RELATION
Le concept de relation apparaît comme l’un des concepts fondamentaux du discours rationnel. Il semble lié à la pratique de l’analyse, qui constitue elle-même l’un des aspects essentiels de la démarche discursive. L’analyse décompose les unités données dans l’expérience en éléments aussi simples que possible, mais elle n’est réellement éclairante que si elle s’accompagne, comme d’une contrepartie, de l’opération par laquelle la pensée reconstitue le complexe à partir du simple. Or, pour rendre compte de l’unité d’une entité complexe, il faut décrire son mode de structuration; et cela revient à faire apparaître les relations qui unissent les constituants. Il y a une solidarité étroite entre structure et relation.
Il n’est pas étonnant, dès lors, que les entreprises fondationnelles – qu’elles soient conçues directement comme reconstitution justifiante de la réalité ou seulement comme mise en évidence des principes qui commandent les discours portant sur la réalité – aient accordé au concept de relation une place fort importante, voire centrale. Mais, si des relations variées sont en fait utilisées dans des contextes divers – qui vont de la métaphysique aux sciences purement descriptives, en passant par les mathématiques –, on n’a affaire, à proprement parler, à une véritable théorie de la relation que là où le concept de relation se trouve thématisé en tant que tel, dans toute sa généralité. Or la difficulté qui se présente, lorsqu’on veut tenter d’élaborer une telle théorie, c’est que la notion de relation semble bien avoir un caractère irréductible. Les efforts qui ont été entrepris pour la clarifier, en tout cas, font apparaître qu’on ne peut en donner une définition explicite, c’est-à-dire en exprimer adéquatement le contenu au moyen d’autres concepts, plus primitifs. On ne peut, dès lors, l’expliquer qu’en montrant comment elle fonctionne dans des contextes appropriés. Il s’agit, bien entendu, de déterminer le contexte convenable et de préciser le mode de fonctionnement du concept de relation dans ce contexte. En fait, historiquement, se problème a été abordé dans deux perspectives: soit dans le cadre d’une doctrine des catégories, soit dans le cadre d’un traitement axiomatique.
1. La doctrine des catégories: Aristote et Kant
Une théorie des catégories fournit un lieu dans lequel peut s’inscrire le concept de relation et assigne à celui-ci une place déterminée dans ce lieu; il le situe, si l’on peut dire, topologiquement. On retiendra ici deux conceptions des catégories, qui ont l’une et l’autre une signification exemplaire: celle d’Aristote et celle de Kant. Chez ces deux auteurs, les catégories sont rattachées à la doctrine du jugement ; elles représentent les divers modes selon lesquels peut fonctionner le jugement. Mais, alors que chez Aristote elles ont une portée à la fois logique et ontologique, chez Kant, conformément au point de vue criticiste qui est le sien, elles n’ont, en dehors de leur aspect proprement logique, qu’une portée épistémologique. (Les textes de base se trouvent, pour ce qui concerne Aristote, dans l’Organon , I: Catégories , et V: Topiques , et dans la Métaphysique , et pour ce qui concerne Kant, dans la Critique de la raison pure , I, 2e part., 1re div., Analytique transcendantale .)
