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quitter

quitter [ kite ] v. tr. <conjug. : 1>
XIIe; lat. médiév. quitare, de quitus quitte
IVx
1Libérer (qqn) d'une obligation, tenir quitte.
2(XVe) Laisser, céder à qqn. « Mais depuis que notre jeunesse Quitte la place à la vieillesse » (Racan).
II(XVIe)
1Vieilli Renoncer à (qqch.). « Quittez le long espoir et les vastes pensées » (La Fontaine).
Mod. Abandonner (une activité, un genre de vie). « Il quittait son dur métier, devenait patron » (Zola). « Il fit vœu de quitter le monde et se retira à la Trappe » (Nerval). Loc. Quitter la partie : abandonner. Ne quittez pas l'écoute (3o) :continuez à écouter (radio). Absolt Ne quittez pas ! (au téléphone).
2Laisser (qqn) en s'éloignant, en prenant congé. Allons, il faut que je vous quitte, que je m'en aille. « Une dame de compagnie, qui ne la quitte jamais » (A. Daudet). Ne pas quitter qqn d'une semelle. Pronom. Depuis deux mois ils ne se quittent plus, ils sont inséparables.
3Laisser (qqn) pour très longtemps ou pour toujours, rompre avec (qqn). Quitter son mari, sa femme. Il ne m'a pas « vraiment quittée, au sens où on l'entend en amour [...] la rupture; l'abandon définitif » (Romains). Pronom. (Récipr.) Se séparer. Ils viennent de se quitter. Ils se sont quittés bons amis.
Par euphém. Quitter ce monde : mourir. Depuis qu'il nous a quittés : depuis sa mort.
(Sujet chose) Cesser d'habiter, d'affecter (qqn). « Comme le sommeil quitte le somnambule » (Colette). « Cette pensée ne le quittait pas, c'était une obsession » (A. Daudet). Fam. Ça le prend aussi souvent que ça le quitte.
4Laisser (un lieu) en s'éloignant, cesser d'y être. 1. aller (s'en aller), 1. partir. Cette ville, « je ne pus la quitter sans me sentir arracher l'âme » (Stendhal). Quitter son pays. émigrer, s'expatrier. « Il faut que tu quittes ton appartement » (Chardonne). déménager. Les rats quittent le navire.
Sortir de. Il n'a pas quitté la maison aujourd'hui. « Quittant son bureau, il descend dans la rue » (A. Gide). Le médecin lui interdit de quitter la chambre. Il ne quitte plus son fauteuil. Quitter la table. La voiture a dérapé et quitté la route. « Ne dansant qu'avec la pointe de ses pieds, qui ne quittaient pas le sol » (Martin du Gard).
5Cesser de tenir. « La main de Mlle Alberte quitta la mienne » (Barbey). 1. lâcher.
Loc. Ne pas quitter (qqn ou qqch.) des yeux : regarder avec fascination, ou surveiller constamment. « Ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise » (Baudelaire). Elle ne quittait pas des yeux le petit qui jouait au bord de l'eau.
6Enlever (ce que l'on porte sur soi). ôter. « Tout à coup, Athman [...] quitte son burnous [...] et fait la roue » (A. Gide). « Il ne quittait plus ses gants » (Duhamel).
⊗ CONTR. Garder, tenir. Continuer. Fréquenter.

quitter verbe transitif (de quitte) Partir d'un lieu, en sortir : Il a quitté son appartement de Paris pour la banlieue. Cesser l'activité qu'on avait, se séparer de quelqu'un ou d'un groupe : Quitter l'enseignement public pour le privé. Familier. Finir son travail : À quelle heure quittez-vous le soir ? Partir du lieu où l'on se trouvait avec quelqu'un ou cesser de lui parler au téléphone, dans une lettre, etc. : Bon, il faut que je vous quitte, bonsoir. Ôter un vêtement : Quittez votre pardessus, il fait très chaud ici. Littéraire. En parlant des forces, abandonner quelqu'un : Tout son courage l'avait quitté. Littéraire. Mourir : Depuis qu'il nous a quittés.quitter (citations) verbe transitif (de quitte) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Ô tristesse ! on passe une moitié de la vie à attendre ceux qu'on aimera et l'autre moitié à quitter ceux qu'on aime. Tas de pierres Éditions Milieu du mondequitter (expressions) verbe transitif (de quitte) Ne pas quitter quelqu'un, un lieu, quelque chose, rester sans cesse près de quelqu'un, ne pas sortir d'un lieu, porter toujours le même vêtement, le même bijou, etc. Ne pas quitter quelqu'un, en parlant d'une idée, d'un souvenir, l'obséder. Ne pas quitter quelqu'un, quelque chose des yeux, les surveiller sans cesse, y faire très attention. Ne pas quitter (l'écoute), rester en ligne, ne pas raccrocher le téléphone. Quitter le deuil, l'uniforme, etc., abandonner le rôle, l'état, la fonction symbolisés par tel type de vêtements. Quitter la route, faire une embardée, déraper, sortir de sa route. ● quitter (homonymes) verbe transitif (de quitte)quitter (synonymes) verbe transitif (de quitte) Partir d'un lieu, en sortir
Synonymes :
- déserter
- fuir
- partir
- se détourner
- s'échapper
- s'éloigner
- s'en aller
- sortir de
Contraires :
- aborder
- accoster
- aller
- approcher
- arriver
- atteindre
- gagner
- prendre
- toucher
Cesser l'activité qu'on avait, se séparer de quelqu'un ou d'un...
Synonymes :
- abandonner
- arrêter
- délaisser
- interrompre
- lâcher (familier)
- laisser
- laisser tomber
- planter là (familier)
- plaquer (familier)
- renoncer à
- se séparer
Contraires :
- avoir
- conserver
- continuer
- faire
- garder
- poursuivre
- prolonger
- reprendre
- s'occuper de
Ôter un vêtement
Synonymes :
- enlever
- ôter
- retirer
- se débarrasser
Contraires :
- endosser
- enfiler (familier)
- mettre
- passer
Littéraire. En parlant des forces, abandonner quelqu'un
Synonymes :
- lâcher
- se retirer
Contraires :
- hanter
- obséder
- retenir
- tenir
quitter verbe intransitif En Afrique, partir, s'en aller. ● quitter (homonymes) verbe intransitif

quitter
v.
rI./r v. tr.
d1./d Se retirer de, abandonner (un lieu). Il a quitté son domicile.
d2./d Sortir, s'éloigner de (un lieu). Il vient de quitter l'hôpital.
d3./d Cesser (une activité, un métier), y renoncer. Quitter l'enseignement.
d4./d ôter (un vêtement). Quitter son manteau.
rII./r v. tr. S'éloigner, se séparer de (qqn). Son mari l'a quittée.
