idée [ ide ] n. f.
• 1119; lat. philos. idea, gr. idea « forme visible », d'où « forme distinctive » puis « idée » (même rad. que idein « voir »)
I ♦ Philos. Essence éternelle et purement intelligible des choses sensibles (chez Platon et les philosophes platoniciens). ⇒ archétype.
II ♦ (XVIIe) Représentation intellectuelle, distinguée des phénomènes qui concernent l'affectivité ou l'action.
1 ♦ Psychol., log. Représentation abstraite et générale d'un être, d'une manière d'être, ou d'un rapport, qui est formée par l'entendement. Idée d'un objet particulier. ⇒ représentation. Idée générale. ⇒ concept, notion. Idées scientifiques de nombre, d'étendue. L'idée de triangle. L'idée de valeur. Signe, symbole d'une idée. Le mot et l'idée. Idées innées.
2 ♦ Cour. (sens large) Toute représentation élaborée par la pensée (qu'il existe ou non un objet qui lui corresponde). Expression des idées par le langage. « Nous avons plus d'idées que de mots » (Diderot). Idée claire, nette, juste. Idées fausses. « il se faisait sur les attributions des syndicats des idées très superficielles » (Aragon). Avoir une haute idée de soi : être prétentieux. Avoir des idées noires, le cafard. Association d'idées. Perdre le fil de ses idées. Sauter d'une idée à l'autre. Chasser une idée de son esprit. — Loc. Rassembler ses idées. Remettre les idées en place à qqn : mettre de l'ordre dans l'esprit d'une personne troublée.
♢ Idée fixe.
♢ IDÉE-FORCE :idée capable d'influencer l'évolution d'un individu, d'une époque. Les idées-force de 1968.
♢ L'idée de (et l'inf.). ⇒ 1. pensée, perspective. « L'idée de se retrouver dans cette chambre vide l'attristait horriblement » (A. Daudet). — L'idée que. « Il s'enchantait de l'idée qu'il était l'arbitre de la France » (Chateaubriand). À l'idée de, à la seule idée que.
3 ♦ Vue élémentaire, approximative. ⇒ aperçu. Pour vous en donner une idée. As-tu une idée du prix ? Je n'en ai aucune idée, pas la moindre idée. Loc. On n'a pas idée de cela, on ne peut même pas se représenter une chose pareille. « Aussi, a-t-on idée !... recevoir un homme comme cela ! » (Hugo). — J'ai idée que : il me semble que. J'ai idée qu'il sera d'accord.
4 ♦ Conception purement imaginaire, fausse ou irréalisable. ⇒ chimère, rêve. — Loc. Se faire des idées : imaginer des choses fausses (cf. Se monter la tête). En voilà, une idée ! Donner des idées à qqn, exciter son imagination.
5 ♦ Vue, plus ou moins originale, que l'intelligence élabore dans le domaine de la connaissance, de l'action ou de la création artistique. ⇒ dessein, 3. plan, projet. Il me vient une idée. Suivre son idée. Changer d'idée. C'est une bonne idée. ⇒fam. 3. plan. Laissez-moi faire, j'ai une idée, j'ai mon idée. Il a une idée derrière la tête. Idée directrice. Prendre l'idée d'un roman dans un fait divers. ⇒ inspiration, source, 3. sujet. — Avoir l'idée de : concevoir le projet ou imaginer de (⇒ concepteur) . Chercher des idées (⇒ brainstorming) . Il a beaucoup d'idées (⇒ créativité, imagination, inventivité) . Fam. Il a de l'idée.
♢ Au plur. Pensées neuves, fortes, heureuses. Ouvrage plein d'idées. ⇒ trouvaille.
6 ♦ Façon particulière de se représenter le réel, de voir les choses. J'ai mon idée, ma petite idée sur la question. ⇒ opinion. Idée reçue. ⇒ préjugé. Le « Dictionnaire des idées reçues », de Flaubert. Loc. Juger, agir à son idée. — Ne faire qu'à son idée (cf. À sa guise, à sa tête).
♢ Au plur. Ensemble des opinions d'un individu ou d'un groupe social en quelque domaine. Communion d'idées. Chacun a ses idées. Cela n'est pas dans mes idées. Défendre ses idées. Aller jusqu'au bout de ses idées. — Idées d'un écrivain, d'un penseur. ⇒ doctrine, philosophie, théorie, vue. Idées politiques. ⇒ idéologie; plateforme. Idées avancées, subversives. Avoir des idées étroites, larges. — Absolt Les idées : spéculations touchant aux plus hauts problèmes. L'histoire des idées. Courant d'idées. « Ce sont les idées qui mènent le monde » (Renan).
7 ♦ Par ext. L'IDÉE :l'esprit qui élabore les idées. ⇒ esprit. J'ai dans l'idée qu'il ne viendra pas. C'est une chose qui ne me vient même pas à l'idée. On ne m'ôtera pas ça de l'idée.
♢ En idée : en imagination.
● idée nom féminin (latin idea, du grec idea, forme visible, de ideîn, voir) Représentation abstraite, élaborée par la pensée, d'un être, d'un rapport, d'un objet, etc. ; concept, notion : L'idée du beau. Les rapports du mot et de l'idée qu'il représente. Tout contenu de pensée, toute élaboration de l'esprit : Mettre de l'ordre dans ses idées. Manière personnelle de voir les choses : Nous n'avons pas la même idée de ce qu'est la liberté. Élaboration originale de la pensée, permettant, en particulier, de répondre à une situation, d'être à l'origine d'une action, d'une œuvre ou d'une invention originale : Il a toujours beaucoup d'idées. Avoir une idée de roman. Proposition, suggestion, indication données par quelque chose (parfois suivi d'un nom apposé avec ou sans trait d'union) : Revue qui fourmille d'idées pour vos vacances. De nouvelles idées-cadeaux. Ce qui doit être envisagé par l'esprit, ce qui est virtuel, ce qui se propose à l'esprit comme possible : Il avait du mal à accepter l'idée d'une séparation. Aperçu, vision sommaire, notion de quelque chose : Tu as une idée du prix ? Le siège de la pensée ; tête, esprit : Cela m'est sorti de l'idée. Pour Platon, modèle général de chaque chose concrète ou de chaque notion abstraite, qui est dans l'esprit de tout homme avant sa naissance et qui lui permet de concevoir la réalité. ● idée (citations) nom féminin (latin idea, du grec idea, forme visible, de ideîn, voir) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 […] Les idées, même les plus sublimes, ne sont jamais à inventer, et elles se trouvent inscrites dans le vocabulaire consacré par l'usage. Histoire de mes pensées Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Une idée que j'ai, il faut que je la nie : c'est ma manière de l'essayer. Histoire de mes pensées Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Le vrai poète est celui qui trouve l'idée en forgeant le vers. Préliminaires à l'esthétique Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Il n'est pas difficile d'avoir une idée. Le difficile, c'est de les avoir toutes. Propos Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 L'idée n'est pas au ciel de l'abstraction ; mais plutôt elle monte des terres et des travaux. Propos d'économique Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 On doit appeler machine, dans le sens le plus étendu, toute idée sans penseur. Propos sur la religion P.U.F. Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Rien n'est plus dangereux qu'une idée, quand on n'a qu'une idée. Propos sur la religion P.U.F. Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 C'est bon pour les hommes de croire aux idées et de mourir pour elles. Antigone, Ismène La Table Ronde Claude Bernard Saint-Julien, Rhône, 1813-Paris 1878 Un fait n'est rien par lui-même, il ne vaut que par l'idée qui s'y rattache ou par la preuve qu'il fournit. Introduction à l'étude de la médecine expérimentale Paul Bourget Amiens 1852-Paris 1935 Académie française, 1894 Il est rare qu'un homme soit lancé dans la bataille des idées sans vite devenir le comédien de ses premières sincérités. Le Disciple Plon Georges Braque Argenteuil 1882-Paris 1963 Il faut toujours avoir deux idées : l'une pour tuer l'autre. Le Jour et la Nuit Gallimard Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 Rassemblons des faits pour nous donner des idées. Histoire naturelle, De l'homme François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Les idées, une fois nées, ne s'anéantissent plus ; elles peuvent être accablées sous les chaînes, mais, prisonnières immortelles, elles usent les liens de leur captivité. Histoire de France François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Tout arrive par les idées ; elles produisent les faits, qui ne leur servent que d'enveloppe. Histoire de France Malcolm de Chazal Vacoas 1902-Port-Louis 1981 Rien de grand ne se fait sans l'idée fixe, ce clou à transpercer l'invisible. Sens plastique Gallimard Émile Michel Cioran Răşinari, près de Sibiu, 1911-Paris 1995 L'histoire des idées est l'histoire de la rancune des solitaires. Syllogismes de l'amertume Gallimard Émile Michel Cioran Răşinari, près de Sibiu, 1911-Paris 1995 Rien ne dessèche tant un esprit que sa répugnance à concevoir des idées obscures. Syllogismes de l'amertume Gallimard Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 La poésie cesse à l'idée. Toute idée la tue. La Difficulté d'être Éditions du Rocher Eugène Delacroix Saint-Maurice, Val-de-Marne, 1798-Paris 1863 Ce qui fait les hommes de génie, ou plutôt ce qu'ils font, ce ne sont point les idées neuves, c'est cette idée, qui les possède, que ce qui a été dit ne l'a pas encore été assez. Journal, 15 mai 1824 Jean Henri Casimir Fabre Saint-Léon, Aveyron, 1823-Sérignan-du-Comtat 1915 Que ne ferait-on pas dans l'espoir d'une idée ! Souvenirs entomologiques Delagrave Émile Faguet La Roche-sur-Yon 1847-Paris 1916 Académie française, 1900 Ce grand esprit, c'est un chaos d'idées claires. Études littéraires du dix-huitième siècle Calmann-Lévy Voltaire Léon-Paul Fargue Paris 1876-Paris 1947 Toute idée est une belle occasion de se taire. Elle est perdue… Sous la lampe Gallimard Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Plus une idée est belle, plus la phrase est sonore. Correspondance, à Mlle Leroyer de Chantepie, 1857 Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 Les idées de la veille font les mœurs du lendemain. Discours, au banquet des étudiants, 1895 Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 Toutes les idées sur lesquelles repose aujourd'hui la société ont été subversives avant d'être tutélaires. La Vie littéraire Calmann-Lévy Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 L'idée, trempée dans le vers, prend soudain quelque chose de plus incisif et de plus éclatant. C'est le fer qui devient acier. Cromwell, Préface Stéphane Mallarmé Paris 1842-Valvins, Seine-et-Marne, 1898 Gloire du long désir, idées […]. Poésies, Prose Robert Mallet 1915 Les bonnes idées n'ont pas d'âge, elles ont seulement de l'avenir. Apostilles Gallimard Charles Maurras Martigues 1868-Saint-Symphorien 1952 Académie française, 1938 Il n'est pas une idée née d'un esprit humain qui n'ait fait couler du sang sur la terre. La Dentelle du rempart Grasset Maurice Merleau-Ponty Rochefort 1908-Paris 1961 Comme la nervure porte la feuille du dedans, du fond de sa chair, les idées sont la texture de l'expérience […]. Le Visible et l'Invisible Gallimard Louise Michel Vroncourt-la-Côte, Haute-Marne, 1830-Marseille 1905 On ne peut pas tuer l'idée à coups de canon ni lui mettre les poucettes. La Commune Stock menottes Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 L'éducation consiste à nous donner des idées, et la bonne éducation à les mettre en proportion. Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères Henry Millon de Montherlant Paris 1895-Paris 1972 Académie française, 1960 Les grandes idées ne sont pas charitables. Le Maître de Santiago, I, 4, Obregon Gallimard Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 Les âmes sont les idées de Dieu. Paradoxe et vérité Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 Les grandes idées ne viennent pas du mauvais esprit. Sur un carnet Nicolas Poussin Villers, près des Andelys, 1594-Rome 1665 La peinture n'est autre qu'une idée des choses incorporelles. Observations sur la peinture Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 […] Chacun appelle idées claires celles qui sont au même degré de confusion que les siennes propres. À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs Gallimard Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Une idée forte communique un peu de sa force au contradicteur. À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs Gallimard Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Aimer une idée, c'est l'aimer un peu plus qu'on ne devrait. Carnet d'un biologiste Stock Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George Sand Paris 1804-Nohant, Indre, 1876 En France particulièrement, les mots ont plus d'empire que les idées. Indiana Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme d'idées n'est jamais sérieux. Mauvaises Pensées et autres Gallimard Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 Toute idée qui en nous est absolue, autrement dit adéquate et parfaite, est vraie. Omnis idea, quae in nobis est absoluta, sive adaequata et perfecta, vera est. L'Éthique, Livre II Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 L'ordre et la connexion des idées sont la même chose que l'ordre et la connexion des choses. Ordo et connexio idearum idem est, ac ordo et connexio rerum. L'Éthique, Livre II Aristote Stagire 384-Chalcis 322 avant J.-C. Or l'art, c'est l'idée de l'œuvre, l'idée qui existe sans matière. Des parties des animaux, I, 1 (traduction J.M. Le Blond) Homère IXe s. avant J.-C. C'est l'idée qui fait le bon bûcheron, ce n'est pas la force. L'Iliade, XXIII, 315 (traduction P. Mazon) Edgar Allan Poe Boston 1809-Baltimore 1849 Le mot infini, comme les mots Dieu, esprit et quelques autres expressions, dont les équivalents existent dans toutes les langues, est non pas l'expression d'une idée, mais l'expression d'un effort vers cette idée. That merest of words « Infinity » this, like « God », « Spirit » and some other expressions of which the equivalents exist in all languages, is by no means the expression of an idea, but of an effort at one. Eureka ● idée (difficultés) nom féminin (latin idea, du grec idea, forme visible, de ideîn, voir) Orthographe On écrit une idée choc, sans trait d'union, mais une idée-force (v. ci-après). Construction L'idée que (+ indicatif, conditionnel ou subjonctif) : l'idée qu'il viendra demain est réconfortante (réalité) ; l'idée qu'il ne vienne pas me laisse indifférent (éventualité). ● idée (expressions) nom féminin (latin idea, du grec idea, forme visible, de ideîn, voir) À l'idée que, par le seul fait d'envisager cette éventualité ou cet événement. À mon idée, selon ma propre conception, à mon gré. Avoir idée de quelque chose, se le représenter, l'imaginer approximativement. Avoir, se faire une haute idée de quelque chose, de quelqu'un, les tenir en grande estime. Idée fixe, pensée dont l'esprit ne peut se détacher, obsession ; représentation mentale qui s'impose avec ténacité à la conscience et dont le sujet méconnaît le caractère pathologique, car elle est conforme à ses préoccupations habituelles. J'ai idée que, je tiens pour probable que, je pense que. Quelle idée !, en voilà une idée !, marque l'étonnement devant quelque chose qui va de soi ou qu'on trouve parfaitement incongru. ● idée (synonymes) nom féminin (latin idea, du grec idea, forme visible, de ideîn, voir) Représentation abstraite, élaborée par la pensée, d'un être, d'un rapport...
