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suffire

suffire [ syfir ] v. tr. ind. <conjug. : 37>
• 1170; soufire 1120; réfect. de l'a. fr. d'apr. le lat. sufficere intr. « supporter, résister »
I(Choses)
1 ♦ SUFFIRE À : avoir juste la quantité, la qualité, la force nécessaire à, pour (qqch.). Je dissipe « le bien modeste [...] qui pouvait suffire à ma vie » (Nerval). Cela suffit à mon bonheur. Loc. prov. À chaque jour suffit sa peine.
♢ SUFFIRE À, POUR (et l'inf.). « Il faut un siècle pour construire ce qu'un jour suffit à détruire » (R. Rolland). « Une goutte d'eau suffit pour le tuer » (Pascal). — SUFFIRE POUR QUE (et subj.). Les moutons sont timides, « le moindre bruit extraordinaire suffit pour qu'ils se précipitent » (Buffon).
2 ♦ SUFFIRE À : être de nature à contenter (qqn) sans qu'il ait besoin de plus ou d'autre chose. Cela me suffit. Fam. Ça me suffit [ samsyfi ]. « Votre signature et vos promesses leur suffiront » (Balzac).
3Absolt Être suffisant. « Tout effort suffit lorsque le flot vous porte » (A. Gide). Un seul peut suffire. Cela ne suffit pas. Ça suffira pour aujourd'hui.
4Impers. IL SUFFIT À (qqn) DE... Il lui suffit d'être tranquille, ça lui suffit : il se contente de. Il vous suffira de le lui dire. 1. avoir (n'avoir plus qu'à...). « Il ne leur a pas suffi d'exporter du coton, du cuivre » (Siegfried). « Ne te suffit-il pas de m'avoir tourmentée ? » (Laclos). Ça ne te suffit pas ?
Absolt IL SUFFIT DE. « Il suffit [...] d'une modification infime pour que ces profits [...] s'évanouissent » (Romains). Ça suffirait pour... Il suffit d'une fois ! (Avec l'inf.) « Il ne suffit pas de posséder une vérité, il faut que la vérité nous possède » (Maeterlinck). (Avec le subj.) L'auteur « n'est pas tenu d'avoir du talent, il suffit qu'il soit exactement informé » (Henriot). Vx IL SUFFIT : cela suffit, c'est assez. « L'honneur parle, il suffit » (Racine). — SUFFIT ! « Suffit sur ce sujet, n'est-ce pas » (A. Gide). Mod. ÇA SUFFIT !; ÇA SUFFIT COMME ÇA, je suis (nous sommes) excédé(s). ⇒ assez (cf. fam. Basta, ça va comme ça).
II(Personnes) SUFFIRE À.
1Être capable de fournir ce qui est nécessaire à..., de satisfaire à (qqch.). Il pouvait désormais suffire à tous ses besoins. (Avec l'inf.) Ils « ne suffisaient plus à servir les narguilés » (Loti). Je n'y suffis plus : je suis débordé.
2(Compl. personne) Être pour qqn tel qu'il n'ait pas besoin d'une autre personne. Sa famille lui suffit, il ne voit personne.
3 V. pron. SE SUFFIRE : avoir en soi-même, trouver par ses propres moyens de quoi satisfaire à ses besoins matériels ou ses aspirations morales. « Pour se suffire, le paysan doit produire de tout » (Zola). Pays qui se suffit à lui-même ( autarcie, autosuffisance) . Par ext. (Choses) « La beauté pure n'a besoin d'aucun ornement et se suffit à elle-même » (Louÿs).
(Récipr.) « Ils se suffisaient, ils pensaient à deux la même pensée » (Hugo). Elles se sont suffi mutuellement.