Loc. Ne pas quitter des yeux (qqn ou qqch): surveiller attentivement, avoir les yeux fixés sur (qqn ou qqch).
v. Pron. (Récipr.) Ils se sont quittés fâchés.
|| (Sujet n. de chose.) Ton portrait ne me quitte jamais.
rIII/r v. intr.
d1./d (Afr. subsah., Liban, Québec) Syn. de partir (sens I, 1). Voilà deux jours qu'il a quitté. Il quitte tous les matins à sept heures.
d2./d (Afr. subsah.) Abandonner (une activité). Il était professeur, mais il a quitté pour aller dans le privé.

⇒QUITTER, verbe trans.
I. A. — Vx. Qqn1 quitte qqn2 de qqc.
1. Libérer (quelqu'un) d'une obligation matérielle ou morale, l'en tenir quitte. Je vous quitte de tout ce que vous me devez. Je vous quitte des intérêts et du principal (Ac.). Quitter un débiteur des intérêts du mois en cours (Ac. 1935).
2. Fam. Quitter qqn de (ses remerciements, etc.). L'en dispenser. Je vous quitte de vos compliments (...) Je vous en dispense (BESCH. 1845).
B. — Vieilli. Qqn1 quitte qqc. à qqn2. Laisser, céder (quelque chose à quelqu'un). Quitter tous ses droits. Il lui vend, quitte et délaisse tous ses droits à ce domaine. Quitter sa place à quelqu'un (Ac.). Aurais-je en vérité des droits, je te les quitte (MORÉAS, Iphigénie à Aulis, 1903, p. 167). Ma maison, mes chevaux, (...) je leur quittais l'usage de tous mes biens (SUARÈS, Voy. Condottière, t. 1, 1910, p. 294).
Quitter qqn faire qqc. Le laisser faire quelque chose. Laisse-moi un moment, dit alors la vieille Malorthy, quitte-moi parler! (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 72).
Quitter qqc. Renoncer à. Votre indignation (...) part d'un bon naturel, mais quittez ce souci (AMIEL, Journal, 1866, p. 277).
Loc. fig.
(En) quitter sa part. (Y) renoncer. Il faut se payer de lauriers qui heureusement coûtent peu. Pour moi, j'en quitte ma part (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1805, p. 697).
Quitter la place à qqn. Ne pas vouloir la lui contester; la lui céder. George, le sang m'aveugle quand je songe à l'opinion que ce misérable a dû prendre de moi en me voyant (...) lui quitter la place (FEUILLET, Scènes et prov., 1851, p. 362).
Rem. DUPRÉ 1972 note: ,,[Ces] expressions mentionnées par l'Académie, n'appartiennent plus au français d'aujourd'hui``.
II. — Qqn1/qqc.1 quitte qqn2/qqc.2 Laisser.
A. — Qqn1/qqc.1 quitte qqn2
1. Qqn1 quitte qqn2. [Qqn1 s'éloigne de qqn2]
a) [Provisoirement] Laisser; prendre congé de. Quitter un camarade (à la gare, sur le quai, à quelques pas de chez soi); quitter sa femme, ses enfants (le matin). Faible et épuisé de fatigue, j'allais quitter Brigitte pour prendre un peu de repos (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 372):
1. Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
CENDRARS, Du Monde entier, Le Formose, 1924, p. 170.
Empl. pronom. réciproque. Il faudrait pouvoir retenir ce que l'on dit à table (...) On dîne et l'on se quitte après avoir échangé parfois les propos les plus denses (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 219).
[Qqn1/qqn2 peut désigner un animal] Oiseau migrateur, le ramier nous quitte quand la bécasse arrive (VIDRON, Chasse, 1945, p. 66). [P. méton. du compl. d'obj.] Le chien ne quitte plus les talons de son maître (VIDRON, Chasse, 1945, p. 74).
Locutions
Quitter le bras de qqn. Ne plus le tenir par le bras, ne plus lui tenir le bras. Rodolphe quitte le bras de Lucile, qui se retire avec Laure dans un coin (PONSARD, Honn. et argent, 1853, IV, 8, p. 114).
[P. méton. du suj.] Empl. pronom. réciproque. Les pieds retombaient en mesure, les jupes se bouffaient et frôlaient, les mains se donnaient, se quittaient (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 57).
♦ [De sens nég. ou à la forme nég.] Ne pas quitter qqn d'une semelle, d'un seul pas. On court. Koupriane est un des premiers. Rouletabille ne le quitte pas d'une semelle (G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p. 110). Saint-Loup (...) était venu avec sa femme (...) [qu'] il ne quittait d'un seul pas (PROUST, Fugit., 1922, p. 680).
Ne pas quitter qqn de + expr. temp. Sans se fier même à la religieuse, elle ne le quittait pas d'une seconde, ne se couchait plus (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 221). En une seconde, nous étions devenus des amis intimes. Nous nous étions tout dit. Je connaissais Mouron comme si je ne l'avais pas quitté d'un jour (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 371).
(Ne pas) quitter qqn de l'œil, des yeux, du regard, de vue. (Ne pas/sans) cesser de regarder quelqu'un. [Le capitaine] resta seul à contempler son prisonnier. Atar-Gull, de son côté, ne le quittait pas du regard (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 16). Mme Virette descend jusqu'à elle sans quitter de l'œil la môme toujours au buffet (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, II, 1, p. 31). [P. méton. du compl. d'obj. ou du suj.] Mathilde me regarda douloureusement, avec un air de reproche qui me troubla profondément. Ses yeux ne me quittaient point (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 88). Sans quitter du regard ce regard nouveau, elle continua son travail inerte (COCTEAU, Enfants, 1929, p. 187).
b) [Définitivement, en rompant les liens qui l'unissent à l'autre] Synon. abandonner, lâcher (fam.), plaquer (pop.). Quitter femme et enfants, famille et fortune; quitter son mari; quitter sans prévenir, sans laisser d'adresse; quitter qqn sans regret, sans retour, sans mélancolie; quitter qqn à jamais, pour toujours; quitter qqn brusquement, en claquant la porte; une mère ne quitte jamais son enfant. Je ne peux pas permettre qu'il me quitte pour cette petite guenon (ANOUILH, Répét., 1950, III, p. 71).
Au factitif. Ce n'est point la misère qui me l'a fait quitter, non (...) c'est lui qui m'a renvoyée (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 250).
Au passif. Elle se trouvait humiliée d'être deux fois quittée pour la même femme (GYP, Tante joujou, 1891, p. 50).
