prendre [ prɑ̃dr ] v. <conjug. : 58>
• 980; lat. prehendere
I ♦ V. tr.
A ♦ Mettre avec soi ou faire sien.
1 ♦ Mettre dans sa main (pour avoir avec soi, pour faire passer d'un lieu dans un autre, pour être en état d'utiliser, pour tenir). Prendre un objet à pleine main, entre ses doigts, du bout des doigts. Prendre une poignée, une pincée de poudre. « Il y a des meubles, derrière la caserne [...] il n'y a qu'à se baisser pour les prendre » (Sartre). Prendre au passage. ⇒ intercepter. Je te défends de prendre ce livre. ⇒ 1. toucher (à). — Prendre qqch. des mains de qqn. ⇒ arracher, enlever. Prendre son chéquier dans son sac. ⇒ 1. sortir, tirer. — Loc. fig. Prendre une affaire en main. Prendre son courage à deux mains. — Prendre la main, le bras, la taille de qqn. « À tout instant, il prenait Suzanne par le bras ou par la taille » (Duhamel). Prendre qqn à bras-le-corps. Prendre qqn à la gorge, au collet, le serrer agressivement. — Prendre le taureau par les cornes.
♢ Par ext. Prendre qqch. avec la bouche, les dents. — (Animaux) Prendre avec les pinces, la gueule, le bec. — Prendre de la terre avec une pelle. Loc. fig. N'être pas à prendre avec des pincettes.
2 ♦ Mettre avec soi, amener à soi. Prendre un parapluie pour sortir. ⇒ emporter. « Prenez ce qu'il vous faut pour un voyage de quinze jours, et suivez-moi » (A. Dumas). ⇒ se munir, se pourvoir. Prendre de l'essence. N'oublie pas de prendre le pain ! ⇒ acheter. Prendre de l'argent à la banque. ⇒ prélever, retirer. Prendre ses cliques et ses claques.
♢ (Compl. personne) Prendre qqn sur ses genoux. « Nous allons le ramener, le prendre avec nous » (Hugo). ⇒ accueillir, recueillir. Prendre qqn à part. Maison qui prend des pensionnaires. Le médecin ne peut pas vous prendre aujourd'hui. ⇒ recevoir. — Prendre en croupe, sur son cheval. Taxi qui prend un client. ⇒ charger, emmener. Passer prendre qqn. ⇒ chercher. « Il fut convenu que ses témoins le prendraient chez lui en landau, le lendemain » (Maupassant). Prendre qqn en chasse. Prendre qqn sous sa protection.
3 ♦ (XIIe) Fig. PRENDRE QQCH. SUR SOI, en porter volontairement la responsabilité. ⇒ assumer. « Nous prenons volontiers sur nous certaines fautes » (Duhamel). ⇒ couvrir. Prendre sur son compte : garder toute la responsabilité de qqch. — PRENDRE SUR SOI DE. ⇒ s'efforcer. « Il prit sur lui de ne pas lui parler » (Stendhal). — Absolt Il faut prendre sur soi, supporter les choses pénibles.
4 ♦ Fig. Aborder, se mettre à considérer (qqch., qqn) de telle façon. Prendre une chose de front, l'attaquer directement. Prendre à l'endroit, à l'envers, à contre-poil. « Prenez-moi votre sujet tantôt en travers, tantôt par la queue » (Balzac). Prendre la vie du bon côté. On ne sait par où le prendre, il est hargneux, susceptible. — Prendre une expression à la lettre, au pied de la lettre.
♢ (Sans compl. de manière) ⇒ considérer. Prenons cet exemple. « Si l'on prend deux œuvres qui sont au début ou à la fin de sa carrière » (Camus). — À TOUT PRENDRE : somme toute. « À tout prendre, il vaut mieux, pour son bonheur dans ce monde, être un honnête homme » (Diderot).
♢ PRENDRE BIEN ( ou MAL) ce qui vous arrive, l'accepter (ou en souffrir). — Prendre la chose avec philosophie. Prendre les choses comme elles viennent. Prendre qqch. au sérieux, à cœur, au tragique; à la légère, en riant. « On le prenait à la blague, on se gaussait » (A. Gide). Prendre en bonne, en mauvaise part. Le prendre de haut. Si vous le prenez ainsi : si vous vous fâchez. « Il en convenait et prenait bien la plaisanterie » (Chateaubriand).
♢ (1220) PRENDRE EN... : se mettre à avoir en. Prendre qqn en amitié, en charge, en pitié, en haine, en grippe. « J'avais pris en aversion les études, les écoles » (Martin du Gard). Prendre qqch. en horreur. Prendre en considération. Prendre son mal en patience.
5 ♦ Faire sien (une chose abstraite); connaître (qqch.). Il a pris un surnom. J'ai pris mes renseignements. Prenez son avis, prenez conseil auprès de lui : consultez-le. Prendre des ordres. Prendre (un) rendez-vous. — Prendre une idée, une habitude, un vice. « Où cette femme si timide prend-elle tant de courage ? » (Stendhal).
6 ♦ Évaluer, définir (pour connaître). Prendre les dimensions, les mesures. ⇒ mesurer. Prenez votre température. « Comme Pierre se penchait pour prendre son pouls » (Maupassant).
7 ♦ Inscrire ou reproduire. Prendre des notes, une photo. Prendre des empreintes.
8 ♦ (1132 « épouser ») S'adjoindre (une personne). Prendre une femme. ⇒ épouser. « Quand les Orientaux prennent femme, ils ne voient qu'après la noce le visage de leur fiancée » (Musset). Prendre un amant, une maîtresse. Prendre qqn à son service, prendre à gages. ⇒ employer, engager. On ne prend plus personne à l'usine. ⇒ embaucher. — Prendre pour, comme, à, en : s'adjoindre, se servir de (qqn) en tant que... Consentez-vous à prendre Monsieur X pour époux ? Prendre pour associé. Il l'a prise comme secrétaire. Prendre à témoin, à partie. « Je ne crains pas de vous prendre pour juge; qu'ai-je donc fait ? » (Laclos).
9 ♦ PRENDRE POUR : croire qu'une personne, une chose est (autre ou autrement). Prendre une personne pour une autre. « Que de fois il nous est arrivé de prendre Jules [de Goncourt] pour Edmond » ( Gautier). ⇒ confondre. On le prenait pour un savant. ⇒ regarder (comme). Pour qui me prenez-vous ? « Toi ! que j'ai vu grand comme ça, [...] me prends-tu pour un nigaud ? » (Balzac). « Elle commença par dire qu'on la prenait pour ce qu'elle n'était pas » (Nizan). Loc. prov. Prendre des vessies pour des lanternes. Prendre ses désirs pour des réalités (cf. fam. Croire que c'est arrivé). Prendre une chose pour argent comptant. — Prendre le Pirée pour un homme : se tromper grossièrement.
10 ♦ Absorber, mettre en soi. Prendre de la nourriture, un repas. ⇒ 1. manger . Prendre son café. Prendre un verre, un pot. ⇒ 1. boire, consommer. « Entrez donc... Vous prendrez bien quelque chose » (Aragon). Prendre ses médicaments. ⇒ absorber, avaler. — Fig. Prendre la poudre d'escampette : s'enfuir. Faire prendre. ⇒ administrer. Prendre l'air (1.; 1o et 4o), le frais. « Un grand chat maigre qui prenait le soleil sur le bord de la fenêtre » (A. Daudet). — Par ext. Prendre un bain.
B ♦ Agir de façon à avoir, à posséder (qqch., qqn).
1 ♦ Se mettre en possession de; se rendre maître de (en prenant matériellement [cf. ci-dessus, A, 2o], ou non). ⇒ s'approprier. C'est à prendre ou à laisser (II, 1o). — Prendre son pied (III, 2o). — Prendre qqch. par force, par ruse. Absolt « Prends ! Et ne t'avise pas de refuser » (Colette).
2 ♦ Demander, exiger. « Combien me prendriez-vous pour mon logement, ma nourriture et vos soins ? » (Diderot). Combien prend-il ? quel est son prix ? — Fam. Médecin qui prend cher, qui pratique des prix élevés.
♢ Exiger, employer (du temps). Ce travail me prend tout mon temps. ⇒ absorber, dévorer. Il est très pris par ses activités. « Ta “conversation” prendra beaucoup de temps ? » (Romains). — Ce meuble prend trop de place.
3 ♦ Fam. Recevoir, supporter. Prendre des coups, une raclée. Qu'est-ce qu'il a pris ! Il a pris le ballon en pleine figure. En prendre pour son grade.
4 ♦ (1080) Se rendre maître par force; conquérir. Prendre d'assaut. ⇒ enlever, forcer. Prendre une forteresse, une place fortifiée, une ville. Prendre le pouvoir. — Fig. et fam. « L'autre le regarda, et pensa que c'était toujours ça de pris sur l'ennemi » (Aragon),c'était toujours ça de gagné, de fait. C'est autant de pris, se dit d'un petit avantage dont on est assuré.
♢ Pénétrer (une femme). Prends-moi. Prendre une femme de force. ⇒ violer.
5 ♦ PRENDRE QQCH. À QQN : s'emparer de (ce qui appartient à qqn). ⇒ dérober, ravir, 2. voler. « C'est mon trésor que l'on m'a pris » (La Fontaine). Il lui a pris sa femme. Prendre une idée, une phrase à un auteur. ⇒ plagier. Prendre la place de qqn. ⇒ chasser, supplanter. — Par ext. Prendre un baiser : embrasser qqn sans sa permission.
6 ♦ Se saisir de (ce qui fuit, se dérobe : animal, personne). « Pourquoi, après avoir échappé à la glu de la mare, [...] s'être fait prendre et finir ainsi ! » (Pergaud). Prendre au piège. Prenez-le vivant ! ⇒ attraper, capturer. Prendre au lasso. Ça ne mord pas, je n'ai rien pris. — Prendre la mouche. PROV. On ne prend pas les mouches avec du vinaigre. — Se saisir de (qqn qu'on poursuit, qu'on recherche). Se laisser, se faire prendre. « Ils nous tueraient, les nazis, s'ils nous prenaient ? » (Sartre). La police l'a pris. ⇒ arrêter; appréhender, 1. avoir; fam. agrafer, alpaguer, choper, coincer, cueillir, gauler, pincer, piquer.
♢ (Pass.) Être pris. ⇒ 1. fait. Pas vu, pas pris ! — Fig. Être attrapé dans. « Brunet est pris dans un remous énorme » (Sartre). Loc. Être pris dans l'engrenage. — Se prendre (une partie du corps) dans qqch. Elle s'est pris le doigt dans la porte.
7 ♦ Amener (qqn) à ses vues, à faire ce qu'on veut. Savoir prendre qqn, agir envers lui avec diplomatie pour en obtenir ce qu'on veut. « Que tel est pris, qui croyait prendre » (La Fontaine). Prendre qqn par la douceur, l'amener à ses vues en le traitant doucement. On ne m'y prendra plus ! je ne serai plus dupe. — Prendre qqn par son point faible, lui faire faire ce qu'on veut en flattant ses faiblesses. Prendre qqn par les bons sentiments. Être pris, se laisser prendre.
8 ♦ PRENDRE QQN (en tel état, de telle ou telle manière). ⇒ surprendre. Prendre qqn en faute, sur le fait, en flagrant délit, la main dans le sac. — Prendre au dépourvu, de court. Prendre qqn au mot. On l'a pris à voler. « “Je vous y prends à conspirer !” s'écria-t-il en riant » (Madelin). Prendre en traître.
9 ♦ Saisir (qqn), faire sentir à (qqn). La fatigue, la fièvre me prend. « L'épouvante le prit » (Martin du Gard). Les douleurs la prirent l'après-midi. Ça l'a pris brusquement, à l'improviste. — Fam. Ça l'a pris comme une envie de pisser.
♢ Fam. Qu'est-ce qui vous prend ? Ça vous prend souvent ? se dit à une personne dont l'attitude est inattendue ou déplacée (cf. Quelle mouche vous pique ?). « Voyons, qu'est-ce qui vous prend depuis dix minutes, avez-vous perdu la tête ? » (Maupassant). Loc. Ça le prend aussi souvent que ça le quitte, ça ne durera pas.
♢ (Pass.) Être pris de vertige.
♢ Impers. Il me prend l'envie d'aller le voir.
10 ♦ BIEN, MAL (lui, vous, etc.) PREND DE : cela a de bonnes, de fâcheuses conséquences. « Bien nous prit de n'avoir rencontré sur notre route personne de contrariant » (Barbey). Mal lui en a pris.
C ♦ Se mettre à utiliser, à avoir, à être (sans idée d'appropriation).
1 ♦ Commencer à mettre sur soi, à utiliser. ⇒ employer, mettre, utiliser. Fig. Prendre des gants. Prendre le voile, l'habit : entrer au couvent. — Par ext. Prendre le deuil : mettre des vêtements de deuil. — Prendre la plume : écrire. Prendre le volant : conduire un véhicule. — Prendre un siège, prendre place. — Prendre les armes. « Je suis tout prêt [...] à prendre un flingot et à défendre le pays » (Martin du Gard). — Prendre la clé des champs. Prendre les rênes. — Mar. Prendre le vent : présenter les voiles au vent de manière à en utiliser la force.
♢ Faire usage de (un véhicule). Prendre sa voiture, un taxi. Prendre l'avion, le train.
♢ S'engager dans. Prendre un chemin, le chemin de. ⇒ emprunter. « Dès le boulevard traversé, il avait pris la rue Championnet » (Romains). Prendre la route. Prendre un virage. Il a mal pris son tournant. Prendre la porte : sortir. Prendre la direction de (cf. ci-dessous II, 6o). — Prendre la mer. ⇒ s'embarquer. Prendre le large.
♢ User à son gré de. Prendre le temps de, prendre son temps. Prendre du bon temps. ⇒ s'amuser. Prendre congé. Prendre le droit de. « Il y avait un flatteur qui prit la liberté de lui parler à l'oreille » (Fénelon). ⇒ se permettre. — En prendre à son aise.
2 ♦ Se mettre à avoir, se donner. Prendre un air, une voix, un ton. Prendre une attitude, une pose. « La grande brune prenait des allures cavalières » (Zola). Prendre le contre-pied. Prendre appui. Prendre son élan, son essor, son vol. Prendre la fuite. Prendre du repos. — Prendre la parole : commencer un discours, se mettre à parler. — Prendre ses distances, du recul. « J'ai pris les devants pour vous avertir » (Lesage). Prendre le dessus, l'avantage. Prendre sa retraite. « Je voudrais pourtant bien par moments [...] prendre quelque semaine de congé » (Sainte-Beuve). Prendre la garde, la relève, la succession, commencer à l'assurer. Prendre possession de. Prendre position : choisir. Prendre parti, le parti de. Prendre la défense de. Prendre part à. Prendre des risques : se mettre dans une situation qui peut devenir dangereuse. Prendre l'engagement de, l'initiative de, une décision. « Ma résolution était prise et rien ne pouvait plus m'en faire changer » (France). Prendre des dispositions, des mesures, des précautions.
♢ Prendre du plaisir. Prendre patience. Prendre soin de qqch., du soin à faire qqch. ⇒ apporter. Prendre garde. Prenez la peine d'entrer : veuillez entrer. « Prenez la peine de vous asseoir, madame » (Sartre).
3 ♦ Commencer à avoir (un mode d'être). Prendre forme. Prendre une bonne ou mauvaise tournure. « L'affaire prend un tour romanesque » (Aymé). Prendre une couleur. Prendre un mauvais goût.
♢ (Personnes; désignant une action involontaire) Prendre du poids; du ventre. Prendre de l'âge : vieillir. Prendre du retard, de l'avance. Prendre de l'assurance. Prendre goût à qqch. Prendre peur, ombrage.
♢ Prendre son origine, sa source; prendre naissance : commencer.
4 ♦ Subir l'effet de. Prendre feu : s'enflammer. Prendre mal, froid; prendre du mal.
♢ Chaussures qui prennent l'eau, qui l'absorbent.
II ♦ V. intr.
1 ♦ Durcir, épaissir (en parlant de certaines substances). Mayonnaise, crème, gelée qui prend. Plâtre, ciment qui prend.
♢ Spécialt ⇒ geler. « La Tamise prit, ce qui n'arrive pas une fois par siècle » (Hugo).
2 ♦ Attacher, coller (en parlant d'une substance). Aliment qui a pris au fond de la casserole.
3 ♦ (Végétaux) Pousser des racines, continuer sa croissance après transplantation. La bouture a pris.
4 ♦ (Du feu) Se mettre à consumer une substance. Le feu s'éteint, ne prend pas. « Le feu prit à la petite cagna dans laquelle vivaient nos officiers d'administration » (Duhamel).
5 ♦ Fig. Produire son effet, l'effet recherché. ⇒ réussir. Vaccin qui prend. La teinture de ce tissu a bien pris. C'est une mode qui ne prendra pas.
♢ Spécialt Être cru, accepté. « J'avais beau répéter : “C'est une racine” — Ça ne prenait plus » (Sartre). À d'autres, ça ne prend pas !
6 ♦ Se mettre à suivre une direction, un chemin (cf. ci-dessus, I, C, 1o : prendre une route). Prendre à gauche, sur la gauche. « Je pris par les petites rues derrière Chiaia » (Nerval).
7 ♦ Commencer (en parlant de ce qui suit une direction). « L'escalier prenait à gauche » (Romains).
8 ♦ Dans certains jeux de cartes, Annoncer qu'on va gagner la partie. Prendre à cœur, à sans atout.
III ♦ SE PRENDRE v. pron.
A ♦ (Pass.) Être mis en main. Cela se prend par le milieu.
♢ Être absorbé. Médicament qui se prend avant les repas.
♢ Être attrapé. Poisson qui se prend au filet. « Il y a des folies qui se prennent comme les maladies contagieuses » (La Rochefoucauld).
♢ Être considéré ou employé. Mot qui se prend dans tel ou tel sens.
B ♦ (Réfl.)
1 ♦ Fig. et fam. Se prendre par la main : s'entraîner soi-même à faire qqch. « Chaque jour je me prends par les épaules et me force à une promenade » (A. Gide).
2 ♦ Se laisser attraper. Moucheron qui se prend dans une toile d'araignée. — Fig. « Il se prenait lui-même à son jeu » (Martin du Gard). — Sa robe s'est prise dans la portière.
3 ♦ Fig. et littér. S'intéresser vivement à. « Je ne pouvais me prendre à rien » (Balzac).
4 ♦ S'EN PRENDRE À : s'attaquer à, en rendant responsable. ⇒ incriminer (cf. Prendre à partie). Il s'en est pris à moi qui n'y étais pour rien. Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même : il est responsable de ses propres malheurs.
5 ♦ SE PRENDRE DE : se mettre à avoir. Se prendre d'amitié pour qqn. ⇒ concevoir, éprouver. « Félicité se prit d'affection pour eux » (Flaubert).
6 ♦ Littér. SE PRENDRE À : se mettre à (généralement de façon inopinée). « Elle se prit à tousser, puis elle bâilla » (Duhamel). « Il se prit à penser que sa piété allait bien à sa paresse » (Aragon).
7 ♦ S'Y PRENDRE : agir d'une certaine manière en vue d'obtenir un résultat. « D'abord il s'y prit mal, puis un peu mieux, puis bien » (La Fontaine). ⇒ procéder. Comment s'y prend-on ? (⇒ 1. faire) . S'y prendre à deux, à plusieurs fois : recommencer, tâtonner. Savoir s'y prendre. « Jouons à l'attaque de la diligence. Je vais vous montrer comment on s'y prend » (France).
♢ (Avec une précision de temps) Se mettre à s'occuper de. Il faudra s'y prendre à l'avance. « Il allait s'y prendre à temps pour l'éviter ou pour la gagner [la guerre] » (Sartre).
8 ♦ Se considérer. Se prendre au sérieux. — SE PRENDRE POUR : estimer qu'on est... ⇒ se croire. Se prendre pour un héros, un génie. Se prendre pour qqn, pour un autre. — Péj. Pour qui se prend-il ? « La vérité, c'est que vous vous prenez pour des caïds » (Sartre). — Fam. Il ne se prend pas pour une merde : il a une très haute opinion de lui-même.
9 ♦ Vieilli Devenir dur (substance). « Semblable à ces roches granitiques qui se sont prises » (Renan). — Spécialt Geler. La mer de Norvège se prit.
C ♦ (Récipr.)
1 ♦ Se tenir l'un l'autre. Se prendre par la main, le bras, le cou. — Spécialt Se prendre aux cheveux : se quereller.
2 ♦ S'ôter l'un à l'autre. Joueurs qui cherchent à se prendre le ballon.
3 ♦ S'unir sexuellement.
⊗ CONTR. 1. Lâcher; jeter. Abandonner, 1. écarter, laisser, quitter, rejeter, renvoyer. Donner, offrir. Perdre.
⊗ HOM. Pris :prie (prier).
● prendre verbe transitif (latin prendere, de prehendere, saisir) Attraper un animal, se rendre maître d'un lieu, arrêter, faire prisonnier quelqu'un : Prendre un animal au piège. L'ennemi a pris la ville frontière. Voler, subtiliser ou emprunter quelque chose à quelqu'un : Qui m'a pris mon stylo ? Elle lui a pris son idée. Enlever quelqu'un à l'affection de quelqu'un, d'un groupe : La mort nous l'a pris dans la fleur de l'âge. Se manifester soudain chez quelqu'un : La peur le prit alors. Toucher, atteindre et saisir quelque chose, avec ou sans instrument, pour le déplacer, l'utiliser, etc. : Il prit délicatement le timbre avec la pince. Toucher quelque chose, quelqu'un, un animal, le saisir, le tenir, le porter, etc. : Prendre un enfant par la main, dans ses bras. Adapter son comportement à l'égard de quelqu'un, avoir telle attitude par rapport à quelque chose et, en particulier, le traiter de telle ou telle manière : Prendre quelqu'un par les sentiments. Emporter quelque chose, le mettre sur soi ou dans ses affaires, partir avec : Tu as pris tes papiers ? Aller retrouver quelqu'un et l'emmener avec soi : Passer prendre les enfants à l'école. Emmener quelqu'un avec soi : L'inspecteur de police prit trois hommes avec lui. Transporter quelqu'un : Prendre un auto-stoppeur. Accepter quelqu'un au sein d'un groupe, le recevoir : L'école ne prend que les élèves du quartier. Recevoir quelqu'un pour un entretien, une consultation, une leçon, etc. : Le docteur m'a pris à 17 heures. Utiliser un moyen de transport : Prendre le bus. S'engager sur une voie de communication, dans une direction donnée : J'ai pris la première rue à droite. Prenez la direction de Lille. Il prend le chemin de l'échec. Choisir quelqu'un, quelque chose, le sélectionner parmi d'autres : Quel sujet as-tu pris à l'examen ? Se procurer quelque chose, en particulier l'acheter : S'arrêter pour prendre de l'essence. Prélever quelque chose (matière, objet, etc.) pour l'utiliser, le consommer : Prendre 50 grammes de beurre. Consommer un aliment, une boisson, un médicament, manger, boire, absorber, avaler : Prendre une pilule matin et soir. Occuper, nécessiter tant d'espace, de temps ou accaparer le temps, l'énergie, les forces de quelqu'un : C'est un travail qui prend trop de temps. Occuper le temps de quelqu'un : Ses nouvelles fonctions le prennent beaucoup. Se faire donner, faire en sorte d'avoir quelque chose ou en bénéficier de droit : Prendre des vacances. Relever, noter les dimensions, les mesures de quelque chose : Prendre la dimension d'une pièce. Recevoir quelque chose de quelqu'un, se le faire donner : Prendre un avis auprès des spécialistes. Accepter quelque chose : Prenez cet argent, je vous en prie. Faire payer, exiger tel prix, tel tarif : Coiffeur qui ne prend pas cher. Recevoir un coup, un choc, un projectile ; être atteint par un mal ; faire l'objet d'une vive réprimande, d'une critique, etc. : Prendre une gifle. Recevoir quelque chose, l'accepter, l'entendre, l'interpréter de telle manière : Il prend tout au tragique. Se laisser atteindre, gagner, traiter par quelque chose, en recevoir les effets : Prendre le soleil. Considérer quelqu'un, quelque chose comme étant tels, en particulier en se trompant : Je vous ai pris pour votre frère. Considérer, envisager quelque chose, quelqu'un comme : Prends cette maison comme repère. Choisir quelqu'un pour une fonction : Prendre un avocat. Prendre un amant. Surprendre quelqu'un en train de commettre une faute : On ne l'a jamais pris en faute. Pincer quelque chose, le coincer dans quelque chose : J'ai pris mon manteau dans la portière. Défier quelqu'un à un jeu : Je te prends aux échecs. ● prendre verbe transitif employé absolument Accepter une offre, une proposition : À deux mille, je prends, à plus, je refuse. Jouer tel type de partie que l'on devra mener à certains jeux : Prendre à cœur, à trèfle. Familier. Subir une peine, un désagrément, un dommage, un choc, etc. : Il a pris pour deux mois de prison. ● prendre verbe auxiliaire Forme avec un nom des locutions verbales équivalant à un verbe : Prendre une décision (= se décider). Prendre un bain (= se baigner). Prendre la fuite (= fuir). Prendre une photo (= faire une photo, ou photographier). Prendre une radio (= faire une radio, ou radiographier). Prendre des notes (= noter, inscrire). Avec un nom complément, indique le début d'une action, par opposition à avoir + participe passé : L'affaire prend une tournure qui ne me plaît pas. Prendre feu (s'enflammer). L'oiseau prend son vol (= s'envole). Prendre (du) plaisir à faire un travail. ● prendre verbe transitif indirect En parlant d'une envie, d'une idée, venir soudain à quelqu'un : Il lui prend une envie de voyager. ● prendre verbe intransitif Se solidifier sous l'effet du froid, ou se figer en fonction de certains constituants (graisse, gelée) : La confiture commence à prendre. En parlant d'un béton, d'un mortier, du plâtre, etc., faire corps avec les matériaux qu'il enveloppe. Réussir, atteindre son but : Un vaccin qui prend. Commencer à brûler, à se développer : Le feu prend bien dans ces brindilles sèches. Se diriger, choisir son chemin : Nous prendrons à travers bois. ● prendre (citations) verbe transitif (latin prendere, de prehendere, saisir) Eugène Scribe Paris 1791-Paris 1861 Académie française, 1834 Prenez mon ours ! L'Ours et le Pacha, I, 6 Commentaire Dans le vaudeville de Scribe, un des personnages, Lagingeole, cherche par ces mots, plusieurs fois répétés, à « placer » un ours auprès du conseiller du pacha Shahabaham. Cette réplique a fait fortune au XIXe siècle, comme antiphrase. C'est une manière de faire comprendre à quelqu'un qu'il vante trop la marchandise et donne des merles pour des grives. ● prendre (difficultés) verbe transitif (latin prendere, de prehendere, saisir) Conjugaison Accord 1. S'y prendre mal, bien, etc. Dans cette construction, le participe passé s'accorde toujours avec le sujet : elles s'y sont mal prises. 2. Se prendre au jeu. Le participe passé s'accorde toujours avec le sujet : elles se sont prises au jeu. 3. S'en prendre à quelqu'un. Le participe passé s'accorde toujours avec le sujet : elles s'en sont prises à lui. 4. Se prendre de. Le participe passé s'accorde toujours avec le sujet : elles se sont prises d'une haine profonde pour lui. 5. L'envie lui a pris de / l'envie l'a prise de. L'accord ne se fait jamais avec le complément d'objet indirect (quant à ces femmes, l'envie leur a pris de...), mais se fait toujours avec le complément d'objet direct (l'envie les a prises de...). Construction 1. L'envie lui a pris de partir / l'envie l'a pris de partir. Les deux constructions sont désormais admises ; la construction avec complément d'objet indirect (l'envie lui a pris) est plus soutenue, celle avec complément d'objet direct (l'envie l'a pris) plus courante. 2. S'en prendre à quelqu'un / se prendre à quelqu'un. Aujourd'hui, se prendre à quelqu'un ne se dit plus (sauf dans le registre littéraire, pour produire un effet d'archaïsme). S'en prendre à quelqu'un l'a remplacé en prenant sa signification (il s'en prend à elle continuellement = il rejette toutes les fautes sur elle, il l'attaque continuellement). Remarque À l'origine, ces deux expressions avaient des sens différents : se prendre à quelqu'un signifiait « l'attaquer, le provoquer » et s'en prendre à quelqu'un « l'incriminer, rejeter sur lui une faute ». 3. Prendre le plus court / prendre au plus court. Les deux tournures sont également correctes ; la seconde est plus fréquente. Emploi 1. Prendre qqn à partie / prendre parti contre qqn. → partie. Registre Prendre une secrétaire. Prendre au sens de « engager » est légèrement familier. ● prendre (expressions) verbe transitif (latin prendere, de prehendere, saisir) Prendre quelqu'un à part, en privé, en tête à tête, etc., l'aborder, avoir avec lui un entretien. À tout prendre, en considérant bien la chose, somme toute. Familier. Ça me prend la tête, cela m'énerve, m'exaspère. C'est à prendre ou à laisser, il vous faut accepter mes conditions ou renoncer. Il y a à prendre et à laisser, il y a du bon et du mauvais, du vrai et du faux. Familier. Je vous y prends, je constate que vous êtes en défaut. Le prendre sur tel ton, de haut, etc., réagir d'une certaine manière, en particulier dédaigneuse, méprisante. On ne m'y prendra plus, je ne recommencerai pas dans les mêmes conditions, je ne me laisserai plus tromper. Où avez-vous pris que… ?, d'où sortez-vous cette information erronée, stupide ? Pour qui me prenez-vous ?, vous vous trompez sur ma personne, et en particulier je suis au-dessus de ce que vous pensez. Prendre l'eau, se laisser transpercer par l'eau. Familier. Prendre une femme, la posséder sexuellement. Prendre sa place, son poste, aller les occuper. Prendre sur soi, assumer la responsabilité de quelque chose, se décider à faire quelque chose de pénible. Prendre la teinture, se teindre facilement. Se laisser prendre, se laisser tromper, avoir ou surprendre. ● prendre (homonymes) verbe transitif (latin prendere, de prehendere, saisir) ● prendre (synonymes) verbe transitif (latin prendere, de prehendere, saisir) Attraper un animal, se rendre maître d'un lieu, arrêter, faire...
