GEMMES
Les gemmes sont des minéraux que l’on taille et polit pour les usages de la bijouterie, de la joaillerie et de l’orfèvrerie précieuse. Pour être gemme, un minéral doit réunir diverses qualités: beauté, dureté, inaltérabilité. La beauté est évidemment conditionnée par des critères subjectifs déterminant la sélection de la matière première brute destinée à la taille. Mais le choix des lapidaires semble avoir été identique à des époques et dans des civilisations très différentes, certains critères n’ayant pas varié depuis plusieurs milliers d’années: intensité et vivacité de la couleur, transparence pour les gemmes monocristallines et homogénéité de couleur dans la masse ou, au contraire, zonations avec opposition de teintes diverses pour les variétés microcristallines semi-opaques.
On distingue parfois les gemmes proprement dites, qui peuvent être serties sur des montures, des pierres d’ornementation, destinées à la fabrication d’objets précieux. Parmi les gemmes, on réserve l’appellation de pierres précieuses au diamant, aux corindons (rubis et saphir) et à l’émeraude. Certaines roches et matières d’origine biologique sont rattachées aux gemmes en raison de leur utilisation en bijouterie (perles, surtout).
Les gemmes étant rares et leur demande forte, elles ont, de tout temps, été imitées (l’emploi des verres bleus imitant la turquoise remonte au IIIe millénaire). Ces contrefaçons, toujours reconnaissables, n’ont aucune valeur, comparées aux pierres naturelles, mais connaissent parfois des applications industrielles.
1. Historique
Afin de surmonter sa peur devant des phénomènes et fléaux naturels auxquels il attribuait des sentiments hostiles à son égard, l’homme de la préhistoire a été amené à matérialiser des défenses psychiques propres à le soulager de ses angoisses. Ces barrières de protection ont été concrétisées sous forme de divers rites magiques dont l’un des développements les plus remarquables a donné naissance à l’art de la glyptique. L’homme des premières communautés néolithiques attribua ainsi certains pouvoirs surnaturels à des pierres inaltérables et dures, se distinguant de leur environnement naturel par leur vive couleur qui, souvent, symbolisait un archétype de l’inconscient collectif (par exemple, cornaline rouge orangé = soleil levant = puissance = père).
Ces pierres furent très recherchées et devinrent l’une des premières monnaies régulières d’échange entre les nomades du désert et les habitants des communautés agraires stables qui considéraient ces objets comme capables de leur apporter bonheur, santé et richesse. Héritière des techniques de taille du silex et de l’art de la gravure sur os, ivoire et calcaire (dont les débuts remontent à l’époque aurignacienne), la glyptique, ou gravure sur gemme, prit naissance lorsque l’homme voulut accroître, en les gravant de signes magiques, les pouvoirs surnaturels des gemmes. Le sceau fut inventé au début du IVe millénaire avant J.-C., en Asie Mineure, lorsque l’homme supposa que ces pierres gravées étaient capables de communiquer leur puissance par simple impression sur un cachet d’argile apposé sur des objets domestiques, qu’il croyait ainsi préserver des voleurs et des autres calamités. Ce n’est que plus tard, avec l’apparition de l’écriture, que le sceau servit de signature. Son usage se généralisa dans toutes les anciennes civilisations, de l’Égypte à Sumer où, à la fin du IIIe millénaire avant J.-C., il prendra souvent la forme d’un cylindre percé pour être porté.
Les fouilles archéologiques révèlent que les gemmes circulaient d’une limite à l’autre du monde antique, et l’on pense qu’elles furent un important facteur de civilisation en raison des contacts humains qui accompagnaient leur prospection et leur commerce dans des régions parfois très éloignées des grands centres de civilisation. Le lapis-lazuli d’Af-ghanistan (qu’on a retrouvé dans des tombes de la Baltique et de Mauritanie), la turquoise du Sinaï, la cornaline, l’améthyste, l’amazonite, l’hématite, les agates et les jaspes aux vives couleurs, l’obsidienne étaient parmi les gemmes les plus recherchées et servaient à la fabrication des divers types de sceaux, d’amulettes, d’œils-votifs, de boules ou de cylindroïdes percés, de tasses ou godets, de fleurs, de scarabées et autres figurines représentant des animaux, ou encore de plaquettes incrustées dans les bijoux égyptiens en or cloisonné qui datent du milieu du IIe millénaire. C’est vers cette époque que l’art de la glyptique passa en Crète et à Mycènes, dont on connaît d’admirables intailles. L’Empire assyrien regorgeait de gemmes de toutes sortes dont l’éclat naturel prévaut parfois sur la finesse de la gravure. En Grèce, les gemmes étaient au contraire plus rares, et le travail de la glyptique atteignit là une perfection telle que les intailles et les camées de cette époque sont restés, depuis, d’insurpassables modèles que seuls quelques graveurs de la Rome impériale et de la Renaissance parviennent à égaler. Les agates à zonages plans diversement colorées étaient particulièrement appréciées. Au Ier siècle avant J.-C., à Alexandrie, les deux plus grands chefs-d’œuvre de la glyptique antique furent gravés dans des sardonyx (Tasse Farnèse du Musée national de Naples et Coupe des Ptolémées de la Bibliothèque nationale).
