IMAGE
Même limitée aux arts visuels, l’image ne peut être séparée des racines profondes qu’elle a dans la mémoire, l’imagination, la pensée ou le rêve. L’image est sans nul doute l’objet de réflexion le plus rebelle aux classifications par genres et par espèces, car elle participe à nos opérations mentales, à notre vie affective: elle fait partie intégrante de notre activité psychique. Les arts visuels touchent en nous bien d’autres facultés que celle de voir. Ainsi un souvenir viendra-t-il se superposer à un tableau pour faire corps avec lui dans notre pensée. Une peinture peut se graver dans l’esprit au point de le guider et d’accompagner certaines de ses démarches.
Parfois réduite à quelques traits sur un plan, parfois simple volume dans l’espace, peinture abstraite, structure géométrique, l’image pourrait se définir essentiellement par ses effets, aussi minimaliste que soit sa conception. Au-delà des frontières entre le visible et l’invisible, le figuratif et l’abstrait, dans le champ du «visuel» qui déborde largement le domaine du descriptible, l’image s’impose à nos yeux comme l’espace d’une efficacité. À quoi doit-elle ce pouvoir? C’est ce qu’il s’agit de prendre en compte dans la totalité de notre expérience à travers une réflexion critique.
Le philosophe Nicolas de Cues donnait déjà la preuve de cette efficacité quand il entendait convertir à la vraie foi chrétienne toute une communauté de moines grâce à un portrait au regard omniprésent. Dans une autre optique, afin de dénoncer les méfaits de l’imagination, Malebranche démontrait le pouvoir de l’image en relevant, par exemple, la ressemblance entre un nouveau-né et un tableau longtemps observé par la mère. Quand Diderot présente une peinture comme si elle était un rêve, c’est qu’il mesure aussi, à travers les effets de l’image sur la pensée, à quel point un art visuel est susceptible d’éclairer les processus les plus élaborés de notre activité mentale et affective. Indépendamment même des schémas anthropomorphiques imposés par les contraintes de l’imitation ou de la figuration, les arts de l’image se trouvent au cœur des questions relatives au statut du sujet humain et à sa place comme individu dans la société.
L’imitation ou l’invention du modèle
La tradition des arts visuels en Occident définit l’image dans les termes d’une relation problématique: l’imitation, en effet, suscite des interrogations d’autant plus complexes qu’elles concernent le statut du modèle peut-être bien davantage encore que celui de l’image. On dit l’image sans substance – ombre, reflet ou simulacre –; on lui oppose le repère certain de l’original: quand il dénonce l’inconsistance de l’image, le sens commun rejoint une certaine forme d’idéalisme qui voudrait que la réalité fût stable, une et entière. Le concept d’imitation porte l’hypothèque de toutes les certitudes acquises qui mettent en péril la valeur de l’image au regard de la réalité du monde et de la vérité qui voudrait l’ordonner. Le statut du modèle par rapport à l’image n’en demeure pas moins paradoxal, comme en témoigneraient, d’une part, la philosophie platonicienne et, d’autre part, la théologie chrétienne.
L’image est toujours référentielle, se rapportant à l’original dont elle tient lieu, et l’imitation est une forme de représentation particulière, fondée sur des critères de ressemblance et de conformité au modèle. Or la disparité de nature qui maintient l’image à distance de l’original rend l’imitation toujours suspecte de déformation ou de trahison. Jugée infranchissable et responsable des dégradations successives de la forme idéale dans ses imitations fallacieuses, cette distance entraîne, dans la conception platonicienne du simulacre, la condamnation des arts de l’image, l’exil du poète et du peintre, accusés de mensonge, voire de sorcellerie.
Le destin de l’image n’est pas aussi simplement réglé dans la pensée chrétienne qui instaure le paradoxe au sein même de la relation entre le modèle et l’image: comment un artiste peut-il, en effet, représenter l’original qu’il n’a jamais vu, puisque Dieu est invisible? Mais c’est pourtant à Dieu, modèle de toute perfection, que se réfère l’image. La réponse, dont Georges Didi-Huberman éclaire toute la complexité, se trouve dans le mystère de l’Incarnation à la lumière duquel l’imitation doit être reconsidérée. En regard de l’image vraie du Christ fait homme, l’image faite de main d’homme n’est plus une pâle copie dérivée du divin, mais l’occasion d’une conversion possible. L’image s’apparente alors à l’icône, qui conduit à la vénération du prototype dont elle réfléchit le regard et la splendeur. Cette efficacité de l’image ne se limite pas à l’art byzantin de l’icône, et de nombreuses œuvres du Moyen Âge occidental et de la Renaissance témoignent de cette proximité, voire de cette assimilation de l’image à l’icône. L’Autoportrait de Dürer en Christ en est sans doute l’un des exemples les plus frappants, même s’il est le plus problématique: il est signé en 1500 par un homme de la Renaissance qui, dans ses écrits théoriques, rapportait aux idées de Platon la source de son inspiration tout en rendant grâce au Dieu du christianisme au point de s’identifier à son Fils sauveur. Dans son double sens de mimésis et d’imitatio Christi , l’imitation fait œuvre d’invention par deux fois, car elle ressuscite le modèle et lui donne une forme qu’il n’a jamais eue. Elle l’invente parce qu’elle lui rend vie et parce qu’elle décide de son aspect. Les exigences de fidélité et de conformité à l’original seraient donc les règles mêmes de l’invention en art, comme nous inviterait aussi à le penser Pomponius Gauricus qui, au début du XVIe siècle, définissait l’imitation comme animatio .
Donner vie et forme à des figures dans l’espace, telle serait la vocation de l’image, mais là se situerait également la différence qui la distingue de l’icône. Tandis que celle-ci s’efface pour révéler la présence du modèle divin, l’image, en revanche, témoigne tout autant de la présence et de l’absence de l’original qu’elle représente. Dessin, gravure, peinture ou sculpture, l’image invente son modèle dans cette dialectique de présence et d’absence dont Louis Marin a exploré toute la portée, tant esthétique que politique, notamment dans la représentation de la personne du roi. L’efficacité de l’image ne consiste pas seulement à faire revivre les absents ou les morts, comme le formulait Alberti dans son traité De Pictura (1435), ni à donner forme au modèle, idéal, divin ou royal, mais aussi à susciter, en elle-même et pour elle-même, un mouvement de croyance, d’adhésion et d’attente de la part du spectateur. En cela résident le pouvoir et l’autorité de l’image dans les arts visuels: la chose représentée – être animé ou «nature morte» –, serait-ce selon les critères de ressemblance les plus contraignants, se voit dotée, dans l’œuvre d’art, d’une autonomie et d’une légitimité entièrement redevables à l’image qui implique, du même coup, des exigences d’interprétation intrinsèques. L’herméneutique ne saurait alors être extérieure au champ du visuel, aussi largement conçu que le permettent nos expériences de pensée lorsqu’elles nous confrontent aux projections de l’imagination, aux images de la mémoire et du rêve.
Le paradoxe de l’imitation tient à la supposition du référent, car toujours se pose la question de savoir ce que l’image imite au juste, en regard d’un modèle «absolu», idéal, divin ou «relatif», extrait d’une réalité comme l’un de ses aspects possibles. Devant cette difficulté peut-être insoluble, les exigences de l’interprétation se porteront nécessairement sur la définition d’un point de vue: d’où voir l’image? D’où constituer le langage qui pourra l’éclairer, théoriquement et conceptuellement? Avec la même force que les arts plastiques, la photographie et le cinéma raviveront ces interrogations.
La partie pour le tout
La question des sources est centrale en histoire de l’art comme en iconologie, science des images ou plutôt prétendue telle, et les écrits théoriques des peintres s’inscrivent, pour la plupart, sous le signe de l’autorité, voire du mythe des origines, comme il en est de l’Antiquité pour les artistes de la Renaissance par exemple. Le retour aux sources iconographiques semble aussi s’imposer comme une condition nécessaire au déchiffrement de l’image et à son interprétation à l’identification des thèmes et à l’analyse des motifs.
Conjuguant la question du modèle avec le souci d’en proposer le premier portrait, le thème de saint Luc peignant la Vierge est paradigmatique de cette quête toujours recommencée de l’origine car, si chaque artiste prétend retrouver le premier visage, l’historien cherche à identifier la première œuvre, à décrire la genèse du «sujet» en établissant son acte de naissance, en fixant le moment de son apparition. Iconographique avant d’être iconologique, la «science des images» et de leur histoire reposerait-elle, à son tour, sur un mythe? Le mythe des origines et du premier homme? Son statut de science est en jeu, car c’est bien cette scientificité que l’on peut lui contester, en effet, quand on s’avise de ses présupposés idéalistes. Contribuant à renforcer les oppositions indues entre le sensible et l’intelligible ou le visible et l’invisible, le recours au concept, à l’idée, comme principe et fin dernière de l’image, la recherche d’une forme transcendantale comme signification de la forme figurée en viennent à occulter la spécificité de l’image elle-même, sa matérialité, sa présence, son pouvoir, ses effets de sens et de surprise, indépendants du thème énoncé ou du sujet traité.
Définie par son précurseur, Cesare Ripa (Iconologia , 1593), comme nécessaire à tout artiste soucieux de représenter, par symboles ou allégories, les vices, les vertus ou les passions des hommes, l’iconologie n’a peut-être pas cessé d’être taxinomique, réglant le sens des images sur des normes préalablement établies, fût-ce dans une œuvre aussi magistrale que celle de Panofsky. Sans doute l’histoire de l’art a-t-elle souffert depuis Vasari de cette emprise de l’idée sur l’image. Pour ouvrir l’image à un autre regard, il importe de reconnaître la précarité et l’inefficacité des clivages et des catégories imposés par la tradition: «Il serait présomptueux d’affirmer le caractère strictement rationnel des images, comme il serait incomplet d’en affirmer le simple caractère empirique», rappelle Georges Didi-Huberman.
Une des conséquences de la priorité du concept est le privilège accordé au sujet, au détriment du détail, pourtant partie constitutive de l’image, indice nécessaire à sa compréhension et, plus encore, élément révélateur du statut spécifique de l’image et de son mode d’apparition: un détail «saute aux yeux». Cette émergence soudaine fait sens, non pour nous indiquer un au-delà de l’image qui serait son énigme, dans une conception encore paulinienne du visible, mais pour faire apparaître les multiples plans dont se compose une image, telle une mémoire gardant virtuellement, comme en réserve, en puissance, les étapes successives de son élaboration, toujours en cours, prête à se dérouler sous nos yeux pourvu que notre regard réponde à cette sollicitation. C’est ainsi qu’un tableau, à partir d’un détail s’inscrivant dans le mouvement d’un récit, surgit à nos yeux dans toute sa profondeur, celle qui, par exemple, se développe en arrière-plan dans La Chute d’Icare de Bruegel, chute à peine signalé par quelques plumes.
Un trait, une trace, une tache: ces éléments font l’image et nous montrent aussi en quoi elle ne dépend pas de la figuration. La couleur et la lumière, la trajectoire d’un mouvement que l’on peut encore saisir dans une œuvre, comme si elle se faisait sous nos yeux, la matière travaillée d’un bronze qui garde l’impression de la force qui l’a formée, le seul choix d’une perspective déterminent la nature de l’image ainsi que son pouvoir de s’adresser à nous. Notre regard est comme renouvelé par la vision d’un tableau qui aura remis en cause les schémas perceptifs que nous adoptons par habitude. Notre position dans l’espace fait également l’objet d’une réflexion sur les notions de «lieu», de «site», de «point de vue» et de «distance», quand une œuvre vient précisément en interroger le fondement, comme les sculptures de Giacometti qui vont jusqu’à troubler notre conception même de l’échelle humaine mais aussi de la représentation de l’homme, tant est puissante alors la dénonciation de la vision anthropomorphique des êtres. L’image, ainsi délivrée des conventions de regard, devient le lieu d’une interrogation sur l’acte même de voir et de percevoir.
