apprendre [ aprɑ̃dr ] v. tr. <conjug. : 58> I ♦ (Sens subjectif) Acquérir la connaissance de.
1 ♦ Être rendu capable de connaître, de savoir; être avisé, informé de (qqch.). Ils ont appris l'événement, la nouvelle par la rumeur publique, par la radio, par un ami, par une lettre. J'ai appris par hasard un secret. ⇒ découvrir. Il l'a appris de son père. ⇒ tenir. Loc. Apprendre qqch. de la bouche de qqn. J'ai appris que vous étiez rentré de voyage. « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute » (La Fontaine). En apprendre de belles. ⇒ 1. beau.
2 ♦ Acquérir (un ensemble de connaissances) par un travail intellectuel ou par l'expérience. « Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris » (Molière). « Tout ce que je sais, je l'ai appris à mes dépens » (Loti). Apprendre sa leçon en s'appliquant, longuement, à plusieurs reprises. ⇒ repasser; rabâcher , ressasser. Je lui ai fait apprendre ses leçons. Assimiler, retenir, oublier ce qu'on apprend. Apprendre à fond (⇒ approfondir) , superficiellement. Apprendre un texte par cœur. Il a encore beaucoup à apprendre.
♢ Absolt S'instruire, acquérir des connaissances. Apprendre facilement. Le désir, le goût d'apprendre. « l'instinct d'apprendre qui est en moi » (Renan).
3 ♦ Apprendre une langue (⇒ apprenant) , une technique, un métier, une science : acquérir les connaissances et les procédés nécessaires pour les pratiquer. Il commence à apprendre le métier (cf. Il fait ses classes, il se fait la main). ⇒ s'initier, mettre (s'y). Il apprend le russe, l'algèbre. ⇒ 1. faire. Apprendre le ski, le piano.
4 ♦ APPRENDRE À (et l'inf.) :devenir capable de (par le travail de l'esprit, l'expérience). Le petit enfant apprend à marcher. Apprendre à lire, à écrire, à conduire, à nager. Apprendre à supporter la douleur. ⇒ s'accoutumer, se faire, s'habituer. « Apprendre à se connaître est le premier des soins » (La Fontaine). « Il apprit à connaître tout enfant la brutalité de la vie » (R. Rolland). Il faut qu'il apprenne à se taire.
II ♦ (Sens objectif) Faire connaître.
1 ♦ Porter à la connaissance de qqn. Apprendre qqch., une nouvelle à qqn. ⇒ avertir, 2. aviser, communiquer, 1. dire. Je viens vous apprendre son arrivée, qu'il est arrivé. ⇒ informer. Tu ne m'apprends rien, j'étais déjà au courant. « Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses que l'on sait par des gens qui les ignorent » (Chamfort).
2 ♦ Donner la connaissance, le savoir de (qqch.). « Un livre n'est excusable qu'autant qu'il apprend quelque chose » (Voltaire). Le professeur, le maître apprend aux élèves les verbes irréguliers anglais. ⇒ enseigner, expliquer, inculquer, montrer. — Son échec ne lui a rien appris, il n'en a tiré aucun enseignement.
3 ♦ Apprendre à qqn une science, un art, un métier, la pratique d'un sport, lui faire acquérir les connaissances et les moyens de pratiquer. ⇒ enseigner , exercer (à). Apprendre le latin à un enfant à force de leçons, en l'abrutissant, de force. ⇒ bourrer, gaver (de) [cf. Enfoncer, fourrer dans la tête; faire avaler].
4 ♦ Apprendre à qqn à... (et l'inf.). Apprendre à lire à un enfant. On lui apprend à jouer au bridge.
♢ Loc. fig. Cela lui apprendra à vivre : cela lui servira de leçon. Je lui apprendrai (à vivre) : je le corrigerai, je le punirai. Je vais vous apprendre à mentir, à vous moquer de moi, à rire quand je parle ! (menace).
III ♦ Vx Apprendre qqn, l'instruire. — P. p. adj. Un jeune homme bien appris, bien élevé. Mal appris. ⇒ malappris.
⊗ CONTR. Désapprendre, oublier. Ignorer, taire.
● apprendre verbe transitif (latin apprehendere, saisir, prendre) Acquérir par l'étude, par la pratique, par l'expérience une connaissance, un savoir-faire, quelque chose d'utile : Apprendre l'anglais. Un enfant qui apprend facilement. Être informé de quelque chose qu'on ignorait : Je viens d'apprendre sa mort. Enseigner à quelqu'un quelque chose, lui faire acquérir une connaissance, un savoir-faire, une expérience : Il essayait de leur apprendre le dessin. Communiquer une information à quelqu'un, lui faire savoir quelque chose : Il nous a appris qu'il avait réussi. ● apprendre (citations) verbe transitif (latin apprehendere, saisir, prendre) Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 Ce que j'ai appris, je ne le sais plus. Le peu que je sais encore, je l'ai deviné. Maximes et pensées Malcolm de Chazal Vacoas 1902-Port-Louis 1981 Apprendre, c'est se retrouver. Sens plastique Gallimard Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 On croit toujours que c'est plus facile de réussir dans ce qu'on n'a pas appris que dans ce qu'on a appris, c'est naturel. Mitsou ou Comment l'esprit vient aux filles Fayard René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Je prends beaucoup plus de plaisir à m'instruire moi-même que non pas à mettre par écrit le peu que je sais. Correspondance, à Mersenne, 15 avril 1630 Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Ce qu'il y a de plus utile pour former de jeunes esprits, ce sont les choses inutiles. Querelles de famille Mercure de France Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 […] Comme je n'étudiais rien, j'apprenais beaucoup. La Vie littéraire Calmann-Lévy Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 Enseigner, c'est apprendre deux fois. Pensées Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 Tout s'apprend, même la vertu. Pensées Jules Michelet Paris 1798-Hyères 1874 Il faut apprendre à mourir. Journal, 26 août 1839 Gallimard Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 La faiblesse humaine est d'avoir Des curiosités d'apprendre Ce qu'on ne voudrait pas savoir. Amphitryon, II, 3, Sosie Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 L'adolescence est le seul temps où l'on ait appris quelque chose. À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs Gallimard Charles Jean François Hénault Paris 1685-Paris 1770 Académie française, 1723. Que les ignorants apprennent, que ceux qui savent aiment à se ressouvenir. Indocti discant et ament meminisse periti. Abrégé chronologique, Épigraphe Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Ils n'ont rien oublié ni rien appris. Commentaire Au retour de l'île d'Elbe, Napoléon adressa une proclamation aux Français (1er mars 1815). À propos des Bourbons, il disait : « Depuis le peu de mois qu'ils règnent, ils vous ont convaincus qu'ils n'ont rien oublié ni rien appris. » Il reprenait ainsi une formule de Dumouriez. William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Je suis trop vieux pour apprendre. I am too old to learn. Le Roi Lear, II, 2, Kent ● apprendre (difficultés) verbe transitif (latin apprehendere, saisir, prendre) Conjugaison Comme prendre. ● apprendre (expressions) verbe transitif (latin apprehendere, saisir, prendre) Familier. Apprendre à vivre à quelqu'un, lui infliger un châtiment, le traiter durement. Familier. Ça vous apprendra, cet échec vous servira de leçon. ● apprendre (synonymes) verbe transitif (latin apprehendere, saisir, prendre) Acquérir par l'étude, par la pratique, par l'expérience une connaissance...
