumer soi-même jusqu'au bout les périls risqués par ses créatures. Journal du voleur Gallimard Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Le bonhomme disait : Ce sont là jeux de prince. Fables, le Jardinier et son Seigneur Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Les jeux des enfants ne sont pas des jeux, et les faut juger en eux comme leurs plus sérieuses actions. Essais, I, 23 Charles Perrault Paris 1628-Paris 1703 C'est le vrai droit du jeu de tromper le trompeur. Fables, le Chien, le Coq et le Renard ● jeu (difficultés) nom masculin (latin jocus, plaisanterie) Orthographe 1. Jeu de Avec le complément toujours au singulier : des jeux d’esprit, des jeux d’adresse, des jeux de société, des jeux d’orgue. Avec le complément toujours au pluriel : un jeu de clefs, un jeu de mots. 2. Les jeux Olympiques, les jeux Floraux, avec une minuscule à jeu et une majuscule à l’adjectif. ● jeu (expressions) nom masculin (latin jocus, plaisanterie) Avoir beau jeu, être dans des circonstances favorables, en profiter pour triompher aisément. Avoir du jeu, avoir reçu une série de bonnes cartes. Ce n'est pas de jeu, c'est contraire aux conventions, c'est irrégulier. C'est son jeu, c'est dans son intérêt. Double jeu, mode d'action de quelqu'un, d'un groupe qui comporte deux aspects contradictoires, opposés, mais dont l'un reste volontairement caché. Entrer dans le jeu, y participer ; se mettre dans une entreprise déjà commencée. Entrer dans le jeu de quelqu'un, s'associer à ses entreprises, prendre son parti. Entrer en jeu (entrée en jeu), intervenir (intervention) dans une affaire, une discussion, un combat, etc. Être un jeu (d'enfant), être facile, ne poser aucun problème. Être en jeu, intervenir, être en question, être exposé à un danger. Être pris à son (propre) jeu, être amené, à son insu, à devoir prendre au sérieux ce que, primitivement, on ne faisait que par jeu. Faire, jouer le jeu de quelqu'un, agir volontairement ou non dans l'intérêt de quelqu'un. Faites vos jeux, expression par laquelle le croupier incite les joueurs à miser. Jeu d'eau, configuration esthétique donnée à un ensemble de jets d'eau, selon la manière dont on les combine et selon la nature des ajutages. Jeu de mots, équivoque, plaisanterie fondée sur la ressemblance des mots. Jeux de lumière, effets produits par des faisceaux de lumière sur des surfaces ou des volumes immobiles ou en mouvement. Familier. Jouer (faire) le grand jeu, mettre en œuvre toutes ses ressources pour réussir, étaler toutes ses aptitudes. Les jeux sont faits, formule du croupier lorsque les joueurs ne peuvent plus miser ni modifier leur mise ; se dit quand une affaire est engagée et qu'il n'y a plus moyen de revenir en arrière. Par jeu, pour s'amuser, par plaisir. Se faire un jeu de, faire facilement quelque chose. Se (laisser) prendre au jeu, se passionner pour quelque chose auquel on ne portait d'abord aucun intérêt. Vieux jeu, qui a des habitudes, des manières d'une autre époque ; qui est démodé. Voir clair, lire dans le jeu de quelqu'un, comprendre ses intentions cachées, percer à jour ses manœuvres. Jeu d'écriture, opération comptable purement formelle, n'ayant aucune incidence sur l'équilibre entre les recettes et les dépenses. Exception de jeu, fin de non-recevoir opposée à l'action pour dette de jeu. Jeu d'entreprise, méthode de formation à la gestion des entreprises et d'entraînement à la prise de décision par l'étude de situations proposant des problèmes analogues à ceux que pose la vie de l'entreprise. Jeu de barres, ensemble des conducteurs rigides auxquels se raccordent, par des appareils de coupure et de protection, les arrivées ou les départs de ligne dans un poste de transformation, dans une sous-station, etc. Jeu vidéo, logiciel ludique, interactif, utilisable sur console ou sur ordinateur, faisant appel à des accessoires comme une souris, un joystick, un volant, un clavier, etc. pour interagir avec l'environnement du jeu. Prendre du jeu, mollir, se relâcher, en parlant d'un cordage, d'une voile. Théorie des jeux, ensemble des méthodes mathématiques permettant la résolution de problèmes faisant intervenir règles de décision et notions abstraites de tactique et de stratégie. Jeu d'orgue, suite ou série de tuyaux correspondant à un même timbre. Jeu de timbre, instrument à percussion composé de lames vibrantes frappées par des marteaux, manuels (jeu de timbre simple) ou actionnés par un clavier (célesta). En jeu, dans différents sports, se dit de l'action en cours, après le service de la balle ou du ballon. Faire le jeu, prendre la direction de la partie, la dominer. Jeu blanc, au tennis, jeu dans lequel le battu n'a gagné aucun point. Jeu décisif, au tennis, jeu supplémentaire servant à départager, pour le gain d'un set, deux joueurs à égalité à six jeux partout. Jeu à XIII, synonyme de rugby à treize. Jeu dramatique, pratique éducative, en rapport avec l'activité théâtrale, fondée sur la libre expression des participants et sur la communication. Jeu d'orgue, tableau de commande des éclairages d'un théâtre. Jeu de scène, mouvement ou attitude concourant à un certain effet, sans lien direct avec le texte. ● jeu (homonymes) nom masculin (latin jocus, plaisanterie) je pronom personnel jeu nom masculin invariable ● jeu (synonymes) nom masculin (latin jocus, plaisanterie) Activité d'ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à...
Synonymes :
- délassement
- récréation
Manière dont un exécutant se sert de son instrument, dont...
Synonymes :
- interprétation
Manière d'agir de quelqu'un, d'un groupe en vue d'obtenir un...
Synonymes :
- tactique
Ensemble d'objets similaires destinés au même usage
Synonymes :
- choix
- système
Marine. Prendre du jeu
Synonymes :
Sports. Jeu à XIII
Synonymes :
- rugby à treize
jeu
n. m.
rI./r Divertissement, activité intellectuelle ou gestuelle qui n'a d'autre fin que l'amusement de celui qui s'y livre. Jeux de société, jeux d'esprit.
|| Loc. Ce n'est qu'un jeu, c'est un jeu d'enfant: c'est une chose très facile à faire.
— Prov. Jeu de main, jeu de vilain: la violence feinte conduit souvent à la violence réelle.
rII./r Cette activité en tant qu'elle est soumise à certaines règles. Jeu télévisé.
d1./d Jeux de hasard, où seul le hasard intervient et où l'on risque généralement de l'argent (roulette, dés, poker, etc.).
— Jeux de combinaisons (dames, échecs, go, etc.).
— Jeu à douze cases: awalé.
|| Théorie des jeux: partie de la recherche opérationnelle qui étudie les stratégies en les assimilant à celles de joueurs qui s'affrontent.
|| Loc. Entrer en jeu: commencer à jouer; fig., intervenir.
— D'entrée de jeu: dès le début.
— Fig. être en jeu, en cause.
— Mettre en jeu qqch, l'exposer, le risquer. (V. aussi sens V, 2.)
— Avoir beau jeu de, à: être dans des circonstances favorables pour.
— Faire le jeu de qqn, agir sans le vouloir dans son intérêt.
— Jouer gros jeu: jouer de grosses sommes; fig., risquer, hasarder beaucoup.
— Ce n'est pas de jeu: cela contrevient aux règles du jeu.
d2./d Concours sportif.
|| Jeux Olympiques. Jeux Africains.
|| (Afr. subsah.) Fam. Match. Un jeu de basket.
d3./d TENNIS Chacune des parties que comporte un set.
rIII/r
d1./d Ensemble d'objets qui servent à jouer. Jeu de cartes, de dames.
|| Ensemble des cartes qu'un joueur a en main. Avoir un beau jeu.
|| (En cartomancie.) Le grand jeu: le jeu de tarots.
d2./d Lieu où l'on joue. Un vaste jeu de boules.
d3./d Par ext. Assortiment d'objets, de pièces de même nature. Un jeu de clefs.
rIV./r
d1./d Manière dont un acteur remplit son rôle. Jeu d'un comédien.
— Jeux de scène: entrées, sorties, mouvements divers des acteurs.
|| Fig., Fam. être vieux jeu: n'avoir pas les idées, les manières à la mode du jour.
d2./d Manière de jouer d'un instrument de musique. Un jeu brillant.
d3./d Fig. Manière de faire, méthode. Jouer un jeu curieux. Jeu d'un avocat.
|| Loc. Entrer dans le jeu de qqn, s'associer à sa manière d'agir.
|| COMPTA Loc. Jeu d'écritures: procédé qui consiste à passer des écritures purement formelles.
rV./r
d1./d Mouvement d'un organe, d'un mécanisme qui tend à produire un effet. Le jeu d'un ressort.
d2./d Par ext. Fig. Fonctionnement. Le jeu des institutions.
|| Mettre en jeu: faire fonctionner, agir; faire entrer (dans un fonctionnement). Un tel phénomène met en jeu des forces considérables.
d3./d Espace nécessaire au mouvement de deux pièces.
— Donner du jeu à un mécanisme, laisser suffisamment d'espace entre les pièces pour qu'elles puissent fonctionner librement.
— Prendre du jeu: cesser d'être bien serré, ajusté (du fait de l'usure, des vibrations, etc.).
d4./d Jeu d'eau, de lumière, etc.: diversité des formes que l'on fait prendre à des jets d'eau ou variété d'éclairages destinées à produire un effet esthétique.
rVI./r LITTER Pièce en vers du Moyen âge. Le "Jeu de la feuillée".
⇒JEU, subst. masc.
I. — Activité divertissante, soumise ou non à des règles, pratiquée par les enfants de manière désintéressée et par les adultes à des fins parfois lucratives :
• 1. Le jeu est partout. Il semble impossible d'imaginer qu'on puisse un jour découvrir un groupe humain dans l'existence duquel l'activité de jeu serait totalement absente. Les jeux sont des constantes de culture dont les formes peuvent varier d'une aire culturelle à une autre. Mais, par-delà cette diversité infinie, l'universalité du jeu le désigne comme un élément fondamental de la condition humaine. Le jeu est un invariant humain.
Jeux et sports, 1967, p. 1157.
A. — Activité désintéressée, destinée à faire passer agréablement le temps à celui qui s'y livre.
1. Activité ludique essentielle chez l'enfant, spontanée, libre et gratuite. Les jeux naïfs et innocents de l'enfance valent mieux que les études pénibles et jalouses des hommes (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 127). Dans nos jeux il n'était pas question d'autre chose que de faire du mouvement et du bruit (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 447). Les jeux des enfants sont de graves occupations. Il n'y a que les grandes personnes qui jouent (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 98) :
• 2. J'aimais les jeux abhorrés des mères et que les surveillants interdisent tôt ou tard, pour le désordre qui s'y mêle, les jeux sans règle ni frein, les jeux violents, forcenés, pleins d'horreur.
FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 251.
SYNT. Jeu brutal, bruyant; jeu enfantin, puéril; camarade, meneur de jeu; salle de jeux; jouer à un (des) jeu(x), inventer des jeux; jeu d'imagination, d'initiation, de manipulation; les jeux et les ris (poét.).
— En partic.
♦ Jeu de bascule. Jeu de balançoire. Au fig. V. bascule A 1.
♦ Jeux de main(s). Jeux où l'on échange de légers coups. Au fig. Démonstration affective ou sensuelle se traduisant par des gestes libertins. C'était un charme continuel à la (...) toucher, des plaisanteries, des taquineries, les jeux de main d'un homme qui voudrait reprendre une femme (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 260).
Loc. proverbiale. Jeux de mains, jeux de vilain. Les affrontements brutaux ne sont pas de mise entre gens de bonne compagnie et finissent généralement mal.
— P. anal. Jeux amoureux, jeux de l'amour. Ébats, divertissements propres aux amoureux. Les jeux d'amour tenaient fort peu de place dans les préoccupations du ménage Haudouin (AYMÉ, Jument, 1933, p. 25).
— En mauvaise part. Divertissement que l'on se procure aux dépens de quelqu'un d'autre. Un de ses jeux favoris était de plonger les jeunes chats dans l'eau bouillante (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 21).
♦ Au fig. (Jouer) un jeu abominable, cruel, féroce, terrible. Si vous m'aimez, cessez un jeu cruel. Vous me tueriez (BALZAC, Langeais, 1834, p. 335).
♦ Loc. fig. Ce sont là jeux de princes [P. allus. à la fable de La Fontaine Le Jardinier et son Seigneur] Ce sont des divertissements réservés aux puissants, souvent au détriment des plus faibles. Le bonhomme disait du temps de La Fontaine : Ce sont là jeux de princes, et on le laissait dire (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. Courrier français, 1823, p. 198).
2. Activité ludique organisée à des fins pédagogiques ou thérapeutiques. Jeu dirigé, symbolique; thérapie par le jeu. Quels sont donc la nature et le but de ces jeux éducatifs? Ils constituent évidemment une introduction au travail scolaire (Jeux et sports, 1967, p. 143).
— En partic., ÉCON. Jeu d'entreprise. Nés officiellement en 1944, les jeux d'entreprises furent au début, des jeux d'entraînement des dirigeants de société à l'échelon le plus élevé, pour leur formation à la gestion économique et à l'administration générale (MUCCH. Sc. soc. 1969).
3. Activité ludique organisée autour d'une partie comportant généralement des règles, des gagnants et des perdants. Est-ce que tu sais jouer à la main chaude, toi? Albine savait jouer à tous les jeux (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1355). On demandait les cartes pour un jeu de piquet. On s'essayait aux fléchettes, aux boules, au javelot (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 112) :
• 3. Vous connaissez le jeu du furet. Tout le monde fait cercle, les mains sont fermées sur la corde, on ne voit rien, mais les mains sont complices, le furet court, glisse au long de la corde, repasse, tourne inlassablement.