De nombreux textes antiques mentionnent les gemmes et leurs vertus magiques. On sait par les Véda que le diamant était connu aux Indes depuis le XIIe siècle avant J.-C.; Pline indique que, de son temps, ce minéral était employé pour inciser les autres gemmes, mais ce n’est qu’au Moyen Âge qu’il sera utilisé pour la parure. À Rome, l’émeraude et la perle étaient très prisées, et certaines perles étaient vendues plusieurs millions de sesterces. Si le rubis et le saphir étaient rares, l’abondance des autres gemmes était telle que tous les trésors d’église du haut Moyen Âge seront en majorité constitués par des pierreries gravées ou polies à l’époque romaine.
L’annexion à l’Empire de l’Égypte et des pays d’Asie Mineure avait provoqué l’afflux vers Rome des inestimables trésors de pierres précieuses pris aux monarques vaincus. Il faudra attendre les croisades pour voir pareil déferlement de richesses sur l’Europe. L’émeraude provenait d’Égypte, les Romains en recevaient aussi vraisemblablement de l’Oural par l’intermédiaire des Scythes.
Le diamant venait de l’Inde, seul producteur jusqu’au début du XVIIIe siècle, le saphir surtout de Ceylan où l’on rencontrait également le spinelle rouge et le rarissime rubis. Un grand nombre de rubis célèbres sont en fait des spinelles rouges, appelés «rubis balai» au Moyen Âge, pour les distinguer du corindon rouge, ou «rubis oriental», qui, de tout temps, a été la pierre précieuse la plus rare et la plus coûteuse (huit fois plus chère que le diamant et deux fois plus que l’émeraude au début du XVIe siècle). On sait que le rubis était activement recherché depuis le IXe siècle, en Birmanie, pour le compte de certains princes orientaux qui accumulaient dans leurs trésors perles et pierres précieuses.
En Chine, c’est le jade qu’on estimait le plus. Depuis le IIe millénaire avant J.-C., on le gravait et polissait en forme de haches, de marteaux, de fibules et d’ornements funéraires, et, à l’époque Zhou, en forme de vases, de disques et autres objets rituels; aux époques ultérieures, il servit à la fabrication d’ornements de ceinture et de coiffure, d’instruments de musique et de statuettes diverses. Au Mexique, le jade fut gravé, à partir du Ier millénaire avant J.-C., par les Olmèques puis par les Mayas, qui appréciaient aussi la turquoise, le quartz et l’obsidienne. Au Pérou, dès le Ier siècle, les Chimú recherchaient la turquoise; plus tard, les Incas constituèrent ces énormes réserves d’émeraudes que les Espagnols trouveront dans leurs temples.
Au XVIe siècle, l’immense butin amassé dans le Nouveau Monde fit, pour un temps, de l’Espagne le pays le plus riche d’Europe. À nouveau, perles, émeraudes et gemmes de toutes sortes circulèrent en grand nombre et tous les princes d’alors se disputèrent les meilleurs artistes italiens graveurs sur gemmes. Les vêtements d’apparat devenus fastueux s’alourdissaient parfois de plusieurs kilogrammes de perles et de pierreries. D’admirables vases, aiguières, plats et autres objets raffinés seront façonnés dans le quartz, l’agate, le jaspe ou d’autres matières plus rares. De Florence partira la mode des meubles ornés de mosaïques précieuses; de France et de Bourgogne celle des diamants taillés à facettes. Les trésors royaux (en particulier les diamants et gemmes de la Couronne de France) seront constitués à partir de cette époque pendant laquelle on administrait en guise de médecine des perles et des pierres précieuses réduites en poudre. Les croyances héritées de l’Antiquité restèrent très tenaces et, de nos jours encore, les «pierres du mois» prouvent qu’elles n’ont pas encore tout à fait disparu.