Synonymes :
- bûcher (familier)
- étudier
- potasser (familier)
- s'initier à
Contraires :
- désapprendre
- ignorer
- oublier
Être informé de quelque chose qu'on ignorait
Synonymes :
- découvrir
- savoir
Enseigner à quelqu'un quelque chose, lui faire acquérir une connaissance, un...
Synonymes :
- exercer à
- initier
- montrer
Communiquer une information à quelqu'un, lui faire savoir quelque chose
Synonymes :
- avertir
- aviser
- faire savoir
- indiquer
- instruire de
- révéler
Contraires :
- cacher
- passer sous silence
- taire
apprendre
v. tr.
rI./r
d1./d Acquérir des connaissances sur, étudier. Apprendre l'histoire.
|| (S. comp.) S'instruire. La volonté d'apprendre.
d2./d Se mettre dans la mémoire. Apprendre une leçon. Apprendre par coeur.
d3./d Apprendre à (+ inf.): acquérir les connaissances nécessaires pour. Apprendre à lire.
d4./d être informé de. J'apprends votre arrivée.
rII./r Donner à (qqn) la connaissance de (qqch).
d1./d Enseigner, instruire. Apprendre la grammaire à un élève.
d2./d Apprendre à (+ inf.) à qqn. J'apprends à conduire à ma fille.
d3./d Annoncer, faire savoir. Il nous a appris son mariage.
⇒APPRENDRE, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— [Avec l'idée dominante d'enseign. ou de formation] Recevoir, donner un enseignement.
1. [Le suj. est le bénéficiaire de l'enseign.; l'obj. indique la matière enseignée] Recevoir un enseignement. Apprendre qqc., à faire qqc.
a) Acquérir la connaissance d'une chose par l'exercice de l'intelligence, de la mémoire, des mécanismes gestuels appropriés, etc.
— [L'obj. désigne une matière d'enseign., une discipline, un contenu figurant dans un programme ou dans un livre, etc.] Apprendre la trigonométrie, le dessin :
• 1. Je veux commencer à apprendre le suédois, et mon premier essai sera pour vous témoigner dans une nouvelle langue les sentiments distingués que vous, monsieur, vous m'avez inspirés. Agréez-en l'assurance inviolable.
Mme DE STAËL, Lettres de jeunesse, 1786, p. 95.
• 2. Ce fut de cette manière, à force de l'entendre, qu'elle apprit le catéchisme, ...
FLAUBERT, Trois contes, Un Cœur simple, 1877, p. 27.
♦ En partic. Apprendre (par cœur) (une leçon, un texte, un morceau de musique, etc.) :
• 3. Sérénité souriante et tendre; équilibre dans la puissance; possession de soi; perfection. Et les concertos de Mozart (Hummel). Quel que soit le morceau, mon seul moyen de le travailler, c'est de l'apprendre par cœur.
GIDE, Journal, 1927, p. 853.
• 4. — Vous êtes bien pressée, Suzanne. Vous voulez apprendre le rôle?
— Croyez bien que je le sais. Comment vous dire sans vanité que je sais toujours par cœur Ophélie et Monime, Marguerite et Mélisande, Portia et Kitty Bell. Cinquante rôles pour le moins.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 36.
♦ Emploi abs. :
• 5. D'ailleurs, quand j'étais en âge d'apprendre, il n'y avait pas même de curés dans les paroisses ni de cloches dans les clochers.
LAMARTINE, Le Tailleur de pierre de Saint-Point, 1851, p. 422.
• 6. Je suppose que déjà sur les bancs de l'école on trouve des fanatiques, qui ont buté une fois, et qui sont offensés pour toujours; ils ont juré d'apprendre sans comprendre. Ils ont dit une fois ce qu'ils pensaient; et cela n'avait pas de sens. Ils ne s'y frottent plus. C'est pourquoi la méthode si simple d'apparence, et qui veut toujours éveiller le jugement, n'est pas sans périls.
ALAIN, Propos, 1931, p. 992.
♦ Loc., domaine des ét. élémentaires. Il apprend bien (Ac.). Il a des facilités pour les études.
— [L'obj. désigne une pratique] Acquérir par l'entraînement la maîtrise des procédés ou des mécanismes permettant de se livrer à une activité déterminée générale ou professionnelle. Apprendre une technique, un métier, un savoir faire :
• 7. Quel bonheur, par exemple, pour le fils d'un pauvre émigrant, qui dans son ancienne patrie a mené une vie inutile, désœuvrée, de pouvoir apprendre un métier, avec lequel, s'il est sage, il sera sûr de faire sa fortune, sur-tout dans un pays comme celui-ci, où les ouvriers sont si rares et si chers, vû son accroissement rapide?
CRÈVECŒUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie, t. 3, 1801, p. 171.
• 8. La culture de l'intelligence est une arme. La question est de savoir si les bourgeois mettront cette arme dans un coin où elle rouillera, ou bien si elle sera reprise et maniée. Dans les universités, dans les écoles, dans les lycées, des jeunes gens sont en train d'apprendre le maniement académique de cette arme : ne feront-ils point un autre usage de cette connaissance? À l'heure où la civilisation de leurs pères est exposée au danger final, accepteront-ils de la défendre contre les hommes? Ou bien trahiront-ils leurs pères?
NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, p. 234.
Rem. La limite entre les 2 emplois sous 1 a est délicate : apprendre le dessin, le piano, etc. relèvent des 2 emplois.
b) P. ext. [L'obj. désigne ce qui touche la condition hum.] Acquérir par l'expérience, le contact des hommes, etc., la connaissance de ce qui sert pour la conduite de la vie. Apprendre les usages de la société, apprendre le monde :
• 9. Les domestiques apprennent le vice chez leurs maîtres ... entrés purs et naïfs — il y en a — dans le métier, ils sont vite pourris, au contact des habitudes dépravantes.
MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 260.
— [Le compl. est un adv. de quantité] :
• 10. Ils n'ont rien appris, rien oublié.
Lar. 19e, 1866.
Rem. Propos attribué à Talleyrand parlant de l'état d'esprit des émigrés à leur retour en France.
• 11. Ayant encore beaucoup à apprendre, j'aurais tort de retourner à elles et de contrarier mon adaptation par des fréquentations inopportunes. Car, — ne l'ai-je pas déjà signalé? — nous autres gens de Ménilmontant, nous proférons un langage spécial et nous nous entretenons de sujets spéciaux.
FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, p. 63.
Rem. 1. Dans les 2 emplois apprendre se construit avec la prép. à + inf. Apprendre à lire, à raboter; à maîtriser ses passions :
• 12. Lorsqu'un enfant apprend à nager dans une rivière, la crainte de se noyer et la seule froidure de l'eau l'empêchent de se livrer au courant.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 134.
• 13. Aimé restait là à réfléchir. Il apprenait à voir de près les choses. Comment chaque oiseau a son nid; comment la taupe fait son trou, et le renard fait son terrier, ménageant deux ou trois entrées, comment l'écureuil grimpe aux écorces lisses (grâce à ses griffes recourbées); comment aussi l'eau du ruisseau est si luisante au creux des mares qu'on peut compter dedans les feuilles, ...
RAMUZ, Aimé Pache, peintre vaudois, 1911, p. 28.
— Avec une nuance de menace :
• 14. — Sacré nom de Dieu, Lantibout, jura-t-il, vous aurez deux jours de salle de police pour vous apprendre à me répondre avec une impertinence pareille! Ah vous rarrangerez peaudezébie?
COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, p. 72.
Rem. 2. Dans les 2 emplois également, apprendre peut se construire avec une prop. complétive conj. que. J'ai appris à l'école que deux et deux font quatre :
• 15. Elle n'avoit point été formée à cette école chrétienne où, dès le berceau, l'homme apprend qu'il est né pour souffrir.
CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 3, 1810, p. 158.
Rem. 3. Apprendre peut se construire avec un compl. prép. de indiquant la pers. de qui on tient un enseignement (avec une nuance d'information) :
• 16. Nous aimons mieux apprendre de nos semblables ce que nous sommes que de l'étudier en nous-mêmes. Je vais tous les jours demandant à ce qui m'entoure, si je suis un être bon, aimable, bien ordonné, digne de louange ou de blâme. Pourquoi ne le cherché-je pas uniquement en moi-même?
MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 236.
— La prép. sur indique la matière :
• 17. — Nous avons encore beaucoup à apprendre sur l'être humain, mon vieux. Tu as vu dans quel état ils étaient; dans les cas « d'extrême abaissement du moral », comme dit le colonel, il se trouve toujours un type pour trahir.
MALRAUX, L'Espoir, 1937, p. 770.
Rem. 4. L'emploi passif est rare. Être appris. Accueillir comme il faut un enseignement (sur la vie) :
• 18. Elle [Ragotte] dit à propos des leçons que la vie nous donne :
— Il faut être pris pour être appris.
RENARD, Nos frères farouches, 1910, p. 62.
2. Emploi factitif. [Avec un obj. premier indiquant la matière enseignée et un obj. second. indiquant le bénéficiaire de l'enseign.] Faire apprendre, enseigner quelque chose à quelqu'un, donner un enseignement. Apprendre qqc. à qqn.
a) [Le suj. désigne la pers. enseignante] :
• 19. Allez apprendre aux Romains à mourir, mais d'une tout autre façon qu'en répandant votre sang dans leurs fêtes : assez long-temps ils ont étudié la leçon, faites-la leur pratiquer.
CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 2, 1810, p. 75.
• 20. Une de ses manies était qu'on n'instruisait pas assez les enfants. — Qu'est-ce qu'on leur apprend à l'école? ... On ne leur apprend rien... Quand on les interroge sur des questions capitales... C'est une vraie pitié... Ils ne savent jamais quoi répondre...
MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 217.
• 21. Mlle Courtaud est vieille parce qu'elle est ennuyeuse, parce qu'elle s'habille mal, parce qu'elle a toujours l'air de gémir en dedans, parce qu'elle vous apprend le piano comme si c'était une des punitions de l'existence.
ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, p. 54.
• 22. Apprends à repousser l'amitié, ou plutôt le rêve de l'amitié. Désirer l'amitié est une grande faute. L'amitié doit être une joie gratuite comme celles que donne l'art, ou la vie. Il faut la refuser pour être digne de la recevoir; elle est de l'ordre de la grâce (« Mon Dieu, éloignez-vous de moi ... »). Elle est de ces choses qui sont données par surcroît.
S. WEIL, La Pesanteur et la grâce, 1943, p. 72.
— [Avec une nuance de menace] :
• 23. ... je puis le dire, car voilà dix ans que je le demande; mais ils s'en repentiront, ils apprendront à me connaître, et ces services qu'ils n'ont pas voulu acheter, je les vendrai à d'autres.
SCRIBE, Bertrand et Raton, 1833, I, 1, p. 122.
• 24. — Zut! vous m'embêtez à la fin! Vraiment on n'a pas idée de ça! Vouloir me persuader que j'ai dit une chose quand je n'ai même pas ouvert la bouche, et me ficher des démentis parce que je rétablis les faits! ... Vous avez de la chance d'être une vieille bête, ce qui fait que je vous respecte; sans ça, vous verriez un peu! ... Je vous apprendrais les convenances, moi. Durant ce torrent d'indignation, Soupe pensa : « J'ai été trop loin ».
