diable [ djabl ] n. m. I ♦
1 ♦ Un, des diables. Démon, personnage représentant le mal, dans la tradition populaire chrétienne. Oreilles pointues, cornes, pieds fourchus, longue queue des diables, souvent de couleur rouge, dans l'iconographie populaire. Gesticulations, grimaces, ricanements, cris des diables. Petit diable. ⇒ diablotin. « Le Diable boiteux », roman de Lesage. Loc. Crier comme un diable, très fort.
2 ♦ Le diable : le prince des démons ou des diables. ⇒ démon; diabolique. « Le Diable et le Bon Dieu », pièce de J.-P. Sartre. « Nous nous efforçons de croire que tout ce qu'il y a de mauvais sur la terre vient du diable » (A. Gide). Chasser le diable (⇒ exorciser) .
♢ Loc. Ne connaître, ne craindre ni Dieu ni diable. Signer un pacte avec le diable. Donner, vendre son âme au diable : compromettre son salut par une action immorale. Se faire l'avocat du diable. Avoir le diable au corps : faire le mal avec assurance; déployer une activité passionnée, une énergie, une vivacité surhumaines. Spécialt (sur le plan érotique) « Le Diable au corps », roman de Radiguet. La beauté du diable. — Faire le diable à quatre (par allusion aux diableries à quatre personnages) :faire beaucoup de bruit; se démener pour obtenir ou empêcher qqch. S'agiter, se démener comme un (beau) diable, avec une énergie extrême. Fam. S'agiter comme un diable dans un bénitier.
♢ Tirer le diable par la queue : avoir peine à vivre avec de maigres ressources (cf. Ne pas pouvoir joindre les deux bouts).
♢ C'est, ce serait bien le diable si... : ce serait bien étonnant, extraordinaire si... « C'est bien le diable si je ne trouve pas dans ce village un bistrot où je pourrais casser la croûte » (Romains).
♢ C'est le diable : voilà l'ennui, la difficulté. « Eh bien, c'est le diable pour y arriver » (A. Daudet). — Ce n'est pas le diable : ce n'est pas difficile (cf. Ce n'est pas sorcier).
♢ Vx ou plaisant Que le diable l'emporte, se dit de qqn dont on veut se débarrasser. — Le diable m'emporte si..., serment qui renforce l'idée exprimée. Le diable m'emporte si j'y comprends un mot : je n'y comprends rien.
3 ♦ Fig. AU DIABLE : très loin. Habiter au diable. Demeurer, être situé au diable vauvert (allusion au château de Vauvert qui passait pour être hanté par le diable), ou cour. au diable vert. « C'est dans le territoire de Reillanne, au diable vert » (Giono ). — Envoyer qqn au diable, à tous les diables, aux cinq cents diables, le renvoyer, le repousser avec colère, impatience ou dureté. ⇒ rabrouer, rebuter, fam. rembarrer (cf. Envoyer paître, promener). Allez au diable ! Ellipt Au diable les importuns !
♢ À LA DIABLE : sans soin, de façon désordonnée. Travail fait à la diable, bâclé. « je passai, à la diable, un affreux petit examen nommé baccalauréat » (France). « enfants élevés à la diable » (Madelin).
♢ DU DIABLE; DE TOUS LES DIABLES : extrême, excessif. Il fait un froid, un vent du diable. Un vacarme de tous les diables. Se donner un mal du diable (cf. D'enfer).
♢ EN DIABLE : très, terriblement. Il est paresseux en diable. « la lettre, affectueuse, point trop familière, et spirituelle en diable » (Aymé).
4 ♦ Interj. Exclamation qui marque la surprise, l'étonnement admiratif ou indigné. ⇒ diantre. Diable ! C'est un peu cher. Où diable est-il caché ? — Que diable... « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » (Molière). « Eh ! je n'en mourrai pas, que diable ! » (Colette).
II ♦ (v. 1100) Fig. Personne, chose que l'on compare à un diable.
1 ♦ Vx Personne méchante, dangereuse comme un diable. « quelque diable fit une satire cruelle sur Madame » (Saint-Simon).
2 ♦ Mod. Enfant vif, emporté, turbulent, insupportable. ⇒ diablotin. « Un bon petit diable », livre de la comtesse de Ségur. Adj. Il est bien diable, un peu diable. ⇒ turbulent.
3 ♦ (En bonne part) Un PAUVRE DIABLE : homme malheureux, pauvre, pitoyable. ⇒ malheureux, misérable. « toute une bande de pauvres diables en train de piocher dans les thurnes [chambres] » (Romains).
♢ Un bon diable : un brave homme. ⇒ bougre. — Un grand diable.
4 ♦ DIABLE DE(valeur d'adj.). Bizarre, singulier ou mauvais. ⇒ drôle. Un diable d'homme. Une diable d'affaire. « cette diable de fille-là » (Mérimée).
III ♦
1 ♦ (1764) Petit chariot à deux roues qui sert à transporter des caisses, des sacs, etc. « Des diables à la gare de Dunkerque, des wagonnets à Lens, des chariots à Anzin, j'ai fait que ça toute ma vie » (Sartre).
2 ♦ Filet fixe pour pêcher le hareng l'hiver.
3 ♦ (1835) Jouet formé d'une boîte, de laquelle surgit, grâce à un ressort, un petit diable.
4 ♦ Ustensile de cuisine formé de deux poêlons en terre poreuse pour cuire les aliments sans addition d'eau ni de matières grasses.
5 ♦ (1552) Diable de mer. ⇒ baudroie, scorpène.
● diable nom masculin (latin ecclésiastique diabolus, du grec diabolos, calomniateur) L'esprit du mal, le démon (s'écrit parfois avec une majuscule pour désigner Satan). Démon, dans la théologie judéo-chrétienne, représenté dans les traditions populaires avec des oreilles pointues et une queue fourchue ; mauvais génie en général. Familier. Enfant turbulent, insupportable. S'emploie après qui, que, comment, combien, pourquoi, avec la valeur d'insistance de donc : Qui diable a pu vous dire cela ? Manutention et stockage Petit chariot à bras, à deux roues, servant au transport de lourds fardeaux. Équipements ménagers Ustensile formé de deux poêlons en terre, l'un servant de couvercle à l'autre, et permettant de cuire certains aliments sans addition de liquide. Pêche Filet fixe servant pour la capture des harengs et des sprats. Sylviculture Synonyme de triqueballe. Zoologie Nom commun à de nombreux animaux tenus pour effrayants ou nuisibles : diable de mer (mante, baudroie, chabot), diable des palétuviers, des savanes (espèces d'ani), diable de Tasmanie (mammifère marsupial carnassier au pelage noir rayé de blanc). ● diable (citations) nom masculin (latin ecclésiastique diabolus, du grec diabolos, calomniateur) Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 […] Avec Dieu, ce qu'il y a de terrible, c'est qu'on ne sait jamais si ce n'est pas un coup du diable… L'Alouette, l'archevêque La Table Ronde Paul, dit Tristan Bernard Besançon 1866-Paris 1947 C'est Dieu qui a créé le monde, mais c'est le Diable qui le fait vivre. Contes, Répliques et Bons Mots Livre-Club du Libraire Louis Jacques Napoléon, dit Aloysius Bertrand Ceva, Piémont, 1807-Paris 1841 Le diable existe […] On le voit partout comme je vous vois. C'est pour lui épiler mieux la barbe que les miroirs de poche ont été inventés. Gaspard de la Nuit Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 Les dieux existent : c'est le diable. La Machine infernale Grasset Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 S'il y a cent mille damnés pour un sauvé, le diable a toujours l'avantage sans avoir abandonné son fils à la mort. Addition aux Pensées philosophiques Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Il ne faut jamais penser au bonheur ; cela attire le diable, car c'est lui qui a inventé cette idée-là pour faire enrager le genre humain. Correspondance, à Louise Colet, 1853 Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 […] Le diable s'est toujours mis du côté des savants. Le Jardin d'Épicure Calmann-Lévy Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre Angoulême 1492-Odos, Bigorre, 1549 Les hommes recouvrent leur diable du plus bel ange qu'ils peuvent trouver. L'Heptaméron Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre Angoulême 1492-Odos, Bigorre, 1549 Le pire diable chasse le moindre. L'Heptaméron Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 On est le Diable, on ne le devient point. Jadis et naguère, Don Juan pipé Messein Bible Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le Diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Épîtres de saint Pierre, Ire, V, 8 Robert Burton Lindley, Leicestershire, 1577-Oxford 1640 Là où Dieu a un temple, le diable aura une chapelle. Where God hath a temple, the Devil will have a chapel. The Anatomy of Melancholy, III Heinrich von Kleist Francfort-sur-l'Oder 1777-Wannsee, près de Berlin, 1811 Nous avons beaucoup d'écrits au style mordant, où l'on se refuse à convenir qu'il existe un dieu. Mais nul athée, autant que je sache, n'a réfuté de façon probante l'existence du diable. Man hat viel beißend abgefaßte Schriften, Die, daß ein Gott sei, nicht gestehen wollen ; Jedoch den Teufel hat, soviel ich weiß, Kein Atheist noch bündig wegbewiesen. La Cruche cassée Ramiro de Maeztu Vitoria, Álava, 1874-Aravaca, près de Madrid, 1936 Le diable est diable parce qu'il se croit bon. El diablo es diablo porque se cree bueno. La crisis del humanismo, I, La herejía alemana Frédéric Mistral Maillane, Bouches-du-Rhône, 1830-Maillane, Bouches-du-Rhône, 1914 Bon d'être charitable, mais il vaut mieux tuer le diable que, par excès de vertu, te laisser tuer par lui. Bon d'èstre caritable, Mai vau mai tia lou diable Que, pèr trop de vertu, S'éu te tuavo tu. Les Olivades Poul Martin Møller Uldum, près de Vejle, 1794-Copenhague1838 Un diable est impensable ; car il répugne au bon sens d'admettre un diable qui sache pertinemment ce qu'est le mal et qui veuille néanmoins le mal. Pensées détachées Oswald Spengler Blankenburg, Harz, 1880-Munich 1936 On a senti le diable dans la machine et on n'a pas tort. Elle signifie, aux yeux d'un croyant, que Dieu est détrôné. Man hat die Maschine als teufliche empfunden und mit Recht. Sie bedeutet in den Augen eines Glaubigen die Absetzung Gottes. Le Déclin de l'Occident ● diable (difficultés) nom masculin (latin ecclésiastique diabolus, du grec diabolos, calomniateur) Emploi La forme féminine de diable est diablesse, mais on peut employer diable au féminin dans : une diable de femme, de fille. « Voilà une jolie fille, mais quelles grandes diables de mains rouges ! »(V. Hugo). Orthographe 1. Diable, toujours avec une minuscule, même quand le mot désigne Satan : le diable en personne présidait le sabbat. 