Synonymes :
- appréhender
- arrêter
- capturer
- cueillir (familier)
- épingler (familier)
Voler, subtiliser ou emprunter quelque chose à quelqu'un
Synonymes :
- dérober
- faucher (familier)
- piquer (familier)
- rafler (familier)
- voler
Enlever quelqu'un à l'affection de quelqu'un, d'un groupe
Synonymes :
- arracher
- décimer
- enlever
- faucher
- ravir
- tuer
Se manifester soudain chez quelqu'un
Synonymes :
- étreindre
- saisir
- serrer
Toucher, atteindre et saisir quelque chose, avec ou sans instrument, pour...
Synonymes :
- attraper
- pincer
- saisir
Toucher quelque chose, quelqu'un, un animal, le saisir, le tenir, le...
Synonymes :
- agripper
- attraper
- happer
Emporter quelque chose, le mettre sur soi ou dans ses affaires...
Synonymes :
- emporter
- se pourvoir de
Emmener quelqu'un avec soi
Synonymes :
Transporter quelqu'un
Synonymes :
- charger
Accepter quelqu'un au sein d'un groupe, le recevoir
Synonymes :
- admettre
- héberger
S'engager sur une voie de communication, dans une direction donnée
Synonymes :
- s'engager dans
Choisir quelqu'un, quelque chose, le sélectionner parmi d'autres
Synonymes :
- choisir
Se procurer quelque chose, en particulier l'acheter
Synonymes :
- acheter
- se fournir de
Prélever quelque chose (matière, objet, etc.) pour l'utiliser, le consommer
Synonymes :
- employer
- utiliser
Consommer un aliment, une boisson, un médicament, manger, boire, absorber...
Synonymes :
- absorber
- avaler
- boire
- ingérer
- manger
Occuper, nécessiter tant d'espace, de temps ou accaparer le temps...
Synonymes :
- exiger
- réclamer
Recevoir quelque chose de quelqu'un, se le faire donner
Synonymes :
- demander
- s'enquérir de
Recevoir un coup, un choc, un projectile ; être atteint par...
Synonymes :
- écoper (familier)
- essuyer
- récolter
Recevoir quelque chose, l'accepter, l'entendre, l'interpréter de telle manière
Synonymes :
- interpréter
- regarder
Considérer quelqu'un, quelque chose comme étant tels, en particulier en se...
Synonymes :
Choisir quelqu'un pour une fonction
Synonymes :
- coopter
- désigner
- élire
- nommer
- sélectionner
Surprendre quelqu'un en train de commettre une faute
Synonymes :
- attraper (familier)
- coincer (familier)
- pincer (familier)
Prendre l'eau
Synonymes :
- s'imprégner
Familier. Prendre une femme
Synonymes :
- connaître (littéraire)
● prendre (citations)
verbe transitif employé absolument
Paul Claudel
Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955
Il est un temps de prendre, et un temps de laisser prendre.
L'Annonce faite à Marie, I, 3, Anne Vercors
Gallimard
● prendre (homonymes)
verbe transitif employé absolument
● prendre (homonymes)
verbe auxiliaire
● prendre (expressions)
verbe transitif indirect
Bien, mal lui en prit (a pris), cela lui a été avantageux, dommageable.
Qu'est-ce qui te (lui) prend ? Ça te (lui, etc.) prend souvent ?, quel comportement étrange et soudain !
● prendre (homonymes)
verbe transitif indirect
● prendre (expressions)
verbe intransitif
Familier. Ça ne prend pas, je ne me laisse pas duper, je n'en crois rien.
Prendre sur soi, réprimer un mouvement d'humeur, se contraindre à quelque chose par un effort de volonté.
● prendre (homonymes)
verbe intransitif
● prendre (synonymes)
verbe intransitif
Se solidifier sous l'effet du froid, ou se figer en...
Synonymes :
- coaguler
- durcir
- épaissir
- tenir
En parlant d'un béton, d'un mortier, du plâtre, etc., faire...
Synonymes :
- se figer
Réussir, atteindre son but
Synonymes :
- prévaloir
- réussir
Commencer à brÛler, à se développer
Synonymes :
- débuter
- partir
Se diriger, choisir son chemin
Synonymes :
- aller
- tourner
Familier. Ça ne prend pas
Synonymes :
- marcher (familier)
prendre
v.
aA./a v. tr.
rI./r Saisir, s'emparer de.
d1./d Saisir avec la main. Il prit l'objet qu'on lui tendait.
— Par ext. Il la prit dans ses bras.
d2./d S'emparer de. On a pris son portefeuille.
|| Se rendre maître de. Prendre une ville.
|| Posséder sexuellement.
d3./d Emporter avec soi, sur soi. Je n'ai pas pris assez d'argent.
d4./d Tirer, enlever, soustraire (qqch). Prendre de l'eau à la rivière.
d5./d Attraper. Prendre des poissons à la ligne.
— Fig. Se laisser prendre au piège. Prov. Tel est pris qui croyait prendre.
|| Arrêter (qqn). Prendre un cambrioleur.
d6./d Surprendre. Prendre qqn la main dans le sac. Ah! Je vous y prends! Prendre qqn au dépourvu.
d7./d Aller chercher et emmener avec soi. Je passerai vous prendre vers sept heures.
|| Emmener; s'occuper de (qqn). Prendre des passagers, des élèves.
— Fig. Prendre qqn sous sa protection.
d8./d Se charger de (qqch). Prendre une affaire en main.
|| Prendre sur soi de: prendre l'initiative de.
d9./d Demander, exiger. On m'a pris très cher pour cette réparation.
d10./d Manger, boire, ingérer. Je n'ai rien pris de la journée. Prendre un repas.
— (Québec) Prendre une brosse. Prendre un coup.
|| (Choses) Se pénétrer de. Ses souliers prennent l'eau.
d11./d (Sujet n. de chose.) Saisir, s'emparer de (qqn). Une forte envie de rire l'a pris.
rII./r Fig. Saisir par l'esprit.
d1./d Aborder (qqn), avoir telle ou telle attitude à son égard. Cette mère ne sait pas prendre son enfant.
d2./d Accepter, recevoir. Prendre mal la plaisanterie.
d3./d Prendre pour: considérer comme. Prendre qqn pour un imbécile.
— Prendre une personne, une chose pour une autre, se tromper sur son identité, sa nature.
rIII/r Obtenir, se procurer.
d1./d Se procurer (en achetant, en louant, en réservant, etc.). Prendre un billet d'avion.
|| Engager (qqn). Prendre un domestique.
|| Prendre femme: se marier.
d2./d Se faire donner. Prendre des leçons.
d3./d Recueillir. Prendre des notes, des mesures. Prendre des nouvelles de qqn.
|| Mesurer. Prendre la température d'un malade.
d4./d Contracter, attraper. Prendre un rhume. Prendre froid.
rIV./r Adopter.
d1./d Adopter (certains moyens). Prendre des mesures efficaces. Prendre des précautions.
d2./d Utiliser (un moyen de transport). Prendre le train, l'avion.
d3./d Emprunter (un chemin). Prenez la première rue à droite.
— Absol. Prenez à droite.
d4./d Acquérir (un certain aspect). Ouvrage qui prend tournure. Projet qui prend forme.
|| (Personnes) Prendre du poids, de l'âge.
d5./d éprouver (tel sentiment, telle impression). Prendre intérêt, plaisir à faire qqch.V. Loc. (Québec) Fam. Prendre le bord: V. bord (sens I, 3).
— Fam. Prendre une marche: faire une promenade.
aB./a v. intr.
d1./d Devenir consistant; faire sa prise. Ciment qui prend en quelques heures.
d2./d S'allumer, s'embraser. Le feu a pris tout seul.
d3./d Prendre racine, en parlant de végétaux. Cette bouture a bien pris.
d4./d Produire un effet, une réaction. Vaccin qui ne prend pas.
aC./a v. Pron.
d1./d (Passif) être absorbé. Ce remède se prend à jeun.
d2./d (Récipr.) S'attraper, se saisir.
d3./d S'en prendre à (qqn), l'attaquer, le provoquer, lui attribuer quelque faute.
d4./d Se prendre à (+ inf.): se mettre à. Se prendre à rire.
d5./d S'y prendre bien, mal: faire preuve d'adresse, de maladresse dans ce que l'on fait.
⇒PRENDRE, verbe trans.
1re Section. Empl. trans.
I. —Mettre avec soi.
A. —Saisir quelque chose (ou quelqu'un), généralement avec une partie du corps ou avec un instrument, à des fins diverses. Anton. lâcher.
1. [Avec un compl. indiquant ce qui prend]
a) [Le compl. est introd. par avec] Il retirait le boudin de la marmite. Pour ne point crever ni nouer les bouts ensemble, il les prenait avec un bâton, les enroulait, les portait dans la cour, où ils devaient sécher rapidement sur des claies (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.693). Il se contenta d'une inclinaison de tout le corps (...) sans prendre avec sa main gantée de suède la main que le docteur lui avait tendue (PROUST, Sodome, 1922, p.1039).
— Locutions
♦Prendre avec des pincettes, ne pas être à prendre avec des pincettes. V. pincette A 1 b.
♦Au fig. Vouloir prendre la lune avec les dents. V. lune D 4.
b) [Le compl. est introd. par à] Prendre à bras(-)le(-) corps, à pleines mains. La Malabaraise prit une large éponge à la main, et la passa dans les doux cheveux d'or de Chrysis (LOUYS, Aphrodite, 1896, p.19).
♦Prendre son courage à deux mains.
♦Prendre ses jambes à son cou.
♦Prendre le mors aux dents.
c) [Le compl. est introd. par dans ou en] Il prend dans ses mains les lapins essouflés (GIONO, Colline, 1929, p.116). Elle sortait de ses draps, toute chaude dans sa chemise mousseuse. Il la prit dans ses bras: —Tu as l'air d'un petit faune (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.277).
— Loc. fig. Prendre une affaire en main. S'occuper de quelque chose de manière sérieuse et suivie. Dudule vous dira que quand je prends une affaire en main, on peut être tranquille (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.288).
d) [Le compl. est introd. par entre] Prendre un objet entre les doigts, entre le pouce et l'index. J'ai pris l'arbre de vie entre mes poings puissants (HUGO, Légende, t.5, 1877, p.1225).
2. [Sans compl. indiquant ce qui prend]
a) Qqn prend qqc. Supposons qu'après avoir pris de l'air à la pression atmosphérique ordinaire, on soumette successivement la masse d'air enfermée dans un vase clos à des pressions de deux, de trois, de quatre,... de dix atmosphères (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.63). Il se pencha, prit une bûche et la posa dans le foyer (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.109). Je pris une cigarette dans le paquet de mon père, l'allumai (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p.178).
— Locutions
♦Prendre la plume. Se mettre à écrire. Mais je dépends beaucoup de la veine d'observations dans laquelle je suis placé, au moment où je prends la plume pour vous écrire (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1856, p.258).
♦Prendre le bras (de qqn). Se mettre bras dessus, bras dessous avec quelqu'un. Hélène prit le bras du jeune homme, et tous quatre passèrent dans la salle à manger (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p.153).
♦Domaine milit., vx. Prendre les armes. Présenter les armes, rendre les honneurs (infra 1re Section III A 2). La garde prenait les armes et sortait; le roi passait, tout était fini (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.52).
— Prendre la clef des champs. V. champ1. Prendre ses cliques et ses claques. V. claque2. Prendre son pied. Prendre la balle au bond. V. balle1.
— [P. ell. du compl. d'obj. dir.] Quand j'ai besoin de régler une facture pour toi, eh bien, je prends dans ma caisse! (Tr. BERNARD, M. Codomat, 1907, II, 5, p.165).
b) Qqn prend qqn/qqc. + compl. indiquant la partie saisie.
) Prendre qqn/qqc. à + subst. Elle s'était assise près d'elle, et d'un bras caressant l'avait prise à la taille (ZOLA, Rêve, 1888, p.137). Il l'a prise à la gorge, on a bien reconnu sa main, rapport au doigt qui lui manque (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1502).
— Empl. pronom. Ils étaient là quatre ou cinq auteurs de la table ronde (...) presque ivres (...) et ayant déjà vingt fois failli se prendre aux cheveux pour un mot vif jugé blessant (PERGAUD, De Goupil, 1910, p.248).
— Loc. Prendre qqn au mot, à la lettre, au pied de la lettre.
) Prendre qqn/qqc. par + subst. Prendre par le cou, par la taille. Il y descendit, paya le cocher, prit Cosette par la main, et tous deux (...) se dirigèrent vers le boulevard de l'Hôpital (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.514).
— Loc. Prendre le taureau par les cornes. V. corne.
B. —[Avec déplacement dans l'espace de celui qui prend et/ou de l'objet pris] Anton. laisser.
1. Prendre qqc.
a) Saisir quelque chose et l'emporter avec soi ou le mettre sur soi. Prendre un parapluie, une lanterne (Ac.). Vous viendrez m'ouvrir, vous savez où est la clé vous la prendrez sous son oreiller (JOUVE, Paulina, 1925, p.60). J'ai profité d'une nouvelle visite à l'usine pour rester seul dans le bureau de mon père et y prendre les plans et les graphiques (NIZAN, Conspir., 1938, p.159). Moi je prends ma casquette (...) et je m'en vais (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.83).
— Locutions
♦Prendre au vol. Saisir furtivement quelque chose. Que d'innocentes infidélités, d'ailleurs, n'avons-nous pas dû involontairement commettre en essayant de répéter de pures conversations prises au vol! (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.2, 1823, p.238).
♦Prendre (au vol) un baiser. Évoquant des souvenirs lointains (...), des visions entr'aperçues de baisers pris au vol sur les lèvres des belles! (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 7, p.87). Le touchant portrait d'une jeune fille vraiment vraie; elle avait permis une fois à un homme de lui prendre un baiser, et plutôt que d'avouer cette vilenie à son fiancé, elle renonçait à lui (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.166).
♦Au fig. Prendre la balle au bond.
♦Au fig. (En) prendre de la graine.
b) Aller chercher, passer chercher quelque chose ou/et l'emporter avec soi. Prendre le pain. Vous avez tous vos documents... bulletins, reçus! (...) Très-bien, j'aurai l'honneur d'aller les prendre à votre domicile! (SARDOU, Rabagas, 1872, II, 11, p.81).
2. Prendre qqn
a) Emmener quelqu'un avec soi (souvent dans un moyen de transport). Je vous prendrai en passant (Ac. 1935). J'ai envie de le prendre [le dromadaire] à mon bord... En arrivant à Marseille, j'en ferai hommage au jardin zoologique (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p.132). Je me suis sauvée et je n'en puis plus. Voulez-vous bien me prendre dans votre voiture, monsieur et madame? (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p.241). Jos-Mari aurait mieux fait de prendre Wolf avec lui, quitte à le laisser au «belvédère» pendant la course (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p.223).
♦Prendre qqn à part. Éloigner quelqu'un d'un groupe où il se trouvait généralement afin de lui faire part de quelque chose (v. infra 1re Section C). L'abbé Volland (...) avait pris à part la blonde espiègle aux groseilles (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.38).
b) Emmener quelqu'un chez soi et l'y garder. Synon. héberger, loger. Prendre qqn en pension. L'oncle, un peu honteux, sentant qu'il devait faire quelque chose pour ce pauvre garçon, lui offrit de le prendre avec lui (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.645). C'était un éléphant. Notre maison étant tout proche, On le prit avec nous (TOULET, Contrerimes, 1920, p.32).
c) Faire venir près de soi. Puis il m'a prise près de lui sur le canapé où il était assis (GIDE, École femmes, 1929, p.1300).
3. Prendre qqc./qqn pour + subst. Infra 1re Section III B 2.
C. —P. ext.
1. Appréhender, saisir quelque chose en tant qu'il s'agit d'une possibilité parmi d'autres.
a) [La possibilité appréhendée est d'ordre conceptuel ou cognitif] Synon. choisir, considérer, envisager. Prendre une comparaison, un exemple. Il est temps de revenir à la vérité des moeurs antiques. Prenez Platon, Socrate, Alcibiade, Aspasie; imaginez-les vivant, agissant d'après les ravissants tableaux que nous en a laissés l'antiquité (RENAN, Avenir sc., 1890, p.462). Il prit la thèse la plus extrême: la grève générale (BARRÈS, Cahiers, t.5, 1907, p.92):
• 1. Prenez une tribu quelconque de nègres ou de polynésiens. Dès les premières heures de votre contact avec elle, un phénomène vous transporte d'enthousiasme ou d'indignation.
FAURE, Espr. formes, 1927, p.64.
— Loc. À tout prendre. Synon. somme toute. Le sort des écoliers d'aujourd'hui n'est, à tout prendre, ni meilleur ni pire que celui du petit Pierre (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.248).
b) [La possibilité est d'ordre pratique] Synon. choisir. Parmi les épisodes touchants qui abondent dans les romans de J. Paul (...) j'en vais citer trois, pris au hasard (STAËL, Allemagne, t.3, 1810, p.282). Le langage a été donné à l'homme pour qu'il en fasse un usage surréaliste (...) il arrive tant bien que mal à s'exprimer et à assurer par là l'accomplissement de quelques fonctions prises parmi les plus grossières (BRETON, Manif. Surréal., 1er Manif., 1924, p.56). Beethoven n'a pas recours, comme on s'y attendrait, à une de ces tonalités que lui-même désigne comme «noires», ou, simplement, à une tonalité mineure. Il prend le ré majeur (ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.190).
— En partic. Acheter, acquérir. Je prendrai tout à six francs pièce. Si vous me donnez ce drap à tel prix, j'en prendrai six pièces. Je ne veux point de cette étoffe, je prends celle-ci (Ac. 1935). Il faut que j'aie l'air d'un sage, et je prends dans ma poche un journal que je tiens derrière mon dos, mais j'ai pris Le Matin et non L'Humanité. Pourquoi? (RENARD, Journal, 1907, p.1132).
♦[P. ell. du compl. dir.] On entendit tout le bruit de l'enchère voisine, des soles de la Marie-Rose que M. Lengagne tenait à quatre cent soixante francs, au jugé: quatre francs le kilo. Après deux surenchères de Marie Legagneux, il prit à cinq cents francs (HAMP, Marée, 1908, p.24).
c) ) Prendre langue.
) (C'est) à prendre ou à laisser.
d) JEUX DE CARTES. Prendre (à pique, à coeur, etc.). Faire le jeu. (Dict. XXes.):
• 2. Avant de jouer les levées, la tradition a prescrit pour les enchères des conventions très nombreuses et éminemment variables, entre lesquelles on distingue (par importance décroissante):
1° Jouer sans écart (sans toucher au talon, qui ne sera vu qu'après la dernière levée);
2° Pousser (faire aller le jeu sans achat);
3° Prendre (faire aller le jeu avec achat);
4° Passer (refuser de faire aller le jeu).
Cl. AVELINE, Le Code des jeux, Paris, Hachette, 1961, p.173.
2. [Avec un compl. précisant la manière dont s'opère l'appréhension] Synon. considérer.
a) Prendre qqc. dans/sous un sens (ou mot du même parad.). La famille est l'unité sociale fondée sur le mariage. Elle se compose des parents et des enfants. Toutefois ces termes doivent être pris dans une acception sociologique et non biologique (LOWIE, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.270). Il faut donc prendre le terme de coopération dans son sens étymologique précis de co-opérations (Traité sociol., 1968, p.234).
b) Prendre qqc. à + syntagme nom. indiquant
) [la disposition du référent du suj.] Prendre en plaisanterie, en badinage, en bonne part, en mauvaise part, à la rigolade. Il en aimait mieux Georges de ne pas prendre la vie au tragique, comme lui (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1564). Les mythes méritent d'être pris au sérieux (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p.15). L'amour qu'il me portait ne pouvait être pris à la légère ni considéré comme une simple habitude de père (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p.162).
— Prendre bien/mal qqc. Supporter avec flegme ou résignation quelque chose ou manifester du dépit, de l'abattement. (Dict. XXes.).
♦En partic. Prendre mal un propos. Interpréter un propos comme une attaque contre sa personne. (Dict. XIXe et XXes.).
♦Expr. Il/elle l'a mal/l'a bien pris. Il ou elle considère quelque chose comme un affront, une atteinte ne la considère pas comme un affront, une atteinte. Le petit avait pris ça très mal, ne voulant rien entendre de son père et de sa mère (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.381).
— Prendre une chose du bon, du mauvais côté. ,,Considérer favorablement ou défavorablement quelque chose`` (Ac. 1935).
— Prendre fait et cause pour qqn. Défendre quelqu'un de manière résolue. Il prenait fait et cause pour lui et s'indignait contre Schmoûle (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.135).
— Prendre parti (pour qqn, qqc.).
) [le point de vue sous lequel le référent du compl. est envisagé] Prendre à témoin. Voilà. Réfléchissez. Je vous prends à l'essai (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.243). Ces «jeux de mots» (...) où la rime est prise à son comble, ne se borne plus aux bouts-rimés, mais pénètre le vers entier (ARAGON, Crève-coeur, 1941, p.72).
— Locutions
♦Prendre (qqc.) à la lettre.
♦Prendre le ciel à témoin. Invoquer le témoignage divin. Prenant le ciel à témoin de ses deux bras maigres que la crise de l'âge mûr a couverts d'un duvet satiné: «Ça voudrait être conseiller général, et ça ne se respecte même pas soi-même!» (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1395).
♦Prendre les choses comme elles sont/viennent; prendre qqc./qqn tel qu'il est. Voilà! Il faut me prendre comme je suis (ZOLA, Nana, 1880, p.1362). Le secret du bonheur est peut-être de prendre les choses comme elles viennent, et de savoir employer son temps (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.350).
♦DR. Prendre qqn à partie. V. partie II A 2 b.
— Expr. Si tu le prends comme ça! Si vous le prenez comme ça! [S'emploie pour manifester à l'interlocuteur qu'il a mal interprété les propos du locuteur et que celui-ci va y mettre fin ou va changer de sujet] —(...) C'est fini. N'en parlons plus. Je retirai mes mains. —Oh! Si tu le prends comme ça, Vial... —Oui, madame, je le prends comme ça, et, bien plus fort, je vous reproche d'avoir amené le nom de cette jeune fille dans notre conversation (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p.49).
) [la manière selon laquelle l'appréhension s'opère] Prendre une chose à contresens; prendre une affaire à rebours, de travers, à rebrousse-poil (fam.), à contre-poil (fam.). Prendre une affaire du bon, du mauvais biais (Ac. 1935).
— Prendre bien, prendre mal une affaire. ,,Engager, conduire une affaire bien ou mal. L'affaire n'a pas réussi, parce qu'on ne l'a pas bien prise`` (Ac. 1935).
— Prendre à sa charge qqc. Prendre à son compte, assurer le paiement de quelque chose. Alors, Michäel, avec Mariette, s'arrangea pour prendre à sa charge les moindres dépenses de la rue Montmartre (COCTEAU, Enfants, 1929, p.124).
c) Prendre qqc. avec + syntagme nom. indiquant l'attitude du référent du suj. Il lui était dévoué, et, dans cette affaire-ci, touché du rôle qu'on lui donnait, prit ses intérêts avec la dernière rigueur (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.909).
d) Vx. Prendre que + prop. Considérer, supposer. Prenons que les choses se sont passées ainsi. Prenons que je n'ai rien dit (Ac. 1878). Vigneron: Où prends-tu que je me moque de toi? (BECQUE, Corbeaux, 1882, I, 1, p.56).
3. Prendre qqc. sur soi. Se charger de quelque chose, faire quelque chose de sa propre initiative sans y être autorisé. Cela passe un peu mes pouvoirs, mais je le prends sur moi. Je prends sur moi de le faire. Je prends sur moi la faute (Ac. 1935). L'exécution [du criminel] fut annoncée. Dans cette extrémité, l'abbé Dutheil prit sur lui de proposer à l'Évêque un dernier parti (BALZAC, Curé vill., 1839, p.72). Ninette était furieuse (...) elle disait: «Il me le paiera! il s'en souviendra! (...).» Alors, j'ai tout pris sur moi (...) je lui ai dit (...) que tu m'avais chargé de l'inviter (LABICHE, Célimare, 1863, I, 7, p.23).
— Absol. Se retenir, se contraindre (d'agir de telle ou telle manière). J'ai pris sur moi pour ne pas lui répondre. Cet homme était d'un caractère emporté, il a compris la nécessité de prendre sur lui (Ac. 1935).
II. —Agir de façon à (pouvoir) disposer de quelque chose qui était libre ou en possession d'autrui.
A. —[Le référent du compl. ne se déplace pas; le suj. désigne l'agent]
1. S'approprier quelque chose pour l'utiliser ou s'en servir à ses propres fins. Anton. donner, céder.
a) Prendre qqc. Les paysans veulent prendre les terres. (...) Nous le leur interdisons (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.271). La terre, elle, vivait toujours. Les Allemands, sans doute, l'avaient prise, mais on parvenait tout de même à en vivre largement (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.36).
— En partic. Prendre le/son temps. Se donner le temps de faire quelque chose. Repris aussitôt par le métier, il continue, sans prendre le temps de souffler (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.219). Aux environs de 1930 les gens commenceraient à s'impatienter, ils se diraient entre eux: «Il prend son temps, celui-là!...» (SARTRE, Mots, 1964, p.141).
♦Vx. Prendre temps. Le pouvoir de durer n'est donc pas ici un caractère accessoire; la solidité nous invite à prendre temps et à revenir (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p.175).
— Empl. abs. Mme Arrow: Il est généreux. Il a de l'amitié pour toi. Tu n'as qu'à tendre la main... Courpière: Jamais!... Je prends, je ne quémande pas (HERMANT, M. de Courpière, 1907, III, 3, p.23).
b) Prendre qqc. à + compl. indiquant l'origine. Puis, après avoir empli son baquet de quatre seaux d'eau froide, pris au robinet, derrière elle, elle plongea le tas du linge blanc (ZOLA, Assommoir, 1877, p.387). Ils allaient en désordre, autour de longs chariots remplis (...) de tableaux, de vases pris aux palais de Moscou (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.82):
• 3. ... ce matin ont reparu les chercheurs de vase et de sable —des ouvriers paludéens qui remplissent leur barque plate de pelletées de limon pris au lit et aux berges basses du fleuve.