COURTELINE, Messieurs-les-Ronds-de-Cuir, 1893, 5e tabl., 2, p. 179.
— Loc. et proverbes. Apprendre à sa mère, à son père à faire des enfants. En parlant de ,,celui qui s'avise de donner des leçons à plus savant que lui.`` (Lar. 19e); ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces (Lar. 19e).
b) P. méton. [Le suj. désigne une discipline, une doctrine ou un doc.] :
• 25. Cette préface nous apprend que les conteurs du livre, conteurs de tous les formats, l'élite de nos conteurs, s'étant un soir réunis en assemblée extraordinaire, se sont d'abord constitués pléiade de conteurs. Nous sommes les vrais conteurs et les seuls, ont-ils déclaré; nul ne fera des contes hors nous et nos amis.
MUSSET, Revue des Deux Mondes, 1833, p. 332.
• 26. Les fossiles nous apprenent d'abord que la vie est très ancienne à la surface du globe, car on trouve des restes d'animaux ou de végétaux dans la plupart des roches sédimentaires. Ils nous apprennent de plus que les êtres d'autrefois représentent des formes différant d'autant plus des formes actuelles qu'elles sont plus anciennes; que ces êtres ont changé bien souvent avec le temps; qu'il y a eu des transformations successives des faunes et des flores.
M. BOULE, Conf. de géol., 1907, p. 52.
• 27. La théorie des quanta nous apprend que l'intensité spécifique du rayonnement du corps noir est donnée par : (...) formule vérifiée expérimentalement de façon satisfaisante.
E. SCHATZMAN, Astrophysique, 1963, p. 10.
c) P. ext. [Le suj. désigne une expérience ou une rencontre de la vie] :
• 28. — Aider Ernest! s'écria Gobseck. Non, non! Le malheur est notre plus grand maître, le malheur lui apprendra la valeur de l'argent, celle des hommes et celle des femmes.
BALZAC, Gobseck, 1830, p. 436.
— Proverbe. Les bêtes nous apprennent à vivre. ,,Les hommes peuvent quelquefois tirer d'utiles instructions de ce qu'ils voient faire aux animaux.`` (Ac. 1835).
Rem. Comme le montrent les ex., l'obj. premier et ses constr. sont les mêmes que dans les emplois A 1 (cf. supra rem. 1, 2, 3).
B.— [L'idée dominante est celle d'une inform. indiquée dans l'obj. premier]
1. [Le suj. est le bénéficiaire de l'inform.] Recevoir communication de quelque chose. Apprendre qqc., apprendre une nouvelle :
• 29. AMBROISE. — Eh bien, qu'est-ce donc que j'apprends? Madame Évrard menace, et veut que Laure sorte! Oh! Je déclare...
COLLIN D'HARLEVILLE, Le Vieux célibataire, 1792, IV, 9, p. 108.
• 30. Les pêcheurs, qui venaient d'apprendre cette mort, la considéraient comme un mauvais présage. Jules, qui sortait de sa prostration, entendit le glas. Il eut le courage de plaisanter : « Ce n'est pas moi qui suis mort? » Avant qu'on ne lui eût répondu, il reprit conscience davantage et il regretta sa plaisanterie.
QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, p. 135.
— Loc. En apprendre de belles, de bonnes :
• 31. THOMAS. — Tatiguoi! j'en apprends de belles. Et vous, monsieur le domestique, êtes-vous marié?
LE DOMESTIQUE. — Non.
LECLERQ, Proverbes dramatiques, Le Savetier et le financier, 1835, 4, p. 216.
Rem. 1. L'obj. est fréquemment une prop. compl. conj. que (cf. infra ex. 32). 2. La source de l'inform. s'exprime par un compl. prép. de ou par :
• 32. Il apprit d'eux que le roi de Pannonie ne se trouveroit point à la fête; sans témoigner ni dépit ni mécontentement, il avoit imaginé un prétexte pour s'éloigner tout le jour, en annonçant qu'il ne reviendroit que le lendemain.
Mme DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, t. 3, 1795, p. 347.
• 33. Thécla n'observe aucun des déguisements imposés à nos héroïnes; elle ne couvre d'aucun voile son amour profond, exclusif et pur; elle en parle sans réserve à son amant. « Où serait, lui dit-elle, la vérité sur la terre, si tu ne l'apprenais par ma bouche? »
CONSTANT, Wallstein, 1809, p. XLVI.
• 34. Tout à coup j'apprends par les papiers publics le retour de Mme de Montholon en Europe : elle avait été, ainsi que moi, repoussée d'Angleterre et débarquée à Ostende.
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 644.
2. [Le suj. exprime la pers. qui donne l'inform.; un compl. obj. second. en indique le bénéficiaire] Donner communication de quelque chose. Apprendre qqc. à qqn, apprendre à qqn que... :
• 35. René ramenant ses regards dans l'intérieur de la caverne, et les fixant sur un squelette, dit tout à coup : « Mila, pourrois-tu m'apprendre son nom? »
— « Son nom! répéta l'Indienne épouvantée, je ne le sais pas : ces morts se ressemblent tous. »
CHATEAUBRIAND, Les Natchez, 1826, p. 342.
• 36. Mais vous savez toutes ces choses et je ne vous apprends rien : peut-être aussi que cette brutalité vous irrite. Excusez-moi : j'en suis hanté.
GIDE, Correspondance [avec P. Valéry], 1891, p. 87.
II.— Emploi pronom.
A.— [Avec l'idée dominante d'enseignement]
1. Emploi avec valeur réfl., rare.
a) [Le pron. représente l'obj. premier] :
• 37. On peut même dire que l'enfant se découvre d'abord en autrui; il identifie le nez ou l'oreille sur sa mère ou sur ses poupées avant de les identifier sur son propre corps; il s'apprend lui-même dans des attitudes qui sont commandées par le regard d'autrui : parade ou embarras, avant de s'apprendre comme objet physique d'observation directe.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 469.
b) [Le pron. représente l'obj. second.] :
• 38. [Janik, à son fiancé :] Aidez-moi donc à mettre là-dedans.
Ces plats (...)
Il faut s'apprendre à faire le ménage.
J. RICHEPIN, Le Flibustier, 1888, p. 52.
2. Emploi avec valeur passive :
• 39. Un secret instinct de la vérité m'avertissait qu'en toute chose la théorie n'est rien auprès de la pratique, et le grave et silencieux sourire des vieux capitaines me tenait en garde contre toute cette pauvre science qui s'apprend en quelques jours de lecture.