suffire verbe transitif indirect (ancien français soufire, du latin sufficere) Correspondre juste à ce qui est nécessaire pour satisfaire quelque chose, quelqu'un : Cette vie modeste qui suffit à son bonheur. Une petite voiture lui suffirait. Être capable de fournir ce qui est nécessaire à quelque chose : J'avais peine à suffire à la tâche.suffire (difficultés) verbe transitif indirect (ancien français soufire, du latin sufficere) Conjugaison Construction 1. Suffire à, pour = pouvoir satisfaire (qqn) ; répondre à (une nécessité, un besoin). Il a une petite retraite qui lui suffit ; cela suffit pour moi ; cela suffit pour vivre ; il est loin de suffire à la tâche. 2. Suffire pour = être assez grand en quantité, en intensité, pour. Cette somme ne suffit pas pour acheter la maison dont je rêve, elle ne suffit pas pour cet acha ; un rien suffit pour froisser les gens susceptibles. 3. Il suffit de (+infinitif), il suffit que (+ subjonctif), il suffit de (+ nom) : « Il suffit de passer le pont / C'est tout de suite l'aventure »(G.Brassens) ; il suffit que vous disiez un mot pour que tout s'arrange ; il suffit d'un mot. Emploi Se suffire à soi-même. Emploi courant dans tous les registres. Remarque Se suffire à soi-même est un exemple de pléonasme expressif admis par l'usage. Accord Le participe passé ne s'accorde jamais : vos paroles ont suffi à le rassurer ; ils se sont toujours suffi à eux-mêmes. ● suffire (expressions) verbe transitif indirect (ancien français soufire, du latin sufficere) Il me (te, lui, etc.) suffit de, la seule chose qui me (te, lui, etc.) soit nécessaire est de : Il vous suffira de vous reposer quelques jours.suffire verbe intransitif Être en quantité satisfaisante, être assez pour produire tel effet, satisfaire à quelque chose : Un simple geste suffit. Il est intelligent, mais cela ne suffit pas.suffire (citations) verbe intransitif Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux Paris 1688-Paris 1763 Tout ce qui n'est que suffisant ne suffit jamais. Le Paysan parvenu suffire (expressions) verbe intransitif Il suffit de, que, il faut seulement, il est seulement nécessaire que : Il suffisait de lui expliquer. Familier. Ça suffit (comme ça) !, Suffit !, expriment l'agacement, l'irritation ; en voilà assez.

suffire
v.
rI./r v. tr. indir.
d1./d (Sujet n. de chose.) Suffire à: être en quantité satisfaisante, avoir les qualités requises pour. Cette somme suffit à nos besoins. Votre parole me suffit.
|| Absol. Cela suffit: c'est assez.
d2./d (Sujet n. de personne.) Pouvoir satisfaire à soi seul aux exigences de (qqch, qqn). Il ne suffit pas à la tâche.
rII./r v. impers. Il suffit de: il faut seulement. Il suffit d'y aller.
(Suivi de que et du subj.) Il suffit que vous le désiriez.
rIII/r v. Pron. Se suffire à soi-même: n'avoir pas besoin de l'assistance des autres.

⇒SUFFIRE, verbe trans. indir. et pronom.
I. — Empl. trans. indir.
A. — Constituer à soi seul le facteur déterminant pour que soit obtenu l'effet que l'on constate ou le résultat que l'on attend.
1. [Le suj. est un animé ou ce qui lui est propre]
a) Qqn suffit à + inf. Un chef si déterminé, à la tête de quelques soldats, suffirait à bouleverser Lisbonne (LEMERCIER, Pinto, 1800, I, 8, p. 27).
b) Qqn suffit à + subst. Dans le tourbillon de tant de jouissances, le cœur et les yeux ne peuvent suffire à la multitude des sensations (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 15).
2. [Le suj. appartient au domaine de l'inanimé]
a) Qqc. suffit à/pour
Qqc. suffit à + inf. Réalisme, idéalisme, sont des termes abstraits qui ne sauraient suffire à caractériser des êtres [les artistes] obéissant à leur sensibilité (MAUCLAIR, Maîtres impressionn., 1923, p. 38). Quinze jours de clinique avaient suffi à la transformer (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 113).
Qqc. suffit pour + inf. En France, tout le monde paraît avoir de l'esprit, et la raison en est simple: comme tout y est une suite de contradictions, la plus légère attention possible suffit pour les faire remarquer et rapprocher deux choses contradictoires (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 25). Il a aimé (...), il a voulu vivre, il s'est vu mourir; cela suffit pour faire tout un homme (SARTRE, Mots, 1964, p. 12).
Qqc. suffit à qqn pour + inf. Un petit roseau m'a suffi Pour faire frémir l'herbe haute (RÉGNIER, Jeux rust., 1897, p. 217). Si je vous donnais deux heures, par exemple? Cela vous suffirait-il pour me passer les pouvoirs? (CAMUS, État de siège, 1948, 1re part., p. 217).