2. Techniques de taille
L’emploi des gemmes taillées à facettes est une mode relativement récente en Europe. Auparavant, on appréciait surtout les pierres gravées ou simplement polies en forme de cabochon. Dans l’Antiquité, pour fabriquer les cylindres-sceaux, on choisissait des pierres brutes de dimension et de forme assez voisines de celles de l’objet souhaité; par usure, on obtenait d’abord le cylindre que l’on perçait, de part en part, avec des mèches en pierre, puis on gravait le décor à l’aide de burins, de grattoirs, de pointes emmanchées et de fraises mues par des archets (tous ces outils étaient en pierre). En Chine, pour le travail du jade, les outils étaient armés de corindon, et le polissage s’effectuait avec de la poudre de la matière travaillée. En Grèce, où l’on connaissait la dureté relative des minéraux, on utilisait la grande dureté du diamant pour la fabrication des intailles (gravure en creux) et des camées (gravure en relief). À Rome, l’invention du tour à pédale rendit la gravure plus aisée; fraises et forets en acier étaient trempés dans un mélange d’huile et de poudre de diamant. La taille en cabochon était plus facile à réaliser que la gravure. Jusqu’au XIIe siècle, celle-ci resta très primitive: on mettait en forme les gemmes de dureté moyenne collées sur un bâton, en les frottant à la main sur un polissoir en grès; le polissage était terminé sur des plaques de plomb ou sur des peaux tendues enduites d’abrasif.
Dans la seconde moitié du XVe siècle, Louis de Berquem réalisa les premières tailles régulières à 33 facettes du diamant à l’aide d’une meule horizontale en acier recouverte d’égrisé (poudre de diamant) délayé dans l’huile. Cette taille, améliorée un siècle plus tard par Vincent Peruzzi, deviendra, avec 57 facettes, la taille dite «brillant» qui, rendue plus parfaite grâce à la mécanisation des meules au XIXe siècle, porte au maximum le scintillement coloré du diamant (feux). Pendant la Renaissance, on prend également l’habitude de tailler les pierres de couleur suivant des formes géométriques qui mettent en valeur leur couleur et leur vivacité.
La taille du diamant, de loin la plus compliquée, se décompose en plusieurs opérations (fig. 1, 2 et 3): clivage (de moins en moins pratiqué); sciage à l’aide de minces disques en bronze phosphoreux enduits d’égrisé; débrutage ou mise en forme de la pierre par usure mutuelle contre un autre diamant (cette opération était connue depuis l’Antiquité); pose des facettes.
Pour les pierres de couleur, l’opération de polissage est indépendante de la pose des facettes; le choix de l’abrasif (alumine, égrisé, etc.) et du disque horizontal (étain, cuivre, bois, etc.) sont fonction de la dureté des pierres à tailler. Sur plusieurs centaines d’espèces minérales que l’on a taillées à facettes, une quarantaine seulement sont de nos jours couramment employées comme gemmes (tabl. 1 et 2).
3. Les pierres précieuses
Diamant
Carbone pur, le diamant est le plus dur de tous les minéraux (H 10 dans l’échelle de Mohs). Son clivage est facile suivant les faces de l’octaèdre. Il est particulièrement dispersif. Pour être de première qualité, le diamant doit être exempt de tout défaut et parfaitement incolore; mais les belles teintes: bleu, rose, rouge, jaune d’or, peuvent en augmenter exceptionnellement le prix. Il se rencontre en place dans les kimberlites, puis dans des alluvions plus ou moins anciennes et remaniées, dans des grès et des conglomérats précambriens. Les principaux pays producteurs sont actuellement la République sud-africaine, le Sud-Ouest africain, l’Angola, l’ex-U.R.S.S., la Sierra Leone, La Tanzanie, le Zaïre, le Gh na, le Centrafrique, le Brésil, la Côte-d’Ivoire. Le plus gros diamant connu fut le Cullinan ; de 3 106 carats (5 carats = 1 gramme); trouvé en 1905 dans une mine d’Afrique du Sud, il fut taillé en 105 pierres dont une de 530 carats, qui orne le sceptre britannique.