VIGNY, Servitude et grandeur militaires, 1835, p. 25.
• 40. Elle secoua la tête : « J'ai trente-sept ans et je ne connais aucun métier. Je peux me faire chiffonnière; et encore!
— Ça s'apprend, un métier; rien ne t'empêche d'apprendre. »
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 283.
• 41. L'art de vivre avec son prochain ne s'apprend pas dans les nuages, ni dans les prières.
MONTHERLANT, Port-Royal, 1954, p. 1034.
Rem. Cet emploi est fréq. surtout au présent.
B.— [Avec l'idée dominante d'inform.] Réfl. avec valeur passive, rare :
• 42. Rien ne s'apprend, si tôt que ce qu'on veut cacher.
DESFORGES (Lar. 19e).
PRONONC. ET ORTH. :[], j'apprends []. FÉR. Crit. t. 1 1787 admet la var. aprendre.
ÉTYMOL. ET HIST.
A.— 1. a) 950-1000 « étudier, acquérir une connaissance » (St Léger, 18 ds GDF. Compl. : Rovat que litteras apresist); XIe s. (Alexis, éd. Storey 33-4 : Puis ad escole libons pedre le mist : Tant aprist letres que bien en fut guarnit); b) 1155 « s'habituer, s'accoutumer à (+ inf.) » (WACE, Brut, 3940 ds KELLER, Etude sur le voc. de Wace, p. 87); c) fin XIIe s. « fixer dans sa mémoire » (La mort de Garin, 2288 ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3, p. 469); 2. ca 1175 « entendre dire, être informé de » (CHR. DE TROYES, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 5258 ds T.-L. : Aloit por aprandre noveles Par les corz et par les päis).
B.— a) 1130-40 « donner la connaissance (de qqc.) » (WACE, Conception ND, 570 ds KELLER, Etude sur le voc. de Wace, p. 83 : Marie cest nom li ont mis que li angeles lor ot apris); b) ca 1150 aprendre qqn « instruire qqn » (WACE, St Nicolas, 68, ibid., p. 87 : Par grant entente fut apris) — 1740 (BOISSY, Les Dehors trompeurs ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3, p. 470); d'où 1174 apris part. passé adjectivé « instruit » (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. G. Hippeau, 3251 ds T.-L. : sage humme et des lettres apris); ca 1175 bien apris (CHR. DE TROYES, Chevalier charrette, éd. W. Foerster, 596, ibid.), voir aussi malappris; c) ca 1175 « enseigner + prop. complétive » (CHR. DE TROYES, Cligès, 30, éd. W. Foerster).
Du lat. apprehendere « prendre, saisir » (voir appréhender); d'où en b. lat. le sens A 1 a) « saisir par l'esprit, apprendre, étudier » dep. le Ve s. (PROSPER TIRO AQUITANUS, Carm. de ingr., 856 ds TLL s.v., 308, 5); au sens B a) « informer », empr. au lat. médiév. (Chronicon Venetum, p. 164, 4 ds Mittellat. W. s.v., 810, 70).
STAT. — Fréq. abs. littér. :13 257. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 22 778, b) 18 615; XXe s. : a) 17 323, b) 17 612.
BBG. — BONNAIRE 1835. — DEM. 1802. — FOULQ-ST-JEAN 1962. — GIR. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 12. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 157, 245, 403. — Gramm. t. 1 1789. — LACR. 1963. — LE ROUX 1752. — MARTIN (E.). Si l'on peut dire apprendre quelqu'un à. Courrier (Le) de Vaugelas. 1874-75, t. 5, p. 156. — PIERREH. 1926. — PIERREH. Suppl. 1926. — TIMM. 1892. — TOURNEMILLE (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1967, n° 189, p. 681.
apprendre [apʀɑ̃dʀ] v. tr. [CONJUG. prendre. → Rendre.]
ÉTYM. V. 950; du lat. pop. apprendere, lat. class. apprehendere « saisir, concevoir, comprendre ». → Appréhender.
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I (Sens subjectif). Acquérir la connaissance de (qqch.).
1 Être rendu capable de connaître, de savoir. || Apprendre ses lettres, l'alphabet grec. || Apprendre un fait, des dates, une information. || Apprendre ses matières d'examen. ⇒ Réviser.
a (Sans compl. déterminé). || J'ai beaucoup appris à la rude école des événements. || Ce n'est qu'un écolier, il a beaucoup à apprendre. || Un enfant qui n'a rien appris. → Perdre, cit. 32. || Commencer à apprendre, apprendre peu à peu. ⇒ Connaissance (faire connaissance avec), débrouiller (se), découvrir, dégourdir (se), dégrossir (se), déniaiser (se), dessaler (se), initier (s'), instruire (s'), mettre (se mettre à; se mettre au courant, au fait; se mettre à même, en état, en mesure… et, fam. Se mettre à la coule, dans le coup…).
♦ (Avec un compl. indéterminé ou général : leçon, etc.). || Apprendre qqch. dès le berceau. ⇒ Sucer (avec le lait). || Apprendre un peu de tout superficiellement. ⇒ Frotter (se frotter à tout), teinture (se donner une, prendre une). || Apprendre qqch. à fond, plus à fond. ⇒ Approfondir. || N'apprendre qu'une seule chose à la fois. ⇒ Cantonner (se). || Ne rien apprendre. — Apprendre qqch. de qqn, de qqch. || Je n'en ai rien appris. || Apprendre qqch., tout apprendre sur qqch. || Apprendre de l'histoire, de l'hébreu, des mathématiques… à longueur de journée. ⇒ Absorber, avaler, ingurgiter…; abreuver (s'); barbouiller (se), bourrer (se), gaver (se), gorger (se), nourrir (se nourrir de…); bachoter. → Charger, farcir, remplir, truffer sa tête de, se fourrer dans la tête. || Apprendre qqch. au point de s'abrutir. ⇒ Abrutir (s'), assommer (s'), intoxiquer (s'). — Spécialt (dans le contexte scolaire). || Apprendre sa leçon attentivement (⇒ Appliquer [s']; enfoncer [s'], plonger [se plonger dans…]), péniblement (⇒ Acharner [s']), longuement, lentement (⇒ Mâcher, remâcher, rabâcher, repasser, répéter, ruminer). || Il a du mal à apprendre ses maths (→ Blocage). || Tirer profit de ce qu'on apprend. ⇒ Imprégner (s'imprégner de); assimiler, digérer, retenir.