GRACQ, Syrtes, 1951, p. 102.
SYNT. Jeux de plein air (jeu(x) d'adresse, de groupe, d'équipe; jeu(x) de balle(s), de billes, de cache-cache, de colin-maillard, de marelle, de piste); jeux d'intérieur (jeu de patience, de société, de cartes; jeu de dames, de dés, d'échecs, de l'oie); jeux sportifs; la règle du jeu; gagner, perdre au jeu; respecter le jeu; sortir du jeu.
— SPORTS
♦ Jeu à XIII. Sport dérivé du rugby, chaque équipe se composant de treize joueurs. La fédération française de jeu à XIII (Lar. encyclop.).
♦ TENNIS. Chacune des divisions de la partie. Le joueur qui le premier gagne six jeux gagne le set, à condition qu'il ait alors deux tours d'avance sur son adversaire (Définitions adoptées par l'Assemblée générale de la Fédération internationale de Lawn-Tennis le 12 juillet 1950 ds H. COCHET, Le Tennis, P.U.F., Paris, 1978, p. 87).
— MATH. Théorie des jeux. ,,Théorie mathématique qui cherche à définir un comportement rationnel des joueurs, par l'analyse de leurs décisions`` (COTTA 1972).
— Expr. et loc. fig.
♦ C'est la règle du jeu. Ce sont les conventions établies par le jeu. Il trouverait normal d'être châtié. C'est la règle du jeu (CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 103).
Fam. Ce n'est pas « de jeu ». Ce n'est pas dans les règles établies par la coutume, les habitudes de la vie. C'est pas de jeu parce qu'un type couche avec vous de vouloir le garder pour toujours et tout à fait (CLAUDEL, Échange, 1954, II, p. 769).
♦ Entrer en jeu. Participer, intervenir. L'estomac, dit-on, n'entre pas en jeu sur son ordre [du cerveau] (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 205).
D'entrée de jeu (v. entrée I B 3).
♦ Jouer le jeu. Accepter la partie dans les règles établies par les conditions préalables. Je me demandais ce qui allait se produire entre nous. Mais déjà je me ressaisissais, je jouais le jeu (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 220).
♦ Mener le jeu. Prendre l'avantage, le dessus dans une situation précise. Celui qui parle fort ou celui qui parle bien, mène le jeu (VALÉRY, Mauv. pens., 1942, p. 214).
♦ (Se) piquer au jeu. Poursuivre une entreprise avec opiniâtreté malgré les difficultés rencontrées. C'est mon impatience de m'en aller qui la pique au jeu et lui fait trouver du plaisir à prolonger une causerie sans but (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 142).
♦ Tirer son épingle du jeu. V. épingle B 1 b.
4. Distraction, délassement faisant plus spécialement appel aux facultés de mémoire et d'érudition. Jeux intellectuels, jeu(x) de salon, de société; jeu(x) d'esprit. « Le hasard de la rime, qui fait dans un salon le jeu des bouts-rimés, devient chez un Hugo la chance miraculeuse qui se renouvelle à chaque distique » (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 232).
— En partic.
♦ LITT. (Moy. Âge).
[XIIIe s., en France du nord] Composition dramatique (qui peut être en même temps sérieuse et comique). Jeu de Robin et de Marion, Jeu de la Feuillée. L'emploi assez indéterminé du mot « jeu » correspond au flottement des genres dramatiques à l'époque considérée, puisqu'il s'applique aussi bien à la pièce de Jean Bodel, le Jeu de Saint-Nicolas qu'au théâtre purement laïque d'Adam de la Halle (J. FRAPPIER, Le Théâtre profane en France au Moyen-Âge, XIIIe et XIVe siècles, Paris, Centre de docum. universitaire, s.d., p. 12).
Jeu-parti. Pièce lyrique normalement formée de six couplets suivis de deux envois, dans laquelle deux partenaires débattent d'un sujet le plus souvent relatif à l'amour, en développant chacun une thèse opposée. Dans les genres de moindre étendue (...) vous remarqueriez les chansons, lais, complaintes (...) les jeux-partis, les proverbes, dicts et sentences (SAINTE-BEUVE, Prem. lundis, t. 3, 1869, p. 380).
♦ Au fig., vx. Voir beau jeu. Être témoin d'un beau spectacle. P. antiphrase. Je voudrois bien que quelqu'un s'avisât de parler mal de vous devant moi!... Nous verrions beau jeu, vraiment (GUILBERT DE PIXER., Victor, 1798, I, 4, p. 11).
♦ Vieilli. Les jeux de la scène. La représentation d'une pièce de théâtre.
5. P. anal.
a) [En parlant d'une activité assimilée à un jeu pour sa facilité, son côté plaisant ou superficiel]
) [Chose facile à réaliser] Supposé qu'on profite d'un instant de sommeil pour lui imposer de nouvelles chaînes, ce sera un jeu pour elle de les briser (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 30). La brume? Mais c'est presque un jeu d'enfant de la traverser lorsqu'il n'y a rien devant que... que des morutiers (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 128). Écrire ne pouvait être pour lui ce petit jeu, cette distraction, ce bavardage (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 26).
) [Plaisanterie] Par jeu, par manière de jeu. Par plaisanterie. Brandissant un rasoir ouvert, le petit comte feignait par jeu de se le passer sur la gorge (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 57). Deux ou trois gamins du bourg, par manière de jeu, s'approchèrent à pas de loup (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 51).
— Se faire un jeu de. Accomplir une tâche avec aisance; traiter un sujet sérieux avec légèreté. La religion, dont elle s'était fait un jeu toute sa vie, lui devint un amusement nécessaire (SAND, Valentine, 1832, p. 246).
b) [Avec déterminant]
— Jeu de mots. Procédé linguistique se fondant sur la ressemblance phonique des mots indépendamment de leur graphie et visant à amuser l'auditoire par l'équivoque qu'il engendre. L'esprit sourit aux jeux de mots; la raison même ne les désapprouve pas, quand ils renferment un sens également juste sous leur double acception (JOUY, Hermite, t. 5, 1814, p. 225) :
• 4. On prétend que M. D'Aguesseau lui dira : « Monsieur, je suis ici à cause de mon grand-père. — Et moi, répondra M. Beauzée, à cause de ma grand'maire. » L'orthographe est un peu blessée, mais ce genre de jeu de mots est tellement à la mode aujourd'hui, que je n'ai pu me refuser à en citer un exemple.
STAËL, Lettres jeun., 1788, p. 227.
— Jeu d'écriture. Opération comptable sans mouvement de fonds et dans laquelle la même somme est portée au crédit et au débit d'un compte. Sabatani et (...) autres hommes de paille, lesquels payaient seulement par des jeux d'écriture (ZOLA, Argent, 1891, p. 410).
6. P. métaph. ou au fig.
a) [En emploi abs.] L'amour, même borné à cela, est un jeu infiniment plus subtil que le polo (ANOUILH, Répét., 1950, III, p. 69).
P. méton. Source d'amusement. Cet homme pur comme le jour, (...) c'est lui qui allait être mon jeu et mon aventure constante (GIRAUDOUX, Sodome, 1943, I, 1, p. 34).
b) [Suivi d'un compl. déterminatif] Fonctionnement capricieux aux résultats aléatoires. Jeu de l'imagination, de la fortune, de la plume. Dans le jeu mystérieux de l'intelligence et du hasard, comme dans toutes les parties, il faut examiner un peu les chances du joueur (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 100).
— Les jeux de la nature. Anomalies, curiosités que la nature a produites comme pour s'amuser. Desmahis la regardait, surpris et amusé du jeu bizarre de la nature qui avait construit cette fille en largeur (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 132).
B. — Activité intéressée, fondée sur l'adresse ou le hasard, réservée aux adultes qui engagent une certaine somme dans l'espoir de réaliser des gains plus ou moins importants.
1. Au sing. Le jeu.
a) Ensemble des jeux où l'on risque de l'argent. Avoir la passion (la fureur, le démon) du jeu, pour le jeu; s'adonner au jeu; gagner, perdre, se ruiner au jeu; dettes de jeu. Elle vécut noyée de dettes, et ruinée par la passion du jeu (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 40).
b) P. méton. Somme d'argent engagée dans une partie. Synon. enjeu. Il joue gros jeu, loue des loges aux spectacles, donne à dîner (SOULIÉ, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 62).
— Loc. Le(s) jeu(x) est (sont) fait(s). La mise est faite, il n'est plus temps de modifier la partie :
• 5. Le banquier oublia de dire ces phrases (...) : — Faites le jeu! — Le jeu est fait! — Rien ne va plus. Le tailleur étala les cartes, et sembla souhaiter bonne chance au dernier venu, indifférent qu'il était à la perte ou au gain fait par les entrepreneurs de ces sombres plaisirs.
BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 10.
♦ Au fig. Il n'y a plus rien à faire. Dans le fond, il sait aussi bien que moi que les jeux sont faits! Que tout est perdu (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 511).
— Le jeu n'en vaut pas la chandelle. V. chandelle B 4.
— (Y aller) bon jeu, bon argent. Jouer franchement; agir avec courage et hardiesse. Ils risquent quelque chose, ceux-là. Ils jouent leur peau, leur liberté! Ils y vont bon jeu, bon argent (GONCOURT, Mauperin, 1864, p. 203).
♦ P. ell. [Appliqué à une pers.] Cet homme-là, de l'acier trempé, du diamant, un marin bon jeu bon argent (HUGO, Travaill. mer, 1866, p. 422).
— Être en jeu (au fig.). Être engagé dans une affaire qui peut comporter des risques. Mon bonheur, ma tranquillité sont en jeu (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 459). Vos jugements se modifient dans un sens ou dans l'autre, quand vos intérêts sont en jeu (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 215) :
• 6. Il m'a trop fait comprendre que je lui avais été lourd, et qu'est-ce que je serais devenu sans lui! Et jusqu'à me rappeler comme j'avais peur quand je me suis réfugié à Rimini; peur? ma tête était en jeu, il était naturel que j'eusse peur, il me semble.
MONTHERL., Malatesta, 1946, IV, 4, p. 516.
— Mettre en jeu (au fig.). Engager une chose importante dans une affaire généralement sérieuse. Mettre sa vie, son honneur, sa responsabilité en jeu. Il voulait que sa fille fût comtesse; et, pour y parvenir, sans mettre en jeu le bonheur de son enfant, il ne connaissait pas d'autre jeune homme que celui-là (FLAUB., Éduc. sent., 1869, p. 53).
2. Au plur. ou suivi d'un déterminatif
a) Jeux de hasard. Ensemble des jeux fondés non pas sur l'adresse du joueur mais uniquement sur la chance.
— Maison de jeu(x). Établissement réglementé (casino, cercle) dans lequel on joue à certains jeux de hasard (baccara, poker, tarot, roulette) et soumis à un contrôle sévère (brigade, police des jeux). Depuis qu'on a détruit les maisons de jeu on joue partout (DUMAS Fils, Dame Camélias, 1848, p. 173).
b) Jeux proposés par l'État, fondés sur le pur hasard et où le gain est généralement proportionnel à la mise (loterie nationale, loto).
c) Jeux proposés, après sélection, à des candidats dont l'intelligence, la perspicacité ou la chance peuvent leur permettre de remporter des lots en espèces ou en nature. Jeux radiophoniques, télévisés; jeux-concours (v. concours II C). Parmi les principales émissions de jeux, il y a lieu de citer (...) Télé-Pok, Gros lot, l'Homme du XXe siècle (BAILLY-ROCHE, 1967).
d) Littér. Jeux floraux. Concours de poésie institué au XIVe siècle à Toulouse et distribuant ses prix le trois mai de chaque année. Les instances seules de quelques amis avaient pu me décider à envoyer à l'académie des jeux floraux l'ode de Moïse (HUGO, Corresp., 1820, p. 307).
3. P. anal. Jeu de bourse. Spéculation sur le cours des valeurs en bourse. Synon. agiotage. La spéculation, le jeu à la Bourse, eh bien! j'en ai une terreur folle (ZOLA, Argent, 1891, p. 120).
C. — P. méton. Matériel ludique.
1. Ensemble des pièces nécessaires pour jouer. Delion, demeurant (...) à Paris, et tenant un magasin de jeux au détail (D'ALLEMAGNE, Récr. et passe-temps, 1904, p. 162). Esdras avait été chercher le jeu de cartes; des cartes au dos rouge pâle, usées aux coins (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 85) :
• 7. ... il y avait des jeux de dames, faits avec des mouchoirs où l'on avait noirci des carreaux noirs et des rondelles de draps de deux couleurs; des jeux de jonchets, avec des brindilles de balais; des jeux de jaquet avec des dés en savon; des jeux de dominos avec je ne sais quoi.
GONCOURT, Journal, 1872, p. 867.
SYNT. Jeu de billard, de boule(s), de croquet, d'échecs, de dés, de l'oie, d'osselets, de patience, de quilles, de tric-trac; jeux électriques, électroniques.
♦ Jeu(-)vidéo. Jeu où les mouvements de pièces mobiles sont commandés électroniquement et visualisés sur un écran vidéo. En janvier de cette année s'est tenu à Las Vegas, la patrie du jeu, le plus grand Salon électronique du monde dans lequel les jeux vidéo occupaient à côté du vidéodisque une place de choix (Sciences et Avenir, 1981, n° spéc. 35, p. 28).
— P. méton. Espace délimité aménagé pour la pratique de certains jeux. Jeu de boule(s) (synon. boulodrome). Les délégués du peuple (...) s'assemblent dans un jeu de paume (MARAT, Pamphlets, Dénonc. Necker, 1790, p. 81). Les maisons encadrent une petite place de terre battue, aire commune, et jeu de boules (GIONO, Colline, 1929, p. 13).
