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pleurer

pleurer [ plɶre ] v. <conjug. : 1>
plorer 980; lat. plorare « crier, se lamenter, pleurer »
I V. intr. A(Sens concret)
1Répandre des larmes, sous l'effet d'une émotion. sangloter; fam. chialer, pleurnicher. Avoir envie de pleurer. Se retenir de pleurer (cf. Étouffer ses larmes). Être sur le point de pleurer (cf. Être au bord des larmes). Elle pleurait à fendre l'âme. « Me voilà pleurant à chaudes larmes » (A. Daudet ). « Je pleurais comme un enfant » (Rousseau). Pleurer comme une Madeleine, comme une vache, comme un veau (fam.). Il pleure facilement, pour un rien. pleurard. Il n'y a pas de quoi pleurer, essuie tes larmes. « Je cherche le silence et la nuit pour pleurer » (P. Corneille). « Gémir, pleurer, prier est également lâche » (Vigny). « Vive le mélodrame où Margot a pleuré ! » (Musset). Faire pleurer dans les chaumières. Pleurer d'attendrissement, de joie, de rire, de honte, de rage.
Crier (en parlant d'un jeune enfant). Fam. brailler. Bébé qui pleure parce qu'il a faim.
2Loc. C'est Jean qui pleure et Jean qui rit, se dit de qqn qui passe facilement de la tristesse à la gaieté. « Il pleure d'un œil et rit de l'autre » (La Bruyère). N'avoir plus que les yeux pour pleurer : avoir tout perdu. — PROV. « Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera » (Racine) :les circonstances changent vite.
3Loc. adv. À (FAIRE) PLEURER : au point de pleurer, de faire pleurer. « Las à pleurer du matin au soir » ( Maupassant). Une chanson triste à faire pleurer. C'est bête, c'est triste à pleurer, extrêmement bête, triste. C'est à pleurer. lamentable.
4Littér. Produire un son plaintif. « Les sombres adagios pleurent au milieu des Symphonies » (R. Rolland). « Une sirène pleurait » (F. Mauriac).
5Répandre des larmes pour une cause physiologique (sans douleur). La fumée, l'oignon font pleurer. Avoir les yeux qui pleurent. Le chien pleure, il faut soigner ses yeux.
6Laisser couler de la sève. La vigne pleure au printemps.
B(Abstrait)
1Être dans un état d'affliction. Consoler ceux qui pleurent, les affligés.
♢ PLEURER SUR : s'affliger à propos de (qqn, qqch.). « En pleurant sur les malheureux, on ne supprime pas leur misère » (A. Gide). Pleurer sur son sort. gémir, se lamenter. « Il est doux de pleurer un peu sur soi » (Sartre). s'apitoyer.
Vx PLEURER DE... Pleurer de la mort de ses parents. Mod. En pleurer. « Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer » (Beaumarchais). Loc. Il vaut mieux en rire qu'en pleurer.
2Présenter une demande d'une manière plaintive et pressante. Aller pleurer auprès de qqn pour obtenir qqch. implorer. Loc. fam. Aller pleurer dans le gilet de qqn. Pop. Pleurer après qqch. : réclamer avec insistance.
II V. tr.
1Regretter en pleurant, se lamenter sur. « Il faut pleurer les hommes à leur naissance et non à leur mort » (Montesquieu). « Je pleure la mort de mon père » (Molière). Pleurer sa jeunesse enfuie, la regretter. — Fam. Pleurer misère.
2(XIIIe) Fam. et région. Accorder, dépenser à regret (fam. plaindre). Il ne pleure pas sa peine. Pleurer le pain qu'on mange : être avare.
3Laisser couler (des larmes, des pleurs). « Elle pleura des larmes de sang » (Balzac). répandre, verser . « Vous avez pleuré des larmes de joie » (Musset) . Loc. Pleurer toutes les larmes de son corps. Par anal. « Leur tige [des figuiers] pleure du lait » (A. Gide).
⊗ CONTR. 1. Rire; réjouir (se).

pleurer verbe intransitif (latin plorare) Laisser des larmes s'échapper, en parlant des yeux ; avoir des larmes qui s'échappent des yeux : J'ai l'œil droit qui pleure sans cesse. Le rhume me fait pleurer. Répandre des larmes, sous l'effet de la tristesse, de la douleur, d'une émotion : Tu as les yeux rouges, tu as pleuré ? Pleurer de rire. En parlant d'un bébé, crier. Littéraire. Émettre un son plaintif et prolongé : Le vent pleurait dans les branches. Adresser à quelqu'un une demande de façon pressante et plaintive : Pleurer pour obtenir une promotion. Se lamenter, s'apitoyer sur quelque chose, quelqu'un : Pleurer sur son sort. Laisser échapper de la sève après la taille, en parlant des arbres, de la vigne. Être affecté de pleurage. ● pleurer (citations) verbe intransitif (latin plorare) Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant. Alcools, le Voyageur Gallimard Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Tu pleureras l'heure où tu pleures Qui passera trop vitement Comme passent toutes les heures. Alcools, À la Santé Gallimard François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Je suis devenu chrétien […] Ma conviction est sortie du cœur ; j'ai pleuré et j'ai cru. Génie du christianisme André de Chénier Constantinople 1762-Paris 1794 Pleurez, doux Alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétys, doux Alcyons, pleurez ! Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine ! La Jeune Tarentine Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Je cherche le silence et la nuit pour pleurer. Le Cid, III, 4, Chimène Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Pleurez, pleurez, mes yeux et fondez-vous en eau ! La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau. Le Cid, III, 3, Chimène Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Non, je ne pleure point, Madame, mais je meurs. Suréna, V, 5, Eurydice Jean Froissart Valenciennes 1333 ou 1337-Chimay après 1404 Tel pleure au main qui rit le soir. Poésies au matin Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure. Vous qui souffrez, venez à lui car il guérit. Vous qui tremblez, venez à lui car il sourit. Vous qui passez, venez à lui, car il demeure. Les Contemplations, Écrit au bas d'un crucifix, III, 4 Isidore Ducasse dit le comte de Lautréamont Montevideo 1846-Paris 1870 Riez, mais pleurez en même temps. Chants de Maldoror Clément Marot Cahors 1496-Turin 1544 Le pauvre esprit qui lamente et soupire Et en pleurant tâche à vous faire rire. Épîtres, Au roi pour avoir été dérobé se lamente Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 Le seul bien qui me reste au monde. Est d'avoir quelquefois pleuré. Poésies, Tristesse François Rabelais La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553 Ce disant, [Gargantua] pleurait comme