GIDE, Journal, 1895, p.59.
— Au fig. Synon. de emprunter. Vous aurez mal compris, cela tient à sa manière de dire, c'est une façon exagérée de parler qu'il a prise aux Orientaux (FLAUB., Tentation, 1849, p.312). Les Persans ont pris aux Russes l'usage des fenêtres, celui des souliers à notre mode (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1856, p.247). Ces thèmes seront cosmiques, universels, interprétés d'après les textes les plus antiques, pris aux vieilles cosmogonies mexicaine, hindoue, judaïque, iranienne, etc. (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.147).
— Prendre qqc. à qqn. Faire sien quelque chose qui était à autrui. Anton. rendre. Et c'est pour cela que j'ai pris sa place! (SARDOU, Rabagas, 1872, V, 4, p.230). Orso: Alors est-ce que je vais lui prendre la femme qu'il aime? (CLAUDEL, Père humil., 1920, II, 2, p.520).
c) En partic. Prendre + compl. indiquant une valeur ou un prix. Requérir telle ou telle somme, telle ou telle quantité de quelque chose en échange de quelque chose d'autre. Synon. demander. On m'a pris mille francs pour cette maçonnerie. Il n'a rien voulu prendre pour sa peine. On prend tant de droit d'entrée sur cette denrée (Ac.).
2. Prendre qqc. sur qqc. Prélever quelque chose ou une partie dans un ensemble, un tout sur quelque chose. On prendra cette somme, cette dépense sur tel fonds. Il a pris mille francs d'avance sur son traitement (Ac. 1935).
— Au part. passé. L'intérieur de la barricade, cette espèce de petite cour prise sur la rue, était noyé de ténèbres (HUGO, Misér., t.2, 1862, p.418). Celle-ci a utilisé (...) dans les deux séries d'épreuves, du sang pris sur des cadavres de moutons morts charbonneux (PASTEUR, Corresp., 1882, p.343). Payés d'abord au moyen du butin pris sur l'ennemi, ces travaux le furent ensuite, à partir de l'an -111, par les propriétaires des terrains desservis (P. ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p.47).
— [P. ell. du compl. d'obj. dir.] Prendre sur qqc. Retrancher sur telle ou telle chose. Prendre sur sa nourriture, sur sa dépense, sur son nécessaire. Il prend sur son nécessaire pour donner aux pauvres. Prendre sur son sommeil pour travailler (Ac. 1935).
3. En partic.
a) Se rendre maître de quelque chose par la force. Synon. conquérir, investir; anton. abandonner. Prendre une place-forte. Une frégate anglaise le découvrit, lui donna la chasse et le prit à l'abordage (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.34). La mitrailleuse est prise par la septième! crie-t-on (BARBUSSE, Feu, 1916, p.279).
— Au part. passé. Nelson avait été le meilleur ami de son père et lui avait même légué (...) cinq des pièces de canon en cuivre prises à Copenhague (MICHELET, Journal, 1834, p.147).
♦Expr. [S'emploie pour indiquer qu'on a pu tirer quelque avantage d'une affaire médiocre] C'est autant de pris sur l'ennemi. C'est toujours autant de pris (Ac. 1935).
— Prendre (un lieu) d'assaut. Investir un lieu de force vive. Nous venons d'avoir ici une forte alerte dans l'insurrection de Lyon, la ville a été prise d'assaut par 40000 ouvriers qui une fois vainqueurs se sont conduits comme des séminaristes (LAMART., Corresp., 1831, p.229).
♦P. anal. Synon. de assaillir. Les pâtisseries étaient prises d'assaut (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p.707).
b) Posséder sexuellement quelqu'un. Et il la prit aussi facilement que s'il cueillait un fruit mûr (MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p.110). Ce jour-là, dont l'aube se levait, verrait l'amant de la déesse aux pieds de sa nouvelle idole. «Prends-moi! prends-moi!» s'écria-t-elle. Elle l'adorait maintenant (LOUYS, Aphrodite, 1896, p.162).
c) JEUX (notamment jeux de cartes). Faire la levée; acquérir une pièce de l'adversaire. Je prends votre dame sur mon roi (Ac. 1935). Potasse prend de son as. Boubouroche joue pique! (COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 1, p.20).
— Absol. Je prends et je joue (Ac. 1935).
d) SPORTS. Prendre un + subst. exprimant une mesure. S'assurer l'avantage mesuré. Prendre un pneu, un demi-tour, un bassin, une demi-longueur (d'avance) (d'apr. PETIOT 1982).
♦Loc. Prendre le meilleur sur qqn.
e) Loc. fig. Prendre le dessus. V. dessus2.
B. —[Le référent du compl. peut se déplacer, se dérober; le suj. désigne l'agent]
1. Capturer. Synon. attraper; anton. libérer.
a) Prendre qqn/qqc. Prendre un sanglier; pas vu, pas pris. Nous avons chassé tout le jour sans rien prendre (Ac. 1935). Ah! Si j'avais eu des canons et mon brave Simon, tu ne m'aurais pas pris comme un congre dans son trou (SUE, Atar-Gull, 1831, p.12). On a connu des printemps où des chasseurs prenaient jusqu'à des sept cents rats (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.168):
• 4. ... d'un coup sec, Pencroff «ferra» son engin, et des battements d'aile lui indiquèrent que les oiseaux étaient pris.
VERNE, Île myst., 1874, p.51.
— P. plaisant. Le soir, les Charles Edmond me prennent de force pour dîner (GONCOURT, Journal, 1861, p.981).
b) [Avec un compl. indiquant ce qui sert à capturer]
) Prendre qqc. à + syntagme nom. Prendre un poisson à la ligne, à l'hameçon (Ac. 1935). Il vient d'être pris au piège et écarquille des regards quelque peu apeurés dans les cercles nouveaux où on le lâche (DU BOS, Journal, 1927, p.161):
• 5. C'est une chose bien connue,
Sidonie a plus d'un amant.
Elle en prend à ses cheveux blonds
Comme, à sa toile, l'araignée
Prend les mouches et les frelons.
CROS, Coffret santal, 1873, p.48.
— Empl. pronom. Aucun être humain ne franchirait ce barrage (...) et, quand on retiendrait jusqu'au jour tous ceux qui viendraient se prendre au filet, ce ne serait pas un grand mal (ALAIN, Propos, 1921, p.272).
— Au fig. Se laisser prendre à qqc. Se laisser tromper. Ne vous laissez pas prendre à ses paroles, à sa feinte douceur (Ac. 1935). Elle pensait à ces derniers mois. Saquet... puis les autres. Elle s'était laissée prendre à toutes les promesses, on avait profité de sa nonchalance (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p.86).
) On ne prend pas les mouches avec du vinaigre. V. mouche I C 3.
) Au fig.
— Se prendre à qqc. (infra 3e Section IV). Se laisser séduire, captiver par quelque chose. À peine ai-je aujourd'hui envie —phénomène assez rare chez moi —de me prendre à la dictée de ce journal (DU BOS, Journal, 1924, p.54). Elle s'exaltait, se prenait à la plaidoirie (COCTEAU, Enfants, 1929, p.154).
♦Se prendre au jeu. Synon. de se piquer au jeu.
— Se prendre à qqn. S'attacher à quelqu'un. Est-ce vous qui m'empêchez de fuir, ou bien est-ce moi au contraire qui me suis prise à vous d'une manière si gentille que vous ne savez plus comment vous dépêtrer? (CLAUDEL, Soulier, 1944, 1re part., 1re journée, 9, p.975).
c) Se laisseraire prendre dans + syntagme nom. exprimant un événement ou un état. Se retrouver dans une situation qui vous prive de vos moyens ou présente un danger. Westermann, le plus brave général de cavalerie, mais aussi le plus imprudent, s'était laissé prendre dans une embuscade, à deux lieues de Laval (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.230). Or, à deux milles de là, il y a de ces hasards! La goélette se fait prendre dans un cyclone je ne vous dis que cela (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 2e tabl., p.68).
— Au part. passé. Mme X... (...) a l'air ahuri d'une bourgeoise prise dans une émeute (GREEN, Journal, 1928, p.6). Ceux qui proclament la parole de l'éternel ne se présentent pas, pour l'essentiel, comme des individus privilégiés, mais comme des témoins pris dans l'événement (Philos., Relig., 1957, p.38-7).
— Empl. pronom. En les regardant longuement, si l'on y pense, elles se changent; et si l'on n'y pense pas, on se prend dans une torpeur qui tient et consiste comme un rêve tranquille (VALÉRY, Variété , 1924, p.243).
d) Se prendre dans + syntagme nom. indiquant le lieu. Synon. [i]s'emmêler dans, s'accrocher dans; anton. s'échapper de. La lune s'est prise dans des feuilles qui remuent d'aise (RENARD, Journal, 1901, p.678). C'est sous ce ciel jaune, ce ciel bas et jaune, parmi les mouches qui se prennent dans sa barbe (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p.225).
e) Au fig. Prendre qqn par + syntagme nom. indiquant où s'effectue le moyen, la manière. Gagner quelqu'un en s'emparant de son esprit, son coeur, etc. Il le prit par les sentiments. Elle le prit par les yeux. Il le prit par son propre intérêt (Ac. 1935).
— Prendre quelqu'un par son faible (Ac. 1935). Flatter l'inclination favorite de quelqu'un.
— [P. ell. du compl. second.] Savoir prendre quelqu'un. Quand on sait le prendre, on en fait tout ce que l'on en veut (Ac. 1935).
2. Appréhender, surprendre quelqu'un en tant qu'il était dans telle ou telle situation.
a) Prendre qqn à + inf. indiquant ce que faisait la personne. Je l'ai pris à voler des fruits dans votre jardin; on vous y prend (Ac. 1935). Ah c'est bien ça!... Je vous y prends!... de piller tous ces malheureux? Allons signez-moi ça là-bas (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.502). À quatre ans, l'on m'a pris à saler la confiture: par amour de la science, je suppose, plus que par malignité (SARTRE, Mots, 1964, p.18).
b) Prendre qqn + expr. indiquant une attitude physique, morale ou intellectuelle. Prendre qqn la main dans le sac, en flagrant délit, en faute. C'était celui d'un chef de voleurs sous le Directoire, David de La Bazoque, pris en trahison et tué immédiatement (FLAUB., Bouvard, t.1, 1880, p.107). Tu ne sortiras plus d'ici, tu m'entends? Fini l'atelier. Tu vas te mettre à la confection, comme moi... que je ne te prenne jamais dans la boutique (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p.168). Si des règles précises intervenaient dans des cas précis, il serait tout de suite pris en défaut (JOUVE, Scène capit., 1935, p.34).
— Locutions
♦Prendre qqn sur le fait. Surprendre quelqu'un au moment même où il accomplissait quelque chose de répréhensible. C'était par honte de se trouver coupable et par rancune d'avoir été prise sur le fait (BOSCO, Mas Théot., 1945, p.94).
♦Prendre qqn au pied levé.
♦Prendre qqn au saut du lit (Ac. 1935). Aller trouver quelqu'un très tôt, afin de ne pas le manquer.
— Proverbe. Tel est pris qui croyait prendre. [P. allus. à la fable de LA FONTAINE, Le Rat et l'huître] Nous descendons d'auto pour contempler ce cortège fantastique et Gidal prend, à la clarté du magnésium, quelques photos de certains de ces véhicules: ce sont des «paniers à salade» allemands. Est pris celui qui croyait prendre (GIDE, Journal, 1943, p.239).
c) Prendre qqn + syntagme prép. exprimant la manière. Prendre qqn en traître, au dépourvu. Il traversa les Vosges couvertes de neige, avec le reste de son armée, et se réunit à Pichegru pour agir ensemble, prendre les Autrichiens à revers sur la Moder, dégager les lignes de Wissembourg et débloquer Landau (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.280). Pris à l'improviste, le brave homme était hagard. Ce qu'il entendait passait son intelligence (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.254):
• 6. ... attaquer du sud au nord les forces allemandes du Luxembourg, et ultérieurement prendre en flanc le groupe ennemi du nord.
JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.283.
— Loc. Prendre qqn de court. Ne pas donner à quelqu'un le temps de se ressaisir. Mon Dieu... murmura l'abbé Menou-Segrais, pris de court... j'avoue que quelques semaines de réflexion... (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p.129).
d) Au part. passé. Être pris par la nuit. Être surpris par la tombée de la nuit. La mission, maintenant, c'est d'arriver là-haut avant d'être «pris par la nuit» (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.181).
III. —Instaurer une relation d'utilisation avec quelque chose ou avec quelqu'un.
A. —S'approprier quelque chose par le fait de l'utiliser.
1. [Le compl. désigne une entité concr.] Choisir, adopter quelque chose et le faire sien en s'en servant selon l'usage normal.
a) [Le compl. désigne un lieu d'habitation, de travail, de production] Prendre une chambre. Wil (...) prit ce logement, parce que ce fut le premier qu'il vit (SUE, Atar-Gull, 1831, p.35). L'année précédente, il avait pris une concession à deux milles de là avec son frère (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p.35).
b) [Le compl. désigne un vêtement] Supra 1re Section I B 1 a. Prendre son chapeau, ses souliers, ses habits neufs. Quand il s'agissait de ces grandes courses, elle prenait une blouse bleue et des habits d'homme, disant avec gaieté que son costume habituel n'était pas fait pour les broussailles (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p.252).
c) [Le compl. désigne une pièce de mobilier] V. supra 1re Section I B 1 a. Prendre un siège (Ac. 1935). L'adjudant prit une chaise, s'assit, et amena à lui le cahier de punitions (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., III, p.30). Laurency: Prends la chaise longue (LENORMAND, Simoun, 1921, 13e tabl., p.157).
— Prendre le lit. S'aliter. Notre pauvre malade a pris le lit voilà six jours (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1366).
d) [Le compl. désigne un instrument, un outil] Mon vieux Jean, tu es le simple et le solide... Va, va! Prends la pioche, prends la truelle! et retourne le champ, et rebâtis la maison!... (ZOLA, Débâcle, 1892, p.630). Vous commencez tout de suite, hein? Je monte avec vous dans les chambres... Prenez le balai, et le seau. Pour aujourd'hui, je vous prêterai un vieux tablier (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p.36).
— RELIG. Prendre la discipline. Se donner la discipline. Ces religieuses prenaient la discipline deux fois la semaine (Ac. 1935).
e) [Le compl. désigne un moy. de transp.] Prendre l'avion, le bateau, le bac, le chemin de fer, le train; prendre un cabriolet, un fiacre, un taxi. Fabrice prit la poste, passa le Saint-Gothard (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.29). Non, on ne va pas prendre un taxi. On va prendre le métro. Nous ne sommes pas assez riches, nous, pour prendre des taxis! (BOURDET, Sexe faible, 1931, I, p.254).
— [P. méton. du compl.] Il prit le 8, et descendit rue Réaumur (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.326).
f) MAR. Prendre un ris. ,,Diminuer la voile de la largeur d'une bande de ris`` (LE CLÈRE 1960). Le Commandant: Amenez le grand foc, prenez un ris aux huniers! (JARRY, Ubu, 1895, V, 4, p.91).
g) Loc. Prendre le vent. Planer en s'aidant des courants ascendants. Ils s'élevaient en bruissant, avec leur longue queue terminée d'un énorme pompon de papier tricolore, et prenaient le vent comme des aigles (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p.72).
2. [Le compl. désigne une entité concr. en tant qu'objet symbolique ou conventionnel]
a) [Le compl. désigne un objet symboliquement ou fonctionnellement associé à une fonction, une situation ou un état social] Se mettre à exercer telle ou telle fonction, prendre tel ou tel état. Ils voyaient toujours notre armée prenant la cocarde tricolore (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.115).
) Prendre les armes. Entrer en guerre, s'insurger contre quelqu'un, quelque chose. Supra 1re Section I A 2 a.
) Prendre l'épée.
) Prendre le voile. V. voile2.
) Prendre le froc.
) Prendre les rênes (au fig.). Prendre la direction de quelque chose. Il a voulu prendre les rênes du commandement, mais il ne sait pas régner! (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p.300).
) En partic. Prendre le deuil. Adopter les signes extérieurs liés à la mort d'un proche. Quand dans l'Isle-en-Rigault, une jeune fille meurt, pendant quinze jours, les jeunes filles prennent le deuil, ne dansent pas. Il en est de même pour les jeunes garçons (GONCOURT, Journal, 1894, p.639).
b) [Le compl. désigne qqc. en tant qu'il confère le droit d'exercer certaines activités ou la capacité de jouir de certains avantages ou services] Prendre un ticket, un abonnement. Il te faudra d'ailleurs prendre un brevet d'invention... Tout cela voudra du temps et voudra de l'argent (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.600). Je sais bien que je porte un nom encombrant et ridicule... Je compte prendre un pseudonyme, si j'écris (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1171). Il entra dans la gare et prit un billet de troisième classe pour Paris (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.304).
— Loc. pop. Prendre un billet de parterre. ,,Tomber`` (CARABELLI, [Lang. fam.], s.d.).
B. —[Le compl. désigne un rôle ou qqc. (qqn) en tant qu'il assume une fonction socialement définie] Choisir, sélectionner.
1. Prendre un + subst. Prendre un confesseur, un directeur, un employé, un guide, un locataire, un passager, un témoin. Deux ou trois ans après cette grande époque de sa vie, cette jeune fille prenait un cavalier servant (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.3). Prenez une maîtresse. Vous l'appellerez mon trésor (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 1er tabl., p.18):
• 7. Puis elle prit un amant, un peu au hasard, s'en lassa aussitôt, retomba dans sa vie de divan et de sucreries...
TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.162.
— Prendre (pour) femme.
2. Prendre qqn/qqc. pour + subst. Prendre qqn pour juge; prendre qqc. pour exemple. Célestine prit pour fille de cuisine une grosse normande d'Isigny, à taille courte, à bons bras rouges, munie d'un visage commun (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.418). Dans les moindres auberges, vous entendez les accords d'une harpe. La plupart des hôtelleries l'ont prise pour enseigne (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p.76).
3. Loc. Prendre à témoin.
C. —[Le compl. fournit une indication spatiale]
1. [Le compl. désigne une direction] Partir dans cette direction. Prendre à gauche, à droite, au plus court, à travers champs. Olivier s'assura de la direction que prenaient les attelages (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.132). Tu prends la direction Étoile, tu changes à Trocadéro, tu reprends la direction Porte-d'Auteuil, tu descends à Michel-Ange-Auteuil... mais pas à Michel-Ange-Molitor, fais attention! (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.206).
— Prendre par + (loc.) adv. Quand l'homme se fut assuré que personne ne les suivait, il prit par là. Il s'engagea ensuite dans la rue Brisemiche (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.244). Supposé qu'un type ait fait le coup, remarqua le garde champêtre, sûr qu'il aurait filé du côté de Dombasle. En tout cas, il n'aurait pas pris par ici, vers le village (BERNANOS, Crime, 1935, p.744).
— Spécialement
♦VÉN. Prendre les devants. Faire le tour de l'enceinte pour retrouver la voie d'un animal (d'apr. BURN. 1970, DUCHARTRE 1973). Prendre les grands devants. Rechercher avec les chiens la voie perdue très en devant de l'endroit du défaut (d'apr. BURN. 1970).
♦MAR. Prendre les amures à bâbord, à tribord. ,,Orienter et mettre le cap de façon à amurer les voiles à bâbord, à tribord`` (GRUSS 1978).
— Loc. Prendre le(s) devant(s). V. devant2. Au fig. Prendre le(s) devant(s). ,,Devancer quelqu'un dans une affaire`` (Ac. 1935). Et, prenant le devant, elle lui crie, du fond de la Pologne où elle travaille pour lui. «Que rien de précipité ne t'engage!» (MASSIS, Jugements, 1923, p.44). En août 1788, les Turcs, depuis longtemps irrités, prirent les devants (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p.221).
2. [Le compl. indique une voie, un passage] Synon. de suivre, longer. Prendre une allée, les boulevards, un chemin, un détour, le trottoir d'en face. C'est en remontant du chantier que j'ai pris l'allée du milieu, au bord du ruisseau (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p.56). À Hersfeld, noeud de communications ferroviaires où nous devions changer pour prendre la ligne de Francfort, il nous avait fallu espérer jusqu'à 9 heures du soir un train prévu pour 11 heures du matin (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.356):
• 8. Le coeur battant d'orgueil, de vie et d'amour, Étienne Lureux prenait la traverse, descendait la colline (...) et entrait dans la forêt, pour arriver plus vite au Pas-du-Loup.
R. BAZIN, Blé, 1907, p.87.
— Au fig. [Le suj. désigne un inanimé] Se développer de telle ou telle manière, suivre telle ou telle voie. Peu à peu sa rêverie prit un autre cours (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.148).
— Locutions
♦Prendre la porte. Quitter un lieu. Synon. sortir. Vous savez, mon vieux, ajouta-t-elle, si vous venez pour godailler, vous pouvez prendre la porte... C'est fini, la vie d'autrefois (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p.309).
♦Prendre la route. Partir, s'en aller. Un facteur enfourcha sa bicyclette et prit la route (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p.85). Nous avions pris la route à l'aube (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p.44).
— VÉN. Prendre le change.
3. [Le compl. désigne un espace où l'on se déplace] Entrer dans un espace et s'y déplacer (supra 1re Section V A 2 et B 1). Un avion qui prend l'air. La vue d'un blanc ou d'une chéchia de tourougou, et il prenait la brousse, tant, à force de craindre les coups, il avait acquis d'intelligence (MARAN, Batouala, 1921, p.26).
— Loc. Prendre le maquis.
— MAR. Prendre le large. Prendre la mer. ,,Sortir du port`` (SOÉ-DUP. 1906).
4. [Le compl. désigne un espace en tant qu'on s'y tient] Se mettre, se placer à tel ou tel endroit. Prendre la queue; prendre son tour. La voiture attendait à la porte, pleine de confetti et de bouquets. On prit la file (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.510). Je courus prendre ma place car tout le monde était impatient de débarquer (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.48).
— Prendre place. S'installer. Madame Heilman, au grand étonnement de Gilbert, se signa en prenant place à table, puis elle servit la soupe (R. BAZIN, Blé, 1907, p.281). Avant de monter dans la voiture, où déjà Antoine avait pris place, il acheta plusieurs feuilles du soir à une vendeuse de journaux (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p.809).
— MARINE
♦Prendre terre. Toucher terre. Tout à coup j'ai été saisi d'une émotion profonde. Le bateau a pris terre (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.27). Eh bien, la mer se retire, dit Harbert, courons à l'endroit où nous avons pris terre (VERNE, Île myst., 1874, p.37).
♦Prendre le mouillage. Mouiller. Il joindra à chaque plan une instruction qui présentera (...) la manière de prendre le mouillage et d'y affourcher, et le meilleur endroit pour faire de l'eau (Voy. La Pérouse, t.1, 1797, p.46).
5. [Le compl. désigne une portion d'espace en tant qu'elle se trouve impliquée dans un événement] Aborder. Il avait l'adresse d'un cheval qui prend l'obstacle sans l'accrocher (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.49). Les chariots branlants (...) dépourvus d'avant-train tournant, exigeaient une manoeuvre délicate pour prendre les virages (P. ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p.91).
D. —[Le compl. désigne (le résultat d')une action réglée dont le référent du suj. est le bénéficiaire]
1. [Le compl. désigne le résultat d'une action] Recueillir, enregistrer. Anton. donner. Prendre les informations, des nouvelles, des renseignements, les ordres de qqn. Allez le voir et prenez ses conseils (FLAUB., Corresp., 1865, p.34). Ne me forcez pas à en dire davantage. Je prends vos offres telles que vous nous les donnez (BECQUE, Corbeaux, 1882, II, 9, p.139). Le patron prend les commandes, la patronne est à la caisse (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.229).
— Loc. Prendre conseil de/auprès de qqn; prendre exemple sur qqn. Il ne voulut pas abandonner la partie avant d'avoir (...) pris conseil des trois anges qui lui restaient (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p.538).
— En partic.
♦Prendre des inscriptions, ses inscriptions en médecine, en droit, en faculté, etc. ,,S'inscrire pour faire des études de médecine, de droit, etc.`` (Ac. 1935). Il m'avertit qu'il me fallait prendre mes inscriptions sans tarder et qu'il m'accompagnerait, le jour même, au secrétariat de l'école où il était connu (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.437).
♦Vieilli. Prendre sa licence, son doctorat. S'inscrire à la licence, au doctorat. Nous allons chez Mme de Presbourg et chez M. Georges. Je lui conseille de prendre le doctorat à Toulouse et de ne pas quitter sa femme, si malade (MICHELET, Journal, 1858, p.409).
2. [Le compl. désigne une action impliquant le référent du suj.] Synon. de jouir de, bénéficier de. Prendre un congé, une leçon; prendre sa retraite. Du reste, ayant toujours eu soin de prendre un exercice modéré, Fritz se portait de mieux en mieux (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.3). J'hésite toujours à prendre une permission (R. BAZIN, Blé, 1907, p.26). Madame Garabis m'emmena dans le parc où les élèves prenaient la récréation du goûter (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.83).
— Locutions
♦Prendre ses aises. V. aise1.
E. —[Le compl. désigne qqc. en tant qu'objet de connaissance]
1. Acquérir la connaissance (d'un aspect) de quelque chose. Perrault reniflait, prenait le vent avec le pouce mouillé, braconnait pour le patron (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.65). La violence n'arrangera rien: il faut prendre une vue réaliste de la situation (SARTRE, Mains sales, 1948, 4e tabl., 4, p.156).
2. En partic. [Le compl. désigne qqc. de mesurable] Mesurer. Prendre la tension, les mesures de qqn. On observe des changemens semblables, quoique moins grands, dans la mâchoire supérieure, en prenant sa hauteur depuis l'épine nasale antérieure (CUVIER, Anat. comp., t.3, 1805, p.132). M. Parpalaid aura un lit, vous pouvez être tranquille. Faudra-t-il prendre sa température? (ROMAINS, Knock, 1923, III, 8, p.20). Il crut que je me préparais à prendre son pouls (Le Monde, 20 mai 1981, p.XVIII, col. 1).
— Au fig. Évaluer. Maintenant qu'ils étaient deux hommes face à face à longueur de journée, Didace prenait la juste mesure de son fils (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.24).
♦Vieilli. Prendre mesure. Tous les ans, il se faisait prendre mesure d'un habillement complet, par le tailleur Herculès Schneider, de Landau (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.164). Par ces mâtures métalliques recueillant les nouvelles du monde, il prenait mesure de toute la terre (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p.138).
♦Prendre le tour de taille/la taille (de qqn). Mesurer son tour de taille.
IV. —[Sert à former des expr. verb. plus ou moins figées qui qualifient l'action que fait le référent du suj. ou l'état dans lequel il se trouve]
A. —[Les référents du compl. et du suj. sont dans une relation exprimant un état permanent qui ne s'inscrit pas dans une temporalité]
1. [La relation est d'ordre spatial] Avoir (quelque chose) comme constituant, comme partie. Le pluriel prend un s. Le Général: —Comment, «manoi... re» ? Ça prend donc un e, manoir e ? Je l'ai toujours écrit sans (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, II, 1, p.30).
— En partic. [Le compl. désigne une borne (en général initiale ou finale)] Prendre sa fin. La Mobile prend sa source dans les montagnes des Apalaches [sic] (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p.25). Dieu est toujours notre base, la base où tous les êtres viennent prendre leur point d'appui (P. LEROUX, Humanité, 1840, p.XVII):
• 9. Un enseignement qui donnera une trop grande confiance dans les théories fera des expérimentateurs systématiques qui, prenant leur point de départ comme rigoureux, raisonneront logiquement et voudront critiquer l'expérience avec la théorie au lieu de critiquer la théorie avec l'expérience.
Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p.218.