Empl. pronom. à sens passif. Un bon ami se quitte difficilement. Il n'est si bonne compagnie qui ne se quitte; mais je m'engage ici à prendre courtoisement mon congé (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 13).
Au part. adj. Les demandes d'argent fréquentes d'une maîtresse quittée ne vous donnent pas plus une idée complète de sa vie que des feuilles de température élevée ne donneraient de sa maladie (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 349).
Empl. subst. (ici au masc.), rare. Celui qui est quitté. L'intérêt qui s'attache à une jeune femme quittée est trop légitime pour que je songe à invoquer d'autre « excuse » que celle-ci:C'est moi le quitté (VERLAINE, Corresp., t. 3, 1872, p. 143).
Empl. pronom. réfl. Se quitter (soi-même). Se séparer de soi; se laisser distraire, se laisser accaparer par autre chose que soi. Elle ne se quitte plus, du matin au soir, et même les quelques lectures qu'elle fait en dehors de cela ne l'intéressent que dans la mesure où elle peut les ramener à soi (GIDE, Journal, 1942, p. 105). Il se ressaisit ou, plutôt, il se quitte pour rentrer dans le social, le superficiel; il se renie pour obéir à la loi, pour s'agrouper (ARNOUX, Roy. ombres, 1954, p. 113).
♦ [Terme de mystique] Renoncer à soi. Parvient-elle [la nouvelle religieuse] à se quitter, à s'évader de la terre, à atteindre, sur le seuil de l'éternité, l'inconcevable Époux? (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 213).
Au fig. ou p. métaph.:
2. ... l'existence ne dépasse jamais rien définitivement, car alors la tension qui la définit disparaîtrait. Elle ne se quitte jamais elle-même. Ce qu'elle est ne lui reste jamais extérieur et accidentel, puisqu'elle le reprend en elle.
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 197.
Empl. pronom. réciproque. Se quitter (l'un l'autre, les uns les autres). Se séparer. Ne pouvoir se quitter. Marie Forêt (...) s'est mariée en 1867 avec Félix Génot (...); ils se sont quittés en 1870 (Affaire Dreyfus, 1900, p. 25).
P. métaph. Aucune émotion (...) ne devait masquer le départ: depuis le matin, les âmes s'étaient quittées (ESTAUNIÉ, Ferment, 1899, p. 54).
c) [Gén. avec qqn2 au plur.] Mourir:
3. L'homme était exquis: de ceux dont on se dit, avec désespoir, quand ils vous ont quitté: « Il est parti... Et j'aurais eu tant et tant de choses encore à échanger avec lui... »
L. FEBVRE, J. Sion, A. Demangeon, [1941] ds Combats, 1953, p. 380.
2. Au fig. ou p. métaph. Qqc.1 quitte qqn2. [Qqc.1 désigne un état physique ou moral, un élément de la vie affective] Laisser (quelqu'un); cesser d'habiter en lui, de l'affecter. La faim, la fatigue, la fièvre, la grippe, la maladie quitte qqn; le tourment, la curiosité, l'espérance, la timidité ne quitte pas/plus qqn; le souvenir, la pensée d'une personne ne nous quitte plus. Têtu au dedans, il se résignait au dehors. Pourtant, l'amertume ne le quittait pas (RAMUZ, A. Pache, 1911, p. 93). La solitude m'a quittée. Le mal, le chagrin m'ont quittée (JOUVE, Paulina, 1925, p. 190).
[P. méton. du compl.] Le rêve et le calcul ne quittaient que rarement ces petits yeux fixes, durs à la terre, durs aux hommes, durs aux bêtes (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 281).
P. métaph. [À propos de la vie, du monde] On a beau dire et prétendre, le monde nous quitte bien avant qu'on s'en aille pour de bon (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 565).
♦ [Qqc.1 désigne un inanimé plus ou moins concr.] Abandonner ou lâcher. [Le poète Vignet] tout occupé de ses chaussures qui le quittaient en route (NERVAL, Illuminés, 1852, p. 24). Le canon ne nous quittait plus. Cependant, on ne se rencontrait guère avec les Allemands que par hasard (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 39).
B. — Qqn1/qqc.1 quitte qqc.2 (pour qqc.3 ou inf.)
1. Qqn1 quitte qqc.2 [Qqc.2 désigne un inanimé abstr. ou concr.]
a) ) [Un inanimé plus ou moins abstr.] Abandonner. Quitter le passé; quitter une doctrine, la religion; quitter un point de vue, un sujet; quitter le domaine de l'art, du sacré, de l'observation, de la physiologie; quitter le terrain de la rationalité, les sommets de l'abstraction; se décider à tout quitter pour suivre Jésus; quitter tout pour une femme. Ses manières ont changé, sont devenues plus gracieuses encore; elle a quitté le vous. « Tu es une bonne fille, et j'espère que nous resterons amies » (BALZAC, Mém. jeunes mariées, 1842, p. 159). [Il est impossible] de savoir dans un récit de Poe, à quel moment on quitte la réalité pour entrer dans le monde des rêves (MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p. 312).
) [Une expression du visage, le ton de la voix, etc.] Abandonner, renoncer à. Quitter un air (triste, sévère); quitter une mine (attristée); quitter son incognito. Je puis quitter ce visage-ci, comme on se démasque; j'en ai un autre plus beau (COLETTE, Vagab., 1910, p. 269).
) [Une habitude, un défaut, etc. ou encore son propre nom] Ces personnages [du XIIe au XVe s.] sont sortis de leur contemplation. Ils commencent à errer dans l'Éden de l'imagination, et à quitter leur sainte oisiveté (QUINET, All. et Ital., 1836, p. 169). Je vous ai dit que j'avais quitté mon nom parce que ma position de fortune ne me permettait pas de le soutenir dignement (LABICHE, Fourchevif, 1859, 7, 3e tabl. , p. 399).
b) [Une activité professionnelle ou autre, un genre de vie, etc.] Laisser, abandonner, cesser. Quitter son métier; quitter une charge, une profession; quitter ses fonctions; quitter le barreau, le droit, le journalisme (pour la politique); quitter le théâtre, les planches; quitter la troupe; quitter le service, les drapeaux, les armes, la carrière militaire; quitter la cavalerie pour retourner à l'infanterie; quitter la médecine; quitter les affaires. Je suis un homme de paix. C'est ce qui m'a fait quitter l'armée autrefois (CLAUDEL, Père humil., 1920, I, 2, p. 496). Si Dubreuilh s'entête à étouffer l'affaire, je quitte le journal, je revends mes parts (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 300).
Quitter l'ouvrage.