une vache, mais tout soudain riait comme un veau. Pantagruel, 3 Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez ! Bérénice, IV, 5, Bérénice Commentaire Mot de Marie Mancini quittant Louis XIV. Arthur Rimbaud Charleville 1854-Marseille 1891 Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Poésies, le Bateau ivre Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Qui pleure là, sinon le vent simple, à cette heure Seule, avec diamants extrêmes ? Mais qui pleure, Si proche de moi-même au moment de pleurer ? La Jeune Parque Gallimard Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville. Romances sans paroles, III Messein François Villon Paris 1431-après 1463 Je ris en pleurs et attens sans espoir. Ballade du concours de Blois François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Malheureux, dont le cœur ne sait pas comme on aime, Et qui n'ont point connu la douceur de pleurer ! Épîtres, Aux mânes de M. de Genonville Horace, en latin Quintus Horatius Flaccus Venusia, Apulie, 65-Rome ? 8 avant J.-C. Si vous voulez que je pleure, il faut d'abord que vous pleuriez. Si vis me flere, dolendum est primum ipsi tibi. Art poétique, 102-103 George Gordon, lord Byron Londres 1788-Missolonghi 1824 Et si je ris de toute chose ici-bas, C'est afin de n'en pas pleurer. And if I laugh at any mortal thing 'Tis that I may not weep. Don Juan, IV, 4 Abraham Cowley Londres 1618-Chertsey 1667 Des mots qui pleurent et des larmes qui parlent. Words that weep and tears that speak. The Prophet pleurer (expressions) verbe intransitif (latin plorare) Familier. Aller pleurer dans le giron de quelqu'un, aller se plaindre auprès de quelqu'un qui joue le rôle de protecteur. Bête, triste à pleurer, très bête, très triste. Jean qui pleure et Jean qui rit, qui se laisse aller tour à tour à des sentiments opposés. N'avoir (plus) que ses yeux pour pleurer, avoir tout perdu. Pleurer à chaudes larmes, comme une Madeleine, comme une fontaine, comme un veau, comme une vache, verser des larmes très abondantes. ● pleurer (synonymes) verbe intransitif (latin plorare) Laisser des larmes s'échapper, en parlant des yeux ; avoir des...
Synonymes :
Répandre des larmes, sous l'effet de la tristesse, de la...
Synonymes :
- chialer (populaire)
- pleurnicher (familier)
En parlant d'un bébé, crier.
Synonymes :
- brailler (familier)
Littéraire. Émettre un son plaintif et prolongé
Synonymes :
- gémir
Adresser à quelqu'un une demande de façon pressante et plaintive
Synonymes :
Se lamenter, s'apitoyer sur quelque chose, quelqu'un
Synonymes :
pleurer verbe transitif Déplorer la disparition, la mort, la perte de quelqu'un, quelque chose : Pleurer un père. Littéraire. Laisser couler des larmes : Pleurer des larmes de joie. Familier. Dire quelque chose en se plaignant que : Il est allé pleurer qu'on l'avait abandonné.pleurer verbe transitif indirect Familier. Pleurer après quelque chose, le réclamer avec insistance et avec une certaine servilité : Pleurer après des crédits.pleurer (citations) verbe transitif Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Il faut pleurer les hommes à leur naissance, et non pas à leur mort. Lettres persanes pleurer (expressions) verbe transitif Familier. Ne pas pleurer quelque chose, ne pas le ménager, le dépenser avec générosité : Il n'a pas pleuré le beurre dans sa sauce.pleurer (synonymes) verbe transitif Déplorer la disparition, la mort, la perte de quelqu'un, quelque chose
Synonymes :
- plaindre (vieux)
Littéraire. Laisser couler des larmes
Synonymes :
- répandre
pleurer (expressions) verbe transitif indirect Familier. Pleurer après quelque chose, le réclamer avec insistance et avec une certaine servilité : Pleurer après des crédits.

pleurer
v.
rI./r v. intr.
d1./d Verser des larmes. Pleurer de joie, de honte.
Pleurer de rire, à force de rire.
|| Loc. fig. N'avoir plus que les yeux pour pleurer: avoir tout perdu.
|| Pleurer sur qqn, qqch, en déplorer l'infortune, la perte, etc.
d2./d Fig. Se plaindre; demander qqch avec une insistance plaintive. Pleurer auprès de qqn pour obtenir une faveur.
rII./r v. tr.
d1./d Pleurer qqn, s'affliger de sa perte.
|| Déplorer; regretter avec affliction. Pleurer la mort d'un ami.
d2./d Pleurer des larmes, les laisser couler (dans des loc. telles que pleurer des larmes amères, des larmes de sang, etc.).

⇒PLEURER, verbe
I.Empl. intrans.
A. —[Le suj. désigne une pers., les yeux d'une pers.] Verser des larmes (sous l'effet d'une douleur physique ou morale, d'une émotion pénible ou agréable). Synon. chialer (pop.), pleurnicher, sangloter. Dans le même instant j'entendis la vieille qui pleurait tout bas; elle sanglotait, et, de temps en temps, elle se baissait pour se moucher sous son manteau sans faire de bruit (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.156). Je la regarde avidement: Oh! les pauvres yeux dorés qui ont pleuré et sont gonflés en dessous, les chers yeux qui me lancent un regard effaré et se détournent vite! (COLETTE, Cl. école, 1900, p.48):
1. Maman dépliait la lettre. Soudain, elle se cacha le visage dans son tablier et se prit à pleurer. Papa souriait, le sourcil dédaigneux. Joseph s'écria: —Ne pleure pas, Maman. Puisqu'on ne l'aimait pas, c'est pas la peine de pleurer.
DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p.36.
SYNT. Être sur le point de pleurer; avoir envie de pleurer; se retenir, s'arrêter de pleurer; pleurer de plus belle; pleurer en silence; pleurer à seaux, à torrents; pleurer sur l'épaule, dans le giron de qqn; rire et pleurer, prier et pleurer.
1. a) Pleurer de + subst. Ressentir vivement une atteinte physique ou morale au point d'en verser des larmes. Mon pauvre Auguste est malade, je crois, de la tristesse de ce séjour. Il pleure d'ennui sur mes genoux, regrette Mathieu et Adolphe qui s'occupaient tant de lui (STAËL, Lettres L. de Narbonne, 1794, p.261). Deux fois par jour, devant ce bout de jambon et ces nouilles éternelles, mon estomac se contractait... J'en aurais pleuré de désespoir (BERNSTEIN, Secret, 1913, I, 2, p.5). Éperdu sous les acclamations qui l'accueillaient et pleurant de joie, Jouffroy lança son pistolet à l'eau: il avait gagné la partie! (P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p.239).