Synonymes :
- concept
- notion
Tout contenu de pensée, toute élaboration de l'esprit
Synonymes :
- plan
- projet
Manière personnelle de voir les choses
Synonymes :
- avis
- notion
- opinion
- vue
Élaboration originale de la pensée, permettant, en particulier, de répondre...
Synonymes :
Ce qui doit être envisagé par l'esprit, ce qui est...
Synonymes :
- hypothèse
- possibilité
- probabilité
Aperçu, vision sommaire, notion de quelque chose
Synonymes :
- aperçu
- avant-goût
- échantillon
- exemple
Le siège de la pensée ; tête, esprit
Synonymes :
- tête
Pour Platon, modèle général de chaque chose concrète ou de...
Synonymes :
- archétype
Idée fixe
Synonymes :
- dada (familier)
- hantise
- manie
- marotte (familier)
- psychose
idée
n. f.
d1./d Représentation d'une chose dans l'esprit; notion. L'idée d'arbre. Le mot et l'idée.
d2./d Conception de l'esprit, pensée; manière de concevoir une action ou de se représenter la réalité. Idée fondamentale d'un livre. Idées neuves, hardies.
|| Idée fixe: pensée qui obsède l'esprit.
|| Idée force: pensée susceptible de guider la conduite.
d3./d Inspiration. L'idée première d'une oeuvre.
|| (Belgique) Avoir de l'idée: avoir de bonnes idées.
|| (Plur.) Pensée originale. Ce scénario est plein d'idées.
d4./d (Plur.) Opinions. Ce n'est pas dans ses idées.
d5./d (Plur.) Représentation fausse, illusion, crainte non fondée. Se faire des idées.
d6./d Intention, projet. J'ai changé d'idée. Jeter sur le papier l'idée d'un ouvrage.
|| (Belgique) Loc. Avoir idée de (faire qqch): avoir l'intention, l'envie de (faire qqch). J'ai idée d'acheter une nouvelle voiture.
d7./d Rapide aperçu. Donnez-moi une idée de votre livre.
d8./d Esprit, conscience. J'ai dans l'idée que... Cela m'était sorti de l'idée.
⇒IDÉE, subst. fém.
I. A. — Ce que l'esprit conçoit ou peut concevoir.
1. Tout ce qui est représenté dans l'esprit, par opposition aux phénomènes concernant l'affectivité ou l'action. Les hommes ont des images avant d'avoir des idées; ils voient les corps avant de connoître les esprits (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 251). La danse est aussi révélation et langage, car elle provoque inconsciemment ou révèle volontairement des états, des idées ou des sentiments intraduisibles par des mots (BOURGAT, Techn. danse, 1959, p. 10).
♦ Avoir l'idée de. Se représenter. On a l'idée de point en considérant la marque faite sur une feuille de papier avec une aiguille ou la pointe d'un crayon bien taillé (ROUX, MIELLOU, Géom., 1946, p. 7) :
• 1. Dans les dessins, la fragmentation dévoile la complexité de nos représentations les plus simples. L'idée que nous avons d'une harpe est la combinaison d'une grande quantité d'éléments : images visuelles de bois doré pour le cadre, de lignes parallèles pour les cordes, de spirale comme ornement, d'images auditives, d'impressions personnelles, etc. Un enfant mis en présence du dessin d'une harpe n'y voit rien d'autre que des éléments simples.
WARCOLLIER, Télépathie, 1921, p. 285.
a) [Point de vue de la qualité, de la forme de l'idée] Avoir, se faire l'/une idée claire, complète, exagérée, précise de qqc. ou de qqn. Si l'on découvrait ce journal, il donnerait de moi une idée fort inexacte, car je n'y mets guère que ma vie extérieure (GREEN, Journal, 1936, p. 58) :
• 2. L'Empereur expliquait la netteté de ses idées et la faculté de pouvoir, sans se fatiguer, prolonger à l'extrême ses occupations, en disant que les divers objets et les diverses affaires se trouvaient casés dans sa tête comme ils eussent pu l'être dans une armoire.
LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 149.
SYNT. (Concevoir, exprimer, se former une) idée approximative, complexe, concrète, confuse, distincte, imparfaite, insuffisante, nette, sommaire, superficielle, vraie; faible, vague idée; idée d'ensemble.
— Représentation élémentaire, sommaire. Synon. aperçu, exemple. Avoir, donner, se faire une idée de qqc. ou de qqn; ces chiffres suffisent à donner une idée de; vous avez une idée de ce que cela peut être? Vous pouvez avoir une idée de mon ouvrage et de son étendue en jetant un regard sur la couverture que je joins à ma lettre (BALZAC, Corresp., 1843, p. 600). Elle était venue, comme ça, en passant, regarder les couronnes, pour se faire une idée. Elle demandait les prix (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 127). V. féminin ex. 7 :
• 3. La nature a percé plusieurs rochers du globe, pour y faire passer des veines d'eau et des filons de métal (...). Pour donner une idée de ces aqueducs souterrains, je dirai deux mots de celui que j'ai vu à l'Ile-de-France.
BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 225.
— Loc. diverses
♦ Ne pas avoir (l') idée, n'avoir aucune, nulle idée, ne pas avoir la première, la plus légère, la plus petite idée de qqc. Ne pas connaître, ignorer totalement. Ceux qui le poursuivent exigent de cet homme qu'il éprouve des sentiments dont il n'a même pas l'idée (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 140). Vous ne l'avez pas vu?... Vous n'avez pas la moindre idée de l'endroit où je pourrais le joindre? (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 82) :
• 4. On proclama la république romaine du haut du Capitole, mais il n'y avait de républicains dans la Rome de nos jours que les statues; et c'était n'avoir aucune idée de la nature de l'enthousiasme que d'imaginer qu'en le contrefaisant on le ferait naître.
STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 511.
♦ Avoir, se faire (l'/une) idée de qqc. Imaginer. Donner (une) idée de qqc. Le faire concevoir, imaginer. Je pense souvent aux gens qui ont passé des années dans les cages de fer des prisons, au Moyen Âge, et je me fais un peu idée de leurs souffrances parce que je sais ce que c'est qu'une insomnie (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 478). J'ai idée des difficultés que vous avez rencontrées (DUB. 1967, Lexis 1975).
[Le plus souvent à la forme négative, p. exagér.] On ne peut, on ne saurait avoir, donner, se faire l'idée de; vous n'avez pas idée comme c'est agaçant, combien je suis heureux. Vous ne vous faites pas une idée de l'aplomb de ces gens-là! (ZOLA, E. Rougon, 1876, p. 202). On n'a pas idée où la vanité d'une maîtresse de maison peut se nicher (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 24). Abs. Toute la journée attaché là, et rien, absolument rien à faire! Au début les heures me paraissaient longues, longues, tu n'as pas idée (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 714). Ne pas avoir, se faire d'/l'idée de qqc. (vieilli). De loin nous ne nous faisons pas d'idée de ce que c'est que l'autorité d'un despote qui connaît de vue tous ses sujets (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 264). V. agile ex. 34.
♦ À la forme négative, fam. [Pour exprimer la surprise, l'étonnement devant l'invraisemblance d'une chose, d'une action] On n'a pas idée ou a-t-on idée de (+ inf. ou subst.). Il n'est pas concevable d'agir ainsi. On n'a pas idée de ça! On n'a pas idée d'une folie pareille! grommela la vieille dame. Se faire du mal pour du papier imprimé! (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 138). Vous devriez avoir honte de parler d'un dégoûtant qui a été révoqué pour mœurs, espèce de dévergondée. A-t-on idée de faire rougir une femme de mon âge! Ça ne vous portera pas bonheur (BERNANOS, Crime, 1935, p. 816). V. apprendre ex. 24.
Abs., fam. On n'a pas idée! A-t-on idée? Est-ce possible? J'ai vu une Anglaise qui a passé quelques jours chez des voisins à eux; on n'a pas idée!... Elle se promène dans son jardin presque toute nue (H. BATAILLE, Maman Colibri, 1904, IV, 1, p. 27). Je suis celle qui est là pour t'empêcher de mourir, comme tu dis! de mourir, a-t-on idée! (CLAUDEL, Échange, 1954, II, p. 763).
♦ Fam. Avoir l'idée que, avoir comme une idée que, plus cour. avoir idée que. Avoir l'impression, croire, s'imaginer, penser que. J'ai toujours eu l'idée que vous arriveriez par moi aux honneurs et à la fortune (SCRIBE, Camaraderie, 1837, III, 6, p. 300). Mon cher Berthier, j'ai l'idée que le ministère tombera au début de la session (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 333). Il s'est mis tout le monde à dos. Nous n'avions pas idée qu'on pût à ce point le détester (CLAUDEL, Poète regarde Croix, 1938, p. 38).
Rem. La docum. enregistre la constr. vieillie prendre une idée de. Synon. avoir, se faire une idée. Son ignorante vie avait cessé tout à coup, elle raisonna, se fit mille reproches. « Quelle idée va-t-il prendre de moi? Il croira que je l'aime » (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 123). Il eût fallu voir, pour en prendre une idée, son front couvert de sueur, et cependant résigné, ses yeux mouillés de larmes, et cependant levés au ciel (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 374). Ce futur, qui est en elle à l'état de désir et qu'elle n'a plus l'énergie de réaliser, cultive-le, prends-en une idée claire (BARRÈS, Homme libre, 1889, p. 131).
b) [Point de vue de la résonance affective de l'idée]
— [Le plus souvent au plur., suivi d'un adj. indiquant le degré affectif de l'idée] Leur présence m'imposoit une mortelle contrainte, et réveilloit en moi des idées accablantes (GENLIS, Chev. cygne, t. 1, 1795, p. 115). Il nourrissait des idées grises, des idées noires, que sais-je? des pressentiments (GIDE, Caves, 1914, p. 839). V. attaquer ex. 11.
SYNT. Idée affreuse, agréable, atroce, chagrine, consolante, étrange, gaie, importune, insupportable, souriante, terrible; idées douces, drôles, lugubres, moroses, sinistres; (être assailli de, chasser des, entretenir des, être porté aux) idées sombres; idées dégoûtantes, lubriques, malsaines, obscènes, sordides.
— Loc. verb., fam. Être dans ses idées. Être obnubilé par qqc., avoir des idées noires. Ces diables de violons qui s'avisent de jouer cet air-là justement aujourd'hui, — quand je suis dans mes idées (MURGER, Scènes vie jeun., 1851, p. 138).
c) [Point de vue du mode de relation de l'idée aux autres idées] Enchaînement, liaison des idées; idées cohérentes, embrouillées, sans suite. Les foules sont inspirées par des associations d'idées très simples. Vous ne leur ferez pas faire une émeute un jour de fête (A. FRANCE, Bergeret, 1901, p. 364). Il s'assit sur l'escabeau. Il n'avait plus une idée dans la tête. Les minutes étaient lentes. Le temps se traînait (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 98) :
• 5. Paris, 7 juin 1822. « Cette soirée me fait l'effet d'un songe heureux, j'en suis encore tout enivré. Je cherche à rassembler mes idées, je ne le puis : le bonheur qui remplit mon âme étourdit ma pensée (...) »
AMPÈRE, Corresp., 1822, p. 211.
SYNT. a) Mettre de l'ordre dans ses idées; sauter d'une idée à l'/une autre; (se) changer, rafraîchir les idées (à/de qqn); chasser, écarter, éloigner, repousser une/des idée(s). b) Classification, combinaison, coordination, cours, fil des idées.
— PSYCHOL., MÉD. Association d'/des idées; fuite des idées; idée fixe; idées délirantes.
d) [Point de vue de l'objet de l'idée; le plus souvent suivi de de] Se faire à une idée. Tout à coup, il lui vient une idée qui la jeta dans un trouble inexprimable : Jules allait croire que, comme son père, elle méprisait sa pauvreté! (STENDHAL, Abbesse Castro, 1839, p. 154). L'idée d'un emprunt lui revint, elle finit par accepter, à la condition qu'elle lui rendrait ce qu'il dépenserait pour elle (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1243). La puissance de ce brasseur d'affaires dont l'existence éveillait l'idée d'une torche en flamme, secouée par les vents, fumeuse mais éblouissante (MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p. 831). V. afféterie ex. 5, blondeur ex. 4, cernure ex. 1 :
• 6. Les Anciens ont toujours senti que l'idée de la mort a sa volupté; l'amour et les fêtes la rappellent, et l'émotion d'une joie vive semble s'accroître par l'idée même de la brièveté de la vie.