D’où voir l’image, si ce n’est des multiples points de vue qu’elle appelle, dans sa totalité? Retrouver la dynamique de l’image dans le mouvement même du regard qui la parcourt en l’approfondissant, comme Merleau-Ponty en a défini et maintenu l’exigence, prendre en considération chaque partie dans le tout, détail ou fragment, reconnaître en quoi une œuvre invente un espace, le nôtre, aussi étrange qu’il nous paraisse, telle serait la démarche qui permettrait d’échapper à l’emprise du «sujet», de considérer l’image comme un processus vivant, fût-elle abstraite, non figurative, sans sujet apparent.
La dialectique à l’œuvre
Pensons à l’équilibre «miraculeux» qui tient les corps en suspens dans certaines œuvres de Tintoret; pensons à l’épaisseur de la touche, à sa lumière, dans un tableau de Rembrandt, à cette vibration, intégrante de la composition, qui anime les Fileuses de Velázquez, aux différents prismes visuels qui engendrent l’espace dans un Cézanne, à ce mouvement qui parcourt une peinture de Pollock: ce qui se déroule sous nos yeux s’apparente de si près au cheminement même de nos propres images mentales qu’il devient impossible de dissocier l’œuvre d’art du processus de son apparition. Fragment d’une histoire, partie d’une mémoire vivante, moment choisi d’une action, celle de voir ou de penser, celle de rêver – comme Diderot le percevait, par exemple, devant un tableau de Fragonard –, l’image est le lieu d’une tension entre l’espace et le temps – passage de l’un à l’autre –, entre l’espace physique à deux ou trois dimensions et l’espace mental à la profondeur ignorée, entre le temps de la perception, de son élaboration, et le temps de la mémoire et de la remémoration, celui, enfin, de la projection de l’instant dans l’espace.
Comme l’avait vu Walter Benjamin, l’image est dialectique, point de rencontre des forces qui s’opposent et se conjuguent, parfois au plus vif de nos affects, avec passion, selon l’aveu même de Baudelaire. Comment l’art aurait-il prise sur nos vies et nos expériences de pensée, s’il n’en habitait le temps? C’est ainsi qu’un rêve semble se dérouler comme un film, dont nous serions à la fois l’acteur et le metteur en scène, mais aussi le spectateur, procédant parfois à des arrêts sur image comme pour mieux mesurer ce qui, dans l’élément visuel, a retenu si fortement notre attention. Tout particulièrement, Alfred Hitchcock sut saisir la profondeur de cet espace mental mis en perspective dans l’image en mouvement. Le scénario rejoint alors, dans sa construction, l’élaboration du fantasme, de telle sorte que l’image semble atteindre les structures les plus archaïques ou les plus profondes de la vie psychique inconsciente. Image-temps, image-mouvement, dont Gilles Deleuze analyse toutes les dimensions, le matériau même des arts visuels nous invite à prolonger en pensée l’acte de créer, à en remonter le cours et à le poursuivre; si bien qu’une image, même fixe, ne nous apparaîtra jamais arrêtée, fût-ce dans l’instantané d’un cliché photographique, pourvu qu’elle s’impose avec suffisamment de force à notre sensibilité, réveillant, comme en écho, des associations possibles avec notre expérience et notre culture, interrogeant notre propre histoire et venant remettre en question le rôle que nous y jouons.
Si les arts visuels participent d’une expérience et d’une réflexion sur le temps, l’histoire, la mémoire et leurs manifestations possibles dans l’espace de la représentation, il semblerait bien que l’efficacité de l’image ne dépende pas de son mode d’expression, de son support ou du matériau où elle prend forme. Le cinéma ne produit pas plus d’effets sur notre imagination que la peinture, si toutefois l’un et l’autre, dans leur spécificité, échappent à la facilité des conventions. Initialement peintre, Robert Bresson a trouvé dans l’art cinématographique la médiation la plus adéquate à l’exposition de situations humaines tragiques qui ne sauraient s’accommoder de la dramaturgie et de la déclamation théâtrales. Il poursuit dans ses films sa réflexion sur le monde, l’image qu’on en a et celle qu’on en donne. Penser par images, sous forme de dessins, s’inscrit aussi, pour Pierre Klossowski, dans la continuité d’une œuvre littéraire et philosophique: à partir de quel moment une image s’imposet-elle comme «motif», point de départ et de déploiement d’un mouvement de pensée?
Passage éminemment dialectique, au carrefour des conflits où l’individu se définit comme un champ de forces contradictoires, donc vivantes, l’image est peut-être le lieu des paradoxes et des polémiques: c’est qu’elle est alors l’œuvre d’une pensée qui s’insurge contre les idéologies simplificatrices, les slogans, les mots d’ordre, les idées attendues, les stéréotypes imposés par une société qui, envahie par la production d’images, finit par perdre jusqu’au recul nécessaire pour les voir. Saisir l’image dans les termes d’une réflexion critique n’est donc pas seulement une expérience esthétique. C’est aussi une démarche philosophique et un acte politique.
image [ imaʒ ] n. f. I ♦
1 ♦ Reproduction inversée qu'une surface polie donne d'un objet qui s'y réfléchit. ⇒ reflet. Image dans une glace. « Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu plus avant de renvoyer les images » (Cocteau, « Le Sang d'un poète », film).
♢ Phys. Ensemble des points de convergence des rayons lumineux issus des divers points d'un corps donné (image réelle) ou du prolongement de ces rayons (image virtuelle). — Image oculaire consécutive. Image rétinienne.
♢ Image photographique. ⇒ cliché, épreuve, photo, photographie. Image nette. — Cin. ⇒ photogramme. Film pris image par image (⇒ animation) . — Audiovis. Ensemble des lignes horizontales décrites au cours d'une analyse complète du sujet transmis. ⇒ trame; vidéocommunication. Images vidéo. Qualité de l'image d'un téléviseur. L'image et le son (⇒ audiovisuel) . Dispositif d'arrêt sur image. Inform., audiov. Image de synthèse, construite sur un écran par des traitements informatiques (⇒ infographie) . Écran d'ordinateur qui reproduit les images (⇒ graphique) . Points définissant une image (⇒ pixel) .
♢ Image en trois dimensions. ⇒ hologramme. — Télédétect. Image radar : image reconstituée à partir des signaux recueillis sur un radar.
2 ♦ (XIIe « statue, portrait ») Représentation d'un objet par les arts graphiques ou plastiques (⇒ dessin, figure) ou par la photographie. Image fidèle, ressemblante. Personnage popularisé par l'image. Chasseur d'images.
♢ Hist. relig. Culte, querelle des images (⇒ iconoclaste) .
3 ♦ Petite estampe. Album, livre d'images. ⇒ imagier. Images qui illustrent un texte. ⇒ gravure, illustration; iconographie. Il ne sait pas lire, il regarde juste les images. Images d'Épinal. Fig. Une image d'Épinal : représentation exagérément schématique (souvent d'un optimisme excessif) d'une réalité complexe. — Loc. Sage comme une image, se dit d'un enfant calme, posé. — Petite carte illustrée d'une image. Donner une image à un enfant. Images pieuses. Collection d'images et d'autocollants.
II ♦ (Abstrait)
1 ♦ (1597) Reproduction exacte ou représentation analogique d'un être, d'une chose. ⇒ portrait, reflet. Cet enfant est l'image de son père. Image fidèle. Dieu créa l'homme à son image. ⇒ ressemblance. « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu » (Voltaire). — Manifestation sensible de l'invisible ou de l'abstrait. ⇒ expression. « L'art nous donne une image beaucoup plus riche du génie français » (R. Rolland).
2 ♦ Ce qui évoque une réalité (en raison d'un rapport de similitude, d'analogie). ⇒ figure, icone, symbole. La fuite de l'eau, image du temps qui s'écoule. Donner une image saisissante de la situation.
3 ♦ (XVIIIe) Comparaison, métaphore. Image banale, usée. ⇒ cliché. Écrivain qui s'exprime par des images. Hardiesse, justesse des images. Théorie surréaliste de l'image. « L'image est une création pure de l'esprit » (Reverdy).
4 ♦ Math. Élément qui correspond (et correspond seul) dans un ensemble à un élément d'un premier ensemble (appelé antécédent de cet élément). ⇒ application, correspondance, fonction, relation.
5 ♦ Phys. Phénomène où l'on observe une correspondance entre les points de deux ensembles physiques. Image électrique.
III ♦ (XVIIe; h. XIIIe) Représentation mentale d'origine sensible.
1 ♦ Reproduction mentale d'une perception ou impression antérieure, en l'absence de l'objet qui lui avait donné naissance. Image visuelle, auditive. Chasser une image de son esprit.
2 ♦ Vision intérieure (plus ou moins exacte) d'un être ou d'une chose. Conserver l'image d'un être. ⇒ 2. souvenir. Évoquer une image. « Les images du passé pâlissent peu à peu, s'effacent » (Proust).
3 ♦ Produit de l'imagination. Images incohérentes du rêve. Images trompeuses. ⇒ illusion, vision. — Image de soi. L'image parentale. « elle pensait se révolter efficacement contre son vieux à elle, elle voulait ternir “l'image du père” » (Pennac).
4 ♦ (v. 1965) IMAGE DE MARQUE : représentation qu'a le public (d'un produit, d'une firme, d'une marque commerciale). ⇒ notoriété, réputation. En engageant des poursuites contre les contrefacteurs, les entreprises entendent défendre l'image de marque de leurs produits. — Par ext. Image de marque ou image : représentation collective d'une institution, d'une personne. L'image de marque d'un ministre. Avoir une bonne image de marque. Soigner son image. Sondage sur l'image du Premier ministre.
● Image représentation qu'une marque ou une firme commerciale essaie d'imposer au public, ou degré de réputation qu'elle acquiert effectivement ; manière dont une personnalité ou une collectivité est le plus couramment jugée dans l'opinion publique.
image
n. f.
rI./r
d1./d Représentation d'une personne, d'une chose par la sculpture, le dessin, la photographie, etc.
d2./d Estampe, gravure coloriée.
— Loc. fig., Fam. Un enfant sage comme une image, tranquille, calme.
|| Images d'épinal: images populaires coloriées produites à épinal depuis le XIXe s.
— Fig. C'est une image d'épinal, une banalité, un cliché naïfs.
rII./r
d1./d Représentation visuelle d'un objet donnée par une surface réfléchissante. Regarder son image dans un miroir.
d2./d PHYS Représentation d'un objet donnée par un système optique.
|| Image réelle, formée par la convergence de rayons lumineux et qui peut être reçue par un écran.
|| Image virtuelle, visible par l'oeil, mais qui ne peut être reçue par un écran.
|| Image d'un point lumineux, qui correspond à un point objet.
d3./d INFORM Image de synthèse: image artificielle créée à partir de données numériques, visualisable sur écran.
d4./d MATH Dans une application, élément de l'ensemble d'arrivée correspondant à un élément de l'ensemble de départ.
rIII/r Représentation d'une réalité matérielle ou abstraite en termes d'analogie, de similitude.
d1./d Ce qui évoque, reproduit qqch. Ce sommeil qui est l'image de la mort.
d2./d Représentation sensible d'une abstraction, d'un objet invisible. Elle est la vivante image du bonheur.
d3./d Métaphore. Un style aux images audacieuses.
|| Description, représentation. Son récit est l'image parfaite de ce que nous avons vécu.
d4./d Image de marque: ensemble des signes représentant la spécificité, les qualités d'une personne, d'une entreprise, etc. Soigner son image de marque.
rIV./r
d1./d Représentation mentale d'une perception antérieure en l'absence de l'objet perçu.
d2./d Représentation mentale d'une chose. L'image du péril.
⇒IMAGE, subst. fém.
I. — Représentation (ou réplique) perceptible d'un être ou d'une chose.
A. — [La relation entre l'objet et son image est de nature physique — plus précisément optique — ou physico-chimique, notamment dans les techn. de phot.]
1. Reproduction inversée d'un objet renvoyée par une surface réfléchissante. Image reflétée; refléter, renvoyer une image. L'eau agitée, dans son miroir brisé en mille morceaux, lui montrait son image confuse et tremblante, qui lui souriait comme à travers une gaze verte (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 250). L'ingénieur put voir son image tremblotante se refléter un instant sur une surface liquide (VERNE, Île myst., 1874, p. 91). Par-dessus les bronzes qui encombraient la cheminée, il chercha son image dans la glace. Ses traits avaient perdu cette assurance satisfaite qui avait peu à peu modelé son visage (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 733) :
• 1. Ils franchirent le pont sur le canal, une large allée d'eau blême, une tranchée sans fond béante aux entrailles de la terre, où bougeaient des reflets, où les images des bouleaux plongeaient de longs rayons tremblants, plus pâles que les rayons de lune.