2. Au diable Vauvert (avec une majuscule à Vauvert) = très loin. Remarque L'expression passe pour être issue du nom du château de Vauvert, éloigné du centre de Paris, théâtre supposé d'apparitions diaboliques. Cette hypothèse, bien que plausible, est loin d'être certaine, et la tournure au diable vert, longtemps tenue pour une corruption populaire de au diable Vauvert, pourrait tout au contraire être à l'origine de l'expression (vert jouant ici comme un renforcement expressif de diable). Au diable Vauvert est consacré par l'usage ; on ne peut pour autant tenir au diable vert pour fautif. ● diable (expressions) nom masculin (latin ecclésiastique diabolus, du grec diabolos, calomniateur) Familier. À moins que le diable ne s'en mêle, sauf accident extraordinaire. Familier. Aller au diable, à tous les diables, aller très loin, disparaître tout à fait. Au diable, au diable vauvert ou, familièrement, au diable vert, très loin. Au diable quelque chose, quelqu'un, le diable soit de quelqu'un, de quelque chose, se dit lorsqu'on renonce à quelque chose, à quelqu'un ou qu'on les maudit : Au diable le travail. Avoir le diable au corps, manifester une grande énergie, de la vivacité ; faire le mal sciemment ; être pris d'une passion amoureuse violente. Beauté du diable, charme irrésistible de quelqu'un qui suscite la tentation. Bon diable, personne sympathique, facile à vivre. Ce n'est pas le diable, c'est facile. C'est le diable, c'est ce qui est difficile, ennuyeux. Ce serait bien le diable si…, il serait surprenant que… Familier. Comme un (beau) diable, en s'agitant, en mettant en œuvre toute son énergie. Diable !, marque la surprise, l'admiration, l'inquiétude, etc. Diable de, désigne quelqu'un, quelque chose de singulier, dont on peut tout attendre : Ce diable d'homme me surprendra toujours. Du diable, de tous les diables, excessif, extrême. Du diable si…, se dit lorsqu'on doute que quelque chose se réalise. En diable, extrêmement, très. Envoyer au diable, à tous les diables, aux cinq cents diables, maudire, chasser avec impatience ou colère, envoyer promener. Faire le diable à quatre, faire beaucoup de bruit, de désordre ; s'emporter violemment ; se démener en vue d'obtenir quelque chose. Grand diable, homme grand et dégingandé. Pauvre diable, homme qui est dans une situation difficile. Quand le diable y serait, s'en mêlerait, quels que puissent être les obstacles. Que diable !, marque l'exaspération ou l'encouragement. (Que) le diable l'emporte !, se dit de quelqu'un ou de quelque chose dont on veut se débarrasser. (Que) le diable m'emporte !, marque la surprise, l'impuissance, l'exaspération. Tirer le diable par la queue, avoir la plus grande peine à trouver les ressources nécessaires pour vivre. Vendre son âme au diable, signer un pacte avec le diable, sacrifier une valeur morale essentielle pour obtenir quelque chose. Tables du diable, expression populaire désignant les dolmens. Herbe au diable, nom usuel du datura. Diables bleus, surnom donné par les Allemands en 1914-1918 aux chasseurs français. ● diable (synonymes) nom masculin (latin ecclésiastique diabolus, du grec diabolos, calomniateur) L'esprit du mal, le démon (s'écrit parfois avec une majuscule...
Synonymes :
- démon
- le malin
Familier. Enfant turbulent, insupportable.
Synonymes :
Diable !
Synonymes :
- diantre ! (littéraire)
Diable de
Synonymes :
- drôle de
Grand diable
Synonymes :
- gaillard
Pauvre diable
Synonymes :
- bougre
Synonymes :
- Sylviculture. triqueballe
● diable
adjectif
Qui est tapageur, turbulent, infernal : Les enfants sont très diables.
● diable
nom féminin
À la diable, très mal, sans soin : Être coiffé à la diable ; se dit d'un mode de cuisson des volailles qui sont aplaties et grillées et que l'on sert avec une sauce à l'échalote (sauce diable).
● diable (synonymes)
adjectif
Qui est tapageur, turbulent, infernal
Synonymes :
- infernal
- polisson
- terrible
Contraires :
- discipliné
- sage
● diable (expressions)
nom féminin
À la diable, très mal, sans soin : Être coiffé à la diable ; se dit d'un mode de cuisson des volailles qui sont aplaties et grillées et que l'on sert avec une sauce à l'échalote (sauce diable).
Diable
n. m. et Interj.
rI./r
d1./d Démon, ange déchu voué au mal.
— Absol. Le Diable: Satan.
|| Représentation traditionnelle d'un démon caractérisé par des oreilles pointues, de petites cornes, des pieds fourchus et une longue queue.
|| Loc. prov. et Fam. La beauté du diable: la beauté, la fraîcheur de la jeunesse.
— Avoir le diable au corps: être turbulent, emporté ou très déréglé dans sa conduite.
|| Ce n'est pas le diable: c'est peu de chose, ce n'est pas bien pénible.
— Ce serait bien le diable si: ce serait fort étonnant si.
|| Ne croire ni à Dieu ni à diable: ne croire à rien.
|| Se débattre, remuer comme un (beau) diable: remuer beaucoup, en déployant une grande vigueur.
|| (Québec) Mener le diable: faire du tapage; chercher chicane à qqn.
|| Tirer le diable par la queue: avoir des difficultés financières.
|| Loc. adv. à la diable: vite et mal. S'habiller à la diable.
|| Au diable, au diable vauvert: très loin. Il habite au diable.
— Envoyer qqn au diable, à tous les diables, le chasser, le repousser sans ménagement.
— (Dans une tournure exclamative.) Qu'il aille au diable! Au diable l'avarice!
|| En diable: extrêmement. Elle est séduisante en diable.
— (Québec) être en diable: être furieux.
|| Loc. adj. Diable de (exprimant le mécontentement, la surprise, etc.). Un diable d'homme.
|| Du diable. Avoir un esprit du diable, de tous les diables: avoir beaucoup d'esprit. Il fait un vent du diable, très violent.
d2./d Un petit diable: un enfant espiègle et turbulent.
d3./d (Avec une épithète.) Personne, individu. Un bon diable: un brave homme.
— Un grand diable: un homme de grande taille, dégingandé.
— Un pauvre diable: un miséreux.
rII./r (Objets)
d1./d Petite figure de diable, montée sur un ressort, qui surgit d'une boîte à l'ouverture. Surgir comme un diable d'une boîte.
d2./d TECH Chariot à deux roues servant à transporter des objets lourds.
rIII/r (Animaux) Diable de mer: raie cornue.
— Diable de Tasmanie: V. sarcophile.
rIV./r Interj. (Marquant la surprise, l'admiration, le mécontentement, le doute, l'inquiétude, etc.) Diable, c'est loin!
|| Que diable! (Renforçant une exclamation, une interrogation.) Défendez-vous, que diable!
————————
Diable
(île du) une des trois îles du Salut (Guyane franç.), où fut détenu Alfred Dreyfus (1895-1899).
I.
⇒DIABLE1, subst. masc.
I.— [Selon les croyances (judéo-)chrétiennes et dans la tradition pop., le diable comme être spirituel] Esprit, principe du mal. Anton. Dieu. « Dargelos, que penses-tu du diable? » — « Le diable? C'est les défauts de Dieu » (COCTEAU, Fin Potomak, 1940, p. 117) :
• 1. ... nous voyons dans la cosmogonie ou genese des Hébreux deux principes, l'un appelé Dieu, qui fait le bien, (...) et après lui vient un autre principe, appelé démon ou diable, et Satan, qui corrompt le bien qu'a fait le premier, et qui introduit le mal, la mort et le péché dans l'univers.
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 86.
A.— THÉOLOGIE
1. Rare, au sing. ou au plur. Ange révolté contre Dieu, déchu et précipité en Enfer, qui pousse les humains à faire le mal. Synon. plus fréq. démon (cf. ange I B). S'il est souvent question des anges dans l'Évangile, il est encore plus souvent question des diables et de Satan (P. LEROUX, Humanité, t. 2, 1840, p. 855).