STAËL, Corinne, t. 1, 1807, p. 236.
— L'idée de + subst. ou inf.; l'idée que. Le fait de se représenter quelque chose. Être préoccupé, tourmenté de/par l'idée que; la seule idée, à la seule idée, rien qu'à l'idée de, que. Annette avoit été effrayée par l'idée que M. de Durantal pouvoit ne pas avoir de foi en Dieu (BALZAC, Annette, t. 2, 1824, p. 127). Jean Valjean devint pâle. La seule idée de redescendre dans cette rue formidable le faisait frissonner (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 630). À l'idée que vous pourriez ne pas aller droit en paradis, j'en ai tout le corps qui tremble (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 13) :
• 7. ... rien n'importe beaucoup de ce qui peut nous advenir sur terre, puisque la seule idée de ce qui nous attend plus tard suffit dès maintenant à nous combler de joie.
GREEN, Journal, 1938, p. 158.
Rem. La docum. et qq. dict. du XIXe et XXe s. enregistrent le sens vx, quasi-synon. de image, souvenir. Le scintillement des étoiles, la clarté de la lune, le calme profond qui m'environnoit, le parfum des fleurs, la nuit, l'heure, le mystère, tout rappeloit à mon cœur un souvenir délicieux et déchirant... Les idées si chères que me retraçoit l'imagination n'agissoient que sur mes sens; enivré, éperdu, je n'en étois que plus infortuné (GENLIS, Chev. cygne, t. 1, 1795, p. 208). Je demande pardon au lecteur de lui rappeler l'idée d'un pareil monstre, par des vers aussi misérables; mais il faut connoître l'esprit des temps (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 155). Je l'aime de toutes les forces de mon âme, et dans mon abandon complet, dans ma profonde douleur, il n'y a que son idée qui puisse encore m'offrir de la joie (HUGO, Corresp., 1821, p. 326). Elle s'étonnait d'avoir trouvé si ridicules les idées réveillées par le récit de Madame de Thémines (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 10).
2. Ce qui n'existe que dans l'esprit, dans l'imagination, par opposition à ce qui existe en fait, dans la réalité, de façon concrète. Synon. chimères, illusions, rêves, visions. Vivre avec ses idées. Il se repaît d'idées (LITTRÉ). Il nous a entretenu de ses idées (Ac.) :
• 8. Ce ne sont pas des idées qu'il faut à ce peuple remuant [le peuple français], mais des faits, des récits historiques, des couplets et Le Moniteur! Voilà tout : jamais d'abstraction.
BAUDEL., Salon, 1846, p. 165.
— Loc. fam.
♦ Se faire une/des idées(s); se mettre, se fourrer (fam.) des idées dans la tête, en tête. Imaginer des choses fausses, sans fondement. Pourquoi penser, ou dire du moins, que si tu me demandais à écouter ton drame, je ferais sourde oreille? Voilà ce que je ne te pardonne pas. Ce sont ces idées que tu te fourres en tête (FLAUB., Corresp., 1847, p. 8). Il ne me croit plus, dit-elle avec désespoir (...). Il va me détester à cause d'une idée qu'il se fait (BARRÈS, Jard. Oronte, 1922, p. 218). V. accrocher ex. 28 :
• 9. ... ils se disaient, en scrutant des yeux la nuée rouge de Verdun : « Il ne faut pas exagérer. De là-haut on se faisait des idées. Tout ne brûle pas. Loin de là. Suffit de regarder. Il y a des incendies de côté et d'autre. Mais il y a des pâtés de maisons, des carrés de bâtiments qui continuent d'être bien sombres, bien peinards (...) ».
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 137.
P. iron. Synon. se faire des illusions. S'il espère recevoir des compliments, il se fait des idées (Lar. Lang. fr.).
♦ Avoir des idées. Avoir en tête des fantasmes sexuels. Donner des idées à qqn. Éveiller des fantasmes sexuels; exciter l'imagination de quelqu'un. Leurs bêtises [des hommes] lui causaient si peu de plaisir, qu'elle restait sale exprès, afin de ne pas leur donner des idées (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 265). Elle est comme toutes les mères. Je lui dis parfois : « Mais tu les embêtes, tes fils. Laisse-les donc tranquilles. C'est toi qui leur donnes des idées, avec toutes tes questions... » (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1114) :
• 10. « Si vous avez ce qu'on appelle des idées... » ou plutôt : « ... ce que l'on appelle vulgairement des idées... » il ne savait pas au juste ce qu'elle voulait dire. Peut-être la baiser sur la bouche, ou même faire le mal avec elle.
GREEN, Moïra, 1950, p. 220.
♦ [Pour exprimer l'étonnement devant le caractère non fondé d'une affirmation, irréalisable d'un projet, insolite ou absurde d'une action, d'un comportement]
En voilà une (drôle d') idée! En voilà des idées! Moi?... Ah! par exemple!... en voilà des idées!... où vas-tu chercher tout cela, mignonne? (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 109) :
• 11. LE VÉRIFICATEUR : Vous ne voudriez pas m'accompagner, dans ma prochaine tournée? LAURENCY, surpris : Moi, en voilà une idée!
LENORMAND, Simoun, 1921, 7e tabl., p. 77.
Cette idée (de + subst. ou inf.) Mon Dieu! Que ces gens étaient ridicules! Je sais bien que nous le serons autant qu'eux dans vingt ans, mais cette idée d'un troubadour avec un casque et une lyre! (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 231). — Célestine, soyez franche avec moi... Monsieur ne vous a jamais poussée dans un coin?... Il ne vous a jamais embrassée?... Il ne vous a jamais...? Non cette idée! (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 51). Et cette idée de se poudrer la nuque! Tout d'elle lui était odieux (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 404) :
• 12. Je trouve ta question stupide, — Marie-Louise était agacée, — tu n'es pas juif que je sache, tu ne t'es jamais occupé de politique... Tout le monde va rentrer à Paris à la fin des vacances, cette idée! Quand on n'est ni Allemand émigré, ni Polonais, je ne vois pas pourquoi on ne rentrerait pas chez soi!
TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 108.
Quelle idée avez-vous là! Sortir par un temps pareil, quelle idée! (LITTRÉ). Moi, t'en vouloir! Quelle idée! (HERMANT, M. de Courpière, 1907, II, 4, p. 16). Quelle idée a eue ce vieux respectable monsieur d'introduire dans sa maison un serviteur comme moi? Je vous demande : suis-je ici à ma place? (BERNANOS, Joie, 1929, p. 543) :
• 13. — Vous souvenez-vous d'Adrienne? Elle partit d'un grand éclat de rire en disant : « Quelle idée! » Puis, comme se le reprochant, elle reprit en soupirant : « Pauvre Adrienne » Elle est morte au couvent de Saint-S..., vers 1832. »
NERVAL, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 626.
— Création de l'esprit; être imaginaire. Synon. invention; apparence, fantôme, mythe, ombre. Qu'est-ce donc que Lélia? une ombre, un rêve, une idée tout au plus (SAND, Lélia, t. 1, 183, p. 47). Des types vagabonds qui cherchent de la matière, ou bien des créatures s'évaporant en idées (FLAUB., Tentation, 1856, p. 593) :
• 14. ... je me créai un fantôme de femme pour l'adorer. Je m'épuisai avec cette créature imaginaire, puis vinrent les amours réels avec qui (je) n'atteignis jamais à cette félicité imaginaire dont la pensée était dans mon âme. J'ai su ce que c'était que de vivre pour une seule idée et avec une seule idée, de s'isoler dans un sentiment, de perdre de vue l'univers et de mettre son existence entière dans un sourire, dans un mot, dans (un) regard.
CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 796.
♦ [Pour exprimer le fait qu'une quantité est si petite qu'elle est presque inexistante] Une idée de + subst. Synon. une larme, un poil, un rien, un scrupule, un soupçon. Si Landry avait une idée de gaieté et de courage de plus que son aîné, Sylvinet était si fin d'esprit qu'on ne pouvait pas l'aimer moins que son cadet (SAND, Pte Fad., 1849, p. 14) :
• 15. Le Soir de Paris s'est (...) évaporé : il n'a pu lutter contre la naphtaline; il faudrait renifler la plinthe au-dessous de l'œil-de-bœuf, pour retrouver peut-être un reste de parfum, une idée de parfum.
J.-L. BORY, Mon Village à l'heure allemande, Paris, Flammarion, 1945, p. 79.
[Employé adverbialement] Culotte et pourpoint m'allaient comme un gant, bien qu'une idée larges (ARÈNE, J. des Figues, 1870, p. 64). La porte s'entre-bailla; oh! à peine! un rien, une idée! tout juste assez pour qu'un mince fil de lumière tombât du plafond au plancher (COURTELINE, Conv. Alceste, Margot, 1888, p. 75). Excellents, les mouvements de Maîtres Chanteurs! Une seule fois, au moment d'attaquer la marche, ça allait une idée trop vite (WILLY, Bains de sons, 1893, p. 193).
3. [Avec mise en œuvre de la puissance créatrice de l'intelligence] Conception de quelque chose à réaliser.
a) Surtout dans les domaines artistique, littéraire, scientifique. Conception originale et/ou féconde; première conception de quelque chose; donnée fondamentale. On lui doit l'idée de cette machine (Lar. 20e, Lar. encyclop.). L'œuvre à accomplir amène nécessairement l'ouvrier : le besoin donne l'idée, et c'est l'idée qui fait le producteur (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 226). Pour un grand artiste, l'idée, la vision d'un tableau peuvent jaillir de l'émotion d'une lecture, et les plus beaux thèmes plastiques s'ordonner et s'épanouir au rythme d'un poème (A. MICHEL, Peint. fr. XIXe s., 1928, p. 105) :
• 16. Toute la faiblesse et le manque d'originalité du romancier Bourget est dans l'aveu qu'il vient de faire que la conception de Suzanne Moraines lui a été inspirée par Mme Marneffe, de Balzac. Prendre l'idée d'un roman dans un roman, et ne la pas prendre cette idée dans un événement humain ou une individualité caractéristique que vous avez côtoyée, là est ce qui distingue le romancier qui ne l'est pas de celui qui l'est.
GONCOURT, Journal, 1888, p. 748.
SYNT. a) Idée centrale, dominante, essentielle, fondamentale, prépondérante, principale d'une œuvre; idée directrice d'un écrivain, d'un homme de sciences, d'une œuvre; idée maîtresse, mère. b) (Chercher, donner) une idée de conte, de pièce. c) Breveter une idée; développer, expliquer une idée.
— En partic., domaine de la création artistique et littér. Esquisse, ébauche. Jeter une/des idée(s) sur le papier; ce n'est (encore) qu'une idée. L'idée première, le croquis, qui est en quelque sorte l'œuf ou l'embryon de l'idée, est loin ordinairement d'être complet (DELACROIX, Journal, 1847, p. 169) :
• 17. Il est remarquable que, dans les premières idées du Dona, qui datent du temps du Credo — soit de 1820, — il ne soit aucunement question de l'assaut de la guerre — ou extérieure, ou intérieure.
ROLLAND, Beethoven, t. 2, 1937, p. 416.
— MUS. ,,Phrase musicale, d'ampleur variable, qui semble le noyau d'une œuvre ou d'une partie d'une œuvre et se prête à des développements ultérieurs`` (Lar. encyclop.). Les développements considérables [de cet allegro] roulent constamment sur la même idée (BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 45) :
• 18. Le concerto qu'il nous a joué semblait tout entier fait pour lui. La robuste carrure du rythme, le puissant mouvement des idées, dans l'allegro et le finale, s'accordaient pleinement avec les qualités de son archet et de son violon.
P. LALO, Mus., 1899, p. 354.
b) Cour. Conception neuve et/ou inattendue; solution originale à un problème. J'ai des tas d'idées (fam.); c'est une idée à lui (fam.). Elle le félicitait de son bon goût : — « Ah! c'est mignon, extrêmement bien! Il n'y a que vous pour ces idées » (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 69). Ne craignez rien; j'ai mon idée pour entrer (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 309). Nanteuil dit qu'il fallait s'adresser au docteur Trublet. — C'est une idée! s'écria Pradel (A. FRANCE, Hist. comique, 1903, p. 153) :
• 19. Tenez! une idée me vient. Vous devriez faire une retraite de quelques mois, dans votre Auvergne, au sein de votre aimable famille...
BERNANOS, Imposture, 1927, p. 422.