♦ Loc. (Être reçu) comme un chien dans un jeu de quilles. V. chien II B 2 b.
♦ Être hors jeu. Dépasser les limites imposées par le jeu (généralement un sport; cf. le subst. hors-jeu). Au fig. Je disais à mon ami que de savants hommes courent bien plus de risques que les autres, puisqu'ils font des paris et que nous restons hors jeu (VALÉRY, Variété , 1924, p. 184).
2. [Au jeu de cartes] [i]Au sing. Série de cartes que reçoit chaque joueur au début de la partie et qui contribue (conjointement à son habileté stratégique) à le faire perdre ou gagner. Avoir du jeu; ne pas avoir de jeu, avoir des atouts dans son jeu; abattre son jeu, voir dans le jeu de l'adversaire. Mais le chef de bureau, sans entendre, annonçait son jeu. — Une quinte majeure en trèfle (ZOLA, E. Rougon, 1876, p. 144) :
• 8. C'est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd. ESCARTEFIGUE : C'est pour ça que je me demande si Panisse coupe à cœur. CÉSAR : Si tu avais surveillé le jeu, tu le saurais. PANISSE, outré. : Eh bien, dis donc, ne vous gênez plus! Montre-lui ton jeu puisque tu y es! CÉSAR : Je ne lui montre pas mon jeu. Je ne lui ai donné aucun renseignement.
PAGNOL, Marius, 1931, III, 1er tabl., 1, p. 155.
— Loc. fig.
♦ Avoir beau jeu, avoir un beau jeu en mains, avoir des atouts dans son jeu. Engager une affaire avec des avantages de départ. Comme les Danton, les Robespierre, les Marat dormaient en paix, les soldats allaient avoir beau jeu (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870). Il y a chez J.-E. Blanche quelque chose de content, de facile de léger (...). Blanche a par trop d'atouts dans son jeu (GIDE, Journal, 1916, p. 565).
♦ Cacher son jeu. V. cacher I A 1.
♦ Découvrir, montrer, laisser voir son jeu. Avouer franchement les mobiles de ses actes. Solliciter n'a plus de sens. On doit abattre grossièrement ses cartes, montrer son jeu (BERNANOS, Joie, 1929, p. 628).
♦ (Jouer) jeu sur table; jouer, y aller franc jeu. (Jouer) franchement, sans détour. Voyons. Jeu sur table, mylord. Je vous ai dit vos affaires, je vais vous dire les miennes (HUGO, M. Tudor, 1833, Journée 1, 6, p. 52). Je veux bien jouer avec toi; mais franc jeu (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1048).
♦ Lire, voir clair dans le jeu (de qqn). Deviner ses intentions. Oh! Je vois clair dans leur jeu. Ils veulent me pousser à bout, me forcer à un éclat, me faire fuir... (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 287).
♦ (Il y a qqc.) sous jeu (vieilli). Il y a quelque chose qui se trame, que l'on veut dissimuler. Je vois bien qu'il y a sous jeu quelque chose qu'on me cache (SAND, Mlle de la Quintinie, 1863, p. 57).
— En partic., CARTOMANCIE
♦ Jeu de cartes nécessaire à la consultation (tarots). Elle prit son grand jeu, le mêla convulsivement, et le fit couper par Mme Cibot (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p. 127).
♦ Faire, jouer le grand jeu. Prédire l'avenir selon la disposition des cartes du tarot :
• 9. Deux jeunes filles de Baltimore vont consulter une voyante à Washington. La bonne dame leur fait le « grand jeu », mais ne prédit l'avenir qu'à l'une d'elles et non à l'autre.
GREEN, Journal, 1942, p. 197.
Au fig. Déploiement, mise en action de tous les moyens pour parvenir à ses fins. Alors, c'est le grand jeu; il dit qu'il a trois enfants, qu'il est homme de devoir, et ne veut pas descendre au-dessous de sa tâche (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 149).
3. P. anal. [Dans le tour un jeu de] Assortiment, série complète d'objets destinés à un usage identique ou complémentaire. Un jeu d'avirons, de brosses, de clés. Tout le jeu de voiles, tendu sous les brises de l'ouest, vint en aide à l'infatigable vapeur emmagasinée dans la chaudière (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 16). Un jeu de chaussettes de soie était disposé en éventail (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 167).
— Plus rarement. [Suivi d'un compl. désignant un animé] Une série, un jeu de personnages et de situations (LARBAUD, Jaune, 1927, p. 261). Tout un jeu de canards dressés pour la chasse, une dizaine en tout (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 81).
— Spécialement
♦ DOCUM. Jeu de fiches. « Ensemble de fiches rédigées pour la description et l'analyse d'un ouvrage et destinées à être intercalées dans les différents catalogues » (ROLLAND-COUL. 1969). Le jeu de cartes doit progresser en même temps que le jeu de fiches et refléter à chaque instant l'état de la documentation (GRIAULE, Méth. éthnogr., 1957, p. 79).
♦ IMPR. Jeu d'épreuves. Série d'épreuves destinées à la correction et à la mise en page d'un ouvrage. Il aurait besoin de recevoir un jeu d'épreuves de l'Amiel (DU BOS, Journal, 1926, p. 138).
♦ INFORMAT. Jeu de caractères. « Ensemble convenu et fini de caractères reconnus par les circuits d'un ordinateur ou d'une unité d'entrée-sortie » (Informat. 1972). Jeu de cartes. Ensemble ordonné ou non de cartes perforées correspondant à un programme ou à un groupe de données. Un jeu de cartes d'objet perforées ou traitées de quelque autre manière permettant la recherche suffit (JOLLEY, Trait. inform., 1968, p. 146).
♦ MUS. Jeu d'orgue. Série de tuyaux de même timbre actionnés par chacune des touches du clavier ou du pédalier. Jeu simple, composé; grand jeu; plein jeu. Dans l'espèce de tuyaux d'orgues nommée jeux d'anche, l'air n'entre dans le tube qu'en déplaçant une lame élastique de métal (CUVIER, Anat. comp., t. 4, 1805, p. 451). Il actionne les pédales, il tire les jeux, il prend mesure de l'instrument avec son corps (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 170).
P. anal., SPECTACLE. Loge du chef éclairagiste où se trouvent aujourd'hui toutes les commandes électriques du théâtre et où étaient initialement installés les tuyaux de plomb servant à la distribution du gaz qui donnaient l'impression d'une façade d'orgue. Cet endroit où stationne le chef de l'éclairage se nomme : le jeu d'orgue (MOYNET, Machinerie théâtr., 1893, p. 245).
II. — Manière de jouer ou de se conduire.
A. — Manière de jouer d'un instrument, de pratiquer un sport ou de manier une arme.
1. Art de jouer d'un instrument de musique. Jeu lié, naturel, nuancé, souple. M. BOLDINI, dont le jeu est plus nerveux, le virtuosisme plus expressif (HUYSMANS, Art. mod., 1883, p. 202) :
• 10. Il avait de petites mains courtes et rouges avec lesquelles, presque sans agiter les doigts, il semblait pétrir le piano. Son jeu ne rappelait rien que j'eusse jamais entendu ou que je dusse jamais entendre...
GIDE, Si le grain, 1924, p. 459.
2. Technique propre à un sport; art de manier une arme. Jeu de jambes. C'est une belle épée. Son jeu est net. Il a de l'attaque, pas de feintes perdues, du poignet (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 797). Le jeu de tête. C'est le complément du jeu de pied. On utilise le front pour contrôler, mais surtout pour frapper une balle aérienne (J. MERCIER, Football, 1966, p. 54).
B. — THÉÂTRE, CIN.
1. Jeu des acteurs. Manière de jouer propre à chaque artiste. C'est (...) comme le jeu des acteurs, qui ne paraît vrai sur la scène qu'à la condition de dépasser ou d'atténuer beaucoup la réalité (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 264).
— Être vieux jeu. Jouer à l'ancienne mode. Au fig. Avoir des habitudes de vie ou de pensée surannées. Oh! Moi, je suis un journaliste vieux jeu, appartenant aux théories antiques... (GONCOURT, Journal, 1889, p. 925).
2. Jeu de scène. Indication scénique placée par l'auteur à un moment donné de la pièce pour préciser un geste à faire, une attitude, un ton à prendre par exemple. Je me rappelle comme mes doigts tremblaient en arrivant à cet endroit de la partition souligné par un jeu de scène : « Lohengrin embrasse tendrement Elsa... » (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 124).
3. P. anal. Jeux de physionomie. Expressions diverses de la physionomie pour traduire les états d'âme successifs. Une singulière vivacité de tournure et (...) un jeu mobile de physionomie (SAINTE-BEUVE, Tabl. poés., 1828, p. 109). Le frère répéta son jeu de paupière, en l'accentuant (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1494).
C. — Au fig. Manège, tactique visant à servir ses propres intérêts. (Jouer) un jeu serré, subtil. Elle gardait une réserve inexplicable; et il voyait là un jeu de coquette (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 68). Changeant de jeu, elle s'approcha de lui, risqua quelques caresses (ARLAND, Ordre, 1929, p. 405) :
• 11. Pourquoi ne voulez-vous pas me voir autre part que dans ce salon au moment des répétitions? Quel jeu jouez-vous si c'est vrai que je ne vous ennuie pas? LUCILE : Aucun jeu, je vous l'assure Quand j'aimerai un homme, à la minute où je le saurai, je ferai tout pour lui faire plaisir, comme vous dites, et je serai tout de suite à lui sans jeu.
ANOUILH, Répét., 1950, II, p. 39.
— Expr. et loc.
a) Entrer dans le jeu de (qqn). Adopter la même ligne de conduite. Elle veut que je lui force la main et moi je répugne à entrer dans son jeu (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 60).
b) Faire, jouer le jeu de (qqn). Aboutir, par ses actes, à favoriser les intérêts de (qqn). En déclarant la guerre, c'est le jeu de l'Angleterre que vous jouez (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 720).
c) Jouer un double jeu. Tenir deux rôles, avoir deux attitudes opposées dans la même affaire. Si tu veux paraître jouer un double jeu et tenir double rôle, joue le tien (VALÉRY, Mauv. pens., 1942, p. 181).
d) Se (laisser) prendre au jeu de (qqn). Se laisser séduire par ses manières d'agir. On se prend à son jeu, c'est le charme!... (ROSTAND, Cyrano, 1898, IV, 4, p. 167).
e) Se prêter au jeu de (qqn), à un jeu. [Dans une situation donnée] Accepter de jouer un rôle, un personnage. Il s'était prêté quelque temps à ce jeu, qu'elle avait l'art de rendre encore plus pénible qu'agréable et glorieux (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 449).
III. — Aisance dans le fonctionnement d'une chose ou de plusieurs choses entre elles.
A. — Facilité de mouvement d'une pièce, d'un organe dans (ou sur) une autre.
1. Emplois techn.
a) ANAT., PHYSIOL. Il faut rétablir la santé et le jeu de tous les organes (SIEYÈS, Tiers état? 1789, p. 93). Elles [les vertèbres cervicales] forment de simples anneaux, entre lesquels il y a beaucoup de jeu (CUVIER, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 161).
b) MÉCAN. Il est bien permis d'étudier la disposition, le jeu, les engrenages d'un mécanisme (RUYER, Esq. philos. struct., 1930, p. 58).
— Jeu des pistons. Espace parcouru par le piston en action. Vois les machines, le jeu des pistons dans les cylindres; ce sont des Juliette en fonte, des Roméo d'acier (HUYSMANS, Là-bas, t. 2, 1891, p. 56).
2. Locutions.
a) Avoir du jeu. Se mouvoir avec aisance dans un espace défini. [Dans un cont. métaph.] L'esprit de l'homme est un outil peu efficace, qui a du jeu, et qui s'échauffe volontiers à forcer le vide (ARNOUX, Chiffre, 1926, p. 207).
b) Donner du jeu à. Faciliter le bon fonctionnement d'une pièce en lui donnant plus d'espace pour se mouvoir. P. métaph. Le style est inégal et trop méthodique. On aperçoit trop les écrous qui serrent les planches de la carène. Il faudra donner du jeu (FLAUB., Corresp., 1853, p. 131).
3. P. ext. Marche, fonctionnement régulier d'un mécanisme quelconque. Grâce à l'obliquité de l'axe terrestre (...) se produit le jeu des saisons (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p. 14).
— Mettre en jeu. Mettre en action, faire intervenir. Des moulins à eau mis en jeu par une petite rivière (NERVAL, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 94).
B. — Trop grande facilité de mouvement, défaut de serrage entre deux pièces :
• 12. Il y a un jeu [it. ds le texte] anormal dans la direction. Le volant tourne trop à gauche ou à droite, avant d'attaquer les roues, la direction est imprécise et la voiture, sur la route, se déplace en « lacets ». Il s'agit, vraisemblablement, de jeu dans les leviers.
CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p. 358.
C. — P. métaph. et au fig. Fonctionnement normal d'un organisme, d'un système. Présentons d'abord ce jeu ou ce mécanisme politique dans la supposition la plus avantageuse (SIEYÈS, Tiers état? 1789, p. 86).
— En partic.
1. Action combinée de divers éléments. Le jeu des partis, le jeu de l'offre et de la demande. Vous êtes tous envoyés à la mort par le jeu d'alliances secrètes, anciennes, arbitraires (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 697).
2. Fonctionnement normal des facultés mentales. Le jeu de l'intelligence, de la mémoire. Il ne me resterait qu'à me ménager une retraite au fond de ma conscience (...) d'où je puisse observer ce qui se passe dans le jeu des facultés organiques ou intellectuelles (MAINE DE BIRAN, Journal, 1817, p. 97).
D. — [Appliqué à une chose, gén. un phénomène optique] Assemblage de plusieurs éléments dont la combinaison produit un effet spécial.