♦Loc. Prendre racine (dans qqc.). S'enraciner dans (quelque chose). En s'accrochant aux entaillures du ciseau et aux mousses qui y ont pris racine, il monta sur ce piédestal (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.184). Cette disposition familière a pris racine dans les habitudes (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.177).
♦Prendre naissance dans qqc. L'une des deux prétendait, forte de ce que lui avait dit sa mère, qu'elle avait pris naissance dans une bouteille d'eau de Cologne, la seconde était sortie d'un bouton de rose (GIDE, Journal, 1943, p.230).
2. [Le compl. indique une disposition ou une attitude du référent du suj.] Prendre la peine. Hé bien! mon cher ami, dit madame la marquise d'Aubrion en entrant sans faire attention à Cruchot, ne prenez nul souci de ce que vient de vous dire ce pauvre Monsieur d'Aubrion (BALZAC, E. Grandet, 1834, p.252). Je le couvre de vieux chiffons ridicules, je ne prends nul soin de lui, mon plaisir est de l'humilier (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1424).
Rem. Dans cet empl., prendre sert d'inchoatif à avoir.
— Locutions
♦Prendre part (à qqc.). Participer (à quelque chose). Ce n'est plus la femme jolie par elle-même; c'est une beauté à laquelle prennent part de nombreux ouvriers (RENARD, Journal, 1901, p.693). Il prenait part à l'entretien, ou se taisait pour écouter (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1584).
B. —[Le suj. désigne un procès; la relation concerne sa durée] Consommer du temps, demander une certaine durée pour être réalisé, mené à bien. Sainte Geneviève. Le mandement sur le denier de Saint-Pierre me prend tout mon temps (DUPANLOUP, Journal, 1868, p.294). J'ai réfléchi qu'après tout ce préceptorat me rendrait le travail impossible, en me prenant 4 heures par jour (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.293). Il expliqua que la machine venait de Gand, qu'il faudrait y mener le cylindre, que ce travail prendrait des mois (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.128):
• 10. Pour bien saisir ce qui se passe, et ce qui a le plus de chance de se passer dans l'avenir, il faut sans doute bien comprendre que la musique concrète va se manifester au travers d'une série de transformations brutales dont le seul parallèle possible se trouve dans la peinture (...). Tandis qu'en peinture, cette évolution a pris cinquante ans...
SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p.192.
— Empl. impers., fam. Ça (me, te, etc.) prend + indication de durée. Cela demande (tel laps de temps). Synon. il faut. Ça m'a pris cinq minutes pour faire le trajet. Région. (Canada). [P. ext.; l'obj. désigne un inanimé ou une pers.] Il faut. Pour faire ce gâteau, ça prend trois pommes; pour faire ce travail, ça prend dix personnes.
C. —[Le référent du suj. et celui du compl. sont dans une relation qui s'inscrit dans une temporalité; prendre indique que la relation s'établit grâce à une participation du référent du suj.]
1. [Ce qu'exprime la relation est envisagé du point de vue de son début]
a) [Ce qu'exprime la relation est un procès]
) [Le procès est une action]
— Prendre + art. + subst. Prendre le commandement, le contrôle, la direction, la relève, la suite de qqc. En prenant la conduite des affaires, elle commença par dresser un inventaire exact de toutes les valeurs (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p.556). Le but vers lequel il faut tendre est de prendre l'offensive avec une grande supériorité (JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.225). C'est tout de même drôle que ce soit moi aujourd'hui qui prenne la défense d'Alain... Tu ne trouves pas? (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, III, 1, p.224).
♦En partic.
Prendre la parole. Se mettre à parler (en public). La jeune femme prit la parole la première et dit: «Je trouve que c'est un peu trop, tout de même, ce que vous avez fait à B...» (JOUVE, Scène capit., 1935, p.30).
Prendre le pouvoir. Accéder à la direction (d'un pays, d'une société, etc.). Les conditions dans lesquelles Vichy a pris le pouvoir en France, la nature des pouvoirs qu'il s'est attribués (...) sont contradictoires avec la souveraineté de la nation française (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.481).
♦Prendre + subst. (vx). Prendre lecture. Prendre connaissance du contenu d'un écrit par sa lecture. Les lumières du simple bon sens suffisent pour qu'un juré sache et puisse déclarer, si, après avoir entendu les témoins, pris lecture des pièces, comparé les indices, il est convaincu ou non (CONSTANT, Princ. pol., 1815, p.157).
— [L'action est un processus] Il est vrai que dans quelques contrées de l'Europe, la raison a commencé de prendre un premier essor (VOLNEY, Ruines, 1791, p.114). Il n'y a plus de doute possible sur la tournure que va prendre la collaboration avec les Allemands, ni sur les gens qui vont la faire (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.375).
— Au part. passé. Pour répondre à l'énorme développement pris par la botanique et par l'exploration, développement qui s'est traduit par l'accroissement ininterrompu des collections et des publications (...) il fallait une transformation profonde (Hist. gén. sc., t.3, vol. 1, 1961, p.441).
) En partic. [L'action est un mouvement, une manière de se mouvoir dans l'espace] Se mettre à. Prendre le trot, le départ, le pas de gymnastique; prendre son vol. La mêlée commençait à devenir sanglante, lorsque soudainement une partie des gens du duc prit la fuite (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.342). L'escorte prit le galop (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.42). Le premier rang prit le pas de course, arriva sur le fusil-mitrailleur du Négus (MALRAUX, Espoir, 1937, p.449).
— MAR. Prendre chasse. ,,Fuir devant un bâtiment qui vous donne la chasse`` (BONN.-PARIS 1859, GRUSS 1952).
) [L'action est instantanée ou conçue dans sa totalité]
— Prendre + art. + subst. Il est temps pour la peinture de prendre un petit élan vers les beautés qui ne tombent pas absolument dans la chambre noire (GONCOURT, Journal, 1860, p.744).
— Prendre + subst. Ces paisibles citoyens de Dorchester prenaient contact avec la vie sociale (BLANCHE, Modèles, 1928, p.83). La lune s'était levée avant que le dîner prît fin (GRACQ, Syrtes, 1951, p.140).
— Prendre en + subst. Prendre en compte. Il croyoit que ses frères les humains ne s'étoient point aperçus jusqu'à lui que, dans l'estimation des vitesses, l'espace doit être pris en considération (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.463). Les changements de valeur intervenus depuis les dates de référence ne peuvent être pris en compte lorsqu'ils sont provoqués soit par l'annonce de travaux ou opérations d'utilité publique (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.231).
b) [Ce qu'exprime la relation est une durée, un état permanent]
) [Le compl. corresp. à un verbe indiquant une durée, un état permanent]
— Prendre + art. + subst. Les socialistes allemands ont pris un extrême intérêt aux aventures de la princesse de Cobourg (SOREL, Réflex. violence, 1908, p.75). C'est ce qui me fait fuir ceux de la société (...) malgré l'amusement, parfois très vif, que je prends dans la fréquentation de mes semblables (GIDE, Journal, 1944, p.261). Il y a cinq sens parce qu'il y a cinq modalités des réactions destinées à prendre une connaissance plus parfaite d'un objet ou d'un événement intéressant (PIÉRON, Sensation, 1945, p.40).
♦Domaine milit. Prendre la garde. Commencer son tour de garde. —Où allez-vous? —Prendre la garde à la poterne (G. LEROUX, Parfum, 1908, p.87).
— Prendre + subst. Sa belle-soeur (...) avait pris un peu légèrement possession du château (GONCOURT, Journal, 1894, p.640).
— Prendre en + subst. Il aima la musique, que, pendant sa période de tortures, il avait prise en haine (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.321).
— DR. [Le suj. désigne une hypothèque] Prendre rang. ,,Se mettre à sa place dans la suite chronologique des hypothèques qui grèvent un immeuble`` (ROLAND-BOYER 1983).
) [Le compl. corresp. à une prédication adj. en être]
— Prendre + art. + subst. Je prends l'entière responsabilité de cette opération (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.494).
— Prendre + subst. Telles furent les clairières, les espaces aérés et découverts (...) où (...) les premiers rassemblements européens (...) commencèrent à prendre cohésion et force (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.40).
) [Le compl. corresp. à une prédication en avoir]
— Prendre + art. + subst. Il souffla un instant. Et je vis alors qu'il prenait un plaisir amer et désespéré à aggraver la situation (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p.272). Les faits évoluent trop vite pour que l'homme puisse en prendre une conscience nette (FOURASTIÉ, Gd espoir du XXes., 1969, p.333).
♦En partic., rare. Atteindre (tel âge). Le jour même où Nana prenait ses trois ans, Coupeau, en rentrant le soir, trouva Gervaise bouleversée (ZOLA, Assommoir, 1877, p.477).
— Prendre + subst. Prendre patience; prendre connaissance. Il avait toujours pris plaisir à aller sur le terrain quand il s'agissait de croiser le fer ou d'échanger des balles avec un adversaire (PROUST, Sodome, 1922, p.1071). Jos-Mari en arrivait à prendre goût à sa maçonnerie (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p.39). Belsenza avait pris peur (GRACQ, Syrtes, 1951, p.149).
— Prendre en + subst. exprimant un sentiment. Prendre en affection, en amitié, en haine. L'innocence de ses yeux me confond à un tel point que, prenant mon trouble en pitié, elle passe ses bras autour de mon cou (ÉLUARD, Donner, 1939, p.12).
♦Empl. pronom. Christophe se prenait en pitié: —Animal! se disait-il, tu es vidé (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1590).
— Prendre en + subst. exprimant un état. Elle crut que Paul l'avait prise en grippe et la fuyait (COCTEAU, Enfants, 1929, p.144). En outre, l'enfant pris en charge par les crèches, garderies, maternelles, écoles, études, échappe de plus en plus à sa famille (Gds ensembles habit., 1963, p.24).
) [Le compl. exprime un statut administratif ou social] Indigné d'être oisif et peu estimable, j'ai pris l'état militaire (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.64). Il devait ou restreindre sa dépense, ou prendre un état, ou faire un beau mariage (FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.52). Affaibli depuis son typhus de Leipzig, le général Lyrisse ne pouvait même pas songer à prendre sa retraite (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.226).
— Loc. Prendre du service. Entrer en fonction dans un poste. Tout après, j'irai à Bangui prendre du service (MARAN, Batouala, 1921, p.124).
2. [Ce qu'exprime la relation est envisagé du point de vue de son achèvement]
a) [Ce qu'exprime la relation est un événement]
) [Le compl. exprime une action]
— Prendre + art. + subst. Je pris la résolution de changer complètement ma manière d'être (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p.375). Pendant une heure, j'eus confiance en moi; je pris des engagements solennels, j'assumai des responsabilités, je fis des sacrifices (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.172).
♦Prendre sa revanche. Se venger. Bravo, prends ta revanche, et casse-lui une aile (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p.233). Erreur qui permet à l'idéalisme de prendre une facile revanche en projetant la lumière sur le rôle actif de la conscience (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p.30).
) [Le compl. exprime une situation ou une localisation]
— Prendre + art. + subst. Il rentra au palais de la résidence, prit les arrêts comme un bon enfant qu'il était (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.113). Nous ne pouvons et ne devons entreprendre une action armée de ce genre que si les conditions sont favorables, c'est-à-dire: 1. que nous ayons le consentement des Britanniques du moment que nous prenons notre base de départ chez eux (DE GAULLE, op. cit, p.429).
♦Prendre la tête (de qqc.). Se placer à l'avant (d'un cortège, d'un défilé). Sarcelotte avait pris la tête, Berlaisier à sa gauche, et presque à sa hauteur (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.250). La sage-femme, ou à défaut une femme ayant assisté l'accouchée, prend la tête du cortège en portant l'enfant (MENON, LECOTTÉ, Vill. Fr., 1, 1954, p.80).
Au fig. Avoir un rôle dirigeant (dans quelque chose). Protonotaire apostolique en 1895, il prit la tête de l'oeuvre nationale de Vaucouleurs, que Mgr Jépasse s'était révélé incapable de diriger (BILLY, Introïbo, 1939, p.51). Les États-Unis ont pris manifestement la tête et déploient dans ce domaine une activité que les autres nations ont peine à égaler (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p.794).
♦Prendre ses quartiers (quelque part). S'installer pour résider quelque part. Il revient à Vienne prendre ses quartiers d'hiver (ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.220):
• 11. Elle était chez Lillas Pastia (...) chez qui beaucoup de bourgeois venaient manger du poisson frit, surtout, je crois, depuis que Carmen y avait pris ses quartiers.
MÉRIMÉE, Carmen, 1845, p.41.
— Prendre + subst. Six années passèrent ainsi, après lesquelles M. de Meximieu, ayant pris garnison à Cambrai, elle obtint (...) ce qu'elle appelait «une prolongation de congé» (R. BAZIN, Blé, 1907, p.35). L'aubergiste l'avait prétendu indisponible pour (...) le pousser à prendre pension chez lui (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.886).
♦Loc. Prendre pied (quelque part). V. pied 1re Section I B c.
) [Le compl. exprime le résultat évalué d'un processus] Prendre de la distance. J'avais laissé la diligence prendre une certaine avance, précaution que j'estimais nécessaire, et j'arrivais moi-même à Castillon peut-être dix minutes après Brignolles (G. LEROUX, Parfum, 1908, p.67). Isabelle: T'es-tu pesé? Jimmy: Oui. Isabelle: Eh bien? Jimmy: J'ai pris 500 grammes (BOURDET, Sexe faible, 1931, I, p.274).
— Loc. Prendre du champ. S'éloigner. Tout de suite elle se releva, mais le garçon avait pris du champ (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.420).
) [Le compl. désigne ce qui résulte au terme de l'action]
— [Le référent du compl. est d'ordre concr.]
♦Prendre + art. + subst. Prendre un croquis, un cliché, une photo, des notes; prendre un témoignage; prendre les déclarations de qqn. Il y aurait un croquis amusant à prendre, ces trois péniches, l'écluse, la passerelle (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p.704). Trop souffrant pour travailler vraiment, je voudrais transcrire les notes prises dimanche soir et hier soir (DU BOS, Journal, 1924, p.36).
En partic. Prendre le nom (de qqn). Inscrire, noter le nom de quelqu'un. Et les sergents disaient (...): —Allez-vous vous placer, qu'on prenne vos noms, bon dieu! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.17).
♦Prendre + subst. Prendre note. M. E. (...) pour nous dédommager de cette privation, nous lut le morceau suivant, dont il me permit de prendre copie (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.159).
— [Le référent du compl. est d'ordre abstr.] Prendre + subst. Prendre modèle sur qqn. Mon esprit disposé à prendre ombrage des actes qu'il n'a pas prévus (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1935, p.14). Le misérable Scapini osa pourtant prendre prétexte d'une «générosité» si visiblement calculée pour tenter sur nous le plus répugnant chantage (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.270).
— [Le compl. sert à catégoriser une (suite d')action(s)] Prendre des dispositions, des décisions, l'initiative. Il avait pris ses précautions pour arriver près de Magdeleine peu de temps après son messager (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.298). On prend des dispositions aujourd'hui pour samedi (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1918, p.348):
• 12. [Castel] fit remarquer qu'il savait très bien que c'était la peste, mais que, bien entendu, le reconnaître officiellement obligerait à prendre des mesures impitoyables.
CAMUS, Peste, 1947, p.1255.
— [Le compl. désigne un acte jur. ou son résultat; gén. au part. passé] Une décision de l'assemblée intervenant à la suite d'un vote spécial (...) pris à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés (Cons. S.D.N., 1938, p.100). Ce sont des textes législatifs pris sous la troisième république qui régissent l'ensemble de la matière (VEDEL, Dr. constit., 1949, p.398). Le classement des communes ou parties de communes intéressées sera fixé par voie de décret en Conseil d'État pris après enquête publique (Amén. terr., 1964, p.73).
b) [Ce qu'exprime la relation est un état] Infra 1re Section IV C 4.
3. [Ce qu'exprime la relation est envisagé dans sa totalité]
a) Prendre un/une + subst. Prendre une douche, un bain de soleil. Puis, Nana passait dans son cabinet de toilette, où elle prenait un bain (ZOLA, Nana, 1880, p.1358). J'apprendrai à votre peuple (...) à prendre des bains de sueur avec des pierres dans un four (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p.176).
b) Prendre le/la + subst. Je me lève et je prends la pose: le corps appuyé sur la jambe droite, l'ombrelle verte du père Sallé me servant de mandoline (COLETTE, Cl. école, 1900, p.230).
c) Prendre son/sa + subst. Si elle se fût amusée à prendre ses ébats entre l'Angleterre et nous (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p.171). Marcelino entr'ouvrit la trappe, prit sa visée, passa, ne lâcha aucune bombe, contrôla: au calcul, la visée était bonne (MALRAUX, Espoir, 1937, p.556).
d) Locutions
♦DR. Prendre acte. ,,Constater solennellement un fait ou un dire et le consigner par écrit selon les formes requises, variables selon les espèces`` (ROLLAND-BOYER 1983).
4. En partic. [Le compl., qui a un rôle catégorisant, désigne un aspect, une capacité, une propriété]
a) [Le suj. n'est pas agent de l'action] Se mettre à avoir telle ou telle capacité, à présenter tel ou tel état. Synon. acquérir; anton. perdre.
) [Le compl. désigne un aspect physique]
— [Couleur] Prendre + art. + subst. Et le soleil pâlit, et la terre prit une teinte funèbre, comme celle du linceul qui enveloppe les morts (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p.94). Les pierres tendres, si elles sont humides, prennent une patine verdâtre (Arts et litt., 1935, p.20-16):
• 13. Il dévorait des yeux cette face, ce museau de rat pointu et livide, tragiquement éclairé par la flamme rouge de la chandelle, et qui prenait graduellement une couleur terreuse.
VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.182.
— [Forme]
♦Prendre + art. + subst. Prendre la forme d'un colimaçon. Si ton corps a pris une heureuse conformation dans le sein de ta mère, tu peux en recueillir les fruits pendant toute la vie de ta matiere (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p.148). La circulation devenant plus fréquente sur le joint que sur le milieu du pavé, celui-ci prend une forme sphérique, détestable pour une bonne circulation (BOURDE, Trav. publ., 1929, p.65).
Loc., au fig. Prendre le pli. V. pli B 3 a.
♦Prendre + subst. Prendre figure; prendre tournure. Depuis vingt ans que s'y appliquent nos trésors, une partie des territoires coloniaux est renouvelée. Ils ont pris figure française (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p.130). Juliette sursauta, sentant le danger; du côté de l'écran arrivaient des sons en désordre, puis cela prit forme, devint de la musique (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.70).
— [Apparence]
♦Prendre + art. + subst. Prendre une drôle de tête, un air triste, une apparence volcanique, le genre croquemort; prendre un aspect, un caractère, une consistance. Certaines ramifications de la première branche, en prenant une texture et des dispositions particulières, en s'adaptant à des organes d'une structure toute spéciale, acquièrent aussi des fonctions spéciales (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.135). Les mots les plus vulgaires, les idées les plus simples prennent une physionomie bizarre et nouvelle (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p.336):
• 14. Les revêtements minces, en épaisseur de 2 à 4 cm, s'exécutent soit en marbre, soit en «pierre froide», sorte de calcaire dur prenant le poli du marbre.
Arts et litt., 1935, p.20-5.
Loc., arg. Prendre de la gueule. Prendre de l'assurance. (Dict. XXes.).
♦Prendre + subst. Prendre corps. On s'accorda à dire dans les milieux occultistes de Vienne qu'il s'agissait d'esprits élémentaires, de larves, ayant pris passagèrement apparence humaine sous l'empire de certains maléfices (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.143).
— [Goût, saveur] Prendre + art. + subst. On venait de supprimer les confitures du petit déjeuner, tout commençait à prendre un goût de peu et de sucre de raisin (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.153).
— [Ton] Prendre + art. + subst. Sa voix, dans la nuit, dans ce bois muet, prenait une force, une résonance étranges (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.204).
— [Poids] Prendre + art. + subst. Au fig. C'est là que la conclusion qui se dégage de la tragédie de M. de Montherlant prend un poids et un sens terribles (G. MARCEL, Heure théâtr., 1959, p.49).
) [Le compl. désigne une qualité, une propriété, un attribut spécifique] Synon. acquérir; anton. perdre.
— [Qualité ou propriété intrinsèque] Prendre de l'âge, du poids; prendre une grâce touchante, une valeur lyrique. Au fond des ténèbres, ce râle prenait une telle abomination, que les autres hommes couchés à côté, voulant dormir, se fâchaient (ZOLA, Débâcle, 1892, p.464). Ces mots (...) devaient plus tard prendre dans mon souvenir la valeur d'un avertissement prophétique (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.563). Toutes ces petites gens, nos semblables, avaient pris de la majesté (SARTRE, Mots, 1964, p.35).
♦Expr. pop. Ça prend de la gueule. Ça devient bien, présentable. V. gueule B 3.
— [Attribut intrinsèque] Il est autrement audacieux de se hisser jusqu'aux dernières branches d'un platane et cela, simplement, pour contrôler si la nichée d'oiseaux prend bien ses plumes (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p.183).
— [Attribut ou qualité extrinsèque] Prendre une acception, une signification générale. Cette portion du Poitou (...) a pris le nom de Vendée (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.308). Je n'ai pas besoin de vocabulaire plus précis... Tant pis, si je prends l'accent de Québec (GIRAUDOUX, Siegfried, 1928, I, 8, p.53). Après cinq ans d'exercice, les maîtres de cours complémentaire peuvent (...) prendre le titre de professeur de cours complémentaire (Encyclop. éduc., 1960, p.312).
♦Prendre (un/du/tout son) sens. Acquérir une rationalité. Ce nom expliquait tout à coup cent coïncidences à peine remarquées, oubliées à mesure, et qui soudain prenaient un sens (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p.604). La notion de service public appliquée à l'hôpital prend alors tout son sens (Organ. hospit. Fr., 1957, p.31).
) [Le compl. désigne une dimension, un aspect mesurable] Prendre une importance majeure, une grande extension, de l'extension. Toutes les fois qu'il n'y a point de racine, on peut dire qu'une dent n'a pas pris son entier accroissement (CUVIER, Anat. comp., t.3, 1805, p.119). Mais le battement de coeur prenait une ampleur énorme. Un mouvement de tourbillon obscurcissait le rivage et l'enlevait à ses yeux (JOUVE, Scène capit., 1935, p.59):
• 15. ... les vitesses auront tout d'abord une tendance à se répartir selon la loi de Maxwell, les projectiles les plus gros prenant une vitesse moindre que les plus petits.
H. POINCARÉ, Hyp. cosmogon., 1911, p.113.
— Loc., pop., région. Prendre de la gueule. [En parlant du vent] Siffler. La nuit vient; le vent prend de la gueule (GIONO, Colline, 1929, p.29).
) [Le compl. désigne une disposition psychol.] Prendre l'habitude. La mère de Henriette prit peu à peu l'habitude de venir travailler auprès d'elle (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p.230). Il avait pris la manie de me conter des histoires où ceux de sa race étaient tournés en dérision (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p.116):
• 16. La vérité, c'est que j'ai pris un goût passionné pour la vie que je mène à la campagne, mélange d'activité intellectuelle et de mouvement en plein air.
TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1858, p.293.
b) [Le suj. est un agent] Se donner tel aspect extérieur, telle ou telle apparence. Synon. exhiber, montrer; anton. cacher, se départir de. Prendre un air arrogant, contrit, une mine de condoléances, une voix gentille. [Vos ministres] ont pris des airs de hauteur avec moi (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.269). Il entoura son cou d'un large pectoral, saisit son sceptre et prit une pause de superbe indifférence (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.321). Il était (...) de ces hommes (...) qui, après avoir pris une figure de circonstance et dit: «Ce sont des instants très pénibles» (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.338). Georges crut devoir prendre un air goguenard (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1220).
5. Empl. pronom. Se prendre à + inf. Se mettre à (faire telle ou telle chose). Il hésita, et Baccarat se prit à trembler (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.566). Le comte fort embarrassé, se prit à enfiler des protestations (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.65). Il se prit à bégayer, étranglé par l'émotion: — Vous reviendrez? Vous reviendrez? (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.260).
V. —[Indique un échange de l'extérieur vers l'intérieur de qqc.]
A. —[Le suj. est un agent]
1. [Le compl. désigne un solide ou un liquide] Absorber, ingérer (quelque chose). Synon. avaler, boire, consommer, manger, priser. Prendre les eaux, un café, l'apéritif, le champagne, une glace, un verre; prendre de la nourriture, du chocolat; prendre un cachet, un médicament, la pilule. Avait-il pris une dose un peu trop forte, ou le haschisch avait-il produit (...) des effets beaucoup plus vigoureux? (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p.359). Nous daignons prendre un bock (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.211):
• 17. ... j'imaginais comme le comble du bonheur de prendre le petit déjeuner sur la terrasse d'un grand café, au soleil, en compagnie d'une femme avec laquelle j'aurais passé la nuit...
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.83.
♦Prendre un clystère, un lavement (Ac.). Prendre médecine (vieilli). V. médecine B 2.
— FR.-MAÇONN. Prendre le vin. ,,Trinquer rituellement au cours de l'agape`` (FAUCHER 1981).
— En partic. [Le compl. est un pron. interr. ou indéf.] Boire (quelque chose). M. de Charlus, lui lâchant la main et voulant être aimable jusqu'au bout: «Vous allez prendre quelque chose avec nous (...)» (PROUST, Sodome, 1922, p.1072). Qu'est-ce qu'on prend, mon capitaine? —Champagne (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.99).
2. [Le compl. ne désigne ni un solide ni un liquide]
a) Jouir de (quelque chose). Prendre le frais. Je voudrais, continuait Rocambole, m'en aller prendre un peu le soleil à la barrière, avec une blouse et un brûle-gueule (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.310). Ronsin prit «la fraîche» dans le sable, auprès de Mondrot qui buvait de l'eau froide (HAMP, Champagne, 1909, p.99).
b) En partic. Prendre l'air. Respirer l'air frais de l'extérieur (v. aussi infra B). Le souper achevé, avant de se livrer au sommeil, Cyrus Smith et ses compagnons vinrent prendre l'air sur la grève (VERNE, Île myst., 1874, p.121).
c) Loc. Prendre haleine, souffle (rare). Inspirer profondément. Pour prendre souffle, il enflait son torse en poche de biniou (HAMP, Marée, 1908, p.23). Il y a bien eu un petit soupir, d'abord, comme un qui prend haleine avant de lever la masse, et les hommes ne se sont pas méfiés (GIONO, Colline, 1929, p.39).
B. —[Le suj. n'est pas agent de l'action]
1. a) S'imprégner de quelque chose, se laisser pénétrer de quelque chose. Prendre la teinture. La viande prend mieux le sel quand elle est fraîche (Ac. 1935). Certainement les eaux thermales prennent leur iode et brome dans des couches métamorphiques de l'écorce (VERNADSKY, Géochim., 1924, p.40).
— Au fig. Comment rire de ceux qui prennent force dans le Christ, alors qu'ils croient en lui, puisque moi je prends force, par exemple, dans le mythe d'Adonis, auquel je dois bien avouer qu'au fond je ne crois pas? (MONTHERL., Malatesta, 1946, II, 5, p.472).
♦Empl. pronom. L'indifférence se prend du voisin, comme la peur elle-même (ALAIN, Propos, 1921, p.275).
— Loc. Prendre (l')eau. Prendre l'air. S'aérer. Les draps prennent l'air. Prendre feu.
— En partic., vx. Prendre somme. S'endormir. Le laboureur, l'artisan, qui chaque soir prend somme, et répare la nuit les fatigues du jour, voilà de vrais paresseux (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1820, p.33).
b) [Le suj. désigne un espace] Recevoir (le jour, la lumière). La salle en rotonde (...) prenait jour par une fenêtre, sur la place de l'Arc de Triomphe (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.316). La porte de fer prenait le jour par en haut (JACOB, Cornet dés, 1923, p.233). La chambre particulière du comte Humbert de Sannis prenait vue sur tout le pays (JOUVE, Scène capit., 1935, p.190).