♦ Spécialt. || Cet enfant apprend bien à l'école, étudie facilement (⇒ Suivre). || Alors, mon petit, on apprend bien ?
b (Compl. déterminé). Se mettre en mesure de connaître (un domaine). || Apprendre la physiologie des invertébrés. — Apprendre une langue, une technique, un métier, une science, acquérir les connaissances et les procédés nécessaires pour les pratiquer. || Apprendre une langue, le russe, le chinois. ⇒ Faire (du russe…). || Apprendre la mécanique dans un L. E. P. — Apprendre le piano, les échecs, le ski, la boxe. ⇒ Exercer (s'exercer à) initier (s'). — Apprendre un métier. || Il commence à apprendre le métier (→ Il fait ses classes, il se fait la main, il prend du métier). ⇒ Mettre (s'y). || Apprendre professionnellement une technique, un métier. ⇒ Apprenti, apprentissage.
c Acquérir par l'expérience et la pratique (une connaissance sociale). || Apprendre les usages, la vie… — Vieilli. || Apprendre son devoir. → ci-dessous, cit. 5. || Apprendre un état. → ci-dessous, cit. 10.
1 Ceux qui apprennent difficilement et avec peine retiennent mieux ce qu'ils ont une fois appris.
J. Amyot, Caton d'Utique.
2 Une hirondelle en ses voyages
Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu
Peut avoir beaucoup retenu.
La Fontaine, Fables, I, 8.
3 Si j'apprenais l'hébreu, les sciences, l'histoire !
Tout cela, c'est la mer à boire.
La Fontaine, Fables, VIII, 25.
4 Le lion, pour bien gouverner,
Voulant apprendre la morale (…)
La Fontaine, Fables, XI, 5.
5 Un prince dans un livre apprend mal son devoir.
Corneille, le Cid, I, 3.
6 (…) le peu que j'ai appris jusques ici n'est presque rien, à comparaison de ce que j'ignore, et que je ne désespère pas de pouvoir apprendre.
Descartes, Discours de la méthode, VI.
7 Il y a diverses sortes de curiosité : l'une d'intérêt, qui nous porte à désirer d'apprendre ce qui nous peut être utile; et l'autre d'orgueil, qui vient du désir de savoir ce que les autres ignorent.
La Rochefoucauld, Maximes, 173.
8 Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris.
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
9 Je n'ai pas rencontré un homme avec qui il n'y eût quelque chose à apprendre.
A. de Vigny, Journal d'un poète, p. 93.
10 (…) elle fera bien d'apprendre un état et de s'habituer à servir les autres.
G. Sand, la Mare au diable, V, 44.
11 Bientôt mes yeux se fermeront pour l'éternité, sans que j'en aie appris beaucoup plus que toi (petit chien) sur la vie et la mort.
France, le Petit Pierre, XIV.
12 Tout ce que je sais, je l'ai appris à mes dépens.
Loti, Aziyadé, III, 23.
13 Ce que c'est que d'être séparé de son amour, il n'était pas trop tôt pour que je l'apprisse de toutes les manières.
Claudel, Feuilles de saints, p. 179.
14 Il a beaucoup appris celui qui a souffert.
J. Bédier, la Chanson de Roland, 134, p. 193.
♦ N'avoir rien appris, rien oublié : conserver ses idées, ses préjugés, malgré l'évolution des choses.
15 On a dit et redit que les Bourbons, au sortir de l'exil, n'avaient rien oublié, rien appris (…)
J. Bainville, Hist. de France, p. 429.
N. B. Le mot, appliqué aux émigrés, est attribué à Talleyrand.
♦ Apprendre qqch., un texte, de la musique par cœur. ⇒ Cœur.
16 Le peuple apprit par cœur ce divin cantique.
Bossuet, Disc. sur l'Hist. universelle, II, 3.
17 J'ai, pendant mon enfance, appris beaucoup de choses par cœur : des vers, de la prose et des nombres. Je ne le regrette pas.
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, V.
♦ Apprendre qqch. de qqn. || « J'ai tout appris de toi sur les choses humaines » (Aragon, « Que serais-je sans toi ? »).
2 (1155). || Apprendre à (et inf.) : devenir capable de (par le travail de l'esprit ou l'expérience; mêmes nuances que ci-dessus 1., a., b., et c.). ⇒ Accoutumer (s'), habituer (s'), faire (se faire à). || Apprendre à lire, à écrire, à compter. || L'enfant apprend à parler, à marcher. || Elle apprend à conduire. || Elle n'a jamais appris à nager. || Apprendre à parler anglais, à jouer du piano, de la trompette. || Apprendre à exercer un métier. — Apprendre à se taire. || Apprendre à se connaître. || Apprendre à apprendre. || Il faudra apprendre à être à l'heure.
18 J'avais toujours un extrême désir d'apprendre à distinguer le vrai d'avec le faux.
Descartes, Discours de la méthode, I.
19 Il apprendrait à vaincre en me regardant faire.
Corneille, le Cid, I, 3.
20 Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Boileau, l'Art poétique, I, 150.
21 Apprendre à se connaître est le premier des soins.
La Fontaine, Fables, XII, 24.
22 Quoi ? Même vos regards ont appris à se taire ?
Racine, Andromaque, II, 1.
23 Il apprit à connaître tout enfant la brutalité de la vie et la solitude de l'esprit.
R. Rolland, Vie de Michel-Ange, p. 38.
♦ (Avec une nuance menaçante). || Tu apprendras à me connaître !
3 Absolt (le compl. étant sous-entendu ou indéterminé). || Le besoin, la curiosité, le désir d'apprendre. || Être curieux, avide d'apprendre. ⇒ Connaître, instruire (s'), savoir. || Apprendre facilement, avec difficulté (→ ci-dessus cit. 1).
24 (…) Nous avons tous deux appris en même école.
Corneille, la Suite du Menteur, I, 3.
25 (…) nos Français qui, généralement parlant, voudraient apprendre sans étudier.
Voltaire, Lettres, 20 juin 1737.