♦ [Concerne également I A 3 c] L'idée de qqc.; l'idée de faire qqc. Le fait de penser à, d'imaginer quelque chose et/ou le projet de quelque chose. Quelle bonne idée vous avez eue de venir aujourd'hui! Personne n'aura l'idée (l'idée ne viendrait à personne) de vous chercher ici. C'était, tout de même, une étrange mécanique qu'une femme. Jamais il n'avait eu l'idée d'étudier cela. Il commençait à entrevoir des complications extraordinaires (ZOLA, E. Rougon, 1876, p. 67). Notre curé (...) qui se croit un homme d'initiative, a eu l'idée d'un service pour les sinistrés de la Martinique (BLOY, Journal, 1902, p. 96). L'astrologie, qui eut l'idée géniale de rebaptiser les douze signes du zodiaque et de les remplacer poétiquement par les douze maisons du ciel (BOLL, Qq. sc. captivantes, 1941, p. 194). V. coiffage ex. 1 :
• 20. La commode est une des créations les plus intéressantes de l'époque [le XVIIe siècle]. Jusque-là, le linge était rangé dans des coffres. Au XVIe siècle, les cabinets avaient révélé la commodité des tiroirs. Dans un coffre à dessus fixe, surélevé sur quatre pieds, on eut l'idée de pratiquer des grands tiroirs.
VIAUX, Meuble Fr., 1962, p. 79.
SYNT. a) Idée alléchante, bouffonne, dangereuse, diabolique, épatante, étonnante, funeste, hasardeuse, heureuse, inapplicable, ingénieuse, lumineuse, machiavélique, neuve, saugrenue, séduisante, singulière, stupide; excellente, fameuse, malencontreuse, riche idée; drôle d'idée; idée de génie. b) Lancer, pousser une idée; recueillir des idées. c) [Concerne I A 3 b et c]. Une idée germe, naît, jaillit; une idée est dans l'air, a de l'avenir, fait son chemin; une idée frappe, illumine, occupe; une idée se présente, vient à l'esprit; une idée traverse qqn, l'esprit, le cerveau, la cervelle, la tête; une idée entre dans la tête, passe par la tête; trotte dans la tête (la cervelle), sort de la tête; une idée vient de qqn.
♦ Souvent au plur., abs. [Concerne I A 3 a et b; pour insister sur le caractère d'originalité, d'invention] Être dénué, dépourvu, plein d'idées; médiocrité, pauvreté, vide d'idées; une tête à idées, boîte à idées; les idées ne viennent pas. Le voilà qui se met à développer ce texte avec une abondance d'idées, une richesse de vues si fines ou si profondes, un luxe de métaphores si brillantes et si pittoresques, que c'était merveille de l'entendre (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1822, p. 113). Je souffre (...) d'un certain manque d'idées proprement dites, de vues, de vérités, qui après tout constituent la vraie richesse d'un esprit (AMIEL, Journal, 1866, p. 59).
Avoir des idées. Avoir l'esprit fécond, ingénieux :
• 21. Il avait des idées. À dix ans il avait inventé une trappe à mouches, à douze une nouvelle méthode pour gonfler les pneus de bicyclette, à quatorze un moulin à distribuer les cartes à jouer.
QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 222.
c) Intention, envie, désir; projet. Avoir des idées intéressées; vous aviez bien une idée en me posant cette question? J'ai applaudi à ses projets, je l'ai encouragé dans ses idées de mariage (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1855, p. 240). Je me décidai à tout vendre, et me trouvai tout d'un coup ne plus posséder que le cinquième à peine de ce que j'avais hérité de ma grand'mère (...). On le sut d'ailleurs à Combray (...), on se dit : « Voilà où mènent les idées de grandeur » (PROUST, Fugit., 1922, p. 640). Il ne lui posait pas cette question dans l'idée d'écouter sa réponse, mais simplement pour lui crier sa colère (A. CHAMSON, Roux le bandit, Paris, Grasset, 1925, pp. 50-51) :
• 22. Un jour dans ses lointains voyages en Orient, s'étant éloigné de sa caravane aux environs d'Antioche, le jeune duc, en causant avec les guides du pays, entendit parler d'un mendiant dont on s'écartait avec horreur et qui vivait, seul, au milieu des ruines. L'idée le prit de visiter cet homme, car nul n'échappe à son destin.
VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 109.
SYNT. Abandonner, caresser, lâcher, mûrir une idée; reprendre une (vieille) idée; applaudir à une idée; revenir à son idée.
— [Au sens fort] Détermination, résolution. Avoir l'idée (bien) arrêtée, avouée de faire qqc.; personne n'a pu lui ôter cette idée de la tête. Elle prétend qu'elle est souffrante et que l'air de la campagne lui fera du bien... Vous savez, quand les femmes ont une idée, il n'y a pas à aller contre (THEURIET, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 97). Paule eut un petit rire : Toi, quand tu as une idée dans la tête! (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 138). V. bachique ex. 7 :
• 23. Ah non! Jamais elle ne changerait d'idée. Ni sa mère, ni personne ne lui arracherait un aveu. Rose-Anna voyait le visage de sa fille dans une petite glace posée au mur, au-dessus de la table. La bouche était dure, le regard volontaire, presque insolent.
ROY, Bonheur occas., 1945, p. 423.
SYNT. N'avoir qu'une idée dans la tête, en tête; mettre, fourrer (fam.) une/des idée(s) dans la tête de qqn; ne pas démordre d'une idée; s'entêter dans son idée; renoncer, tenir à une idée; avoir de la suite dans les idées; une idée de derrière la tête.
Changer d'idée comme de chemise. V. chemise I A 2 c.
4. Conception impliquant un jugement de valeur; manière de concevoir.
a) Point de vue en général; opinion. Je n'ai pas d'idée là-dessus; il a des idées sur tout. Il réalise l'idée vulgaire qu'on se fait du poëte, ardent, impétueux, endetté, inégal en conduite et en fortune (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 182). Ce sont des idées d'enfant, qu'on ne peut faire les choses qu'avec excès (MONTHERL., Exil, 1929, II, 8, p. 67). V. agricole ex. 20 et cautionner ex. 2 :
• 24. Il est évident qu'un paria hindou, un guerrier de l'empire Inca, un primitif de l'Afrique centrale, ou un membre des premières communautés chrétiennes n'avaient pas la même idée de la révolte.
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 33.
SYNT. a) Avoir, donner, se former une bonne, grande, haute idée, une idée élevée de qqc. ou de qqn; approuver, combattre, émettre, imposer, partager une idée; s'ouvrir à une idée; confirmer qqn dans son idée; partir d'une idée, sur une idée fausse; avoir, réviser son idée sur qqn ou qqc. b) Idée (solidement) ancrée, choquante, (bien) établie, (toute) faite (le plus souvent au plur.), hardie, neuve, préconçue, reçue (le plus souvent au plur.), (très) répandue, sensée.
— Domaine de la méthode expérimentale. [Chez Cl. Bernard] Idée a priori ou préconçue. Hypothèse la plus probable que l'expérimentateur émet sur la cause d'un fait brut et dont la valeur est contrôlée au moyen d'autres faits empruntés à l'observation et à l'expérimentation. La constatation du fait brut doit nécessairement précéder son interprétation, car c'est la vue du fait brut qui doit donner naissance à l'idée préconçue ou à l'hypothèse que l'on peut faire relativement à sa cause (C. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 55). V. circonstance ex. 4 et esclave ex. 6 :
• 25. ... le premier mouvement de l'esprit scientifique est une hypothèse ou une idée a priori à l'aide de laquelle l'esprit s'élance au-delà du fait brut pour arriver dans le champ du rationalisme qui est le véritable terrain scientifique.
C. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878p. 77.
— Manière d'agir et/ou de penser; manière de voir.
♦ À + adj. poss. + idée. Synon. à ma (ta,...) façon, à ma (ta,...) guise; selon sa fantaisie. N'en faire qu'à son idée; juger, vivre à son idée. Vous aurez cinq années ennuyeuses (c'est-à-dire cinq années pendant lesquelles il vous faudra observer la règle), mais après cela, vous en ferez à votre idée (GREEN, Journal, 1943, p. 24). V. enfanter ex. 1.
♦ À (dans) + adj. poss. + idée. Synon. à mon (ton,...) avis, selon ce que je (tu,...) pense(s). — À mon idée, il a été évacué par un autre régiment. — Mais non, il était blessé; les boches ont dû le ramasser (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 24). La lecture étant dans son idée une occupation purement dominicale, et trop noble aussi pour s'y adonner en habits de travail (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 57).
♦ Être de l'idée de qqn (vx). Être de son avis. Quoique sans doute la petite soit de mon idée, il faut pourtant lui demander son avis (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 26).
b) Au plur. Ensemble des vues ou opinions en tout domaine d'une personne ou d'un groupe de personnes. Tu as tes idées, j'ai les miennes; il a les idées de son siècle. Les idées religieuses sont celles qui ont le plus de prise sur les ames sensibles (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1911). Il faut tuer les gens qui n'ont pas vos idées? (SARTRE, Mains sales, 1948, 5e tabl., 2, p. 189). V. antipodique ex. 2, continuer ex. 12 et baigner ex. 9 :
• 26. Je pense quelquefois que, si les hommes du siècle de Louis XIV pouvaient revenir au milieu de nous, avec leurs idées graves et leur forte raison, ils seraient bien étonnés de la manière dont on discute aujourd'hui les questions les plus importantes, et en vérité, j'ose croire qu'ils seraient moins frappés du progrès des lumières que du progrès des passions, et de l'affaiblissement des préjugés que de l'affaiblissement de l'intelligence.
LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1820, p. 100.
♦ Entrer, être dans les idées de qqn. Andoche connaît le prospectus, il entre dans les idées du marchand, il n'est pas fier (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 156). Vous savez, je ne vous suis guère dans vos idées, dit Edmond. Je ne suis pas un partageux, et le socialisme me laisse sceptique (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 280). Tu m'as laissé être des équipes de secours, où il y avait un risque. Et tu m'interdis d'être de la résistance, à cause du risque. Est-ce que la résistance ne serait pas dans tes idées? (MONTHERL., Demain, 1949, I, 2, p. 714).
SYNT. a) Accepter, accueillir, adopter, analyser, combattre, heurter, partager, professer, propager, respecter, soutenir, (faire) triompher des idées; fixer les idées (sur un sujet); se rallier à des idées; convertir qqn à, exposer ses idées; être acquis, hostile, ouvert à, touché par, imprégnés des idées de qqn. b) Attachement, fidélité à des idées; communion, divergence, échange, sympathie d'idées. c) Idées d'un artiste, d'un écrivain, d'une classe sociale, d'une époque, d'une génération, d'un homme politique sur qqc. ou en matière de; idées d'égalité, de fraternité, de justice, d'ordre, de revendication, de révolte, de tolérance. d) Idées esthétiques, littéraires, morales, philosophiques, politiques, scientifiques, sociales; idées bourgeoises, monarchistes, libérales, progressistes, réformistes, républicaines; idées fortes, généreuses, nobles, philanthropiques, romanesques; idées arrêtées, avancées, courtes, étroites, rétrogrades, subversives; être large d'idées; idées actuelles, modernes, nouvelles, périmées, traditionnelles; idées à la mode, de l'ancien temps, d'un autre temps, qui n'ont plus cours; grandes, hautes, vieilles idées.
— Abs., au plur. L'ensemble du mouvement intellectuel concernant une époque, une civilisation. Courant, mouvement, progrès des idées. Dans l'histoire des idées et des mœurs, Jean-Jacques peut bien aujourd'hui apparaître, en face des philosophes, comme un mainteneur de la sensibilité religieuse (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 124). V. côtoyer ex. 2 :
• 27. C'est énoncer une vérité désormais banale que de dire que ce sont les idées qui mènent le monde. C'est d'ailleurs dire plutôt ce qui devrait être et ce qui sera, que ce qui a été. Il est incontestable qu'il faut faire dans l'histoire une large part à la force, au caprice, et même à ce qu'on peut appeler le hasard, c'est-à-dire à ce qui n'a pas de cause morale proportionnée à l'effet.
RENAN, Avenir sc., 1890, p. 23.
— En partic., abs., au plur. Écrivain, littérature, théâtre d'idées. Écrivain, littérature, théâtre dont l'objet est de développer des idées, des thèses. V. flatter ex. de APOLL., Tirésias, 1918, p. 866 :
• 28. [Dans la littérature modern style] les chroniqueurs du temps distinguent un « théâtre d'idées », un « théâtre d'amour », et un « théâtre gai » (...). D'excellents techniciens [du « théâtre d'idées »], doublés d'observateurs aigus, mettent en scène les problèmes sociaux, font de la satire des mœurs électorales, des manigances financières, des abus coloniaux, des mariages d'argent, des dénis de justice, de la fausse noblesse, ou de l'éternel Don Juan.
P. O. WALZER, Litt. fr., Le XXe s., Paris, Arthaud, 1975, p. 97.
— Au plur. (cour.) et au sing. (littér.). Direction d'une pensée, système doctrinal, idéologie; le (ou les) principe(s) qui est (ou qui sont) à la base de cette pensée, de ce système, de cette idéologie. L'idée monarchiste, républicaine. L'idée fouriériste (LITTRÉ). Dans cette insouciance du pays pour Charles X, il y a autre chose que de la lassitude : il y faut reconnaître le progrès de l'idée démocratique et de l'assimilation des rangs (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 670). Ce qui ruinerait l'idée marxiste, ce serait de vouloir que le progrès technique ait déterminé par lui-même tous les changements de l'ordre moral (ALAIN, Propos, 1933, p. 1150) :
• 29. Quand l'idée de la palingénésie du monde se répandit parmi les Juifs, toutes ces peintures d'un monde renouvelé, d'une Jérusalem nouvelle, vinrent s'appliquer à cette palingénésie du monde, et donnèrent à l'idée juive une précision, une netteté comparable à celle qui peut résulter pour nous de la vue des choses manifestées et présentes.