2. Au sing. Le Diable ou le diable. Le prince des anges déchus. Synon. Belzébuth, le démon, Lucifer, Satan :
• 2. Tout en unissant les anges déchus au diable, leur chef, tant pour la chute que pour la punition, il [saint Augustin] en parle souvent séparément, ...
Théol. cath., t. 4, 1, 1920, p. 368
Rem. Diable est peu employé dans le vocab. théologique.
B.— Cour. Être surnaturel rusé, personnification du mal, s'opposant à Dieu, auquel la tradition populaire prête un aspect repoussant (corps noir et velu, muni d'une queue, avec des cornes sur la tête, des pieds fourchus), mais se donnant parfois une apparence avenante ou séduisante pour entraîner plus sûrement les hommes au mal, au péché. Elle [Renée] pâlissait à l'idée du diable et de ses chaudières (ZOLA, Curée, 1872, p. 421) :
• 3. ... on croit au diable! Ah! mais pas au diable ordinaire, à celui-là en justaucorps écarlate avec sa grande queue et ses cornes, pas même à celui de Dostoiewski, le petit homme bedonnant à giletière.
GIONO, L'Eau vive, 1943, p. 29.
SYNT. Les cornes, les oreilles pointues, la longue queue du diable; les artifices, les ruses du diable; la puissance, les pouvoirs du diable; une tentation du diable; craindre, invoquer le(s) diable(s); les diables de l'Enfer; les supplices des diables en Enfer; chasser les diables; malin, méchant, rusé comme le/un diable; jurer, pester comme un diable.
— P. méton. Figuration, représentation du diable. Charles X a fait couper les têtes de diables du portail (MICHELET, Journal, 1833, p. 112).
C.— Loc. et expr.
1. [P. réf. aux caractères surnaturels ou aux traits de merveilleux attribués au diable; la notion relig. ou magique étant présente]
a) [Le diable en tant qu'objet d'une croyance] Les adorateurs du diable.
— Ne croire ni à Dieu ni à diable. Ne croire en rien. Il ne croyait, le bon bougre, ni à Dieu ni à diable (VERLAINE, Œuvres complètes, t. 4, Mes hôp., 1891, p. 354).
— Brûler une chandelle au diable (vieilli). ,,Flatter un pouvoir injuste pour en obtenir quelque chose`` (Ac. 1835, 1878).
b) [Le diable muni d'un pouvoir de contre-Dieu]
— Être possédé du diable. Être livré corps et âme au pouvoir du diable. Depuis deux ans vous êtes possédée du diable (CUREL, Nouv. Idole, 1899, II, 1, p. 191).
— Faire, conclure, signer un pacte avec le diable; donner, vendre son âme au diable. Conclure avec le diable un pacte selon lequel il accorde certains privilèges pendant la vie terrestre en échange de la vie éternelle (v. âme ex. 21).
— Avocat du diable. RELIG. [Lorsqu'il s'agit de canoniser un bienheureux] Celui qui plaide contre la personne défunte pour prouver qu'il n'y a rien d'extraordinaire dans tout ce qu'elle a fait. P. ext., lang. cour. Celui qui, en vue de chercher la vérité, par jeu ou par tempérament, défend la cause contraire à celle qui vient d'être soutenue devant lui (v. avocat ex. 7).
— En partic., fam. [Dans un serment, pour renforcer l'idée exprimée, ou pour exprimer l'étonnement, l'irritation]
♦ De par le diable! de par tous les diables! Je n'en ferai rien, de par tous les diables (Ac. 1835-1932).
♦ Du diable si..., au diable si... Au diable si l'on m'y attrape (Ac. 1835-1932). Du diable si je sais maintenant pour qui et pour quoi je me battais (HUGO, M. Tudor, 1833, journ. 1, 2, p. 17).
♦ (Que) le diable m'emporte, me brûle (vous emporte, vous brûle) si... (Que) le diable m'emporte! Le diable m'emporte si je sais ce que ton maître veut me dire... Je ne comprends rien à sa lettre (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 5, 1859, p. 139). Le diable vous emporte de partir trop tôt! (RENARD, Journal, 1904, p. 910). [En parlant de qqc. ou de qqn dont on voudrait se débarrasser] — Le diable l'emporte, votre Cercle du château d'Eau (...) En deux mois M. Georges a laissé plus de trente mille francs chez vous (A. DAUDET, Fromont jeune, 1874, p. 141).
— [Dans un juron] De par le diable! de par tous les diables!
— [Le diable en tant qu'intervenant dans le destin des grands pécheurs pour les emmener en Enfer] Ne craindre ni Dieu(,) ni diable. Agir sans crainte, sans être retenu par quelque règle, quelque loi ou quelque scrupule; ne reculer devant rien, n'avoir peur de rien.
c) [Le diable en tant qu'il a des facultés, des pouvoirs très étendus; p. réf. à ses attributs supranaturels tels que la puissance et la connaissance]
— Le diable ne lui ferait pas faire telle chose. Il est impossible de lui faire faire telle chose. Le diable ne lui ferait pas lâcher prise (Ac. 1835-1932).
— Quand le diable y serait. Bien que cela soit incroyable, difficile ou impossible. Mais vous avez eu tort, mon fils, de mettre les cinquante pucelles du roi Hercules dans votre affaire où, quand le diable y serait, je n'en vois qu'une (FRANCE, Contes Tournebroche, 1908, p. 10).
— Le diable n'y verrait goutte. C'est une chose difficile à comprendre, à éclaircir. L'affaire est maintenant si embrouillée que le diable n'y verrait goutte (Ac. 1835-1932).
— [En parlant d'une chose qu'on ne comprend pas, qu'on ne s'explique pas] Le diable sait... Allé chez Daune. Fait rougir sa femme, le diable sait pourquoi (BARB. D'AUREV., 1er Memor., 1837, p. 130). Très souvent, Madame rentrait en retard, venant le diable sait d'où (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 236).
— P. plaisant. Le diable y perdrait son latin. Laissez-la donc, dit Vaucorbeil, rien d'étonnant, après tout! une hystérique! le diable y perdrait son latin! (FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 76).
2. [P. réf. à l'apparence physique que la tradition pop. prête au diable]
a) [Le diable en tant qu'être difforme et laid]
— Être noir comme le diable. Être d'un noir très sombre. Synon. noir comme du charbon, comme de l'encre. Ses cheveux, [du Grand-Serin] ses sourcils, ses cils, tout cela est noir comme le diable (COLETTE, La Vagabonde, 1910, p. 104).
— Faire une mine du diable. Faire triste mine. Le lendemain de la bataille, (...) les généraux avaient aussi des figures riantes! Aujourd'hui, tous font des mines du diable... (ERCKM.-CHATR., Conscrit 1813, 1864, p. 194).
— Tirer le diable par la queue (fam.). Vivre dans la gêne, avec très peu de ressources. Nous allons, en attendant, continuer à tirer le diable par la queue et nous aurons, dès la fin du mois, le plus grand mal à joindre les deux bouts (DUHAMEL, Le Notaire Havre, 1933, p. 106).
— Avoir la queue du diable dans sa poche (fam.). Être dans le besoin, être sans argent. Synon. avoir le diable dans sa bourse (cf. infra 3 b). Me voilà, à deux heures du matin, loin de chez moi, lâché par les rues, affamé, gelé, et la queue du diable dans ma poche (A. DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p. 57).
— Il mangerait le diable et ses cornes (vieilli). Il est affamé au point de manger n'importe quoi; il est un grand mangeur (cf. Ac. 1835-1932).
b) [Le diable en tant qu'il peut se donner une apparence séduisante]
— Proverbe, vieilli. Le diable était beau quand il était jeune. ,,La jeunesse a toujours quelque chose d'agréable même dans les personnes les plus laides`` (Ac. 1835, 1878).
— La beauté du diable. La beauté, l'attrait que donne la jeunesse à une femme qui n'est ni belle ni laide. Il y a dans la jeunesse littéraire, comme dans la jeunesse physique, une certaine beauté du diable qui fait pardonner bien des imperfections (BAUDEL., Art romant., 1867, p. 566).
3. [P. réf. aux attributs moraux, aux pouvoirs, aux attitudes que la tradition pop. prête au diable, la notion relig. étant absente ou peu marquée]
a) [Le diable en tant qu'il est malfaisant]
— Proverbe, vieilli. Il vaut mieux tuer le diable que le diable vous tue. ,,Dans le cas de défense personnelle, il vaut mieux tuer son ennemi, que de s'en laisser tuer`` (Ac. 1835, 1878).
— Le diable s'en mêle. Dès l'instant que le diable s'en mêle, il n'y a plus de gentillesse qui tienne (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 928).
— [Avec l'idée de difficulté] Le diable c'est de + inf. (que + subj.). Le diable, c'est lorsqu'il faut exprimer des idées inconnues aux Florentins du XVe siècle (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., 1817, p. 151).
b) [Le diable étant conçu à l'image de la condition humaine]
♦ Proverbe. Quand le diable devient vieux il se fait ermite.
— [En tant que symbole de malheur, de malchance]
♦ Proverbe. Le diable n'est pas toujours à la porte d'un pauvre homme. Une personne malheureuse ne reste pas continuellement dans l'adversité :
• 4. Je sais que t'as eu de grands malheurs [le bagne], (...) mais le diable n'est pas toujours à la porte d'un pauvre homme, et si tu veux, je puis te faire gagner quelque chose.