Quitter (son travail). (L')interrompre; cesser. Dans sa maison, il y a un ménage qui se dispute fréquemment: quand cela arrive, il se lève de sa table et quitte son travail (GONCOURT, Journal, 1888, p. 767).
Empl. abs. Cesser; partir. Le voilà sous les ordres de M. de La Fayette. Il voudrait alors trouver un prétexte honorable pour quitter (STAËL, Lettres jeun., 1791, p. 507). Il chercha les moyens de se soustraire à cette entrevue: s'ils quittaient sur l'heure, il n'avait pas à se montrer? Ce départ, il l'ignorait, n'ayant pas été prévenu (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 246).
Rem. DUPRÉ 1972 note: ,,L'emploi de quitter absolument appartient à la langue familière: Il quitte à cinq heures (« Il cesse son travail à 5 heures »)``.
Dans la lang. admin. Quitter son employeur. Cesser de travailler; prendre sa retraite. [À noter l'] existence de la clause de conscience permettant à un journaliste en désaccord avec son employeur pour des motifs de liberté d'opinion de le quitter avec les avantages du travailleur licencié (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 144). Tout salarié qui quitte son employeur réduit à néant ce capital de sécurité [garanties d'ancienneté] (Traité sociol., 1967, p. 506).
Ne pas quitter des yeux, du regard qqc. Suivre quelque chose des yeux, du regard. Chacun d'eux tient en ses mains un cahier de musique qu'il ne quitte pas du regard (P. LALO, Mus., 1899, p. 334).
Quitter la mer. Abandonner la vie de marin. Sa décision de quitter la mer fut prise à l'instant. Elle était ancrée dans sa tête, mais il devait montrer ce qu'il valait, qui il était (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 197).
Quitter le gouvernement, le pouvoir. Démissionner du gouvernement, abandonner le pouvoir. Si le Sénat a obligé M. Blum à quitter le pouvoir en 1937, il avait obligé Tardieu à en faire autant précédemment (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 175):
4. ... si un ministre quitte le gouvernement, hormis dans le mois succédant à sa nomination ou dans les périodes précédant une consultation générale à l'occasion de laquelle il aurait de fortes chances d'être élu, il perd son siège parlementaire; il lui est plus difficile dès lors de s'ériger en « challenger » politique.
BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 107.
Loc. fig.
Quitter le monde. Aller vivre dans la retraite. Pierre Corneille quitte le monde après un échec, et Pertharite est un échec évident (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 313).
RELIG. Entrer dans les ordres. (Dict. XIXe et XXe s.). On ne quitte pas le monde par dépit, comme un novice qui se fait tuer à sa première affaire un peu chaude, par crainte de manquer de cœur (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 1er tabl., 4, p. 1578).
P. métaph. Quitter le monde, la lumière, la terre, la vie. Mourir. Ne vous effrayez point d'assister à la fin prochaine de votre père, de votre ancien ami. C'est par une loi de la nature qu'il quitte avant vous cette terre où il est venu le premier (STAËL, Corinne, t. 2, 1807, p. 22).
Ne pas quitter l'écoute (du téléphone, éventuellement d'un poste de radio). Empl. abs. à l'impér. Ne quittez pas! Synon. restez en ligne! Tout à coup, le 7 au petit jour (...), voici que Vaux réveillé fait des appels. Les postes de signaleurs saisissent ces trois mots: « Ne quittez pas ». — Ne quittez pas... (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 270).
Quitter la partie (au jeu). [P. allus. au proverbe qui quitte la partie la perd] P. plaisant. En renonçant au monde et à la fortune, j'ai trouvé le bonheur, le calme, la santé, même la richesse; et, en dépit du proverbe, je m'aperçois que, qui quitte la partie la gagne (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 57).
c) [Qqc.2 peut désigner un inanimé concr.] Cesser de tenir, abandonner, lâcher. Dans les cafés maures de la Kasbah, c'est le corps qui est silencieux, qui ne peut s'arracher à ces lieux, quitter le verre de thé et retrouver le temps avec les bruits de son sang (CAMUS, Noces, 1938, p. 50).
En partic.
) [Qqc.2 désigne un lieu] Laisser un lieu; cesser d'y être, s'en éloigner. Quitter un lieu pour un autre; quitter sa demeure; quitter son village, son pays, une région; quitter un état, une ville; quitter sa patrie; il est dur de quitter les lieux de son enfance. Lorsque les Hébreux quittèrent l'Égypte, (...) Moïse leur donna (...) un calendrier du genre sémite (CHAUVE-BERTRAND, Question calendrier, 1920, p. 24). À cette heure (...) Mme Gribiche quittait l'église pour passer chez une amie d'enfance (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 57).
Empl. pronom. à sens passif. Vienne et Venise ne se quittent pas si facilement (MÉRIMÉE, Lettres à une autre inconnue, 1870, p. 60).
Quitter la place. Se retirer. Que faire donc, quand on est irascible? Se taire sur les matières qui passionnent le plus, ou, si l'on ne peut, quitter la place (MICHELET, Journal, 1820, p. 77).
Empl. subst. masc., en loc. prép. littér. Au quitter de. Au sortir de. Ces pieux devoirs ne purent pas (...) dissiper la profonde inquiétude de Léopold. Au quitter de l'autel, celui-ci s'en alla seul à travers la campagne (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 265).
P. métaph. Quitter le sein, le ventre de sa mère. Naître. Nous l'avons vu [l'homme], au commencement de son existence, vivre comme les infusoires, les zoophytes; s'élever ensuite par degrés, jusqu'au moment où il quitte le sein de sa mère, et où il se trouve en rapport avec le monde extérieur (BROUSSAIS, Phrénol., leçon 3, 1836, p. 63). L'enfant qui va naître se figure qu'il va mourir parce qu'il quitte le ventre de sa mère (GREEN, Journal, 1936, p. 75).
Loc.
Quitter le domicile conjugal. [En parlant de l'un des époux] L'abandonner. Mme Léon Daudet a quitté le domicile conjugal (GONCOURT, Journal, 1894, p. 700). P. anal. Quitter son nid, son perchoir (à propos de l'oiseau); quitter son gîte (à propos d'un lièvre). Les oiseaux s'élevaient dans les airs, et de jeunes mères quittaient leurs nids (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 195). Les lièvres n'ont pas quitté leur gîte (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 19). L'oiseau quittait son perchoir et s'abattait devant lui, tel un geôlier gardant à vue un prisonnier (L. SCHNEIDER, Maîtres opérette fr., 1924, p. 246). P. métaph. Il en est [des cardiologues], au contraire, qui ont quitté délibérément ou forcément la ruche. Lutembacher poursuit (...) dans la solitude (...) des recherches (...) du plus haut intérêt (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p. 180).