1. Jeux de lumière, jeux d'ombre et de lumière. J'admirais les jeux d'ombre et de lumière dans l'eau transparente (BENOIT, Atlant., 1919, p. 231).
— P. anal. Jeu compliqué des tons chauds et froids (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 137).
2. Dispositif permettant la combinaison harmonieuse de jets d'eau ou de sources lumineuses.
a) Jeux d'eau. Des jeux d'eau sont préparés dans les allées (GIDE, Nourr. terr., 1897, p. 178).
b) Jeux de lumière. Tout ce que la scène comporte de décor, d'accessoires et de jeux de lumière (LÉAUTAUD, Théâtre M. Boissard, 1926, P. 58).
IV. Au plur.
A. — ANTIQ. GR.
1. Jeux (publics). Concours sportifs et parfois artistiques (musique, danse), liés à des fêtes religieuses et organisés par certaines cités à date fixe. Les jeux héracléens, aux bords de l'Isménus, Finissent, et font place aux banquets de Vénus (LECONTE DE LISLE, Poèmes ant., 1852, p. 174). Confrontation pacifique entre les cités, les jeux, qui avaient toujours permis aux « meilleurs » d'émerger de leur propre communauté, tendent de surcroît à servir les aspirations des cités elles-mêmes à la primauté (E. WILL, Le Monde grec et l'orient, Paris, P.U.F., t. 1, 1972, p. 570).
— Jeux isthmiques, néméens, pythiques. Jeux publics se célébrant dans l'isthme de Corinthe, à Némée en Argolide, à Delphes (anciennement Pytho). V. isthmique.
— Jeux olympiques. Compétitions sportives se déroulant à Olympie tous les quatre ans. Il [Xerxès] apprenoit qu'une partie de la Grèce étoit assise tranquillement aux jeux olympiques, tandis qu'il ravageoit leur contrée (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 25).
♦ P. anal., mod. Compétitions sportives internationales réunissant tous les quatre ans les meilleurs sportifs mondiaux dans un pays différent :
• 13. Il y avait de petites grenouilles, qui par la forme de leurs corps faisaient penser à des athlètes français sélectionnés pour les jeux olympiques.
MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1240.
Jeux (olympiques) d'hiver. Le film tourné aux jeux olympiques d'hiver (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 124). Lors des premiers Jeux d'hiver, le 25 janvier 1924, Chamonix ne reçut que 294 concurrents (L'Express, 5 févr. 1968, p. 52).
2. Jeux funèbres. Concours du même genre organisés, à l'époque homérique, à l'occasion des funérailles d'un roi ou d'une personnalité. V. funèbre ex. de CHATEAUBR., Martyrs, t. 1, 1810, p. 172.
P. anal. :
• 14. Les jeux funèbres commencèrent le long d'une vallée verte qui se prolonge à travers les bocages. Ces jeux s'ouvrirent par la lutte des jeunes filles; la course des guerriers suivit la lutte, et le combat de l'arc, la course.
CHATEAUBR., Natchez, 1826, p 469.
B. — ANTIQ. ROMAINE. Spectacles et réjouissances, originellement à caractère religieux, organisés périodiquement par l'état (jeux publics) ou donnés par des particuliers (jeux privés) et fondés sur des compétitions sportives, des combats, des représentations théâtrales :
• 15. Les jeux finissent par perdre leur caractère religieux (...). L'engouement qu'ils suscitent dans la foule explique à la fois leurs connexions politiques, qui ont été déjà signalées, l'allongement de la durée de chacun d'eux et leur multiplication. Les jeux romains s'étendent sur quinze jours au temps de César.
A. AYMARD, J. AUBOYER, Rome et son empire, Paris, P.U.F., 1962, p. 187.
P. anal. L'impératrice désirant (...) étaler (...) toute la magnificence de sa cour, ordonna des jeux publics, dans lesquels elle devoit distribuer des prix de l'adresse et de la valeur (GENLIS, Chev. Cygne, t. 1, 1795, p. 10).
♦ Jeux du cirque. Jeux organisés dans l'enceinte du cirque où se déroulaient courses de chars, chasses, combats de gladiateurs et compétitions sportives. Ce même empereur, en attendant les jeux du cirque, nourrissoit les lions de chair humaine (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 582).
♦ Jeux du théâtre, jeux scéniques. Représentations théâtrales. Ces jeux scéniques, spectacles de turpitudes, n'ont pas été établis à Rome par les vices des hommes (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 32).
♦ Jeux de l'amphithéâtre. Jeux organisés dans l'enceinte de l'amphithéâtre où se déroulaient des combats de gladiateurs, des chasses et des naumachies. Voir PELL. 1972.
Prononc. et Orth. : []. Au plur. des jeux. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1100 giu « amusement » (Roland, éd. J. Bédier, 977); 2. ca 1160 ce n'est pas jous « c'est loin d'être une chose sans gravité, sans conséquence » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 6881); 3. a) 1558 « ce qui relève ou semble relever de la fantaisie pure, du caprice » (DU BELLAY, Regrets LXXXII, 5, éd. E. Droz, p. 86 : le jeu de la Fortune); b) 1666 jeu de mots (MOLIÈRE, Misanthrope, I, 2); 4. 1690 jeu de main, jeu de vilain (FUR.); 5. 1891 comptab. jeu d'écritures (supra I A 5d). II. « Organisation de cette activité sous un système de règles définissant un succès et un échec, un gain et une perte » (LAL.); 1. a) ca 1160 gius antiq. « compétitions sportives » (Enéas, 2159); b) début XVIe s. jeux olympiques antiq. (J. LEMAIRE DE BELGES, Couronne margaritique ds Œuvres, éd. J. Stecher, t. 4, p. 59); 1894 (P. DE COUBERTIN, Le rétablissement des jeux olympiques ds R. de Paris, 15 juin ds FEW t. 7, pp. 351-352); 2. a) ca 1160 fig. faire un jeu parti à qqn « proposer une alternative à quelqu'un » (Enéas, 7754 : ge li ferai un geu parti); b) ca 1200 p. ext. litt. gius partis (JEAN RENART, Escoufle, éd. F. Sweetser, 2028); c) fin XIIIe s. [date du ms.] jus, jeus litt. « représentation théâtrale » (Titre, prologue 113 et colophon du Jeu de Saint Nicolas de Jean Bodel, éd. A. Henry, pp. 56, 60, 176 et note p. 180); 3. a) 1200 gieu « somme risquée au jeu » (op. cit., 291); 1585 jouer le gros jeu fig. (NOËL DU FAIL, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 252); b) 2e moitié du XVIe s. le jeu absol. « les jeux d'argent » (G. MEURIER, Trésor des sentences ds LE ROUX DE LINCY, Proverbes, t. 2, p. 85); 4. ca 1200 « règles, conventions » (Garin le Lorrain, éd. J. E. Vallerie, 8961 : Qui en gieu entre, bien doit gieu consentir); 5. a) ca 1223 fig. faire le jeu de qqn « donner son appui à quelqu'un » (G. DE COINCI, Mir., éd. V. F. Koenig, t. 1, p. 12, 203 [I Pr. 1] : Se nos n'avons qui no giu face); b) fin XIIIe s. [var. ms.] fig. « entreprise comportant des risques » (Thèbes, éd. L. Constans, 6232 : En tristor est tornes li gius); 6. 1636 jeu « chacune des divisions de la partie (au jeu de paume) » (MONET). III. Ce qui sert à jouer 1. ca 1200 « instruments de jeu » (JEAN RENART, Escoufle, éd. F. Sweetser, 8993 : jus d'eskés et de tables); 2. 1385 « lieu de jeu » (B. et H. PROST, Inventaires mobiliers des ducs de Bourgogne, t. 2, p. 183, § 1203 : un pavement de grez [...] pour faire un geu de paume); 3. 1451 « assemblage de cartes » (G. ARNAUD D'AGNEL, Comptes du Roi René, t. 1, p. 181 : ung jeu de quartes); 4. a) 1515 mus. « rangée de tuyaux d'un orgue » (L. MERLET, Doc. sur les travaux exécutés à N.D. de Chartres, p. 358 : unes orgues à cinq jeuz); b) av. 1683 mar. jeu de voiles (Corresp. de Colbert, III, 2, p. 312 ds LITTRÉ). IV. Manière dont on joue 1. ca 1200 jeu fig. « manœuvre, manière d'agir » (Chevalier au Cygne, éd. J. A. Nelson, 1749 var.); 2. 1511 c'est le vieux jeu « ce n'est plus à la mode » (GRINGORE, Jeu du prince des sots ds Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 227 : La Bonne Foy, c'est le vieil jeu); 1877 vieux jeu « passé de mode » (MEILHAC, HALÉVY, Cigale, p. 17 : il n'est pas vieux jeu); 3. 1680 théâtre « manière de jouer un rôle » (RICH.); 4. a) 1690 mus. « façon de jouer d'un instrument » (FUR.); b) 1690 escrime « façon de manier une arme » (ibid.); 5. a) 1690 sc. nat. jeux de la Nature (ibid.); b) 1704 jeux d'eau (Trév.); c) 1771 « effet artistique produit par des assemblages de couleurs ou des mouvements de lumière » (BUFFON, Hist. nat., Oiseaux, t. 2, p. 372). V. 1. a) 1677 « mouvement aisé, régulier d'un objet, d'un organe, d'un mécanisme » (BOSSUET, Connaissance de Dieu et de soi-même, II, 2 ds LITTRÉ : jeu [des muscles dans le corps humain]); b) 1762 p. ext. « action, mouvement » (ROUSSEAU, Emile, 1. 4, éd. Ch. Wirtz, p. 534 : le jeu de toutes les passions humaines); 2. 1689 « espace ménagé pour la course d'un organe, d'un mécanisme » (Mme DE SÉVIGNÉ, Corresp., 6 avr., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 570). Du lat. jocus « plaisanterie, badinage », qui a supplanté ludus en héritant de ses sens : « jeu, amusement, divertissement; en partic. jeux publics de caractère officiel ou religieux » (cf. ERN.-MEILLET, BL.-W.). Fréq. abs. littér. : 10 649. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 10 480, b) 11 939; XXe s. : a) 14 263, b) 21 373. Bbg. BECKER (K.). Sportanglizismen im modernen Französisch... Meisenheim, 1970, p. 76, 300, 305, 330, 331. - COHEN 1946, p. 9. - GOHIN 1903, p. 355. - HUG. Lang. 1933, p. 87-88. - LEW. 1968, p. 112. - QUEM. DDL t. 4, 6, 10, 16, 17, 18, 19, 20. - ROMMEL 1954, p. 91, 93, 101, 102. - WEXLER 1955, p. 90.
jeu [ʒø] n. m.
ÉTYM. XIIe; giu, 1080, Chanson de Roland, « amusement »; gius « sport (antique) », v. 1160; du lat. jocus « badinage, plaisanterie ».
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———
1 Activité physique ou mentale, gratuite, généralement fondée sur la convention ou la fiction, qui n'a, dans la conscience de la personne qui s'y livre, d'autre fin qu'elle-même, et que le plaisir qu'elle procure. ⇒ Amusement, divertissement, récréation; ludique (activité ludique). || L'amour, le besoin du jeu chez l'enfant. || L'éducation par le jeu. || L'imagination se donne libre cours dans le jeu. || Thème de jeu. — ☑ Loc. adv. Par jeu : sans autre motif que le plaisir, le besoin d'agir. || Faire quelque chose par jeu (→ Irréel, cit. 2). || Agir par jeu (→ Gratuitement, cit. 8).
1 Avoir, s'il se peut, un office lucratif, qui rende la vie aimable (…) écrire alors par jeu, par oisiveté.
La Bruyère, les Caractères, XII, 21.
2 Une activité en laquelle se mêlent les deux faits psychiques qui dominent dans l'enfance, les sensations et les mouvements, c'est le jeu. L'enfant joue avec ardeur. Et le jeu stimule la croissance de son corps comme celle de son esprit (…) claparède voit dans le jeu « une libre poursuite de buts fictifs ». Tel est le caractère propre de l'activité ludique. Le domaine du jeu est le paradis du comme si. La fillette donne à manger à sa poupée comme si celle-ci avait faim et pouvait avaler (…) Le jeu a pour fonction de permettre à l'individu de réaliser son moi, de déployer sa personnalité, de suivre momentanément la ligne de son plus grand intérêt dans les cas où il ne peut le faire en recourant aux activités sérieuses.
F. Challaye, Psychologie de l'enfant, I, IV, p. 424.
3 L'Art doit être rapproché du Jeu : c'est un libre jeu avec les sensations, les sentiments, les idées. Tous deux vivent de fictions, de conventions, et se désintéressent des valeurs pratiques.
P. Guillaume, Manuel de psychologie, V, p. 71.
4 J'avais, dit-il, tellement le jeu dans la tête, que les précepteurs et les régents perdaient leur latin en me le voulant apprendre.
G. Duhamel, Refuges de la lecture, IV, p. 169.
4.1 Le point de départ est la définition suivante, qui résume une analyse magistrale : le jeu dans son aspect essentiel est une action libre, exécutée « comme si » et sentie comme située hors de la vie courante, mais qui cependant peut absorber complètement le joueur sans qu'il trouve en elle aucun intérêt ou en obtienne aucun profit (…)
Roger Caillois, l'Homme et le Sacré, p. 199.
4.2 Comparer la définition de M. Émile Benveniste : jeu est toute activité réglée qui a sa fin en elle-même et ne vise pas à une modification utile du réel.
Roger Caillois, l'Homme et le Sacré, p. 200.
4.3 Dans les jeux d'acquisition, l'enfant est, suivant une expression courante, tout yeux et tout oreilles, il regarde, écoute, fait effort pour percevoir et comprendre : choses et êtres, scènes, images, récits, chansons semblent le capter totalement. Dans les jeux de fabrication, il se plaît à assembler, combiner entre eux des objets, à les modifier, les transformer et en créer de nouveaux. Loin d'être éclipsées par les jeux de fabrication, la fiction et l'acquisition y jouent souvent un rôle.