SYNT. Pleurer de bonheur, de désir, de plaisir; pleurer de dépit, d'indignation, de rage; pleurer de colère, de haine, de honte; pleurer d'angoisse, de terreur; pleurer de douleur, d'épuisement, de faim, de fatigue, de misère.
b) Pleurer dans (qqc.). Pleurer en se cachant des autres. Pleurer dans son assiette. Les témoins, pour être convenables, se tenaient debout tout le temps; tandis que maman Coupeau, reprise par les larmes, pleurait dans le livre de messe qu'elle avait emprunté à une voisine (ZOLA, Assommoir, 1877, p.496). Les uns se laissaient choir à terre en tas; et ils pleuraient dans leurs manches, comme des petites filles! (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.84).
c) En incise. Dire en versant des larmes. Pour moi, je me cale dans mon fauteuil et ferme les yeux pour mieux entendre. —Ce serait si gentil à vous! pleura Esmont (MIOMANDRE, Écrit eau, 1908, p.152). Puis elle ne put s'empêcher de gémir et Pierre se réveilla. —Va chercher du secours, petit, pleura-t-elle. Va vite... Je suis trop malade (VAN DER MEERSCH , Invas. 14, 1935, p.271).
2. Loc. et expr.
a) Verser des larmes très abondantes, parfois accompagnées de plaintes et de gémissements.
Pleurer à chaudes larmes. V. larme.
Pleurer à pleins yeux, de tous ses yeux (vieilli). Renoncez à l'absurde projet d'épouser ma cuisinière, car vous ne devez pas lier votre sort au sort d'une servante, et je ne veux pas d'enfants dans la maison! L'infortuné pleura de tous ses yeux et se répandit en actions de grâces (ABOUT, Nez notaire, 1862, p.175). Madame Lepic se courbe. Il fait le geste habituel de s'abriter derrière son coude. Mais, généreuse, elle l'embrasse devant tout le monde. Il ne comprend plus. Il pleure à pleins yeux (RENARD, Poil Carotte, 1894, p.247).
Pleurer comme un veau, une vache (pop.). Il ne pouvait s'empêcher d'admirer la bonne humeur et verve comique du Pédant, qui trouvait à rire là où d'autres eussent gémi comme veaux et pleuré comme vaches (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.157). Alexis se retourna sur le ventre avec violence, d'un coup, la tête dans l'oreiller, et se mit à pleurer, à pleurer comme un veau (TRIOLET, Prem. acroc, 1945, p.250).
b) Au fig.
C'est Jean qui pleure et Jean qui rit. Passer facilement du rire aux larmes, de la joie à la tristesse. Vous avez entendu tantôt Jean qui pleure, vous allez entendre Jean qui rit (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.205).
Ne pleurer que d'un oeil. Feindre le chagrin, la tristesse. (Dict.XIXe et XXes.).
Ne + verbe + que ses yeux pour pleurer. Avoir tout perdu. On se dit: Comme cela sera beau! Cela ressemblera, enfin, à la vie comme je l'ai rêvée... On vit le rêve une semaine et, après, il ne vous reste plus que les yeux pour pleurer (ANOUILH, Répét., 1950, III, p.87).
♦Adj. + à pleurer, à faire pleurer (péj.). Au point d'en verser des larmes, extrêmement. Après avoir été glorieux des succès de son fils, Melchior avait la honteuse faiblesse d'en devenir jaloux. Il cherchait à les rabaisser. C'était bête à pleurer (ROLLAND, J.-Chr., Matin, 1904, p.144). [L'oeuvre de Meissonier] cela est photographique à faire pleurer, exact sans grâce, sans humour, sans liberté technique (MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p.162).
c) Proverbe. [P. allus. à Racine dans Les Plaideurs] Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. Après la joie, vient la peine. P. plaisant. Je ne suis pas précisément aussi superstitieux: j'aime mieux rire le vendredi que pleurer le dimanche; faire un bon dîner à treize convives qu'un mauvais à douze (JOUY, Hermite, t.2, 1812, p.86).
3. Part. passé en empl. adj. [En parlant d'une durée] Passé à verser des larmes, à éprouver un grand chagrin. Un mot suffisait pour éterniser les heures de cette nuit pleurée, et ce mot, je ne l'ai pas dit (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p.103). Il était dit que ce serait un dimanche que je me remettrais à vous écrire. Tout prend une telle acuité de tristesse, à Saint-Léonard, un dimanche de pluie. Que de dimanches pleurés derrière ma fenêtre! (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p.1380).
4. [Le suj. désigne un jeune enfant ou un bébé] Exprimer par des larmes et des cris un besoin, une gêne physique, une angoisse. Elle portait le petit qui pleurait, il pleurait à fond, vous savez ces pleurs sans consolation où coule la détresse accumulée de toute une race (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p.302). Mme Necker de Saussure cite le cas d'un bambin de deux ans six mois pleurant parce que, en fermant une porte, des adultes avaient emprisonné dans leur chambre des canards et des poules cependant imaginaires (Jeux et sports, 1967, p.83).
P. anal. [Le suj. désigne un animal] Crier, se plaindre comme un enfant ou un bébé. On entendit un bêlement plaintif. C'était la petite chèvre qui pleurait (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p.358). Je vois sa physionomie se transfigurer: un jardin desséché, dans lequel on ouvre des conduites d'eau, —ou le chien qui pleurait parce qu'on le laissait trop longtemps seul (MONTHERL., Démon bien, 1937, p.1342).
5. En partic. S'attendrir, s'émouvoir à propos d'une oeuvre artistique. Une peinture [de Reynolds] qui fait pleurer les vieilles dames et soupirer les jeunes filles, impuissante, équivoque, perverse, traînant dans des ruisseaux de parfums et de caramels le manteau de Rembrandt (FAURE, Hist. art, 1921, p.147). Le mélodrame où pleurait Margot déroulait sans doute des intrigues ténébreuses dans la plus haute société; mais l'essentiel est que Margot pleure, touchée par l'humble vérité parée d'un faux luxe (Arts et litt., 1935, p.88-5).