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 65.
— P. métaph. L'existence n'échappe tout d'abord à la servitude de la nudité qu'en projetant dans le ciel une image inversée de son dénuement (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 123).
2. Spécialement
a) PHYSIOL. Image rétinienne. Image qui se forme sur la rétine de l'œil. L'objet forme sur les rétines une image, et l'image rétinienne se redouble au centre optique d'une autre image (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 274).
b) OPT. Ensemble des points où viennent converger (ou semblent venir converger), après passage dans un système optique, les rayons lumineux provenant des points d'un objet donné (d'apr. UV.-CHAPMAN 1956 et Sc. 1962). Formation des images dans la chambre noire; image déformée; image de réfraction; projeter des images. Obtenir une image d'excellente qualité optique en réglant l'éclairage du microscope (HUSSON, GRAF, Biol. gén., 1965, p. 19). Les « pièces optiques » (lentilles et parfois miroirs) (...) permettent d'obtenir d'un objet, lumineux par lui-même ou parce qu'il est convenablement éclairé, une image destinée à agir sur un récepteur tel que l'émulsion photographique ou, le plus souvent, l'œil (Encyclop. univ., t. 12, 1972, p. 121) :
• 2. ... c'est la sensibilité rétinienne qui faiblit. Tu comprends qu'il y a deux choses très différentes : d'une part une défectueuse accommodation du cristallin, à quoi les verres remédient. Mais, même après qu'ils ont écarté ou rapproché l'image visuelle, celle-ci peut impressionner insuffisamment la rétine et cette image n'être plus transmise que confusément au cerveau.
GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1161.
— En partic.
♦ Image réelle. Image pouvant être reçue sur un écran, formée par l'ensemble des points où convergent réellement les rayons lumineux provenant d'un objet donné. L'image que l'œil aperçoit est dite réelle chaque fois qu'elle peut être reçue sur un écran placé au point même où cette image se forme (Lar. encyclop.).
♦ Image virtuelle. Image ne pouvant être reçue par un écran, formée en des points où semblent converger les rayons lumineux provenant d'un objet donné. Le point lumineux L envoie un faisceau sur le miroir plan M et ces rayons se réfléchissent comme s'ils provenaient du point L' symétrique de L par rapport au miroir. L' est l'image de L et c'est une image virtuelle (Lar. encyclop.).
♦ Image au miroir. ,,Image d'un objet telle qu'elle est vue dans un miroir plan`` (UV.-CHAPMAN 1956).
c) PHOT. Image brouillée, floue; netteté de l'image. Il [Niepce] réussit, en recevant sur une surface sensible à la lumière l'image formée dans une chambre noire, à fixer d'une façon durable l'aspect des objets extérieurs (Civilis. écr., 1939, p. 10-02).
— En partic.
♦ Image négative. Image inversée, enregistrée, après exposition, par la couche sensible du support. L'amateur (...), s'il « opère » lui-même, confie l'exécution des travaux au spécialiste. Ce dernier ne peut faire subir un traitement séparé à chacune des images négatives (Arts et litt., 1935, p. 30-13). Image positive. Image obtenue après copie du négatif et restituant l'aspect de l'objet tel qu'il a été enregistré.
♦ Image latente. Image invisible (rendue visible par le développement du négatif) enregistrée sur une émulsion photographique à la suite d'une transformation chimique provoquée par l'exposition à un rayonnement lumineux. Pour développer une plaque, c'est-à-dire pour révéler l'image latente, on l'immerge dans un bain chimique qui a la propriété de réduire à l'état d'argent métallique opaque les grains de bromure d'argent qui ont été frappés par la lumière (PRINET, Phot., 1945, p. 38).
— RADIOL. Image radiologique, radioscopique. Photographie ou image, formée sur un écran fluorescent, de la structure interne d'un corps traversé par les rayons X. Des lombalgies sévères et interminables sont volontiers conditionnées par des images radiologiques à peine perceptibles (RAVAULT, VIGNON, Rhumatol., 1956, p. 20). Les amplificateurs de brillance sont (...) utilisés, depuis 1950, pour l'examen des images radioscopiques (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 284).
d) CIN. Malgré le succès de l'image animée, des millions de gens ne vont pas au cinéma (Arts et litt., 1936, p. 34-03). Pour le « tournage », la règle s'établit d'enregistrer son et images sur des pellicules distinctes (SADOUL, Cin., 1949, p. 227).
♦ Image par image. ,,Technique mécanique qui consiste à impressionner le film, image par image, à des fins d'animation d'objets, dessins, etc.`` (CHAM. 1969) :
• 3. En 1907, dans les ateliers de la Vitagraph, à New-York, un technicien inconnu créa le procédé du Tour de Manivelle, grâce auquel la caméra put prendre ses vues image par image. Stuart Blackton utilisa ce procédé dans L'Hôtel hanté (...). Pour qu'un couteau parût découper un saucisson tout seul, on lui avait imprimé des déplacements successifs dans l'intervalle des prises grâce aux vues image par image.
SADOUL, Hist. du cin. mondial des orig. à nos jours, Paris, Flammarion, 1966, p. 407.
♦ Arrêt sur l'image. Le projecteur : qualités essentielles : la robustesse et la stabilité. Les dispositifs de « arrêt sur l'image », « retour arrière », « changement de vitesse » dont certains sont équipés, s'avèrent souvent utiles (Elle, 14 avr. 1966, p. 89, col. 4).
e) TÉLÉV. Image télévisée. Ensemble des lignes horizontales décrites par l'analyse d'une image optique aboutissant à sa transformation en signal électronique. L'engouement produit par la retransmission d'images télévisées entre les États-Unis et la France par l'intermédiaire d'un satellite (Admin. P. et T., 1964, p. 44).
♦ Image magnétique. Image enregistrée sur support magnétique à l'aide de signaux électroniques. Le magnétoscope a ses inconvénients : pour l'instant, l'image magnétique est d'une qualité nettement inférieure à celle de l'image photographique (Le Nouvel Observateur, 1 sept. 1969, p. 23, col. 4).
♦ Image-vidéo. Image produite et transmise à l'aide de signaux électroniques. Avec le nouveau magnétoscope (...), on passe d'une image vidéo à une autre image vidéo sans plus de problème qu'au cinéma (Le Nouvel Observateur, 23 sept. 1974, p. 109, col. 2).
3. P. ext. Forme sous laquelle un objet est perçu, aspect nouveau ou particulier sous lequel un être ou une chose apparaît. Il sourit, de sorte que la dernière image que j'eus de lui fut une image souriante (VERCORS, Silence mer, 1942, p. 79). Il [le bourg de Mittelsinn] n'avait rien vu de la guerre, et la première image vivante que nous en apportions dans ses ruelles était peinte aux couleurs de la défaite (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 364). Le peintre qui mettrait tous ses soins à calquer les images fournies par la réalité mériterait ce genre d'intérêt qui nous rend attentifs au perroquet (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 100) :
• 4. On voyait remuer, entre les lattes grises, son visage peint, verni de la pointe affaissée du menton jusqu'à ses hauts sourcils châtains — cette image violente, inexplicable, à cette heure, en ce lieu, parmi ces choses paisibles, aussi lugubre qu'une tête coupée.
BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1390.
— En partic. Scène, tableau réel. Charme poétique et mystérieux d'un certain Paris bohème, plein d'images saisissantes (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 148).
— P. métaph. Graver une image dans le cœur de qqn. Au moment de la quitter pour longtemps peut-être, on eût dit qu'il voulait graver plus avant son image dans son souvenir, puiser dans ce baiser d'adieu l'énergie et le courage dont il avait besoin (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 63).
— Loc., vx. Une belle image. ,,Se dit d'une femme qui est belle mais froide et sans physionomie`` (Ac.).
B. — [La relation entre l'objet et son image est de nature iconique]
1. Représentation de la forme ou de l'aspect d'un être ou d'une chose
a) par le dessin, la peinture [gén. avec un compl. déterminatif désignant l'objet représenté]. Que l'écriture ait consisté d'abord en une suite d'images simplifiées des choses, c'est ce que la langue chinoise, par exemple, fait voir encore; car on y écrit non la parole mais les choses (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 274). Cent images d'elle-même, cent images brillantes, riches de verve et de mouvement, les unes esquissées au fusain, d'autres teintées d'aquarelle, d'autres encore peintes à l'huile, en pleine pâte (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 136) :
• 5. ... quelque chose intriguait son hôte dont l'œil semblait posé sur une miniature, qu'en réalité il ne voyait pas. — Vous regardez ce portrait? (...) — Il ne ressemble guère aux images habituelles de l'impératrice Joséphine. Pourtant c'est elle, à quinze ans. Il fut exécuté par un Français de la Martinique et envoyé à Beauharnais pour lui faire connaître sa fiancée.
RADIGUET, Bal, 1923, p. 100.
— [Le compl. déterminatif désigne celui qui dessine ou peint] Manière de représenter, façon de dessiner. Raison de plus pour que, venant d'un peintre dont Baudelaire (...) aurait passionnément aimé l'irrationnel échiquier de couleurs et la bouleversante simplicité de lignes, l'image d'Henri-Matisse nous paraisse naturelle et nouvelle (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 111).
b) par des procédés d'enregistrement photographique. Image nette, floue. Chacun connaît, quand ce ne serait que par des images photographiques, cet Adam de Michel-Ange déjà séparé du créateur, et tendant vainement la main (ALAIN, Propos, 1921, p. 244). Rapprocher l'image neutre que l'objectif photographique fournit d'un paysage et la vision (car voici le terme propre) qu'en donne le peintre (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 90).
♦ Chasseur d'images V. chasseur II B 1 a.
c) par la reproduction au moyen de procédés d'impression de tels dessins, peintures ou photographies. Au mur du lit (...) sa puérile fantaisie de malade avait collé à l'aide de pains à cacheter des images soit découpées dans des journaux illustrés, soit arrachées de livres (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 278). Picart tenait sous ses coudes les gravures du Supplément illustré du petit journal. Posier les regardait par-dessus son épaule. Ces vives images les passionnaient (HAMP, Champagne, 1909, p. 119) :
• 6. ... Anne-Marie s'arrêta (...) devant le kiosque (...) : je vis des images merveilleuses, leurs couleurs criardes me fascinèrent, je les réclamai, je les obtins; (...) je voulus avoir toutes les semaines Cri-Cri, L'épatant, Les Vacances, Les Trois Boy-scouts de Jean de La Hire et Le Tour du Monde en Aéroplane, d'Arnould Galopin qui paraissaient en fascicules le jeudi.
SARTRE, Mots, 1964, p. 57.
♦ Livre d'images. Livre composé essentiellement de dessins, de gravures. Mon futur élève regardait un livre d'images, debout contre le piano ouvert avec sa musique (BOURGET, Disciple, 1889, p. 107). On peut prolonger les spectacles de la mémoire volontaire qui n'engage pas plus des forces de nous-même que feuilleter un livre d'images (PROUST, Temps retr., 1922, p. 873). La cathédrale [de Rouen] sans vitraux est un livre d'images dont on a découpé toutes les images; restent les marges, le haut et le bas des pages, et cela est beau et froid, et nu (GREEN, Journal, 1956, p. 217).
— Loc. fam. [En parlant d'un enfant] Sage comme une image. Calme, posé, silencieux. Elle a été sage ce soir [la petite]? — Oh! madame... comme une image! (LABICHE, Fille bien gardée, 1850, 9, p. 305). [P. plaisant. En parlant d'un adulte] — Écoute, dit Christiane, M. Paul et moi nous voulons te faire de la morale. — De la morale!... Mais à propos de quoi? Je suis sage comme une image, faute d'occasions (MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p. 196).
d) par les arts plastiques. Elle ressemblait à ces grêles statues que les tailleurs d'images du Moyen Âge ont assises sur des tombeaux (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 119). Le Frère Marbode était vraisemblablement un des plus tendres enfants de Marie. Il taillait sans cesse des images de pierre (A. FRANCE, Étui nacre, Jongleur, 1892, p. 100). Marc hissa sur ses épaules, tout le long de l'escalier, une énorme bûche de chêne et se prit à la dégrossir, puis à sculpter une image de la jeune femme (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 229).