Qqc. suffit pour + subst. Une moindre calamité n'aurait pas suffi pour les desseins de Dieu (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 459).
b) Empl. abs. Une seule blessure au cou, en perçant avec soin une des artères carotides, et je crois que ç'aurait suffi (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 167). La cyprière, quand on y entrait, elle était comme un calice de fleur avec un pistil blanc: un socle de vieille pierre tout seul et qui suffisait (GIONO, Solit. pitié, 1932, p. 178).
3. Empl. impers.
a) Il suffit de + subst. ou adv. de quantité + pour + inf. Je sens d'abord confusément qu'il suffirait de peu, d'un léger coup de pouce, pour faire varier dans un sens ou dans l'autre ce jugement (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 195). Le rassurant de l'équilibre, c'est que rien ne bouge. Le vrai de l'équilibre, c'est qu'il suffit d'un souffle pour faire tout bouger (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 51) .
b) Il suffit de + inf.... pour + inf. Il suffit de suivre à la trace, peu de temps, les parcours répétés des mots pour apercevoir (...) la construction labyrinthique de l'être (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 131):
Le coup d'œil le plus rapide jeté autour de lui, le plus fugitif contact, révèlent plus de choses au lecteur que toutes ces apparences qui n'ont d'autre but que de vêtir le personnage de vraisemblance. Il lui suffit de puiser dans le stock immense que sa propre expérience ne cesse de grossir pour suppléer à ces fastidieuses descriptions.
SARRAUTE, Ère soupçon, 1956, p. 63.
c) Il ne suffit pas de + inf..., il faut + inf. Il ne suffit pas d'avoir montré que les privilégiés, loin d'être utiles à la nation, ne peuvent que l'affaiblir et lui nuire, il faut prouver encore que l'ordre noble n'entre point dans l'organisation sociale (SIEYÈS, Tiers état, 1789, p. 30).
d) Il suffit que. Il suffit que nous y trouvions le fil de la vie, la tradition et cette unité dans la succession, grâce à quoi elle produit sur le visiteur une impression si particulière (BARRÈS, Jard. Bérén., 1891, p. 90). Il suffit que je le veuille (CAMUS, État de siège, 2e part., 1948, p. 267).
Il suffit que... pour que. Il suffira que le vent de la mer se lève pour que la peste recule (CAMUS, État de siège, 1re part., 1948, p. 215).
Il suffit que... et. Il suffit qu'une femme vous parle de son angoisse à votre sujet (...), et malgré soi elle vous met dans un malaise (MONTHERL., Malatesta, 1946, IV, 9, p. 527).
Il faut et il suffit que. Pour qu'une transfusion sanguine n'ait point de suite fâcheuse, il faut et il suffit que le sang du sujet donneur et celui du sujet receveur se trouvent offrir certains rapports de convenance (CUÉNOT, J. ROSTAND, Introd. génét., 1936, p. 90).
e) Empl. abs. [Avec valeur exclam.] Je méprise ses menaces; mais vous le voulez, il suffit (LA MARTELIÈRE, Robert, 1793, III, 4, p. 34).
— [P. ell. du pron.] Les voilà tous, bouche béante, Admirant un grand sot qui sue et se tourmente À souffler dans un petit trou. C'est par de tels efforts qu'on parvient à leur plaire, Tandis que moi... Suffit... Allons-nous-en d'ici (FLORIAN, Fables, 1792, p. 172). D'un autre, je me serais demandé s'il se moquait de moi, bien qu'on n'ait pas l'habitude de... enfin, suffit! (ARLAND, Ordre, 1929, p. 70).
B. — Qqc. (qqn) suffit à qqn/à qqc. de qqn.
1. Constituer un élément tel qu'il est possible de s'en contenter, sans qu'il soit besoin d'autre chose. Un rien me suffit; ça me suffit. Ne puis-je suffire à ton bonheur comme tu suffis au mien? (DUMAS père, Intrigue et amour, 1847, II, 6e tabl., 1, p. 256). Cela me suffit de te voir manger (ARLAND, Ordre, 1929, p. 319). Ma parole doit te suffire (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 269).