Aristote présente les catégories comme les différentes espèces de prédicats que l’on peut attribuer à un sujet dans le jugement (le terme 見精兀塚礼福晴見 vient du verbe 見精兀塚礼福﨎晴益, «affirmer», ou, plus explicitement, «attribuer – positivement ou négativement – un prédicat à un sujet»). Mais, comme la synthèse judicative a une signification ontologique, les catégories doivent elles-mêmes être considérées comme des déterminations réelles de l’être. Ce sont les genres les plus généraux de l’être. À ce titre, elles constituent des notions irréductibles: on ne peut les définir les unes par les autres, et on ne peut les ramener à un genre unique suprême. La relation est l’une des dix catégories retenues par Aristote. Les caractérisations les plus explicites sont données dans les Catégories et dans la Métaphysique . À vrai dire, ce n’est pas directement la notion de relation comme telle qui est expliquée dans ces textes, mais la notion de «relatif à» ( 神福礼﨟 精晴). Dans les Catégories , l’explication fait appel à l’idée de dépendance; dans la Métaphysique , elle consiste à évoquer un certain nombre de relations déterminées, rangées en trois classes (relatifs de type arithmétique, relatifs selon l’action et la passion, relatifs appartenant à l’ordre de la connaissance). «On appelle relatives ces choses dont tout l’être consiste en ce qu’elles sont dites dépendre d’autres choses, ou se rapporter de quelqu’autre façon à autre chose: par exemple, le plus grand est ce dont tout l’être consiste à être dit d’une autre chose, car c’est de quelque chose qu’il est dit plus grand; et le double est ce dont tout l’être est d’être dit d’une autre chose, car c’est de quelque chose qu’il est dit le double; et il en est de même pour toutes les autres relations de ce genre» (Catégories , 7, 6 a 36 - 6 b 1, trad. J. Tricot). «Relatif, se dit, d’une part, comme le double à la moitié, le triple au tiers, et, en général, le multiple au sous-multiple, et l’excès au défaut; d’autre part, comme ce qui peut échauffer à ce qui peut être échauffé, ce qui peut couper à ce qui peut être coupé, et, d’une manière générale, l’actif au passif. Le relatif est aussi comme le mesuré à la mesure, le connaissable à la connaissance, le sensible à la sensation.» (Métaphysique , , 15, 1020 b 26 - 1020 b 30, trad. J. Tricot.)
Pour Kant, les catégories sont les formes a priori de l’entendement pur; elles représentent les différents modes possibles selon lesquels la pensée discursive peut synthétiser le divers offert à la sensibilité et entrent à ce titre, de façon intrinsèque et nécessaire, dans la constitution de l’objet de connaissance. C’est dans le jugement, qui est l’expression de la synthèse réalisée par l’entendement (tout au moins pour ce qui est du jugement déterminant ), qu’elles trouvent en quelque sorte leur lieu de manifestation. Il y aura donc autant de catégories que d’espèces de jugements. Et la table proposée par Kant suit très exactement le tableau logique des jugements. On peut classer les jugements selon la quantité, selon la qualité, selon la relation et selon la modalité. Le troisième type de classification donne les jugements catégoriques, hypothétiques et disjonctifs. À ces trois espèces de jugements correspondent les catégories de substance, de causalité et d’action mutuelle. Comme on le voit, la relation n’est pas à proprement parler une catégorie, mais une classe de catégories. Elle constitue une forme de synthèse qui consiste soit à rapporter un prédicat à un sujet comme à son support d’inhérence (de façon affirmative ou négative), soit à rapporter un effet à ce dont «il résulte suivant une règle» (selon le texte de la première édition de la Critique ) ou encore à relier un agent et un patient dans les termes d’une action réciproque.
Ces catégories ne peuvent exercer leur fonction propre et contribuer à rendre possible, avec la constitution de l’objet, la connaissance de celui-ci que dans la mesure où elles sont rapportées, par l’intermédiaire des schèmes de l’imagination, à l’intuition sensible. Les principes de l’entendement pur prescrivent comment elles peuvent ainsi être utilisées, autrement dit, comment le divers de l’intuition peut être subsumé sous l’unité des concepts purs. Les catégories de la relation sont gouvernées par les analogies de l’expérience , à savoir: le principe de la permanence de la substance («la substance persiste dans tout le changement des phénomènes, et sa quantité n’augmente ni ne diminue dans la nature»), le principe de la succession causale («tous les changements se produisent suivant la loi de liaison de la cause et de l’effet») et le principe de la réciprocité d’action («toutes les substances, en tant qu’elles peuvent être perçues comme simultanées dans l’espace, sont dans une action réciproque universelle») [textes de la 2e éd. de la Critique , trad. Tremesaygues et Pacaud]. Ces trois principes sont commandés par un principe suprême, qui est en quelque sorte la loi générale de la relation: «L’expérience n’est possible que par la représentation d’une liaison nécessaire des perceptions» (ibid. ).
Les analogies de l’expérience – qui, en tant que principes formels de la pensée discursive, ne valent que pour un objet sensible en général – reçoivent une illustration particulièrement éclairante (quant à leur caractère fondationnel) dans le cadre des Premiers Principes métaphysiques de la science de la nature . Kant montre, dans cet ouvrage, comment leur application à la seule donnée sensible du mouvement donne lieu aux principes fondamentaux de la mécanique newtonienne: principe de conservation de la quantité de matière, principe fondamental de la dynamique (toute modification de l’état de mouvement est due à une cause externe, à savoir une force), principe de l’égalité de l’action et de la réaction. On voit, dans ce contexte, comment la relation est constitutive d’une véritable science de la nature (en tant qu’une telle science doit être fondée, selon la perspective kantienne, sur des principes synthétiques a priori).