6. Verser des larmes sous l'effet d'une cause irritante. Je me mis à courir sans lever la tête, car le froid était tel que mes yeux en pleuraient derrière les grands poils du collet (ERCKM.-CHATR., Conscrit 1813, 1864, p.22). Je ne peux pas éplucher des oignons sans pleurer, est-ce ma faute? (BERNANOS, Joie, 1929, p.616). Les muqueuses oculaires et nasales s'enflamment à leur tour. Les yeux pleurent et par les narines s'écoule un jetage abondant (GARCIN, Guide vétér., 1944, p.234).
7. P. anal.
a) [Le suj. désigne une chose] Répandre, verser (goutte à goutte) un liquide. Près de la sente se trouve une source cachée qui, d'une roche moussue, pleurait autrefois goutte à goutte dans une vasque d'argile (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p.89). Sulphart cherchait à atteindre sa chaussure, pour abattre la bougie qui pleurait sur le bas flanc (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p.20).
P. métaph. Le vent faisait rage (...) Le ciel pleurait, les arbres luttaient contre la tourmente (NERVAL, Nouv. et fantais., 1855, p.160).
En partic. [Le suj. désigne un végétal qui exsude sa sève] À peine dans le Bois nous commençâmes de respirer les bourgeons qui pleurent, et je ne sais quelle langueur dans l'air (TOULET, Nane, 1905, p.72). Dans cette vallée étroite, bien exposée au soleil, le printemps était plus avancé. La vigne commençait à pleurer (GIONO, Bonheur fou, 1957, p.134).
b) Émettre un son, un bruit semblable à une plainte ou un gémissement. La bise pleurait sous les porches déserts de la cathédrale (SAND, Lélia, 1833, p.77). Comme l'accordéon pleurait entre les mains de Hans le mélancolique, Joseph poussa le joyeux éclat de rire des montagnes, à quoi tout la salle répondit (JOUVE, Scène capit., 1935, p.12):
2. J'entends encore, dans mon coeur, pleurer la cloche de la chapelle aujourd'hui abandonnée qui m'était apparue, il y avait dix ans, toute feutrée de neige.
JAMMES, Mém., t.3, 1923, p.28.
c) S'incliner, pencher vers le sol. Le grand Pré-aux-Clercs (...) encadré de ses saules gris ébouriffés et de ses saules verts pleurant dans l'eau (NERVAL, Nouv. et fantais., 1855, p.192). Nous trouvons la princesse dans son salon, l'air abattu, désolé, sa robe pleurant autour d'elle (GONCOURT, Journal, 1864, p.99).
8. Empl. impers. Il pleure dans mon coeur Comme il pleut sur la ville (...) Il pleure sans raison Dans ce coeur qui s'écoeure (VERLAINE, Romances sans par., 1874, p.14).
B.P. méton.
1. Être affligé, avoir une très grande peine, manifester du chagrin avec ou sans larmes ou plaintes. Pleure homme, pleure; verse des larmes de douleur, et apprends combien ton empire a changé! Il est livré à une guerre civile universelle (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p.128). Ah! laissez pleurer mon coeur, me dit-elle; il fait froid, ce soir, et mon coeur est nu (MALÈGUE, Augustin, t.1, 1933, p.325):
3. Tous les rôles sont changés. Au moment où les poètes anglais et français pleurent et se lamentent, les jeunes poètes allemands commencent à se divertir et à banqueter.
QUINET, All. et Ital., 1836, p.112.
P. métaph. Son coeur n'a jamais battu d'un sentiment profond de tristesse à la vue d'un malheureux comme lui. Son oeil sans larmes s'est fermé au sommeil à côté de la misère qui veille et qui pleure (NODIER, J. Sbogar, 1818, p.166). La société alors se soulève d'indignation; le travail pleure de se voir bientôt libre; la démocratie frémit de l'abaissement du pouvoir (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.262). Ah! la douleur, quand on n'a pas le don de la pouvoir habiller superbement, de la transformer en pages littéraires ou musicales qui pleurent magnifiquement, le mieux serait de n'en pas parler (HUYSMANS, Là-bas, t.1, 1891, p.145).
Pleurer sur... S'affliger à propos de quelqu'un, s'apitoyer sur quelqu'un ou quelque chose. Ce deuil de l'âme humaine pleurant, non sur la tombe d'un être aimé, mais sur l'innocence évanouie, la justice perdue (MONOD, Sermons, 1911, p.259). Il avait envie de pleurer sur tant de douleurs inutiles, car même son amour sacrifié ne servirait pas à bâtir du bonheur (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p.189):
4. ... cette princesse, éprise d'un rajah que la rigueur paternelle lui refusait comme époux, fut bannie sur un îlot où elle passa le reste de ses jours à pleurer sur son triste sort; chaque larme, en tombant dans les flots, se métamorphosa en perle fine.
METTA, Pierres préc., 1960, p.117.
Pleurer de ce que... Manifester du chagrin à propos de quelque chose. Le sacristain pleure de ce que l'inscription est cachée (MICHELET, Journal, 1831, p.93).
Pleurer de qqn, de qqc. (vieilli). Compatir, s'intéresser. Oh! chère, j'eusse pleuré de vos embarras, pleuré de vos ennuis, et je me serais résigné à deux ans de travail (BALZAC, Lettres Étr., t.2, 1842, p.13).
Pleurer de + inf. (vieilli et/ou littér.). Se lamenter. Jeannie, ma belle Jeannie, écoute un moment l'amant qui t'aime et qui pleure de t'aimer, parce que tu ne réponds pas à sa tendresse (NODIER, Trilby, 1822, p.118). En tête, la tribu bariolée des imbéciles! Ils mènent tout, portent les clés, ouvrent les portes, inventent les phrases, pleurent de s'être trompés, assurent qu'ils n'auraient jamais cru... (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.22).
2. Présenter une doléance, se plaindre en cherchant à apitoyer, à forcer la compassion d'une personne, d'une instance. Synon. implorer. Mais je méprise et je hais, mais j'en veux à ces misérables Français qui pour avoir la paix ont vendu deux provinces et ensuite sont allés pleurer à l'assemblée de Bordeaux (PÉGUY, Argent, 1913, p.1237).
Pleurer après qqc. (pop.). Quémander avec une insistance un peu geignarde. Seulement, comme madame pleurait sans cesse après l'argent (...) [Rachel] pinçait de plus en plus les lèvres (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p.259).
Pleurer dans le gilet de qqn (fam.). Se plaindre de quelque chose auprès de quelqu'un. À côté de Vance se tenait, autre magicien, le chanteur Barrams, dont un de nos amis fut si amoureux qu'il en pleurait dans le gilet de ses voisins (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p.53).