— ANTIQ. ROMAINE. Droit d'images. Droit accordé d'abord aux nobles, puis aux plébéiens, d'exposer dans leur atrium les bustes (en pierre ou en cire peinte) de leurs ancêtres ayant exercé une magistrature curule.
— RELIG. Représentation d'êtres ou de choses qui sont l'objet d'un culte ou d'une vénération. Image d'une divinité, d'une déesse. Le sanctuaire a la forme d'un petit temple carré, voûté, couvert en tuiles, et présente trois niches destinées aux images de la trinité égyptienne (NERVAL, Filles feu, 1854, p. 654). Ahmosis était charmant : son profil ressemblait aux images des dieux taillées par les plus habiles sculpteurs (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 204).
♦ En partic., RELIG CHRÉT. Image du Christ, d'une madone, d'un saint. Il a été donné à la maigre image du crucifié de fasciner la conscience humaine (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 482). Elle communiait presque chaque jour et passait de longues heures devant son image du mariage mystique de sainte Catherine (JOUVE, Paulina, 1925, p. 114). Absol., gén. au plur. Les images; cultes, querelle des images; abattre, briser les images. L'empereur Léon l'Isaurien (...) lança ses édits iconoclastes sous le prétexte que les images détournaient de leur véritable voie les hommages dus au Créateur (LENOIR, Archit. monast., 1852, p. 111). Le protestantisme a détruit les images et proscrit l'art religieux des temples (MÂLE, Art relig. 1932, p. 22).
SYNT. Image dessinée, gravée, moulée, peinte; image approximative, embellie, exacte, fidèle, grossière, parfaite, précise, ressemblante; image funéraire, mortuaire; image de marbre, en pierre; scène, personnage popularisé(e) par l'image.
2. En partic. Petite estampe (qui n'a pas un caractère d'œuvre originale) représentant des sujets divers. Des gravures fines, des chromolithographies violentes, que noyait un pullulement de petites images coloriées, dorées, vernies, fleuries de bouquets, ornées de dentelles (ZOLA, Lourdes, 1894, p. 205). Une image de Jésus enfant dans les bras de sa mère : un Jésus aux immenses yeux bleus dans une figure rose, étendant des mains potelées; une autre image représentant quelque sainte femme inconnue regardant le ciel d'un air d'extase (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 32). Dans son missel, quelques images saintes marquaient des places (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 58) :
• 7. ... des libraires, venus de divers points de l'Allemagne, et dont la vente la plus productive paraissait être celle des almanachs, des images peintes et des lithographies : le Volks-Kalender (almanach du peuple), avec ses gravures sur bois, — les chansons politiques, les lithographies de Robert Blum et des héros de la guerre de Hongrie, voilà ce qui attirait les yeux et les kreutzers de la foule.
NERVAL, Filles feu, Angélique, 1854, p. 505.
SYNT. Image pieuse, populaire, en couleurs, porte-bonheur; album d'images; collection, commerce, marchand d'images; colorier, contempler, découper, regarder des images; accrocher, coller, épingler des images au mur; récompenser un enfant d'une image.
— Loc. fam. Sage comme une image. Supra I B 1 c.
En partic. Image d'Épinal. Image populaire, fabriquée à Épinal (représentant généralement une scène d'une chanson, d'une légende, un événement historique, un homme célèbre). Tel brandissait une image d'Épinal barbouillée d'indigo et de garance : — Achetez le nouveau Robespierre à cheval, lequel massacra plus d'honnêtes gens que l'autre par la guillotine! (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 151). Il y avait sur les murs quatre images en couleurs d'Épinal et de Metz représentant les scènes du premier empire (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1907, p. 311).
♦ Au fig. ou p. compar. [En parlant de qqc. d'emphatique, de traditionnel, qui ne montre que le beau ou le bon côté des choses] La guerre était encore pour moi, à cette époque, une image d'Épinal (VIALAR, Pt jour, 1947, p. 382). Des enfants qui doivent emporter de vous dans la vie le souvenir ineffaçable d'une agonie en forme d'image d'Épinal (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 28). Si l'homme est à l'image de Dieu, ce doit être une image d'Épinal, bien sommaire, bien naïve et de couleurs bien enfantines (COCTEAU, Poés. crit. II, 1960, p. 152). Les passions d'un peuple cristallisent autour d'une image d'Épinal qu'elles inventent. Qu'y a-t-il derrière l'image? C'est quelquefois Bonaparte et quelquefois Boulanger : quelqu'un ou personne (MAURIAC, Nouv. Bloc-notes, 1961, p. 157).
— Péj. Tableau peint avec des couleurs criardes. (Dict. XIXe et XXe s.). Image à un ou deux sous. Mauvaise peinture. On irait droit (...) aux toiles d'allures libres et étranges (...). On passerait dédaigneusement devant les copies, devant les balbutiements des fausses personnalités, devant toutes ces images à un et deux sous, qui ne sont que des habiletés de la main. [Édouard Manet] (ZOLA, Mes haines, 1866, p. 277).
3. P. anal. Représentation par la parole ou l'écriture, description. Il ne me faudrait que quelques lignes pour donner une image exacte de cette joie que j'ai éprouvée (BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 105) :
• 8. Le comportement d'un écrivain à l'égard de son œuvre, le soin qu'il a de l'administrer (...) mais surtout l'espèce d'image qu'il prétend laisser de lui en livrant ses carnets intimes à un monde contre lequel il ne se lasse pas de déchaîner une puissance inégalable de mépris, nous pourrions partir de là pour nous efforcer de découvrir l'homme [Montherlant] à travers cette œuvre qui n'est qu'un masque mal attaché.
MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 192.
C. — [La relation entre l'objet et son image est de nature purement analogique]
1. Portrait, réplique, reflet (d'un être ou d'une réalité concrète). Image complète, frappante, parfaite de qqn/qqc. Cet enfant est l'image de son père, sa véritable, vraie image (Ac.). Cette jeune Hélène que Madame de Vaubert ne se lassait pas de lui représenter comme la vivante image de sa mère. C'était la même grâce, le même charme et la même bonté (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 63). La peinture hollandaise (...) ne fut et ne pouvait être que le portrait de la Hollande, son image extérieure, fidèle, exacte, complète, ressemblante, sans nul embellissement (FROMENTIN, Maîtres autrefois, 1876, p. 162).
— À l'image de. Sur le modèle de, à la ressemblance de, en conformité avec. Être (fait) à l'image de. Toute fonction qui dure se fait un organe à son image (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 145). Une grande femme très belle, à peu près à l'image conventionnelle de Marianne (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 25). Le fils (...) façonné à l'image de son père (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 272) :
• 9. On m'a fait remarquer (...) que les personnages de mes pièces et de mes romans prennent leurs décisions brusquement et par crise, qu'il suffit d'un instant, par exemple, pour que l'Oreste des Mouches accomplisse sa conversion. Parbleu : c'est que je les fais à mon image; non point tels que je suis, sans doute, mais tels que j'ai voulu être.
SARTRE, Mots, 1964, p. 198.
♦ En partic. À l'image de Dieu. Toutes les religions n'ont-elles pas enseigné que Dieu créa l'homme à son image? (P. LEROUX, Humanité, t. 1, 1840, p. 248). Obéir au meilleur instinct d'une nature créée à l'image de Dieu, et invinciblement portée à tout ce qui peut la rapprocher de cette divine ressemblance (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 513).
Rem. On relève l'expr. image divine (en parlant de l'homme). L'homme a failli à sa pureté d'image divine : sa chute a entraîné celle de la nature entière, qui, pour son regard troublé, n'est plus le clair discours symbolique des origines (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 72).
— P. ext. Réplique d'un être ou d'une chose, mais qui n'en reproduit pas réellement, formellement l'aspect. L'hélianthe tord sa tige pour suivre le soleil dont il est l'image (COLETTE, Belles sais., 1945, p. 21) :
• 10. Écoute, Phèdre (me disait-il encore), ce petit temple que j'ai bâti pour Hermès (...) O douce métamorphose! Ce temple délicat, nul ne le sait, est l'image mathématique d'une fille de Corinthe, que j'ai heureusement aimée. Il en reproduit fidèlement les proportions particulières.
VALÉRY, Eupalinos, 1923, p. 67.
2. Manifestation, expression sensible de l'invisible ou de l'abstrait [Constr. avec un compl. déterminatif introd. par de].
— [Désignant un état ou une qualité] Image de la candeur, du désespoir, de la douceur, de la gaieté, du génie, de l'innocence, de la solitude. Le notaire de Paris était toujours un être vénérable, une image vivante de la probité (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 129). L'esclavage est une image de l'obéissance à Dieu (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p. 43) :
• 11. ... un Lombard, grand, svelte, élancé, à la large poitrine, à la taille serrée, belle figure, dents d'ivoire, cheveux bouclés, ondoyants, magnifiques, un Bacchus, un Apollon, un Mercure. Il était campé fièrement sur une hanche, une jambe en avant, image parfaite de la grâce virile.
GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 7.
— [Désignant un affect] Image de la haine, de la passion. Une jeune femme turque pleurait son mari (...) : elle paraissait à peine avoir dix-huit ou vingt ans, et je ne vis jamais une si ravissante image de la douleur (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 50). Aux yeux de Platon, l'amour charnel est une image dégradée du véritable amour. L'amour humain chaste (fidélité conjugale) en est une image moins dégradée (S. WEIL, Pesanteur, 1943p. 69) :
• 12. Dans un enclos communicant, des veaux, des vachettes se réfugiaient. (...) une vache se tenait tête baissée, et fonçait sur quiconque se hasardait à portée de ses cornes : elle faisait le vide par tout son coin, où elle restait ensuite en arrêt, sans bouger, le front bas, incapable de tirer parti de cette solitude qu'elle se créait, vivante image de la méchanceté bornée et stérile.
MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 488.
— [Désignant un être imaginaire] Image du diable. Cet animal [une chatte] est l'image du démon qui s'est introduit dans ce saint asile (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 236).
— [Désignant un principe ou une abstraction] Image de la démocratie, de la royauté. On cherche la royauté dans Londres; on ne la trouve. Nulle grande image de centralisation, comme le Louvre (MICHELET, Journal, 1834, p. 160). La ligne des rochers en approchant d'Arbois (...) fut pour moi une image sensible et évidente de l'âme de Métilde (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 25). Enlevant à la royauté son caractère moderne, il [le plan de gouvernement conçu par Fénelon] en faisait, non plus l'image vivante, la personnification active de l'État, mais un privilège inerte, servant de couronnement à une hiérarchie de privilèges et s'appuyant sur elle en la protégeant (THIERRY, Tiers État, 1853, p. 26). La houppelande du cocher (...) ondulait par grands plis au trot du cheval, comme une image du destin (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 308).
— [Désignant une action] Les flatteurs des princes ont dit que la chasse était une image de la guerre (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 78) :
• 13. ... un ravin large et profond, qui paroissoit servir d'écoulement aux torrens occasionnés par la fonte des neiges. Dans tous nos voyages, nous n'avions point vu un spectacle aussi frappant; c'étoit l'image de la destruction et du ravage.
CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 46.
— En partic.
♦ Représentation concrète servant à rendre sensible une idée abstraite. Image d'un cercle. À la nécessité de donner un corps à l'idée, par l'emploi d'images sensibles, tient la nécessité des signes d'institution, qui jouent un si grand rôle dans le développement de l'esprit humain (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 170). Ce que nous nous représentons sous le nom de droite est une image grossière qui ressemble aussi mal à la droite géométrique qu'au temps lui-même (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 130).
♦ Symbole. L'étoile à cinq pointes, image de l'univers créateur et de l'homme qui s'unit à la création (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 27).