2. La méthode axiomatique
La méthode axiomatique permet d’aborder le problème de la nature de la relation par un tout autre biais. Elle consiste à donner une caractérisation implicite de la notion en énonçant certaines propositions dans lesquelles elle figure; le contenu de la notion est alors déterminé par les possibilités déductives contenues dans ces propositions (c’est-à-dire qu’il est exprimé par ces propositions et toutes celles qui en dérivent). C’est dans le cadre de la logique mathématique que cette méthode a été appliquée à la notion de relation. Auguste De Morgan (1806-1871) est considéré comme le véritable fondateur de la théorie logique des relations. On en trouve cependant déjà quelques anticipations chez les logiciens grecs et chez les scolastiques. Les premiers développements d’une théorie des relations ont été élaborés par Gottfried Ploucquet (1716-1790) et surtout par Johann Heinrich Lambert (1728-1777). De Morgan introduit les opérations élémentaires sur les relations et en étudie les propriétés. Des contributions importantes ont été apportées, dans la seconde moitié du XIXe siècle, à la théorie des relations par Ernst Schröder (1841-1902) et, indépendamment de lui, par Charles Sanders Peirce (1839-1887).
Les relations selon Bertrand Russell
C’est surtout dans l’œuvre de Bertrand Russell (1872-1970) que la théorie moderne des relations prend tout son essor. On peut discerner deux étapes dans l’élaboration de la doctrine russellienne des relations: celle des Principles of Mathematics (1903) et celle des Principia Mathematica (publiés par Russell, en collaboration avec Alfred North Whitehead, en 3 volumes, de 1910 à 1913). Dans les Principles , Russell adopte une théorie intensionnelle des relations. Alors qu’il adopte un traitement extensionnel des classes (consistant à traiter une classe comme l’ensemble des individus qui en font partie), il adopte le parti de traiter les relations comme des concepts et non comme des classes (de couples). Cette façon de faire, qu’il ne prétend pas le mieux fondée philosophiquement, lui paraît plus commode, parce qu’elle permet de rendre compte plus élégamment de la différence de statut entre les termes. Dans une relation à deux termes (c’est le cas envisagé par Russell), il faut distinguer l’antécédent et le conséquent (que Russell appelle respectivement referent et relatum ). Une proposition telle que a Rb (a est dans la relation R avec b ) est différente de la proposition b Ra . Cela est évident dans le cas des relations asymétriques (par exemple, dans le cas de la relation «plus grand que»). Mais, selon Russell, c’est aussi le cas même lorsque la proposition a Rb est équivalente à la proposition b Ra . Autrement dit, le sens de la relation – et donc l’ordre des termes qu’elle relie – fait partie intrinsèque de sa signification. Si on adopte une théorie extensionnelle, qui consiste à traiter une relation comme la classe des couples de termes dont elle se vérifie, on devra introduire la notion de couple ordonné (qu’il faut bien distinguer de la simple notion de couple) comme notion primitive. Or, l’idée d’ordre présuppose celle de relation («l’assertion selon laquelle a est le référent et b le relaté implique déjà une proposition purement relationnelle dans laquelle a et b sont des termes, bien que la relation ainsi affirmée soit seulement la relation générale de référent à relaté» [Principles of Mathematics ]).
Mais le choix du point de vue intensionnel impose une contre-partie: il faudra introduire un axiome spécial stipulant que tout couple d’individus est caractérisé par une relation (en ce sens qu’à tout couple correspond une relation qui se vérifie de ce couple et ne se vérifie d’aucun autre). Dans une version extensionnelle de la théorie, cet axiome ne serait pas nécessaire.
La notation utilisée est fort simple. Si R est un symbole dénotant une relation, l’expression x Ry exprime la fonction propositionnelle «x a la relation R avec y » (une fonction propositionnelle est une expression, contenant des variables, qui devient une proposition lorsque les variables prennent des valeurs déterminées, c’est-à-dire sont remplacées par des constantes; et une proposition est une expression susceptible d’être vraie ou fausse).