Quitter son appartement, son domicile (habituel), son logement. Synon. déménager. Frau Sartingen quitta son domicile habituel pour éviter les commérages (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 208).
Quitter la maison.
Quitter les lieux. Synon. évacuer, vider les lieux. L'ordre a été reçu (...) de détruire, avant de quitter les lieux, tout ce dont les nouveaux occupants pourraient profiter (GIDE, Journal, 1943, p. 237).
Quitter + n. désignant une ville, un pays. Fuir un/son pays, la capitale; s'enfuir (de). En 1890, Erich de Falkenhayn faisait partie de l'état-major à Berlin. Mais vers 1894, couvert de dettes et mêlé à des affaires louches, il dut quitter précipitamment la capitale (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1917, p. 244). Un grand nombre d'écrivains ont quitté la Russie après le coup d'état de novembre 1917 (Arts et litt., 1936, p. 54-3).
DR. [P. réf. à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1949] Le droit de chacun de quitter tout pays, y compris le sien, et aussi le droit d'y retourner (Déclar. univ. Dr. Homme, 1949, p. 5).
Quitter l'école, le lycée, le collège (p. méton.). Cesser les études. Jeanne (...) avait quitté le lycée à douze ans pour s'occuper de sa mère (NIZAN, Conspir., 1938, p. 221).
Quitter (un moyen de locomotion: voiture, bateau). Descendre de. Nous nous sommes arrêtés vers midi à Logone Gana (sur la rive orientale). Je quitte la baleinière et m'y rends à pied (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 872). Des deux côtés du camion renversé, il y avait des oliviers. Un, deux... cinq miliciens quittèrent le camion renversé, coururent vers les arbres (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 484).
Quitter le bord. Les hommes, cria-t-il, venez avec moi. Je vais vous donner le moyen de quitter le bord, et il les entraîna vers le pont supérieur où se trouvaient les radeaux (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 235). [Le capitaine] quitte le bord le dernier après avoir sauvé l'argent et les papiers du bord (M. BENOIST, PETTIER, Transp. mar., 1961, p. 138).
Sortir de, abandonner. Quitter une pièce, son bureau. Pieuchon ne quittait pas le chevet de son fils infesté de microbes (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 194). Tout orateur, invité par le président à quitter la tribune et qui ne le fait pas sur le champ, est rappelé à l'ordre (LIDDERDALE, Parlement fr., 1954, p. 290). Au passif. Le piano fut quitté pour la table (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 330).
En partic. Quitter la table. Sortir de table. On quitta la table au milieu du dîner (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 69). Quitter la chambre, le/son lit (après une maladie). Sortir du lit, se lever. Anton. garder la chambre, rester au lit. Le patron (...) ne quitte plus guère sa chambre et achève lentement de mourir (BERNANOS, Crime, 1935, p. 849). La malade devint triste et déprimée. Auparavant vive et active, elle ne voulait plus quitter son lit (DELAY, Ét. psychol. méd., 1953, p. 214).
♦ [Qqc.2 désigne un chemin, une route, un rivage] Se détourner de, s'écarter de, abandonner. À peine a-t-il tourné le coin, et quitté les berges du Sénégal, Maxence frissonne d'impatience (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 7). Bientôt après ils quittèrent le grand chemin pour un autre qui s'enfonçait dans les bois (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 27). Les tanks ne quitteront absolument pas le front (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 205). Elle quitte le boulevard pour une rue déserte (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 328).
[Le suj. désigne un moyen de transp.] Quand le paquebot quitte-t-il Shangaï? (VERNE, Tour monde, 1873, p. 110). Il vit le sol s'enfoncer sous lui et l'avion, déporté par le vent, quitter la piste préparée (P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p. 357).
Au fig. Quoi? Des reproches, des exhortations à quitter la voie mauvaise (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 210). On peut se demander (...) si l'éducation populaire a été toujours attentive à ne pas quitter les chemins qui mènent au cœur et à l'esprit de ceux auxquels elle s'adresse (CACÉRÈS, Hist. éduc. pop., 1964, p. 12).
) [Qqc.2 désigne un vêtement] Ôter. Quitter son chapeau, son pardessus, ses gants, ses vêtements. Il se lève, en bras de chemise, quitte ses bretelles pour être plus à l'aise (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 59). Je quittai mon déguisement, passai un pantalon, un vieux chemisier et sortis en courant (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 120).
Rem. HANSE 1949 indique: ,,Ne suivez pas les puristes qui condamnent l'expression: quitter son veston``.
Loc. fig. Ne plus porter. Quitter le deuil. Notre chanteur mourut de cette séparation, et la survivante quitta le deuil juste au jour prescrit par l'usage (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 189).
♦ [P. métaph. et p. méton. du suj.] Qqc.2 quitte qqn1 Sa boîte à outils ne le quitte plus. Il tira de sa ceinture l'écritoire et la plume de roseau, qui ne quittent pas plus un écrivain arabe que le sabre ne quitte le cavalier (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 366):
5. Accusez-le [le Romain] de férocité si vous voulez; mais de faiblesse, non: son couteau répondrait. Son couteau ne le quitte pas. Le coup de couteau est un geste naturel et fréquent à Rome.
MICHELET, Introd. Hist. univ., 1831, p. 441.
2. Qqc.1 quitte qqc.2 Cesser d'être en un lieu.
a) [Qqc.1/qqc.2 désigne un inanimé plus ou moins abstr.] Depuis que l'Orient a quitté l'architecture byzantine (...), on a cessé (...) de construire des dômes sur les églises (LENOIR, Archit. monast., 1852, p. 319). Le rôle de la presse indépendante, quotidienne et hebdomadaire, fut très important après le 6 février; bon gré mal gré, la presse d'information dut quitter la neutralité, pour se joindre à elle (L. DAUDET, Brév. journ., 1936, p. 72). La révolte quitte peu à peu le monde du paraître pour celui du faire où elle va s'engager tout entière (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 75).
P. métaph. Rien ne mène, — je le sais, — à l'amour. C'est lui qui se jette en travers de votre route. Il la barre, à jamais, ou s'il la quitte, laisse le chemin rompu, effondré (COLETTE, Vagab., 1910, p. 28).
b) [Qqc.1/qqc.2 désigne un inanimé concr.]
) [Éléments naturels qui sont en rapport étroit] La neige a quitté de bonne heure les parties basses des montagnes (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 54). Comment la grappe quitte le cep et choit dans le panier (COLETTE, Pays. et portr., 1954, p. 72).