Rubis et saphir
Le rubis et le saphir sont des variétés de corindon, oxyde d’aluminium. Ce minéral est moins dur que le diamant (H = 9); sa cassure est conchoïdale. Les pierres les plus appréciées sont celles qui possèdent une grande limpidité et une teinte lumineuse et profonde: rouge «sang de pigeon» pour le rubis; «bluet» ou «indigo» pour le saphir. Les belles teintes rose, jaune, mauve, vert, sont également recherchées par les amateurs et prennent le nom de «saphir-rose», «saphir-jaune», etc. Les corindons précieux se trouvent dans les cipolins, les basaltes, les pegmatites et les alluvions qui en dérivent. Les principaux producteurs sont: la Birmanie, la Thaïlande, le Pakistan, Sri Lanka (Ceylan) et la Tanzanie pour le rubis; la Birmanie, la Thaïlande, Sri Lanka, le Cambodge et l’Australie pour le saphir; de magnifiques pierres venaient aussi autrefois des anciennes mines du Cachemire. Certains rubis et saphirs présentent le phénomène de l’astérisme (étoile lumineuse à six branches); les pierres sont alors taillées en «cabochons».
Émeraude
L’émeraude est une variété de béryl vert foncé (silicate d’aluminium et de bérylium; H = 7,5; cassure conchoïdale). Les belles pierres sont celles qui possèdent une grande transparence et une intense couleur verte. Les pierres limpides d’une certaine grosseur sont rares et atteignent des prix très élevés. L’émeraude cristallise lors de venues ou intrusions acides au contact de roches basiques porteuses de chrome et se rencontre soit dans des roches de contact micacées et noires, soit dans des filons de calcite, en Colombie. Les principaux producteurs sont la Colombie, le Brésil, la Tanzanie, le Transvaal, la Zambie, le Pakistan, l’Inde et l’ex-U.R.S.S.
Les formes de taille
La taille la plus classique pour le diamant est la taille «brillant» (fig. 3); les tailles «navette», «baguette», «goutte», «rose» sont également employées; les tailles «émeraude», «pendeloque», «marquise» sont plutôt réservées pour les pierres d’un certain volume. Les formes ovales conviennent bien aux rubis et saphirs d’une certaine importance. L’émeraude possède une taille rectangulaire à degrés, qui porte son nom et met remarquablement en valeur la couleur de cette pierre. La joaillerie emploie aujourd’hui beaucoup les pierres précieuses de couleur taillées en formes fantaisie: «carré», «goutte», «navette», etc. (fig. 4).
4. Autres gemmes
Béryls
L’aigue-marine , variété de béryl bleu à bleu-vert, est particulièrement recherchée lorsque sa couleur est très foncée. Les pierres claires ne sont pas rares. La morganite est une variété de béryl rose à rose-violet. Les teintes soutenues sont les plus appréciées. L’héliodore est une variété de béryl jaune d’or. Les béryls ont souvent une grande limpidité et une vivacité de couleur dont la palette est très étendue; en plus des variétés décrites, il en existe de vert pâle à jaune-vert. Le béryl est surtout une gemme de pegmatite. Les principaux producteurs sont le Brésil, Madagascar, le Mozambique, le Sud-Ouest africain, l’ex-U.R.S.S.
Quartz
Cette espèce minérale (silice) offre un grand nombre de gemmes très anciennement connues: le cristal de roche , incolore; l’améthyste , violette; la citrine , dont la couleur va du jaune à l’orange; le girasol , laiteux; le quartz enfumé ou morion , de couleur brune; l’hématoïde , opaque rouge; l’aventurine , comportant de fines inclusions; le prase , de couleur verte; l’œil-de-tigre , qui est un quartz avec crocidolite; l’œil-de-faucon , quartz avec asbeste bleue; les flèches d’amour , quartz avec des aiguilles de rutile. Les quartz cryptocristallins de teinte homogène prennent les noms suivants: cornaline (rouge), sardoine (brune), chrysoprase (vert pomme). les calcédoines zonées sont appelées agates (onyx avec bandes noires; sardonyx, avec des bandes blanches et brunes). Les jaspes sont des calcédoines impures; l’héliotrope , ou jaspe sanguin , est vert tacheté de rouge. Le quartz est l’un des minéraux les plus répandus et ses gisements sont nombreux. Les principaux producteurs actuels de belles variétés gemmes sont le Brésil et Madagascar.
Opale
L’opale est une gemme laiteuse constituée de silice hydratée (et amorphe aux rayons X), dont les belles variétés montrent des irisations de vives couleurs. L’«opale noire», à irisations vertes, bleues, mauves et rouges, se rencontre en Australie, l’«opale de feu», orangé vif, au Mexique.