Empl. abs. À quoi bon tant d'amis? Un seul suffit quand il nous aime (FLORIAN, Fables, 1792, p. 112). Et laisser des Mémoires, ça ne suffit pas (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 30).
Empl. impers. Il me suffit que. Il me suffit que j'aie gardé votre souvenir (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 220). Je m'inquiète fort peu de savoir si d'autres sont plus à plaindre que toi. Il me suffit que tu sois très à plaindre toi-même (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1894, p. 200).
2. P. iron. Donner par son excès de l'aversion à quelqu'un. Dix jours à la campagne, ça me suffit!
Empl. abs. Ça suffit! Il suffit (vx). En voilà assez! (Dict. XXe s.).
Proverbe. ,,À chaque jour suffit sa peine``(J.-F. ROLLAND, Dict. mauv. lang., 1813, p. 126. ,,Il ne faut pas se tourmenter inutilement pour l'avenir`` (J.-F. ROLLAND, Dict. mauv. lang., 1813, p. 126).
C. — Qqn suffit à/pour. Être capable à soi seul de produire l'effet recherché, d'assurer une tâche, de faire face à une situation. Je n'y suffis plus. Dans mon petit ménage, Le travail, l'amour, la santé, Tout va fort bien en vérité; Nous ne pouvons suffire à la vente, à l'ouvrage (FLORIAN, Fables, 1792, p. 175). J'aurais pu parler dans les comités, dans les réunions, suffire à toute l'activité d'un politicien, sans rien soupçonner de ces forces spontanées et secrètes (BARRÈS, Jard. Bérén., 1891, p. 126).
Empl. abs. Depuis son enfance, Agathe a vécu dans la terreur de voir se remarier cette mère adorée dont la figure altière semblait dire au monde: je suffis (MORAND, Clef souterr., 1956, p. 62).
II. — Empl. pronom.
A. — [En parlant d'une chose] Constituer un tout qui se tient, indépendamment de toute autre chose. L'idée d'un mariage (...) n'avait pas même encouragé le naïf élan d'une affection qui se suffisait presque à elle-même (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 128). Le tableau n'est pas une fenêtre ouverte sur un fait divers; il est un tout qui se suffit à lui-même, où l'être et son milieu se complètent l'un par l'autre (SÉAILLES, E. Carrière, 1911, p. 101).
B. — [En parlant d'une pers.] Se réaliser, satisfaire ses aspirations, sans le secours d'autre chose ou sans le secours d'autrui. Personne cependant n'a plus de courage que moi pour se suffire comme on dit vulgairement. Mais se suffire n'est que tuer le temps et tromper la tristesse (SAND, Corresp., t 2, 1843, p. 266).
En partic. Subvenir à ses propres besoins. J'ai hâte de gagner mon pain et de me suffire! (VALLÈS, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 350).
Prononc. et Orth.:[], (il) suffit [-fi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. 1. 1160 sofire « constituer la quantité nécessaire » (Eneas, 7103 ds T.-L.); ca1260 souffire a + inf. « être de nature satisfaisante pour un certain but » (ETIENNE BOILEAU, Livre des métiers, éd. G.-B. Depping, p. 225); absol. 1370 (N. ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 530: Et donques savoir parler de vertu ne souffist pas); 2. 1549 « être l'élément de satisfaction » (EST.: cette parole que tu me dit ne me suffit point, ne me satisfait point). B. 1. Ca mil. XVe s. « être la personne capable d'assumer une tâche » (Myst. de S. Bernard, 2521 ds GDF. Compl.); 2. 1555 « constituer l'élément déterminant pour obtenir un résultat » (RONSARD, Continuation des Amours, éd. P. Laumonier, t. 7, p. 121: Si Echon ne sufist, le changeront en cigne). II. Verbe impers. 1. a) 1370 il suffit que + subj. (N. ORESME, op. cit., p. 539: il leur souffist asséz que ilz ne soient pas ignorans); b) 1405 il suffit + inf. (EUSTACHE DESCHAMPS, Chançons Royaulx, éd. Queux de Saint Hilaire, t. 3, p. 2: il me suffist de couchier en ma mue); c) 1619 il suffit que + ind. (H. D'URFÉ, L'Astree, t. 3, p. 182); 2. 