) [Éléments produits par l'action humaine et adaptés ensemble par la volonté de l'homme qui les a fabriqués] Denise s'était résignée à faire de nouveau le cordonnier (...) avec une forte aiguille, elle avait pris le parti de recoudre les semelles, qui menaçaient de quitter l'empeigne (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 509). Vous voyez jaillir des étincelles quand le trolley quitte un instant le fil qui amène le courant (H. POINCARÉ, Mécan. nouv., 1909, p. 11). Le glaive même a quitté son fourreau de brocard (FULCANELLI, Demeures philosophales, t. 2, 1929, p. 195).
P. métaph. Une nuit comme celle-ci, le premier morceau de continent que rencontrent les phares d'en face, c'est ce rocher noir et rouge [Tanger] à collerette blanche qui quitte le sable pour s'avancer à mi-corps dans le détroit (MORAND, Eau sous ponts, 1954, p. 217).
Spécialement
ART CULIN. Se décoller, se détacher. Mettez dans une casserole une chopine d'eau (...) ensuite mettez de la farine jusqu'à ce que cela soit en pâte bien déliée, et la remuez toujours jusqu'à ce qu'elle quitte la casserole (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p. 245).
FIN., BANQUE. [À propos du portefeuille d'une banque] Ne plus être (en portefeuille). Il y a lieu de tenir compte, parmi les engagements de la banque, des effets qui ont quitté son portefeuille et qui sont au réescompte, mais qui portent encore sa signature. Il y a là engagement virtuel pouvant, en cas d'accident, devenir actuel (BAUDHUIN, Crédit et banque, 1945, p. 175).
GRAV., au part. passé adj. (Taille) quittée. Qui ne semble pas avoir sa longueur naturelle. (Ds Lar. 19e-Lar. encyclop.). Synon. (taille) brisée.
REM. 1. Quittatoire, adj., hapax, p. plaisant. Qui traduit le désir de quitter, de partir. Dès qu'il sut mes intentcheunes quittatoires, mon brave « employer » me promit hautes payes (VERLAINE, Corresp., t. 3, 1875, p. 113). 2. Quitterie, subst. fém., vx, fam. Séparation de courte durée (généralement à la suite d'une dispute). Il n'y aura pas de rupture entre nous, à peine une quitterie (A. DAUDET, Sapho, 1884, p. 226).
Prononc. et Orth.:[kite], (il) quitte [kit]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 « tenir quitte, libérer (quelqu'un) » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 8761); 2. 1176-81 quitter qqc. à qqn « ne pas tenir compte à quelqu'un de quelque chose, libérer quelqu'un de (une faute, une dette, etc.) » (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 2014); 3. ca 1175 quitter qqc. à qqn « laisser, céder quelque chose à quelqu'un, lui abandonner » (Chronique Ducs Normandie, 11324 ds T.-L.); 1552 spéc. quitter la place à (qqn) (RONSARD, Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 66); 4. a) 1266 « laisser, abandonner » (Cart. de St-Lambert, n ° 295, A. Liège ds GDF. Compl.); spéc. b) 1539 quitter la place (EST.); 1550 « partir de, s'éloigner (d'un lieu) » (RONSARD, op. cit., t. 1, p. 267); c) 1553 « s'éloigner de, se séparer de (une personne) » (ID., op. cit., t. 5, p. 41); d) 1553 « se dévêtir de » (ID., op. cit., t. 5, p. 248); e) 1563 quitter la religion (ID., op. cit., t. 11, p. 353); f) 1604 (le sujet désigne une chose) « laisser, ne plus établir son influence sur » (MONTCHRESTIEN, Les Lacenes, Tragédies, éd. Petit de Juleville, p. 164 ds IGLF). Dér. de quitte; dés. -er. Fréq. abs. littér.:20 594. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 31 194, b) 30 363; XXe s.: a) 27 168, b) 28 358. Bbg. DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 157. — LERCH (E.). Quitter. Z. rom. Philol. 1938, t. 58, pp. 480-524, 641-669. — QUEM. DDL t. 6.

quitter [kite] v. tr.
ÉTYM. XIIe, « dispenser de payer, de faire…; absoudre de ses péchés »; du lat. médiéval quitare, var. de quietare, de quietus. → Quitte.
———
I Vx. Libérer (qqn d'une obligation matérielle ou morale), tenir quitte. || Quitter qqn d'une dette.REM. Le mot quittance vient de ce sens.
Fig. Dispenser (cf. Racine, Mithridate, V, 5).
———
II (XVe). Vx (encore chez P.-L. Courier). Laisser (qqch.) à qqn. || Quitter une dette à qqn (Bossuet, in Littré), la lui remettre. || Quitter qqch. à qqn. Abandonner, céder.Quitter le prix à… : reconnaître la supériorité de… || « Je me ferai quitter le prix » (Malherbe, Ode à la Reine).
Loc. Vx. Quitter sa part.N'en pas quitter sa part (à un autre), ne pas y renoncer (cf. Corneille, La Fontaine, Mme de Sévigné, Voltaire, in Littré).
Vieilli. Quitter la place à… : laisser seul, se retirer, et, fig., céder devant quelqu'un.
1 Mais depuis que notre jeunesse
Quitte la place à la vieillesse,
Le temps ne la ramène plus.
H. de Racan, Odes, « Ode bachique », À M. Ménard.
Ellipt. Vx. || Je le quitte : je m'avoue vaincu. || « Je ne saurais deviner votre énigme, je vous le quitte » (Furetière).
———
III Abandonner (cit. 6), laisser.
A (Compl. n. de chose).
1 (XVIe). Vieilli ou littér. Renoncer à (qqch.). || Quitter son intérêt (cit. 5). || « (…) sans quitter l'envie De finir par tes mains ma déplorable vie » (→ 1. Car, cit. 1, Corneille).Quitter la proie pour l'image (cit. 2), pour l'ombre.Quittez ce souci (→ Naturel, cit. 24). || « Quittez le long espoir (cit. 8) et les vastes pensées » (La Fontaine). || « Quittez… cette haine farouche » (cit. 14, Racine). || Quittez cette grimace (cit. 10).Quittez votre air fâché, triste. Perdre (I., A., 3.).Vx. || Quitter une habitude (→ Discontinuer, cit. 2).
2 Et vous pourrez quitter ce désir de vengeance.
Molière, le Misanthrope, IV, 2.
3 Mais pour quitter cette entreprise, qui lui avait paru si difficile et si glorieuse, il en fallait quelque autre dont la grandeur pût l'occuper.
Mme de La Fayette, la Princesse de Clèves, p. 307.