VIDOCQ, Mémoires de Vidocq, t. 3, 1828-29, p. 105.
♦ Fam. Avoir, loger le diable dans sa bourse. Être sans le sou. Fanny-Beaupré s'était levée, et le jeune clerc, (...) n'osa pas se retirer en disant que sa bourse logeait le diable (BALZAC, Début vie, 1842, p. 462).
— [En tant que symbole de la ruse ou de la contradiction]
♦ Proverbe, vieilli. [P. réf. à St Jean 8, 44] Les menteurs sont les enfants du diable (cf. Ac. 1835, 1878).
♦ Le diable bat sa femme et marie sa fille. ,,Se dit quand il pleut et qu'il fait soleil en même temps`` (Ac. 1835-1932).
c) [Diable a un contenu intensif ou hyperbolique, parfois valorisant]
) [Avec l'idée dominante d'énergie, de vivacité ou de désordre, de complication]
— [P. réf. à Méphisto, symbole de l'activité débordante]
♦ Une activité du diable. Une activité fébrile, très intense. Il faut le voir [Margaillan] sur ses chantiers, au milieu de ses bâtisses : une activité du diable (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 171).
♦ Avoir le diable au corps (cf. corps II B 2 a et II B 3).
♦ Se donner au diable. ,,Se dit lorsqu'on se donne beaucoup de mal, beaucoup de mouvement et de peine pour quelque chose``. (Ac. 1932 Certes, la chose est aisée, et il ne faut pas se donner au diable pour la faire (Ac. 1932).
— [P. allus. à l'attitude attribuée au diable en présence d'eau bénite] Se débattre, se démener, s'agiter comme un diable au fond d'un/dans un bénitier; p. ell. se débattre, gesticuler comme un (beau) diable. S'agiter beaucoup, être mal à son aise, s'efforcer de sortir d'une situation désagréable (v. bénitier ex. 4). Au fig. Et bien, cet insatiable Opéra-Comique (...) faisait des efforts du diable pour attirer le public, et le public se sauvait comme un beau diable (H. BERLIOZ, Grotesques mus., 1869, p. 110) :
• 5. Celui qu'on surnommait « le terrible vieillard » [Luigi Savone] faisait depuis des années figure de diable dans le bénitier des cours européennes. Il avait débuté dans la vie comme un apôtre et montré par la suite qu'il avait aussi l'étoffe d'un aventurier de grande envergure.
GIONO, Bonheur fou, 1957, p. 15.
— [P. réf. aux diableries (à quatre personnages) au cours desquelles les diables s'agitaient frénétiquement] Se battre comme des diables. Faire le diable à quatre, faire le diable. Faire beaucoup de bruit, causer beaucoup de désordre. C'est un demi-sang [son cheval] (...) très-méchant, en ce qu'il fait le diable quand il ne la voit pas tous les jours à son heure (FEUILLET, Scènes et prov., 1851, p. 322). P. ext. Se dépenser beaucoup pour quelque chose. Il a fait le diable à quatre pour l'obtenir, pour l'empêcher (Ac. 1835, 1878).
♦ Emploi subst. Le diable à quatre. Personnage très turbulent, agité. Couturat, l'enfant, le diable à quatre, le collégien, le faiseur de bulles de savon, l'enleveur des chaises sous le séant des gens (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 15).
) [Avec l'idée d'excès, de quantité excessive]
— [P. réf. à l'idée d'activité débordante, cf. supra ] Subst. + du diable/de tous les diables (de l'Enfer)
♦ [En parlant de bruit, de désordre] Un barouf, un boucan, un charivari, un potin, un raffut, un tapage, un vacarme du diable. La première division a profité de l'inattention directoriale pour se livrer à un sabbat de tous les diables; on entend des tapes de règles sur des mains, des gloussements de gamines qu'on pince (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 36). Au fig. Un raffut de tous les diables autour du « Tour de France » cycliste, sur lequel, (...), tout l'univers aurait les yeux fixés. « Le plus important du monde » (GIDE, Journal, 1942, p. 109) :
• 6. Mais dès qu'il s'agit, dans leurs inventions littéraires [de nos auteurs dramatiques], d'un adultère, cela devient une affaire de tous les diables et comme si le cas était pendable au premier chef.
SAINTE-BEUVE, Les Cahiers, 1969, p. 133.
♦ [En parlant d'un attribut humain, d'un comportement, en partic. de la peur] Une frousse, une peur, une trouille du diable, de tous les diables; avoir un esprit de tous les diables. Il faut un toupet de tous les diables pour entreprendre le buste d'un individu aussi dangereux (BLOY, Journal, 1904, p. 242). Se donner un mal du diable. Se donner beaucoup de mal. Elle [madame Sidonie] colportait ainsi des dossiers au fond de son panier pendant des semaines, se donnant un mal du diable (ZOLA, Curée, 1872, p. 71). Je me donne un mal de cinq cents diables pour mon bouquin (FLAUB., Corresp., 1874, p. 223).
♦ [En parlant d'un fait, d'un événement pénible, fâcheux] Une difficulté du diable; une pluie, un vent du diable. Débarrassez-moi de tous ces grands messieurs-là, qui me font une dépense de tous les diables et qui mettent ma maison sens dessus dessous (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 355). Il y a là une gorge qui souffle un froid du diable en ce pays (ZOLA, Contes Ninon, 1864, p. 200).
♦ Emploi subst. masc. ou fém. dans une loc. à valeur d'adj. Un(e) diable de + subst. [En parlant d'une chose, d'un événement, d'une pers.] Qui est fâcheux, difficile, irritant ou simplement remarquable ou curieux. Une diable de pluie, un diable de vent (Ac.). Quelle diable d'anecdote viens-tu me conter là! Si tu crois que je te crois! (HUGO, Travaill. mer, 1866, p. 420). Ce diable de chameau tanguait comme une frégate (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p. 118). Vous auriez ri de voir les petits châtelains tourner autour de ses jupes, (...), avec (...), leurs pantalons collants, et leurs diables de bottines pointues (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1535) :
• 7. C'est un diable d'homme assez bizarre, grand, sec, à nez crochu, sanglé, botté, coiffé haut, qui se déhanche en marchant avec des airs d'acrobate et une certaine mine de mauvais sujet.
FROMENTIN, Un Été dans le Sahara, 1857, p. 92.
— [Diable impliquant l'idée de valeur]
♦ Ne pas valoir le diable. N'avoir aucune valeur, aucun intérêt. L'ouvrage du solitaire de la Trappe ne vaut pas le diable (CHATEAUBR., Rancé, 1844, p. 200). En d'humides tabacs ne valant pas le diable (LAFORGUE, Poés., 1887, p. 167).
♦ Ne pas gagner le diable. Gagner peu (d'argent). C'est bon de servir la police, c'est juste; mais aussi on ne gagne pas le diable (...) il y a deux ou trois affaires que je reluque (VIDOCQ, Mém., t. 3, 1828-29, p. 30).
♦ Ce n'est pas le diable. C'est peu de chose; ce n'est pas difficile. Réussir à cet examen ce n'est pas le diable (ROB.). Quoi? que voulez-vous dire? ... Que vous êtes notaire impérial, (...) Eh bien, après... notaire, voilà-t-il pas le diable (LABICHE, Major Cravachon, 1844, p. 220).
) [Avec l'idée de distance, p. réf. à la profondeur insondable de l'enfer]
— Aller, demeurer, être, habiter au diable, au diable Vauvert, ou diable (au) vert. Excessivement loin. Aller se faire casser les os, Dieu sait où, au diable au vert (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 222). Ce verger où il va, (...) c'est dans le territoire de Reillanne, au diable vert, mais il l'a eu pour un morceau de pain (GIONO, Colline, 1929, p. 48). Le cheminot habitait au diable vauvert (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 105). Sa femme est aux mille diables, en province (ANOUILH, Répét., 1950, III, p. 88).
Rem. Ac. indique que les tournures au diable au vert et au diable vert sont abusives.
— S'en aller au diable, à tous les diables. S'en aller très loin, disparaître. Mon chapeau, emporté par le vent, s'en est allé à tous les diables (Ac.). P. ext. Échouer. Synon. tomber à l'eau. Je crains bien que mon mariage ne s'en aille à tous les diables (Ac.).
— [En parlant de qqc. ou de qqn qu'on souhaiterait voir disparaître] Envoyer au diable, ou, sous la forme exclam. va, allez au diable!, p. ell. au diable! Va au diable avec tes histoires! Au diable tout cela! Le cœur se rouille. Dérouillons-le. Et pour cela envoyons au diable les rancunes (BERNANOS, Lettres inéd., 1906, p. 1737). Oh! qu'il aille au diable avec son mulet! C'en est trop (CLAUDEL, Raviss. Scapin, 1952, préf., p. 1331).
d) Loc. adv.
) En diable. Extrêmement, excessivement. Mentir en diable. Cette eau de vie est forte en diable (Ac. 1835). Romagnesi que j'ai vu ainsi que sa femme, grosse mère appétissante encore, coquette en diable et observatrice (BARB. D'AUREV., 1er Memor., 1837, p. 121).
) À la diable. À la manière du diable.