Les axiomes posés par les Principles à la base de la théorie des relations sont les suivants:
2. Toute relation a une converse (si R est une relation, il existe une relation R’ telle que x Ry est équivalente à y R’x , pour toutes les valeurs de x et de y ; par exemple, la converse de la relation «plus grand que» est «plus petit que»).
3. Entre deux termes quelconques, il existe une relation qui n’a pas lieu entre deux autres termes.
4. La négation d’une relation est une relation (la négation d’une relation joue à l’égard de celle-ci le même rôle que la complémentaire d’une classe à l’égard de celle-ci; par exemple, la négation de la relation «allié de» est «non-allié de»).
5. Le produit logique d’une classe de relations est une relation (ce produit logique consiste en l’assertion simultanée des relations de la classe; par exemple, le produit logique des relations «voisin de» et «plus âgé que» est la relation «à la fois voisin et plus âgé que»).
6. Le produit relatif de deux relations est une relation (on appelle produit relatif de deux relations R et S la relation qui existe entre x et z lorsqu’il y a un terme y tel que la relation R existe entre x et y et la relation S entre y et z ; par exemple, le produit relatif des relations «frère de» et «père de» est «oncle de»).
D’autres axiomes affirment l’existence de certaines classes liées aux relations. Ainsi, on aura les axiomes suivants: a ) les termes ayant une relation donnée à un terme donné forment une classe; b ) les antécédents d’une relation donnée R forment une classe; on l’appelle le domaine de la relation R.
Il s’ensuit (par considération de la relation converse) que les conséquents d’une relation donnée R forment aussi une classe. On l’appelle le contre -domaine de la relation R. La classe formée par l’union des deux précédentes est appelée le champ de la relation R.
L’un des aspects les plus intéressants, du point de vue philosophique, de la doctrine des Principles est le «principe des relations externes». Ce principe est étroitement lié à l’une des présuppositions des Principles , que Russell reprend à son contemporain G. E. Moore (1873-1958): «Le pluralisme concernant le monde, aussi bien celui des choses existantes que des entités, en tant qu’il est composé d’un nombre infini d’entités mutuellement indépendantes, avec des relations qui sont ultimes, et non réductibles à des attributs de leurs termes ou du tout que ceux-ci composent» (Preface ). Moore et Russell s’opposent au principe inverse des «relations internes», selon lequel toute relation est intrinsèque, c’est-à-dire «pénètre de façon essentielle l’être de ses termes» (selon la présentation qui en est donnée par F. H. Bradley, dans Appearance and reality , cité par A. J. Ayer, Russell and Moore ). Ce principe est à la base, d’une part, de la monadologie, d’autre part, des différentes variétés de monisme. Pour Russell, cette conception de la relation est particulièrement inapplicable aux relations asymétriques (une relation est asymétrique si elle est incompatible avec sa converse; ainsi, les relations «plus grand que», «antérieur à», «à gauche de» sont asymétriques). Il la critique en montrant que, dans le cas des relations asymétriques en tout cas, un jugement de relation est irréductible à un jugement de prédication (il apparaît ainsi d’ailleurs que la thèse des relations externes consiste en définitive à affirmer le caractère irréductible des jugements de relation). Selon la conception monadologique, une proposition telle que a Rb doit s’analyser en deux propositions prédicatives telles que ar 1 et br 2. Par exemple, la proposition «a est plus grand que b » s’analysera en deux propositions dont l’une attribuera à a le prédicat «plus grand que b » et dont l’autre attribuera à b le prédicat «plus petit que a ». Chacun de ces prédicats contient une référence à l’un des termes en présence. Selon la théorie des relations internes, le prédicat «plus grand que b », qui exprime la relation de a à b , appartient intrinsèquement au terme a , et de même le prédicat «plus petit que a » appartient intrinsèquement à b ; ces deux termes a et b , étant ainsi caractérisés intrinsèquement par des prédicats différents, diffèrent intrinsèquement l’un de l’autre. Mais, en réalité, l’analyse de ces termes, pris chacun pour son propre compte, ne permet pas de les différencier. Ils ne se distinguent l’un de l’autre que parce qu’ils ont des attributs différents, mais ces attributs sont extrinsèques, en ce sens que l’attribut de a contient une référence à b et que l’attribut de b contient une référence à a . Les prédicats invoqués présupposent en réalité la relation affirmée entre a et b par la proposition de départ. Dans le cas général, si la relation R est supposée asymétrique, il faut pouvoir exprimer la différence entre le rôle de a et celui de b . L’un au moins des prédicats r 1 ou r 2 doit exprimer cette différence. Mais chacun d’eux contient une référence à un terme autre que celui auquel il est attribué et met ainsi en œuvre la relation R elle-même. Ainsi, la différence en question n’est autre que cette relation R; elle ne lui est pas antérieure et n’est pas fondée dans une différence qui serait intrinsèque aux termes a et b .