Spinelle, chrysobéryl et hématite
Le spinelle, oxyde de magnésium et d’aluminium, est de couleurs très variées: rouge (de toute intensité), violacé, orangé, bleu, brun. La variété rose-rouge était très employée au Moyen Âge. C’est un minéral de haute température, typique du métamorphisme de contact. Les meilleures pierres proviennent de Sri Lanka et de Birmanie.
Le chrysobéryl, oxyde de béryllium et d’aluminium, en général vert-jaune à jaune d’or (d’où son nom), peut se présenter sous deux formes peu courantes: l’œil-de-chat , que l’on taille en cabochon pour faire ressortir son chatoiement particulier (bande lumineuse séparant deux zones jaune et vert pâle) et l’alexandrite , gemme très polychroïque (vert profond ou rouge sombre) fort rare et extrêmement cotée en exemplaires de plusieurs carats. Les chrysobéryls se rencontrent dans les roches acides (pegmatites, aplites) et, à leur contact, dans les marbres dolomitiques et les micaschistes. Les plus belles pierres, actuellement, viennent de Sri Lanka et du Brésil.
L’hématite est un minerai (oxyde) de fer noir à éclat métallique, dont les plus beaux échantillons proviennent du Brésil et de l’île d’Elbe.
Carbonates
La rhodochrosite , rouge à rose, translucide à opaque, est surtout employée en ornementation. La malachite , vert opaque, trouve le même usage; de même l’azurite , bleu foncé. La smithsonite est rarement utilisée comme gemme.
Phosphates
La turquoise, d’un beau bleu très caractéristique (ou vert-bleu), a été de tout temps très employée. Elle se rencontre en petites masses de formation secondaire dans diverses roches alumineuses situées en climat aride (Iran, Égypte, Chine, États-Unis). Les autres phosphates (apatite , brazilianite , etc.) sont beaucoup moins recherchés.
Silicates autres que les béryls
Le péridot est très anciennement connu. On y distingue trois nuances de vert: vert-jaune à jaune-vert (chrysolite); vert olive (olivine); vert mousse (péridot stricto sensu ). Ce minéral existe dans les roches ultrabasiques (Égypte, Birmanie).
La famille des grenats donne plusieurs gemmes: le pyrope , rouge violacé, qu’on rencontre dans des roches ultrabasiques (Afrique du Sud, Bohême); l’almandin , rouge sombre à violet, qu’on rencontre dans les gneiss et les micaschistes (Inde, Brésil, Sri Lanka, Madagascar); la spessartine dont une belle variété orangée se rencontre dans les pegmatites et les rhyolites (Sri Lanka, Brésil, Madagascar); le grossulaire , rouge, rose, vert-jaune à vert vif, qu’on trouve dans les calcaires métamorphiques (Afrique du Sud, Brésil, Sri Lanka); l’andradite , dont une rare variété vert vif, le demantoïde, est très cotée en pierres dépassant 3 carats (Val Malenco en Italie et Oural); l’uvarovite enfin, vert vif mais souvent opaque.
Le zircon , incolore, bleu, brun, orangé, rouge (hyacinthe ) ou jaune (jargon ), possède une dispersion élevée provoquant un scintillement coloré. Il est présent dans les roches éruptives acides, les pegmatites et les syénites néphéliniques (Cambodge, Sri Lanka, Thaïlande, Australie).
La topaze , incolore, bleue, verte, jaune à orangée, se rencontre dans les roches éruptives acides, parfois en cristaux de plusieurs kilogrammes (Brésil, ex-U.R.S.S.).
La cordiérite est une gemme bleue avec un polychroïsme gris-bleu-jaune très accentué (Madagascar, Sri Lanka).
Les tourmalines forment une famille de minéraux de teintes chaudes et nuancées: rose, rouge (rubellite ), vert, bleu (indicolite ), brun (dravite ) et noire (schorlite ). Les meilleures pierres proviennent des pegmatites granitiques (Brésil, Madagascar, Mozambique, etc.).
Le spodumène se présente parfois en cristaux aux teintes allant du jaune au vert pâle; il existe des variétés rose (kunzite ) et vert émeraude (hiddenite ). C’est un minéral des pegmatites (Brésil, Pakistan).
Les jades sont formés par un enchevêtrement de fibres microcristallines qui leur confère une grande solidité: la jadéite est verdâtre à vert foncé (vert vif = jade impérial ) et la néphrite est jaune-vert à vert-noir, blanchâtre, mauve, rosée (Birmanie, Chine, Sibérie, Nouvelle-Zélande, Philippines, etc.).