— En toute hâte, à la va-vite. Je ne sais comment m'excuser du « mal fichu » de cette lettre écrite à la diable et d'arrache-pied (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 105). Oh celui-ci est un zozo [le directeur de la Sûreté Générale], embauché à la diable, et qui ne connaît rien à la question (L. DAUDET, Médée, 1935, p. 128).
— D'une manière désordonnée, négligée. Les cheveux noués à la diable, de beaux cheveux épais et noirs, mais qu'on devinait peu brossés (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Duchoux, 1887, p. 702). Une chemise lavée à la diable par un brosseur (GONCOURT, Journal, 1888, p. 790).
— CUIS. [P. réf. au feu de l'enfer] Mode de préparation d'une viande cuite au gril, servie avec une sauce très épicée à base de vin blanc et de vinaigre. Ce sont surtout les volailles que l'on cuit à la diable, c'est-à-dire en les aplatissant après les avoir fendues sur le dos, en les grillant, puis en les saupoudrant de chapelure blanche dorée ensuite sur le gril (Ac. Gastr. 1962).
e) Interj. et loc. interj., fam., vieilli. [Avec l'idée (affaiblie) d'appel à la puissance du diable, ou pour prendre à témoin le diable en tant qu'être supranaturel]
) Diable! [Pour appuyer vivement une déclaration, pour marquer la surprise, l'admiration, la perplexité, l'irritation, etc.] Diable! comme vous y allez! Diable! cela devient sérieux. Diable! Il se fait tard... Il faut rentrer... Adieu (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 452). Diable! dit-elle, voilà la peur qui me galope. Je n'ose plus, je n'ose plus (HALÉVY, Mar. d'am., 1881, p. 188).
) Que diable! [Employé tantôt pour marquer la surprise, tantôt pour souligner énergiquement une affirmation] Que diable! vous avez peur? (Ac.). « La vie n'est pas un roman », que diable!... (A. DAUDET, Jack, t. 2, 1876, p. 102) :
• 8. Il [le professeur de philosophie du lycée] aimait à prouver l'existence de Dieu, (...) Il lui fallait de l'attention. Que diable! voulait-on qu'il prouvât l'existence de Dieu, oui ou non!
VALLÈS, Jacques Vingtras, L'Enfant, 1879, p. 33.
) [Après des interrogatifs (combien, comment, où, pourquoi, quand, que, qui, quoi), marquant la perplexité, l'incertitude] Comment diable vais-je m'y prendre? À quoi diable s'amuse-t-il? (Ac.). Qui diable a pu lui conseiller de venir ici? (BALZAC, A. Savarus, 1842, p. 20). My dear major, pourquoi diable mêler à ces questions vos sentiments personnels? (MAUROIS, Silences Bramble, 1918, p. 31).
Rem. Diable apparaît en outre dans diverses loc. interj. plus ou moins vivantes, marquant l'emportement (v. dieu, 2e section II B 3 b). Mille millions de diables! Que j'enrage! Tenez, voilà les courriers de Trebbio qui arrivent (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, V, 5, p. 264). Cornes du diable et nombril du Pape! beugla le Tyran, je me contenterais d'un brouet lacédémonien s'il était servi sur l'heure! (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 63). Il le ferait, nom d'un diable! Il ne se laisserait pas noyer! (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 172).
II.— Autres sens, diable dans l'ordre naturel.
A.— [Désigne des pers.; p. réf. aux caractères attribués au diable]
1. [Gén. en mauvaise part] Personne qui a la ruse, la méchanceté, la violence ou les vices attribués au diable. Ne vous y trompez pas; cet oncle vénérable Avant le mariage était un rusé diable (AUGIER, Gabrielle, 1850, I, p. 3). Mademoiselle de Trécœur, cet ancien diable incarné, allait prendre le voile (FEUILLET, J. de Trécœur, 1872, p. 53). Cette petite infanterie [les chasseurs de Vincennes] est terrible, au siège de Rome ils mordaient à l'assaut comme des furieux; ces gamins sont des diables (HUGO, Hist. crime, 1877, p. 95). Un vrai diable, cette Abeline, mon aînée d'un an ou deux, et toujours prête à me taquiner (ARÈNE, Veine d'argile, 1896, p. 60).
— [En constr. d'attribut, avec valeur d'adj.] Au fig., vieilli. Il n'est pas si diable qu'il est noir. ,,Cet homme n'est pas si méchant qu'il le paraît`` (Ac. 1835, 1878). Le prince n'est pas si diable qu'il est noir, et je ne le crains guère (SAND, Ctesse de Rudolstadt, t. 2, 1844, p. 28).
Rem. On rencontre ds la docum. un emploi de diable au fém. Elle accoucha en plein champ par un matin de printemps. Quand les sarcleuses, accourues à son aide, virent la bête qui lui sortait du corps, elles s'enfuirent en poussant des cris. Et le bruit se répandit dans la contrée qu'elle avait mis au monde un démon. C'est depuis ce temps qu'on l'appelle « la diable » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Mère aux monstres, 1883, p. 369).
2. [Gén. en bonne part] Personne (en particulier enfant) turbulente, espiègle ou malicieuse. Un bon petit diable. En voyant entrer, à la place du petit diable turbulent qu'elle attendait, ce grand garçon pâle, (...), Mademoiselle joignit les mains (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 760).
— Emploi adj. Marie et Geneviève grandissent, et sont étonnamment diables (MALLARMÉ, Corresp., 1867, p. 243). J'espère que vos petites-filles sont venues à Carabanchel... Je les voudrais bien diables pour vous faire enrager et vous distraire toute la journée (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, t. 1, 1870, p. 17).
3. Expressions
a) [Marquant gén. la sympathie mêlée d'indulgence]
— Un pauvre diable. Un pauvre homme; un homme misérable, qui inspire la pitié. Synon. un pauvre bougre. Les curieux s'étaient dispersés peu à peu; la lumière d'un réverbère, dans la brume, n'éclairait plus que Dingley et trois pauvres diables marqués de misère et de vice (THARAUD, Dingley, 1906, p. 13) :
• 9. C'était un pauvre diable sans âge bien défini comme on en voit au moins un dans chaque village, haillonneux, hirsute, l'œil naïf et rusé tout ensemble.
SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 28.
♦ Un pauvre diable de + subst. désignant une pers. Une idée de hasard, volée à un autre par un pauvre diable d'auteur prêt à défendre indifféremment le pour et le contre (GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des « Confessions », 1948, préf., p. 283).
— Un bon diable. Un brave homme sans méchanceté; un homme sympathique, de commerce facile. Giraud avec sa figure de bon diable (GONCOURT, Journal, 1865, p. 181). Décidément les poètes sont de bons diables : ils élèvent les enfants des autres (FLAUB., Corresp., 1874, p. 196).
♦ Emploi en attribut avec valeur d'adj. Mais Schmit était assez bon diable et assez bon compagnon (STENDHAL, Souv. égotisme, 1832, p. 69). Je suis bon diable, je sors de bonne volonté!... mais pour revenir... (LABICHE, Un jeune homme pressé, 1848, 1, p. 342).
Rem. On rencontre aussi, dans des cont. négatifs, méchant diable, mauvais diable. Même sens. Je ne suis pas un méchant diable; je suis un bon garçon... Mon Dieu! j'ai des défauts... Mais quoi! c'est la preuve qu'on a un bon cœur (FEUILLET, Rom. homme pauvre, 1858, p. 269).
b) [Sans connotation affective] Un grand diable. Un homme de très grande taille, dégingandé. J'ai vu cinq ou six grands diables en bérets, mines rougeaudes, figures basses et féroces, comme celles des assassins de Goudeloup (A. DAUDET, R. Helmont, 1874, p. 7). Gaure avait cinquante-cinq ans. C'était un grand diable moustachu, bilieux, la face d'un Gaulois (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 71).
♦ Un grand diable de + subst. désignant une pers. Deux grands diables de Provençaux (LOTI, Matelot, 1893, p. 35). Des grands diables de chasseurs aux rutilants uniformes de colonels poméraniens (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 843).
4. Spéc., arg. milit. (1re Guerre Mondiale). Les diables bleus. Les chasseurs alpins (en raison de leur énergie, de leur vivacité et de la couleur de leur uniforme). Le père C..., (...), parle (...) avec tendresse, de son cher bataillon de chasseurs, de ses « diables bleus » (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 93).
B.— [Désigne certains animaux en raison de leur aspect hideux, de leur couleur noire, de leur cri, etc.]
1. Variété de cigale (cf. Ac.).
2. Singe du genre atèle. Diable des bois (Lar. 19e).
3. Oiseau nocturne de la Guadeloupe. Elles [les laves] ont des oiseaux qui leur sont propres, et (...) ceux appelés diables y habitent, comme dans le volcan de la Guadeloupe (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 237).
4. Baudroie; grande raie. Il [M. Chabre] venait d'amener un poisson étrange, un diable de mer, qui le terrifiait (ZOLA, Coquill. M. Chabre, 1884, p. 293). Baudroie commune (...) appelée aussi (...) Diable (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p. 190).
C.— [Désigne des choses]
1. [P. réf. à l'apparence attribuée au diable]
a) JEUX. Jouet formé d'une boîte, de laquelle surgit une figuration du diable montée sur un ressort lorsqu'on libère le couvercle. Un homme sortit du tonneau, comme ces diables à boudin qui se dressent du fond des boîtes (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 1). Saillissant comme un diable cornu du fond d'une boîte à ressorts, ce drac se redressa d'un seul jet (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 230).
b) PHYS., vx. Ludion dont l'aspect rappelle celui du diable. Diables cartésiens. Un diable [est] constitué par un cylindre fixe hérissé intérieurement de pointes et à l'intérieur duquel tourne un autre cylindre (...) également armé de pointes (H. DE GRAFFIGNY, Industr. caoutch., 1928, p. 185).