1530 il suffit (PALSGR., p. 743); 1672 suffit (MOLIÈRE, Femmes savantes, 1084); 3. 1656 il suffit d'un (suivi d'un nom) (J. CHAPELAIN, La Pucelle, p. 80: mais il ne suffit pas d'une seule victoire pour...). III. Empl. pronom. 1. 1655 (G. DE BREBEUF, La Pharsale de Lucain, t. 3, p. 51: peut sans autre soutien se suffire luy-mesme); 2. empl. réciproque 1761 se suffire l'un à l'autre (J.-J. ROUSSEAU, Héloïse, I, 45 ds LITTRÉ). Du lat. « mettre au-dessus ou à la place », « suppléer » puis « fournir », à l'intrans. « se placer dessous », c'est-à-dire « être capable de supporter » d'où « suffire à », comp. du préf. sub- marquant la position inférieure et facere « faire ». La forme soufire, qui repose sur un lat. pop. , due à l'allongement de en sous l'infl. de verbes comme dicere, a été ensuite relatinisée en suffire, d'abord de façon isolée au XIVe s. (supra II 1), puis régulièrement à partir du XVIe s. Fréq. abs. littér.:12 011. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 16 030, b) 12 526; XXe s.: a) 17 401, b) 13 396. Bbg. LANLY (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 269-270.

suffire [syfiʀ] v. tr. ind.
CONJUG. je suffis, nous suffisons; je suffisais; je suffis; je suffirai; je suffirais; suffis, suffisons, suffisez; que je suffise; que je suffisse; suffisant; suffi.
ÉTYM. 1170; soufire, 1120; réfection de l'anc. franç., d'après le lat. sufficere, intrans., « supporter, résister », de sub-, et facere « faire ».
———
I (Sujet n. de chose).
1 Suffire à, pour : avoir juste la quantité, la qualité, la force nécessaire à, pour (qqch.). || Je dissipe (cit. 11) le bien modeste qui pouvait suffire à ma vie. || Des dépenses auxquelles les recettes (cit. 1) ne peuvent suffire. || La langue ordinaire ne suffit plus aux besoins de la réclame (cit. 3). || La charité privée était incapable de suffire à cette tâche (→ Chômeur, cit. 2). — ☑ Prov. À chaque (cit. 1) jour suffit sa peine.
1 S'il fallait tout voir par soi-même, maintenant que la terre est si grande et la science si compliquée, la vie entière ne suffirait ni à la multiplicité des choses qu'il faudrait étudier, ni à l'étendue des lieux qu'il faudrait parcourir.
É. de Senancour, Oberman, LXVIII.
(1538). || Suffire à…, pour… (et l'inf.). || Il faut un siècle pour construire ce qu'un jour suffit à détruire (cit. 14). || Cet argent suffit à payer notre retour (→ Léger, cit. 5). || Jeux qui suffisent à remplir (cit. 8) agréablement l'existence.« Une goutte (cit. 2) d'eau suffit pour le tuer ». || « Que peu de temps suffit pour changer (cit. 25) toutes choses ! »Suffire pour que… (et subj.). → Mouton, cit. 3; rapport, cit. 16.
2 (1538). || Suffire à (suivi d'un compl. n. ou pron. de personne) : être de nature à contenter (qqn), sans qu'il ait besoin de plus ou d'autre chose (→ Plus, cit. 49). || La plus heureuse (cit. 29) personne est celle à qui peu de chose suffit. || « … mon lopin (cit. 1) me suffit ». || Le bien ne lui suffit pas, il cherche le mieux (cit. 36). || Le témoignage de notre conscience doit nous suffire (→ Attendre, cit. 80).Suffire à qqn pour… (et l'inf.). → Éprouver, cit. 35; expérimenter, cit. 8.
2 Votre signature et vos promesses leur suffiront aujourd'hui, et, dit-il tout bas, j'avoue qu'ils se contentent de peu de chose.
Balzac, les Chouans, Pl., t. VII, p. 986.
3 Deux raisons pour être jalouse suffisent à une femme; une seule suffit à une reine.
Hugo, l'Homme qui rit, II, I, V, IV.
Ça me suffit (nom donné à une villa modeste, souvent adapté en Sam Suffit, Samsufy, etc.).