3. Pop. Pleure pas tu la reverras ta mère, ton étable. Cesse de te plaindre, tu retourneras chez toi. Lâche tes trente bourgues et ne pleure pas: tu la reverras ton étable (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p.113). Le quolibet a cours avant mars 1915, étant dans le texte «On va tous être tués ici. Pourquoi qu'on reste ici? Gaspard lança, méprisant: —Pleure pas, va, t' la r'verras ta mère!» (ESNAULT, Notes compl. Poilu, [1919], 1957).
II.Empl. trans. [Le suj. désigne une pers.]
A. —[Avec un compl. d'obj. dir.]
1. Pleurer qqn, qqc. Éprouver un grand chagrin à propos de la disparition de quelqu'un, de la perte de quelque chose.
a) Pleurer qqn, la mort de qqn. Mes larmes ayant trouvé un passage, je pleurai ma soeur et mon unique compagne, avec tant de violence, que j'épuisai l'humeur qui m'étouffait et me serrait le coeur (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.117). Toute la nuit les Barbares pleurèrent leurs morts avec des hurlemens sauvages (MICHELET, Hist. romaine, t.2, 1831, p.158):
5. Le cabinet était le cabinet du Ministre des Affaires étrangères; ces trois hommes étaient Walewski, le prince Napoléon et lui, et ce qu'ils pleuraient tous trois, c'était la même maîtresse, dont ils pleuraient la mort qu'ils venaient d'apprendre: Rachel.
GONCOURT, Journal, 1864, p.105.
b) Pleurer qqc., la perte de qqc. Mme Rastoil, à demi vêtue d'un peignoir, pleurait le meuble de son salon, qu'elle venait justement de faire recouvrir (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p.1205). Un jeunot pleurait ses trente francs qui étaient partis en apéritifs (GIONO, Baumugnes, 1929, p.120).
c) P. méton.
Éprouver du remords (pour). Synon. déplorer. [Sa mère] avait pleuré sa faute, et, peu à peu, l'avait presque oubliée (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p.358). Vous, en détestant, en pleurant vos péchés, vous avez allégé, vous avez délesté, si l'on peut dire, cette croix du fardeau de vos fautes (HUYSMANS, En route, t.2, 1895, p.67).
S'émouvoir (d'un grand malheur); regretter (une chose perdue). Quelques vieillards intraitables ou de vieilles femmes pleurant leur influence passée (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.205). C'étaient des malheurs plus grands que les siens qu'elles supportaient, ces femmes d'ailleurs. Elles pleuraient leur foyer dévasté (ROY, Bonheur occas., 1945, p.283).
2. Pleurer qqc.
a) Quémander, mendier quelque chose. Mon Dieu (...). Donne au malade la santé, Au mendiant le pain qu'il pleure, À l'orphelin une demeure, Au prisonnier la liberté (LARMART., Harm., 1830, p.316).
b) [Dans des expr. négatives] Dépenser, ne pas épargner. Ne pas pleurer sa peine, son argent. (Dict.XIXe et XXes.).
c) Pleurer misère. Se plaindre sans cesse de manquer d'argent, feindre d'être dans la gêne. C'était une sourde rancune contre la Levaque, qui avait pleuré misère, la veille, pour ne rien lui prêter; et elle la savait justement à son aise, en ce moment-là (ZOLA, Germinal, 1885, p.1216). Ses parents ne lui envoyaient plus un sou, pleurant misère, pour qu'il les soutînt à son tour; il avait renoncé au prix de Rome, certain d'être battu, pressé de gagner sa vie (ZOLA, L'OEuvre, 1886, p.170).
d) Pleurer famine. Être dans la plus grande pauvreté. Le riche vit dans l'abondance, pendant que l'ouvrier pleure famine. J'établirai des impôts sur le pain, le vin, la viande, le sel et le miel, sur les objets de nécessité et sur les choses de prix, et ce sera une aumône pour mes pauvres (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.258).
3. Fam. Pleurer qqc. à qqn. Donner avec réticence une chose qu'on réclame, à laquelle on a droit. Synon. lésiner, mesurer. Aux petits des oiseaux Dieu donne la pâture mais sa bonté s'arrête à la littérature; ou, pour être plus juste, c'est notre république qui traite en marâtre le professorat et lui pleure les vivres (AMIEL, Journal, 1866, p.77).
4. En partic. Dire quelque chose sur le ton de la plainte, en ayant l'air de pleurer. Une voix de femme pleure sur un ton nasillard quelque romance (VALLÈS, Réfract., 1865, p.189).
B. —[Avec un compl. d'obj. interne]
1. Laisser couler de ses yeux, verser, répandre. J'ai passé par là, moi aussi. J'ai pleuré les larmes des longs départs (FLAUB., Corresp., 1861, p.414).
Pleurer toutes les larmes de son corps. V. larme.
Pleurer des larmes de sang. V. larme.
P. métaph. La tombe était refermée, la trouée blanche se trouvait à jamais bouchée par ces quelques planches noires d'humidité, vertes de mousse, sur lesquelles les escargots avaient pleuré des larmes d'argent (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p.190).
2. P. anal. Laisser couler, déverser (un liquide). La lampe pleurait lentement ses gouttes d'huile (ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p.41). [Arthur] se réfugia dans une baignoire mal rincée, dont les robinets dénickelés pleuraient tous deux la même eau tiédasse (H. BAZIN, Tête contre murs, 1949, p.85). Un pressoir après l'autre gémissait, pleurait le cidre, pleurait l'huile (COLETTE, Pays connu, 1949, p.67).
En partic. Répandre (de la sève, une exsudation). Ouvriers de tout âge, mêlant rires clairs et rires graves, au pied des ceps à déchausser, des ceps qui pleuraient leur sève (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p.153).
C.Empl. pronom., rare. Pleurer sur soi-même, s'attendrir sur son propre sort. Elles sont lasses de la souffrance avant qu'on ait encore souffert; cela se lit sur leurs visages: à livre ouvert, si elles savaient! Je les surprends à pleurer: elles se pleurent elles-mêmes (MONTHERL., Port-Royal, 1954, p.998):
6. Pépin, grand garçon pâle assez pareil d'aspect au masque enfariné que se faisait le Pierrot Debureau, tenait sa longue tête dans ses longues mains et se pleurait très sincèrement comme s'il en eût valu la peine.
VIGNY, Mém. inéd., 1863, p.128.