2. [P. réf. au feu de l'enfer] CUIS. Casserole double en terre poreuse dont une moitié sert de couvercle à l'autre, utilisée pour cuire à l'étouffée (d'apr. Ac. Gastr. 1962).
3. [Avec l'idée de bruit; cf. supra loc. un bruit, un vacarme du diable]
a) JEUX, vieilli. Bobine formée de deux boules creuses, percées chacune d'un trou dans un sens opposé, qui produit un ronflement bruyant lorsqu'on la fait rouler rapidement sur une corde faiblement tendue (v. diabolo1). En ce dimanche de la Toussaint, il y avait partout liberté de jouer au volant ou au diable, égalité dans les farandoles et fraternité devant les tréteaux (MORAND, P. de Saligny, 1947, p. 121).
b) MÉD., vx. Bruit de diable. Bruit vasculaire, à timbre bas, audible au stéthoscope, se produisant dans la jugulaire interne (d'apr. GARNIER-DEL. 1958).
4. [P. réf. aux méfaits du diable; cf. aussi avoir des idées noires] Les diables bleus (vx). Accès de mélancolie. Tristesse au cœur. Horizons noirs. Sentiment de l'incurable, de l'impossible. (...). Assiégé par mes diables bleus (AMIEL, Journal, 1866, p. 275) :
• 10. ... quand vous recevrez une de mes lettres, vous la jetterez au feu sans l'ouvrir, sûre que c'est un grenier de diables bleus et le plus ample magasin de mélancolie qui soit au monde.
BALZAC, Lettres à l'Étrangère, t. 1, 1850, p. 412.
Rem. On rencontre ds la docum. les diminutifs a) Diableteau, diableton, diabletot, subst. masc. Petit diable, jeune (enfant du) diable. Un petit monstre à tête de Dieu ou de diabletot (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 184). Les petits diables arrachaient le chaume. Le laboureur battit son blé (...) le porta au marché pour le vendre. Les diableteaux firent de même (FRANCE, Rabelais, 1924, p. 200). Il arrive des fois qu'il [le diable] s'ennuie et il dit à ses diabletons :« Prenez des palets » (RAMUZ, Derborence, 1934, p. 19) ainsi que la tournure diabletot de + subst. « C'est la maison du passé, c'est la maison du passé », chantonne ce diabletot de clavecin (MILOSZ, op. cit., p. 125). Les dict. enregistrent aussi la forme diabloteau. b) Diablon, subst. masc. ) Petit diable. Il [Olivier] sautait dans son lit comme un diablon (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 184). ) Mar. Petite voile trapézoïdale qui se hisse au-dessus du diablotin (cf. diablotin rem.). Attesté ds la plupart des dict., qui attestent aussi la forme diablot, même sens.
Prononc. et Orth. :[]; [] post. reproduit un a long du lat. médiév. Comparez avec [a] ant. du suff. -able. BARBEAU-RODHE 1930, Pt ROB., WARN. 1968 et Lar. Lang. fr. transcrivent []. Mais PASSY 1914 en admettant [] ou [a] dans diable et dans ses dérivés révèle la tendance à prononcer [a]. Le timbre ant. est donné ds DG, DUB. et Pt Lar. 1968. En ce qui concerne les dérivés la prononc. normale est [a] ant. puisque la syll. ne se trouve plus sous l'accent. Lorsque [] post. est maintenu c'est p. anal. avec diable (notamment dans le fém. diablesse). De toute façon plus ou s'éloigne de l'accent moins l'on a de chance de rencontrer [] (diaboliquement), de même lorsque le sens du dérivé s'éloigne du sens de diable. Pour MART. Comment prononce 1913, p. 35 l'a dans les dérivés peut être ant. et d'apr. KAMM. 1964, p. 97 la prononc. par post. ne peut être qu'emphatique. Le tableau ci-dessous est significatif. Il comprend les dict. mod. donnant [] post. dans diable et rend compte de leur attitude dans les dérivés :
Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. 881 [ms. IXe s.] diaule « le démon » (Séquence de Ste Eulalie ds HENRY Chrestomathie, pp. 3, 4); fin Xe s. diable (Passion de Clermont, éd. d'A. S. Avalle, 102); 2. ca 1100 fig. vos estes vifs diables (Roland, éd. J. Bédier, 746); 1611 un povre diable (COTGR.); 3. 1220-25 adj. (G. DE CAMBRAI, Barlaam et Josaphat, 7074 ds T.-L.); 1692 ce chat, le plus diable des chats (LA FONTAINE, Fables, éd. Régnier, livre II, La ligue des rats, 27); 4. a) mil. XIIe s. interj. Porquoi deable? (Le Charroi de Nîmes, éd. A. Mac Millan, 1304); b) début XIIIe s. dyable de barel (Chevalier au barisel, éd. F. Lecoy, 474); ca mil. XIIIe s. il a le dëable el cors (De la damiselle qui ne vot encuser son ami ds MÉON, Nouv. Rec., II, 134); 1694 tirer le diable par la queue (Ac.); c) 1665 sévère en diable (MOLIÈRE, L'amour médecin, II, III); 1735 elle est en coëffe à la diable (J.-B. GRESSET, Le caresme impromptu et le lutrin vivant ds Trév. Suppl. 1752). B. 1. 1552 diable de mer (R. Estienne d'apr. FEW. t. 3, 64b); 2. 1764 « levier » et « chariot » (Encyclop.); 3. 1835 le jeu du diable [cf. diabolo1] (Ac.). Empr. au lat. chrét. diabolus « diable » empr. au gr. « calomniateur », « diable » [ds la litt. chrétienne].
STAT. — Diable1 et 2. Fréq. abs. littér. :6 145. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 9 657, b) 12 249; XXe s. : a) 9 025, b) 5 900.
DÉR. Diablement, adv., fam. En diable (cf. diable1 I C 3 d), excessivement, extrêmement. Synon. bougrement, diantrement, drôlement, terriblement. Cette petite dame avait, sous la pression de son désespoir, envoyé sa puissance vitale dans ses poignets. — Il en faut diablement pour rompre une barre de fer forgé... (BALZAC, Splend. et mis., 1847, p. 503). Le bourreau m'a toujours fait l'effet d'un guerrier diablement large d'épaules (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 281). Je vous fiche mon billet qu'à vingt ans, elle était diablement belle (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 908). Rare. En grand nombre, beaucoup. À propos de curé, (...), j'en ai diablement vu en Syrie et en Palestine. Nous avons vu des capucins, des carmélites, etc. (FLAUB., Corresp., 1850, p. 245). — [] ou [dja-]. Cf. diable. Ds Ac. 1694-1932. — 1re attest. XVIe s deablement (Brut, Maz. 1860, f° 16 v° ds GDF. Compl.); de diable, suff. -ment2. — Fréq. abs. littér. : 106.
BBG. — ARICKX (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, n° 3, p. 125. — BARBIER (P.). Noms de poissons. R. Lang. rom. 1915, t. 58, pp. 301-302. — GALL. 1955, p. 182. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — HASSELROT 1957, p. 211 (s.v. diableteau). — LEW. 1960, p. 319, 331 (s.v. diableteau); p. 330, 331 (s.v. diabloton). — MILNER (M.). Le Diable dans la litt. fr., de Cazotte à Baudelaire. Paris, 1960, 622 + 573 p. — ORR (J.). ,,The Devil a bit``. Mod. Lang. R. 1952, t. 47, pp. 546-550. — PALGAIROLLE (P.). Une anc. loc. proverbiale. Revue du Midi. 1911, n° 3, pp. 129-141. — QUEM. Fichier. — ROBERT (I.). Vox populi. Déf. Lang. fr. 1973, n° 66, p. 21. — ROG. 1965, p. 102, 179, 180. — STEFENELLI (A.). Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache. Wien, 1967. — TOURNEMILLE (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1955, pp. 2-3; 326-328. — WIND 1928, p. 17.
II.
⇒DIABLE2, subst. masc.
A.— Petit chariot à deux roues basses, que l'on pousse, utilisé surtout dans les entrepôts pour le transport des sacs, des caisses, etc. Les cris de ceux qui poussaient sur des diables des ballots monstrueux dans les pieds pressés des passants (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 318). Nous charrierons au petit galop (...) des cageots de choux-fleurs entassés sur un diable des Halles, pousse-pousse pour affamés de race blanche (H. BAZIN, Mort pt cheval, 1949, p. 123).
B.— Chariot à deux roues, que l'on tire, utilisé sur les chantiers pour transporter de gros fardeaux : pierres, bois de charpente, etc. Synon. éfourceau. Le diable est composé d'un essieu monté sur deux roues et muni d'une flèche (CHABAT t. 1 1875).
Prononc. et Orth. Prononc. : cf. diable1. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. Cf. diable1.
diable [djɑbl] n. m.
ÉTYM. Fin Xe; diaule, 881; du lat. ecclés. diabolus, du grec diabolos, proprt « calomniateur », de diaballein « attaquer, accuser ».
❖
———
1 Démon, personnage représentant le mal dans la tradition populaire chrétienne. || Les diables sont des anges déchus, révoltés contre Dieu.