3 Absolt (compl. sous-entendu). || Un seul mot suffit (→ Imprécis, cit. 3). Baster (vx). || Ce rien (cit. 86) suffit. || Cette précaution ne suffit plus. || L'argot ne saurait suffire (→ Lardon, cit. 4). || Cela suffit (→ Auprès, cit. 11; esquiver, cit. 7). || Cela ne suffit pas : c'est trop peu, c'est insuffisant (→ Difficile, cit. 28; entre-dévorer, cit. 3).
4 Tout effort suffit lorsque le flot vous porte; mais quand la marée se retire, mais quand il faut lutter contre le flot (…) tout effort qui n'est pas suffisant devient ruineux.
Gide, Journal, 20 janv. 1917.
Ça suffit ! Ça suffit comme ça !, expressions exclamatives pour dire qu'on en a assez, qu'on est excédé (cf. fam. C'est marre !, ça va comme ça…).
4 Impers. (Fin XIVe). || Il suffit à (qqn) de. a (Suivi d'un nom introduit par de, « compl. apparent » en fonction de sujet). || Il suffirait d'une seule goutte (cit. 12) d'eau pour faire déborder le vase, une seule goutte suffirait pour… (→ aussi Addition, cit. 0.1; cabotage, cit. 2; espérance, cit. 20; feutrer, cit. 4). || Il suffit d'un regard pour que… (→ Enfer, cit. 14; et aussi modification, cit.). || Pour attraper (cit. 24) les images, il me suffit de cet appât de papier blanc, je n'ai besoin que de cet appât… || Il suffit d'une fois ! (cf. Il ne faut qu'une fois).
5 Le fait qui rend particulier le cas du verbe suffire, c'est qu'après cet unipersonnel (…) la séquence nominale apparaît précédée de de… Ex. : (…) « Il suffit de tes yeux pour t'en persuader » (Rac., Phèdre, II, 5). Cette tournure est comparable à l'ancien français « bonne chose est de paix ». Mais cette comparaison historique ne résout pas le problème de la signification de ce de en linguistique synchronique dans la langue d'aujourd'hui. Le fait frappant est qu'il n'entrave pas la transposition. L'exemple de Racine se transpose très aisément en : « Tes yeux suffisent pour t'en persuader. »
J. Damourette et É. Pichon, Essai de grammaire…, §1537.
b (Suivi d'un inf. précédé de de). Être (il n'est que de). || Il suffit d'avoir un peu d'oreille pour éviter les dissonances (cit. 2). || Il suffit de tenir bon pour que…. (→ Illégitimité, cit. 2). || Il ne suffit pas de posséder une vérité, il faut (cit. 25) que la vérité nous possède (→ aussi Goût, cit. 15). || Il ne suffit pas de croire (cit. 58) aux sirènes pour en rencontrer.Il suffit à l'honnête homme de… (→ Éternité, cit. 12) : l'honnête homme se contente de… || Il nous suffira d'appuyer (cit. 28), il vous suffira de dire… Avoir (n'avoir plus qu'à…). → Brave, cit. 7. || Il ne leur a pas suffi de… (→ Exporter, cit. 2). || Ne te suffit-il pas de m'avoir tourmentée ? Content (non content de). → Ignominie, cit. 5.
6 Il ne suffit pas d'être le roi de France pour le menu peuple de France et pour les barons français. Et il ne lui suffit pas d'être saint Louis devant Dieu. Il faut encore qu'il soit le roi de France devant ce soudan d'Égypte et il faut qu'il soit saint Louis devant ces infidèles.
Ch. Péguy, Note conjointe, Sur Descartes, p. 193.
c (1549; suivi d'une proposition introduite par que). || Il suffit que… (et le subj.). → Critique, cit. 30; incomparable, cit. 6; informer, cit. 19; neuf, cit. 2; noble, cit. 18. — Vieilli. (Avec l'indicatif). → ci-dessous, cit. 7. — Ellipt. (Vx). || Suffit que… (cf. Molière, l'École des femmes, v. 1045).