3. Dans le domaine de la littérature. Figure (au sens le plus large du terme) fondée sur la similitude (notamment allégorie). — J'aime les images de Shakespeare, dit-il. — Moi, elles ne m'amusent pas. D'ailleurs, j'aime moins l'image que par le passé. Elle ajoute ou retranche à la vérité, que je préfère toute nue : le sujet, le verbe et l'attribut (RENARD, Journal, 1901, p. 707). Vous êtes dupe d'une image : quand on dit que la pensée évoque, écarte, que la conscience sélectionne, on parle au figuré (SARTRE, Imagination, 1936, p. 125) :
• 14. L'armoire est pleine de linge
Il y a même des rayons de lune que je peux déplier. Avec les vers d'André Breton, voilà l'image conduite au point d'excès que ne veut point atteindre un esprit raisonnable. Mais un excès est toujours au sommet d'une image vivante. Ajouter un linge de fée, n'est-ce pas dessiner, en une volupté parlée, tous les biens surabondants, pliés, empilés, amassés entre les flancs de l'armoire d'un autre temps (...). En rêvant un peu on trouve l'image de Breton toute naturelle.
BACHELARD, Poét. espace, 1957, pp. 84-85.
SYNT. Image banale, éculée, forcée, hardie, neuve, usée; image colorée, descriptive, évocatrice, forte, frappante, juste, puissante; image biblique, évangélique, impressionniste, rhétorique, romantique, surréaliste; poète qui s'exprime par images.
— En partic. [Par une restriction jugée parfois abusive] Métaphore (ou, plus rarement, comparaison). L'image, les classiques en sont pleins! La tragédie n'est qu'images. Jamais Pétrus Borel n'aurait osé cette image insensée : Brûlé de plus de feux que je n'en allumai (GONCOURT, Journal, 1860, p. 686) :
• 15. Tel auteur est si complètement métaphorique qu'il est impossible de discerner ce qu'il veut dire de l'expression qu'il en donne. Son idée est une image et il y juxtapose une image de cette image si régulièrement que la symétrie est absolue, le sens indiscernable du signe. On ne sait de quel côté est le sens, duquel, le signe...
VALÉRY, Mauv. pens., 1942, p. 33.
Rem. MOUNIN 1974 note, à propos de cet emploi de image : ,,Terme générique assez vague utilisé depuis le XIXe siècle pour désigner surtout les tropes fondés sur le rapport d'analogie (...), mais aussi les autres tropes, certaines figures, et de nombreuses anomalies sémantiques (...). L'image est envisagée comme un moyen de connaissance (...), ou d'expression de soi, non comme un ornement esthétique. Sous l'influence de la psychanalyse, on a souvent tendance à considérer dans le terme image à la fois son expression linguistique et sa source inconsciente individuelle ou collective``.
4. MATH. Image d'un ensemble. ,,Partie d'un ensemble B déduite d'un ensemble A par une correspondance associant à chaque élément de A un élément de B`` (UV.-CHAPMAN 1956).
II. — Représentation mentale.
A. — PSYCHOL. Représentation, reproduction mentale d'une perception, d'une sensation précédemment éprouvée. Image mentale, psychique :
• 16. On pourra employer divers termes pour l'exprimer, dire qu'elle est un arrière-goût, un écho, un simulacre, un fantôme, une image [it. ds le texte] de la sensation primitive; peu importe : toutes ces comparaisons signifient qu'après une sensation provoquée par le dehors et non spontanée, nous trouvons en nous un second événement correspondant, non provoqué par le dehors, spontané, semblable à cette même sensation, quoique moins fort, accompagné des mêmes émotions, agréable ou déplaisant à un degré moindre, suivi des mêmes jugements, et non de tous. La sensation se répète, quoique moins distincte, moins énergique et privée de plusieurs de ses alentours.
TAINE, De l'Intelligence, livre II, ch. 1, § 1 ds LAL. 1968.
— [Construit avec un adj. spécifiant la nature de l'image] Image auditive, gustative, olfactive, tactile, visuelle; rémanence des images visuelles; image rémanente. Chaque espèce de sensation laisse dans la mémoire une espèce d'idée ou d'image correspondante... J'ai perçu tout à l'heure un son : j'en entends une sorte d'écho dans ma mémoire. Cet écho mental, où se reproduit le son avec ses caractères, peut être appelé par figure une image sonore ou auditive, etc. (PILLON, Critique philosophique, 18 août 1883, ibid.:
• 17. Les premières acquisitions de l'enfant sont des images sensorielles (auditives, visuelles, tactiles, etc.) adaptées aux impressions reçues par les organes des sens. Fixées par la mémoire, et mises en branle simultanément par les excitations extérieures, les images sensorielles engendrent les idées des choses, la connaissance des choses.
MACAIGNE, Précis hyg., 1911, p. 276.
— LING. [Dans la théorie de F. de Saussure] Image acoustique, graphique. Face matérielle, sensible d'un signe linguistique (signifiant) lié au signifié. On peut la localiser [la langue] dans la portion déterminée du circuit où une image auditive vient s'associer à un concept (SAUSSURE, Ling. gén., 1916, p. 31). V. concept ex. 2 et 3 :
• 18. ... dans la conscience du sujet parlant français, le signifiant bœuf (c'est-à-dire l'image acoustique du groupe böf) évoque nécessairement le concept de bœuf et le concept déclenche nécessairement l'image acoustique böf. « Le signifiant est la traduction phonique du concept; le signifié est la contrepartie mentale du signifiant » (E. Benveniste).
PERROT, Ling., 1953, p. 112.
B. — P. ext.
1. Vision intérieure, conception (plus ou moins exacte) d'un être ou d'une chose. Image adorée, charmante, embellie, idéale, ineffaçable, obsédante; image qui s'efface, s'estompe; évoquer une image.
— [En parlant d'une chose concr.] Elle se faisait une image parfaitement ennuyeuse de la vie qu'elle allait reprendre à Paris (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 281). Un enfant heureux se laisse vivre (...) un enfant élevé au bruit des querelles juge ses parents et construit lui-même une image du monde, souvent dure (MAUROIS, Byron, t. 1, 1930, p. 60).
— [En parlant d'une pers.] Il tâcha de se répéter des vers, de calculer n'importe quoi, d'inventer une histoire. Impossible! L'image de Mme Arnoux l'obsédait. Il avait envie de courir à sa rencontre (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 99). Comme si quelque chose au monde importait hors Mademoiselle Isabelle Constant, sa gloire et sa beauté. Contemplant l'image adorable imprimée dans mon cœur (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 387) :
• 19. Il recommença donc son histoire, avec des détails. Edmond s'assombrissait de plus en plus. Il ne suivait guère son cadet, tout occupé qu'il était de ses propres pensées. Étrange enivrement qu'il subissait. L'image de Carlotta flottait entre lui et le monde. Elle ne pourrait s'asseoir là, sur la chaise, comme n'importe qui. Il fallait encore faire violence à ce fantôme pour le plier à des poses qu'on ne lui connaissait pas.
ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 313.
♦ PSYCHOL., PSYCHANAL. Image parentale, maternelle, paternelle; image de soi. À partir de la deuxième année l'image du père commence à jouer un rôle important dans la formation psychique de l'enfant (CHOISY, Psychanal., 1950, p. 66) :
• 20. Père des dieux et des hommes, Jupiter, dont le nom est l'équivalent de dieu-père, correspond à toutes les grandes divinités des mythologies, représentations sublimées de l'image paternelle. En psychologie, on peut donc le considérer comme porteur de cette signification : il résume les notions de « sur-moi », d'autorité, d'idéal, de contrainte et de pouvoir social, les attitudes de l'individu à l'égard de ces notions et de leur manifestation.
Divin. 1964, p. 220.
— [En parlant d'une chose abstr.] Pendant des années de misère, ils [les forçats] se sont fait de la liberté une image violente qui ne s'effacera pas en un jour (AYMÉ, Vogue, 1944, p. 94).
Rem. L'image s'oppose au concept, à l'idée abstraite. Longtemps les objets dont s'occupent les mathématiciens étaient pour la plupart mal définis; on croyait les connaître, parce qu'on se les représentait avec les sens ou l'imagination; mais on n'en avait qu'une image grossière et non une idée précise sur laquelle le raisonnement pût avoir prise (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 19). L'image ne peut pas être l'idée, mais elle peut jouer le rôle de signe, ou plus exactement, cohabiter avec l'idée dans un signe; et, si l'idée n'est pas encore là, respecter sa place future et en faire apparaître les contours (LÉVI-STRAUSS, La Pensée sauvage, p. 30 ds FOULQ. Sc. Soc. 1978).
— Image de marque. ,,Ensemble des représentations, à la fois affectives et rationnelles, d'un consommateur concernant un produit, une marque ou une entreprise`` (CIDA 1973). Il est bon de noter que les facteurs psychologiques jouent un rôle très important dans la détermination de l'image de marque, c'est-à-dire dans la valeur qu'attache un consommateur à un produit donné (OLMI-JULY 1970).
♦ P. ext. Impression globale (positive ou négative) que le public peut avoir d'un personnage marquant, d'un homme politique, d'une institution. Aux États-Unis l'Université est payante et concurrentielle; c'est pourquoi chaque Université est conduite à soigner son image de marque et ses relations publiques (J. ANTOINE, Le Pouvoir et l'opinion, 1972, pp. 106-107 ds FOULQ. Sc. soc. 1978). Un homme politique répond à la télévision à son interviewer de manière à donner une image de marque de son parti (A. BRIMOS, Méth. des sc. soc., 1972, p. 214, ds FOULQ. Sc. soc. 1978).
2. Représentation mentale produite par l'imagination. Image érotique, fantastique, libidineuse, onirique; images du délire, du rêve. Une angoisse abominable le saisit à l'idée d'avoir peur sur le terrain. — « Si j'étais tué, cependant? Mon père est mort de la même façon. Oui, je serai tué! » Et, tout à coup, il aperçut sa mère, en robe noire; des images incohérentes se déroulèrent dans sa tête (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 32). Le système d'images demi-délirantes que la fureur et la déception avaient formé un moment plus tôt restait trop cohérent pour ne pas l'emporter, une fraction de seconde du moins, sur le témoignage même des sens (BERNANOS, Joie, 1929, p. 647). Pour nous, l'image perçue et l'image créée sont deux instances psychiques très différentes et il faudrait un mot spécial pour désigner l'image imaginée (BACHELARD, La Terre et les rêveries du repos, Paris, J. Corti, 1948, p. 3). Peut-être pensait[-elle] à on ne sait quoi d'inexprimable, d'impensable pour l'autre sexe, souriait-elle à ces images sans forme, à ces montées d'hallucinations vagues qui peuplent le néant féminin (ARNOUX, Roy. ombres, 1954, p. 188) :
• 21. (... La production des images de rêve dépendant toujours au moins de ce double jeu de glaces, il y a là l'indication du rôle très spécial, sans doute éminemment révélateur, au plus haut degré « surdéterminant » au sens freudien, que sont appelées à jouer certaines impressions très fortes, nullement contaminables de moralité, vraiment ressenties « par-delà le bien et le mal » dans le rêve et, par suite, dans ce qu'on lui oppose très sommairement sous le nom de réalité).
BRETON, Nadja, 1928, p. 47.
— PSYCHOL. Image hallucinatoire. Afin de faciliter l'exercice de sa « vue interne » Mme Denton réclamait une obscurité aussi complète que possible. Des images hallucinatoires auditives se présentaient aussi souvent à elle (AMADOU, Parapsychol., 1954, p. 107).