REM. Diable est peu utilisé dans les vocabulaires philosophique et théologique qui emploient démon.
♦ Les diables dans l'iconographie populaire ont des oreilles pointues, des cornes, des ailes, des pieds fourchus, une longue queue. || L'expression féroce ou sarcastique, le visage repoussant des diables. || Les diables des mystères médiévaux (⇒ Diablerie). || Gesticulations, grimaces, ricanements, cris des diables. || Les diables, symboles des vices, de la méchanceté, de la malice, de la ruse, d'un pouvoir néfaste et surnaturel. || Petit diable. ⇒ Diableteau, diablotin. || Le Diable boiteux, roman de Lesage. || Le Diable à l'hôtel, roman d'É. Henriot.
1 La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
La Fontaine, Fables, VII, 1.
♦ ☑ Loc. Crier comme un diable, très fort. || Malin, rusé, méchant comme un diable. || Noir comme le diable.
2 Le diable : le prince des démons ou des diables. → argot (vx) Le boulanger. || Du diable. ⇒ Diabolique. || Le diable tenta Adam et Ève sous la forme d'un serpent. || Être possédé du diable. || Chasser le diable (⇒ Exorciser). || Qui rappelle le diable. ⇒ Diabolique, endiablé. || Le Diable et le Bon Dieu, pièce de J.-P. Sartre. || Croire au diable. || Pactiser (cit. 1) avec le diable. || Le culte du diable. || Adorateur du diable.
2 Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera.
Bible (Segond), 1re Épître de Pierre, V, 8.
3 C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Au lecteur ».
4 (…) le mal est indispensable au bien et le diable nécessaire à la beauté morale du monde.
France, le Jardin d'Épicure, p. 71.
5 Nous nous efforçons de croire que tout ce qu'il y a de mauvais sur la terre vient du diable; mais c'est parce qu'autrement nous ne trouverions pas en nous la force de pardonner à Dieu.
Gide, les Faux-monnayeurs, III, 18, p. 499.
♦ ☑ Loc. Ne connaître, ne craindre ni Dieu ni diable. ☑ Ne croire (cit. 60) ni à Dieu ni à diable. ⇒ Mécréant. ☑ Signer un pacte avec le diable. || Sorcier qui tient son pouvoir d'un pacte avec le diable. ☑ Donner, vendre son âme au diable. || Faust vendit son âme au diable.
5.1 Bien qu'il fût devenu le bras droit de mon camarade, Petr, en dehors de ses heures de travail, refusait de se passionner pour les rouages de la société de consommation contrairement à mon ami qui, comme un homme qui aurait vendu son âme au diable, ne pouvait s'empêcher de revenir constamment sur l'utilisation criminelle que cette société était parvenue à faire de lui.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 512.
♦ Se donner au diable. ☑ Se faire l'avocat du diable.
♦ ☑ (Mil. XIIIe). Avoir le diable au corps : faire le mal avec assurance, et, fig., déployer une activité passionnée, une énergie, une vivacité surhumaines. ⇒ Enragé (être enragé). || Le Diable au corps, roman de Radiguet; film de Cl. Autant-Lara. — ☑ Vx. Avoir le diable dans le ventre (même sens).
6 (…) point enivré de sa jeunesse, comme le sont tous les jeunes gens, qui semblent avoir le diable au corps (…)
Mme de Sévigné, 1451, 29 mars 1696.
7 Je n'ai jamais rien vu de si méchant que ce maudit vieillard, et je pense, sauf correction, qu'il a le diable au corps.
Molière, l'Avare, I, 3.
♦ ☑ (1596, in D. D. L.). Faire le diable à quatre (par allus. aux diableries à quatre personnages) : faire beaucoup de bruit, de remue-ménage, et, fig., se démener pour obtenir ou empêcher quelque chose. ☑ Se démener, s'agiter comme un diable dans un bénitier (cit. 2 et 3), comme un beau diable.
8 La petite Fadette dansait très bien; il l'avait vue gambiller dans les champs ou sur le bord des chemins, avec les pâtours, et elle s'y démenait comme un petit diable, si vivement qu'on avait peine à la suivre en mesure.
G. Sand, la Petite Fadette, XIV, p. 102.
9 Je me vois encore dans ma chaire, me débattant comme un beau diable, au milieu des cris, des pleurs, des grognements, des sifflements (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, IX, p. 111.
♦ ☑ La beauté du diable. || La Beauté du diable, film de R. Clair inspiré par la légende de Faust.
♦ ☑ Vieilli. Ne pas valoir le diable : ne rien valoir.
10 (…) Les femmes enfin ne valent pas le diable.
Molière, le Dépit amoureux, IV, 2.
♦ ☑ Prov. Quand le diable devient vieux il se fait ermite : celui qui a mené une vie dissipée rentre dans la bonne voie lorsqu'il a passé l'âge des plaisirs.
11 (…) devenir quelqu'un de posé dans son hameau, dans sa paroisse — marguillier après avoir été rouleur de mer; vieux diable, se faire bon ermite, bien tranquille (…)
Loti, Mon frère Yves, LXVIII, p. 162.
♦ ☑ Prov. Le diable n'est pas toujours à la porte d'un pauvre homme : on ne reste pas continuellement dans le malheur.
♦ ☑ Loc. Du diable, de tous les diables, comme tous les diables : extrême, excessif, terrible. || Il fait un froid, un vent de tous les diables. || Se donner un mal du diable. || Avoir une peur, une faim du diable. || Un bruit, un vacarme de tous les diables.
12 — Voilà une justice bien injuste. — Elle est sévère comme tous les diables (…)
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, III, 2.
13 Il fait un froid de tous les diables.
A. de Musset, Lorenzaccio, I, 1.
13.1 Madame Astiné devait avoir un tempérament de tous les diables (…)
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 86.
♦ Du diable, du Diable (dans des désignations de choses naturelles). || Herbe, pomme du diable : datura. — La dent du Diable (nom de rocher, de montagne).
♦ ☑ Aller le diable : aller vite (→ Aller, cit. 61).
♦ ☑ (1665). En diable : très, terriblement. ⇒ Diablement. || Il est paresseux en diable. || Avoir de l'esprit en diable.
14 La justice en ce pays-ci est rigoureuse en diable contre cette sorte de crime.
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, II, 10.
14.1 Il imagina la lettre, affectueuse, point trop familière, et spirituelle en diable.
M. Aymé, Maison basse, p. 15.
♦ ☑ (1735). À la diable : sans soin, de façon désordonnée; à la va-vite. || Travail fait à la diable, bâclé, négligé. || Chronique écrite à la diable (→ Outrance, cit. 2).
15 Sur mes seize ans je passai, à la diable, un affreux petit examen nommé baccalauréat (…)
France, la Vie en fleur, XII.
16 (…) la dissolution même de la famille faisait que les enfants, élevés à la diable, avaient désappris le chemin des études (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Le Consulat, XI, p. 175.
16.1 (…) elle avait, après s'être beaucoup défendue, fait l'amour avec lui, mais si vite, à la diable, dans l'affolement de la séparation, les yeux sur la pendule, qu'elle ne savait pas, troublés comme ils étaient, si elle avait ou non perdu sa virginité.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 36.
♦ Volaille à la diable, grillée, servie avec une sauce épicée à base de vin blanc et de vinaigre.
♦ ☑ C'est le diable qui bat sa femme et marie sa fille, se dit lorsqu'il pleut et fait soleil en même temps. Cf. la variante d'auteur :
16.2 (les) cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant.
Apollinaire, Alcools, p. 101.
♦ ☑ Avoir l'air de porter le diable en terre : avoir l'air triste et désolé. Dans le même sens : ☑ Faire une mine du diable.
17 (…) elle avait eu un air de porter le diable en terre, toute droite, figée, avec une voix triste dans les plus simples choses, lente en ses mouvements, ne souriant plus jamais.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 17.
♦ ☑ (1607, in D. D. L.). Tirer le diable par la queue : avoir peine à vivre avec de maigres ressources. ⇒ Pauvre; → ne pas pouvoir joindre les deux bouts.
18 (…) si je faisais des vers aussi bons la moitié que ceux que vous me venez de lire, je ne serais pas réduit à tirer le diable par la queue et je vivrais de mes rentes (…)
Scarron, le Roman comique, I, XI, p. 48.
19 L'idéal, ce serait que les gens qui vous approchent aient l'impression que vous tirez le diable par la queue.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, V, p. 52.
♦ ☑ Loger le diable dans sa bourse (cit. 6).
♦ ☑ Vx. Il mangerait le diable et ses cornes.
♦ ☑ Vx. Diables bleus : idées noires, découragement passager. || « Assiégé par mes diables bleus » (Amiel, in T. L. F.).
♦ ☑ Quand le diable s'en mêle…, se dit lorsqu'il apparaît des difficultés dans une entreprise, un dessein… ☑ Quand le diable y serait…, quand bien même on y rencontrerait le diable en personne, malgré tout. Fig. || Nous irons dans cet endroit, quand le diable y serait, en dépit des difficultés, de l'impossibilité. || Quand le diable y serait, j'en viendrai à bout.
♦ ☑ C'est, ce serait bien le diable si : ce serait bien étonnant, surprenant, extraordinaire. || C'est bien le diable si nous ne le trouvons pas.
20 C'est bien le diable si je ne trouve pas dans ce village un bistrot où je pourrai casser la croûte.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, X, p. 77.