7 Il suffit gouverne en général le subjonctif lorsqu'on se contente d'indiquer quelle est la condition suffisante sans exprimer du même coup si cette condition est réalisée ou non (…) Mais quand, au contraire, on indique à la fois la nature et la réalisation de la condition, l'indicatif se montre très légitimement (…) Ex. : « Il suffit que l'on est contente du détour… » (Mol., Fem. sav., I, 4). « Ne vous suffit-il pas que je l'ai condamné ? » (Rac., Androm., IV, 3). Il te suffit, suivi de l'indicatif, en arrive même à signifier quelque chose de très voisin de : « il te suffit de savoir »; ex. : « Qu'il te suffise donc, pour me justifier. Que je vis, que j'aimai la reine le premier » (Rac., Mithr., I, 1).
J. Damourette et É. Pichon, Essai de grammaire…, §1906.
d (V. 1530). Absolt. || Il suffit : cela suffit, c'est assez (→ 1. Garde, cit. 11). || « L'honneur (cit. 29) parle, il suffit ».(XVIIe). Ellipt. (Vieilli). || Suffit (→ Entendre, cit. 22; muet, cit. 7).
8 (…) aurais-je pu me défendre d'un peu d'aigreur s'il avait dû me faire perdre le même temps ? et sans profit pour lui, je vous le certifie (…) Suffit sur ce sujet, n'est-ce pas.
Gide, Isabelle, IV.
———
II (Sujet n. de personne, de groupe). || Suffire à.
1 Être capable de fournir ce qui est nécessaire à…, pour…, de satisfaire à… (qqch.). || Il pouvait désormais suffire à tous ses besoins (→ 2. Moyen, cit. 21; et aussi posséder, cit. 21). || On créa plusieurs parlements (cit. 1) pour qu'ils puissent suffire à toutes les affaires (→ aussi Exil, cit. 2). || Une providence qui suffit à tout (→ Injuste, cit. 4). || Un ami tel que lui suffisait au bonheur de la vie (→ Paisible, cit. 1). || Je n'y suffis plus : je suis débordé.
9 Les prêtres ne pouvaient suffire aux sacrifices.
Racine, Athalie, I, 1.
Suffire à… (et l'inf.). → Embarquer, cit. 3; rahat-lokoum, cit. 1. — (Sans compl. en à) :
10 Buteau, qui s'était chargé du vin, ne suffisait plus (…) il devint nécessaire que Jean le relayât, en emplissant à son tour les litres.
Zola, la Terre, II, VII.
2 (Compl. n. de personne). Être (pour qqn) tel qu'il n'ait pas besoin d'une autre personne. || « Don Sanche lui suffit » (→ Harnais, cit. 1). || Sa famille lui suffit, il ne voit personne.
11 Les saints ont leur empire, leur éclat (…) Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps ni des esprits curieux : Dieu leur suffit.
Pascal, Pensées, XII, 793.
——————
se suffire v. pron.
ÉTYM. (Après 1650).
Avoir en soi-même, trouver par ses propres moyens de quoi satisfaire à ses besoins matériels ou ses aspirations morales. || Je vais avoir besoin de me suffire (→ Penser, cit. 42). || « Tant que cet état dure, on se suffit à soi-même, comme Dieu » (→ Existence, cit. 4, Rousseau). || Une jeunesse saine se suffit à soi-même (→ Prolonger, cit. 7). || Pays qui se suffit à lui-même. Autarcie, vivre (sur soi-même).Par ext. (En parlant de choses). || L'admiration se passe (cit. 151) de l'amitié, elle se suffit à elle-même (→ Légitimité, cit. 4; machine, cit. 3; négation, cit. 2; prélude, cit. 1).
12 (…) si, pour se suffire, le paysan doit produire de tout, que deviendraient donc nos Beaucerons, avec leur blé unique, dans notre Beauce découpée en damier (…)
Zola, la Terre, II, V.
13 — Ne sais-tu pas que la beauté pure n'a besoin d'aucun ornement et se suffit à elle-même ?
Pierre Louÿs, Aphrodite, III, II.
(1804). Récipr. || Se suffire l'un à l'autre, mutuellement (cit. 1).
14 Ils se suffisaient, ils n'imaginaient rien au delà d'eux-mêmes; se parler était un délice, s'approcher était une béatitude; à force d'intuition réciproque, ils en étaient venus à l'unité de rêverie; ils pensaient à deux la même pensée.
Hugo, l'Homme qui rit, II, II, V.
DÉR. Suffisant.

Encyclopédie Universelle. 2012.