P. LEROUX, Humanité, t. 2, 1840, p. 720.
— Au sing. Manière particulière de concevoir la vie, la société, la civilisation, que l'on érige en norme d'action ou que l'on donne pour but à ses pensées et à ses actes. Synon. idéal. Il y avait dans la Convention une volonté (...). Cette volonté était une idée indomptable et démesurée qui soufflait dans l'ombre du haut du ciel. Nous appelons cela la révolution (HUGO, Quatre-vingt-treize, 1847, p. 188). Cet homme qui passait le premier, ce n'était pas pour de l'argent qu'il venait tuer ceux qui se traînaient là-haut, c'était pour une idée, pour une foi (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 385) :
• 30. Depuis son enfance qu'elle avait passée sous le chevet rose, vert et jaune de santa Maria del Fiore, elle était habitée par l'idée monastique. Elle ignorait toute passion. C'est pourquoi elle avait choisi l'ordre le plus secret et le plus paisible, la Visitation de Mantoue.
JOUVE, Paulina, 1925, p. 173.
SYNT. Se dévouer à, mourir pour, se sacrifier à, servir une idée; être animé, mû par une idée; incarner une idée; l'idée chrétienne, républicaine, (alimenter, inculquer) l'idée révolutionnaire, une idée humanitaire; une idée juste; une belle idée.
♦ Au sing., abs., vx. ,,Ensemble idéal des aspirations du génie et de l'époque`` (LITTRÉ). Les penseurs sont les serviteurs de l'idée (LITTRÉ) :
• 31. Soyons frères; ayons
L'œil fixé sur l'Idée, ange aux divins rayons.
L'idée, à qui tout cède et qui toujours éclaire
Prouve sa sainteté même dans sa colère!
HUGO, Châtim., 1853, p. 33.
B. — Seulement au sing., souvent pop. et fam. L'esprit qui conçoit. Synon. imagination, intelligence, tête. Marjolin restait enfant très tard, ce qui impatientait Cadine. Il n'avait pas plus d'idée qu'un chou, disait-elle (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 766). Soudain, et de concert, ils laissèrent tomber leurs bras au long de leurs cuisses, et s'interrogèrent jusque dans l'âme et jusque dans l'idée (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 277).
— [Le plus souvent précédé de à, dans, de, en avec ou sans déterminant] Se mettre qqc. dans l'idée; cela m'est sorti de l'idée; on ne m'ôtera pas cela de l'idée. Il me vint en idée de me ménager un asile contre le désespoir (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 91). Ma résolution était prise et rien ne pouvait plus m'en faire changer. Il me vint bien à l'idée que je pouvais ne pas être dans mon droit, mais je me moquai bien de cette idée (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 473). J'ai déjà dans l'idée un autre article sur un sujet merveilleux : l'idée de continuité et ses applications dans l'art contemporain (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 123).
— Loc. diverses
♦ En idée. [P. oppos. à en fait, en réalité] Synon. en imagination. Il est si doux, parmi les désenchantements de la vie, de pouvoir se reporter en idée sur de nobles caractères, des affections pures et des tableaux de bonheur (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 95).
♦ Fam. Dans + adj. poss. + idée. Dans + adj. poss. + conception des choses. J'suis pas marié à la mairerie... Mais j'suis marié... dans mon idée (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 14).
♦ Fam. Avoir l'idée à qqc. Synon. avoir l'esprit, la tête à qqc.; prêter attention à qqc. On n'avait plus du tout l'idée aux femmes, parce qu'il faisait déjà très froid; mais on rêvait à des choses incohérentes ou merveilleuses, comme dans le sommeil (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p. 185).
♦ Abs., pop. et fam. Avoir de l'idée. Être intelligent, avoir l'esprit plein de ressources. Caporal, demanda Pache, d'une voix un peu tremblante, vous qui avez de l'idée, si vous pouviez le tuer sans lui faire du mal? (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 450). Tu comprends, lui dit-il amicalement, t'as de l'idée, mais tu gueules pas assez (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 28).
II. — PHILOSOPHIE
A. — [Souvent avec majuscule] Norme idéale, absolue, forme de la connaissance.
1. [Chez Platon et ses héritiers] Ce qui appartient au domaine de l'intelligible et qui seul possède la perfection éternelle et la réalité absolue. Le monde des Idées. Il [Platon] pose le monde des idées de façon que nous n'en soyons que la dégradation (DU BOS, Journal, 1924, p. 19). La philosophie platonicienne de l'Idée : philosophie où les Idées (...) sont regardées comme des sortes d'entités, existant séparément des objets singuliers pour lesquels elles jouent le rôle de paradigmes (R. BLANCHÉ, La Log. et son hist., Paris, A. Colin, 1970, p. 22). V. archétype ex. 2, abstraction ex. 19 et âme ex. 32 :
• 32. La théorie platonicienne des idées peut être, au moment de la République, ramenée à ces quatre formules : les idées sont l'être; elles sont identiques et absolument distinctes; l'être est intelligible; l'être intelligible procède de l'idée de bien.
H. D. GARDEIL, Les Étapes de la philos. idéaliste, Paris, Vrin, 1935, p. 19.
— P. ext., lang. cultivée. Type idéal créé par l'esprit. Synon. idéal. Ô sœur divine (...) ô fleurie, ô transfigurée! Tu n'es plus la petite Asiatique dont je fis ton modèle indigne. Tu es son idée immortelle, l'âme terrestre de l'Astarté qui fut génitrice de sa race (, Aphrodite, 1896, p. 41).
♦ LITT. (symbolisme). Forme éternelle de toute chose. Le poète mallarméen ne précipite toute matière dans le non-être que pour laisser subsister l'idée de l'objet disparu, sa forme seule parfaite, son essence immuable (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 382) :
• 33. Le Poète pieux contemple; il se penche sur les symboles, et silencieux descend profondément au cœur des choses, — et quand il a perçu, visionnaire, l'Idée, l'intime Nombre harmonieux de son Être, qui soutient la forme imparfaite, il la saisit, puis, insoucieux de cette forme transitoire qui la revêtait dans le temps, il sait lui redonner une forme éternelle, sa Forme véritable enfin, et fatale — paradisiaque et cristalline.
GIDE, Traité Narcisse, 1891, p. 9.
2. [Chez Kant; p. oppos. à catégorie ou concept de l'entendement] Idée ou Idée a priori ou transcendantale; idées de la Raison pure. Concept nécessaire de la raison pure auquel ne peut correspondre aucun objet donné par les sens et qui répond à l'exigence d'unification de tous nos raisonnements. Les idées ne sont autre chose que des catégories pures élevées à l'absolu, et capables de se rapporter aux catégories ordinaires, de manière à en prolonger sans limites l'application à des objets d'expérience (V. DELBOS, La Philos. pratique de Kant, Paris, Alcan, 1926 [1905], p. 203) :
• 34. Les principes absolus, qui contiennent la totalité des conditions pour un conditionné donné, c'est-à-dire, au fond, qui contiennent l'inconditionné, ces principes sont l'œuvre d'une autre faculté que l'entendement. Kant les appelle idées transcendantales et les rapportent à la raison.
R. VERNEAUX, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme fr., Paris, Beauchesne et fils, 1936, p. 365.
3. [Chez Hegel; p. oppos. à concept subjectif] Pensée absolue, objective, en soi, dont procèdent par développement dialectique la Nature et l'Esprit (d'apr. FOULQ. 1971). La Nature est un moment de la vie de l'Idée, le moment où elle s'extériorise avant de s'intérioriser dans l'Esprit (E. BRÉHIER, Hist. de la philos., Paris, P.U.F., 1968 [1932], tome 2, fasc. 3, p. 660) :
• 35. L'Idée [it. ds le texte], catégorie dans et par laquelle le concept (de la subjectivité transcendantale) et l'objectivité (des « sciences ») se saisissent dans leur identité profonde et, du même coup, définissent liberté et rationalité comme étant des termes exactement interchangeables.
F. CHATELET, Hegel, Paris, Seuil, 1969, p. 102.
B. — Objet d'une certaine connaissance; simple mode de la pensée.
1. [Chez Descartes et ses héritiers] Ce qui est conçu immédiatement par l'esprit. Idée adéquate, adventice, claire, confuse, distincte, factice, innée, obscure. L'idée est une détermination de la pensée; elle est donc le premier objet immédiatement connu (R. VERNEAUX, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme fr., Paris, Beauchesne et fils, 1936p. 122) :
• 36. Il [Descartes] abandonne même le sens scolastique du mot idée (signifiant les archétypes éternels par lesquels Dieu pense les choses) pour désigner par idées les modes de la pensée humaine. L'idée est donc, chez Descartes, d'étoffe mentale.
F. ALQUIÉ, La Découverte métaphysique de l'homme chez Descartes, Paris, P.U.F., 1966 [1950], p. 203.
2. [Dér. de 1; p. oppos. à image] Idée ou Idée générale. Représentation intellectuelle, abstraite, générale, d'un objet. Synon. concept. Il y a deux manières de modifier une idée, savoir dans sa compréhension ou dans son extension (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 104). V. abstrait ex. 3 et 4 :
• 37. Une idée générale est toujours une idée abstraite, et il n'existe pas d'idée abstraite qui ne soit abstraite d'une série d'expériences humaines.
GAULTIER, Bovarysme, 1902, p. 113.
— [Le plus souvent suivi de de + subst.] L'idée d'éternité, d'homme, de justice, de mouvement, de nature, de puissance, de quantité, de substance. Il suffit d'analyser l'idée de cause dans ses usages contemporains pour voir combien elle conserve de traces de ses diversités originelles (LALANDE, Raison et normes, 1948, p. 58). V. amoral ex. 6.
♦ [Emploi didactique principalement dans les travaux universitaires] R. FOLZ, L'Idée d'empire en Occident du Ve au XIVe siècle. Paris, Aubier, 1953. Cf. également supra I B ex. de RIVIÈRE.
REM. 1. Idée-, premier terme de mots composés lié ou non au second terme par un trait d'union. a) Le second terme désigne ) La nature ou l'élément moteur de l'idée. Je vous donne pour gage de ma foi, le spectacle inconnu au monde d'un roi acceptant le sacerdoce de l'époque nouvelle, apôtre armé de l'idée-peuple, architecte du temple de la Nation (SAND, Mél., 1843, p. 278). La république, votre foi, votre idée-patrie, puise une vie nouvelle dans vos tortures (HUGO, Actes et par. 2, 1875, p. 52). ) L'objet, la destination de l'idée, en partic., dans le vocab. de la publicité. Idées-vacances spéciales-zone-franc-tout-compris (Publicité Air-France ds GILB. 1971). Idée cadeau : peut-être pas totalement nouvelle mais vraiment jolie, une gourmette de bébé en or, à chaînette (Elle, 4 déc. 1972, p. 136). b) Le second terme ) Spécifie la nature ou le type particulier de l'idée. Le mot est cet être étrange : une idée-chose. Il possède à la fois l'impénétrabilité de la chose et la transparence de l'idée, l'inertie de la chose et la force agissante de l'idée (SARTRE, Sit. I, 1947, p. 221). En face d'un rêveur de pensées savantes, comme fut Robinet, qui organise ses idées-visions en système, un psychanalyste habitué à délier des complexes familiaux serait bien inopérant (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 113). V. éclair C ex. de BENDA, Fr. byz., 1945, p. 245. En partic. Quant aux qualités premières des corps, parmi elles il en est une, savoir la figure, qui semble propre à être représentée par l'idée-image; et en effet il est certain que l'apparence visible, la figure des corps extérieurs placés devant nous, devant l'organe de la vision, se peint sur la rétine (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t. 2, 1829, p. 359). PHILOS., PSYCHOL. Cette unité indissoluble du penser et de l'agir est la loi psychologique d'importance capitale que nous résumons par le terme : idée-force. Tout état de conscience est idée en tant qu'enveloppant un discernement quelconque, et il est force en tant qu'enveloppant une préférence quelconque; si bien que toute force psychique est, en dernière analyse, un vouloir (A. FOUILLÉE, La Psychol. des idées-forces, Paris, Alcan, tome 1, 1893, p. X). ) Qualifie l'idée en précisant sa fonction. Arrêtons-nous donc au moins un moment, à examiner ce qui résulte de cette idée première dont toutes les autres suivent, de cette idée-principe dont nous ne pouvons que tirer des conséquences, de cette idée mère dont nous ne faisons que recueillir les productions (DESTUTT DE TR., Idéol. 3, 1805, p. 497). L'idée-levier de ce charmant esprit? C'est de se faire installer une véranda à Vernon (RENARD, Journal, 1901, p. 644). Le cube à six faces égales est l'idée-limite par laquelle j'exprime la présence charnelle du cube qui est là, sous mes yeux, sous mes mains, dans son évidence perceptive (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 236). L'idée-clef de l'habitude, la règle eidétique qui commande toute enquête empirique, est que le vivant « apprend » par le temps (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 264). 2. Idéiste, adj. et subst., domaine des B.-A. a) Adj. Dont le but est l'expression de l'idée (ou des idées). En exprimant le programme de la nouvelle école, dans un article célèbre du Mercure de France, Albert Aurier ne faisait autre chose que résumer Delacroix : « L'œuvre d'art, disait-il à son tour, sera idéiste, puisque son idéal unique sera l'expression de l'idée; symboliste puisqu'elle exprimera cette idée par des formes... » (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 269). b) Subst. ) Subst. fém. École de peinture d'après laquelle l'œuvre d'art est ou doit être l'expression de l'idée (ou des idées). Ces deux (...) esthétiques rivales, la naturaliste et l'idéiste, l'une professant que l'extériorité des choses est, en elle-même, intéressante et suffisante à l'œuvre d'art; l'autre, l'idéiste, niant, au contraire, cela et ne voulant considérer les formes matérielles que comme les lettres d'un mystérieux alphabet naturel servant à écrire les idées, seules importantes, puisque l'art n'est qu'une matérialisation spontanée et harmonieuse des idées (J. HURET, Enquête sur l'évolution littéraire, 1891, p. 131 ds QUEM. DDL t. 13). ) Subst. masc. Peintre représentant cette école. On annonce un nouveau Salon des Impressionnistes, (...), un des Symbolistes, et (...) celui des Idéistes (Le Journ. amusant, 9 janv. 1892 ds QUEM. DDL t. 17).