Selon la conception moniste, une proposition telle que a Rb doit être ramenée à une proposition prédicative du type (ab )r , attribuant un certain prédicat r au tout composé de a et de b . Mais cette façon de voir ne permet absolument pas d’expliquer la différence entre (ab )r et (ba )r , dans le cas où la relation R est asymétrique. Du reste, on peut faire valoir contre le point de vue moniste divers arguments de type général. On peut dire, par exemple, que la proposition «a est une partie de b », selon la théorie moniste, se ramène à une proposition qui affirme quelque chose du tout composé de a et de b . Et ce tout doit être considéré comme distinct de ses parties. Si cette nouvelle proposition n’est pas en termes de tout et de partie, «il n’y aura pas de jugements vrais du tout et de la partie, et il sera dès lors faux de dire qu’une relation entre les parties est en fait un attribut de tout» (Principles ). Si elle est en termes de tout et de partie, il faudra faire appel à une nouvelle proposition pour expliquer sa signification, et ainsi de suite. Si on abandonne la supposition selon laquelle le tout composé de a et de b est distinct de b , on est amené à admettre qu’un tout est simplement la somme de ses parties, ce qui constitue un abandon de la position moniste. Finalement, les monistes sont amenés à soutenir que «le seul véritable tout, l’absolu, n’a pas de parties du tout et qu’aucune proposition concernant celui-ci ou quoi que ce soit d’autre n’est tout à fait vraie».
Au principe des relations externes doit être rattaché le principe d’abstraction. Russell semble tenir ces deux principes pour équivalents, mais J. Vuillemin a montré, dans ses Leçons sur la première philosophie de Russell , que l’on ne peut passer du premier au second que moyennant l’intervention d’un principe supplémentaire, qui constitue une certaine forme du célèbre rasoir d’Occam: «Une analyse ne doit jamais être arrêtée sans nécessité.» Le principe d’abstraction est formulé par Russell sous la forme d’un axiome, comme suit: «Toute relation transitive symétrique, qui est réalisée au moins dans un cas, est analysable en la possession conjointe d’une nouvelle relation à un nouveau terme, la nouvelle relation étant telle qu’aucun terme ne peut avoir cette relation à plus d’un terme mais que sa converse n’a pas cette propriété.» (Une relation R est dite transitive si, lorsqu’on a x Ry et y Rz , on a aussi x Rz .) Ce principe revient à affirmer qu’une relation symétrique transitive dérive d’une propriété commune qui est propre aux termes liés par la relation en question. Comme l’explique Russell, une relation symétrique et transitive joue, formellement, le rôle d’une égalité. Les termes entre lesquels existe une telle relation ont entre eux quelque chose de commun: c’est le «nouveau terme», introduit par le principe d’abstraction. Soit, par exemple, une relation symétrique et transitive R telle que a Rb et b Rc (et donc aussi a Rc ). Aux termes a , b et c correspond une propriété; représentons-la par le terme A. Entre chacun des termes a , b , c et ce terme A, il y a une relation asymétrique S de type plusieurs-un (plusieurs antécédents – un seul conséquent). La proposition a Rb est équivalente à la proposition complexe a SA et b SA .
Ce principe trouve une application particulièrement remarquable dans la célèbre définition de la notion de nombre cardinal, selon laquelle le nombre (cardinal) d’une classe est «la classe de toutes les classes semblables à la classe donnée». La relation de similitude utilisée est une relation réflexive, symétrique et transitive: deux classes sont dites semblables si elles peuvent être mises en correspondance 1-1 (terme à terme) l’une avec l’autre. Le nombre d’une classe est la propriété commune (considérée comme une classe) correspondant à cette relation: le nombre n par exemple est la propriété commune de toutes les classes semblables à une classe donnée K de n objets. Toutes les classes semblables à cette classe K possèdent cette propriété et aucune autre classe ne la possède. Et toute classe appartenant à la classe de classes en question (c’est-à-dire à la classe définissant le nombre n ) possède, à l’égard de cette classe de classes, une relation qu’elle n’a à l’égard d’aucune autre.