REM. 1. Pleurailler, verbe trans., péj., hapax. Dire en pleurant, exprimer avec des sanglots, des trémolos dans la voix. Le curé de Sainte-Clotilde, église où s'est donnée la bénédiction nuptiale, a eu l'audace et le cynisme effarants de pleurailler un discours attendri sur ces crapules (BLOY, Journal, 1904, p.244). 2. Pleurarder, verbe intrans., péj., hapax. Parler, dire en pleurnichant, d'un ton pleurard. J'ai demandé congé pour suivre le convoi d'un illustre [Murger] (...) je veux entendre (...) ce que l'on dira sur sa tombe. On a pleurardé, voilà tout (VALLÈS, J. Vingtras, Insurgé, 1885, p.21). 3. Pleurer, subst. masc. [En oppos. au rire] Le fait de pleurer, de verser des larmes. Diverses manifestations paroxystiques peuvent également s'observer chez ces malades: notamment, des accès de rire et de pleurer spasmodiques (MAY ds Nouv. Traité Méd. fasc. 4 1925, p.61). Et j'entends près de moi le vieux qui dit, dans son rire pareil à du pleurer: —Non, compagnon, non, avec moi, il n'y a rien à faire (GIONO, Baumugnes, 1929, p.114). L'affaiblissement intellectuel est de règle, avec souvent du rire et pleurer spasmodique, ces derniers troubles réalisant un aspect fruste de paralysie pseudo-bulbaire (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p.250). 4. Pleuré, subst. masc., hapax. Chagrin. Julia sent toute l'écorce de cette tête qui tremble et craque, trop pleine de ce grand pleuré de tant de jours (GIONO, Gd troupeau, 1931, p.219). 5. Pleuré, -ée, subst. Celui, celle que l'on pleure. Vous me dites que votre vie n'aura plus de côté riant, que je n'en puis tirer que tristesses. Je le sais bien, monsieur, mais cela m'éloignerait-il, moi qui aimais Marie, votre pleurée? (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1835, p.90). 6. Plorer, verbe, vx. Pleurer. Mais un beau jour, en entendant interroger un jeune page, Eudémon, qui n'avait que deux ans d'études, et qu'on avait voulu confronter avec lui, Gargantua fut si confus de le voir grandement éloquent, qu'il se prit à plorer comme une vache, et à se cacher le visage de son bonnet (SAINTE-BEUVE, Tabl. poés. fr., 1828, p.270).
Prononc. et Orth.:[], [plø-], (il) pleure []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 938-950 plorer «répandre des larmes» (Jonas, éd. G. de Poerck, 167); 1180-1200 pleurer à chaudes charmes, v. larme; b) fin Xes. pleurer qqn (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 258); 2. 1240-80 ne plorer pas les despens «ne pas regretter les dépenses» (BAUDOUIN DE CONDÉ, Dits et Contes, éd. A. Scheler, t.1, p.240), a survécu dans les dial., v. FEW t.9, p.76; 3. 1454 en partic. [d'arbres] «exsuder» (PIERRE CHASTELLAIN, Temps recouvré, 1546 cité ds R. Ling. rom. t.46, p.507). Du lat. plorare «se plaindre, se lamenter, pousser des cris de douleur», empl. dans la lang. pop. comme synon. expr. de lacrimare «verser des larmes», sens avec lequel il est passé dans les lang. romanes. Fréq. abs. littér.:11356. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 15726, b) 19258; XXes.: a) 21012, b) 11915. Bbg. LANLY (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp.133-134.

1. pleurer [plœʀe] v. intr. et tr.
ÉTYM. 980, plorer; du lat. plorare « crier, se lamenter, pleurer ».
———
I V. intr.
A (Concret).
1 Répandre des larmes sous l'effet d'une émotion, notamment lorsque cet écoulement de larmes s'accompagne de cris, de plaintes, de sanglots… et qu'il est la manifestation d'une émotion pénible, d'une souffrance physique ou morale. Brailler (I., fam.), braire (fam.), chialer (fam.), chigner (vx), plaindre (se), pleurnicher, sangloter (→ littér. Laisser couler, répandre, verser des larmes, des pleurs). || Se mettre à pleurer (→ Fondre en larmes). || Avoir envie de pleurer. || Être triste, avoir le cœur gros au point de pleurer. || Se retenir de pleurer. Étouffer (ses larmes); → Émoi, cit. 2. || Se surprendre à pleurer. || Pleurer légèrement, être sur le point de pleurer (→ Avoir les yeux embués; être au bord des larmes). || Pleurer sans contrainte (cit. 6), à chaudes larmes (cit. 7).littér. Être baigné, inondé… de pleurs; verser des torrents de larmes; baigner, mouiller, tremper… son mouchoir. || Pleurer comme un enfant (→ Élancer, cit. 8; flageoler, cit. 1). — ☑ Fam. Pleurer comme une madeleine, comme une vache, comme un veau… : pleurer beaucoup. || Il pleure facilement, souvent. Pleurard (fam.), pleureur (→ Avoir le don des larmes). || Pleurer soulage quelquefois. || Tarir ses larmes à force de pleurer. || Sécher ses larmes après avoir pleuré.
1 Et, ce disant (Gargantua) pleurait comme une vache; mais tout soudain riait comme un veau (…)
Rabelais, Pantagruel, III.
2 (…) je me compassionne fort tendrement des afflictions d'autrui, et pleurerais aisément par compagnie, si, pour occasion que ce soit, je savais pleurer.
Montaigne, Essais, II, XI.
3 Je cherche le silence et la nuit pour pleurer.
Corneille, le Cid, III, 4.
4 Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez !
Racine, Bérénice, IV, 5.
5 (…) il (l'enfant) ne commence à rire qu'au bout de quarante jours; c'est aussi le temps auquel il commence à pleurer, car auparavant les cris et les gémissements ne sont point accompagnés de larmes.
Buffon, Hist. nat. de l'homme, De l'enfance.
6 Il y a cependant des femmes qui ne savent point tirer parti de leur douleur et pleurent de façon à se rendre le nez rouge et à se décomposer la figure comme les mascarons qu'on voit aux fontaines : c'est un grand écueil.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, I.
7 Et il pleurait. — Pleurez, reprit le pharmacien, donnez cours à la nature, cela vous soulagera !
Flaubert, Mme Bovary, III, IX.
8 Elle pleurait sans bruit, comme pleurent les femmes dans les grands chagrins poignants. C'était, dans tout son corps, une sorte d'ondulation qui finissait par un petit sanglot, caché, étouffé sous ses doigts.
Maupassant, l'Inutile Beauté, I.