La rhodonite , rose à rouge, opaque, est employée en ornementation.
La serpentine , jaune, vert clair à vert-noir, sert à imiter les jades dont elle n’a pas la dureté.
Le microcline possède une belle variété verte, l’amazonite , que l’on trouve dans les pegmatites (Madagascar, Norvège, États-Unis, Brésil).
L’orthose , très répandue, possède deux variétés gemmes: l’une jaune d’or; l’autre blanc laiteux, avec des reflets argentés, la «pierre de lune» (Sri Lanka).
Il faut citer encore: la sodalite , dont une belle variété bleue est employée en ornementation; la lazurite , dont les cristaux peuvent être taillés en cabochon, et de nombreux autres silicates tels que la phénacite , l’euclase et le disthène , l’andalousite , le sphène , la dumortiérite , la zoïsite , la prehnite , la bénitoïde , la dioptase , l’oligoclase , la labradorite .
Minéraux organiques et matières d’origine organique
L’ambre est une résine fossile, orangée, jaune-vert à brun de toute nuance. Les principaux gisements se trouvent sur les rivages de la mer Baltique.
Le jais est un charbon fossile qui fut très utilisé en raison de la patine brillante qu’on peut lui donner en le polissant.
Le corail constitue le support calcaire des colonies de polypes coralliens. Les beaux branchages rouges ont de tout temps été recherchés pour être taillés comme gemme; les objets d’une certaine dimension ont une grande valeur.
Les perles sont des sphéroïdes formés par des couches concentriques d’aragonite que l’on trouve parfois dans certains mollusques marins et d’eau douce. L’orient (éclat discrètement irisé) des perles (blanc, rosé, jaune, gris, noir) et leur grosseur déterminent leur valeur. Les perles de culture sont artificiellement provoquées dans les mollusques par des greffes; leur valeur est moins élevée que celle des perles naturelles.
Roches assimilées aux gemmes
Le lapis-lazuli , roche bleue formée principalement de lazurite et d’autres feldspathoïdes, est très recherché pour l’ornementation depuis la plus haute antiquité. Les gisements les plus connus se trouvent en Afghanistan, en ex-U.R.S.S. (Baïkal), au Chili.
L’obsidienne , roche vitreuse acide, de vert à noir, est également employée en ornementation (Mexique).
Identification des gemmes
On identifie les gemmes en mesurant leur densité ou leurs propriétés optiques. Plusieurs appareils très commodes ont été mis au point, à cet effet, à l’usage des bijoutiers (réfractomètre, dichroscope, polariscope, spectroscope).
En ce qui concerne les contrefaçons, l’observation des divers types d’inclusions solides ou fluides et des zones de coloration, ainsi que les défauts de cristallisation très souvent rencontrés dans les gemmes, permettent, déjà à la loupe, de les distinguer des pierres fausses qui montrent, en plus des traces de fabrication, des défauts de cristallisation totalement différents. En laboratoire, le grand nombre d’examens et de mesures possibles rend cette distinction encore plus aisée.
5. Imitations
Nombreux sont les édits et ordonnances anciens destinés à réglementer le port et l’usage des pierres fausses: de tout temps, en effet, l’homme a fabriqué divers produits pour simuler, avec plus ou moins de bonheur, les gemmes.
Les verres
Produits amorphes fabriqués à partir de silice, d’oxydes alcalins ou alcalino-terreux (sodium, potassium, baryum) et d’oxydes métalliques (plomb, cuivre, cobalt), lesquels engendrent éclat (ex.: strass) et couleur, les verres servent à imiter toutes les gemmes (diamants, rubis, saphir, émeraude, turquoise, cornaline, jade, opale, lapis-lazuli...).
Les «crown» (fig. 5 a), verres à base de silicium, potassium, sodium et calcium, moins chers, ont un indice de réfraction faible; aussi leur culasse est-elle le plus souvent enduite d’un amalgame de mercure, sorte de miroir qui renvoie vers la table la lumière pénétrant cette imitation («simili»). Les «flints», à base de silicium, de potassium, de sodium et de plomb (ou parfois de thallium), ont un indice de réfraction plus élevé et une forte dispersion («strass», ainsi nommés d’après le chimiste autrichien Joseph Strass). La couleur des différents verres est obtenue par l’addition d’un faible pourcentage d’éléments chromogènes, le plus souvent des métaux de transition à l’état d’ions convenables seuls ou en mélange; par exemple: cuivre, or, sélénium, pour le rouge; cadmium, fer, uranium, pour le jaune; chrome, fer, cuivre, pour le vert; cobalt pour le bleu...; il arrive fréquemment que l’on disperse dans les verres des nappes de bulles pour imiter les givres des gemmes, des «charges» diffusantes colorées pour imiter les pierres ornementales telles que les calcédoines, et même des éléments métalliques, cristallisation secondaire de lamelles de cuivre pour imiter les pierres de soleil.