REM. 1. Imagette, subst. fém., hapax. De telles imagettes [d'Aloysius Bertrand] sont comme le produit du daguerréotype en littérature, avec la couleur en sus (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t. 2, 1844-64, p. 355). 2. Imagographe, subst. masc., hapax. Nous manquons aussi d'appareils capables d'enregistrer les images (...), en un mot d'imagographes (L. DAUDET, Monde images, 1919, p. 248).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Apparence visible d'un objet, imitée par le dessin, la peinture, la sculpture 1. ca 1050 « statue, figure moulée ou sculptée » imagine (Alexis, éd. Chr. Storey, 175); ca 1160 image (Eneas, 1089 ds T.-L.); 2. 1176 « toute représentation graphique d'un sujet quelconque » (CHR. DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 5492 : qui estoient point a ymages Beles et bien anluminees); 1873 image d'Épinal (Lar. 19e) [1866 l'imagerie d'Épinal : v. imagerie]); 3. ca 1180 « ce qui reproduit ou imite quelqu'un, quelque chose » à l'image de « à la ressemblance de, en conformité avec » (Jeu Adam, éd. W. Noomen, 5). II. Apparence visible d'un objet conçue par l'esprit 1. a) ca 1160 « représentation mentale produite par la mémoire, vision intérieure » ici en part. « apparition, vision au cours d'un rêve » (Eneas, 2871 ds T.-L.); b) 1647 « représentation mentale produite par l'imagination » (DESCARTES, Rép. aux secondes objections, Pléiade, p. 374 : les images des choses matérielles dépeintes en la fantaisie), cf. 1793 (LA MARTELIÈRE, Robert, p. 7 : cette image, et l'idée des tourmens...); c) 1883, 18 août psychol. image sonore ou auditive (M. PILLON, loc. cit.); 2. ca 1265 litt. « comparaison imagée » par ymage u par comparison (BRUNET LATIN, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, livre III, chap. 56, p. 368); 1673 (BOILEAU, Traité du sublime, XIII ds ROB.). III. Apparence visible d'un être ou d'une chose. 1. a) 1180 « reproduction inversée qu'une surface polie donne d'un objet qui s'y réfléchit » (M. DE FRANCE, Fables, 44, 22 ds T.-L.); b) 1843 « reproduction photographique » images daguerriennes (...) image négative (...) image positive (Annales chim. et phys., t. 7, p. 229); 1850 « reproduction d'objets au moyen de diverses techniques (ici photographie) » (DELACROIX, Journal, p. 411 : Je lis (...) dans le journal, qu'on a fait à Cambridge des expériences photographiques pour fixer (...) des images d'étoiles); cf. 1867 images photographiques (BAUDEL., Poèmes prose, 486); 2. 1550 « ce qui nous apparaît comme la représentation visible, le symbole de l'invisible ou de l'abstrait » (MEIGRET ds LIVET, p. 118); 3. 1795 « aspect particulier sous lequel une chose apparaît » (GENLIS, Chev. Cygne, t. 3, p. 45 : Rien en lui n'offre l'image du repos). Empr. au lat. imaginem, acc. de imago, « représentation, imitation, portrait (sous forme de statue, de peinture...); représentation par la pensée, évocation; vision, songe ». Fréq. abs. littér. : 13 449. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 15 348, b) 9 470; XXe s. : a) 17 797, b) 28 325. Bbg. GRIZE (J.B.). Schématisation, représentations et images. Colloque du Centre de Rech. Ling. et Sémiologiques de Lyon. 1977. Lyon, 1978, pp. 45-52. - MALKIEL (Y.). Pre-Classical French une (\image un) image « likeness, statue »... Rom. Philol. 1974, t. 28, n° 1, pp. 20-27. - MIGNE (J.). L'Image de marque, en public, et ds les relations publ. Thèse, Nancy II, 1976, 181 f. - OUSTON (Ph.). The Imagination of Maurice Barrès. Toronto, 1974, 307 p. - QUEM. DDL t. 6, 8, 14, 15. - SCHMIDT (H.). Fr. vivant. Praxis. 1972, t. 19, p. 198. - UREN (O.). Le Vocab. du cin. fr. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 211.
image [imaʒ] n. f.
ÉTYM. V. 1160; imagiene « statue », v. 1050; lat. imago, inis « portrait; ombre d'un mort; copie; comparaison; apologue ».
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1 (1180). Reproduction inversée qu'une surface polie donne d'un objet qui s'y réfléchit. ⇒ Reflet (→ Étage, cit. 10). || Cristal qui reflète une image (→ 1. Baiser, cit. 16). || Renvoyer une image (→ Home, cit. 2). || Image dans une glace (cit. 19, 24 et 27), dans une eau calme. || Narcisse était amoureux de son image. || Image claire, nette, trouble.
1 Se mire-t-on près un rivage,Ce n'est pas soi qu'on voit, on ne voit qu'une image (…)
La Fontaine, Fables, VIII, 13.
2 Ce chien, voyant sa proie en l'eau représentée,
La quitta pour l'image, et pensa se noyer.
La Fontaine, Fables, VI, 17.
3 Les étoiles étincelaient au ciel, et se réfléchissaient au sein de la mer, qui répétait leurs images tremblantes.
Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, p. 78.
4 Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j'aperçois dans ce miroir ?
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit de décembre ».
5 Il se tenait devant un miroir long, appliqué au mur entre les deux fenêtres, et contemplait son image de très beau et très jeune homme, ni grand, ni petit, le cheveu bleuté comme un plumage de merle.
Colette, Chéri, p. 6.
6 En ne se penchant pas trop, en se tenant presque droit, il réussissait à se voir; l'eau n'était pas claire, mais la lune en faisait un miroir; peu à peu les rides qui jouaient à sa surface s'atténuaient et l'image qu'il discernait devenait de plus en plus nette (…)
J. Green, Léviathan, I, XIII.
♦ (Phys.). « Ensemble des points (réels ou virtuels) où vont converger, après passage dans un système optique, les rayons lumineux issus des divers points d'un corps donné, choisi comme objet » (Dict. des sciences, d'après E. B. Uvarov et D. R. Chapman).
♦ (En optique corpusculaire). Ensemble des points (dits points images) provenant des corpuscules focalisés émis par un ensemble de points objets. || Image réelle, qui peut être reçue sur un écran. || Projection d'images réelles et renversées sur l'écran d'une chambre noire. || Calquer une image à la chambre claire. || Image virtuelle, qui n'a pas d'existence réelle dans l'espace. || Image au miroir, telle qu'elle est vue dans un miroir plan (image virtuelle). || Image déformée (⇒ Anamorphose). || Image de réfraction, image illusoire. ⇒ Mirage. || Images vues derrière un corps transparent. ⇒ 1. Ombre (ombres chinoises). || Images changeantes d'un kaléidoscope. — (1843, image daguerrienne). || Image photographique. ⇒ Cliché, épreuve, photo, photographie; et ci-dessous le sens 2 (où l'accent est mis sur ce qui est représenté). || Image brouillée, nette. || Image négative. ⇒ Négatif. || Image latente (avant le développement). — Image radiologique, radioscopique. || Les images d'un film. ⇒ Photogramme. || Enregistrement des images sur la pellicule. || Film pris image par image (⇒ Animation). || Images fixes et images animées. — (Anat. et physiol.). || Image rétinienne (⇒ Œil, vision, vue).
7 Mais aussi si l'on rectifie
L'image de l'objet sur son éloignement,
Sur le milieu qui l'environne,
Sur l'organe et sur l'instrument,
Les sens ne tromperont personne.
La Fontaine, Fables, VII, 18.
8 Un trait de lumière qui passe à travers un prisme, se rompt et se divise de façon qu'il produit une image colorée, composée d'un nombre infini de couleurs (…)
Buffon, Introd. à l'hist. nat. des minéraux, 7e mémoire.
9 C'est un des problèmes les plus difficiles de l'optique que de déterminer le lieu apparent de l'image d'un objet que l'on voit dans un miroir ou à travers un verre (…)
10 (…) il faudrait (…) songer au parti véridique que tire le kinétoscope, ou le cinéma, de la durée illusoire sur la rétine des images visuelles.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 139.
11 On peut voir, sur son écran (du radar), à leur place relative, les objets environnants, et même une « image radio-électrique » du sol (…) comme sur une carte, un peu bizarre et grossière (…)
Pierre David, le Radar, p. 115.
12 Nous voyons les objets dans leur position normale, bien que l'appareil optique de l'œil donne sur la rétine une image renversée (…)
R. Fabre et G. Rougier, Physiologie médicale, mécanisme de la vision, p. 436.
13 Une définition primaire du cinéma pourrait être la suivante : « L'art des images en mouvement ». L'image de cinéma est en effet par essence une réalité en mouvement (…) toute image extraite d'un film est, à des degrés divers, un non-sens, car elle n'est qu'un fragment statique et inerte d'une continuité en acte qui ne revêt toute sa signification que dans un déroulement temporel (…)
M. Martin, le Langage cinématographique, I, p. 12.
♦ (En télévision). Ensemble des lignes horizontales décrites au cours d'une analyse complète du sujet transmis. — Images vidéo. || La qualité d'image d'un téléviseur, d'un magnétoscope. || Image magnétique. || Transmission à distance des images. ⇒ Télévision.
♦ Inform., audiovisuel. || Image de synthèse : image vidéo produite par des traitements informatiques (⇒ Infographie). || Les écrans graphiques d'ordinateurs produisent des images. || Points définissant une image (⇒ Pixel).
♦ Banque d'images : base de données contenant des images fixes ou vidéo, destinées à la production audiovisuelle ou multimédia.
♦ (Au sing.). || L'image : l'élément formé par les images, au cinéma, à la télévision. || L'image et le son. || Dispositif d'arrêt sur l'image d'un projecteur. — ☑ Loc. Arrêt sur image : le fait d'immobiliser une suite d'images vidéo sur l'une de ces images. Fig. Le fait d'observer l'état des choses à un moment du processus, de l'évolution.
2 (V. 1160, ymage). Représentation (d'un objet, d'une personne) par les arts graphiques ou plastiques (⇒ Chromo, dessin, effigie, figure, peinture, portrait, sculpture), les procédés d'enregistrement photographique (⇒ Daguerréotype, photographie). || Image dessinée, gravée, moulée. || Image fidèle, ressemblante. || Image approximative, grossière. || Image déformée de manière expressive. ⇒ Caricature. || Cadrer (cit. 8) une image. || Images funéraires. || Médaille frappée à l'image, à l'effigie d'un souverain (→ Denier, cit. 1). || Envoûter (cit. 1 et 2) qqn à l'aide d'images de cire. || Science, description des images. ⇒ Iconographie, iconologie. || Personnage popularisé par l'image (→ 1. Barbeau, cit. 2). || Chérir, contempler l'image d'une personne aimée (→ Frapper, cit. 18). || C'est la dernière image qu'on a prise de lui. ⇒ Photo (→ Emplir, cit. 9). || Chasseur d'images. || Rhétorique de l'image (→ Ancrage, cit. 3, Barthes).
14 Vous avez vu cent fois nos soldats en courroux
Porter en murmurant leurs aigles devant vous,
Honteux de rabaisser par cet indigne usage
Les héros dont encore elles portent l'image.
Racine, Britannicus, IV, 2.
15 Je vous jure que je suis aussi laid que mon portrait; croyez-moi. le peintre n'est pas bon, je l'avoue; mais il n'est pas flatteur (…) Qu'importe, après tout, que l'image d'un pauvre diable qui sera bientôt poussière, soit ressemblante ou non ?
Voltaire, Lettre à d'Argental, 1555, 16 juin 1758.
15.1 Un ravissant effet de soleil par Harrisson — toile qu'il avait donnée à l'hôte en quittant Penmarch et où, par le pouvoir qu'ont la tendresse et le talent, le peintre montrait ce pays à celui qui ne le connaissait pas encore avec tout ce que révèle seulement à la longue un attachement de tous les instants, une sympathie qui doit nous suivre après l'avoir quitté et comme dans le jour du souvenir — fut touché par le soleil, qui, venant jouer avec son image, porta à une intensité inconnue la lumière visible dans cette toile.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 374.
15.2 L'image est, certes, plus impérative que l'écriture, elle impose la signification d'un coup, sans l'analyser, sans le disperser.
R. Barthes, Mythologies, p. 195.
♦ Par métaphore. || Graver (cit. 11 et 13) une image dans le cœur, le souvenir de qqn. || L'image qui pourra subsister de nous (→ Poussière, cit. 7.1). — ☑ Loc. (vx). Une belle image : une femme au visage froid, inexpressif (par allus. à l'immobilité, à l'impassibilité de l'image). → Attendrir, cit. 12.
♦ (Antiq. rom.). || Droit d'images : privilège accordé aux nobles d'exposer dans leur atrium les images (généralement des bustes en cire peinte) de leurs ancêtres ayant exercé des magistratures curules.