2. [Le compl. désigne qqc. de dommageable ou de nocif] Subir l'effet de quelque chose.
a) Contracter, attraper. Synon. choper (fam.). Prendre froid, chaud; prendre du mal, un virus, une crise de nerfs; prendre peur; prendre mal (vieilli) (v. mal3 I A 1). Pécuchet prit une courbature à l'élagage de la charmille, et vomit après son dîner, ce qui l'effraya beaucoup (FLAUB., Bouvard, t.1, 1880, p.75). Lapins, cobayes, poules, singes, prennent la rage (PASTEUR ds Travaux, 1884, p.388):
• 18. ... il avait inventé, comme vengeance, de se déshabiller et de se coucher nu sur le carreau, afin de prendre un gros rhume.
ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1522.
— Au part. passé. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux (...) venait de lui remonter au visage et l'avait pourri (ZOLA, Nana, 1880, p.1485).
— Empl. pronom. passif. Se contracter. La grippe se prend très facilement en cette saison (Ac. 1935).
— Loc., fam., fig. Prendre la mouche, la chèvre. ,,S'irriter tout à coup, pour un léger sujet, mal à propos`` (Ac. 1935).
b) Fam. Recevoir. Synon. attraper, encaisser, ramasser; anton. éviter. Prendre un but; prendre une averse, la pluie; prendre une bûche (v. bûche2), une culotte (v. culotte2), un gadin, une pelle; prendre un coup de poing, une fessée, une volée. Vengez-nous, les gars!... On a pris la pilule! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.53). Le 164?... Je crois qu'il tient toujours le front entre le bois de Ville et Ornes... Il doit prendre une pipe en ce moment, lui aussi, à en juger par le bruit qui vient de par là... (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.19). Tous les ans l'un d'entre eux prenait un coup de couteau avec son meilleur camarade (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.79).
— P. ext., pop. Prendre une cuite.
— Locutions
♦Fam. En prendre pour son grade.
♦Pop., fam. Sortir d'en prendre. Avoir subi, dans un passé récent, des ennuis du même genre. Et vous, bourgeois, une fois le coup fait, quand je vous demanderai les huit cents francs, vous pouvez me répondre. Merci, je sors d'en prendre! (SUE, Myst. Paris, t.6, 1843, p.54). [L'épicière auvergnate:] Ah! ah! ah! ah! une comtesse! merci, j'chors d'en prendre! c'hest une drôle de comtesse celle-là (VIDOCQ, Vrais myst. Paris, t.7, 1844, p.233).
♦Fam. Prendre un coup de vieux. Vieillir beaucoup d'un seul coup. Le Monde avait pris un coup de vieux. Il avait donc besoin d'un coup de jeune. Il s'est allégé, modernisé —et ce n'est qu'un premier pas —dans sa forme (Le Monde aujourd'hui, 1-2 déc. 1985, p.V, col. 5-6).
VI. —Investir quelque chose, disposer de quelque chose d'une manière qui en affecte l'intégrité.
A. —[Le suj. désigne qqc. de l'ordre du sentiment, de l'état psychol., de l'impulsion] Disposer, s'emparer de quelqu'un d'une manière qui l'affecte physiquement ou moralement, ou qui le prive (d'une partie de) ses capacités intellectuelles. Synon. gagner, envahir, posséder; anton. quitter, abandonner.
1. Qqc. prend qqn. La fièvre les prend. Je n'ai pas été loin de me tuer. J'ai senti la folie qui me prenait, et j'ai eu les premiers symptômes, les premières atteintes d'un cancer (FLAUB., Corresp., 1871, p.233). Un doute lui prend le coeur: sait-il, vraiment? (GIONO, Colline, 1929, p.108):
• 19. ... vous savez ce que vous savez et que la tour de Pise est penchée et que le vertige vous prend quand vous vous penchez vous aussi à la terrasse des cafés.
PRÉVERT, Paroles, 1946, p.14.
♦Loc. pop. Prendre comme une envie de pisser.
— Au part. passé. Être pris de/par qqc. Être subitement affecté (de, par quelque chose). Synon. saisi, possédé. Dans les sociétés où (...) cette place est prise par l'argent, il n'y a plus de recrutement pour les carrières de gloire (GONCOURT, Journal, 1873, p.952). Elle était prise de la petite vérole (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p.171).
SYNT. Être pris d'un accès de fou rire, d'antipathie, de colère, de coliques, d'un crachement de sang, de dégoût, d'épouvante, d'hilarité, de honte, d'une idée fixe, d'une migraine, de nausées, d'une grande pitié, de rougeurs, de sommeil, de suffocation, de syncopes, d'une terreur, d'une toquade.
♦Loc. Être pris de vin. Être ivre. Le duc regagna le salon des glaces, mais il ne s'y trouva qu'un heiduque pris de vin (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.25).
2. a) Qqc. prend qqn à + subst. désignant la partie saisie. Prendre à la gorge. David voyait, à chaque fois qu'elle poussait en se penchant la manivelle, s'étirer les muscles pauvres de ses bras, saillir les os de l'échine maigre, sous la robe mouillée et collante. De telles choses le prenaient au ventre (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.158). Oui, dis-je, Raymond va se marier. Une brusque envie de rire me prenait à la gorge (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p.94).
— Au part. passé. (Être) pris à qqc. par qqc. Garcia voyait toujours le cimetière, pris au ventre par ce qu'il y avait de trouble et d'éternel dans ces cyprès et dans ces pierres (MALRAUX, Espoir, 1937, p.541).
— Loc. fig. Prendre aux tripes. Avoir un effet très fort. Mélo ou non, c'était du théâtre (...) qui vous prenait aux tripes. Dans la salle, il y avait des gens qui se mouchaient (VIALAR, Risques et périls, 1948, p.266).
b) Qqc. prend qqc. Il y a, mon adorable, que le Borysthènes a pris la fantaisie de déborder. J'ai des lettres qui racontent la catastrophe (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.197).
3. Empl. impers. ou lié à l'impers.
a) Il prend qqc. à qqn. Il lui prit une fantaisie, un dégoût (Ac. 1935). Quand il nous prit la fantaisie D'aller voir, en leur valaisie, Ces messieurs crétins du Valais (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p.275). On peut dire que le docteur est responsable. Si, par exemple, il vous prenait l'envie de recommencer (CAMUS, Peste, 1947, p.1230).
b) Qqc. prend à qqn. La fièvre, la goutte lui a pris (Ac. 1935). L'envie me prend, pour dissiper cette gêne et retrouver mon aplomb, de montrer que je connais son histoire et de la raconter un peu (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p.200). V. précieusement ex. de Mérimée.
— Qu'est-ce qui me/te/le, etc. prend. [S'emploie pour marquer son étonnement devant la conduite de qqn] «Qu'est-ce qui te prend?» m'a-t-elle demandé en riant, exactement comme je l'avais prévu (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.90).
— Loc. Bien/mal lui a pris de + verbe inf. Cela a eu de bonnesâcheuses conséquences de faire telle ou telle chose. Bien lui a pris d'avoir été averti promptement. Il lui prendra mal un jour de songer si peu à ses affaires (Ac. 1935). Mon compagnon préférait rester à découvert, avoir du large, voir de loin et sentir l'air ouvert devant lui. Bien nous en prit, car les chasseurs arrivaient sous le bois (A. DAUDET, Contes lundi, 1873, p.292). Bien lui en prit d'être encore ingambe, et de pouvoir s'enfuir au plus vite (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.200).
B. —[Le verbe décrit un état] Saisir, investir d'une manière qui affecte l'aspect, la nature physique ou diminue la mobilité de quelque chose.
1. Qqc. prend qqc. Synon. enserrer, envelopper. Ce gilet prend la taille. (Dict. XIXes.).
2. Au part. passé. Synon. enserré, enveloppé, bloqué. Le dos pris par une douleur. Je me voyais avec admiration traversant la cour du quartier (...) la taille prise dans un élégant dolman (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.436). Il lui décrivait (...) les patates prises dans le sucre (GREEN, Journal, 1934, p.287):
• 20. ... comme le port suédois de Lulea sur la Baltique est pendant six mois pris dans les glaces, on a équipé sur l'Ofotenfjord en Norvège, le port de Narvik.
BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p.210.
3. Empl. pronom. Se prendre de qqc. La mer par places s'est prise de varechs, et bientôt nous avons navigué entre deux traînées de sargasses (GIDE, Voy. Urien, 1893, p.41).
VII. — Prendre pour. Supra 1re Section III A.
A. —[Le compl. a un référent identifiable] Confondre quelque chose ou quelqu'un avec quelque chose ou quelqu'un d'autre. C'est bien des idées de clérical d'aller prendre une mésange pour une alouette (AYMÉ, Jument, 1933, p.101). Moi, dit Paradis, un des plus mauvais jours de la vie, c'est qu'une fois j'ai salué un gendarme, le prenant pour un sous-lieutenant (BARBUSSE, Feu, 1916, p.129). Il ne faut pas que vous me preniez pour un apache. Je n'ai jamais été chipé (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.232).
— Loc. Prendre des vessies pour des lanternes. V. lanterne II. J'ai quelque honte (...) à m'avouer que j'ai souvent pris des vessies pour des lanternes, mais le monde m'en paraît d'autant plus illuminé! (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1896, p.274).
B. —[Le compl. a une valeur de prédicat] Attribuer à quelque chose ou à quelqu'un la qualité de quelque chose ou de quelqu'un d'autre. Synon. considérer. Il la prie de sécher ses larmes, qui pourraient être prises pour un augure sinistre par ses guerriers (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p.241).
— Empl. pronom. Toujours la hauteur qui se prend pour de la fierté (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.209). Vanité des vanités, tous les photographes sont ainsi qui se prennent pour des créateurs, comme le droguiste pour un savant (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.121).
— Locutions
♦Prendre le Pirée pour un homme (vx). Se montrer très ignorant. (Ds Ac.).
♦Prendre ses désirs pour des réalités. Croire qu'il suffit de vouloir une chose pour qu'elle se réalise. Je pense que vous avez pris vos désirs pour des réalités sans vous inquiéter de mes intérêts à moi, dit Henri d'une voix contenue (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.239).
♦Prendre pour acquis qqc. Considérer quelque chose comme acquis. Il y a une conception objective du mouvement qui le définit par des relations intramondaines, en prenant pour acquise l'expérience du monde (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.309).
♦Prendre (qqc.) pour argent comptant. Croire quelque chose très facilement. Il a pris ce qu'on lui a dit pour argent comptant (Ac. 1878, 1935).
♦Prendre pour bon (vieilli). Croire. Il prend pour bon tout ce qu'on lui débite, tous les contes qu'on vient lui faire (Ac. 1878, 1935).
— Expressions
♦Pour qui me prenez-vous? [S'emploie pour signaler à qqn qu'il se méprend sur votre compte] Loin de me satisfaire, cette explication me blessa; je fis de vains efforts pour me contenir: —Pour qui me prenez-vous? lui dis-je; moi, Paturot, de l'opposition! (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.371).
♦Vous me prenez pour une autre. [Formule par laquelle une femme proteste devant le comportement hardi d'un homme]. (Ds ROB. 1985).
2e Section. Empl. intrans. et trans. indir.
I. —Empl. intrans. [Exprime une modification d'état] Perdre sa consistance liquide pour devenir plus épais et plus dur. Le mortier, le plâtre commence à prendre; mettre de la présure dans ce lait, pour qu'il prenne; faire prendre la mayonnaise. Cette gelée ne prendra pas (Ac. 1935). Mais il [le ciment] ne «prend» pas facilement et, en général, les efforts de la larve restent infructueux (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p.246).
— Au fig. [Certains étudiants] s'étaient connus sur les bancs de Sciences-Po ou au hasard de piges dans différents journaux. Mais, comme dans une classe de lycée, après quelques jours, la mayonnaise prend. Une «promo» est née (Le Monde aujourd'hui, 1-2 juin 1986, p.VII, col. 2).
— En partic. [Le suj. désigne de l'eau] Geler. La rivière a pris cette nuit. Ces glaces n'ont pas bien pris (Ac. 1935). Dès qu'il eut quitté la cadole, Philibert sentit sa colère se muer en une immense tristesse. Ce qui se passait en lui ressemblait à ce qui se passe lorsqu'une rivière commence à prendre (B. CLAVEL, Seigneur du fleuve, Paris, Laffont, 1972, p.201).
II. —[Exprime ce qui arrive à qqc. dans son rapport à un lieu, à un support]
A. —[Le lieu ou le support peut être exprimé]
1. Rester accroché à quelque chose, adhérer à quelque chose ou imprégner quelque chose.
a) Prendre à/sur qqc. L'encre ne prend pas sur le papier huilé. Le feu a pris à cette maison (Ac. 1935).
b) Empl. abs. Cette couleur ne prend pas. Les sangsues n'ont pas pris. Le feu commence à prendre (Ac. 1935).
— [P. méton.] S'enflammer, flamber. Les allumettes étaient longues à prendre (A. DAUDET, Jack, t.2, 1876, p.19).
2. [Le suj. désigne un organisme] Se mettre à croître après transplantation ou greffage.
a) Prendre en/dans qqc. La vigne ne prend pas dans cette région. Il y a des plantes qui prennent également en toutes sortes de pays; il y en a d'autres qui ne prennent qu'en certaines terres (Ac. 1935).
— P. métaph. Dépourvue de racines, sur un sol neuf où elle n'avait ni passé, ni héros, la République ne prenait pas (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p.77). [Dans un cont. métaph.] Les communistes ont participé au gouvernement du pays pendant trois ans. Mais la greffe n'a jamais vraiment pris. Entre l'action ministérielle de la «bande des quatre» et l'activité de leur parti, la communion ne s'est pas produite (Libération, 8-9 sept. 1984, p.3).
B. —[Le lieu n'est gén. pas exprimé] Au fig.
1. [Le suj. désigne un processus ou qqc. soumis à un développement] Produire l'effet recherché, atteindre un état irréversible. Synon. marcher (fam.), réussir. Ce livre, cette pièce de théâtre n'a pas pris. Votre proposition a pris. Cette mode n'a pas pris (Ac. 1935). Le nouvel emprunt prend à merveille. Il y a queue partout où l'on souscrit (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, t.2, 1855, p.24). Je considère la révolution russe comme le seul résultat significatif de la guerre, le seul point d'Europe où le vaccin ait pris. Je refuse absolument de critiquer un peuple qui change de peau (COCTEAU, Poés. crit. II, 1960, p.47).
2. Réussir, obtenir le succès désiré (v. supra 2e Section B 1). Synon. marcher (fam.). Ils n'avaient pas fait quatre pas que, derrière eux, une voix s'élevait: —Psitt! Eh là-bas! —Ça prend! murmura le brigadier (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., VII, p.84).
— En partic. Être cru, être accepté. J'ai manqué lui rire au nez: «Je vous fais confiance! Je fais confiance à tout le monde. Que ça vous apprenne à faire confiance...» Qu'est-ce qu'il s'imagine? Le coup de la confiance, c'est avec les hommes que ça prend (SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., 5, p.116).
3e Section. [Empl. pronom. n'ayant pas d'empl. trans. corresp.]
I. — S'en prendre à qqc., à qqn. S'attaquer à quelque chose ou à quelqu'un en le rendant responsable de ce qui arrive. Ne s'en prendre qu'à soi-même. Son impatience fiévreuse s'en prenait au cocher qui ne marchait pas, aux chevaux, deux vraies rosses de fiacre, à un encombrement inexplicable de voitures, d'omnibus (A. DAUDET, Nabab, 1877, p.101). [Les paysagistes] luttent contre la solidité ou la fluidité même des choses; certains s'en prennent à la lumière, veulent saisir l'heure, l'instant; substituer aux formes finies une enveloppe de reflets, d'éléments du spectre subtilement dosés (VALÉRY, Degas, 1936, p.130):
• 21. La lecture du Journal d'un prêtre m'a assombri (...). Il s'en prend au christianisme d'abord, et ce qui est plus grave, au Christ lui-même.
GREEN, Journal, 1956, p.186.
II. — Se prendre de + subst. exprimant un sentiment ou un état psychol. Se mettre à avoir. Synon. concevoir; anton. se déprendre de. Elle lui donnait sur les nerfs, il se prenait d'une haine féroce, au point de ne plus tenir compte de ses intérêts (ZOLA, Nana, 1880, p.1318). Elle s'est prise d'amour pour un organiste de la localité (GONCOURT, Journal, 1894, p.600). Il se prit d'une affection particulière pour sa petite-fille Juliette (AYMÉ, Jument, 1933, p.33).
III. — S'y prendre. Agir d'une certaine manière en vue d'obtenir un résultat déterminé. Synon. s'arranger, procéder, se débrouiller. S'y prendre bien, mal. Je lui racontai que son argent l'avait échappé belle, et elle daigna sourire en apprenant comme je m'y étais pris pour voler nos voleurs (ABOUT, Roi mont., 1857, p.184). Comment m'y prendre pour chanter de telle manière? (BARRÈS, Cahiers, t.5, 1906, p.292). Il savait comment s'y prendre pour l'amener à se rendre (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p.15).
IV. — Se prendre à (qqc.). S'accrocher, s'attacher à quelque chose. Un homme qui se noie se prend à tout ce qu'il peut. Il s'est pris à un clou et sa manche a été déchirée (Ac. 1935). Se prendre aux cheveux. V. cheveu I C.
— Au fig. M. de Chateaubriand, plus fort [que madame de Staël], plus grand homme, et sachant mieux à quoi se prendre, frappa bien davantage (SAINTE-BEUVE, Prem. lundis, t.1, 1830, p.399).
V. — Se prendre
A. —[Le suj. désigne des substances initialement liquides]
1. Coaguler, devenir dur. L'huile se prend quand on la tient dans un endroit froid. Le sirop se prendra bientôt (Ac. 1935).
— En partic. Geler. La mer de Norvège se prit (ROB. 1985).
2. Se couvrir. Le ciel se prend (ROB. 1985).
B. —Au fig. Atteindre un état de maturation. On prend un livre, on s'y enfonce, on s'y oublie (...) insensiblement la pensée se prend, une idée sourit, on veut l'étendre, l'achever; déjà la plume court (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t.3, 1843, p.413).
Rem. gén. Empl. subst. masc. de l'inf. dans la loc. adv. au fait et au prendre (vieilli). Au moment de l'exécution, quand il est question d'agir. Quand ce fut au fait et au prendre. On le disait plein d'intelligence; mais, au fait et au prendre, il n'est bon à rien (Ac. 1935).
Prononc. et Orth.:[], (il) prend []. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. Ind. prés.: je prends, tu prends, il prend, nous prenons, vous prenez, ils prennent; imp.: je prenais, etc.; passé simple: je pris; fut.: je prendrai; impér.: prends, prenons, prenez; subj. prés.: que je prenne; subj. imp.: que je prisse; part. prés.: prenant; part. passé: pris, prise. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) 842 fig. prendre plait «conclure un accord avec quelqu'un» (Serments de Strasbourg, éd. A.Henry, Chrest., p.2, ligne 7); fin Xes. «saisir avec la main» (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 37); 1160-74 prendre en mains (WACE, Rou, éd. A.J.Holden, III, 5337); 1658 prendre une affaire en mains (PASCAL, Lettres aux curés de Paris, éd. Brunschvicg, VII, 298); 1690 prendre la balle au bond (FUR.); 1765 «entourer, envelopper le corps en parlant d'un vêtement» (DIDEROT, Salons, éd. J. Seznec et J. Adhémar, vol. II, p.215); 1898 prendre le taureau par les cornes (DG); b) ca 1100 «saisir vivement» (Roland, éd. J. Bédier, 2552); 1188 «serrer une proie en parlant d'un animal» (AIMON DE VARENNES, Florimont, éd. A. Hilka, 777); id. prendre par la main (ID., ibid., 1025); 1690 «saisir en se servant d'un instrument, d'un outil» (FUR.); 1892 n'être pas à prendre avec des pincettes «être sale» (GUÉRIN); c) ca 1050 «amener avec soi» (Alexis, éd. C. Storey, 506); 1667 «joindre quelqu'un pour l'emmener avec soi» (RACINE, Andromaque, III, 7); 1690 prendre ses jambes à son cou «commencer un voyage à pied» (FUR.); 1895-96 id. «s'enfuir» (F.CHAMPSAUR, Le Mandarin ds FRANCE); av. 1784 «accepter de recevoir quelqu'un» (DIDEROT, Mémoires, t.IV, p.224 ds LITTRÉ); d) déb. XIIes. «comprendre, interpréter quelque chose d'une certaine manière» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1789); 1269-78 prendre à la lettre (JEAN DE MEUNG, Rose, éd. F. Lecoy, 7153); 1540 je ne sais comment vous le prendrez (NICOLAS HERBERAY DES ESSARS, Amadis, éd. H. Vaganay, 369); 1608 à tout prendre (M. RÉGNIER, Satires, V, éd. G. Raibaud, p.49); 1155 prendre de travers «entendre de travers» (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 1746); ca 1500 prendre a mal (PHILIPPE DE COMMYNES, Mémoires, éd. J. Calmette, t.3, p.128); 1535-74 prendre mal (ST GELAYS, OEuvres, éd. P. Blanchemain, I, 208); 1657-62 prendre littéralement (PASCAL, Pensées, éd. Brunschvicg, X, 648); 1694 prendre les choses du mauvais côté (REGNARD, La Sérénade, sc. 13 ds OEuvres, t.2, p.223 [éd. Paris, 1830]); 1745 prendre au tragique «trop sérieusement» (VOISENON, Themidore, I, 264 ds BRUNOT t.6, 2, 1, p.1403); 1582 le prendre haut (GARNIER, Bradamante, éd. W. Foerster, IV, p.23); 1459-60 Je prens le temps ainsi qu'il peut venir (CHARLES D'ORLÉANS, Rondeaux, éd. P. Champion, t.II, p.598); 1666 prendre les hommes comme ils sont (MOLIÈRE, Misanthrope, I, 1); 1174 prendre en haür (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 739); 1225-30 prendre en gré (GUILLAUME DE LORRIS, Rose, éd. F. Lecoy, 2698); e) 1176 prendre sor soi «rapporter à soi» (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 4426); ca 1220 prendre (qqc.) sur soi «en répondre» (H. DE VALENCIENNES, Continuation conquête de Constantinople, 594 ds T.-L.); 1606 prendre à sa charge (NICOT); 1688 prendre tout sur (son courage) «se donner beaucoup de peine» (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. M. Monmerqué, t.8, p.285); 2. a) 1283 «percevoir un droit sur» (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A.Salmon, 1594, p.309); av. 1544 à prendre ou à laisser (DES PÉRIERS, Nouvelles récréations, éd. K. Kasprzyk, 50, p.202); 1700 il faut prendre ou laisser (REGNARD, Democrite, I, 1 ds OEuvres, t.4, p.8 [éd. Paris, 1830]); 1869 c'est à prendre ou à laisser (LITTRÉ); b) ca 1100 «recevoir de l'argent» (Roland, éd. J. Bédier, 1148); 1585 «recevoir comme rémunération» (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, p.381); c) ca 1100 «recevoir un coup» un col avez pris fort (Roland, éd. J.Bédier, 1948); 1934 «encaisser un but au football» (L'Auto ds PETIOT 1982); d) ca 1100 «s'emparer d'une ville» (Roland, éd. J. Bédier, 1566); 1690 jeux «se rendre maître d'un pion» (FUR.); 1478-80 prendre d'assault (COQUILLART, Les nouveaulx droitz ds OEuvres, éd. M.J.Freeman, p.181); ca 1480 prendre dame a force (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 41783); 1718 prendre par force (Ac.); 1812 prendre de force (MOZIN-BIBER); e) ca 1050 «prélever (de l'or et de l'argent de son trésor)» (Alexis, éd. C. Storey, 526); ca 1480 prendre un enfant (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 34437); av. 1648 prendre un baiser (VOITURE, Poésies, OEuvres, t.II, p.90 ds LITTRÉ); f) ca 1140 «capturer des animaux» (G. GAIMAR, Histoire des anglais, éd. A.Bell, 2722); 1536 prendre au piège (un animal) (ROGER DE COLLERYE, OEuvres, éd. C. D'Héricault, 214); g) 2e moit. Xes. «arrêter, capturer quelqu'un» (St Léger, éd. J. Linskill, 150); 1636 prendre en traître (CORNEILLE, Cid, V, 5); 1668 on ne l'y prendrait plus (LA FONTAINE, Fables, I, 2: Le Corbeau et le Renard); 1678 tel est pris qui croyait prendre (ID., ibid., VIII, 9: Le Rat et l'Huître); 1690 se laisser prendre au piège (FUR.); 1697 savoir prendre qqn (J. B. ROUSSEAU, Le Flatteur, I, 1 ds LITTRÉ); h) ) 1450-55 prendre qqn sur le fait (Farce de Maistre Pathelin, éd. R. T. Holbroock, v. 1113); ca 1480 pris a depourveu (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 7984); 1674 prendre au dépourvu (HAUTEROCHE, Crispin musicien ds LITTRÉ); 1760 Je vous y prends (VOLTAIRE, L'Écossaise, IV, 4, ibid.); 1798 prendre qqn en faute (J. J. ROUSSEAU, Confessions, XII, ibid.); 1808 prendre la main dans le sac (HAUTEL t.2); ) ca 1280 «en parlant des choses extérieures, s'abattre brusquement» (ici, la nuit) (ADENET LE ROI, Cleomades, éd. A. Henry, 12311); ca 1050 pietét ne t'en prist (Alexis, éd. C. Storey, 440); ca 1150 somoil li prist (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 775); 1678 la faim le prit (LA FONTAINE, Fables, VII, 4: Le Héron); ) 1160-74 «advenir à quelqu'un» (WACE, Rou, éd. A.J.Holden, III, 2629); déb. XIIes. impers. «venir à l'esprit de quelqu'un, lui advenir» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 48); ca 1480 mal vous en prendra (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 15433); 1962 ça l'a pris comme une envie de pisser (ROB.); i) ) 2e moit. Xes. «faire venir» (St Léger, éd. J. Linskill, 86); 1585 «acheter» (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 66); 1677 prendre une maison «la louer» (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. M. Monmerqué, t.5, p.314); ) ca 1165 prendre conseiz (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 24705); 1405-49 prendre la foy chretienne (Journal d'un bourgeois de Paris, éd. Tuetey, 219); ca 1535-74 prendre avis sur (ST GELAIS, OEuvres, éd. P.Blanchemain, II, 2); 1568 prendre le nom d'un roi (en parlant d'une ville) (GARNIER, Porcie, éd. W. Foerster, I, p.6); 1697 prendre l'accent (REGNARD, Le Distrait, III, 3 ds OEuvres, t.3, p.173 [éd. Paris, 1830]); 1748 prendre les moeurs des Perses (MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, éd. G.Truc, chap. 14, p.157); ) ca 1160 prendre jour (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 10010); 1740 prendre date (Ac.); ) ca 1180 prendre essample de qqn «un exemple» (MARIE DE FRANCE, Fables, éd. Warnke, 14, 34); 1269-78 prendre exanple a «prendre exemple sur» (JEAN DE MEUNG, Rose, éd. F. Lecoy, 5196); 1428 or prenons que (A. CHARTIER, Le Curial, éd. F. Heuckenkamp, p.7, l. 12-13); 1611 prenons le cas que (P. DE LARIVEY, Fidelle, éd. Viollet le Duc, IV, 10); ) 1606 prendre le double de quelqu'une écriture (NICOT); 1690 prendre les dimensions (FUR., s.v. dimension); 1876 id. fig. (LITTRÉ); 1907 «filmer» (MÉLIÈS, V. cin., A.G.I.P., p.383 ds GIRAUD 1956); 1954 «photographier» (P. GUTH, Le Naïf sous les drapeaux, part.1, ch.3, p.43 ds QUEM. DDL t.18); ) ca 1050 «s'adjoindre quelqu'un» (Alexis, éd. C. Storey, 111); 1835 prendre des passagers (Ac.); ca 1050 prendre moyler «prendre femme» (Alexis, éd. C. Storey, 39); ca 1145 «épouser quelqu'un» (WACE, Conception N.D., éd. W.R.Ashford, 980); 1690 prendre pour femme (FUR.); 1174 prendre a avoé (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E.Walberg, 476); 1269 prendre a testamenteur (Archives du Nord, B 446, n° 1592 ds IGLF); 1460-63 prendre comme mercenaires (COQUILLART, Trad. de l'hist. de la guerre des juifs ds OEuvres, éd. C.D'Héricault, II, 320); 1536 prendre pour serviteur (R. DE COLLERYE, OEuvres, éd. C. D'Héricault, p.158); 1538 prendre à temoin (EST.); ) 1370 prendre qqc. pour qqc. d'autre «en juger autrement qu'il ne faut» (ORESME, Ethiques, éd. A.D.Menut, 74); 1450-65 pour qui c'est que vous me prenez? (Farce de maistre Pathelin, éd. R.T.Holbroock, v. 1506); ca 1480 prendre pour «confondre» (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 3727); 1585 prendre Paris pour Corbeil (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, II, 112); 1690 prendre qqc. pour argent comptant (FUR.); 1743 prendre son cul pour ses chausses (Trév.); 1875 prendre le Pirée pour un homme (Lar. 19e, s.v. Pirée); ) ca 1350 «avaler, absorber une boisson» (GILLES LI MUISIS, Poésies, I, 85 ds T.