Prononc. et Orth. : [ide]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1119 idees « formes des choses présentes de toute éternité en Dieu » (PH. DE THAON, Comput, éd. E. Mall, 1523); 1370-72 ydee « archétype commun constituant la notion générale d'une espèce; notion intellectuelle préexistante d'un être ou d'un objet particulier » (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 113); b) 1458 ydees « types, préexistant dans notre intention, d'une action que nous ferons plus tard » (A. GREBAN, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 48); 1670 « projet, dessein » (MOLIÈRE, Amants magnifiques, av.-pr.); 2. a) 1487 « forme ou image » (Vocabulaire latin-français, Loys Garbin, s.v. idea); b) 1552 « image d'un objet ou d'un être, telle que les sens la perçoivent » (RONSARD, Les Amours, 13 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, IV, p. 30); c) 1564 « image de quelque chose ou de quelqu'un, telle que l'esprit la conserve dans le souvenir et se la représente par l'imagination » (THIERRY); 3. a) 1583 « représentation, en tant qu'objet de pensée, d'un être ou d'une chose dans notre esprit, quelle que soit l'origine de cette représentation (Ph. DESPORTES, Elégies, éd. V. E. Graham, II, 5); b) 1656 « ensemble de pensées et de jugements appliqué à un ou plusieurs objets et constituant une opinion plus ou moins motivée » (PASCAL, Provinciales, XIV ds Œuvres compl., éd. L. Lafuma, p. 439b). B. a) 1616 par idee « de façon imaginaire » (A. D'AUBIGNÉ, Tragiques, éd. A. Garnier et J. Plattard, II, p. 86, 1178); b) 1643 en idée « id. » (P. CORNEILLE, La suite du Menteur, II, 1). Du lat. idea « idée [de Platon], type de choses » en lat. tardif « forme visible » d'où 2, lui-même empr. au gr. proprement « forme visible, aspect » d'où « forme distinctive, espèce », qui se rattache à (comme le lat. species à spectare), inf. aoriste2 de « voir »; pour l'hist. de ce mot v. FEW t. 4, pp. 532-535. Fréq. abs. littér. : 47 911. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 85 873, b) 59 538; XXe s. : a) 61 944, b) 61 326. Bbg. GOHIN 1903, p. 247, 336. - MESCHONNIC (H.). Essai sur le ch. lex. du mot idée. Cah. Lexicol. 1964, t. 5, pp. 57-68. - QUEM. DDL t. 9, 12, 13, 17. - SCKOMM. 1933, pp. 53-60 - ZUMTHOR (P.). Pour une hist. du vocab. fr. des idées. Z. rom. Philol. 1956, t. 72, p. 350.
idée [ide] n. f.
ÉTYM. V. 1119; lat. philos. idea, mot grec, proprt « forme visible, aspect », d'où « forme distinctive, espèce », et enfin, chez Platon et Aristote, « idée »; de idein « voir ».
❖
———
I Philos.
1 (Sens originel en franç.). Essence éternelle et purement intelligible des choses sensibles (chez Platon et les philosophes platoniciens). ⇒ Archétype (cit. 6). — REM. Dans cette acception, le mot s'écrit parfois avec une majuscule. La doctrine platonicienne des Idées exposée dans le mythe de la caverne (cf. Platon, la République, Livre VII).
1 Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,Tu y pourras reconnaître l'IdéeDe la beauté, qu'en ce monde j'adore.
du Bellay, l'Olive, 113.
2 (…) Platon admettant la réalité des Idées comme principes exemplaires et originels des choses, au moins de ce qu'elles comportent d'intelligible, est dit idéaliste (…)
R. Le Senne, Introd. à la philosophie, p. 86.
♦ (Philos. de Kant). || Les idées de la raison : le moi ou l'âme, le monde, Dieu : concepts nécessaires de la raison, dont les objets ne sont pas accessibles à nos sens.
2 Absolt. || L'Idée (chez Hegel) : dentité fondamentale entre la réalité extérieure et l'esprit. || L'idée, chez Hegel, est objective en soi; c'est la pensée absolue dont procèdent par développement dialectique la Nature et l'Esprit.
2.1 L'idée logique, principe et expression métaphysique de toute existence et de toute connaissance, s'est élevée de l'indétermination abstraite à la réalisation parfaite de tout le contenu logique qu'il lui fût possible d'engendrer et d'acquérir. Il faut encore qu'elle sorte de son isolement, qu'elle s'extériorise dans la nature, qu'elle se retrouve enfin et achève son développement dans l'esprit.
———
II (À partir du XVIIe). Représentation intellectuelle, distinguée des phénomènes d'affectivité (émotions, sentiments…) ou d'activité (mouvements, actes volontaires…). ⇒ Conscience. — Vx. || La science des idées. ⇒ Idéologie, 1. — REM. Le mot, dans la langue philosophique, reçoit tantôt une acception très stricte (→ ci-dessous, 1.) tantôt une acception plus large qui est d'ailleurs celle que l'usage courant a consacrée, et qui se retrouve dans la suite de l'article (2.).
3 Entre mes pensées, quelques-unes sont comme les images des choses, et c'est à celles-là seules que convient proprement le nom d'idées, comme lorsque je me représente un homme, ou une chimère, ou le ciel, ou un ange, ou Dieu même. D'autres, outre cela, ont quelques autres formes; comme lorsque je veux, que je crains, que j'affirme ou que je nie (…)
Descartes, Méditations métaphysiques, III.
1 Psychol., log. || Idée générale ou idée : représentation abstraite et générale d'un être, d'une manière d'être ou d'un rapport, qui est formée par l'entendement. — REM. Dans ce sens, les philosophes emploient, de préférence, l'expression idée générale ou les mots concept et notion, la première ayant surtout un usage psychologique, le second un usage logique, le troisième un emploi terminologique. → aussi Notion. — Idées scientifiques de nombre, d'étendue, de force, formées par l'abstraction (cit. 1), la généralisation. || Idée plus ou moins abstraite (cit. 2). → 1. Penser, cit. 5. || Généraliser (cit. 3) des idées. || Signe, symbole d'une idée. || Le mot et l'idée. || Le signifié et l'idée. || Mot qui désigne, éveille, donne, implique une idée, l'idée de… (→ Abandonner, cit. 6; adulation, cit. 1; apprêter, cit. 1; aspect, cit. 10…). || Forme, locution, tour syntaxique exprimant, traduisant une idée de…, l'idée de… (→ Antérieur, cit. 5; antériorité, cit.). — Compréhension (cit. 6) et extension (cit. 11) d'une idée, de l'idée générale (→ Genre, cit. 6). || Problème de la nature, de la génération, de l'origine des idées; des rapports de l'idée générale et de l'image. || Idées a priori. || Idées innées.
4 Qu'est-ce qu'une idée ? C'est une image qui se peint dans mon cerveau. Toutes vos pensées sont donc des images ? Assurément : car les idées les plus abstraites ne sont que les suites de tous les objets que j'ai aperçus (…) je n'ai des idées que parce que j'ai des images dans la tête.
Voltaire, Dict. philosophique, Idée.
5 Avant l'âge de raison, l'enfant ne reçoit pas des idées, mais des images; et il y a cette différence entre les unes et les autres, que les images ne sont que des peintures absolues des objets sensibles, et que les idées sont des notions des objets, déterminées par des rapports.
Rousseau, Émile, II, p. 103.
6 (…) les idées générales ne peuvent s'introduire dans l'esprit qu'à l'aide des mots, et l'entendement ne les saisit que par des propositions.
Rousseau, De l'inégalité parmi les hommes.
7 Toute idée, simple ou complexe, se traduit par des sons, des groupes de sons, et des bruits, qui forment des mots, signes des idées : encrier, vivre, demain (…)
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 3.
7.1 (…) je comprenais ce que signifiaient la mort, l'amour, les joies de l'esprit, l'utilité de la douleur, la vocation, etc. Car si les noms avaient perdu pour moi de leur individualité, les mots me découvraient tout leur sens. La beauté des images est logée à l'arrière des choses, celle des idées à l'avant. De sorte que la première cesse de nous émerveiller quand on les a atteintes, mais qu'on ne comprend la seconde que quand on les a dépassées.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 932.
♦ L'idée de mérite (→ Achoppement, cit. 2), du devoir (→ Adventice, cit. 2), de justice, de loi (→ Concept, cit. 3), d'ordre (→ Éclair, cit. 18). || L'idée d'âme (cit. 42), de création (cit. 4); de quantité (→ Environ, cit 6), du mouvement (→ Grammaire, cit. 7), de genre (→ Généralité, cit. 1). || Avoir, former l'idée de… : penser; se représenter…
8 En analysant l'idée de hasard, proche parente de l'idée de désordre, on y trouverait les mêmes éléments.
H. Bergson, l'Évolution créatrice, p. 234.
9 Nous rappellerons à ce professeur de philosophie le mot de Spinoza : « Le cercle est une chose, l'idée du cercle est une autre chose, qui n'a pas de centre ni de périphérie ».
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 39.
10 Le nombre n'a dans la nature sensible ni modèle, ni image. L'idée de nombre est rationnelle.
Henri Delacroix, les Grandes Formes de la vie mentale, XII.
2 (1637, Descartes). Cour. (Au sens large). Toute représentation élaborée par la pensée individuelle, qu'elle soit générale ou particulière, qu'il existe ou non un objet qui lui corresponde. — REM. En ce sens, les philosophes eux-mêmes ne font pas toujours la distinction entre idée et image (→ ci-dessus, cit. 3, Descartes, et l'expression association [cit. 16] des idées).
11 J'ai souvent remarqué en beaucoup d'exemples qu'il y avait une grande différence entre l'objet et son idée; comme par exemple je trouve en moi deux idées du soleil toutes diverses; l'une tire son origine des sens (…) par laquelle il me paraît extrêmement petit; l'autre est prise des raisons de l'astronomie (…) Certes les deux idées que je conçois du soleil ne peuvent pas être toutes deux semblables au même soleil (…)
Descartes, Méditations métaphysiques, III.
♦ Problème de l'expression (cit. 19) des idées par le langage. || Exprimer (cit. 8 et 25) des idées. || Expression imagée d'une idée dans la littérature, les arts (⇒ Allégorie, emblème, symbole). || L'idée et le mot, la phrase, le style, la forme (→ Agréer, cit. 14; enveloppe, cit. 12; forme, cit. 52). || « Nous avons plus d'idées que de mots » (Diderot).
12 L'esprit ne peut se passer d'idées, et les idées ne peuvent se passer de talent; c'est lui qui leur donne l'éclat et la vie : or les idées ne demandent qu'à être bien exprimées, et, s'il est permis de le dire, elles mendient l'expression.
Rivarol, Littérature, p. 106.
13 (…) Et je dis : Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, toute humide d'azur !
Hugo, les Contemplations, I, VII.
14 Écrire était déjà pour moi une opération toute distincte de l'expression instantanée de quelque « idée » par le langage immédiatement excité. Les idées ne coûtent rien, pas plus que les faits et les sensations. Celles qui paraissent les plus précieuses, les images, les analogies, les motifs et rythmes qui naissent de nous sont des accidents plus ou moins fréquents dans notre existence inventive.
Valéry, Variété V, p. 86.
14.1 Qu'une « idée » blesse, plaise, étreigne, surprenne, se fasse caresser, domine, glace, échauffe, fasse pâlir, fasse vivre plus vite — ou qu'une blessure, une douceur, un émoi, un malaise inexpliqués se trouvent une idée — Ou l'idée semble agir comme un corps étranger, poison, poignard, liqueur… et me travaille (…)
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 345.
15 Tout ça fait un parfait avocat; — ce qu'il est resté d'ailleurs; plus habile à manier les mots que les idées.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 188.
16 Même dans la science des physiciens, il y a une sombre et inquiétante poésie. Pour s'exprimer, cette poésie a besoin, comme l'autre, de métaphores, d'illuminations, d'éclairs, de vocables frappants qui sont, eux aussi, créateurs. Les idées créent les mots et les mots créent les idées.
G. Duhamel, le Voyage de P. Périot, p. 278.
a (Relativement à la qualité, au degré d'intensité, d'ampleur de l'idée). || Idée claire (cit. 13), distincte, nette, précise, complexe, simple, juste, exacte (cit. 15), vraie. || Idées fausses (cit. 4), obscures, confuses, vagues, puériles. || Se faire une idée exagérée (→ Avancement, cit. 5) de qqch. || L'idée qu'il se fait (cit. 273) de la destinée humaine. || Donner une haute idée (→ Éprendre, cit. 8), avoir une grande idée de… (→ Estime, cit. 6). ☑ Avoir une haute idée de soi : être prétentieux.
17 Vous croyez que je vous trompe, et que je vous dis ce qui n'est pas ! vous avez là une jolie idée de moi !
Laclos, les Liaisons dangereuses, XCIV.