♦ Les images des dieux. ⇒ Idole, simulacre (→ Enthousiasme, cit. 9). || Les images du Christ, des saints. || Les images des madones, de saints, dans l'art byzantin. ⇒ Icône (→ Fanal, cit. 8). || Images décorant les iconostases. || Images allégoriques. — Absolt (au plur.). — Vx. || Culte des images. ⇒ Iconolâtrie, idolâtrie. || Briseur d'images. ⇒ Iconoclaste. Hist. des relig. || La querelle des images. || Décrets des empereurs romains contre les images (→ Exécuter, cit. 13).
16 (…) la belle pensée de faire punir un Turc, parce qu'il n'a pas salué l'image de la Vierge !
Mme de Sévigné, 649, 13 sept. 1677.
17 Comme il est aveuglé du culte de ses dieux ! (…)Tout son palais est plein de leurs images.
Racine, Esther, II, 8.
18 Il (Léon Isaurien) entreprit de renverser comme des idoles les images de Jésus-Christ et de ses saints (…) on lui vit d'abord briser une image de Jésus-Christ, qui était posée sur la grande porte de l'église de Constantinople. Ce fut par là que commencèrent les violences des iconoclastes, c'est-à-dire des brise-images.
Bossuet, Disc. sur l'hist. universelle, I, XI.
19 (…) jamais aucun gouvernement n'ordonna qu'on adorât une image, comme le dieu suprême de la nature. Les anciens Chaldéens, les anciens Arabes, les anciens Perses, n'eurent longtemps ni images ni temples (…) Ils révéraient ce qu'ils voyaient : mais certainement révérer le soleil et les astres, ce n'est pas adorer une figure taillée par un ouvrier (…)
Voltaire, Essai sur les mœurs, De l'idolâtrie.
3 Petite estampe, reproduisant un sujet. || Images pieuses, saintes. || Image porte-bonheur (⇒ Talisman). || Image de première communion. || Bible (cit. 8) en images. — Album, livre d'images. || Images qui illustrent un texte. ⇒ Gravure, illustration. || Images en noir, en couleurs. || Collection, commerce d'images. ⇒ Imagerie. || Marchand d'images. ⇒ Imagier. || Accrocher des images au mur (→ Gravure, cit. 5). || Image de chevet. || Enfant qui s'amuse à colorier, à décalquer (⇒ Décalcomanie), à découper, à regarder (→ Grand, cit. 19) des images. || Il ne sait pas bien lire, mais il regardera les images. || Récompenser un enfant par une image. — ☑ Loc. fam. (1674, Mme de Sévigné). Un enfant sage comme une image, calme, posé (par allus. à l'immobilité des personnages figurant sur les images).
20 (…) une étroite bibliothèque pendue au mur; puis, des images du haut en bas, des bonshommes découpés, des gravures coloriées fixées à l'aide de quatre clous, des portraits de toutes sortes de personnages, détachés des journaux illustrés. Madame Goujet disait, avec un sourire, que son fils était un grand enfant; le soir, la lecture le fatiguait; alors, il s'amusait à regarder ses images.
Zola, l'Assommoir, I, p. 134.
21 (…) vers la droite, c'est bien encore l'antique Jérusalem, comme sur les images des naïfs missels.
Loti, Jérusalem, p. 59.
22 Quand j'avais été docile, Mademoiselle de Gœcklin me faisait cadeau d'une image […] (je) la collais dans un album, à côté d'autres images que les grands magasins donnaient aux enfants de leur clientèle (…)
Gide, Si le grain ne meurt, p. 20.
♦ ☑ (1873). Image d'Épinal : image populaire, coloriée, de facture souvent naïve, produite au XIXe siècle à Épinal; image populaire et naïve. || Cela fait image d'Épinal, se dit d'un tableau aux tons criards (par allus. au bariolage des images d'Épinal). — Abstrait. || Lieu commun largement répandu et naïf; cliché populaire.
22.1 Images d'Épinal ou cruelle et grossière ironie : les Algériens voulaient à tel point se libérer des colons français que dès la fin de la guerre d'Algérie, des cargaisons entières les ramenaient en France pour y retrouver du travail et un peu de pain.
E. Ionesco, Journal en miettes, p. 152.
REM. Dans cet emploi, le côté naïf ou religieux, qui est traditionnellement lié à l'emploi du mot, reste attaché à image par rapport à ses quasi-synonymes, illustration, reproduction, dessin, photo… Mais la connotation naïve peut disparaître dans la construction image de…
♦ L'image de qqch., de qqn, sa représentation au moyen d'un procédé graphique (dessin), pictural (peinture, tableau) ou technique (photo, etc.).
♦ Par ext. ⇒ Description, tableau. || Cet écrivain présente l'image de la condition humaine (→ Engager, cit. 48). || Les hommes ne goûtent plus l'image de la félicité (→ Corruption, cit. 8). || Conférencier qui doit retracer l'image de la vie de son pays. || Image complète, exacte, précise (→ Empreindre, cit. 4). || Image impartiale, objective, pittoresque.
23 Chez vous le mariage est fâcheux et pénible,
Et vos discours en font une image terrible (…)
Molière, l'École des femmes, V, 4.
24 Puisqu'il m'a été donné de tracer de Jésus une image qui a obtenu quelque attention (…)
Renan, Vie de Jésus, Avertissement.
25 Son ébauche de procès-verbal offrait donc de la séance une image assez infidèle.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XIX, p. 203.
26 Jean est persuadé que je ne lui rends pas sa tendresse; il croit que je le juge d'après l'image que son oncle me retrace de lui (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, III.
4 (XIIe). || Une, l'image de… a Aspect particulier que prend (qqch.). ⇒ Apparence, face, figure, manifestation, visage. || Dans cette bataille, une nouvelle image de la guerre lui apparaît (→ Artillerie, cit. 3). || Il ne connaissait pas cette image du Paris nocturne. — En parlant de choses abstraites :
27 Comme les proportions sont mieux gardées dans les états médiocres, parce qu'ils sont aussi éloignés des grandes prospérités que des grandes infortunes (…) c'est là qu'on trouve souvent quelque image du bonheur.
Rivarol, Fragments et pensées philosophiques, Du bonheur.
b Reproduction exacte ou représentation analogique (d'un être, d'une chose). ⇒ Portrait, reflet, réplique. || « Cet enfant est l'image de son père » (Académie). → Fruit, cit. 32. — La peinture hollandaise (cit.), image fidèle, complète de la Hollande. || Image approchante (cit. 9), frappante, parfaite, véridique. — ☑ (V. 1180). À l'image de… || Être fait à l'image de… ⇒ Modèle (sur le). → 1. Fumer, cit. 9. || Dieu créa l'homme (cit. 62 et 69) à son image. ⇒ Ressemblance. || Régler sa conduite à l'image de quelqu'un. ⇒ Exemple; imiter.
28 (…) de cela seul que Dieu m'a créé, il est fort croyable qu'il m'a en quelque façon produit à son image et semblance (…)
Descartes, Méditations, III.
29 Sans la science, la vie est presque une image de la mort.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 4.
30 Ce fils victorieux que vous favorisez,
Cette vivante image en qui vous vous plaisez,
Cet ennemi de Rome, et cet autre vous-même (…)
Racine, Mithridate, III, 5.
31 Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu.
Voltaire, le Sottisier, XXXII.
32 Il serait d'ailleurs faux de prétendre que ce sont (nos personnages) des créatures à notre image (…)
F. Mauriac, le Romancier et ses personnages, p. 130.
♦ Ce qui offre une représentation d'un être, d'une chose, sans en reproduire exactement l'aspect. || La figure (cit. 14) est l'image du corps tout entier. || L'hélianthe (cit.), image du soleil. || L'atome (cit. 17) image diminuée de l'infiniment grand. ⇒ Analogue.
33 Ô douce métamorphose ! Ce temple délicat, nul ne le sait, est l'image mathématique d'une fille de Corinthe, que j'ai heureusement aimée.
Valéry, Eupalinos, p. 54.
REM. À cette acception courante ou littéraire du mot peut correspondre la notion scientifique (ci-dessus, I., 1.), ainsi que la valeur sémiotique (plus large) de « signe ayant une correspondance analogique avec son objet » (⇒ 2. Icone).
c (1550). Manifestation sensible (de qqch. d'invisible ou d'abstrait). ⇒ Expression (cit. 47). || Le Christ, image vivante de Dieu. ⇒ Incarnation (→ Engendrer, I., cit. 3). || Une image du génie français (→ Grisaille, cit. 4). ⇒ Représentation. — (1795). Aspect particulier. || Offrir l'image de la candeur (→ Fausseté, cit. 7), de la gaieté (→ Folâtre, cit. 1), du désespoir. || Paysage d'automne qui offre l'image de la solitude (→ Défeuiller, cit. 1).
34 Partout du désespoir je rencontre l'image,
Je ne vois que des pleurs (…)
Racine, Bérénice, V, 7.
35 — Hélas ! sur son visageJ'entrevois de la mort la douloureuse image (…)
Voltaire, Mérope, III, 4.
36 Mais, dans sa source vive, le romantisme défie d'abord la loi morale et divine. Voilà pourquoi son image la plus originale n'est pas, d'abord, le révolutionnaire mais, logiquement, le dandy.
Camus, l'Homme révolté, p. 71.
d Ce qui évoque ou figure (une réalité de nature différente) en raison d'un rapport de similitude, d'analogie. ⇒ Emblème, figure, signe, symbole. || Le déluge, image du baptême (cit. 1). || Les danses des corybantes (cit.), image de la guerre (→ aussi Échec, cit. 13). || Le berger (cit. 14) et son troupeau, image du roi et de ses sujets. || La fuite (cit. 9) de l'eau, image du temps qui s'écoule. || La fumée, image de la vie qui s'éteint (cit. 66). || Ces fleurs fanées (cit. 17) sont l'image de sa destinée.
37 Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns et les autres avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour. C'est l'image de la condition des hommes.
Pascal, Pensées, III, 199.
38 Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants; c'est là ma place au soleil. — Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre.
Pascal, Pensées, V, 295.
39 Les roues, les ressorts, les mouvements sont cachés; rien ne paraît d'une montre que son aiguille, qui insensiblement s'avance et achève son tour : image du courtisan, d'autant plus parfaite qu'après avoir fait assez de chemin, il revient souvent au même point d'où il est parti.
La Bruyère, les Caractères, VIII, 65.
40 Elle voit paraître ce que Jésus-Christ n'a pas dédaigné de nous donner comme l'image de sa tendresse, une poule devenue mère, empressée autour des petits qu'elle conduisait.
Bossuet, Oraison funèbre de Anne de Gonzague.
41 La République des moutons est l'image fidèle de l'âge d'or.
Voltaire, Dict. philosophique, Lois.
5 (V. 1265, B. Latini). Évocation dans le discours d'une réalité (souvent abstraite) différente de celle à laquelle renvoie le sens propre littéral du texte, mais liée à elle par une relation de similitude, d'analogie. ⇒ Allégorie, comparaison (cit. 12), figure, métaphore. || Image banale, usée. ⇒ Cliché (→ Aurore, cit. 20). || Images de style (→ Coloris, cit. 5; essentiellement, cit. 2). || Images bibliques, évangéliques (→ Axiome, cit. 5). || Écrivain qui s'exprime (cit. 24) par des images. || Forger (cit. 5) une image. || Hardiesse (cit. 22), justesse, profusion (→ Enfiévrer, cit. 5), puissance des images (→ Excrément, cit. 6). || Images descriptives. || Images colorées, fortes, frappantes (→ Exagération, cit. 1), savoureuses, grandiloquentes (cit. 1), forcées (→ aussi Accent, cit. 5; agneau, cit. 3; chandelle, cit. 5; emprunter, cit. 16; flux, cit. 9; fortune, cit. 36; français, cit. 5; homme, cit. 130).
42 Ces « images », que d'autres appellent « peintures » ou « fictions », sont aussi d'un grand artifice pour donner du poids, de la magnificence et de la force au discours. Ce mot d'« image » se prend en général pour toute pensée propre à produire une expression, et qui fait une peinture à l'esprit de quelque manière que ce soit; mais il se prend encore, dans un sens plus particulier et plus resserré, pour ces discours que l'on fait « lorsque, par un enthousiasme et un mouvement extraordinaire de l'âme, il semble que nous voyons les choses dont nous parlons, et quand nous les mettons devant les yeux de ceux qui écoutent. »
Boileau, le Longin, Traité du sublime, XIII.