C’est le même procédé qui conduit à la notion de nombre ordinal. La relation utilisée en l’occurrence est une relation de similitude ordinale. Les termes auxquels elle s’applique sont eux-mêmes des relations: ce sont des «relations de bon ordre», c’est-à-dire des relations asymétriques et transitives, capables d’ordonner un ensemble de termes pour en faire une «série» et cela de telle sorte que toute partie de cette série ait un premier terme. Un nombre ordinal est ce qu’il y a de commun aux relations de bon ordre qui ordonnent de la même façon les séries qu’elles engendrent. Soit R1 et R2 deux relations de bon ordre, C1 et C2 leurs champs respectifs. On dira que R1 et R2 sont semblables s’il existe une relation 1-1 S qui a pour domaine le champ de R1 et telle que R2 est identique au produit relatif de S (converse de S), R1 et S. (Soit x et y deux éléments de C1 tels que x R1y . Soit u et v les termes de C2 correspondant respectivement à x et à y par S. En partant de u , on peut remonter à x par S , puis passer de x à y par R1 et, de là, à v par S. Il faut que l’on ait u R2v , autrement dit que l’on aboutisse au même terme par le chemin S R1S et par le chemin R2.) Le principe d’abstraction permet alors de définir le nombre ordinal d’une relation de bon ordre R comme la classe des relations semblables à R (Principles ).
Les Principia Mathematica adoptent une théorie extensionnelle des relations. Dans cet ouvrage, une relation est considérée comme la classe des paires ordonnées dont se vérifie une fonction propositionnelle donnée à deux arguments. La classe des relations est définie comme la classe des entités R pour lesquelles il existe une fonction propositionnelle 﨏 telle que R est identique à la classe de paires (x , y ) pour lesquelles la proposition 﨏 (x , y )) est vraie. Sur cette base, on retrouve tous les concepts introduits (soit par voie d’axiomes, soit par voie de définitions explicites) dans les Principles .
La théorie des relations d’Alfred Tarski
Dans l’œuvre de Russell, la théorie des relations s’inscrit dans un projet général: celui du logicisme. Les Principles formulent ce projet de la manière suivante: il s’agit de démontrer «que les mathématiques pures tout entières traitent exclusivement de concepts définissables dans les termes d’un très petit nombre de concepts logiques fondamentaux et que toutes leurs propositions sont déductibles d’un très petit nombre de principes logiques fondamentaux» (Preface ). Le concept de relation est précisément l’un des «indéfinissables» de nature logique sur la base desquels le logicisme se propose de reconstruire l’ensemble des mathématiques. Les positions logicistes ont été critiquées à divers titres, tant du côté intuitionniste que du côté formaliste, mais la théorie des relations a continué à se développer indépendamment de ces controverses. Alfred Tarski, en particulier, a repris, dans un mémoire fort important de 1941, le problème d’une élaboration systématique de cette partie de la théorie des relations qu’on appelle le calcul des relations binaires (en se rattachant directement aux perspectives ouvertes par les travaux de Peirce et de Schröder). Il s’agit de l’étude formelle des propriétés des opérations que l’on peut pratiquer sur les relations binaires (c’est-à-dire sur les relations reliant deux termes).
Tarski indique deux méthodes pour élaborer un calcul des relations. La première consiste à considérer un tel calcul comme une partie d’une théorie logique plus générale, le calcul fonctionnel du premier ordre (ou logique des prédicats du premier ordre), qui admet deux catégories de variables – des variables pour individus et des variables pour prédicats – et qui n’applique les opérations de quantification qu’aux variables pour individus. On se bornera à considérer les expressions que l’on peut former à partir d’expressions élémentaires du type x Ry (x a la relation R avec y ), ne comportant que deux variables individuelles et une variable de prédicat (à deux arguments). Et on enrichira la portion de théorie ainsi considérée en lui ajoutant quatre constantes relationnelles (1, 0, 1 et 0 , désignant respectivement la relation universelle, la relation nulle, la relation d’identité et la relation de diversité), six opérations (négation, formation de la converse, somme (R ou S), produit (R et S), somme relative (relation qui existe entre x et y lorsque, quel que soit z , ou bien x Rz ou bien z Sy ), produit relatif [relation qui existe entre x et y s’il y a un z tel que x Rz et z Sy ]) et le prédicat d’identité entre relations. Des axiomes appropriés fixent le sens des termes nouveaux ainsi introduits.