Œuvre dramatique, comédie (→ Larmoyant, cit. 4), film, roman qui fait pleurer. Tirer (des larmes, des pleurs). || Pleurer au théâtre (→ 2. Lieu, cit. 42). || « Vive le mélodrame (cit. 1) où Margot a pleuré ! » (Musset).
9 Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez.
Boileau, l'Art poétique, III.
10 Une femme était à une représentation de Mérope, et ne pleurait point; on en était surpris. « Je pleurerais bien, dit-elle, mais je dois souper en ville. »
Chamfort, Caractères et anecdotes, « Pleurer et souper ».
11 Jacques Forestier pleurait vite. Le cinématographe, la mauvaise musique, un feuilleton, lui tiraient des larmes. Il ne confondait pas ces fausses preuves du cœur avec les larmes profondes. Celles-là paraissent couler sans motif.
Cocteau, le Grand Écart, I.
(Compl. de cause en de). || Pleurer d'attendrissement, de dépit (→ 2. Errer, cit. 2); pleurer de joie (→ Extasier, cit. 1), de tendresse (→ Forger, cit. 9). || Pleurer de rage (→ Galopin, cit. 2)… || Faire pleurer qqn d'admiration (→ Époque, cit. 5).
Allus. littér. || « Ma conviction est sortie du cœur (cit. 163), j'ai pleuré et j'ai cru » (Chateaubriand). || « Gémir, pleurer, prier est également lâche » (→ Énergiquement, cit. Vigny).
(En emploi impersonnel). Poét. || « Il pleure dans mon cœur (cit. 40) Comme il pleut sur la ville » (Verlaine).
Spécialt. Se dit d'un jeune enfant (cit. 3) quand il exprime ses sensations désagréables ou ses besoins par des cris, accompagnés ou non de larmes. Brailler (fam.), crier. || Bébé qui pleure parce qu'il a froid, pour réclamer son biberon…
Par ext. (En parlant d'un animal). || « Les cerfs pleurent quand ils sont aux abois » (Académie).Allus. littér. || « Pleurez, doux alcyons ! » (cit. 1., Chénier).
(En parlant des yeux). || « Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau ! » (→ Fondre, cit. 25, Corneille). || « Les mois, les jours, les flots (cit. 3) des mers, les yeux qui pleurent… » (Hugo).
(En parlant de la voix). || Voix qui pleure, qui a un ton de désolation, de tristesse (→ Courlis, cit. 1; essaim, cit. 7).
2 Loc. fig. C'est Jean qui pleure et Jean qui rit, se dit d'un homme qui passe facilement de la tristesse à la gaieté. — ☑ Ne pleurer que d'un œil : feindre la tristesse. || « Il pleure d'un œil et rit de l'autre » (La Bruyère, VIII, 62). — ☑ N'avoir plus que les yeux (I., 6.) pour pleurer : avoir tout perdu. — ☑ Ne pas avoir assez de ses yeux pour pleurer : éprouver un chagrin cruel, inexprimable.
12 Patiente un peu, chienne, et tu verras si je sais punir. Tu n'auras pas assez de tes yeux pour pleurer.
Sartre, les Mouches, II, 3.
Prov. Tel qui rit vendredi, dimanche (cit. 6) pleurera : les circonstances changent vite.
À pleurer, à faire pleurer : au point de pleurer, de faire pleurer. || Être fatigué, las (1. Las, cit. 2) à pleurer. || Une chanson triste à faire pleurer, ou, fam., à pleurer. Lugubre. || C'est bête, c'est triste à pleurer. || Ce livre, ce film est à pleurer, il est lamentable. — ☑ Fig. C'est (1. Être, cit. 94) à faire pleurer les pierres : c'est une chose très triste, révoltante. → Les pierres (supra cit. 8) crieront.
13 (…) quelle misère et quelle pitié ! Les pierres auraient pleuré.
Zola, l'Assommoir, XII, t. II, 224.
14 — Pour que ça change, il faudrait un tremblement de terre. C'est à pleurer.
G. Duhamel, la Pierre d'Horeb, XII.
3 Par métaphore. Littér. || « Les sombres adagios (cit. 2) pleurent au milieu des symphonies » (→ Frisson, cit. 37, Verlaine).
15 Une sirène pleurait à travers les brumes du port.
F. Mauriac, l'Enfant chargé de chaînes, p. 124.
Poét. (Par allusion à l'attitude penchée d'une personne qui pleure). → Épars, cit. 6, Hugo.
16 Lorsque la jeune fille, à la source voisine,
A sous les nénuphars lavé ses bras poudreux,
Elle reste au soleil, les mains sur la poitrine,
À regarder longtemps pleurer ses beaux cheveux.
A. de Musset, Premières poésies, « La coupe et les lèvres », Dédicace.
17 Là, des saules pensifs qui pleurent sur la rive,
Et, comme une baigneuse indolente et naïve,
Laissent tremper dans l'eau le bout de leurs cheveux.
Hugo, les Feuilles d'automne, XXXIV, I.
4 Avoir des larmes qui coulent (pour une raison physiologique, sans exprimer la douleur). || La fumée, l'oignon font pleurer.(Le sujet désigne l'œil, les yeux). || Son œil droit pleure sans cesse. Larmoyer.(Avec un pron. compl. ind.). || Les yeux lui piquent et lui pleurent.
5 Par anal. Se dit d'un arbre, d'une plante, spécialt de la vigne, quand la sève s'écoule ( Suinter), après la taille ou par l'effet d'une blessure accidentelle. Larme (3.), pleur (2.). || La vigne pleure au printemps.
6 Loc. pop. Faire pleurer le gosse, faire pleurer Popaul : uriner (en parlant d'un homme). fam. Pisser.
17.1 Rien ne m'horripile plus que de pénétrer dans un troquet avec l'intention de (…) faire pleurer le gosse et d'y trouver (…) les ouatères condamnés.
San-Antonio, Des gueules d'enterrement, p. 190-191.
B (Abstrait).
1 Littér. Être dans un état d'affliction, accompagné ou non de manifestations extérieures de tristesse (larmes, plaintes…). || Consoler ceux qui pleurent. Affligé (→ Guérir, cit. 19).
18 Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés.
Bible (Sacy), Évangile selon saint Matthieu, V, 5.
19 Souffre, ô cœur gros de haine, affamé de justice.
Toi, vertu, pleure si je meurs.
André Chénier, Iambes, VIII.
Pleurer sur qqn, qqch., être dans la tristesse, s'affliger, se lamenter à propos d'une personne (→ Dévoyer, cit. 2), d'une chose. || Je pleurais sur la misère qui se révélait à moi (→ Attendrissement, cit. 8; considérer, cit. 10). || Pleurer sur son propre malheur. Apitoyer (s'), gémir (cit. 7), lamenter (se).