2 Mod. Abandonner, laisser (une activité, un genre de vie).Quitter son métier (→ Pelle, cit. 4), son travail, ses occupations, ses fonctions. Démettre (se), résigner (v. tr.); défection (faire défection). || Quitter le théâtre, les planches (→ Éprendre, cit. 16). || Quitter les armes : renoncer au métier des armes. || Je quittais l'étude (cit. 9) des lettres. || Quitter l'épée pour la plume (→ Hardiesse, cit. 16), la médecine pour la politique. Changer (de… pour…).
4 (…) la grandeur a besoin d'être quittée pour être sentie (…)
Pascal, Pensées, VI, 355.
5 Le plus grand malheur des métiers infâmes est qu'on ne gagne rien à les quitter.
Rousseau, les Amours de Mylord Édouard Bomston, in Œ. compl., t. II, p. 679.
Quitter le monde, les attachements (cit. 5) du monde (pour embrasser la vie religieuse, etc.).La vie que j'allais quitter pour toujours (→ Angélus, cit. 2). || Ce que nous quittons, c'est une partie de nous-même (→ Entrer, cit. 30). || La tristesse, l'angoisse de tout quitter (→ Inconnu, cit. 34 et 35).
6 On supporte longtemps une vie pénible et douloureuse avant de se résoudre à la quitter; mais quand une fois l'ennui de vivre l'emporte sur l'horreur de mourir, alors la vie est évidemment un grand mal, et l'on ne peut s'en délivrer trop tôt.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, III, XXI.
7 Échappé comme par miracle à un grand danger, il fit vœu de quitter le monde et se retira à la Trappe.
Nerval, les Filles du feu, « Angélique », X.
Loc. Quitter la partie (III., 2.), l'abandonner.
Ne pas quitter l'écoute (cit. 2) : rester à l'écoute (d'un poste de radio, du téléphone…). || Ne quittez pas l'écoute… (→ ci-dessous, IV., 1.).
B Cour. (Compl. n. de personne).
1 Laisser (qqn) en s'éloignant de lui, en prenant congé, en partant. Laisser (III., 1.), séparer (se); échapper (s'échapper de…, vx). → Chacun, cit. 1; chance, cit. 4; désirable, cit. 3. || Quitter brusquement qqn (cf. Brûler la politesse, camper là, planter là, fausser compagnie…). || Une dame de compagnie (cit. 7) qui ne la quitte jamais.Ne pas quitter qqn d'un pas, d'une semelle… || Sur ce, là-dessus, je vous quitte. || Prendre congé, dire adieu à qqn en le quittant.
(XVIIIe). Par ext. Ne pas quitter (qqn ou qqch.) de l'œil (→ Mouvette, cit.), des yeux (→ Happer, cit. 2) : avoir les yeux fixés sur. Regarder.
(Avec un sujet n. de chose, de partie du corps, etc.). || « Ses bras (cit. 6), dans nos adieux, ne pouvaient me quitter » (Racine).
Spécialt. || Ses yeux quittaient ses livres pour… (→ For, cit. 2). || Ses yeux ne quittaient pas ceux de la maîtresse (→ Café, cit. 2).
2 Laisser (qqn) pour très longtemps ou pour toujours, rompre les liens qui unissent à qqn… Séparer (se). || Quitter sa famille (→ Frasque, cit. 4), sa femme, ses enfants… (→ Canarder, cit. 3; centuple, cit. 1, Bible). Abandonner, délaisser, 1. lâcher, partir… || « Un traître, en nous quittant… » (→ Lâche, cit. 7, Racine).Quitter un amant, une maîtresse (→ Autant, cit. 40; éterniser, cit. 11; flotter, cit. 16; maîtresse, cit. 65). || « Je l'aime, je le fuis (cit. 24), / Titus m'aime, il me quitte » (Racine).
8 Pourtant il ne m'a pas « quittée », vraiment quittée, au sens où on l'entend en amour. Que j'essaye un peu de supposer cela : la lettre sur la table; la rupture; l'abandon définitif.
J. Romains, Quand le navire…, VII.
3 (1642; sujet n. de chose : vie, état, pensée, sentiment…). Laisser (qqn); cesser d'habiter, d'occuper, d'affecter… || La vie l'a quitté : il est mort. || La maladie ne le quitte plus. || Une névralgie (cit.) qui ne la quittait pas. || Cette pensée ne le quittait pas (→ Angoisse, cit. 11). || Un désir qui ne nous quitte jamais (→ Heureux, cit. 35; et aussi appréhension, cit. 8; croyance, cit. 11; matérialiser, cit. 3).Allus. littér. || « Honteux attachements (cit. 1) / Que ne me quittez-vous, quand je vous ai quittés ? » (Corneille).
9 Quand les vices nous quittent, nous nous flattons de la créance que c'est nous qui les quittons.
La Rochefoucauld, Maximes, 192.
10 Quelques instants encore et sa résolution, en l'abandonnant comme le sommeil quitte le somnambule, la laisserait innocente et épuisée.
Colette, la Chatte, p. 145.
Par ext. (Le sujet désigne une chose concrète) :
11 Elle avait posé contre sa chaise la canne qui ne la quittait jamais.
Zola, la Terre, I, V.
C (Compl. n. de chose : lieu, vêtements…).
1 (1559). Laisser (un lieu), s'en éloigner, cesser d'y être. Absenter (s'), aller (s'en), partir. || Quitter un lieu pour un autre. Changer, passer (III.). || Quitter les lieux (1. Lieu, cit. 14 et 17). Évacuer, vider (fam.); → Faire place nette.Quitter un lieu où l'on devrait rester. Déserter. || Quitter une ville (→ Arracher, cit. 22; étranger, cit. 21; habitation, cit. 1). || Quitter pour toujours son village (→ Dot, cit. 6). || Le foyer que l'on quitte pour jamais (cit. 18). Cf. Secouer la poussière de ses sandales, de ses souliers. — Quitter la maison (→ Assez, cit. 11; domicile, cit. 3). || Quitter une demeure et y revenir tous les ans (→ Désirer, cit. 5). || Quitter son pays. Émigrer, expatrier (s'; cit. 4), fuir. || Quitter son appartement, son logement. Déloger, déménager.Par ext. || J'ai quitté le lycée à treize ans, les études (cit. 24).
12 Les riches quittent leur bien, les enfants quittent la maison délicate de leurs pères pour aller dans l'austérité d'un désert, etc.
Pascal, Pensées, XI, 724.
13 Ma journée est faite; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons; les climats perdus me tanneront.
Rimbaud, Une saison en enfer, « Mauvais sang ».