La seconde méthode proposée par Tarski consiste à construire une théorie indépendante, qui ne contient que des variables pour relations, les mêmes constantes (constantes relationnelles, opérations et prédicat d’identité entre relations) que ci-dessus et les connecteurs logiques habituels à l’exception des quantificateurs. Les propositions élémentaires sont du type R = S, où R et S désignent des relations. La théorie comporte trois groupes d’axiomes. Un premier groupe fixe le sens des connecteurs logiques; on n’y trouve rien de plus que dans les diverses versions du calcul des propositions. Un second groupe fixe le sens des constantes «absolues» (1, 0, négation, somme, produit, =); il a même structure formelle que l’algèbre de Boole (on peut l’obtenir à partir de celle-ci en remplaçant les variables pour classes par des variables pour relations). Et un troisième groupe fixe le sens des concepts «relatifs» (1 , 0 , formation de la converse, somme relative, produit relatif): il exprime ce qu’il y a de spécifique au calcul des relations. Dans le cadre de cette théorie, Tarski démontre notamment le métathéorème suivant, qui a une portée très générale: «Toute proposition du calcul des relations peut être transformée en une proposition équivalente de la forme «R = S», et même de la forme «T = 1» (On the Calculus of Relations ).
Mais le calcul des relations binaires ne constitue évidemment qu’une petite partie de la théorie des relations, qui représente un champ de recherche immense. On se bornera ici à relever trois lignes de développement: la théorie des types de relation, la théorie des relations arithmétiques, la théorie des multirelations.
Les bases de la théorie des types de relation ont été établies par Tarski dans Ordinal Algebras . Il s’agit, en fait, d’une généralisation de la théorie des ordinaux. Comme on l’a vu plus haut, un nombre ordinal représente ce qui est commun à des relations de bon ordre semblables. Selon le vocabulaire de la théorie des ensembles, c’est un type de bon ordre: c’est ce qui caractérise un certain mode de bonne ordination. Les types de bon ordre ne sont qu’un cas particulier d’une catégorie plus générale: les types d’ordre (caractérisant les relations d’ordination semblables). Et ceux-ci à leur tour ne sont que des cas particuliers d’une catégorie plus générale encore: les types de relation (caractérisant des relations quelconques isomorphes entre elles). De même que l’on peut définir des opérations sur les nombres ordinaux, on peut définir des opérations sur les types de relation (en général) et en étudier les propriétés. C’est l’objet de la théorie des types de relation.
Soit R et S deux relations binaires, C1 et C2 leurs champs respectifs. On dit que ces relations sont isomorphes s’il existe une correspondance f 1-1 entre C1 et C2 telle que, si x Ry , alors f (x ) S f (y ) et réciproquement. Il résulte de cette définition que l’isomorphe entre deux relations est elle-même une relation réflexive, symétrique et transitive. Une telle relation est appelée relation d’équivalence . Elle permet d’associer à toute relation R un type de relation 精(R) et cela de telle sorte que, si R est isomorphe à S, 精(R) = 精(S) et réciproquement (deux relations isomorphes entre elles ont même type, et deux relations de même type sont nécessairement isomorphes; un type de relation caractérise ce qui est commun à une collection de relations isomorphes entre elles). Sur les types de relation, on peut définir certaines opérations binaires. En fait, la seule qui présente un intérêt mathématique est ce que Tarski appelle l’addition ordinale . Si 見 et 廓 sont des types de relation, la somme ordinale de 見 et 廓 est le type commun à toutes les relations T qui peuvent être représentées comme la somme de deux relations R et S telles que R est de type 見 et S de type 廓. Les propriétés de cette opération sont étudiées dans le cadre d’une théorie algébrique, appelée par Tarski théorie des algèbres ordinales .