20 Mais Jésus se tournant vers elles, leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants (…)
Bible (Sacy), Évangile selon saint Luc, XXIII, 28.
21 En pleurant sur les malheureux, on ne supprime pas leur misère.
Gide, Œdipe, II.
22 Il est doux de pleurer un peu sur soi. Mais comment aurions-nous pu trouver de la pitié pour nous-mêmes quand nous étions entourés par le mépris des autres.
Sartre, Situations III, p. 34.
Plus cour. || Pleurer de qqn (vx; → Larmoyer, cit. 3.1, Racine), de qqch. (mod.). || « Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé (cit. 14) d'en pleurer » (Beaumarchais). || « Il vaut mieux en rire qu'en pleurer » (→ Gaieté, cit. 13, Musset).Vieilli ou littér. || Pleurer de… (suivi d'un inf.). → Burlesquement, cit.; gai, cit. 1; hurlement, cit. 3. — ☑ Loc. mod. Pleurer de rire, à force de rire. || C'est à pleurer de rire.
2 Cour. Présenter une doléance, une demande d'une manière humble, plaintive et pressante. || Aller pleurer auprès de qqn pour obtenir qqch. Implorer. — ☑ Fam. Aller pleurer dans le gilet de qqn. — ☑ Régional (parfois considéré comme fautif). Pleurer après (cit. 89) qqch., demander instamment, réclamer à cor et à cri.
23 Laissons-leur faire leur augmentation de capital, puisqu'ils pleurent après (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XII, XXI, p. 218.
———
II V. tr.
1 Littér. ou style soutenu. Regretter en pleurant (le compl. direct désignant la personne ou la chose qu'on regrette, au sujet de laquelle on se lamente ou on s'afflige). || Pleurer un mort. || Pleurer des parents aimés (→ Commun, cit. 20), sa femme (→ Effrayer, cit. 12), son époux (→ Gâter, cit. 10). || « Il faut pleurer les hommes à leur naissance (cit. 1) et non à leur mort » (Montesquieu).
24 Souffrez que loin des Grecs, et même loin de vous,
J'aille cacher mon fils, et pleurer mon époux.
Racine, Andromaque, I, 4.
Pleurer la mort de ses proches (→ Désolation, cit. 1), la perte (cit. 1) d'une personne chère. Déplorer. || Pleurer un affront (cit. 11), un malheur (→ Exemple, cit. 27). || Pleurer ses péchés. Repentir (se).Littér. Regretter (→ Antique, cit. 8; aurore, cit. 23; enfuir (s'), cit. 7; heure, cit. 19). || Pleurer sa jeunesse enfuie.La fille de Jephté, qui pleure soixante jours les enfants qu'elle n'aura point. → Oblation, cit. 2; et, dans le même sens, l'expr. bibl. pleurer sa virginité (Juges, XI, 37-38).
25 La plupart des femmes ne pleurent pas tant la mort de leurs amants pour les avoir aimés, que pour paraître plus dignes d'être aimées.
La Rochefoucauld, Maximes, 362.
26 — (…) quel malheur pleurez-vous ? — Hélas ! je pleure tout ce que dans la vie je pouvais perdre de plus cher et de plus précieux : je pleure la mort de mon père.
Molière, le Malade imaginaire, III, 14.
27 Jérusalem, objet de ma douleur,
Quelle main en un jour t'a ravi tous tes charmes ?
Qui changera mes yeux en deux sources de larmes
Pour pleurer ton malheur ?
Racine, Athalie, III, 7.
28 Don Diego, sur la table abondamment servie,
Songe, accoudé, muet, le front contre le poing,
Pleurant sa flétrissure et l'honneur de sa vie.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « La tête du comte ».
Fam. Pleurer misère : se plaindre, crier misère.
29 Dans la journée, le boucher vaquait à ses occupations tout en pleurant misère devant les chalands. — Je n'arriverai jamais à joindre les deux bouts, gémissait-il.
P. Mac Orlan, Quai des brumes, VII.
2 (XIIIe, ne plorer pas les despens). Fam. ou régional (utilisé surtout à la forme négative). Accorder, dépenser, employer avec parcimonie, à regret. fam. Plaindre. || Tu n'as pas pleuré le beurre sur ta tartine. || Il ne pleure pas sa peine. — ☑ Loc. prov. Pleurer le pain qu'on mange, se dit d'une personne avare qui lésine sur la nourriture, sur les dépenses les plus nécessaires.
3 (Avec un complément d'objet « interne »). Répandre, verser (→ 1. Mal, cit. 3). — ☑ Fig. Pleurer des larmes de sang (→ Mésalliance, cit. 2).
30 Vous avez pleuré des larmes de joie et des larmes de désespoir (…)
A. de Musset, On ne badine pas avec l'amour, II, 5.
31 Leurs yeux rougis et vitreux semblaient pleurer du sang (…)
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 613.
Par métaphore :
32 Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes les larmes en automne feuille à feuille
Apollinaire, Alcools, p. 157.
33 La nuit pleure ses larmes grises entre les sapins (…)
Léon-Paul Fargue, Poèmes, p. 73.
Loc. Pleurer toutes les larmes (cit. 17.1) de son corps.
Par anal. (→ ci-dessus, I., A., 5.). || La tige des figuiers (cit. 2) pleure du lait.
34 (…) un verger en province pleurant ses gommes d'or (…)
Saint-John Perse, Œuvres poétiques, « Vents », IV, 5.
——————
se pleurer v. pron.
(Réfl.). Rare. || Pleurer sur soi-même.
35 Les poètes ont dit qu'avant sa dernière heure
En sons harmonieux le doux cygne se pleure (…)
Lamartine, Premières méditations, « Mort de Socrate ».
CONTR. Rire.
DÉR. et COMP. Pleur, pleurage, pleurant, pleurard, pleure, 2. pleurer, pleureur, pleurnicher, pleuroter. — Pleure-misère. — (Du même rad.). V. Déplorer, implorer.
HOM. 2. Pleurer.
————————
2. pleurer [plœʀe] n. m.
ÉTYM. XVIIe; de 1. pleurer.
1 Vx. Fait de pleurer (cf. La Fontaine, Psyché, 1).
2 Méd. || Pleurer spasmodique, observé dans les états lacunaires du cerveau.
HOM. 1. Pleurer.

Encyclopédie Universelle. 2012.