20.1 — Nous irons tenter notre chance ensemble. Ce serait bien le diable…
— D'autant que le maître d'hôtel me connaît.
Michel Butor, la Modification, p. 177.
♦ ☑ C'est le diable à confesser : c'est une chose impossible.
♦ ☑ C'est le diable, voilà le diable ! : voilà l'ennui, la difficulté. || C'est le diable pour vous retrouver, c'est toute une affaire.
21 Eh bien, c'est le diable pour y arriver (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Portefeuille de Bixiou ».
22 — C'est tout ce que je voulais savoir, dit Antoine froidement. Le diable est d'en parler à grand-père. — Je vais le préparer…
A. Maurois, Bernard Quesnay, XXXII, p. 221.
♦ ☑ Ce n'est pas le diable : ce n'est pas difficile. → Ce n'est pas terrible. || Réussir à cet examen, ce n'est pas le diable. || Ne dramatisez pas, ce n'est pas le diable !
♦ ☑ Vx ou par plais. Que le diable l'emporte, se dit de qqn dont on veut se débarrasser. — Je veux que le diable m'emporte, le diable m'emporte si… (sorte de serment qui renforce l'idée exprimée). → Que le (grand) crique me croque si… || Le diable m'emporte si j'y comprends un mot : je n'y comprends rien.
23 (…) — Que le diable m'emporte
Si je fais raillerie, et s'il n'est de la sorte !
— Et qu'il m'entraîne, moi, si (…) !
Molière, le Dépit amoureux, III, 7.
23.1 (…) il était beau, et le Diable m'emporte ! peut-être trop pour un soldat.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées ».
♦ Dans le même sens : ☑ Du diable si je le sais !
♦ ☑ Fig. Au diable : très loin. → À dache (fam.). || Habiter au diable, dans un endroit éloigné, retiré. || Nous le voyons rarement, il demeure au diable. — Dans le même sens : ☑ Demeurer, être situé au diable vauvert (allus. au château de Vauvert qui passait pour être hanté par le diable), ou (vx) au diable au vert (Académie), et (mod.) au diable vert.
24 J'ai voyagé en Bohême, en Allemagne, en Suisse, en Hollande, en Flandre, au diable au vert.
Diderot, le Neveu de Rameau, Œ., p. 497.
25 On ne sait où, au diable vauvert, quelques abois jaillissent par intervalles, qui s'émiettent et défaillent aussitôt.
M. Genevoix, Forêt voisine, XII, p. 157.
26 C'est dans le territoire de Reillanne, au diable vert… C'est d'autant plus loin qu'il n'y a pas de chemin pour y aller.
J. Giono, Colline, p. 46.
27 On dit aussi à distance. Les expressions figurées : au diable au vert (vauvert), aux 36.000 diables, indiquent un grand éloignement.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, XI, B, II, p. 427.
27.1 Dans quelques jours, ce sera définitivement réglé, signé, je serai libre, nous allons partir au diable vauvert…
— Où c'est le diable Vauvert ?
— Très loin… Je ne sais pas encore où. On va prendre la Jaguar et rouler droit devant nous… La Turquie, peut-être l'Iran…
R. Gary, Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable, p. 222.
♦ ☑ Fig. Envoyer qqn au diable, à tous les diables (→ Billevesée, cit. 2), aux cinq cents diables, le renvoyer, le repousser avec colère ou impatience, dureté. ⇒ Expédier, maudire, rabrouer, rebuter, rembarrer (fam.). || Allez au diable ! Je n'ai pas le temps de m'occuper de vous ! || Qu'il aille au diable avec ses histoires ! — Littér. || Au diable soient les importuns ! et, ellipt, au diable les importuns !
28 Au diable soient tous les laquais !
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
29 J'y renonce à jamais, à ce sexe trompeur,
Et je le donne tout au diable de bon cœur.
Molière, l'École des maris, III, 9.
30 La patience me manqua; je commençai à envoyer le douanier à tous les diables.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 29.
30.1 (…) Bernard est bien persuadé que son ami n'a jamais senti que l'affection et non le dédain — mais enfin, installé dans le fauteuil trop frêle (…) il envoie Robert à tous les diables.
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 125.
3 (Mil. XIIe). Interj. Vx ou littér. (exprimant la surprise, l'étonnement admiratif ou indigné). ⇒ Diantre; boufre, 2. foutre. || Diable ! Cela est inquiétant. || Diable ! C'est un peu cher. || Ah, diable ! J'oubliais le principal ! || Où diable est-il caché ? || Que diable allait-il faire ? (→ Mais aussi…). || Décidez-vous, que diable ! || Comment diable… || Pourquoi diable…
31 Que diable allait-il faire dans cette galère ?
Molière, les Fourberies de Scapin, II, 7.
32 Comment, diable ! Laissez-moi aller (…)
Molière, l'Amour médecin, V, 8.
33 Qui diable est-ce donc qu'on trompe ici ? Tout le monde est dans le secret !
Beaumarchais, le Barbier de Séville, III, 11.
34 (…) je ne veux pas que tu viennes ! … Eh ! je n'en mourrai pas, que diable !
Colette, la Vagabonde, III, p. 202.
♦ Vieilli. || De par le diable, de par tous les diables ! Juron exprimant l'étonnement, la colère, la décision.
➪ tableau Principales interjections.
———
II (1080). Fig. Personne, chose que l'on compare à un diable (⇒ Diablesse).
1 Personne méchante, dangereuse comme un diable. || Un méchant diable. || C'est le diable incarné. || Un diable déchaîné. ⇒ Déchaîner, cit. 11 et 12.
35 Une femme d'esprit est un diable en intrigue (…)
Molière, l'École des femmes, III, 4.
36 Une autre fois, quelque diable fit une satire cruelle sur Madame, le comte de Guiche, etc. (…)
Saint-Simon, Mémoires, I, LX.
2 Mod. Enfant vif, emporté, turbulent, insupportable. || Cet enfant est un vrai diable. ⇒ Diablotin. || Un bon petit diable, récit de la comtesse de Ségur. || Cette petite est un vrai diable.
37 Je ne laisse pas, tout diables qu'ils sont (vos enfants), de leur enseigner quelquefois des polissonneries de mon temps.
P.-L. Courier, Lettres, II, 77.
3 (1611). En bonne part. || Pauvre diable. ☑ Un pauvre diable : homme malheureux, pauvre, pitoyable. ⇒ Malheureux, misérable. || Un pauvre diable de poète.
38 Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
La Fontaine, Fables, I, 5.
39 (…) toute une bande de pauvres diables en train de piocher dans les thurnes.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, I, p. 12.
♦ ☑ Grand diable : homme très grand, dégingandé. || Un grand diable d'Anglais.
40 (…) une maison de pacha, où un grand diable à moustaches, vêtu de rouge et d'or, pistolets à la ceinture, sans souffler mot, leur ouvrit le portail (…)
Loti, les Désenchantées, II, p. 22.
♦ Argot milit. Vx. || Diable bleu : chasseur alpin.
4 Diable de (valeur d'adj.) : bizarre, singulier ou mauvais. ⇒ Drôle. || Un diable d'homme (→ Argument, cit. 15). || Une diable d'affaire. || Un diable de temps. — REM. Devant un nom féminin, diable qui est en apposition peut rester au masculin. ⇒ Diablesse.
41 Quel diable d'homme m'avez-vous là amené ?
Molière, le Médecin malgré lui, II, 2.
42 (…) quelle diable de fantaisie t'es-tu allé mettre dans la cervelle ?
Molière, le Malade imaginaire, 1er intermède.
43 (…) je n'en voyais pas une seule qui valût cette diable de fille-là.
Mérimée, Carmen, II.
43.1 Et je me surprenois quelquefois à dire tout seul : Pourquoi la Fée aux miettes ne s'est-elle pas fait arracher ces deux diables de dents ? (…)
Charles Nodier, Contes, p. 149.
43.2 (…) je vivais la plus grande partie de mon temps chez moi, couché sur un grand diable de canapé de maroquin bleu sombre (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « le Rideau cramoisi ».
———
III
A (Nom d'objets).
1 (1764). Petit chariot à deux roues qui sert à transporter des caisses, des sacs, etc. (⇒ Brouette, chariot).
44 Ça va, dit le type, c'est pas malin de pousser votre histoire. Des diables à la gare de Dunkerque, des wagonnets à Lens, des chariots à Anzin, j'ai fait que ça toute ma vie.
Sartre, le Sursis, p. 173.
2 Filet pour pêcher le hareng d'hiver.
3 Jouet en forme de boîte, de laquelle surgit, grâce à un ressort, un petit diable. — ☑ Fig. Comme un diable de sa boîte : à l'improviste.
45 Lucas l'a posté ici (…) pour épauler les copains le moment venu. Lorsqu'ils resurgiront par en bas comme des diables de leur boîte, dans le dos des assaillants.
Régis Debray, l'Indésirable, p. 37.
♦ Ludion représentant un petit démon.
4 (Allus. au feu infernal). Casserole double servant à la cuisson à l'étouffée. — Tuyau de tôle pour augmenter le tirage d'un fourneau.
5 (1835). Vx. ⇒ Diabolo.
B (1552). || Diable de mer. ⇒ Baudroie, scorpène. — REM. De nombreux autres animaux portent ou ont porté régionalement le nom de diable.
❖
COMP. Endiablé.
Encyclopédie Universelle. 2012.