26 Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Joseph Joubert, De l'éducation.
N. B. Cet emploi cumule les sens I. et II.
27 Savoir étant sublime, apprendre sera doux.
Hugo, les Contemplations, I, 13.
28 (…) l'instinct d'apprendre qui est en moi et qui fera, j'espère, que j'apprendrai jusqu'à l'heure de ma mort.
Renan, Souvenirs d'enfance…, IV, II.
29 (…) même dans le tumulte de chaque jour, le besoin d'apprendre ne cessait de me poindre. Et je suis encore ainsi.
G. Duhamel, la Pesée des âmes, X.
4 (V. 1175). Être avisé, informé, instruit, mis au fait de (qqch.). || Apprendre un événement, une nouvelle par la rumeur publique. || J'ai appris la nouvelle par la radio, par les journaux. || J'ai appris l'événement par qqn, de qqn. || Apprendre qqch. de source sûre. || Apprendre qqch. par hasard. ⇒ Découvrir. || Comment l'avez-vous appris ? (→ Venir à la connaissance; avoir vent de qqch.). || Je viens d'apprendre cela par hasard. → Il m'est revenu. || Qu'est-ce que je viens d'apprendre ? || Apprendre un secret. ⇒ Découvrir. — Apprendre le nom de qqn. — Vieilli. || Apprenez-moi votre nom. — Mod. || J'ai appris son nom par hasard.
30 Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle (…)
La Fontaine, Fables, II, 15.
31 La faiblesse humaine est d'avoir
Des curiosités d'apprendre
Ce qu'on ne voudrait pas savoir.
Molière, Amphitryon, II, 3.
♦ Absolt. :
32 J'aurais voulu savoir, mais en même temps j'avais peur d'apprendre.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 313.
♦ Apprendre que… (et ind.).
32.1 Quand il apprit que son ami était tombé malade, ça l'impressionna. Quand il apprit que son beau-frère était mort écrasé, il alla se coucher. Quand il apprit que son ami venait de défuncter, le tremblement le prit. Quand il apprit que son ami était un escroc, il entra en agonie. Quand il apprit que son argent n'était pas tout à fait perdu, de joie il en mourut.
R. Queneau, les Derniers Jours, p. 232.
♦ ☑ Loc. Apprendre qqch. de la bouche de qqn. ⇒ Tenir. || J'ai appris de sa bouche le fin mot de l'histoire. || Nous l'avons appris de sa propre bouche.
33 (…) De votre bouche, ô ciel ! puis-je l'apprendre ?
Racine, Britannicus, IV, 3.
♦ (À l'impér.). Littér. || Apprends ceci. || Apprenez la triste nouvelle. — Apprends, apprenez que… ⇒ Savoir (sachez).
34 Apprenez en deux mots leur brutale insolence.
Corneille, Polyeucte, III, 2.
35 Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
La Fontaine, Fables, I, 2.
5 Faire apprendre (qqch. à qqn), emploi factitif, est synonyme de apprendre (II.) qqch. à qqn.
———
II (Sens objectif). Faire connaître (qqch. à qqn).
1 (V. 1140, Wace). Rendre qqn capable de connaître, de savoir (des connaissances, des informations), de pratiquer (une activité, une technique, etc. — Mêmes nuances qu'en I., 1.).
a Apprendre (qqch.) à qqn : donner le savoir, la connaissance de (qqch.) à qqn. || Le professeur apprend aux élèves les verbes irréguliers anglais. ⇒ Enseigner, expliquer, inculquer, montrer.
b Apprendre à qqn une science, un art, une technique, un métier, la pratique d'un sport, lui faire acquérir les connaissances et les moyens de pratiquer. ⇒ Démontrer (à qqn), enseigner, expliquer, montrer, et les trans. dir. exercer (qqn à), instruire. || Apprendre le latin à un enfant à force de leçons, de répétitions. ⇒ Abreuver, barbouiller, bourrer, endoctriner (qqn de…); → Faire absorber, avaler à…, farcir (la tête de); frotter (de), gaver, gorger, imprégner, inculquer, nourrir…; abrutir, assommer (de)… || Apprendre à un élève les premiers rudiments d'un art. ⇒ Éduquer, initier, débrouiller, dégourdir, dégrossir, déniaiser, dessaler, dresser, guider (les premiers pas). — Apprendre un exercice à un animal que l'on dresse. — (Le compl. désignant un ensemble d'informations sur un sujet précis). || Apprendre à un élève un système, une théorie, la Révolution française (la langue class. admettait cet emploi dans des cas où apprendre ne s'utiliserait plus : → ci-dessous, cit. 40).
36 Mes exemples, un jour, ayant fait place aux vôtres,
Ce que je vous apprends, vous l'apprendrez à d'autres.
Corneille, Sertorius, III, 2.
37 Chose étrange ! On apprend la tempérance aux chiens,
Et l'on ne peut l'apprendre aux hommes.
La Fontaine, Fables, VIII, 7.
38 Retirez-les, ils ne nous apprendront
Que la mollesse et que le vice.
La Fontaine, Fables, XI, 7.
39 Seuls dans leurs doctes vers ils pourront vous apprendre
Par quel art sans bassesse un auteur peut descendre (…)
Boileau, l'Art poétique, I.
40 Je lui appris ces derniers jours la Suède, le Danemark, la Scandinavie, et l'Angleterre avec l'Écosse et l'Irlande, assez scrupuleusement.
La Bruyère, Lettres, 9 janv. 1685.
♦ (Sujet nom de choses intellectuelles). || La théorie des quanta, la relativité nous apprend… || Ce livre m'a appris beaucoup.
41 Un livre n'est excusable qu'autant qu'il apprend quelque chose.
Voltaire, Lettres, 8 mars 1765.
♦ Par ext. Donner la connaissance intuitive, l'expérience de (qqch. à qqn). ⇒ Enseigner. || La vie lui a appris la patience. || Ce que nous apprennent les événements.
♦ Apprendre à qqn que… || Cette brochure prétend nous apprendre que l'on peut encore changer de vie.
42 L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements.
La Fontaine, Fables, VII, 1.
43 La vie nous apprend à tous qu'en amour la modestie est facile.
A. Maurois, Climats, p. 24.
♦ (Dans des formules menaçantes). || Je t'apprendrai les bonnes manières, moi ! || Je vais lui apprendre la politesse, à ce voyou !