Pourquoi a-t-on donné à ces activités diverses le nom de jeu ? Évidemment par assimilation à ce qu'est le jeu chez l'adulte.
Il est d'abord délassement et, par là, s'oppose à l'activité sérieuse qu'est le travail. Mais ce contraste ne peut exister chez l'enfant qui ne travaille pas encore et dont le jeu est toute l'activité. Il convient pourtant d'examiner si l'activité qui délasse n'a pas quelque ressemblance avec celle de l'enfant.
Le jeu n'est pas essentiellement ce qui ne demanderait pas d'effort, à l'encontre du labeur quotidien, car il peut appartenir au jeu d'exiger et de libérer des quantités beaucoup plus considérables d'énergie que ne pourrait faire une tâche obligatoire : ainsi de certaines compétitions sportives ou même d'œuvres poursuivies solitairement, mais librement. Le jeu ne fait pas non plus qu'utiliser les forces laissées sans emploi par le travail.
Henri Wallon, l'Évolution psychologique de l'enfant, p. 58.
REM. La définition générale de la notion de jeu est controversée : les éléments généralement retenus sont la liberté (« tout jeu est d'abord et avant tout une action libre », Huizinga, Homo ludens, p. 25), la gratuité et le caractère improductif (cf. Alain : « le jeu rejette tout capital accumulé », in les Passions et la Sagesse, Pl., p. 112), la définition spatio-temporelle (« activité séparée », Caillois, les Jeux et les hommes, p. 42), l'incertitude du résultat. Cependant, le caractère réglé, ordonné (idée de code partagé, entraînant celle d'infraction : tricher) peut être contesté, au profit de la notion de fiction, d'imaginaire (« les jeux ne sont pas réglés et fictifs. Ils sont plutôt ou réglés ou fictifs », Caillois, les Jeux et les hommes, p. 43); cette position est d'ailleurs elle aussi contestée. De même, la présence de plusieurs partenaires n'est pas générale; l'enfant peut jouer seul, mais on peut considérer qu'il y a alors internalisation de la pluralité. L'étude des emplois du mot et de ses métaphores montre que les potentialités de la notion sont multiples et parfois contradictoires : les jeux d'argent, les jeux sportifs sont souvent intéressés, le caractère inoffensif coexiste avec la conception ludique de la lutte, de la guerre : ce ne sont pas de « vrais » jeux, mais le mot jeu est utilisé à leur propos. Enfin la nature psychique profonde du jeu (Freud : « le jeu a pour fonction d'aménager le déplaisir en produisant du plaisir »), son rôle dans l'épistémologie génétique (jeux d'acquisition; → ci-dessus, cit. 4.3, Wallon) et sa définition éthologique (→ ci-dessous, I., 3.) compromettent certains critères, élaborés pour rendre compte de l'activité consciente, humaine et adulte, tandis que l'extension du concept à un modèle abstrait mathématisable (théorie des jeux), englobant l'économie et la guerre, suppriment certains de ces critères essentiels.
♦ (Un jeu, des jeux). Exercice concret de cette activité. || Un jeu brutal, bruyant (cit. 4), dangereux, paisible, puéril. || Découvrir, inventer un jeu nouveau, amusant, passionnant. || Prendre part à un jeu. ⇒ Jouer. || Se livrer, s'adonner à son jeu favori. ⇒ Passe-temps (→ Étude, cit. 7).
5 Ces deux rivaux un jour ensemble se jouant,
Comme il arrive aux jeunes gens,
Le jeu devint une querelle.
La Fontaine, Fables, X, 11.
6 (…) la comédie est bien un jeu, un jeu qui imite la vie.
H. Bergson, le Rire, p. 69.
7 (…) cette espèce de jeu qui consistait à ne plus conduire sa pensée et à la laisser librement s'enrouler et se dérouler autour d'un souvenir ou d'un projet (…)
J. Green, Adrienne Mesurat, I, IV.
8 Le jeu pouvait se borner au plaisir de bavarder sans témoins, de chercher la place et la nuance d'un coussin de plus pour le salon, de préparer le thé ensemble, en faisant marcher les petites casseroles d'émail et les robinets à gaz.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, IV, p. 27.
♦ Les petits jeux des enfants (→ Appliquer, cit. 36). || Des jeux d'enfant (→ Bibliothèque, cit. 6). || Jeux folâtres (cit. 1). ⇒ Batifolage; batifoler, folâtrer (cit. 2). || La bascule, l'escarpolette, le saute-mouton, jeux enfantins (cit. 1). || Jeux d'illusion ou d'imitation (jouer à la poupée, à l'épicier…), jeux de manipulation (jouer au sable…), jeux de groupe. || Jeu d'attrape. ⇒ Espièglerie. || Jeux éducatifs, jeux d'éveil. || Des jeux de son âge (→ Consumer, cit. 14), qui ne sont plus de son âge (→ Brouette, cit. 2). — Les jeux de Gargantua (Rabelais, Gargantua, XXII). || Les Plaisirs et les Jeux, de G. Duhamel (1922). — Jeux, ballet de C. Debussy (1913).
♦ Activité érotique de caractère ludique. ⇒ Ébat(s). || Jeux lascifs des amants (→ Attraper, cit. 7; cour, cit. 24). || Jeux amoureux, érotiques.
♦ Poét. (vx). ☑ Les jeux de Mars : la guerre. ☑ Les jeux de Vénus : l'amour.
♦ Myth. || Les Jeux : divinités allégoriques qui présidaient à la gaieté, aux plaisirs. || Les jeux et les ris (→ Grincer, cit. 14).
9 Et l'essaim des jeux et des ris,
Doux vol qui folâtre et se joue,
Niche sous la poudre de riz
Dans les roses de votre joue.
Th. de Banville, Odes funambulesques, « La voyageuse », I.
♦ ☑ Loc. Jeux de main (Académie) ou de mains, où l'on échange des coups légers par plaisanterie. — ☑ Prov. (1690, Furetière). Jeu(x) de mains, jeu(x) de vilain (par allus. aux vilains du moyen âge qui vidaient leurs différends à coups de poing) : les jeux de main, jeux grossiers et vulgaires, finissent presque toujours mal (s'emploie aussi dans le contexte érotique).
♦ ☑ Vieilli. Jeux de (du) prince : caprices, fantaisies que les puissants n'hésitent pas à satisfaire au mépris des humbles, des faibles (par allus. à la fable de La Fontaine le Jardinier et son Seigneur).
10 Le bon homme disait : « Ce sont là jeux de prince. »
Mais on le laissait dire; et les chiens et les gens
Firent plus de dégât en une heure de temps
Que n'en auraient fait en cent ans
Tous les lièvres de la province.
La Fontaine, Fables, IV, 4.
11 Ce sont là jeux de prince :
On respecte un moulin, on vole une province.
François Andrieux, le Meunier de Sans-Souci.
12 Mézérai, qui faisait l'office de secrétaire, lut le mot Jeu; mais le hasard est souvent malin; parmi les façons de dire proverbiales qui étaient citées, il y avait Jeux de prince, qui ne plaisent qu'à ceux qui les font, pour signifier une malignité ou une violence faite par quelqu'un qui est en puissance.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 5 janv. 1852.
♦ ☑ Loc. fig. Se faire un jeu de qqch. || Ce n'est qu'un jeu. — Péj. || Se faire un jeu des chagrins d'autrui, s'en amuser. ⇒ Jouer (se). || Se faire un jeu de tourmenter quelqu'un (→ Battre, cit. 92), de violer ses promesses (→ Inconséquent, cit. 3), y prendre plaisir, comme à un jeu.
2 (1558, Du Bellay). Activité qui présente un ou plusieurs caractères du jeu (gratuité, caractère inoffensif, facilité ou agrément).
♦ (Jeu de…). Ce qui relève ou semble relever du caprice (cit. 13), de la fantaisie pure. || Un jeu de l'imagination (→ 1. Bouffe, cit. 2). || Les jeux de l'esprit. || Les jeux de la plume (→ Griffonnage, cit. 1). — Par métaphore. || Les jeux du destin, de la fortune, du sort. || Le Jeu de l'amour et du hasard, comédie de Marivaux (1730). || Le Jeu de l'amour et de la mort, drame de Romain Rolland (1925).
13 (…) cette volonté de faire table rase et de reconstruire ne sont pas seulement le jeu d'un esprit, mais la recherche d'une volonté.
A. Maurois, Études littéraires, P. Valéry, III.
14 (…) la peste les laissait oisifs (…) livrés, jour après jour, aux jeux décevants du souvenir.
Camus, la Peste, p. 85.
15 (…) le surréalisme a rendu et rend des services, en particulier dans l'étude du rêve et des jeux de l'inconscient.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 469.
♦ Par métonymie. || Les jeux de la Nature : productions dont la nature semble avoir créé les formes étranges pour son divertissement. || Les fossiles (cit. 1) étaient interprétés comme des jeux de la nature.
♦ Ce qui est limité aux apparences, dépourvu de signification, de valeur profonde. || N'allez pas prendre la chose au sérieux : c'est un jeu. → C'est pour rire. || Ne voyez là qu'un jeu. || Son emphase (cit. 2) n'est qu'un jeu. || La littérature n'est-elle qu'un jeu d'amateur (cit. 6), qu'un jeu de l'esprit (cit. 51). ⇒ Badinage (cit. 1).
16 (…) par un jeu de l'optique, l'horizon recule et les galeries suspendues en l'air se découpent sur les fonds du ciel et de la terre.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, III, V, IV.
♦ ☑ (1666, Molière). Jeu de mots : allusion plaisante fondée sur l'équivoque de mots qui ont une ressemblance phonétique mais contrastent par le sens (→ Facétie, cit. 2). || Jeu de mots facile (⇒ Calembour; → Enfilade, cit. 4), grossier, malheureux. || L'abus des jeux de mots conduit à l'affectation (cit. 9), au gongorisme (cit. 2).
17 (…) ces « Jeux de mots » que Robert Desnos, poursuivant une veine ouverte par Marcel Duchamp, poussa à la perfection et où tout est rime, où la rime est prise à son comble, ne se borne plus aux bouts-rimés, mais pénètre le vers entier comme dans le célèbre distique :
Gal, amant de la Reine, alla (tour magnanime),
Galamment de l'arène à la Tour Magne, à Nîmes.
Aragon, le Crève-cœur, La rime en 1940.
♦ Littér. || Jeu poétique, stylistique : écriture, style considéré comme un exercice formel.
18 En plusieurs endroits de ses lettres, madame Desbordes-Valmore s'efforce de rassurer son époux : ces vers, à l'en croire, ne sont qu'un jeu poétique.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 319.
♦ ☑ Loc. comm. (1891). Jeu d'écritures (cit. 21) : opération comptable purement formelle, sans incidence pratique sur le compte qui en fait l'objet.
♦ Ce qui est sans gravité, ne tire pas à conséquence. ⇒ Bagatelle, plaisanterie (→ Errement, cit. 4). ☑ Prendre qqch. en jeu, en riant, comme une plaisanterie. — ☑ Loc. (vieilli). Cela passe le jeu : cela passe les bornes de la plaisanterie. — ☑ Loc. cour. N'être qu'un jeu, être un jeu pour qqn : être sans gravité, et, spécialt, n'offrir que peu de difficultés, être facile, aisé. || Grimper (cit. 2) à l'arbre ne fut pour lui qu'un jeu. || Il se fit un jeu d'obtenir leur consentement, il l'obtint très facilement. || Se faire un jeu des difficultés, en triompher aisément. ⇒ Jouer (se); jongler (avec).
19 La mort aux rats, les souricières,
N'étaient que jeux au prix de lui.
La Fontaine, Fables, III, 18.
20 Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu.
La Fontaine, Fables, VI, 16.
21 Des plus fermes États la chute épouvantable,
Quand il (Dieu) veut, n'est qu'un jeu de sa main redoutable.
Racine, Esther, III, 4.
22 À peine arrivée, elle découvrit qui était l'adversaire et crut que ce lui serait un jeu d'en venir à bout.
F. Mauriac, la Pharisienne, XIII.
♦ ☑ Loc. Jeu d'enfant (mêmes sens et emplois). || C'est un jeu d'enfant : c'est très facile. || Ce ne sera qu'un jeu d'enfant pour lui.
3 (Chez l'animal). Comportement non dirigé vers les objectifs normaux des activités analogues de l'adulte ou du jeune, mais essentiellement vers l'exercice et la maîtrise des capacités comportementales (simulacres de luttes, de chasse, de coït, etc., chez les mammifères).
———
II
1 (V. 1160). « Organisation de l'activité ludique sous un système de règles définissant un succès et un échec, un gain et une perte » (Lalande); (dr.) contrat aléatoire par lequel deux ou plusieurs parties s'engagent à remettre une chose ou une somme d'argent à celui des contractants qui sera le gagnant.
2 (Le jeu). || Gagner (cit. 46), perdre, tricher au jeu. || Les gagnants et les perdants du jeu. || Battre son adversaire au jeu. || Quel était votre partenaire à ce jeu ? || Elle est très forte à ce jeu. || Le jeu a tourné à l'avantage de… ⇒ Partie. || Interrompre le jeu (→ Évaluer, cit. 4). || La règle du jeu. — Fig. Les conventions établies. — Le jeu : l'ensemble des règles à respecter. || C'est le jeu, (vx) c'est le droit du jeu. ⇒ Régulier (→ Gâteau, cit. 3). ☑ Fam. Ce n'est pas de jeu, c'est pas de jeu, c'est pas du jeu. ⇒ Irrégulier; → fam. C'est de la triche. — ☑ Loc. Jouer le jeu : se conformer strictement aux règles du jeu, et, fig., aux règles d'une activité.