-L.); 1903 prendre un verre (J. LORRAIN, D.FABRICE, Clair de lune, I, iv ds QUEM. DDL t.6); 1450-65 prendre des pilulles (Farce de maistre Pathelin, éd. R.T.Holbroock, v. 645); 1478-80 prendre medicine (COQUILLART, Le plaidoié ds OEuvres, éd. M.J.Freeman, p.11); 1645 prendre l'air (CORNEILLE, Suite du menteur, II, 7); apr. 1661 prendre les eaux (RETZ, Mémoires, éd. A. Feuillet, J. Gourdault, R. Chantelauze, II, 125); 1668 prendre le frais (MOLIÈRE, Georges Dandin, III, 8); 1673 prendre un bain (ID., Malade imaginaire, III, 4); 1694 prendre un lavement (Ac.); ) ca 1150 prendre à qqn «atteindre quelqu'un en parlant d'une maladie» (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1492); 1155 prendre une maladie «être atteint de» (ID., Brut, éd. I.Arnold, 11318); 1188 prendre mal «tomber malade» (AIMON DE VARENNES, Florimont, éd. A.Hilka, 8919); 1613 prendre l'eau (d'un bateau) (M. REGNIER, Satires, XVI, éd. G. Raibaud, p.212); 1669 prendre feu (WIDERHOLD); 1690 prendre du froid (FUR.); 1875 prendre froid (Lar. 19e); 3. a) ca 1050 prendre congét (Alexis, éd. C.Storey, 598); 1119 prendre fin (PHILIPPE DE THAON, Comput, 2171 ds T.-L.); ca 1480 prendre du bon temps (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 39281); 1538 prendre le temps «attendre le moment favorable» (EST.); 1645 prendre son temps pour (CORNEILLE, Suite du menteur, V, 4); 1869 prendre du temps «être long à réaliser» (LITTRÉ); b) 1536 prendre la plume (R. DE COLLERYE, OEuvres, éd. C.D'Héricault, 166); 1561 prendre (un vêtement) (J. GREVIN, L'Olympe, éd. L.Pinvert, 263); 1611 prendre le deuil (COTGR.); 1869 prendre le voile (LITTRÉ); c) 1450-65 prendre place (Farce de maistre Pathelin, éd. R.T.Holbroock, v. 1218); ca 1480 prendre les armes (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 41992); 1606 prendre le vent (NICOT); 1671 prendre la mer (POMEY); 1690 «faire usage d'un véhicule» (FUR.); 1476 prendre le chemin (Archives du Nord, B 1698, f° 65 ds IGLF); 1540 prendre la route (NICOLAS HERBERAY DES ESSARS, Amadis, éd. H. Vaganay, 3); 1690 prendre un tournant (FUR., s.v. tournant); 1798 prendre la porte (Ac.); 1869 prendre le large «s'enfuir» (LITTRÉ); 1907 prendre la tangente (FRANCE); d) déb. XIIes. prendre fuite (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1166); ca 1225 prendre son vol (RECLUS DE MOLLIENS, Carité, 36, 10 ds T.-L.); 1585 prendre les devants (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, II, 68); 1955 prendre ses distances (ROB., s.v. distance); 1962 prendre du recul (ibid.); e) 1160-74 prendre garde de «s'occuper de» (WACE, Rou, éd. A.J.Holden, III, 358); 1174-80 prendre garde (à qqc.) «faire attention à» (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. W.Roach, 8952); déb. XIIes. prendre cure de (Voyage St Brendan, éd. E.G.R.Waters, 162); 1538 prendre soin de (EST.); 1188 prendre courage (AIMON DE VARENNES, Florimont, éd. A.Hilka, 7725); 1370 prendre plaisir (FROISSART, Espinette amoureuse, éd. A.Fourrier, 785); 1656 prendre plaisir à (MOLIÈRE, Dépit amoureux, II, 5); ca 1480 prendre en pascience (Mistere Viel Testament, éd. J.de Rothschild, 31229); f) ca 1480 prendre (une charge) (ibid., 47339); 1585 prendre parti (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, II, 238); 1599 prendre à partie (Coustumes du pays et duché de Normandie, fol. 34 r°); 1604 prendre connaissance (MONTCHRESTIEN, Les Lacenes, éd. Petit de Julleville, 192); av. 1615 prendre le fait et cause (PASQUIER, Recherches de la France, 827); 1740 prendre fait et cause pour (Ac.); 1656-57 prendre part (PASCAL, Provinciales, éd. Brunschvicg, X, V, p.320); 1870 prendre sa retraite (LITTRÉ, s.v. retraite); g) 1538 prendre racine (EST.); 1540 prendre naissance (d'un homme) (NICOLAS HERBERAY DES ESSARS, Amadis, éd. H.Vaganay, 298); 1549 prendre chair (EST.); 1869 prendre de l'âge (LITTRÉ); 1585 prendre sa source (de la pauvreté) (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J.Assézat, p.318); 1694 id. (d'une rivière) (Ac.); ca 1590 prendre son pli (MONTAIGNE, Essais, éd. P.Villey et V.L.Saulnier, p.110); 1798 prendre forme (Ac.). B. Verbe intrans. 1. ca 1140 part. passé li plons iert toz pris «durci (en parlant d'un métal)» (Pèlerinage Charlemagne, éd. G.Favati, 572); ca 1393 faire prendre (la gelée) (Le Ménagier, II, 219 ds T.-L.); 2. 1176-84 être pris «occupé par un sentiment» (GAUTIER D'ARRAS, Eracle, 2714); 3. 1559 «s'enraciner» (AMYOT, Rom., 32 ds LITTRÉ); 4. 1176-81 el covertor est li feus pris (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier Charrete, éd. M.Roques, 522); 5. 1538 «avoir de l'effet» (EST.); 1727 «réussir, s'implanter» (MONCRIF, Les chats ds BRUNOT t.6, 2, 1, p.1364); av. 1784 cela ne prend pas toujours (DIDEROT, Neveu de Rameau, éd. Piazza, 116); 6. 1606 prendre à droite, à gauche (CRESPIN, p.319); 1616 «suivre une direction, un chemin» (D'AUBIGNÉ, Hist., I, 339 ds LITTRÉ); 1690 prendre par le plus court (FUR., s.v. court); 1828 prendre par (HUGO, Odes, L.5, ode 24, Pluie d'été ds OEuvres poétiques, éd. de la Pléiade, t.1, p.488); 7. ca 1500 «commencer en parlant de ce qui suit une direction» (PHILIPPE DE COMMYNES, Mémoires, éd. J.Calmette, t.3, p.131). C. Verbe pronom. 1. 1671 «être employé d'une certaine façon dans le langage» (POMEY); 1730 «être interprété, compris dans un autre sens en parlant d'un mot» (DUMARSAIS, Traité des Tropes, La métonymie, p.63); 2. 1666 «être attrapé, coincé» (FURETIÈRE, Roman Bourgeois, éd. Colombey, 107); 1675 «être captivé, séduit» (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. M. Monmerqué, t.4, p.200); 3. 1135 «s'attacher à quelque chose (en parlant de personnes)» (WACE, Vie Ste Marguerite, éd. E.A.Francis, 53); 4. ca 1150 (ID., Vie St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 694); 1739 ne s'en prendre qu'à soi-même (MARIVAUX, Marianne, éd. J.Janin, 484); 5. 1640 se prendre de vin «s'enivrer» (OUDIN Curiositez); 6. ca 1150 se prendre a «se mettre à» (WACE, St Nicolas, éd. E.Ronsjö, 1455); 7. 1611 se prendre à qqc. «s'y mettre avec adresse, de la manière qui convient» (COTGR.); 1580 s'y prendre de bon'heure (MONTAIGNE, Essais, I, 26, éd. P.Villey et V.L.Saulnier, p.166); 1656-57 s'y prendre pour (PASCAL, Provinciales, éd. Brunschvicg, XII, p.274); 8. av. 1615 se prendre pour (PASQUIER, Recherches de la France, 87); 9. 1376 «s'attacher à, coller à (en parlant d'une substance)» (Modus et Ratio, éd. G.Tilander, 139, 9); 1623 «geler» (SOREL, Francion, éd. E.Roy, 246); 10. 1554 «s'unir» (C. MAROT, Metam. d'Ovide, II, p.98 ds GDF. Compl.); 1754 «s'unir en mariage» (Ac.); 11. 1666 «se saisir l'un l'autre par les cheveux» (BOILEAU, Satire, III ds OEuvres complètes, éd. de la Pléiade, p.25). Du lat. prendere, contraction de prehendere «saisir, prendre», «surprendre, prendre sur le fait», «se saisir de quelqu'un, arrêter», «occuper, prendre possession d'un lieu», «atteindre». Fréq. abs. littér.:68704. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 87737, b) 106558; XXes.: a) 95220, b) 102963.
DÉR. Prenable, adj. a) ) Dont on peut s'emparer, qui peut être investi. Anton. imprenable, inexpugnable. Cette place forte est prenable. Cette ville n'est prenable que par tel côté (Ac. 1935). ) Qu'on peut attraper, qu'on peut priver de liberté de mouvement. Il est explicitement entendu que des types comme nous ne sont jamais pris, ne sont pas prenables. Le métallurgiste risque (...) sa liberté, son travail et sa croûte (NIZAN, Conspir., 1938, p.68). b) Vx. Prenable à qqc. Sensible à quelque chose. Il faut songer que cette couche doit recevoir un oeuf infiniment prenable au froid, dont tout point refroidi serait pour le petit un membre mort (MICHELET, Oiseau, 1856, p.210). Au fig. Race de chair, combien prenable aux grossiers fanatiseurs, aux dévotions sensuelles et corruptrices (MICHELET, Journal, 1843, p.532). c) Au fig. Je l'attendis dans son cabinet, et je vis son portrait, à lui-même, placé sur son propre bureau; cela me fit espérer que du moins il était un peu prenable par la vanité (STAËL, Consid. Révol. fr., t.1, 1817, p.394). M. de Lérac est très prenable par les yeux, le premier coup d'oeil est beaucoup pour lui (LABICHE, Cigale chez fourmis, 1876, VI, p.221). — []. Att. ds Ac. dep. 1694. — 1res attest. a) ca 1155 «qui peut être pris» (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 8624), b) 1375-79 [éd. de 1541] «qui peut être séduit, manoeuvré» (JEHAN DE BRIE, Bon Berger, éd. Lacroix, 15), c) 1869 «qui peut être absorbé» (LITTRÉ); de prendre, suff. -able.
BBG. —DAUZAT Ling. fr. 1946, p.180. — LANLY (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp.258-261. — LEPELLEY (R.). Emplois de ça prend exprimant le besoin, en France et au Canada. Français de France — Français du Canada. Tubingen, Niemeyer, 1987, pp.177-187. — PINCHON (J.). Les Pron. adv. en et y. Genève, 1972, p.258, 265, 270, 272, 286. — QUEM. DDL t.2, 3, 6, 7, 9, 10, 11, 14, 18, 20, 21, 23, 27. — VÄLIKANGAS (O.). Analyse du verbe prendre... Neuphilol. Mitt. 1970, t.71, n° 3, pp.388-450. — VIVÈS (R.). Avoir, prendre, perdre. Constr. à verbe support et extensions aspectuelles. Thèse. Paris, 1983; L'Aspect ds les constr. nom. prédicatives: avoir, prendre. Ling. Investig. 1984, t.8, pp.161-185.
prendre [pʀɑ̃dʀ] v.
CONJUG. je prends, tu prends, il prend, nous prenons, vous prenez, ils prennent; je prenais; je pris, nous prîmes; ils prirent; je prendrai; je prendrais; que je prenne, que nous prenions; que je prisse; prends, prenons; prenant; pris, prise.
ÉTYM. 980; lat. pre(he)ndere.
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I V. tr.
A Mettre avec soi ou faire sien.
1 Mettre en sa main (pour avoir avec soi, pour faire passer d'un lieu dans un autre, pour être en état d'utiliser, pour tenir). || Prendre un objet, un instrument, une quantité de matière, une partie d'une chose. || Action de prendre. ⇒ Prise. || Endroit où l'on peut prendre qqch. ⇒ Prise. || Prendre qqch. à pleines mains, entre ses doigts (cit. 4), entre le pouce et l'index, du bout des doigts, dans le creux de la main (⇒ Préhension). || Prendre une poignée (→ Main, cit. 19), une pincée (cit. 2) de… || Prendre vivement (⇒ Saisir), en serrant (⇒ Agripper, empoigner). || Prendre au sol. ⇒ Ramasser. || N'avoir qu'à se baisser (cit. 31) et prendre, pour prendre (→ Manier, cit. 20), prendre facilement. || Prendre ce qui est loin, qui est difficile à tenir. ⇒ Attraper; atteindre, aveindre (vx). || Prendre au passage. ⇒ Intercepter. — ☑ Loc. fig. Prendre la balle au bond. — Je te défends de prendre ce livre. ⇒ Toucher (à). || Prendre pour utiliser, mettre en œuvre (→ aussi ci-dessous, C. et D.). || « Poète, prends ton luth » (→ Baiser, cit. 12). || Elle prit son tricot (→ Laine, cit. 9). || Il prit sa pelle (cit. 3) et remplit le seau. || Prends ce miroir et vois (→ Neige, cit. 6). || Elle prit la coupe et la porta à ses lèvres (cit. 15). || Il a pris un moellon et l'a lancé de toutes ses forces (→ Lapider, cit. 1). — Prendre qqch. des mains de qqn. ⇒ Arracher, enlever (→ Lait, cit. 16). || Prendre son stylo dans son sac. ⇒ Sortir, tirer (→ Bloc, cit. 5). — ☑ Loc. fig. Prendre une affaire en main (cit. 39). ☑ Prendre son courage à deux mains. — Prendre la main (cit. 24) de, à qqn. ⇒ Étreindre. || Prendre le bras (cit. 12), la taille, le menton (→ Pincer, cit. 1) de qqn. ⇒ Tenir. || Prendre qqn par la main, le bras, la taille (→ Frotter, cit. 29), par le cou. — (Avec une idée de violence). ☑ Prendre qqn par les cheveux, la tignasse (→ Marteler, cit. 4), la peau du cou; prendre qqn à la gorge, au collet (cit. 5), le serrer. (→ Juguler, cit. 1). — ☑ Loc. fig. Prendre l'occasion aux cheveux (cit. 31). ☑ Prendre le taureau par les cornes. — Par ext. Se mettre à tenir, à serrer avec certaines parties du corps. || Prendre qqch. avec la bouche, les dents. — ☑ Loc. fig. Prendre la lune avec ses dents. || Prendre qqn, qqch. dans ses bras (→ Délicatesse, cit. 10), à bras-le-corps. ⇒ Embrasser.
1 À tout instant, il prenait Suzanne par le bras ou par la taille avec un naturel si parfait, avec une si charmante liberté que la jeune femme ne songeait pas même à se rebeller.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, t. IX, p. 145.
2 Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux (…)
Aragon, le Roman inachevé, p. 238.
– (Animaux). || Prendre avec les pattes, les pinces (cit. 4), la gueule (⇒ Happer), le bec (⇒ Picorer). — Cheval qui prend le mors aux dents (au fig. ⇒ Mors, cit. 3, 4 et 5). — Zool. || Organe qui peut prendre. ⇒ Préhensile.
♦ (En se servant d'un instrument, d'un outil mieux approprié que la main). || Prendre des berniques (Bernicle, cit. 1) au bout de son couteau. || Prendre de la terre avec une pelle, de l'herbe (cit. 15) avec une fourche, un liquide avec un seau, un vase. ⇒ Puiser. || Prendre avec une pince. — ☑ Loc. fig. N'être pas à prendre avec des pincettes (cit. 2).
2 Mettre avec soi, amener à soi. || Prendre un sac sur son dos. || Prendre un parapluie pour sortir. ⇒ Emporter, pourvoir (se). || Des valets vinrent prendre dans les boutiques ce que leurs maîtres avaient acheté (→ Nippe, cit. 1). ⇒ Chercher, enlever. || Prendre de l'essence. || N'oublie pas de prendre le pain. ⇒ Acheter. || Prendre de l'argent à la banque. ⇒ Retirer.
2.1 Prenez ce qu'il vous faut pour un voyage de quinze jours, et suivez-moi.
Dumas, les Trois Mousquetaires, XIX.
2.2 — Dix-neuf sous, est-ce possible ! disait madame Marty, séduite comme sa fille. Bah ! je puis bien en prendre deux (cravates de femme), ce n'est pas ça qui nous ruinera.
Zola, Au Bonheur des Dames, IX.
♦ ☑ Loc. Prendre ses cliques et ses claques.
♦ Prendre qqch. à bail, à ferme. ⇒ Louer. || Prendre une chambre.
2.3 Si vous faisiez épier ses démarches, je suis sûre que vous découvririez qu'il n'a fait que prendre un asile plus commode, pour quelque noirceur qu'il médite dans les environs.
Laclos, les Liaisons dangereuses, IX.
♦ (Compl. n. de personne). || Prendre qqn sur ses genoux (→ Dodeliner, cit. 1). || Prendre un enfant sur son dos. — ☑ Loc. fig. Prendre ses jambes (cit. 16) à son cou. — Prendre une personne à part (1. Part, cit. 25). — Il la prit chez lui, avec lui (→ Captiver, cit. 6). ⇒ Accueillir, recueillir. || Prendre qqn en pension (cit. 4). || Maison qui prend des pensionnaires (cit. 1). || Prendre un élève dans une classe. — Spécialt. ⇒ Recevoir. || Le docteur ne pourra vous prendre aujourd'hui. — Pouvez-vous me prendre ?, vous occuper de moi. — Le capitaine me prit à son bord (cit. 3). || Prendre qqn en croupe, sur son cheval (→ Manquer, cit. 61). — Par ext. || Taxi qui prend un client. ⇒ Emmener. || Le canot (cit. 2) vint me prendre. || Passer (cit. 49) prendre qqn. ⇒ Joindre. || Dieu nous l'a pris, l'a rappelé à lui. — Par ext. ☑ Prendre qqn en chasse, en filature (cit. 4). — Prendre qqn sous sa protection.
3 Nous allons le ramener, le prendre avec nous, qu'il le veuille ou non, il ne nous quittera plus.
Hugo, les Misérables, V, IX, IV.
4 (…) il fut convenu que ses témoins le prendraient chez lui en landau, le lendemain à sept heures du matin, pour se rendre au bois du Vésinet où la rencontre aurait lieu.
Maupassant, Bel-Ami, I, VII.
5 (…) quand mon heure sera venue de quitter ce monde, Dieu veuille me prendre sur mon échelle, devant mes tablettes chargées de livres !
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 342.
6 Il prenait chacun de ses compagnons à part, à tour de rôle, et commençait toujours ainsi : « Toi qui es le seul intelligent de cette bande de patates » (…)
G. Duhamel, Salavin, III, III.
7 En tout cas elle n'avait pas encore quitté Paris, sinon elle fût repassée au Foyer pour prendre ses valises.
Sartre, l'Âge de raison, XV.
3 Fig. (avec un compl. de manière). Aborder, se mettre à considérer (qqch., qqn) de telle façon. ☑ Prendre une chose de front. || Prendre qqch. à l'endroit, à l'envers, à contre-poil. ☑ Loc. Prendre la vie du bon côté, par ce qu'elle a d'agréable. ☑ Prendre qqn par le bon bout (cit. 17.4). ☑ On ne sait par où le prendre : il n'est pas approchable, il est hargneux, susceptible. — ☑ Prendre une expression à la lettre (cit. 18), au pied de la lettre (cit. 17).
♦ (Sans compl. second). ⇒ Considérer. || Prenons cet exemple. || Prendre un mot dans un sens (→ Anarchie, cit. 1; franchise, cit. 2; libertinage, cit. 3; pédagogie, cit. 2). || Prendre au figuré. — ☑ À tout prendre : en considérant tous les aspects de la question (→ Piètre, cit. 2; et aussi à tout examiner, somme toute, en conclusion).
8 Et que, dans un âge plus avancé, l'expérience nous ait convaincus, qu'à tout prendre, il vaut mieux, pour son bonheur dans ce monde, être un honnête homme qu'un coquin ?
Diderot, Entretien d'un philosophe avec la maréchale de .
9 Prenez-moi votre sujet tantôt en travers, tantôt par la queue; enfin variez vos plans, pour n'être jamais le même.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 649.
10 Je ne sais quelle froideur littéraire, saine à tout prendre, me garda du délire romanesque.
Colette, la Maison de Claudine, p. 49.
11 Dupont disait qu'on ne savait par quel bout le prendre (Bonaparte), qu'il avait des moments d'humeur où il était inabordable.
A. Maurois, Lélia, I, II.
♦ ☑ Prendre bien, mal (ce qui arrive) : supporter bien ou mal; accepter avec flegme, résignation ou réagir par du dépit, de l'abattement. — Spécialt. || Prendre mal un propos. ⇒ Fâcher (se). → 2. Mal, cit. 7. ☑ Le prendre bien, entendre la plaisanterie, ne pas être susceptible. ⇒ Interpréter. || Prendre la chose avec philosophie. ☑ Prendre les hommes comme ils sont, les accepter, ne pas vouloir les changer. ⇒ Accommoder (s'). → 1. Être, cit. 41. || Prendre les choses comme elles viennent, le temps comme il vient. || Prendre qqch. au sérieux (→ Espionnage, cit. 3), à cœur (cit. 53), au tragique (→ Lettre, cit. 38), à la légère (cit. 34), en riant. || Prendre en plaisanterie, comme une plaisanterie; prendre en badinage (cit. 8). ☑ Prendre qqch. en bonne, en mauvaise part (→ Domesticité, cit. 1; largeur, cit. 3), le prendre de haut. ⇒ Haut. || Prenez-le un peu moins haut (→ Monsieur, cit. 3). || Le prendre sur un ton… (⇒ 1. Parler). || Si vous le prenez ainsi : si vous vous fâchez. ⇒ Entendre. || Je ne le prenais pas ainsi (→ Justice, cit. 8).
11.1 Ce que je propose de dire dans cet article et dans ceux qui suivront, je voudrais qu'on le prenne bien. Je parle au nom d'une fraternité de combat et personne n'est ici visé en particulier.
Camus, Actuelles I, p. 264.
12 Les Pères démêlèrent la ruse du frère Jean et son objet : ils prirent la chose au grave, et frère Jean, au lieu d'être procureur comme il s'en était flatté, fut réduit au pain et à l'eau, et bien discipliné (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 538.
13 Il en convenait et prenait bien la plaisanterie, car il était homme de bonne compagnie.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 318.
14 (…) on se scandalisait un peu, mais surtout on le prenait à la blague, on se gaussait.
Gide, Si le grain ne meurt, II, II, p. 331.
♦ Prendre pour soi une remarque, une allusion, considérer qu'elle s'applique à soi. ⇒ Appliquer (s').
4 Prendre (qqn, qqch.) en… a (Suivi du nom d'un sentiment). Éprouver (tel sentiment) pour… ⇒ Avoir (avoir en…) || Prendre qqn en amitié, en affection (cit. 8), en pitié (→ Cœur, cit. 104), en haine (cit. 19), en grippe (cit. 3 et 6), se mettre à éprouver pour lui de l'amitié, de l'affection… || Prendre une chose en aversion, en dégoût. || Prendre en gré (cit. 11), en considération.
15 Dès qu'il s'apercevait que quelqu'un s'attachait à lui par inclination, il le prenait en amitié.
A. R. Lesage, Gil Blas, XI, VIII.
16 (…) j'avais pris en aversion les études, les écoles (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 95.
b ☑ Loc. Prendre qqn en charge.
c (Avec une valeur proche de B., 7.). ☑ Prendre qqn en traître, par traîtrise (→ Assaillant, cit. 3). → aussi ci-dessous, B., 9. : prendre qqn en faute, en défaut; et ci-dessus, A., 2. (emploi concret) prendre qqn en croupe; (abstrait) prendre en chasse.
REM. Certaines de ces expressions se nominalisent en prise en… ⇒ Prise.
6 ☑ (XIIe). Prendre (qqch.) sur soi, en porter volontairement la responsabilité. ⇒ Assumer, charger (se), endosser. || Prendre sur soi les péchés du monde (→ Monastique, cit. 2), la faute de qqn. ⇒ Couvrir. || Prendre sur soi de faire qqch. (→ Aveu, cit. 16; difficulté, cit. 9; outrepasser, cit. 1). — ☑ Prendre sur son compte : garder toute la responsabilité de qqch. ☑ Prendre qqch. sous son bonnet.
17 L'idée m'est venue que nous prenons volontiers sur nous certaines fautes pour enlever au destin une part de son honneur et de sa stupidité.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, III, XIX.
♦ ☑ Prendre sur soi de… : faire en sorte de… par quelque effort de volonté. ⇒ Efforcer (s'). || Il prit sur lui de ne pas se plaindre.
18 Ivre d'amour et de volupté, il prit sur lui de ne pas lui parler. C'est, selon moi, l'un des plus beaux traits de son caractère; un être capable d'un tel effort sur lui-même peut aller loin (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XXXI.
18.1 Aimer ses parents c'est prendre sur soi, agir par sa volonté pour leur faire plaisir (…) On peut tout ce qui ne dépend que [de] notre volonté, répondit Mme Santeuil.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 222.
B Agir de façon à avoir, à posséder (qqch., qqn).
1 Se mettre en possession de; se rendre maître de (en prenant matériellement, ou non). ⇒ Approprier (s'). || Prendre ce qui n'appartient à personne, ce qu'on trouve (→ Fossé, cit. 5). || Prendre qqch. sans demander (→ Offrir, cit. 8). || Prendre ce qu'on vous donne, ce qu'on vous offre. || Vous pouvez le prendre. ⇒ Disposer (en). || Prenez ! ⇒ Tenir (tenez !). || Prendre sa part. ⇒ Attribuer (s'). || J'ai le droit d'en prendre la moitié (→ Notre, cit. 6). || Prendre tout. ⇒ Accaparer. || Prendre une partie de… ⇒ 1. Lever, prélever. || Prendre des biens, des terrains. ⇒ Anticiper, empiéter, emprise. || Prendre avec l'intention de rendre. ⇒ Emprunter. || Prendre de préférence. ⇒ Choisir. ☑ C'est à prendre ou à laisser. || Prendre de-ci de-là. ⇒ Grappiller. — Prendre par force, par ruse, prendre à qqn; prendre contre de l'argent.
19 Je saisis un moment, où Mme de Rosemonde s'était éloignée, pour remettre ma lettre : on refusa de la prendre (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, XXV.
19.1 Ou les fauteuils de cuir ou rien… c'est à prendre ou à laisser.
N. Sarraute, le Planétarium, p. 54.
♦ Prendre sa part de butin. — ☑ Loc. fig. Prendre son pied. ⇒ Pied.
♦ Absolument :
20 Prends ! Et ne t'avise pas de refuser, si tu ne veux pas que je crève de pléthore. Je ne peux pas te donner moins, arrange-toi.
Colette, la Naissance du jour, p. 53.
♦ Fig. || Prendre sur son sommeil : enlever du temps au sommeil (pour faire qqch.). ⇒ Prélever.