2 Apprendre à qqn à (et l'inf.). || Ses parents lui ont appris à bien se tenir. || Par son attitude elle lui a appris à mentir. — ☑ Prov. Ce n'est pas à un vieux singe que l'on apprend à faire des grimaces.
44 Le maître qui prit soin d'instruire ma jeunesse
Ne m'a jamais appris à faire une bassesse.
Corneille, Nicomède, II, 3.
45 On n'apprend pas aux hommes à être honnêtes hommes, et on leur apprend tout le reste.
Pascal, Pensées, VI, 32, 3e éd. Havet.
46 Encore que l'amour seul apprenne à bien aimer,
Il n'est pourtant pas mal que les amans s'instruisent.
Bussy-Rabutin, Maximes d'amour, in Hist. amoureuse, t. I, p. 172.
47 J'adore le Seigneur, on m'explique sa loi,
Dans son livre divin on m'apprend à la lire.
Racine, Athalie, II, 7.
♦ Apprendre à qqn à… (et inf.), coordonné avec des compl. directs.
47.1 Rodin tenait lui-même les écoles, sa gouvernante soignait celle des filles, dans laquelle il passait aussitôt qu'il avait fini l'instruction des garçons; il apprenait à ces jeunes élèves à écrire, l'arithmétique, un peu d'histoire, le dessin, la musique et n'employait pour tout cela d'autres maîtres que lui.
Sade, Justine…, t. I, p. 105.
♦ ☑ Loc. fig. Apprendre à vivre à qqn, lui enseigner comment il faut se comporter. ⇒ Montrer (à vivre).
48 (…) Faut-il que la jeunesse
Apprenne maintenant à vivre à la vieillesse ?
J.-F. Regnard, le Distrait, IV, II.
♦ (Sujet nom de chose; même emploi que ci-dessus, cit. 41 à 43). || La vie lui a appris à réfléchir, à être plus calme. — REM. La langue class. employait aussi apprendre de… (et inf.). — Mod. || Apprendre à vivre à qqn. → Crevure, cit.; honnête, cit. 29. || Cela lui apprendra à vivre : cela lui servira de leçon. || Je lui apprendrai à vivre, à mentir, ou, ellipt, je lui apprendrai : je le corrigerai, je le punirai. ⇒ Montrer.
49 Il faut apprendre à vivre à ce sexe volage.
Molière, le Dépit amoureux, IV, 2.
50 (…) cela t'apprendra une autre fois à te jouer de la Faculté.
Molière, le Malade imaginaire, III, 3.
♦ (Dans des menaces, ou l'annonce d'une punition). || Ça t'apprendra, ça lui apprendra à… (suivi d'un inf. exprimant l'action reprochée). || Tiens, ça t'apprendra à mentir ! — Absolt. || Ça t'apprendra ! → C'est bien fait ! — (Sujet personnel; même valeur). || Je vais t'apprendre à te foutre de moi !
♦ Absolument (vieux) :
51 Ah ! je vous apprendrai.
Molière, Dom Juan, II, 3.
3 Porter (qqch.) à la connaissance de qqn. ⇒ Avertir, aviser, communiquer, connaître (faire connaître), dire, éclairer, indiquer, informer, mettre (au courant, dans la confidence; fam. : à la coule; dans le bain), renseigner, savoir (faire savoir). || La radio ne nous apprend chaque jour que des mauvaises nouvelles. || Je ne vous apprends (je ne vous apprendrai) rien en vous disant qu'elle est partie.
52 Albe de trois guerriers a-t-elle fait le choix ?
— Je viens pour vous l'apprendre.
— Eh bien ! qui sont les trois ?
Corneille, Horace, II, 2.
53 Quel est donc ce secret que tu me veux apprendre ?
Racine, Esther, II, 1.
54 Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu'on sait par des gens qui les ignorent.
Chamfort, Maximes et Pensées.
55 Landry voulut aller voir son père pour lui apprendre l'honnête conduite de cette fille.
G. Sand, la Petite Fadette, XXX.
56 Celles (les femmes) qui étaient méchantes feignaient de me croire renseignée sur des faits que j'ignorais pour avoir le plaisir de me les apprendre.
A. Maurois, Climats, p. 215.
4 V. pron. || S'apprendre a (Sens passif). Être appris. || Cette leçon peut s'apprendre vite. || C'est comme tout, ça s'apprend.
57 Le cœur n'apprend que par la souffrance, et je crois, comme Kant, que Dieu ne s'apprend que par le cœur.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Appendice.
b (Réfl.). || Tout ce que je sais, je me le suis appris à moi-même. || S'apprendre à faire qqch. || Je m'apprends à taper à la machine, j'apprends tout seul à taper…
58 Par là je m'appris à rimer.
Corneille, Poésies diverses, 54.
58.1 Dieu s'apprend à ne pas distinguer les mérites ni les fautes de deux êtres.
M. Jouhandeau, la Jeunesse de Théophile, p. 188.
———
59 Les filles furent bien apprises, et à tous présentèrent pleins hanaps de vin.
Rabelais, Pantagruel, IV, 54.
60 Quand nous reviendrons, nous l'emmènerons, s'il est encore là. Un atelier sans chien, c'est un chandelier sans chandelle. Nous l'apprendrons à poser.
Louise Michel, la Misère, t. II, p. 301.
——————
appris, ise p. p. adj.
1 (1174). Qui est acquis, par la connaissance, l'enseignement, l'éducation, retenu par la mémoire. || Cette leçon est apprise, sue. || Choses apprises. || Choses apprises par cœur et mal comprises.
♦ Une voix apprise, des gestes appris : non spontanés.
2 (V. 1175, Chrétien de Troyes). Vx. || Bien, mal appris → Morigéner, cit. 1. || Une personne bien apprise, bien élevée. ⇒ Éduqué. || Un jeune homme mal appris, mal élevé. || Une « chatte bien apprise » (Balzac). || « Un perroquet mal appris » (Musset). — N. || Un mal appris, une mal apprise. ⇒ Malappris (moderne).
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CONTR. Désapprendre, oublier. — V. aussi Ignorer.
DÉR. Apprenant. — V. Apprenti.
COMP. Désapprendre, rapprendre, réapprendre.
Encyclopédie Universelle. 2012.