23 Ce n'était pas de jeu. Thérèse n'avait pas voulu cela.
F. Mauriac, la Fin de la nuit, II, p. 28.
24 Les lois morales sont les règles d'un jeu auquel chacun triche et cela depuis que le monde est monde.
Cocteau, le Grand Écart, p. 137.
25 « Il ne joue pas le jeu », disent les Anglais d'un homme qui triche en amour, en affaires, en politique.
A. Maurois, Un art de vivre, III, 7.
25.1 L'étonnement, l'inquiétude sinon le scandale que je suscite, me rendent conscient de ma singularité. Je ne joue pas le jeu. Profiter du monde et trahir le monde, c'est ce qu'après tout il a peut-être raison de ne pas pardonner.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 59.
25.2 De là, venait peut-être sa haine (celle du baron de Berlinges) des pince-sans-rire, personnages qu'il considérait en quelque sorte comme des tricheurs au jeu de la conversation, faisant toujours une chose qui n'était pas de jeu.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 717.
25.3 — Mais tout de même… si je pouvais t'aider.
— Si tu m'aidais ? — Non. Ça ne serait pas de jeu. Il me semblerait que je triche.
Gide, les Faux-monnayeurs, in Romans, Pl., p. 959.
3 (Un jeu, des jeux). a Jeux qui font appel à la dextérité, à l'agilité, à la vigueur ou à l'adresse physique. || Jeux corporels, physiques. || Les jeux et exercices (cit. 2) du corps. || Jeux de plein air (→ Fête, cit. 13). || Jeux de mains. ⇒ Main (chaude), mourre. || Jeux de balle, jeux de ballon; jeux de poursuite. ⇒ Barres, cache-cache, chat (coupé, perché, sans but), cligne-musette, coin (quatre coins), gribouillette. || Jeu de cache-tampon ou cache-mouchoir. || Jeu du mouchoir (ou chandelle). || Jeu de colin-maillard, de saute-mouton, des gendarmes et des voleurs. || Jeu où l'on saute à cloche-pied. ⇒ Marelle. — Jeux d'adresse. ⇒ Baguenaudier, bagues, billard, bloquette, bouchon, boules, bowling, carotte, croquet, gobelets (→ Escamotage, cit. 1), grâces, jonchets, mail, mikado, osselets, palet, paume, quilles, siam, tonneau, volant. || Jeu de massacre (fig. ⇒ Massacre). || Jeu de passe-passe. — Jeu sportif : jeu constituant une activité sportive. ⇒ Sport. → Handicap, cit. 2. || Jeux de plage : jeux sportifs pratiqués sur les plages. — Spécialt. || Jeu d'équipe : sport dans lequel deux équipes se disputent l'avantage selon des règles précises. || Le football, le hockey, le base-ball sont des jeux d'équipe.
26 Je vous remercie (…) de jouer au mail; c'est un aimable jeu pour les personnes bien faites et adroites comme vous (…)
Mme de Sévigné, 157, 15 avr. 1671.
27 Du temps de Plutarque, les parcs où l'on combattait à nu, et les jeux de la lutte, rendaient les jeunes gens lâches, les portait à un amour infâme (…)
Montesquieu, l'Esprit des lois, VIII, XI.
♦ … de jeu : réservé à un, à des jeux. || Aire de jeu : espace réservé aux jeux des enfants et comportant éventuellement des installations appropriées (dans un square, un jardin public, etc.). || Les bacs à sable, toboggans, balançoires d'une aire de jeu.
28 J'ai demandé quelquefois pourquoi l'on n'offrait pas aux enfants les mêmes jeux d'adresse qu'ont les hommes : la paume, le mail, le billard, l'arc, le ballon, les instruments de musique. On m'a répondu que quelques-uns de ces jeux étaient au-dessus de leurs forces, et que leurs membres et leurs organes n'étaient pas assez formés pour les autres.
Rousseau, Émile, II.
♦ Terrain de jeu : terrain pour les jeux sportifs, en particulier les jeux d'équipe.
29 Là, on se préparait pour jouer au tennis (…) chacun rejoignait le terrain du jeu.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 114.
♦ Organisation des joueurs et des actions, au cours d'un jeu sportif (→ aussi, ci-dessous, le sens IV). || Distribuer le jeu, c'est ça le foot-ball. → Place, cit. 15. — Faute d'un joueur qui se place sur le terrain d'une manière interdite par la règle du jeu. ⇒ Hors-jeu.
♦ (1636, au jeu de paume; 1928, au tennis). Dans quelques jeux de balle de caractère sportif (paume [anciennt], tennis), Chacune des divisions de la partie ou set. || Une manche en six jeux. || Le premier jeu d'un set.
♦ Balle de jeu. || Gagner un jeu. || Jeu !, exclamation qui signale la fin d'un jeu, gagné par l'un des joueurs. — ☑ Loc. (1936). Être à deux de jeux : avoir gagné chacun cinq jeux; (fig.) être à égalité.
29.1 Et, là-dessus, les deux correspondants se séparèrent, assez contents, en somme, de savoir que l'un n'avait pas distancé l'autre. En effet, ils étaient à deux de jeu.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 13.
♦ (Dans le sens a, ci-dessus, ou aux sens b, d ou e). || Un jeu amusant, intéressant. || Ce jeu est idiot. ☑ Fam. Jeux de con : jeux absurdes, dans l'esprit « bête et méchant ». || « Les jeux de con du professeur Choron », (publiés par Hara-Kiri). — Fig. || C'est un jeu de con, une activité absurde, inepte (et éventuellement dangereuse pour le « joueur »).
b Jeux qui font appel aux facultés d'invention, à la mémoire, à l'érudition… || Jeux intellectuels, spirituels. || Jeux de société, jeux à gages (cit. 7), jeux innocents (cit. 16), petits jeux, qui consistent en devinettes, en dialogues improvisés, et où le manquement aux règles est sanctionné par le dépôt d'un gage et par une pénitence. ⇒ Corbillon, pigeon (vole). || Le jeu des métiers, des portraits. — Jeux d'esprit. ⇒ Charade, énigme, logogriphe, mots-croisés, rébus. || Le jeu des bouts-rimés. || Ce jeu est un vrai casse-tête.
30 Il y a des ouvrages qui commencent par A et finissent par Z… On les appelle des jeux d'esprit.
La Bruyère, les Caractères, VI, 103.
31 (…) ne vous compromettez pas dans ces jeux d'enfants. Laissez les écoliers se former auprès des bonnes, ou jouer avec les pensionnaires à de petits jeux innocents.
Laclos, les Liaisons dangereuses, CXV.
♦ Jeux radiophoniques, télévisés. || Le jeu des 1 000 francs. — (1966). || Jeu concours : jeu public, souvent publicitaire.
31.1 Il ne paraît pas indispensable d'insister sur quelques autres aspects de cette consommation langagière : les jeux et concours télévisés, les mots croisés. Plus proche de notre propos serait l'analyse du ludique combinatoire (précisément les mots croisés, mais aussi le tiercé).
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 264.
♦ (V. 1160, faire un jeu parti à qqn « proposer une alternative »; v. 1200, sens mod.). Hist. de la littér. || Jeu parti : pièce médiévale qui mettait en scène deux personnages dialoguant en vers sur un thème donné. — (Fin XIIIe). || Jeu. Pièce médiévale en vers, dramatique ou comique. || Le Jeu de Robin et Marion. || Jeux liturgiques, sacrés, profanes. || Meneur de jeu.
♦ En poésie, « Vers amoureux ou badin, ou faits sur de petits sujets » (Trévoux). || Divers jeux rustiques, poèmes de Du Bellay (1558).
c (Au plur.). Épreuves publiques dont les participants entrent en compétition pour gagner le prix réservé au vainqueur.
♦ (V. 1160, gius). Antiq. Compétitions sportives tenant la plus grande place dans les jeux publics. || Les Anciens célébraient, donnaient des jeux en l'honneur d'un dieu, à l'occasion d'une victoire (→ Entrer, cit. 54). || Jeux albains, en l'honneur de Minerve. || Jeux capitolins, séculaires de Rome. || « Du pain et des jeux » (→ Panem et circenses). || Les jeux agonistiques, gymniques. || Jeux du cirque (cit. 1), du stade (courses de chars, lancement du disque, luttes de gladiateurs…). — Dans l'ancienne Grèce on célébrait de grands jeux solennels à intervalles réguliers ou à dates fixes sous la présidence d'un agonothète, d'un asiarque : jeux éleusiniens (→ Athlète, cit. 5), isthmiques, néméens, panathéniens, pythiques (ou pythiens). — (Déb. XVIe). || Les Jeux olympiques, qui avaient lieu à Olympie tous les quatre ans (⇒ Olympiade). — (1894, P. de Coubertin). Mod. || Jeux olympiques : grande réunion sportive internationale qui a lieu tous les quatre ans. ⇒ 2. J. O.; olympiade, olympique. || Les Jeux olympiques de Moscou, en 1980, de Los Angeles, en 1984. Absolt. || Les premiers Jeux d'Athènes.
32 Le cirque de Malaga est d'une grandeur vraiment antique (…) Cela donne une idée de ce que pouvaient être les arènes romaines et de l'attrait de ces jeux terribles où des hommes luttaient corps à corps contre des bêtes féroces sous les yeux d'un peuple entier.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 207.
33 Je regarde avec une fureur concentrée le public du cirque : il halette de plaisir, il râle sourdement. C'est le public de toujours, le public des autodafés et des jeux sanglants.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, II, III.
33.1 La plupart des exercices qui figurent à nos Jeux ont autrefois préparé et accru la force des nations en armes. Les armes aujourd'hui servent moins constamment, et surtout elles ont trop changé : nos sports tendent vers la grâce et le bonheur de l'inutilité.
Jean Prévost, Plaisirs des sports, p. 45.
♦ Littér. || Jeux floraux (cit.). || Académie (cit. 6) des Jeux floraux. || Mainteneur des Jeux floraux de Toulouse.
d Jeux fondés sur des combinaisons de calcul, sur le hasard, ou sur le calcul et le hasard réunis. || Jeux de calcul ou de combinaison. ⇒ Dames, échecs (cit. 13 et 20), go. || Jeux de hasard (cit. 1 et 2). ⇒ Baccara, biribi, boule, cartes, chemin de fer, cheval (petits chevaux), hoca (vx), loterie, loto, oie (jeu de l'), roulette; dé (jeux de dés). || Jeux de cartes et de hasard. ⇒ Carte. || Jeux de hasard enfantins : pair ou impair (cit. 2), pile ou face (croix ou pile). || Jeux mixtes, où le hasard peut être plus ou moins corrigé à l'aide du calcul ou de certaines combinaisons. ⇒ Domino (cit. 3); mah-jong.
♦ Par métaphore. Toute entreprise à la fois aléatoire (cit. 1) et soumise à un système de règles. || La vie est un jeu (→ Échiquier, cit. 3). || Le jeu politique et parlementaire (→ Brouiller, cit. 1). ☑ Un jeu de dupes (cit. 9). || Le jeu de la coquetterie (cit. 9).
♦ Spécialt. || Jeux d'argent, où les joueurs risquent une somme dans l'espoir de gagner la partie. || Les jeux d'argent sont presque tous des jeux de hasard; cependant, un jeu d'adresse (billard…) peut comporter un enjeu (⇒ Poule). — Mettre (qqch.) au jeu. ⇒ Jouer, miser, ponter, renvier. || Argent mis au jeu, en jeu, sur le jeu. ⇒ Enjeu; mise; 3. cave, 1. masse (I., 7.), paroli, 1. passe. || Législation et police des jeux. || La ferme des jeux. — (Après 1550). Absolt. || Le jeu (baccara, boule, poker, roulette…). || S'adonner au jeu. ⇒ Jouer. || Aimer le jeu (→ Amateur, cit. 7). || Être possédé par le démon, la passion du jeu. ⇒ Joueur (→ Invétérer, cit. 1). || Les dangers du jeu (→ Décevant, cit. 1). || Être refait, prendre une culotte, se décaver, se ruiner au jeu (→ Entortiller, cit. 1). — Dettes de jeu, dettes d'honneur (cit. 31). — Les chances (cit. 5) au jeu font l'objet de calculs de probabilité (→ Cas, cit. 30. ⇒ Martingale). || Prendre sa revanche au jeu. ⇒ Racquitter (se). ☑ Heureux au jeu, malheureux en amour. — Cercle, établissement, salle de jeu. ⇒ Brelan (vx), casino, tripot (péj.). || Jetons de jeu. || Croupier (cit. 2) qui promène son rateau sur le tapis vert d'une table de jeu. || Termes de jeu. ⇒ Banco, 1. banque (cit. 4). || Être interdit de jeu, interdit dans les salles de jeu.
34 N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?
La Fontaine, Fables, VIII, 11.
35 Montez dans une maison de jeu, je ne sais où elles sont, mais je sais qu'il y en a au Palais-Royal. Risquez les cent francs à un jeu qu'on nomme la roulette, et perdez tout ou rapportez-moi six mille francs.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 966.
36 De même que le métal monnayé représente presque toutes les jouissances, le jeu résume presque toutes les émotions; chaque carte, chaque coup de dé entraînent la perte ou la possession d'un certain nombre de pièces d'or ou d'argent, et chacune de ces pièces est le signe d'une jouissance indéterminée.
A. de Musset, Nouvelles, Fils du Titien, VII.
37 La passion du jeu fait voir ce besoin d'aventure tout nu, en quelque sorte, sans aucun ornement étranger; car le joueur n'a jamais de sécurité, et je crois que c'est cela même qui l'intéresse. Aussi le vrai joueur n'aime pas trop ces jeux où l'attention, la prudence, le savoir-faire corrigent beaucoup la chance. Au contraire, un jeu comme la roulette, où il ne fait qu'attendre et risquer, le transporte d'autant plus.