18 Le grand-maître de la garde-robe a la plus haute idée de lui-même : maladie française.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 78.
19 Mais pour moi, c'est un événement étrange que de me trouver assez brusquement en présence du devoir ambigu de me faire une idée, assez nette pour être expliquée, assez vague pour n'être point toute fausse, d'un personnage transfiguré par la renommée, et comme absorbé dans sa gloire.
Valéry, Variété IV, p. 97.
20 On ne peut mettre en doute que dans notre pays, qui est non seulement celui de Descartes, mais aussi celui des moralistes, chacun ne considère comme l'idéal suprême de l'existence (…) de réduire toutes ses opinions à des idées claires et distinctes (…)
21 À vrai dire, M. Delobelle n'était pas très ferré en ces matières, et il se faisait sur les attributions des syndicats des idées très superficielles.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, VII.
22 (…) vous auriez à apprendre sur lui, sur son caractère, que sais-je, sur sa vie (…) bien des choses dont vous n'avez peut-être qu'une vague idée (…) il répéta : « oui, qu'une vague idée ».
J. Romains, Une femme singulière, 3, p. 30.
23 Je ne suis jamais parvenu à m'en former une idée bien claire.
J. Romains, Une femme singulière, 4, p. 39.
♦ (Mil. XVIe, Ronsard). Sans adj. qualificatif. Vue élémentaire, approximative, sommaire. || Vous aurez une idée de sa mauvaise foi, quand vous saurez que… ⇒ Aperçu, notion. || Pour vous en donner une idée, je vous dirai seulement que… ⇒ Échantillon, exemple. || Donner une idée du paradis (→ Haschischin, cit. 2). — (Dans les expr. négatives). || Vous ne sauriez vous faire une idée de ce que j'ai souffert (Académie). ⇒ Figurer (se), imaginer (s'). || On ne saurait avoir, donner une idée, l'idée de (→ Extravagance, cit. 4). || N'avoir aucune idée de… (→ Ameuter, cit. 2). || Elle n'a pas seulement l'idée de la pudeur (→ Cabotinage, cit. 1). — ☑ N'avoir pas la moindre idée de… : être tout à fait ignorant en la matière.
24 (…) le cardinal de Retz, qui commence ses Mémoires par donner une idée des personnages qu'il va faire paraître sur la scène (…)
Voltaire, Observations sur les Mémoires du duc de Noailles.
25 (…) ajoutez à ces peines mortelles mon inquiétude sur les vôtres, et vous aurez une idée de ma situation.
Laclos, les Liaisons dangereuses, LXXX.
26 La coupe de sa figure, la régularité de ses traits donnaient une idée, faible à la vérité, de la beauté dont elle avait dû être orgueilleuse (…)
Balzac, la Femme de trente ans, Pl., t. II, p. 838.
27 Regardez tout ce que vous avez appris depuis deux semaines, et dont vous n'aviez pas la moindre idée.
J. Romains, Une femme singulière, 13, p. 109.
♦ (Vieilli). || Avoir peu d'idées d'une chose, n'être guère capable d'y songer, de se la représenter, de la comprendre. Dans le même sens. || Ne pas se faire d'idée de… — ☑ Loc. On n'a pas d'idée de cela, « se dit de ce qui paraît extraordinaire, excessif, offensant, etc. » (Littré). — ☑ Mod. Je n'ai pas bien idée de cela… : je me le représente mal, j'en suis mal informé. || On n'a pas idée de cela : on ne peut même pas se représenter une chose pareille (tant c'est extraordinaire, extravagant). ⇒ Inimaginable; inconcevable. — Ellipt. ☑ A-t-on idée de se mettre dans des états pareils ! || On n'a pas idée !
28 Aussi a-t-on idée ! disait Madame Magloire toute seule en allant et venant, recevoir un homme comme cela ! et le loger à côté de soi ! et quel bonheur encore qu'il n'ait fait que voler !
Hugo, les Misérables, I, II, XII.
♦ (1775, Beaumarchais). || J'ai idée que… : il me semble que, j'ai l'impression (ou le pressentiment) que… ⇒ Imaginer, penser (→ Brillant, cit. 17). — J'ai comme une idée que… : je soupçonne que…
29 (…) j'ai idée qu'en cachant cette histoire je n'aurais fait que reculer pour mieux sauter.
Colette, la Chatte, p. 199.
b (Relativement à la nature affective de l'idée). || Avoir des idées gaies. || Mes idées étaient paisibles et douces (→ Empyrée, cit. 3). || Idées désagréables, tristes. ☑ Se faire des idées noires (→ 1. Fixe, cit. 6).
30 Elle le savait, elle se le répétait, sans parvenir à détacher cette idée terrible du fond confus de ses pensées.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 264.
31 Je mettais en toute hâte un peu d'ordre entre une foule d'idées qui ne me semblaient pour la plupart, ni claires, ni consolantes.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, II, XII.
♦ ☑ Loc., vx (par infl. de avoir dans l'idée, ci-dessous, III.). Être dans ses idées : avoir des idées sombres, noires, être mélancolique (Murger, in T. L. F.).
c (Relativement aux rapports de l'idée avec d'autres, à sa place dans la vie de l'esprit). || Association (cit. 15 à 21) d'idées, des idées. || Liaison, enchaînement, ordre dans les idées (→ Ailleurs, cit. 9; habitude, cit. 41). || Suivre, perdre le fil de ses idées. || La suite, la cohérence, la combinaison, la coordination des idées. || Idées sans suite. || Chaos d'idées. || Idées qui s'ordonnent, s'arrangent (cit. 16), s'assemblent, se décomposent, s'embrouillent (cit. 5), s'entre-heurtent (→ Fièvre, cit. 13), s'entrechoquent. || Brouiller les idées de qqn, à qqn. || Chasser une idée de son esprit. || Le cours (cit. 15), la marche (→ Folie, cit. 3) des idées. || Incapable de réunir deux idées (→ Esquinter, cit. 3). — ☑ Loc. Rassembler ses idées. — Idées analogues (cit. 4), contiguës, voisines… || Idées différentes, incohérentes. || Sauter d'une idée à l'autre. || Idées qui s'animent (cit. 32), s'avivent (cit. 7 et 14). — Dynamisme des idées; les idées et l'action.
32 Enfin les idées, ces créations du cerveau dont la naissance est d'une fantaisie si entière, et qui vous étonnent souvent par le « on ne sait comment » de leur venue, les idées d'ordinaire si peu simultanées et si peu parallèles dans les ménages de cœur entre homme et femme, les idées naissaient communes aux deux frères, qui, bien souvent, après un silence, se tournaient l'un vers l'autre pour se dire la même chose, sans qu'ils trouvassent aucune explication au hasard singulier de la rencontre dans deux bouches de deux phrases qui n'en faisaient qu'une.
Ed. de Goncourt, les Frères Zemganno, XLVII.
33 Ce grand esprit (Voltaire), c'est un chaos d'idées claires.
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIIe s., Voltaire.
34 Il avait baissé les paupières; mais la même idée stagnait dans son cerveau somnolent.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 71.
35 (…) elle ferma les yeux, prise d'un dégoût subit et tenta de rassembler ses idées.
J. Green, Adrienne Mesurat, I, V.
♦ (1885, Fouillée). || Idée-force : état mental correspondant « à la fois à un discernement (germe de l'idée) et à une préférence (germe de l'action) » (Fouillée).
35.1 L'armée nouvelle, une armée régénérée et « dépolitisée » pourrait devenir, il me semble, la grande pensée d'une nouvelle gauche. C'est autour de cette idée-force que la gauche devra se reconstituer.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 192.
♦ ☑ (1830, Balzac). Idée fixe : idée ou état mental, qui semble attaché à un référent stable. ⇒ Dada, hantise, manie, marotte (→ Aboutir, cit. 4; entretenir, cit. 17; haleur, cit. 2). — Spécialt (psychopathol.). Idée dominante dont l'esprit est obsédé. ⇒ Monomanie, obsession (→ 1. Fixe, cit. 9). — L'Idée fixe, œuvre de P. Valéry.
36 Luttant, voulant s'arracher de cette hantise, il perdait à chaque seconde un peu de sa volonté, comme submergé par l'idée fixe, à ce bord extrême où, vaincu, l'on cède aux poussées de l'instinct.
Zola, la Bête humaine, VIII.
37 Le classer (Gilles de Rais) dans la série des monomanes, rien de plus juste, car il l'était, si par le mot de monomane l'on désigne tout homme que domine une idée fixe.
Huysmans, Là-bas, VIII.
38 L'idée fixe. Un mur, contre lequel je me jette. Je me relève, je me précipite, je me heurte encore, et je retombe, pour recommencer.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 164.
d (Relativement à l'objet de l'idée). || Avions (cit. 6) évoquant des idées de bombardement. || Désordre éveillant l'idée d'un cambriolage (cit.). || Idée de la femme vêtue, de la femme nue (→ Corset, cit. 2).
39 Adieu, Madame; jamais ce mot ne m'a tant coûté à écrire que dans ce moment où il me ramène à l'idée de notre séparation.
Laclos, les Liaisons dangereuses, XLII.
40 Ceux qui ont vécu pendant la guerre de 1870, par exemple, disent que l'idée de la guerre avait fini par leur sembler naturelle, non parce qu'ils ne pensaient pas assez à la guerre mais parce qu'ils y pensaient toujours.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 146.
♦ L'idée de (suivi de l'infinitif). ⇒ Pensée, perspective. || L'idée de déchoir (cit. 5), de se retrouver dans une chambre vide (→ Attrister, cit. 8). || L'idée seule de… (→ Envier, cit. 5). — L'idée que… (et indic.) : le fait de se représenter que… (en parlant d'une chose passée, présente ou future). → Arbitre, cit. 15; atavisme, cit. 2; croix, cit. 18; écouler, cit. 14. || L'idée ne vient à personne que… (→ Football, cit. 1; grave, cit. 26).
41 L'idée de me revoir commençait à prendre consistance dans son esprit et la rendait plus calme.
Loti, Aziyadé, p. 192.
♦ ☑ À l'idée, à la seule idée… || À l'idée de…, à la seule idée de qqch : en pensant à…, rien que de penser à… (→ Envers, cit 2). — Avec l'infinitif. → Fatal, cit. 8; go (tout de), cit. 1. — À l'idée, à la seule idée que… (→ Assaisonner, cit. 12; cabrer, cit. 11).
42 Il souffrait surtout à l'idée qu'elle pût se méprendre sur ses sentiments, et supposer que la gêne dans laquelle il se trouvait fût une des raisons de son retour au foyer.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 50.
3 Conception imaginaire, fausse ou irréalisable. ⇒ Chimère, fantaisie, imagination, rêve, rêverie, vision. — Vx. || Il se repaît d'idées (Littré). || Il nous a entretenus de ses idées (Académie). — REM. On préciserait aujourd'hui en disant, par exemple, idées creuses. — ☑ Loc. mod. Se faire des idées : s'imaginer des choses qui n'ont en général aucun rapport avec le réel ou le possible. — Quelle idée ! || En voilà une idée ! || Une drôle d'idée.
43 Mon Dieu ! mon frère, ce sont de pures idées, dont nous aimons à nous repaître; et, de tout temps, il s'est glissé parmi les hommes de belles imaginations, que nous venons à croire, parce qu'elles nous flattent et qu'il serait à souhaiter qu'elles fussent véritables.
Molière, le Malade imaginaire, III, 3.
44 Ce n'est pas drôle d'attendre quand on se fait des idées.
Sartre, Morts sans sépulture, I, 1.
♦ ☑ Loc. fam. Cette idée ! [setide; stide] : naturellement, bien sûr, évidemment (= « l'idée va de soi, est évidente »; ou bien « quelle idée [II., 3.] absurde de poser cette question »). || Où il est ? Mais à son travail, cette idée !
44.1 Ma petite, d'où prenez-vous ce langage ?— Vous le demandez ? Mais de vous, cette idée ! — elle s'est mise à rire (…)
Aragon, Blanche…, II, X, p. 333.
♦ Pure construction de l'esprit, dépourvue de fondement réel. ⇒ Invention, et aussi mythe.
45 Comme il (le sujet) ne m'a fourni aucune femme, j'ai été obligé de recourir à l'invention pour en introduire deux (…) L'une a vécu de ce temps là (…) L'autre femme est une pure idée de mon esprit (…)
Corneille, Sertorius, Au lecteur.
46 La mort, le chômage, la répression d'une grève, la misère et la faim ne sont pas des idées. Ce sont des réalités de tous les jours qui sont vécues dans l'horreur.
Sartre, Situations III, p. 210.
♦ Spécialt. Idée inconvenante, image érotique. || Ça pourrait lui donner des idées. || N'allez pas vous faire des idées…
46.1 « Si vous avez ce qu'on appelle des “idées…” ou plutôt ce qu'on appelle vulgairement des idées… » Il ne savait pas au juste ce qu'elle voulait dire. Peut-être la baiser sur la bouche, ou même faire le mal avec elle.
J. Green, Moïra, p. 220, in T. L. F.
♦ Être qui semble dépourvu des attributs de l'existence, de toute réalité. ⇒ Apparence, fantôme, ombre. — Par plais. || Des idées de chevaux (→ Exténuer, cit. 1, Molière).
47 Lélia n'est pas un être complet, dit Syténio. Qu'est-ce donc que Lélia ? Une ombre, un rêve, une idée tout au plus. Allez, là où il n'y a pas d'amour, il n'y a pas de femme.