Sortir de… || Quitter une pièce, une maison (→ Nourrir, cit. 20). || Quitter son bureau (→ Flâne, cit. 2). || Le médecin lui interdit de quitter la chambre, le lit, de sortir, de se lever.Quitter une place, sa place, son siège. || Quitter la table (→ Expédier, cit. 7; invoquer, cit. 9).Quitter le bord, le navire.Animaux qui quittent leur gîte (cit. 7). — ☑ Loc. vieillie. Quitter la place (cit. 10). Déguerpir, lever (le siège).Sans quitter la place : sans désemparer.« Elle quittait ses bras pour tomber à ses pieds » (→ Esclave, cit. 15, Stendhal).Sa main quitta son front.
Quitter la main de qqn, cesser de la tenir.
14 Je lui donnai la main pour entrer dans le bateau; et, en m'asseyant à côté d'elle, je ne songeai plus à quitter sa main.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, IV, XVII.
15 Cependant nous ne pouvions pas rester ainsi (…) Nous avions besoin de nos mains pour dîner (…) Celle de Mlle Alberte quitta donc la mienne; mais au moment où elle la quitta, son pied, aussi expressif que sa main, s'appuya avec le même aplomb (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le rideau cramoisi ».
Par métaphore. || Quitter la terre (→ Athée, cit. 9; hypothéquer, cit. 4), le monde (→ Prendre, cit. 5), la vie (→ Éclat, cit. 38). Disparaître, mourir.
16 Du matin au soir ils disent du mal de la vie, et ils ne peuvent se résoudre à la quitter !
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 664.
Quitter un chemin, une route, la voie…, s'en écarter.Spécialt (autom.). || Quitter la route (dans une course, sortir de la route par suite d'une faute de conduite). → Aller dans le décor. — Par métaphore. || Quitter le sentier de la vertu, la voie du devoir…Quitter les rangs. Rompre.
(Sujet n. de chose). || La voiture quitta la route, alla au fossé.Navire qui quitte le port. Démarrer. || Avion qui quitte le sol. Décoller.Ses pieds ne quittaient pas le sol (→ Bostonner, cit.).
17 À cet endroit, le chemin quittait le bord du plateau.
Zola, la Terre, I, I.
Par ext. (Choses). Cesser d'être en un lieu. || Tous les fruits qui ont quitté le verger pour l'armoire (→ Odeur, cit. 2).Les couleurs quittent ses joues (→ Livide, cit. 2). || Un sourire de bienveillance ne quittait pas ses lèvres.
2 (1559). Enlever (ce que l'on a, ce que l'on porte sur soi). Débarrasser (se), défaire, dépouiller (I., 2. et II.), enlever, ôter. || Quitter un vêtement, son pardessus (→ Avant, cit. 20). || Il ne quittait plus ses gants, son chapeau. || Quitter ses vêtements. Déshabiller (se).
18 (…) le moujik est fidèle à sa touloupe comme l'Arabe à son burnous; une fois endossée, il ne la quitte plus : c'est sa tente et son lit; il l'habite nuit et jour, dort avec elle dans tous les coins, sur tous les bancs, sur tous les poêles.
Th. Gautier, Voyage en Russie, VI.
19 Elle quittait ses vêtements de la journée avec une liberté jeune, écartée de la pudeur et de l'impudeur, avec une hâte vers la nudité et l'eau qui divertit Chéri.
Colette, la Fin de Chéri, p. 161.
20 Pas de différence morale entre l'Angiola et moi, qui n'ai jamais, dans tous mes désordres, quitté mon scapulaire.
Valery Larbaud, A. O. Barnabooth, Journal, 21 juin.
Par ext. || Elle prit le grand deuil (cit. 6) et ne le quitta jamais. || Quitter l'habit (cit. 19) religieux. || Quitter un masque (cit. 16), le masque (fig.).
21 Ce n'était pas assez de porter chez eux le joug des prêtres, il fallait, chose intolérable aux barbares, que, quittant le costume, les mœurs, la langue de leurs pères, ils allassent se perdre dans les bataillons des Francs, leurs ennemis, vainquissent, mourussent pour eux.
Michelet, Hist. de France, II, II.
3 Vieilli. Cesser de tenir ou de se tenir à… || « Quitter sa proie » (Littré). || Quitter les étriers. || Quitter les armes. 1. Poser (I., 7.); → 2. Garde, cit. 6. — ☑ Loc. Quitter prise. 1. Lâcher (→ Employer, cit. 8).
———
IV V. intr.
1 Vx. S'en aller, partir. || « Faut-il quitter impoliment (cit.) sans lui rien dire ? » (Rousseau).Se séparer (en parlant d'un homme et d'une femme).Cesser un travail, une occupation.
22 (…) il faut absolument que tous ceux qui ont travaillé avec vous quittent avec vous.
Voltaire, Lettre à d'Alembert, 5 févr. 1758.
(Au téléphone). Quitter l'écoute. || Ne quittez pas, on vous parle de Lyon. (→ ci-dessus, III., A., 2.).
2 Vieilli ou régional. || Quitter de qqn.
——————
se quitter v. pron.
(Récipr.). Se séparer l'un de l'autre, les uns des autres (→ Fortuitement, cit. 1; frère, cit. 6; grelot, cit. 3; monde, cit. 40). || Ils se sont quittés bons amis.
23 (…) la femme avec qui on se montre le plus indifférent sent tout de même obscurément qu'en se fatiguant d'elle, en vertu d'une même habitude, on s'est attaché de plus en plus à elle, et elle songe que l'un des éléments les plus essentiels pour se quitter bien est de partir en prévenant l'autre.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 15.
(Sens passif).Il n'est si bonne compagnie qui ne se quitte (→ Congé, cit. 3).
——————
quitté, ée p. p. adj.
|| Une maîtresse quittée, abandonnée (→ Nostalgie, cit. 4).Les lieux définitivement quittés. — ☑ Loc. prép. Littér., rare. Au quitté (ou au quitter) de : au sortir de.
24 Au quitter de Strasbourg en flamme, dans la traversée des Vosges, ils ont subi les attaques nombreuses des francs-tireurs et des mobiles (…)
M. Barrès, la Colline inspirée, XVII.
25 Quand, au quitté de ma rhétorique, je commençai de sortir et de fréquenter quelques salons (…)
Gide, Journal, 29 janv. 1943.
CONTR. (Du III.) Avoir, garder, maintenir, tenir. — Continuer, reprendre. — Approcher, chasser, poursuivre. — Fréquenter. — Rester, revenir, venir. — Accoster, atterrir, gagner. — Arriver, établir (s').
DÉR. (Du I.) Quittance.

Encyclopédie Universelle. 2012.