Alain, Propos, 1er nov. 1913, Le jeu.
38 (…) il y avait l'espoir fabuleux du gain. On connaît cette chance immanquable des novices aux tables de jeu. Elle ne fit pas défaut à Armand. Il gagna plusieurs jours de suite d'assez petites sommes peut-être mais, au fur et à mesure qu'il se risquait, il lui passa jusqu'à mille et deux mille francs dans les doigts.
Aragon, les Beaux Quartiers, III, I.
39 La loi n'accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d'un pari (…) Dans aucun cas, le perdant ne peut répéter ce qu'il a volontairement payé, à moins qu'il n'y ait eu, de la part du gagnant, dol, supercherie ou escroquerie.
Code civil, art. 1965 et 1967.
♦ « Opération aléatoire dans laquelle une personne risque une certaine somme d'argent dans l'espoir de réaliser un bénéfice par le fait de certains événements indépendants de son activité tels que fluctuation des cours d'une marchandise, place obtenue par un cheval dans une course, sortie d'un numéro dans une loterie » (Capitant, Voc. juridique). || Jeu de Bourse. ⇒ Agiotage, spéculation. || Le jeu aux courses. ⇒ Pari.
e Jeux faisant appel à des mécanismes ou à des dispositifs électroniques et mettant en jeu des aptitudes humaines physiques (adresse) et mentales.
39.1 L'évolution des jeux est significative : des jeux d'équipe ou de compétition, des traditionnels jeux de cartes, ou encore des baby-foot, à l'immense génération des flippers (déjà l'écran, mais pas encore « télé », un mixte d'électronique et de gestuel) aujourd'hui dépassés par les tennis électroniques et autres jeux computérisés, écrans striés de molécules à grande vitesse, manipulation atomistique (…) le ludique est partout, jusques et y compris dans le « choix » d'une marque de lessive dans un hypermarché.
J. Baudrillard, De la séduction, p. 215-216.
f Didact. Situation qui met en présence deux ou plusieurs sources (joueurs) en interaction, les choix de chacune influençant sans la déterminer la situation en évolution et la réalisation d'un événement déterminé. || Modèle mathématique d'un jeu. || Jeux stratégiques. || Jeu à somme nulle, où la somme algébrique des gains est nulle. || Jeu équilibré, à chances égales; ex. : pile ou face.
♦ Théorie des jeux, mettant en relief les analogies du comportement des agents économiques et des différents partenaires d'un jeu lors de l'élaboration d'une stratégie ou de la prise d'une décision. — Jeu d'entreprise : simulation (sur ordinateur) de la gestion d'une entreprise. — Jeux de langage (trad. de l'angl. language games, Wittgenstein). || Jeu stratégique, militaire. ⇒ Kriegspiel, wargame.
39.2 (…) il est impossible d'ouvrir quelque ouvrage contemporain de biologie sans retrouver sans cesse les problèmes d'information (…) Un autre exemple très frappant est celui de la « théorie des jeux » ou de la décision, ajustée aux besoins de l'économétrie par V. Neumann et Morgenstern. Or, cette technique, dont l'utilité se trouve être de plus en plus grande pour l'étude des comportements humains (de la perception, avec Tanner, jusqu'aux conduites morales avec Braitswaithe), a eu des répercussions dans les sciences de la nature (…) Ashby a montré récemment que l'on peut fonder l'un des modèles les plus simples de régulation biologique ou nerveuse sur des « stratégies », et sur une table d'imputation relevant de la théorie des jeux.
J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 96-97.
4 Loc. (1578; entrer en gieu, dans un sens plus général, v. 1200). a ☑ En jeu, dans le jeu. || Entrer en jeu, « se dit, à certains jeux de cartes, de celui qui, ayant levé une main, est en état de jouer comme il lui plaît » (Académie); ouvrir le jeu, la partie. Fig. Se mettre de la partie, « entrer dans une affaire, dans une discussion, avoir son tour, soit pour agir, soit pour parler, etc. » (Académie, art. Entrer). ⇒ Intervenir (→ Exorde, cit. 3). || À leur tour, les experts sont entrés en jeu. — (Sujet n. de chose). || Facteurs qui entrent en jeu dans une affaire. ⇒ Jouer.
40 C'est seulement lorsque j'ai agi que cette clairvoyance entre en jeu pour justifier à mes yeux ce que j'ai fait.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 221.
♦ (Dans les jeux sportifs). || Mettre, remettre la balle en jeu. Absolt. || L'équipe invitée remet en jeu.
♦ ☑ Entrer (cit. 35) dans le jeu : prendre part à une entreprise déjà commencée. ⇒ Participer (→ fam. Entrer dans la danse, dans le mouvement).
♦ ☑ Fig. Entrer dans le jeu de qqn, s'associer à ses entreprises, entrer dans ses intérêts, se faire son second ou son complice. || Faire entrer, mettre qqn dans son jeu.
41 La future duchesse de Châteauroux avait mis le beau Richelieu, son oncle, dans son jeu.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 163.
♦ ☑ D'entrée (supra cit. 22) de jeu.
b Au jeu. ☑ Se piquer au jeu : continuer à jouer, par entêtement, malgré les pertes subies. — Fig. S'obstiner, malgré des difficultés, des échecs qui ne font que stimuler l'amour-propre, que fouetter le désir de gagner, de venir à bout des obstacles. ⇒ Opiniâtrer (s'). || Plus on lui résistait, plus il se piquait au jeu. — ☑ Se prendre, se laisser prendre au jeu, en arriver à se passionner pour une entreprise tentée d'abord sans conviction.
42 (…) moins il se pique et (se) passionne au jeu, (plus) il le conduit (…) avantageusement et sûrement.
Montaigne, Essais, III, X.
43 (…) se piquant à ce jeu comme un joueur à sa martingale (…)
Balzac, les Petits Bourgeois, Pl., t. VII, p. 120.
44 Il était bien résolu à ne pas se laisser prendre au jeu, et à conserver sa bonne humeur. Il ne voulait pas que cette conversation fût autre chose qu'un exercice spéculatif, une partie de dames où les pions étaient des hypothèses politiques.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 186.
c ☑ Fig. Être (1. Être, cit. 79) du jeu, dans le jeu : prendre part, être associé à qqch. (→ fam. Être dans le coup).
45 Moi je ne suis plus dans le jeu. C'est pour cela que je suis libre de venir vous dire ce que la pièce ne pourra vous dire.
Giraudoux, Électre, Entracte.
d (En jeu). ☑ Mettre en jeu toutes ses ressources, les employer, les déployer (→ Cyclotron, cit.). — ☑ Mettre qqn en jeu, le mêler à une affaire, à son insu, au risque de le compromettre (→ fam. Mettre dans le coup). || Mettre en jeu la vie d'un homme, l'exposer, la risquer (→ Billot, cit. 2). || Cette décision met en jeu l'existence du ministère.
46 Ha ! Monsieur, est-ce vous, de qui l'audace insigne
Met en jeu mon honneur… ?
Molière, le Dépit amoureux, III, 8.
♦ ☑ Être en jeu (→ Hasard, cit. 28; humilité, cit. 8) : être l'objet d'un débat, être en cause, en question. || Votre vie est en jeu : il y va de votre vie.
47 Il s'en montrait très vexé, sa réputation était en jeu. Hardi là ! est-ce que Rognes se laisserait battre par Brinqueville ?
Zola, la Terre, IV, III.
48 Pour elle (la France), ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement l'expulsion de l'ennemi hors de son territoire, c'est aussi son avenir comme nation et comme État. Qu'elle demeure prostrée jusqu'à la fin, c'en est fait de sa foi en elle-même et, par là, de son indépendance.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, t. II, p. 1.
e ☑ Loc. prov. Le jeu ne vaut pas, ou n'en vaut pas la chandelle, ou (vx) les chandelles (cit. 6).
49 La petite chose, certes, lui eût été agréable. Mais il fallait la payer de trop de dérangement. Le jeu n'en valait pas la chandelle.
Montherlant, les Célibataires, II, VI.
♦ ☑ Tirer son épingle (cit. 6) du jeu.
5 (1200, gieu; dans des expressions). Somme d'argent risquée au jeu. || Jouer petit, grand jeu (→ État, cit. 96), un jeu d'enfer, à se ruiner. ☑ Jouer gros jeu : au fig. prendre de grands risques. ⇒ Risque; risquer (gros). — Faites vos jeux. || Les jeux sont faits, rien ne va plus. ☑ Fig. Les jeux sont faits : tout est décidé, les dés sont jetés.
49.1 (…) je suis prêt à accepter, à approuver tous tes reproches, à me charger de toutes les fautes que tu voudras si cela peut t'aider le moins du monde à te consoler, à atténuer le choc, mais il est trop tard maintenant, les jeux sont faits, je n'y puis rien changer, ce voyage a eu lieu, Cécile va venir (…)
Michel Butor, la Modification, p. 134-135.
50 (…) je jouais gros jeu, en trompant un homme de condition qui, pour mes péchés, peut-être ne tarderait guère à découvrir la fourberie.
A. R. Lesage, Gil Blas, VII, X.
51 Le Banquier oublia de dire ces phrases qui se sont à la longue converties en un cri rauque et inintelligible : « Faites le jeu ! — Le jeu est fait ! — Rien ne va plus ».
Balzac, la Peau de chagrin, Pl., t. IX, p. 17.
52 À présent, il est trop tard; « les jeux sont faits, rien ne va plus ».
Gide, Journal, octobre 1943.
53 (…) les cercles où l'on joue gros jeu sur le hasard des cartes.
Camus, la Peste, p. 14.
———
III Ce qui sert à jouer.
1 (V. 1200, jus d'eskés « un jeu d'échecs »). Instruments du jeu. || Un jeu de construction. || Les pièces d'un jeu d'échecs. || Pions d'un jeu de dames. || Maillets d'un jeu de croquet. || Jeu de boules. || Installer un jeu de quilles, un jeu de ping-pong. || Offrir un jeu de patience à un enfant (⇒ Puzzle). || Jeux de construction; jeux d'assemblage (⇒ Lego, meccano [marques déposées]). — (1451). Ensemble de cartes. || Étaler (cit. 45) un jeu de 32 cartes (⇒ Piquet), un jeu entier de 52 cartes. || Le lindor d'un jeu de nain jaune. — Commerce, marchand de jeux de société. ⇒ Tabletier, tabletterie. || L'industrie des jeux et jouets. || Éditeur qui fabrique des jeux éducatifs. — Vendre des jeux électroniques. || Des consoles de jeux vidéo. || « (…) pour les petits, les jeux électroniques peuvent servir d'initiation avant de se lancer dans le pays des ordinateurs ou des consoles vidéo » (le Monde de l'Éducation, no 100, déc. 1983, p. 21). || « Les spécialistes voient dans l'industrie des jeux vidéo l'affaire du siècle et des pluies de dollars à ramasser à la pelle (…) Il est vrai que l'explosion des jeux vidéo au début des années 80 put faire croire à des croissances de marché quasi exponentielles pendant quelque temps » (Contact, no 229, déc. 1983, p. 19).
54 Madame Monis battait machinalement un jeu de cartes de ses mains tachées de son (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 443.
2 (1580). Assemblage de cartes plus ou moins favorable qu'un joueur a en main. || Avoir un beau jeu, beau jeu (→ Fiche, cit. 2). || Avoir du jeu. || Il a un jeu superbe; son jeu est superbe. || Le jeu maître, celui qui domine, doit gagner. — ☑ Avoir des atouts (cit. 1, 2 et 3) dans son jeu. — ☑ Bien jouer son jeu : conduire habilement son entreprise. — ☑ Faire le jeu de qqn : agir, souvent inconsciemment, au mieux des intérêts de quelqu'un (→ 1. Bourre, cit. 6; immoralisme, cit. 2).
55 (…) cette révolution leur a paru faire plus ou moins le jeu des puissances dites libérales : France et Angleterre (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, X, p. 107.
56 Je me représente en ce moment le Kaiser comme un joueur qui aurait un beau jeu en main, et, devant lui, des partenaires timides (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 63.
♦ ☑ Loc. fig. Avoir beau jeu (⇒ Beau, supra cit. 65), avoir toute facilité (pour). — ☑ Vx. Donner beau jeu, prêter beau jeu à qqn (→ Ambigu, cit. 1, Montaigne).
57 (…) trois jours d'une solitude insupportable et d'un silence où l'épouvante aurait beau jeu (…)
J. Green, Adrienne Mesurat, II, III.
57.1 Tu auras beau jeu avec un homme chez lequel, dit-on, on marchanderait mes vers… Mais prends garde à ce piège; pour moi, je n'en crois pas un mot.
Germain Nouveau, Lettre à Léopold Silvy, 18 janv. 1909, Pl., p. 957.
♦ ☑ Montrer, abattre, étaler (cit. 6) son jeu : agir avec franchise, dévoiler ses intentions, sa manière d'agir. ☑ Cacher (cit. 6 et 7), couvrir son jeu : dissimuler — Le dessous, les dessous du jeu. ⇒ Carte (le dessous des cartes).
58 Mais Balzac a voulu encore, combinaisons au jour, chiffres alignés, protêts en main, dévoiler les dessous du jeu (…) comme s'il devait toujours être lu (…) par de sévères vérificateurs aux comptes.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 300.
58.1 La maison appartenait à un vendeur d'esclaves. Ah ! on ne cachait pas son jeu, en ce temps-là ! On avait du coffre, on disait : « Voilà, j'ai pignon sur rue, je trafique des esclaves, je vends de la chair noire ».
Camus, la Chute, p. 53.
♦ ☑ Vx. Voir beau jeu : être témoin d'un spectacle, d'un événement extraordinaire (→ Corde, cit. 5). Par antiphr. ☑ Faire voir beau jeu à quelqu'un, lui faire subir quelque épreuve, le maltraiter.