Les imitations de perles
C’est au XVIIe siècle que le Français Jaquin découvre qu’un enduit à base d’extraits d’écailles d’ablettes avait un aspect nacré évoquant l’«orient» des perles fines. La macération d’écailles de poissons dans un solvant organique produit ainsi l’«essence d’orient», qui constitue l’élément essentiel des imitations de perles. Les imitations anciennes sont constituées d’une sphère de verre transparent soufflé, enduite intérieurement d’«essence d’orient», puis remplie de cire afin d’en améliorer la solidité (fig. 6 a); ces imitations sont fragiles, mais souvent convaincantes. Les imitations récentes sont formées d’une bille de verre opalescente recouverte extérieurement de plusieurs couches d’«essence d’orient» (fig. 6 b): ces imitations sont résistantes aux chocs, mais peuvent s’«écailler» facilement, contrairement aux précédentes.
Les doublets
Les doublets stricto sensu sont des pierres composites qui peuvent simuler toutes les pierres transparentes. La matière formant la table, qui assure au doublet son éclat et sa dureté, est généralement réunie au niveau du rondis à celle formant la culasse, qui constitue la masse et donne sa couleur à la production. Les doublets grenat-verre coloré étaient connus dès le Ve siècle après J.-C. (fig. 5 b). Les doublets saphir vert - saphir synthétique, récents, se vendent fréquemment, en Thaïlande notamment.
Les triplets
Les triplets, ou doublets sensu lato , sont constitués de deux lames cristallines incolores, réunies au niveau du rondis par une mince couche d’émail coloré qui donne sa couleur à la production (fig. 5 c); ce sont notamment les doublets quartz-émail vert-quartz, les doublets spinelle synthétique-émail coloré-spinelle synthétique (de toutes couleurs, qui peuvent imiter toutes les gemmes: émeraude, topaze, améthyste, etc.), les doublets béryl-émail vert-béryl. On peut rattacher à ce type les doublets opale-ciment noir-verre opalescent et opale-ciment noir-opale (lame d’opale très mince mise en valeur par le ciment noir côté table, masse importante côté culasse), ainsi que les «quadruplets» quartz ou spinelle synthétique -opale - ciment noir - calcédoine.
Les cristaux artificiels
Diverses techniques permettent d’obtenir des cristaux artificiels:
a) Procédés par fusion simple : le cristal recherché cristallise à partir de ses éléments simplement amenés à l’état fondu. Des diverses technologies mises au point pour réaliser ainsi des cristaux artificiels, deux seulement sont utilisées couramment pour obtenir des produits destinés à imiter les gemmes:
– Procédé Verneuil : fondus ensemble, les constituants du minéral à reproduire tombent goutte à goutte sur un germe cristallin au contact duquel ils cristallisent (fig. 7). De forme brute initialement globuleuse, puis cylindrique si le processus peut être maintenu suffisamment longtemps (ce qui différencie les productions anciennes des fabrications modernes), de très nombreux cristaux artificiels (corindons, grenats, niobates, etc.) sont facilement obtenus ainsi. Ils sont utilisés aussi bien dans l’industrie (montres, lasers) qu’en bijouterie. Ce sont les rubis, saphirs et autres corindons synthétiques de toutes couleurs aux fins d’imitations diverses (alexandrite, kunzite, diamant, etc.), les spinelles synthétiques qui imitent principalement l’aigue-marine et le diamant, le rutile synthétique, le titanate de strontium synthétique («fabulite») destinés à simuler le diamant.