2 Demander, exiger. — (Le sujet désigne une personne qui touche une rémunération d'un client). || Un artisan, un coiffeur qui prend tant pour son travail. || Professeur qui prend tant de l'heure. || Combien prend-il ? : quel est son prix. || Il me prend tant. ⇒ Coûter. — Fam. || Médecin qui prend cher, dont les prix sont élevés.
21 Combien me prendriez-vous pour mon logement, ma nourriture et vos soins ?
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 545.
22 Nous sommes obligés de demander vingt pour cent d'intérêt (…) Nous prenons des intérêts normaux qui ont été établis en considération de nos frais et de nos risques (…)
Sartre, l'Âge de raison, XV.
♦ Exiger, employer (du temps). || La traversée prend plus de quatre heures (→ Pagayeur, cit.). || Cela prendra trois jours (→ aussi Loisir, cit. 17). || Un travail qui me prend tout mon temps. ⇒ Absorber, dévorer.
23 Ta « conversation » prendra beaucoup de temps ? — Je ne sais pas (…)
J. Romains, Une femme singulière, XX.
3 Fam. Recevoir, supporter. ⇒ Attraper, recevoir. || Prendre des coups, des gifles, une raclée. ☑ Prendre une bûche : tomber. || Qu'est-ce qu'il a pris ! || Taureau qui prend la pique (1. pique, cit. 3). || Prendre une averse. — ☑ Loc. Prendre qqch., en prendre pour son grade. ☑ Prendre une culotte. || L'équipe a pris trois buts (→ Encaisser).
4 (1080). Se rendre maître de, par la force; conquérir. ☑ Prendre d'assaut (cit. 4, au fig.) qqch., un lieu. ⇒ Enlever, forcer, obtenir (→ 1. Gare, cit. 6), prise. || Prendre une forteresse (→ Citadelle, cit. 1), une place fortifiée (cit. 14), une ville (→ Dompter, cit. 6). || Place qu'on ne peut prendre. ⇒ Imprenable, inexpugnable. || Prendre des provinces. ⇒ Conquérir, envahir, occuper (→ Conquête, cit. 1). || Prendre un navire à l'ennemi. ⇒ Capturer, saisir. — Prendre le pouvoir (→ Dualité, cit. 2; fascisme, cit. 1). — ☑ Fig., fam. (au p. p.). C'est toujours ça de pris sur l'ennemi ! ☑ C'est autant de pris… (→ Assommant, cit. 1), se dit d'un petit avantage dont on est assuré.
24 Un apéritif, ça ne se refuse pas. L'autre le regarda, et pensa que c'était toujours ça de pris sur l'ennemi (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XII.
♦ Posséder sexuellement (une femme, un partenaire). ⇒ Connaître, posséder (→ Maîtresse, cit. 68). || Prendre une femme de force. ⇒ Violer.
25 Épuisée enfin, elle tomba; et je la pris brutalement, par terre, sur le pavé.
Maupassant, les Contes de la bécasse, « Un fils ».
26 Tu crois que je vais tomber à tes pieds et crier : prends-moi ! Mais tu n'as donc connu que des jeunes filles ? Penser que je vais perdre la tête, pour un baiser (…)
Colette, Chéri, p. 36.
5 Prendre qqch. à qqn : s'emparer de (ce qui appartient à qqn). ⇒ Confisquer, dérober, ravir, voler; (fam.) chiper, chouraver, faucher, piquer, rafler (→ Faire main basse sur). || Prendre des biens, de l'argent à qqn (→ Gorger, cit. 10; 1. foutre, cit. 9). || C'est mon trésor qu'on m'a pris (→ Joignant, cit.). || Les voleurs vinrent prendre le magot (cit. 1). || Elle lui a pris sa fortune. ⇒ Manger. || Conquérants qui ne trouvent plus rien à prendre (⇒ Piller). || Prendre son argent (⇒ Escroquer), ses biens (⇒ Déposséder, dépouiller), ses affaires (⇒ Dévaliser) à qqn. || On lui a tout pris. — Fig. || Prendre une idée, une phrase à qqn, dans un auteur. ⇒ Plagier (→ Appliquer, cit. 6). || Prendre la place de qqn. ⇒ Chasser, supplanter. — Par ext. (Compl. n. de personne). || On lui a pris son fils. || On vous les prend et on vous les tue (→ Exempter, cit. 4). || Il lui a pris sa femme, sa maîtresse. — Par ext. || Prendre un baiser (cit. 4) : embrasser qqn sans sa permission. ⇒ Cueillir, dérober.
27 Si vous m'avez pris quelque chose, je vous le donne; demandez-en seulement pardon à Dieu, et pendant le temps plus ou moins court que nous avons encore à vivre ensemble, ne me volez plus.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 551.
28 — Vous n'aurez pas un sou de plus. Laissez-moi passer (…) — Je veux mes cent francs ou je prends la valise.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 19.
6 (Jeu). Se mettre en possession d'une carte, d'un pli, d'un pion, d'une pièce, etc. de l'adversaire. || Prendre une carte avec une carte plus forte. || Prendre un pion en mettant le sien à sa place. || Prendre un pion dont l'adversaire ne s'est pas servi pour prendre lui-même. ⇒ Souffler. — Absolt. || Prendre avec la dame (1. Dame, cit. 22), avec l'atout (⇒ Couper). || Je prends !
7 Se saisir de (ce qui fuit, se dérobe : animal, personne). || Poursuivre, guetter un animal pour le prendre. ⇒ Chasser, chasse; pêche, pêcher; gibier, proie. || Prendre au piège. ⇒ Amorce, piège; filet, ligne (cit. 25 et 27). || Prendre des animaux vivants. ⇒ Attraper, capturer. || Prendre une bête au miroir (→ Alouette, cit. 4), au lasso (cit. 2), à la glu (cit. 1). || Le chat joue (cit. 12) avec la souris qu'il a prise. || Ça ne mord (cit. 15) plus, je n'ai rien pris. — ☑ Loc. fig. Prendre la mouche. — ☑ Prov. On ne prend pas les mouches avec du vinaigre : il faut agir avec diplomatie pour arriver à ses fins.
29 Pourquoi, après avoir échappé à la glu de la mare, au trébuchet de l'oiseleur, au plomb du braconnier, à l'appeau du chasseur, s'être fait prendre et finir ainsi !
L. Pergaud, De Goupil à Margot, p. 147.
♦ Se saisir de (qqn qu'on poursuit, qu'on recherche). || L'ennemi les a pris (⇒ Captif, prisonnier). || Il faut les prendre morts (2. Mort, cit. 3) ou vifs. || Se laisser, se faire prendre. — (Passif). || Vous êtes pris ! ⇒ Fait (Faire, p. p.). ☑ Pas vu, pas pris ! — La police l'a pris. ⇒ Arrêter; appréhender, attraper, avoir; (fam.) agrafer, arnaquer, arquepincer, choper, coincer, cueillir, harponner, paumer, piger, pincer, poisser (→ Mettre la main dessus, la main au collet). || Prendre qqn dans une rafle, dans une souricière.
30 (…) nous voilà pris, j'en suis sûr, dans quelque traquenard.
Balzac, les Chouans, Pl., t. VII, p. 789.
31 Ils nous tueraient, les nazis, s'ils nous prenaient ? demanda Pablo tout à coup.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 22.
♦ ☑ Fig. Prendre au piège. ⇒ (fig.) Attraper (→ Infernal, cit. 5). || Se laisser prendre à un hameçon (cit. 2) grossier, à l'appeau, aux apparences, aux supercheries (→ 1. Objectif, cit. 12). ☑ On ne m'y prendra plus ! : je ne serai plus dupe.
32 Que tel est pris, qui croyait prendre.
La Fontaine, Fables, VIII, 9.
33 Le corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
La Fontaine, Fables, 1, 2.
34 Dans quelle escroquerie s'est-elle laissée prendre ?
Émile Augier, les Effrontés, I, 4.
♦ Attraper, immobiliser involontairement dans… ⇒ Accrocher, coincer. || Prendre son doigt, sa main, se prendre la main dans une porte. || Prendre son manteau dans une portière. — (Passif et p. p.). || Le pied pris dans l'étrier (→ Futur, cit. 7). ☑ Être pris dans l'engrenage (cit. 2). || Il se trouva pris dans la bagarre, il s'y trouva mêlé malgré lui (→ Être entraîné).
35 (…) il pousse sa compagne, lui fait perdre l'équilibre et la jette à terre, un pied pris dans la basque de son habit et les cotillons renversés sur sa tête. Jacques descend dégage le pied de cette pauvre créature et lui rabaisse ses jupons.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 507.
36 Brunet est pris dans un remous énorme, il se sent bousculé, déplacé, frappé; il voit Moulû qu'un tourbillon emporte et qui lève les mains en l'air, comme s'il se noyait.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 225.
8 ☑ Prendre (qqn) par… : amener (qqn) à ses vues, à faire ce qu'on veut par la persuasion, etc. || Prendre qqn par la douceur, l'amener à ses vues en le traitant doucement. — Prendre qqn par son côté faible, l'attaquer, lui faire faire ce qu'on veut en flattant ses faiblesses. || Prendre les gens par leur faible (cit. 43 et 45), par l'intérêt, par la gourmandise, par les bons sentiments. || « Toujours par quelque endroit fourbes se laissent (cit. 13) prendre ». ⇒ aussi Compromettre. — Absolt. ☑ Savoir prendre qqn, savoir lui plaire pour en obtenir ce qu'on veut, le soumettre à ses désirs. ⇒ Amadouer, entortiller, persuader, séduire.
9 Prendre qqn… (suivi d'un compl. circonstanciel). ⇒ Surprendre. ☑ Prendre qqn en faute (cit. 18), en défaut (→ Appareil, cit. 14), sur le fait (cit. 1). ☑ Prendre qqn en flagrant délit (→ Inexactitude, cit. 4), la main dans le sac. — ☑ Prendre qqn au dépourvu (cit. 7), de court, sans vert. ☑ Prendre qqn au mot (supra cit. 38).
♦ Prendre qqn à faire qqch., le surprendre au moment où il fait qqch. ⇒ Attraper. || Si je te prends encore à mentir, je te punis. ☑ Je vous y prends ! || Je vous y prends à conspirer ! (→ Plaisanterie, cit. 7).
37 La menace est comme une permission sous condition. « Si je t'y prends »; et c'est la guerre.
Alain, Propos, 25 avr. 1921, Les fruits de la confiance.
37.1 Le directeur comprit que l'héritage ne le tentait pas. Le cas lui parut curieux, mais ne le prit pas sans vert.
M. Aymé, Maison basse, p. 45.
♦ (En parlant des choses extérieures). Rare. (On dit plutôt surprendre). || La nuit allait les prendre (→ Casser, cit. 2). || L'hiver le prit au dépourvu.
38 Un orage épouvantable les prit comme elles étaient sur la chaussée.
Racine, Correspondance, 187, 12 sept. 1698.
10 (Sujet n. de chose abstraite : sensation, sentiment). Saisir (qqn), faire sentir à (qqn). || La fatigue (cit. 5), la fièvre me prend. || Une panique les prenait (→ Maîtrise, cit. 3). || Les douleurs (cit. 4) la prirent l'après-midi. || Ça l'a pris brusquement, à l'improviste. — ☑ Fam. Ça le prend comme ça le quitte. || Quand l'envie, la fantaisie (cit. 17) m'en prendrait. || Pris du désir de… (→ Passer, cit. 112). — ☑ Fam. Ça l'a pris comme une envie de pisser, brusquement. — ☑ Fam. Qu'est-ce qui vous prend ? ☑ Ça vous prend souvent ? se dit à une personne dont on juge l'attitude inattendue ou déplacée. || Qu'est-ce qui lui prend à cette enragée-là ? (→ Chameau, cit. 3). — (Passif). || Être pris de vertige (→ Dire, cit. 115), d'une nausée (cit. 1) soudaine.
39 (…) mon père a été pris, à peine parti de Rouen, d'un mal d'yeux opiniâtre (…)
Flaubert, Correspondance, 97, 15 juin 1845.
40 Voyons, qu'est-ce qui vous prend depuis dix minutes, avez-vous perdu la tête ?
Maupassant, Pierre et Jean, VI.
41 (…) un jeune homme, quelque employé attardé, lui jeta un : « Bonsoir chérie », au passage. Du coup, elle se redressa, elle eut une dignité de reine offensée, en disant : — « Qu'est-ce qui lui prend à ce cochon-là ? »
Zola, Nana, VIII.
42 Lorsqu'il se vit seul, livré aux puissances mauvaises qui planaient dans cette chambre silencieuse et presque obscure, l'épouvante le prit.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 248.
43 Je ne sais ce qui lui prit ce jour-là, mais, après la leçon (…) subitement il éclata en invectives d'une violence extrême, déclara qu'il y voyait clair dans mon jeu (…)
Gide, Si le grain ne meurt, I, VI, p. 163.
♦ Impersonnel. || Il me prend l'envie de… (→ aussi Aller, cit. 85), des tentations de… (→ Accommoder, cit. 5).
44 (…) il prit à la sœur de M. Pascal une fièvre dont elle mourut.
Racine, Port-Royal, II.
45 Voilà ma fille aînée qui a trois enfants (…) lorsqu'il lui prendra fantaisie de se marier, elle les emmènera; ils sont les siens : son mari les recevra avec joie (…)
Diderot, Suppl. au voyage de Bougainville, III.
46 Félicien ne dit pas un mot, il prit le manuscrit et dégringola les escaliers. — Que lui prend-il ? s'écria Lucien. — Il porte ton article à l'imprimerie ! dit Hector Merlin, c'est un chef-d'œuvre (…)
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 778.
47 Qu'est-ce qu'il lui prend ? avait grommelé Jean.
Pierre Benoit, le Déjeuner de Sousceyrac, p. 161.
11 ☑ Littér. Bien, mal (lui, vous, etc.) prend de : cela a de bonnes, de fâcheuses conséquences. || Bien lui en prit (→ Dictionnaire, cit. 1). || Mal lui en a pris, mal en prit à… (→ Mal, cit. 4 et 5).
48 Bien vous prend que son frère ait toute une autre humeur (…)
Molière, l'École des maris, I, 2.
49 Nous arrivâmes donc d'assez bonne heure… et bien nous prit de n'avoir rencontré sur notre route personne de contrariant (…)
Barbey d'Aurevilly, le Chevalier des Touches, VII.
C (Relation abstraite d'appropriation). — REM. Dans cette valeur, comme en D., prendre sert à former des expressions verbales pouvant suppléer l'absence de verbe simple; dans ce cas le subst. compl. est souvent privé de déterminant (prendre note : noter, prendre place, etc.).
1 Faire sien (une chose abstraite). || Prendre un nom, un surnom. || Prendre une devise, un insigne. || Prendre pour devise (→ Bon, cit. 94), pour règle. || Prendre une citation dans un ouvrage. ⇒ Extraire, tirer. || Prendre un renseignement, ses renseignements (→ Margoulin, cit. 3). || Prendre l'avis de… qqn. ⇒ Consulter. || Prendre des nouvelles de qqn, à son sujet. || J'ai pris son adresse. || Prendre les ordres, les commandes (cit. 2) de qqn, de lui. || Prendre le mot d'ordre. — ☑ Loc. Prendre conseil (auprès de qqn). ☑ Prendre acte (cit. 13). — Prendre les idées, les habitudes de qqn. ⇒ Adopter (→ Mimétisme, cit. 2). || Prendre les façons (cit. 43), les mœurs d'un pays. || Le perroquet (cit. 2) avait pris sa voix.
50 Le monde aujourd'hui n'est plein (…) que de ces imposteurs qui (…) s'habillent insolemment du premier nom illustre qu'ils s'avisent de prendre.
Molière, l'Avare, V, 5.
51 L'histoire, ainsi que les nations déprédatrices et conquérantes, semble avoir pris pour règle d'équité le mot de Brennus : Væ victis (malheur aux vaincus).
52 Les ambassadeurs qu'on laisse trop longtemps à la même cour prennent les mœurs du pays où ils résident : charmés de vivre au milieu des honneurs (…) ils craignent de laisser passer dans leurs dépêches une vérité qui pourrait amener un changement dans leur position.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, III, II, XII, 1.
53 (…) elle ne vit dans ses yeux que du calme et de la fermeté. Sancha en fut étonnée. « Où cette femme si timide prend-elle tant de courage ? »
Stendhal, Contes et nouvelles, « Le coffre et le revenant ».
♦ (Avec un compl. d'origine). || Prendre une idée quelque part. || Où prends-tu cette audace ? (cit. 17). — Où as-tu pris que cette société est en faillite ?, qui te l'a dit ?
♦ Spécialt. ⇒ Choisir (une date). || Prendre une date, la déterminer. ⇒ Fixer. || Prendre un jour (cit. 51), une heure. — ☑ Loc. Prendre heure avec qqn pour faire qqch. || Prendre (un) rendez-vous.
54 (…) je suis obligé de prendre les rendez-vous qui arrangent mes clients.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, VI, p. 64.
⇒ Considérer. || Nous prenons ce mot entre mille (→ Incisif, cit. 4). || Prenez monsieur Untel, n'est-il pas dans le même cas ? || Prendre un exemple (→ Instinct, cit. 33).
55 Si l'on prend deux œuvres qui sont au début et à la fin de sa carrière d'agitateur, on est frappé de voir qu'il (Lénine) n'a cessé de lutter sans merci contre les formes sentimentales de l'action révolutionnaire.
Camus, l'Homme révolté, p. 280.
2 Évaluer, définir (pour connaître). || Prendre les dimensions, les mesures d'un objet, d'un terrain, d'une personne. ⇒ Mesurer (→ Mètre, cit. 3). — Fig. || Prendre la mesure de qqn (→ Mari, cit. 8). — Prendre la température (→ Laborantin, cit. 1). || Prendre le pouls, la tension d'un malade. — Prendre le diapason (cit. 2). || Prendre le vent (la direction du vent).
56 Comme Pierre se penchait pour prendre son pouls, elle retira sa main d'un mouvement si brusque qu'elle heurta une chaise voisine.
Maupassant, Pierre et Jean, VI.
57 Mieux valait (…) retourner à l'Humanité pour prendre la température de l'après-midi.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 256.
3 Inscrire ou reproduire. || Prendre un double. ⇒ Faire. || Prendre une copie (cit. 1). || Prendre des notes (cit. 23 et 24). || Prendre note (cit. 25) : noter. || Prendre un croquis (→ Gourd, cit. 2). || Prendre le masque (1. Masque, cit. 27) d'un mort. || Prendre des photos (→ Médailler, 2), des instantanés (→ Enregistreur, cit.). || Ce croquis a été pris sur le vif. — REM. Le sens correspond à prise III., A., 4. : prise de vues.
4 (1132, « épouser »). S'adjoindre (une personne). || Prendre une femme, prendre femme (→ Douter, cit. 2; île, cit. 8), prendre un mari (cit. 7). ⇒ Épouser. || Il s'engage à la prendre sans dot (cit. 3). || Prendre un amant (cit. 6), une maîtresse. — (Avec un compl. prépositionnel). || Prendre qqn à son service, à gages. ⇒ Employer, engager (→ Pizza, cit.). || Prendre qqn à l'essai (cit. 7). — (Sans compl. prépositionnel). || On ne prend plus personne (à l'usine). ⇒ Embaucher. || Prendre un gérant, un précepteur, une institutrice (cit. 2), un avocat (→ Invisible, cit. 10), un guide (→ Orienter, cit. 10), un porteur…
58 Car d'hymen, point de nouvelles.
Celle que je prendrais voudrait qu'à sa façon
Je vécusse et non à la mienne.
La Fontaine, Fables, I, 17.
59 Quand les Orientaux prennent femme, ils ne voient qu'après la noce le visage de leur fiancée, qui jusque-là reste voilée devant eux (…)
A. de Musset, Nouvelles, « Fils du Titien », IV.
♦ Prendre qqn pour, comme… : s'adjoindre, se servir de (qqn) en tant que… ⇒ Faire (en faire son). || Consentez-vous à prendre Monsieur X pour époux ? || Il l'avait prise pour ménagère (cit. 11) plutôt que pour femme. || Prendre pour associé. ⇒ Associer (s'), attacher (s'). || Il l'a prise comme secrétaire. || Prendre pour arbitre (1. Arbitre, cit. 3), pour juge (→ Lâche, cit. 13). || Prendre pour modèle (→ Inclination, cit. 3), pour exemple, en exemple. || Prendre pour cible. — REM. En ce sens le complément n'est jamais accompagné d'un déterminant : on ne peut pas non plus, comme dans la langue classique, le faire précéder d'un possessif. Cf. Prendre pour son ambassadeur (cit. 4, Molière).
60 Par où, dites-moi, ai-je mérité cette rigueur désolante ? Je ne crains pas de vous prendre pour juge : qu'ai-je donc fait ?
Laclos, les Liaisons dangereuses, XXIV.
61 Alors Battaincourt m'a pris pour confident, sans crier gare. Il m'a raconté toute sa vie, comme on confie sa fortune à un banquier en lui disant : Occupez-vous de mes affaires, je m'en rapporte à vous.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 215.
♦ Prendre à (dans des loc.). ☑ Prendre qqn à témoin. ☑ Prendre qqn à partie (cit. 21, 22).
5 Prendre pour : croire qu'une personne, une chose est (autre ou autrement). || Prendre une personne pour une autre. → Distinction, cit. 6; gâter, cit. 4. ⇒ Méprendre (se), tromper (se). || On aurait pu le prendre pour son frère jumeau (cit. 1). || On nous prend l'un pour l'autre (→ Gémeau, cit.). ⇒ Confondre. || On le prenait pour un savant. ⇒ Regarder (comme). → Il passait pour… || Pour qui me prenez-vous ? || Tu me prends pour un imbécile ? un menteur ? || Vous me prenez pour une autre. — Des fleurs qu'on prendrait pour des papillons d'or (→ Ajonc, cit. 1). || Ils prirent son laconisme (cit. 1) pour de la bêtise. || Ce que nous prenons pour des vertus (→ Assemblage, cit. 20).
62 (…) je t'avouerai que je n'y entends rien du tout; que je serais bien embarrassé de distinguer une école d'une autre; qu'on me donnerait un Boucher pour un Rubens ou pour un Raphaël; que je prendrais une mauvaise copie pour un sublime original (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 663.
63 Toi ! que j'ai vu grand comme ça, dont le père vendait du drap, me prends-tu pour un nigaud ?
Balzac, les Ressources de Quinola, I, 11.
64 Que de fois il nous est arrivé de prendre Jules pour Edmond, et de continuer avec l'un la conversation commencée avec l'autre !
Th. Gautier, Portraits contemporains, Goncourt.
65 Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des armées, d'Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation.
Dumas, les Trois Mousquetaires, I.
66 Elle commença par dire qu'on la prenait pour ce qu'elle n'était pas et qu'Albert s'était trompé d'adresse (…)
P. Nizan, le Cheval de Troie, I, IV.
67 Si l'astronome s'obstine à prendre pour un lac de la lune le défaut de sa lunette, qu'il change donc de lunette.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 129.
♦ ☑ Loc. Vous me prenez pour une autre, formule par laquelle une femme proteste devant le comportement hardi d'un homme (Cf. Je ne suis pas celle que vous croyez).
67.1 — Monsieur Valentin, vous m'prenez pour une autre.
— Valentin, lui passant les bras autour de la taille. J'vous prends pour moi, méchante.
Henri Monnier, Scènes populaires, t. I, p. 330.
♦ ☑ Loc. prov. (vx). Prendre l'ombre pour le corps. ☑ Prendre son cul pour ses chausses. — ☑ Prendre des vessies pour des lanternes (cit. 8). ☑ Prendre ses désirs (cit. 5) pour des réalités (cf. fam. Croire que c'est arrivé). ☑ Prendre une chose pour argent (cit. 62) comptant. — ☑ Prendre le Pirée pour un nom d'homme, pour un homme (→ La Fontaine, IV, 7) : se tromper grossièrement.
♦ (Avec un adjectif attribut). Vx (langue class.). ⇒ Compter, croire. || Je le prenais pour raisonnable (→ Bon, cit. 126). || Nous prendrions pour certain l'opposé de ce que dirait le menteur (→ Mensonge, cit. 7).
6 Absorber, mettre en soi. || Prendre la nourriture (→ Faim, cit. 8), de la nourriture, un repas (→ Modique, cit. 3). ⇒ Absorber, manger. || Prendre une boisson. ⇒ 1. Boire (cit. 1; et rem.). || Prendre son café (→ Excellentissime, cit.), du lait (→ 1. En, cit. 38), de la soupe (→ Encore, cit. 10). || Prendre un verre. ⇒ Consommer (→ Garçon, cit. 21). — ☑ Fam. Viens, on va prendre un pot, un glass. || Voulez-vous prendre quelque chose ? || Qu'est-ce que vous prenez ? — Prendre une médecine (→ Aller, cit. 15), un remède (→ Difficulté, cit. 16), un cachet. ⇒ Absorber, avaler; prise.
♦ ☑ Fig. Prendre la poudre d'escampette : s'enfuir — Faire prendre qqch. à qqn. ⇒ Administrer. || Prendre un lavement (→ 2. Hâte, cit. 8). || Prendre les eaux (cit. 16.9). — ☑ Prendre l'air (1. Air, cit. 11). → Effarer, cit. 2. || Prendre le frais (1. Frais, cit. 5, 6 et 10). — Par ext. || Prendre un bain, une douche (→ Ambré, cit. 1; parfum, cit. 10).
68 (…) un pauvre bougre qui ne prend que des lavements et des bouillons, qui ribote avec de la tisane et bamboche avec le clysoir.
Flaubert, Correspondance, 74, 10 févr. 1843.
69 Lorsqu'on passait devant, on voyait la porte toujours fermée (…) et un grand chat maigre qui prenait le soleil sur le bord de la fenêtre et vous regardait d'un air méchant.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Secret de Maître Cornille ».
70 S'il était permis de tant dépenser ! Elle n'avait rien pris, le matin, pour en avaler davantage le soir.
Zola, la Terre, II, VII.
70.1 Je la fis asseoir, car elle ne tenait plus sur ses jambes, et je la suppliai de prendre quelque chose, mais elle me dit qu'il lui serait impossible d'absorber pour le moment même une goutte d'eau, et elle claquait des dents.
G. Leroux, le Parfum de la dame en noir, p. 78.
71 (…) entrez donc (…) Vous prendrez bien quelque chose (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XXIV.
72 — Je vais prendre un bain de pieds.
Il trempa son pied droit dans l'eau (…)
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 73.
73 Prenez de l'hémostyle, disait le médecin, ça provient du sang.
Henri Michaux, La nuit remue, p. 146.
7 (Choses; personnes). Subir l'effet de. || Bateau qui prend l'eau; chaussures qui prennent l'eau. ⇒ Imprégner (s'). || Tissus, cheveux, poils qui prennent la teinture, qui retiennent le colorant, se teignent bien. — ☑ Prendre feu, s'enflammer (→ Mazout, cit.). — (Personnes). ⇒ Contracter. || Prendre une maladie (→ Autopsie, cit. 2; inoculer, cit. 1). ⇒ Gagner (iron.). || Prendre du mal (3. Mal, cit. 21). || Prendre les fièvres paludéennes (cit. 2). — Prendre des habitudes (→ Ivrognerie, cit. 2), l'habitude de… (→ Accoutumer, cit. 19; dicter, cit. 3; fainéantise, cit. 1). || Prendre certaines façons au contact de quelque chose. — ☑ Loc. (sans déterminant). Prendre froid (→ Fluxion, cit. 2), mal. ⇒ Attraper.
74 Ne te fâche pas, je vais me refourrer dans le lit. Tu n'auras plus peur que je prenne mal.
Zola, la Bête humaine, XI.
75 À cultiver une terre ingrate, à forcer, à embellir de mauvaises herbes, il avait pris quelque chose de dur qui ne s'accordait guère avec sa douceur.
Cocteau, le Grand Écart, p. 5.
♦ (D'un moteur). || Prendre des tours : tourner plus vite.