♦ ☑ En idée : en imagination (par oppos. à en réalité, en fait). || Tout cela n'était vrai qu'en idée (→ Fictif, cit. 2, Renan). || Mariage dont on se berce en idée (→ Froideur, cit. 4, Sainte-Beuve).
♦ Fam. (La chose étant en si petite quantité qu'elle semble à peine réelle). || Une idée de… : un tout petit peu de. ⇒ Soupçon.
48 J'avais au menton une idée de barbe follette (…)
G. Duhamel, Biographie de mes fantômes, V, p. 90.
48.1 La Mère de famille ne buvait que de l'eau, que son Mari n'avait pas eu peu de peine à l'engager à rougir seulement par une idée de vin.
Restif de la Bretonne, la Vie de mon père, p. 227.
♦ En emploi adverbial. — (Avec un verbe). || « La porte s'entrebâilla; oh ! à peine ! un rien, une idée… » (Courteline, in T. L. F.). — (Avec un adj.). Régional. || « Ça allait une idée trop vite… » (Willy, in T. L. F.), un peu trop vite.
4 Vue, plus ou moins originale, que l'intelligence élabore dans le domaine de la connaissance, de l'action ou de la création artistique. ⇒ Dessein, plan, projet. || Il me vient une idée. || Avoir, se mettre, se coller, se fourrer une idée dans la tête. || Une idée qui lui trottait dans la cervelle. — Renoncer, se cramponner à une idée. || Se faire (cit. 242) à une idée. || Changer d'idée, changer d'idées comme de chemise. || Suivre son idée. || Revenir, s'attacher (cit. 84) à sa première idée. || C'est lui qui a lancé cette idée (→ Gouvernement, cit. 8). || C'est une bonne, une heureuse, une lumineuse, une excellente, une riche idée. || Une idée de génie (cit. 41). || C'est une mine d'or que cette idée (→ Exploiter, cit. 4). || Laissez-moi faire, j'ai une idée, j'ai mon idée. || Il a une idée de derrière la tête, qu'il ne dévoile pas, mais qui détermine son action. || Idée essentielle, générale, principale, d'un ouvrage, d'un chapitre. || Idée première, directrice, de l'œuvre à réaliser. ⇒ Inspiration. || Idée mère. || Prendre l'idée d'un roman dans une vieille chronique, dans un fait divers. ⇒ Donnée, fond, source, sujet. || L'embryon (cit. 5) de l'idée est de vous. || L'idée de ce tableau est originale, sublime (→ Froid, cit. 24). || Jeter une idée sur le papier. ⇒ Ébauche, esquisse. — Spécialt. Idée directrice guidant la recherche. ⇒ Hypothèse (→ Expérience, cit. 43). || Les idées organisées d'une théorie. — Mus. || Idée musicale. ⇒ Thème. — Avoir l'idée de (avec l'inf.) : concevoir le projet ou imaginer de… ⇒ Intention; conception (→ Cabale, cit. 6; chanter, cit. 21; ensorcellement, cit. 3; faire, cit. 127). || La fichue (cit. 16) idée que j'ai eue de… || La bonne idée de… || Il a beaucoup d'idées (⇒ Créativité, imagination, inventivité).
49 J'eus l'heureuse et simple idée de tenter de voir à travers la serrure, et je vis en effet cette femme adorable à genoux, baignée de larmes, et priant avec ferveur.
Laclos, les Liaisons dangereuses, XXIII.
50 Un sot disait au milieu d'une conversation : « Il me vient une idée ». Un plaisant dit : « J'en suis bien surpris ».
Chamfort, Caractères et Anecdotes, « Idée d'un sot ».
51 L'idée première de La Comédie humaine fut d'abord chez moi comme un rêve, comme un de ces projets impossibles que l'on caresse et qu'on laisse s'envoler (…) Cette idée vint d'une comparaison entre l'Humanité et l'Animalité.
Balzac, Œuvres, t. I, Avant-propos, p. 3.
52 (…) il vécut paisible (…) n'ayant plus que deux pensées : cacher son nom, et sanctifier sa vie (…) Jamais les deux idées qui gouvernaient le malheureux homme (…) n'avaient engagé une lutte si sérieuse.
Hugo, les Misérables, I, VII, III.
♦ Au plur. (en insistant sur le caractère d'originalité). Pensées neuves, fortes, heureuses. || Écrivain, artiste qui a des idées. || Ouvrage plein d'idées. || Idées qui abondent (→ Effervescence, cit. 5), qui viennent en foule (cit. 22) au bout de la plume. || Écrits vides d'idées (→ Harmonie, cit. 23). || Disette (cit. 3), pauvreté d'idées (→ Bigoterie, cit.). || Esprit dépourvu d'idées. ⇒ Borné. || Les idées manquent (→ Creuser, cit. 23), ne viennent pas (→ Écrire, cit. 7). — Il manque d'idées. — Ce décor, le livret de cet opéra est plein d'idées. ⇒ Trouvaille.
53 Horrible sensation ! avoir l'esprit fourmillant d'idées, et ne plus pouvoir franchir le pont qui sépare les campagnes imaginaires de la rêverie des moissons positives de l'action !
Baudelaire, les Paradis artificiels, Mangeur d'opium, IV.
♦ Collectif. Fam. || Y a de l'idée, là-dedans ! : c'est intelligent, imaginatif.
5 (1656, Pascal). Façon particulière de se représenter le réel, de voir les choses, d'envisager ou de résoudre les problèmes. || J'ai mon idée sur la question. ⇒ Opinion. || Cette idée ancrée (cit. 4) en moi, que… || Cette idée de Pascal, que… (→ Atome, cit. 17). || Une idée raisonnable, sensée, bizarre, biscornue, neuve, originale, préconçue, toute faite (→ Extérieur, cit. 7; faire, cit. 270). ☑ Idée reçue, communément reçue. ⇒ Préjugé, prénotion. || Le Dictionnaire des idées reçues, de Flaubert. || C'est l'idée d'un fanatique (→ Existence, cit. 16). ☑ Loc. Juger, agir à son idée, selon sa manière de voir, sans s'occuper des opinions d'autrui. — Ne faire, n'agir qu'à son idée, à sa guise. || Il vit à son idée.
54 Il en juge arbitrairement, selon son goût et son caprice, à son idée, en artiste enfin ! (…)
France, le Crime de S. Bonnard, II, VI.
55 (…) ni sa voix ni son regard ne répondaient à l'idée que Mathilde Cazalis se faisait d'un austère théoricien socialiste des pays du Nord.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, IX, p. 87.
55.1 On dit q[ue] les Amér[icains] sont idéalistes parce q[ue] ce sont de grands consommateurs de lieux-communs (sic). Les idées, soit, mais surtout les idées toutes faites, satisfaisant à la fois la paresse et la médiocrité de l'esprit.
Claudel, Journal, 8 nov. 1933.
55.2 Chantal haussa les épaules et dit, confirmant ainsi sa précédente phrase :— Fais à ton idée.— Tu n'as rien d'autre à me dire ?
R. Queneau, le Dimanche de la vie, p. 13.
♦ (1764, Voltaire). Au plur. Ensemble des opinions (d'un individu ou d'un groupe social). || Aller jusqu'au bout (cit. 39) de ses idées. || Constance dans les idées. — Communauté (cit. 1), communion (cit. 3) d'idées. || Antagonisme, choc, contraste d'idées. — Approuver (cit. 15) les idées de qqn. || Partager les idées du public (→ Créateur, cit. 6). || Entrer (cit. 53) dans les idées de qqn. || Avoir les mêmes idées sur toutes choses (→ Exclure, cit. 12.1). || Chacun a ses idées (→ Grouper, cit. 6). || Emprunter à qqn ses idées. || Défendre, propager, communiquer ses idées. ⇒ Apostolat.
56 Les idées des hommes sont comme les cartes et autres jeux. Des idées que j'ai vu autrefois regarder comme dangereuses et trop hardies sont maintenant devenues communes et presque triviales, et ont descendu jusqu'à des hommes peu dignes d'elles. Quelques-unes de celles à qui nous donnons le nom d'audacieuses seront vues comme faibles et communes par nos descendants.
Chamfort, Maximes et Pensées, XLIII.
57 Les idées qu'elle a sur la générosité et le sacrifice ont plus de prix chez elle que chez d'autres, parce qu'elles lui sont venues toutes seules, et que personne ne s'est inquiété de les lui donner.
Loti, Aziyadé, III, XXII, p. 101.
58 Quand un Français a des idées, il veut les imposer aux autres. Quand il n'en a pas, il le veut tout de même. Et quand il voit qu'il ne le peut, il se désintéresse d'agir.
R. Rolland, Jean-Christophe, Dans la maison, I, p. 980.
59 Un raisonnement n'a jamais convaincu personne. Mais croire qu'un raisonnement de père puisse changer les idées d'un fils est le comble de la folie raisonnante.
A. Maurois, Ariel, p. 29.
♦ Fam. || Être dans les idées de qqn, correspondre à ses opinions, à ses convictions. || Ce n'est pas dans mes idées.
59.1 (…) elle n'a pas, dans le choix de son mari par exemple, ou en ne se mariant pas, faute de trouver un mari « dans ses idées », laissé un témoignage quelconque des généreuses aspirations de sa nature (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 658.
♦ Les idées d'un écrivain, d'un philosophe, d'un penseur. ⇒ Doctrine, idéologie, philosophie, système, théorie, vue. || Idées politiques, morales, religieuses, littéraires, esthétiques. ⇒ Croyance, opinion (→ Ambiant, cit. 2; englober, cit. 2; essai, cit. 22). || Idées nouvelles en politique, en art (→ Filtrer, cit. 9). || Idées avancées, progressistes, nouvelles, révolutionnaires. || Idées conservatrices, réactionnaires. || Des idées exaltées (cit. 27), folles, absurdes. || Idées qui courent les rues, qui traînent partout, idées rebattues. ⇒ Commun (lieu), vieillerie. || Avoir des idées étroites, larges (surtout dans le domaine moral et religieux). || Être large d'idées (→ Grave, cit. 12). || Avoir les mêmes idées, des idées opposées. || Une absolue parité (→ 1. Parité, cit. 3) d'idées.
60 Nos idées morales ne sont pas le produit de la réflexion, mais la suite de l'usage.
France, le Mannequin d'osier, XVII, in Œ. compl., t. XI, p. 431.
61 Ce sont les vues du sociologue et du moraliste qu'il (Balzac) a définies dans son Avant-propos, où, ayant dit le plan général de son œuvre, il expose en outre ses idées de philosophe et de politique.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 328.
♦ Absolt. || Les idées : les spéculations touchant aux problèmes les plus généraux, considérées comme le symbole du génie humain. || Idées qui sont dans l'air (cit. 27). || Courant d'idées. || L'histoire, l'évolution, le progrès des idées. || Le jeu des idées. || Production, publication, circulation, commerce des idées (→ Concentration, cit. 2). || « On ne tire pas des coups (cit. 26) de fusil aux idées » (Rivarol). || Croire aux idées (→ Foi, cit. 21). || Croire que les idées mènent le monde. ⇒ Idéologue. — Littérature d'idées.
62 Ils confondent les passions et les idées : les premières sont les mêmes dans tous les siècles, les secondes changent avec la succession des âges.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 88.
63 Le vrai Dieu, le Dieu fort est le Dieu des idées !
A. de Vigny, les Destinées, « la Bouteille à la mer ».
64 C'est énoncer une vérité désormais banale que de dire que ce sont les idées qui mènent le monde.
Renan, l'Avenir de la science, in Œ. compl., t. III, p. 746.
65 Les idées ont une violence qui laisse loin derrière l'effet de la dynamite.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », IV, p. 123.
———
III (Au sing. seulement). || L'idée.
1 (1666, La Fontaine). L'esprit qui élabore les idées. || J'ai dans l'idée qu'il ne viendra pas. ☑ Il s'est mis dans l'idée de faire cela, il s'y est décidé. || Il s'est mis dans l'idée que…, il y croit. || Mets-toi bien dans l'idée que… || Personne ne m'ôtera de l'idée que… (→ Galerie, cit. 10). || Je ne peux pas m'ôter (cit. 3) de l'idée… || Il me revient à l'idée, en idée que… ⇒ Songer. || C'est une chose qui ne vient même pas à l'idée.
66 Dans les monarchies et les États despotiques, personne n'aspire à l'égalité; cela ne vient même pas dans l'idée (…)
Montesquieu, l'Esprit des lois, V, 4.
66.1 J'ai dans l'idée qu'il va pleuvoir (…)
Ch. Paul de Kock, la Grande Ville, t. I, p. 228.
2 Rare. La fonction d'élaboration des idées; la pensée. — REM. Littré appuie cet « emploi néologique » de deux citations de Hugo, qui semble bien en effet l'avoir vulgarisé en son temps; mais cet emploi paraît aujourd'hui peu naturel. — || Les penseurs sont les serviteurs de l'idée (Littré).
67 Le mystère, en Grèce, en Chaldée,
Esprits, oiseaux, essors, raisons (…)
Penseurs, grave à vos fronts l'idée (…)
De la montagne et de l'idée,Oh ! tous à la fois, aigles, âmes,
Envolez-vous ! envolez-vous !
Hugo, les Contemplations, VI, XXIII.
68 Le génie, comme un fort cheval, traîne à son cul l'humanité sur les routes de l'idée.
Flaubert, Correspondance, 368, 27-28 févr. 1853.
❖
DÉR. et COMP. Idéel, idéer. Monoïdéisme. V. Idée-.
Encyclopédie Universelle. 2012.