– Procédé de l’«auto-creuset» : les éléments du cristal à obtenir sont frittés en forme de cylindre plein qui sera utilisé (dans des conditions initiales de température convenables) comme secondaire d’un transformateur; l’intérieur du cylindre, soumis à des courants induits électromagnétiquement, est porté à la fusion, l’extérieur sert de creuset à cette masse en fusion, qui est ensuite graduellement refroidie. Cette technique, variante du procédé Bridgmann, ne peut s’appliquer que dans le cas où le matériel utilisé possède des propriétés conductrices convenables; ainsi l’oxyde de zirconium utilisé pour imiter le diamant.
b) Procédé par dissolution dans un fondant : les constituants du cristal à reproduire sont dissous dans un fondant (tel le molybdate de lithium) jusqu’à sursaturation, dans des conditions qui entraînent la cristallisation autour d’un germe. Si les conditions physico-chimiques se modifient pendant le processus de cristallisation, d’autres produits que ceux recherchés peuvent apparaître (cristaux parasites). Les fêlures qui surviennent toujours dans le cristal en formation sont marquées par des dépôts vitreux de fondant qui caractérisent le produit. Les cristaux ainsi fabriqués sont, à cause de leurs dislocations, impropres à une application industrielle: ce sont notamment les nombreuses émeraudes synthétiques distribuées sur le marché de la bijouterie fantaisie ainsi que quelques rubis synthétiques (fig. 9).
c) Procédé par dissolution hydrothermale : les constituants du cristal à reproduire sont dissous dans une solution aqueuse alcaline, et la cristallisation s’effectue autour d’un germe dans des conditions physico-chimiques assez proches de certaines conditions naturelles réalisées dans les filons (gîtes pneumatolytiques). D’une très grande pureté optique, les produits obtenus comportent cependant, parfois, quelques lacunes de cristallisation contenant une solution aqueuse dépourvue d’anhydride carbonique. Grâce à ce procédé furent d’abord fabriqués des quartz artificiels destinés à l’industrie des transmissions (fig. 8); actuellement, on cristallise également des béryls verts artificiels (émeraudes synthétiques) et des quartz violets et jaunes artificiels (améthystes synthétiques et citrines synthétiques). La fabrication des opales synthétiques peut être rattachée à ce procédé, comme celle des turquoises synthétiques.
d) Le diamant artificiel : cristal métastable dans les conditions normales, le diamant ne peut être artificiellement cristallisé que sous l’effet simultané de hautes pressions (de 5 憐 109 à 1010) pascals et de hautes températures (de 1 300 à 2 000 0C) en présence de catalyseurs (fer, chrome, etc.); on a commencé par obtenir des cristaux artificiels de quelques dixièmes de carat, utilisables dans l’industrie.
Les gemmes de couleur artificiellement modifiée
La couleur de certaines gemmes est parfois modifiée profondément.
Les rubasses sont des pierres fêlées artificiellement, les fêlures sont teintées par un colorant, le plus souvent rouge ou vert: quartz rubassés, verres et cristaux artificiels rubassés.
Les pierres «baignées» sont les gemmes microcristallines plus ou moins poreuses, que l’on immerge dans une teinture, soit en vue d’imiter une pierre noble (calcédoine teinte en vert simulant la chrysoprase), soit en vue de renforcer sa teinte (turquoise baignée, jade baigné). Rarement durables, les teintes obtenues fanent.
Au XVIIIe siècle, de nombreuses gemmes furent montées sur bijou avec un paillon doré (topaze). Au moyen d’un enduit déposé sur sa culasse, la couleur d’une gemme peut être accentuée (émeraudes enduites de vert), ou bien modifiée (diamant jaunâtre enduit de bleuté). On obtient ainsi les pierres enduites .
Les pierres peuvent être traitées physiquement: par exposition à des rayonnements de haute énergie (rayon X, électrons, protons, neutrons), certaines gemmes subissent une profonde modification de structure – généralement non stable – qui provoque l’apparition de diverses couleurs (diamant jaune, etc.).
On peut noter que diverses gemmes subissent sur les lieux d’extraction un traitement thermique – prolongement éventuel d’un phénomène naturel des pays chauds (tanzanite) – transformant de manière irréversible leur couleur (améthystes devenant citrines, etc.).
Il existe, en outre, actuellement un procédé pour diffuser à la surface d’un corindon pâle taillé des ions titane qui entraînent, sur toutes les faces de la gemme, l’apparition d’un fin revêtement bleu; elle ressemble ainsi à un saphir; il s’agit en fait d’un corindon dont la couleur a été artificiellement modifiée en surface. Des résines synthétiques (celluloïd, bakélite au XIXe siècle, polystyrènes, polyesters actuellement) sont utilisées comme imitation d’ambre, de jais, de turquoise, etc. grâce à une «charge» adéquate éventuelle.
Encyclopédie Universelle. 2012.