D Se mettre à utiliser, à avoir, à être (sans idée d'appropriation durable). Voir rem. en C., ci-dessus (loc. verbales formées avec prendre).
1 a Commencer à mettre sur soi, à utiliser. ⇒ Employer, user, utiliser. — Prendre un manteau. ⇒ Mettre, munir (se). || Il prenait chaque jour un gilet de piqué blanc (→ Fluctuer, cit.). || Prendre des bottes de sept lieues (cit. 1). — ☑ Loc. fig. Prendre des gants (cit. 17) : agir avec délicatesse pour ne pas froisser (qqn). ☑ Prendre le voile (→ Monastère, cit. 3), l'habit (cit. 16 et 19). ⇒ Endosser; prise. — Par ext. ☑ Prendre le deuil (cit. 6) : mettre des vêtements de deuil. — ☑ Prendre la plume. || Je n'ai pas voulu prendre mon papier (cit. 12) à lettres pour t'écrire. — Prendre un siège (→ Approcher, cit. 32; fond, cit. 21) : s'asseoir. ☑ Prendre place (et fig.) : s'installer, se situer. ☑ Prendre le lit (cit. 13) : s'aliter. — ☑ Prendre les armes (→ 1. Jacques, cit. 1; et aussi courir aux armes) : se disposer à combattre. || Quitter son métier pour prendre son fusil (→ Canarder, cit. 3). || Ceux qui prennent le glaive (cit. 2) périront par le glaive. — ☑ Prendre la clef des champs : s'enfuir. ☑ Prendre les rênes. — Mar. || Prendre le vent : présenter les voiles au vent de manière à en utiliser la force (⇒ Navigation).
76 Prends un siège, Cinna, prends, et sur toute chose
Observe exactement la loi que je t'impose (…)
Corneille, Cinna, V, 1.
77 Et je suis tout prêt à faire comme les copains : à prendre un flingot, et à défendre le pays.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 295.
78 (…) Marie, toute à ses pensées, prit le fauteuil, et abandonna sa main à Sammécaud, qui s'assit près d'elle.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIII, p. 211.
♦ Faire usage de (un véhicule). — (Concrètement). || Prendre un train. ⇒ Monter (dans). || Prendre un autre train. ⇒ Changer; correspondance. || C'est mon mari qui a pris la voiture. — (En général). ⇒ Emprunter. || Prendre sa voiture, un taxi. || Prendre la diligence (cit. 8), le train (→ Inspecter, cit. 1), le bateau, l'avion.
79 (…) pour les longs voyages, il est plus simple et plus confortable de prendre le train.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XII, p. 165.
b S'engager dans. ⇒ Emprunter. || Prendre un chemin (cit. 3), le chemin de… || Prendre une route (→ Camp, cit. 8); un défilé, un couloir. ⇒ Enfiler, entrer (dans). — Prendre un tournant (→ Corde, cit. 7), un virage. || Il a mal pris son tournant. — ☑ Prendre la tangente. — ☑ Loc. Prendre le change. ☑ Prendre la porte (→ Ouste, cit. 2). — Prendre la direction (cit. 5) de… — Prendre la mer : se mettre à voyager sur mer. ⇒ Embarquer (s'). → 1. Contrecœur (cit. 2). || Prendre le large (cit. 23 et 24). || Prendre terre, port (vx). ⇒ Débarquer. — (XXe). || Prendre l'air : s'envoler (pour un avion; par métonymie pour les passagers). || « Les navires sont en mesure de quitter les ports à tout instant. Les avions peuvent prendre l'air au premier signal » (le Monde, 7 juin 1964).
80 Salavin se retrouva sur le trottoir de la petite rue Littré (…) Prendrait-il, pour regagner la maison, la rue de Vaugirard, profonde et rapide, ou le boulevard du Montparnasse ?
G. Duhamel, Salavin, V, II.
81 Dès le boulevard traversé, il avait pris la rue Championnet.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, XVII, p. 177.
c User à son gré de… (le compl. désigne une durée, le temps). ☑ Prendre le temps de…, prendre son temps (→ Laisser, cit. 46; médiocre, cit. 7; orphelin, cit. 5). ☑ Prendre du bon temps. ⇒ Amuser (s'). → Aise, cit. 13; libertin, cit. 3. — Théâtre (vx). || Prendre des temps, déclamer en prenant complaisamment son temps.
81.1 (…) Melchior (…) ne déclamait pas, mais (…) il bramait ses vers, tant il allongeait les sons en s'écoutant lui-même. En argot de coulisse, Canalis prenait des temps un peu longuets.
Balzac, Modeste Mignon, Pl., t. I, p. 510.
♦ ☑ Loc. Vx. Prendre lieu (2. Lieu, cit. 40) de… : se donner l'occasion de… — Mod. || Prendre occasion de… ☑ Prendre congé. — Prendre le droit de…, la liberté (cit. 9) de…, des libertés (cit. 10). ⇒ Permettre (se). || Prendre des licences (cit. 10), des privautés (→ Objet, cit. 27). || Prendre la hardiesse (cit. 13) de… — Spécialt. Dans les formules de politesse. || Excusez-moi si je prends la liberté de vous écrire. — ☑ En prendre à son aise.
2 Se mettre à avoir, se donner. || Prendre un air (2. Air, cit. 12), une voix (→ Aigu, cit. 6), un ton (→ Doctoral, cit. 2). ⇒ Adopter, affecter. || Prendre une apparence. || Prendre une attitude, une position, une pose. || Prendre le contrepied (propre et fig.). — ☑ Loc. Prendre appui. ☑ Prendre pied (propre et fig.). — Prendre son élan (→ Bondir, cit. 4), son essor, son vol (→ Hanneton, cit. 1), sa course (→ Incertain, cit. 25), ses ébats. || Prendre une allure rapide. || Prendre le départ. || Prendre de l'exercice. ⇒ Donner (se); pratiquer (→ Neurasthénique, cit. 2; 2. pêche, cit. 5). || Prendre du repos (→ Calmer, cit. 2), son somme (vx). → Chêne, cit. 2. ☑ Prendre une cuite, une sacrée beurrée… : s'enivrer. — ☑ Prendre la parole (cit. 30 et 31) : commencer son discours.
82 Depuis un mois que son mari avait obtenu sa place de sergent de ville, la grande brune prenait des allures cavalières et parlait d'arrêter tout le monde.
Zola, l'Assommoir, VII, t. I, p. 253.
♦ ☑ Prendre ses distances, prendre du recul, du champ, de la hauteur. ☑ Prendre la tête (→ 2. Marche, cit. 22), les devants (cit. 24). || Prendre rang (→ Ordinaire, cit. 4). ☑ Prendre le pas sur… (→ Contraindre, cit. 4) : passer devant (propre et fig.). — ☑ Fig. Prendre le dessus, l'avantage. ⇒ Gagner; ascendant.
♦ Prendre une condition (→ Messie, cit. 1), une profession (→ Jouir, cit. 12). ⇒ Embrasser, entrer (dans). || Prendre sa retraite (→ Obstiner, cit. 1). || Prendre du congé, des vacances. — Commencer à assurer (une fonction). || Prendre la garde (→ Magasin, cit. 2). || Guetteur (cit. 3) qui prend la veille. || Prendre la relève. || Prendre la succession. || Prendre la direction d'une entreprise. || Prendre des contacts (→ Mécontent, cit. 8).
83 (…) je voudrais pourtant bien par moments, comme tout écolier émérite, prendre quelque semaine de congé.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 13 oct. 1851.
♦ (Dans des emplois plus ou moins figés, le compl. étant parfois sans déterminant). — REM. Dans ce type d'emplois, la nominalisation avec prise est relativement fréquente. → Prise. — Prendre contact (cit. 10) avec qqn. || Prendre connaissance de qqch. || Prendre possession de qqch. (→ Dominateur, cit. 1). — Prendre position. ☑ Prendre parti (cit. 14 à 16) : choisir. ☑ Prendre le parti (cit. 13) de…, son parti (cit. 18 à 21) : soutenir. || Prendre la défense de… : défendre (→ Assurer, cit. 25; chamailler, cit. 2). ☑ Prendre fait et cause pour qqn : intervenir en sa faveur. || Prendre une part à (→ 1. Part, cit. 3, 4 et 6). — ☑ Loc. Prendre part. ⇒ Participer. ☑ Prendre des risques : se mettre dans une situation qui peut devenir dangereuse. — Prendre l'engagement de… (→ Liquidateur, cit. 2). || Prendre l'initiative (cit. 2), l'offensive (→ Attaquer, cit. 36). || Prendre une décision (→ Initial, cit. 2). ⇒ Décider. || Prendre une résolution (→ Destin, cit. 16; irrésolu, cit. 2), des dispositions (→ Artillerie, cit. 2), des mesures (cit. 29), des précautions (→ Assertion, cit. 3).
84 En ce moment, ma résolution était prise et rien ne pouvait plus m'en faire changer.
France, le Crime de S. Bonnard, VI, Œ., t. II, p. 473.
♦ Prendre du plaisir, un plaisir extrême (→ Âne, cit. 17), prendre plaisir à… || Prendre intérêt (cit. 21), de l'intérêt (à qqch.). — ☑ Loc. Prendre patience (→ Fortune, cit. 13) : attendre patiemment. ☑ Prendre soin (→ Apostille, cit. 1; corps, cit. 4), du soin à… ⇒ Apporter. ☑ Prendre garde (1. Garde, cit. 35 à 59). ☑ Prendre de la peine (cit. 18 et 19). || Prendre la peine de… (→ Appartenir, cit. 11; 1. gazer, cit. 2). || Prenez la peine d'entrer : veuillez entrer (→ Se donner la peine de…).
85 Prenez la peine de vous asseoir, madame.
Sartre, l'Âge de raison, XV.
3 Commencer à avoir (un mode d'être). ⇒ Acquérir. || Prendre une forme (cit. 2, 19, 37 et 60). || Prendre forme (cit. 8). || Prendre l'aspect (cit. 20 et 22), un aspect (→ Désaffecté, cit. 1), un caractère (→ Organique, cit. 4). ☑ Prendre une bonne ou mauvaise tournure, prendre tournure (→ 2. Meule, cit. 1). || Prendre un tour (→ Mieux, cit. 38). ☑ Prendre le pli. ☑ Prendre une couleur (→ Mimétisme, cit. 1; peler, cit. 2), prendre couleur. || Prendre un mauvais goût. || Prendre une consistance (cit. 4). ☑ Prendre corps. ☑ Prendre racine.
♦ (Personnes). Désignant une action involontaire. Avoir plus de; gagner en. || Prendre du poids; prendre du ventre. ⇒ Gagner (→ fam. Prendre de la brioche, de la bouteille, fig.). || Prendre de l'âge : vieillir. || Prendre du retard, de l'avance. || Prendre de l'altitude, de la vitesse : aller plus haut, plus vite. || Prendre fin (→ Pavoiser, cit. 2). || Prendre de l'importance, du prix (→ Miette, cit. 5), de l'empire (cit. 8) sur…
♦ Acquérir (un caractère abstrait). || Prendre de l'assurance. — ☑ Prendre conscience (cit. 7; → aussi Abord, cit. 9; accuser, cit. 24; capital, cit. 9; désir, cit. 13). ☑ Prendre goût (cit. 27 et 28), y prendre goût. ☑ Prendre peur (cit. 15). ☑ Prendre ombrage (cit. 13).
86 Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle (…)
Racine, Andromaque, I, 1.
87 Julien prenait de l'humeur de ne point se trouver touché de tout cet héroïsme.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XXXIX.
88 (…) son visage osseux, le grand nez busqué, la perspective fuyante du front, et ces boucles blanches, comme poudrées, prenaient du style.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 280.
89 L'affaire prend un tour romanesque.
M. Aymé, la Tête des autres, I, 12.
♦ ☑ Prendre son origine, sa source; prendre naissance : commencer, naître.
———
II V. intr.
1 Durcir, épaissir (le sujet désigne une substance). || Mayonnaise, crème, gelée qui prend. || Le mortier, le plâtre commence à prendre. — Spécialt. ⇒ Geler. || Le lac a pris. || Faire prendre un sorbet.
90 La Tamise prit, ce qui n'arrive pas une fois par siècle, la glace s'y formant difficilement à cause de la secousse de la mer.
Hugo, l'Homme qui rit, I, I, I.
2 Attacher, coller (le sujet désigne une substance). || Aliment qui prend au fond de la casserole. ⇒ Attacher, cramer.
3 (Végétaux). Pousser des racines, continuer sa croissance après transplantation. || Bouture qui prend. ⇒ Raciner, reprendre. || Greffon qui prend bien.
4 (Le sujet désigne le feu). Se mettre à consumer une substance. || Actionner un soufflet pour faire prendre le feu d'un foyer. || Le feu s'éteint, ne prend pas. || Le feu ne prend pas tout seul (→ Pin, cit. 2), prend facilement en forêt (→ Inoffensif, cit. 2). || Le feu prit à la petite cagna (→ Pied, cit. 27).
91 Un de mes amis (…) a mis une fois le feu à une forêt pour voir, disait-il, si le feu prenait avec autant de facilité qu'on l'affirme généralement.
Baudelaire, le Spleen de Paris, IX.
5 Fig. (Sujet n. de chose). Produire son effet, l'effet recherché. ⇒ Marcher, réussir. || Greffe (2. greffe, cit. 2) animale qui prend. || Vaccin qui prend. || La teinture de ce tissu a bien pris. || Coutumes étrangères qui prennent en France. ⇒ Implanter (s'). || C'est une mode qui ne prendra pas.
92 Il faut autant de peine pour faire prendre un nom nouveau, un auteur et son livre, que pour faire réussir les théâtres étrangers (…)
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 701.
♦ (Mil. XXe). Réussir, obtenir le succès désiré. || « Le syndicalisme a du mal à “prendre” dans le transport routier qui emploie de très nombreux artisans » (le Monde, 14 févr. 1975).
♦ ☑ Spécialt. (En parlant de ce qu'on veut faire admettre à qqn). Être cru, accepté. On leur a raconté cela, mais ça n'a pas pris. || Ils nous ont assez menti, ça ne prend plus !
93 Cette affectation de supprimer les distances ne prenait plus auprès des garçons de cette espèce.
F. Mauriac, le Sagouin, p. 12.
94 J'avais beau répéter : « C'est une racine » — ça ne prenait plus.
Sartre, la Nausée, p. 164.
6 (Sujet n. de personne). Se mettre à suivre une direction, un chemin. || Prendre à gauche, sur la gauche, par (cit. 6) un endroit, à travers champs (→ Franc-tireur, cit. 1). || Prenez par ici. || Par où (cit. 62) a-t-elle pris ? || S'il fait laid à droite, je prends à gauche (cit. 10, Montaigne).
95 (…) j'errai dans la ville déserte jusqu'au son des premières cloches; puis, sentant le matin, je pris par les petites rues derrière Chiaia, et je me mis à gravir le Pausilippe au-dessus de la grotte.
Nerval, les Filles du feu, « Octavie ».
7 Commencer (le sujet désigne ce qui suit une direction). || La grand'rue prend devant la gare et va jusqu'à la poste. || L'escalier prenait à gauche (→ Loge, cit. 14). || Une découpe, une pince qui prend à l'épaule et descend jusqu'à la taille.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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se prendre v. pron.
A (Sens passif). Être mis en main. || Objet qui se prend aisément. ⇒ Maniable. || Cela se prend avec les doigts… par le milieu. — Être absorbé. || Médicament qui se prend avant les repas. Être attrapé. || Poisson qui se prend généralement au filet.
96 Il y a des folies qui se prennent comme les maladies contagieuses.
La Rochefoucauld, Maximes, 300.
♦ Être considéré ou employé. || Mot qui se prend dans tel ou tel sens.
B (Sens réfléchi).
1 ☑ Loc. fam. Se prendre par la main : s'entraîner soi-même à faire qqch. || S'il veut terminer ce travail aujourd'hui il peut se prendre par la main ! — Dans le même sens :
97 Chaque jour je me prends par les épaules et me force à une promenade, parfois assez longue.
Gide, Journal, janv. 1944.
2 Se laisser attraper (dans un piège). || Moucheron qui se prend dans une toile d'araignée (cit. 5). — ☑ Fig. Se prendre à son propre jeu (cit. 75).
98 Elle n'eut plus besoin de feindre une sympathie qu'elle éprouvait réellement; et le garçon vint de lui-même se prendre à sa toile et s'y empêtrer avec délices.
F. Mauriac, la Pharisienne, XIII.
♦ Par ext. Être attrapé, coincé comme dans un piège. || Le pied se prit aux houppes (cit. 1) des cordons. || Sa robe s'est prise dans la portière.
3 Vx ou littér. S'attacher, s'accrocher à… || « Il faut se prendre à l'arbre et non pas aux rameaux » (Tristan, in Littré). — Aliment qui se prend au récipient, qui attache. || Ne savoir à quoi se prendre, à quoi recourir. — Fig., littér. S'attacher, s'intéresser vivement à…
99 (…) je ne pouvais me prendre à rien en voyant des choses auxquelles je ne sentais plus mon âme attachée.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 885.
100 (…) dans les efforts que je ne cesse d'accumuler pour me prendre aux choses de la vie.
A. de Gobineau, les Pléiades, II, IX.
4 ☑ S'en prendre à : s'attaquer à, en rendant responsable. ⇒ Incriminer (→ Prendre à partie). — Vx. || Se prendre à qqn (de qqch.). || « C'est ainsi qu'aux flatteurs, on doit partout se prendre Des vices où l'on voit les humains se répandre » (Molière, le Misanthrope, II, 5).
101 Qu'attaquer Rosidor, c'est se prendre à moi-même (…)
Corneille, Clitandre, III, 1.
♦ Il s'en est pris à moi qui n'y étais pour rien. ☑ Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même : il est responsable de ses propres malheurs, il l'a voulu. ☑ Ne savoir à qui s'en prendre : chercher un responsable à incriminer (→ Destinée, cit. 2). || Ne sachant à qui s'en prendre, il s'attaquait (cit. 51) à tout. — S'en prendre à qqch. (→ Marmonner, cit. 3; optimisme, cit. 3).
102 Trouvait-on quelque chose au logis de gâté :
L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage.
La Fontaine, Fables, IX, 17.
103 Le jour où il lui arrivera malheur, il ne pourra s'en prendre qu'à lui-même.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, VI.
5 ☑ Se prendre de… : se mettre à avoir. || Se prendre d'amitié pour qqn. ⇒ Concevoir, éprouver. || Se prendre d'une passion. || Se prendre de querelle avec qqn. — Se prendre de vin, de boisson : s'enivrer.
104 Graslin passait pour s'être pris d'amour.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 559.
105 Félicité se prit d'affection pour eux.
Flaubert, Trois contes, « Un cœur simple », II.
106 (…) il se prenait peu à peu pour elle d'un goût singulier, d'une passion perverse, où son ancienne amitié d'enfant tournait à des raffinements sensuels.
Zola, la Joie de vivre, IV.
6 ☑ Se prendre à… (suivi d'un infinitif). Littér. Se mettre à (généralement de façon inopinée). || Se prendre à rire (→ Âpre, cit. 19), à pleurer amèrement (cit. 1), à geindre (1. Geindre, cit. 1), à réfléchir (→ Camouflage, cit. 1).
107 Elle se prit à tousser, puis elle bâilla, finement.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, IX, I.
108 Et, soudain, parce qu'elle est malade, maman se prend à trembler du menton (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, II, IX.
109 Il se prit à penser que sa piété allait bien à sa paresse (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, I, IX.
7 ☑ S'y prendre, (vx) se prendre à : agir d'une certaine manière en vue d'obtenir un résultat déterminé. ⇒ Agir. || S'y prendre bien, mal, de travers, avec douceur (→ Persuader, cit. 9). ⇒ Procéder. || Je m'y pris maladroitement (cit. 2). ☑ S'y prendre à deux fois, à plusieurs fois : tâtonner, ne pas réussir du premier coup. || En s'y prenant bien, avec de l'adresse (→ Calomnie, cit. 5). || Comment il s'y prend, elle s'y est prise (→ Dénouer, cit. 11). || Elle doit s'y prendre (→ Flirt, cit. 3). ⇒ Faire. || Savoir s'y prendre (→ Malin, cit. 14). || Dites-moi, montrez-moi comment il faut s'y prendre : donnez-moi le procédé, la méthode, la recette, l'exemple.
110 (…) lorsqu'un censeur à contresens m'arracha la plume et me dit que c'était mal se prendre au panégyrique de louer une jeune personne de beauté, parce qu'elle était rousse.
Cyrano de Bergerac, Lettres diverses, Pour une dame rousse.
111 Le renard, ayant mis la peau,
Répétait les leçons que lui donnait son maître.
D'abord il s'y prit mal, puis un peu mieux, puis bien.
Puis enfin, il n'en manqua rien.
La Fontaine, Fables, XII, 9.
112 Jouons à l'attaque de la diligence. Je vais vous montrer comment on s'y prend.
France, le Petit Pierre, XXXI.
113 — Si, mon petit, il faut que je m'en aille. Je ne sais pas où, ni comment je m'y prendrai, ni ce que je dirai, mais il le faut.
Maupassant, Pierre et Jean, VII.
114 (…) les Allemands (…) avec sans doute la consigne (…) de faire souhaiter leur règne, et s'y prenant comme il faut pour cela.
Gide, Journal, 11 déc. 1942.
♦ (Avec une précision de temps). Se mettre à, s'occuper de… || Si vous voulez louer des billets pour ce spectacle, il faut vous y prendre une semaine à l'avance. || Ils s'y sont pris trop tard. — Par plais. || C'est s'y prendre un peu tôt pour radoter (→ Ganache, cit. 4).
115 Il y a une chose qui m'a semblé très farce dans ce qu'il t'a dit, à savoir, l'aveu qu'il travaillait pour la postérité (il est temps qu'il s'y prenne).
Flaubert, Correspondance, 387, 30 avr. - 1er mai 1853.
116 Voilà quinze ans qu'on la voit venir (la guerre). Il fallait s'y prendre à temps pour l'éviter ou pour la gagner.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 75.
8 Se considérer, se juger. ☑ Se prendre au sérieux (→ Diablerie, cit. 5).
♦ ☑ Se prendre pour (suivi d'un nom) : estimer qu'on est. ⇒ Croire (se). || Se prendre pour un héros, un génie (cit. 44), un prophète, un martyr. || Il se prend pour quelqu'un de très fort, pour quelqu'un. — ☑ Fam. Il ne se prend pas pour rien, pas pour une merde : il a une très haute opinion de lui-même. — Péj. || Pour qui se prend-il ? (→ Il ne se mouche pas du pied; fam. Qu'est-ce qu'il se croit !) — REM. Se prendre pour ne s'emploie pas avec un adjectif; toutefois il est usité avec un comparatif : se prendre pour plus malin qu'on n'est.
117 Le docteur, ce jour-là, ne se prenait pas pour de l'eau de bidet.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, VII.
118 La vérité, c'est que vous vous prenez pour des caïds. Vous méprisez vos camarades.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 271.
9 Devenir dur, en parlant d'une substance. → ci-dessus, v. intr. (1.). || Se prendre en caillots. ⇒ Caillebotter (vx), cailler, coaguler.
119 Semblable à ces roches granitiques qui se sont prises en englobant dans leur masse encore liquide des substances étrangères, qui éternellement feront corps avec elles (…)
Renan, l'Avenir de la science, XXIII, Œ. compl., t. III, p. 1117.
♦ Spécialt. ⇒ Geler (cit. 8). || La mer de Norvège se prit. — Par ext. || Le ciel, le temps se prend, se couvre.
C (Sens récipr.).
1 Se saisir, se tenir l'un l'autre. || Se prendre par la main (→ Chœur, cit. 1), le bras, le cou… || Se prendre la main. — ☑ Loc. Se prendre aux cheveux : se quereller.
120 Quand elles se retrouvèrent face à face, sur leurs sièges, elles se prirent les mains, et restèrent ainsi, se regardant et se souriant (…)
Maupassant, Pierre et Jean, VIII.
REM. Cette valeur du verbe correspond aux sens I., A., 3. et 4. de prise.
2 S'ôter l'un à l'autre. || Joueurs qui cherchent à se prendre le ballon.
3 S'unir sexuellement.
121 Prenons-nous. Le meilleur moyen
de s'expliquer sans être dupe,
c'est de s'étreindre, corps à corps.
Paul Géraldy, Toi et Moi, XVII.
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pris, prise [pʀi, pʀiz] p. p. adj.
1 Occupé. || Cette place est-elle prise ? Non, elle est libre. || Tout est pris. || Je regrette de ne pouvoir vous engager, la place est déjà prise, pourvue. || Avoir les mains prises, occupées à tenir quelque chose. — Occupé, utilisé, en parlant du temps. || Matinée prise par deux rendez-vous. || Tout mon samedi est pris. — Par ext. (Personnes). Qui a des occupations. || Le médecin est pris jusqu'à 5 heures. || Je suis prise toute la journée. — Je suis très pris, cette semaine. ⇒ Occupé.
122 Simone semblait fort ennuyée. La lettre était d'un jeune homme auquel elle avait promis pour le soir. Elle remit à madame Bron un billet griffonné : Pas possible ce soir, mon chéri, je suis prise. Mais elle restait inquiète; ce jeune homme allait peut-être l'attendre quand même.
Zola, Nana, V.
123 Il avait sa journée prise, des tas de rendez-vous importants et il s'est dérangé pour me porter secours.
Sartre, l'Âge de raison, VIII.
2 Subitement affecté (de…). || Être pris de fièvre, de peur, de panique… prise de fou rire. || Pris de vin, de boisson, ivre.
124 Sans jamais être absolument ivre, il était presque toujours pris de vin (…)
Rousseau, les Confessions, III.
125 Le maréchal de Villars (…) alla faire sa cour au roi de Sardaigne, tellement pris de vin, qu'il ne pouvait se soutenir, et qu'il tomba à terre. Dans cet état, il n'avait pourtant pas perdu la tête, et il dit au roi : Me voilà porté tout naturellement aux pieds de votre Majesté.
Chamfort, Caractères et anecdotes, « Jambes et tête du maréchal de Villars ».
126 Et Pauline, oubliée, les regardait toujours, prise d'une rage sombre (…)
Zola, la Joie de vivre, IV.
3 Atteint d'une affection. || Avoir le nez pris, la gorge prise, le nez, la gorge enflammés. || Un seul poumon est pris. || La gangrène s'est déclarée, le jarret s'est trouvé pris (→ Dessous, cit. 14).
127 (…) le père a été pris par les jambes, une paralysie assez fréquente dans nos villages (…)
Zola, la Joie de vivre, IV.
4 Fam. (d'une femme). || Prise : enceinte.
128 Au début de mai, elle avait compris sans erreur possible que cette fois elle était prise. De qui ? Pierre ou Lamberdesc ?
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XXII.
5 (Personnes). Amoureux. ⇒ Épris. || Il est bien pris.
129 (…) il regardait comme une insulte qu'on continuât à lui parler de quelque autre; Maurice S. le croit sérieusement pris.
Gide, Journal, 8 mai 1905.
6 Bien pris : beau, bien fait, bien proportionné, en parlant du corps humain. || Une taille aisée (cit. 1) et bien prise. || Buste (cit. 4) bien pris.
130 Enver monte en wagon; il est de taille bien prise et de démarche très assurée (…)
Gide, Journal, 1914, Marche turque, Koniah.
7 (Choses). Durci, coagulé. || Crème bien prise. ⇒ Dur. — Spécialt. Gelé. || La rivière est prise (→ Geler, cit. 12; hyperboréen, cit. 1).
131 Vers minuit, la boue avait déjà durci, les flaques d'eau étaient prises (…)
Th. Gautier, Voyage en Russie, I, XXI.
132 C'était ma mère elle-même (…) qui, quand le lait était pris, faisait les petits fromages, ces jonchées du pays d'Arles (…)
F. Mistral, Mes origines, Mémoires et récits, X.
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CONTR. Lâcher. — Jeter. — Abandonner, écarter, laisser, quitter, rejeter, renvoyer. — Donner, offrir. — Perdre.
DÉR. Prenable, prenant, preneur, prise.
Encyclopédie Universelle. 2012.