♦ Voir beau jeu : subir une épreuve, un mauvais traitement.
59 Bertrand dit à Raton : « Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maître.
Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,
Certes marrons verraient beau jeu ».
La Fontaine, Fables, IX, 17.
60 Mon cousin Jupiter, dit-il, verra dans peu
Un assez beau combat, de son trône suprême.
Toute sa cour verra beau jeu.
La Fontaine, Fables, XII, 21.
Verront beau jeu, si la corde ne rompt.
La Fontaine, Contes, IV, 12.
♦ Le grand jeu : le jeu complet des tarots, en cartomancie. || Faire le grand jeu. — REM. L'expression jouer le grand jeu est traitée ci-dessous (→ IV.), et le syntagme donne lieu à des effets sur les deux sens. || Le Grand Jeu, revue proche du mouvement surréaliste, publiée (1928-1929) par René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Roger Vailland, A. Rolland de Renéville. || Le Grand Jeu, film de Jacques Feyder (1934).
62 — J'ai les sangs tournés, donnez-moi le grand jeu ! s'écria la Cibot, il s'agit de ma fortune.
Balzac, le Cousin Pons, Pl., t. VI, p. 629.
63 Carmen reprit donc les cartes en les brouillant : « Tiens, dit-elle, je vais te faire le grand jeu. Tire une carte… »
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XXXI.
3 (1687; jeu de voiles, av. 1683). Série complète de même nature et d'emploi analogue. || Un jeu de brosses, de clefs, de limes, d'aiguilles, de cravates. || Un jeu de linge. || Un jeu de rampes électriques (→ Éclairer, cit. 22). || Combiner (cit. 2) un jeu de miroirs. ⇒ Système. — Imprim. || Jeu d'épreuves : série d'épreuves du même ouvrage. — Mar. || Jeu d'avirons, de pavillons, de voiles.
64 Alors Carhaix sourit et montra tout un jeu de minuscules clochettes, installé entre deux piliers, sur une planche.
Huysmans, Là-bas, III.
65 Vers le milieu de septembre, je rassemblai le meilleur de ma modeste garde-robe, renouvelai mon jeu de cravates et partis.
Gide, Isabelle, I.
♦ (1515). Mus. || Jeu d'orgue, ou d'orgues : rangée de tuyaux de même espèce et de même timbre, formant une suite chromatique de sons. — (1898). || Jeu d'orgue : tableau électrique qui commande les éclairages (théâtres, salles de spectacles).
4 (1385). Lieu (de certains jeux). || Le jeu de boules du Luxembourg. || Jeu de paume. ⇒ Paume.
———
IV (V. 1200, fig.).
1 La manière dont on joue. || Un jeu habile, prudent, téméraire, subtil. ☑ Fig. Jouer un jeu dangereux, serré. ⇒ Jouer (II., D., 2.). — ☑ Jouer franc jeu (→ 2. Franc, cit. 9). || Y aller (cit. 66) de franc jeu (→ Amour-propre, cit. 7) : agir franchement, avec bonne foi; syn. : y aller beau jeu bon argent (infra cit. 57) (1657, langue class.; encore au XIXe) :
65.1 (…) ils avaient la plupart du temps une singulière façon d'envisager les faits et surtout leurs conséquences, ayant chacun « leur manière à eux » de voir et d'apprécier. Mais enfin, comme ils y allaient bon jeu, bon argent, et ne s'épargnaient en aucune occasion, on aurait eu mauvaise grâce à les en blâmer.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 9-10.
♦ ☑ Jouer (un) double (cit. 11) jeu (→ Fureter, cit. 6). — Quel jeu jouez-vous ? || Cessez ce jeu (→ Fâcher, cit. 19).
66 C'est moi que tu redoutes, pour moi que tu joues ce jeu dont le sens m'échappe encore. Tu as un amant, n'est-ce pas ? Qui est-il ?
Giraudoux, Électre, II, 5.
67 (…) le jeu subtil de l'éternelle duplicité slave (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 93.
68 J'ai tout de suite lu dans votre jeu.
F. Mauriac, la Fin de la nuit, VIII, p. 177.
♦ ☑ Lire, voir clair dans le jeu de quelqu'un, percer son jeu, deviner ses intentions. — La finesse, la fourberie de son jeu (→ Esprit, cit. 123; 2. fourbe, cit.).
2 (1690, en musique et en escrime). Façon de manier une arme, un instrument. (En escrime). Façon d'escrimer, de faire des armes. || Escrimeur au jeu habile, prompt. || Savoir le jeu de son adversaire, connaître les coups dont il use habituellement et, au fig., sa manière d'agir. — Mus. Manière de jouer d'un instrument. || Le jeu d'un flûtiste (→ Flûter, cit.), d'un violoniste, d'un pianiste. || Il a une bonne main droite, mais le jeu de la main gauche est un peu lourd. || Un jeu brillant, gauche, nuancé, souple.
69 C'est une belle épée. Son jeu est net. Il a de l'attaque, pas de feintes perdues, du poignet, du pétillement, de l'éclair, la parade juste, et des ripostes mathématiques, bigre ! et il est gaucher.
Hugo, les Misérables, III, IV, IV.
70 Elle chanta, s'accompagnant d'un jeu sûr, assez expressif. Son soprano très grêle, donnait à l'étrange mélodie une valeur de mystère et d'irréalité.
Claude Farrère, la Bataille, XI.
3 (1680, Richelet; certainement antérieur; le sens général, « manière d'agir » est attesté dès 1200). Manière de jouer, d'interpréter un rôle. || Le jeu de Raimu, de Greta Garbo. || Le jeu, les nuances du jeu d'un acteur (→ Émotion, cit. 17; fixer, cit. 5). || Un jeu pathétique, poignant, sobre. || Le jeu muet d'une mime.
71 Ce rire du désespoir est l'effet le plus difficile et le plus remarquable que le jeu dramatique puisse produire (…)
Mme de Staël, Corinne, XVII, IV.
72 Toutes les fois que Monnier joue, il attire au théâtre un public spécial d'artistes et de connaisseurs, mais son jeu est trop fin, trop vrai, trop naturel pour amuser beaucoup la foule.
Th. Gautier, Portraits contemporains, Henry Monnier.
♦ Vieux jeu (1511, c'est le vieux jeu « ce n'est plus d'usage, plus à la mode »). ☑ Loc. adj. (1877, Meilhac et Halévy; alors repris au jeu des comédiens). Être vieux jeu : ne pas être en accord avec la mode, le goût (cit. 50) du jour. Adj. invar. || Elle est, elles sont vieux jeu. || Jeune fille affligée d'une mère vieux jeu. || Un mobilier vieux jeu. ⇒ Démodé.
73 La mère du jeune bey, — une 1320, ainsi que les dames vieux jeu sont désignées par les petites fleurs de culture intensive écloses dans la Turquie moderne (…)
Loti, les Désenchantées, I, III.
74 Je vais peut-être vous paraître vieux jeu, mais j'ai un mépris sans bornes pour ces femmes qui vont d'amant en amant, le plus souvent sans amour, pour des raisons de prestige ou de carrière (…)
A. Maurois, Terre promise, XXII.
74.1 Mais enfin, grand-mère, ne sois pas vieux jeu : Gonzague ne peut pas se marier avant plusieurs années (…)
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 117.
74.2 (…) c'est une vieille demoiselle, un peu guindée, vieux jeu, vous voyez…
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 119.
♦ Rôle, comédie qu'on joue. ☑ Être pris à son propre jeu. ☑ Naïf qui se laisse prendre au jeu d'une coquette. ⇒ Manège. || Jouer le jeu du désespoir (→ Espiègle, cit. 2), de la crainte.
75 Il parla avec fougue de la mission Müller, des espoirs tenaces de Stefany. Il se prenait lui-même à son jeu.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 232.
♦ ☑ Jouer le grand jeu : déployer tous ses talents de comédien pour convaincre, séduire (→ Faire, cit. 30), et, par ext., tous ses artifices, toutes ses ressources pour arriver à ses fins. || Elle lui a joué le grand jeu pour le séduire, elle lui a joué le grand jeu de la séduction.
♦ (…) de jeu. Qui concerne le jeu théâtral.
76 Je l'ai vu (Jacques Copeau), cent fois, donner aux acteurs des indications de jeu non point purement verbales, mais en bondissant sur la scène, en esquissant lui-même le geste, en prenant lui-même l'attitude qu'il jugeait convenables.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, XVI.
♦ Jeu de scène : ensemble d'attitudes, de gestes, de mouvements qui concourent à un effet scénique (→ Coquet, cit. 12). || Jeux de scène réglés par le metteur en scène.
♦ Jeu de (suivi du nom d'une partie du corps). Manière de mettre en œuvre. || Le jeu de mains d'un pianiste. || Boxeur qui a un mauvais jeu de jambes.
76.1 Il avait acquis une droite redoutable, une gauche foudroyante, un jeu de jambes vertigineux.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 61.
4 Jeu de physionomie : mouvement des traits qui change l'expression du visage, le rend particulièrement expressif à un moment donné. || Cet acteur a des jeux de physionomie saisissants.
77 Quel jeu de physionomie ! qu'il a de feu dans le regard !
78 (…) une physionomie dont l'ensemble indiquait une grande finesse, beaucoup de grâce dans le jeu des yeux où se retrouvait l'expression particulière aux femmes de l'ancienne cour et que rien ne saurait définir.
Balzac, la Bourse, Pl., t. I, p. 339.
5 (Choses). || Jeu de lumière : combinaison de reflets mobiles et changeants produits soit par une lumière fixe sur un corps en mouvement, soit par une lumière qui se déplace sur un corps immobile. || Jeu de lumière dans l'eau, sur l'eau. || Jeu fugitif (cit. 7) d'un rayon sur un toit. — Les jeux de lumière du théâtre, produits par des sources lumineuses mobiles de formes et de colorations diverses (jeu de projecteurs).
79 Un sereno (…) marchait devant nous, portant au bout de sa lance une lanterne dont les vacillantes lueurs produisaient toutes sortes de jeux d'ombre et de lumière (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 129.
♦ Techn. Éclat (d'un diamant taillé). || Ce diamant a un joli jeu (syn. : il joue bien).
♦ (1704). || Jeu d'eau : combinaison de formes variées qu'on fait prendre à un ou plusieurs jets d'eau, en changeant les ajutages, et, par ext., le dispositif utilisé à cet effet. || Installer un jeu d'eau dans un bassin. || La chute (cit. 4) d'un jeu d'eau. || Les jeux d'eau de Versailles. — Mus. || Jeux d'eau de la Villa d'Este, de Liszt. || Jeux d'eau, de M. Ravel (1901).
———
1 (1677, jeu [des muscles]). Mouvement aisé, régulier (d'un objet, d'un organe, d'un mécanisme…). ⇒ Fonctionnement. || Le jeu d'un ressort, d'un verrou. || Le jeu des muscles (→ Abandonner, cit. 33; cuisse, cit. 3). || Le libre jeu des articulations (→ Aplomb, cit. 3). — Par métaphore. || Libre jeu. || Laisser leur libre jeu aux dons naturels (→ Honneur, cit. 56). || Libre jeu des facultés (→ Conception, cit. 3), de l'intelligence (→ Inhérent, cit. 3).
2 (1762, Rousseau). Fig. ⇒ Action. || Par le jeu d'alliances secrètes (→ Ignorer, cit. 13), de causes diverses (→ Géologie, cit. 2). || Le jeu aveugle de forces contraires (→ Carnage, cit. 5; équilibre, cit. 12). || Le jeu de forces extérieures (→ Forme, cit. 79). || Le jeu des parties sexuelles dans la fructification (cit. 1, Rousseau). — (En jeu). || Les forces en jeu, mises en jeu.
80 La nuit dérobe les formes, donne de l'horreur aux bruits; ne fût-ce que celui d'une feuille, au fond d'une forêt, il met l'imagination en jeu (…)
Diderot, Salons, Vernet, Sept petits paysages.
81 Les peines trop vives exagèrent le jeu du grand sympathique. Cette exaltation de la sensibilité entretient dans une constante irritation la muqueuse de l'estomac.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 955.
82 (…) le jeu rapide des doigts dépeçant la viande (…)
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 277.
83 La Grande tricotait, seule dans la cuisine; et, sans ralentir le jeu des aiguilles, elle les regarda fixement (…)
Zola, la Terre, II, VII.
84 (…) dans la détente de leur bras, dans le jeu encore puissant de leurs muscles, dans leurs sauts encore agiles, on sentait la fatigue et la hâte d'arriver à la fin.
Loti, Figures et choses…, Danse des épées.
85 Pendant que les syndicats particuliers se développent et se multiplient, leur organisation d'ensemble grossit automatiquement, par le jeu du système, simple et robuste, établi dès l'origine (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIV, p. 230.
3 (1689). Techn. Espace ménagé pour la course d'un organe, le mouvement aisé d'un objet. || Jeu du cylindre, entre le piston et le couvercle ou le fond du cylindre. || Donner du jeu, un léger jeu, trop de jeu à une fenêtre, un tiroir. — Par métaphore. → ci-dessous, cit. 86. — Fig. || Laisser un peu plus de jeu aux transactions (→ Impôt, cit. 6). ⇒ Marge. — Défaut de serrage, d'articulation entre deux pièces d'un mécanisme. || Axe qui a du jeu (→ aussi Caronade, cit. 1). || Jeu latéral, longitudinal. || Cette pièce a du jeu, il faut la revisser.
86 Je voudrais que vous eussiez été saignée (…) cela vous eût débouché les veines, cela eût donné du jeu et de l'espace à votre sang (…)
Mme de Sévigné, 1160, 6 avr. 1689.
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COMP. Antijeu, enjeu, entrejeu, hors-jeu, surjeu.
Encyclopédie Universelle. 2012.