43 Il faut toujours se souvenir que les modifications de l'âme ne peuvent s'exprimer que par des images physiques : on dit la fermeté de l'âme, de l'esprit (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Fermeté.
44 On peut concevoir et s'expliquer par les images, mais non pas juger et conclure.
Joseph Joubert, Pensées, XXII, CXI.
45 (…) elle abondait en plaisants dictons, en sages proverbes, en images populaires et rustiques
France, le Petit Pierre, XXIV.
45.1 Peut-être Mérimée est-il l'écrivain qui restera le plus longtemps. En effet, il se sert moins que tout autre de l'image, cette cause de vieillesse du style. La postérité appartiendra aux écrivains secs, aux constipés.
J. Renard, Journal, 12 août 1890.
♦ Poétique de l'image. || Théorie surréaliste de l'image. || Abuser de l'image (→ Comme, cit. 13.1, Breton).
46 L'image est une création pure de l'esprit. Elle ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte — plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique (…)
P. Reverdy, Nord-Sud, mars 1918 (repris dans le Gant de crin) A. Breton, Manifeste du surréalisme.
47 Il en va des images surréalistes comme de ces images de l'opium que l'homme n'évoque plus, mais qui « s'offrent à lui, spontanément… » Si l'on s'en tient (…) à la définition de Reverdy, il ne semble pas possible de rapprocher volontairement ce qu'il appelle « deux réalités distantes » (…) Il est faux, selon moi, de prétendre que « l'esprit a saisi les rapports » des deux réalités en présence (…) C'est du rapprochement en quelque sorte fortuit des deux termes qu'a jailli une lumière particulière, lumière de l'image, à laquelle nous nous montrons infiniment sensibles. La valeur de l'image dépend de la beauté de l'étincelle obtenue; elle est, par conséquent, fonction de la différence de potentiel entre les deux conducteurs. Lorsque cette différence existe à peine comme dans la comparaison(1), l'étincelle ne se produit pas.
A. Breton, Manifeste du surréalisme, p. 58.
(1) N. D. L. A. Cf. l'image chez Jules Renard.
48 L'image, c'est l'évocation d'un spectacle de la nature ou d'une vérité de l'homme, dans la peinture d'une situation. C'est, en somme, le rattachement de l'émotion que l'artiste veut faire naître d'un certain concours de choses, nouveau pour le lecteur, à des émotions généralement éprouvées par l'homme. Véritable induction de l'art. Appel au général pour faire ressentir le particulier, au connu pour que surgisse dans l'attrait de la chose découverte cette relation nouvelle entre les choses qu'est une création de l'esprit (…)
6 Math. Élément ou ensemble des éléments d'un ensemble qui, par une relation (une correspondance, une application…), correspondent à un élément d'un premier ensemble (⇒ Antécédent). || L'image d'un élément x de l'ensemble de départ par une application f (ou transformée de x par f) est réduite à un seul élément de l'ensemble d'arrivée, noté f(x). — Image d'une partie d'un ensemble, ou image directe (par oppos. à image réciproque, ci-dessous) : l'ensemble des images des éléments de cette partie. || Image réciproque d'une partie d'un ensemble : l'ensemble des éléments de l'ensemble de départ qui ont une image appartenant à cette partie. || Image d'une relation (d'un ensemble dans un autre ensemble) : l'ensemble des images par cette relation des éléments de l'ensemble de départ. || Si la relation est une application f d'un ensemble E dans un ensemble F, l'image de f se note Im(f) ou f(E). || L'image d'une application surjective est égale à son ensemble d'arrivée. — En appos. || Ensemble-image, espace-image. || L'ensemble-image d'une application (ensemble de définition) est un sous-ensemble de l'ensemble d'arrivée.
———
II (V. 1160, d'abord « apparition en rêve »; sens psychol. moderne, lié à imagination, 1647, Descartes). Représentation mentale d'origine sensible.
REM. Jusqu'au milieu du XVIIIe s. on a utilisé indistinctement les mots idée et image. Depuis cette époque, le mot image s'oppose d'une part au concept ou à l'idée abstraite (→ Idée, cit. 5), d'autre part à la réalité ou aux choses qui existent indépendamment de l'esprit qui les pense (→ ci-dessous, cit. 50, Bergson).
49 (…) l'esprit agissant est un polypier d'images mutuellement dépendantes (…)
Taine, De l'intelligence, t. I, p. 124.
50 Me voici donc en présence d'images, au sens le plus vague où l'on puisse prendre ce mot, images perçues quand j'ouvre mes sens, inaperçues quand je les ferme.
H. Bergson, Matière et Mémoire, p. 11.
♦ Psychologie et courant.
1 Reproduction mentale d'une perception ou d'une impression antérieure, en l'absence de l'objet qui lui avait donné naissance. || Image visuelle, auditive, tactile. || L'image, en général moins vive, moins nette, plus faible (cit. 29), plus changeante que la perception. || Avoir une image dans l'esprit. || Chasser une image de son esprit. || Localisation des images dans le cerveau (→ Entendement, cit. 4). || Lois de l'association (cit. 16) des images. — Image d'un être, d'un objet, d'un lieu. — Image rémanente. || Rémanence des images visuelles. — Image éidétique, caractérisée, dans des cas souvent pathologiques, par son extrême netteté, et sa persistance presque obsédante.
REM. En ce premier sens, le mot image s'est d'abord appliqué exclusivement aux images de la vue : || « Le sens de la vue fournit seul des images » (Voltaire, Dict. philosophique, Imagination). Son usage ne s'est étendu aux autres impressions sensorielles qu'à la fin du XIXe s., non sans rencontrer une forte résistance.
51 Je vois des images, je me souviens des effets sur mon cœur, mais pour les causes et la physionomie néant.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 17.
♦ (1883). || Image sonore, auditive.
52 C'est hier que j'ai eu ce spectacle, et aujourd'hui, à mesure que j'écris, je le revois faiblement, mais je le revois (…) C'est une demi-résurrection de mon expérience; on pourra employer divers termes pour l'exprimer, dire qu'elle est un arrière goût, un écho, un simulacre, un fantôme, une image de la sensation primitive (…) Les sensations de l'ouïe, du goût, de l'odorat, du toucher, et, en général, toutes les sensations (…) ont aussi leurs images.
Taine, De l'intelligence, t. I, p. 78 et 84.
♦ Problèmes psychologiques des rapports entre l'image et le concept, de la pensée sans images. || Peut-on penser sans images ?
53 (…) prenant à la lettre cette expression de pensée sans images, qui ne peut signifier honnêtement (…) qu'une pensée non faite d'images, on a voulu que la pensée vraie ne fût même pas accompagnée d'images, ce qui conduirait à chercher une pensée incapable même de s'exercer.
M. Pradines, Traité de psychologie générale, III, p. 162.
♦ Ling. (Saussure). || L'image acoustique, l'image graphique d'un signe, sa face matérielle, sensible.
2 (Sens élargi). Vision intérieure plus ou moins exacte (d'un être ou d'une chose). || Se faire une image de qqch. (⇒ Imaginer; et aussi idée). || Les images, peintures absolues des objets sensibles (→ Idée, cit. 4). || L'image d'un être aimé, une chère image. — Garder gravées dans la mémoire les images du passé. || Conserver l'image d'un être (→ Correspondre, cit. 3; empreindre, cit. 9). ⇒ Souvenir. || Images isolées de notre enfance (→ Cadre, cit. 9). || Évoquer (cit. 18) une image. || Image qui s'efface, s'estompe. || L'image obsédante d'un être, d'un événement.
54 Et pourquoi vous en faire une image si noire ?
Racine, Bajazet, II, 3.
55 L'image de l'amour éteint effraye plus un cœur tendre que celle d'un amour malheureux, et le dégoût de ce qu'on possède est un état cent fois pire que le regret de ce qu'on a perdu.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Lettre VII.
56 Toute la soirée ton image m'a poursuivi comme une hallucination.
Flaubert, Correspondance, 324, 9 juin 1852.
57 Dans sa mémoire à lui seul, mais rien que là, persistait encore la jeune image, et, quand il serait mort, aucun reflet ne resterait nulle part de ce que fut sa beauté, aucune trace au monde de ce que fut son âme anxieuse et candide.
Loti, les Désenchantées, II, V.
58 Au grand jour de la mémoire habituelle, les images du passé pâlissent peu à peu, s'effacent, il ne reste plus rien d'elles, nous ne les retrouverons plus.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 55.
59 Pourquoi certaines images demeurent-elles pour nous aussi nettes qu'au moment de la vision, alors que d'autres, en apparence plus importantes, s'estompent puis s'effacent si vite ?
A. Maurois, Climats, I, II.
60 Que de fois, tandis qu'elle rêvait en regardant les tilleuls dorés de Nohant, l'image de ce beau visage était venue danser au bout de la plume de George et l'avait empêchée d'écrire, rare et redoutable signe.
A. Maurois, Lélia, VI, p. 295.
3 Produit de l'imagination. || Ces images sont de purs produits de l'imagination, de la fantaisie, de la rêverie. || Images qui accompagnent une lecture. — Images érotiques, fantastiques, incohérentes du rêve, du délire. ⇒ Fantasme, vision (→ aussi Hallucination). || Images trompeuses. ⇒ Illusion (→ Cher, cit. 18). || Image effrayante. ⇒ Spectre. || Les images du rêve. — Image embellie par la passion, par le souvenir. || Se forger une image fantaisiste du réel. || Les brillantes images qui entourent (cit. 6) la réalité de l'amour. || Substituer aux êtres l'image qu'on se fait (cit. 249) d'eux. || Être abusé (cit. 13) par de vaines images.
61 On aime bien plus l'image qu'on se fait que l'objet auquel on l'applique. Si l'on voyait ce qu'on aime exactement tel qu'il est, il n'y aurait plus d'amour sur la terre.
Rousseau, Émile, IV.
62 À la parole de Philoxène, les images les plus singulières défilaient devant les yeux et faisaient vivre avec sa pensée, sa forme et sa couleur, l'auteur qu'il interprétait.
Th. Gautier, Portraits contemporains, p. 157.
63 (…) les noms présentent des personnes — et des villes qu'ils nous habituent à croire individuelles, uniques comme des personnes — une image confuse qui tire d'eux, de leur sonorité éclatante ou sombre, la couleur dont elle est peinte uniformément (…) quand je pensais à Florence c'était comme à une ville miraculeusement embaumée et semblable à une corolle, parce qu'elle s'appelait la cité des lys et sa cathédrale, Sainte-Marie-des-Fleurs (…) Ces images étaient fausses pour une autre raison encore; c'est qu'elles étaient forcément très simplifiées (…) Peut-être même la simplification de ces images fut-elle une des causes de l'empire qu'elles prirent sur moi.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. II, p. 229-231.
♦ Psychan. || Image parentale. ⇒ Imago. || Image de soi. — Psychiatrie. || Images hallucinatoires.
4 ☑ Image de marque : représentation qu'a le public (d'un produit, d'une firme, d'une marque commerciale). ⇒ Réputation. || « Une société dont l'image de marque est réputée » (l'Express, 4 déc. 1972). — Par ext. Représentation collective (d'une personne, d'une institution). || « L'image de marque du Premier ministre » (le Monde, 1er janv. 1971). || Avoir une bonne image de marque. || Soigner son image de marque.
♦ Image publicitaire : représentation qu'une firme, une marque commerciale veut donner d'elle-même ou d'un de ses produits.
64 Dans la deuxième moitié du XXe siècle, en Europe, en France, rien (…) ne vaut que par son double : son image publicitaire qui l'auréole. Cette image double non seulement la matérialité sensible de l'objet mais le désir, le plaisir.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 200.
♦ (Employé seul). Façon dont une personne est perçue par la collectivité, par un groupe. || L'image d'une vedette. || Le nouveau président a une bonne image. || Ce ministre soigne son image. — (Avec un compl.). || Une image d'homme de gauche.
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DÉR. et COMP. Imager, imagerie, imagier. Image-orthicon. V. Imagisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.