Relations arithmétiques, multirelations, structure, système
La théorie de relations arithmétiques a été développée sur des bases établies par les travaux de Stephen Cole Kleene, dans le cadre de la théorie des fonctions et prédicats d’entiers. Un prédicat d’entiers à n arguments peut être considéré (extensionnellement) comme une partie de l’ensemble des n -uples d’entiers. Une fonction à n arguments peut être considérée comme une relation de type plusieurs-un entre l’ensemble des n -uples d’entiers et l’ensemble des entiers lui-même. On peut généraliser ces notions de la manière suivante: au lieu de considérer simplement des n -uples d’entiers, nous allons considérer des (m + n )-uples d’objets formés de m fonctions d’entiers à 1 argument et de n entiers; nous appellerons relation (m , n )-aire une partie de l’ensemble de ces (m + n )-uples, et nous appellerons une fonctionnelle une relation de type plusieurs-un entre l’ensemble des (m + n )-uples en question et l’ensemble des entiers, autrement dit une correspondance qui, à tout (m + n )-uple du type ci-dessus, associe un nombre entier et un seul.
Une relation P est dite arithmétique si elle peut être définie de façon explicite de la manière suivante:
où 見 désigne un (m + n )-uple (du type ci-dessus), Qx 1, Qx 2, ..., Qx n des quantificateurs universels ou existentiels et R une relation récursive (en termes intuitifs, on dira qu’une relation est récursive lorsqu’on peut déterminer, grâce à une procédure effective , si cette relation se vérifie ou ne se vérifie pas de ses arguments). On pourra caractériser une relation arithmétique selon le type de la suite formée par les quantificateurs. On dira qu’une relation est du type 0n (ou 刺0n ) si elle admet une définition du type ci-dessus, si l’on n’a pas, dans sa définition, de quantificateurs adjacents du même type et si le premier quantificateur est existentiel (ou universel). Tout prédicat arithmétique est récursif (cas où n = 0) ou du type 0n ou du type 刺0n , pour un certain n 閭 1. On obtient ainsi une classification des relations arithmétiques appelée hiérarchie arithmétique .
Une relation P est dite analytique si elle peut être définie de façon explicite sous la forme:
où 見 et 廓 désignent des (m + n )-uples (au sens ci-dessus), Q1, ..., Qk des quantificateurs portant sur les variables du (m + n )-uple 廓 (il y a donc quantification sur des variables pour fonctions). On dira qu’une relation est du type 1n (ou 刺1n ) si elle admet une définition du type ci-dessus, si le nombre des quantificateurs pour fonction est n et si le premier quantificateur est existentiel (ou universel). Toute relation analytique est arithmétique (cas où n = 0) ou du type 1n , ou du type 刺1n , pour un certain n 閭 1. On obtient ainsi une classification des relations analytiques appelée hiérarchie analytique .
Une relation est dite du type 1n si elle est à la fois du type 1n et du type 刺1n . Il apparaît que les relations arithmétiques constituent une sous-classe propre des relations 11. Pour obtenir une caractérisation de ces dernières relations, il a fallu créer le concept de relation hyperarithmétique . On obtient cette catégorie de relations en utilisant les opérations ensemblistes de complémentation et d’union. On a alors le théorème de Souslin-Kleene: Une relation est du type 11 si et seulement si elle est hyperarithmétique (cf. J. R. Schoenfield, Mathematical Logic , chap. VII).
La théorie des multirelations a été développée par Roland Fraïssé. Cette théorie considère des suites finies de relations, dont chacune peut avoir un nombre quelconque (fini) d’arguments. Elle permet donc de considérer des entités mathématiques définies simultanément par plusieurs relations, par exemple les groupes ordonnés, qui font intervenir à la fois une relation binaire (définissant l’ordre) et une relation ternaire (définissant l’opération de composition du groupe). La théorie définit une notion d’isomorphisme qui généralise la notion introduite plus haut pour les relations binaires. Cette notion se révèle d’une extrême fécondité. Elle fournit en particulier un instrument qui permet d’explorer les relations entre la théorie des relations et l’algèbre logique.
Ce qui donne à la notion de relation un rôle de premier plan dans les problèmes fondationnels, c’est qu’elle est à la base de la notion de structure. Intuitivement, on pourra dire qu’une certaine entité complexe est structurée si on peut discerner des relations caractéristiques reliant les éléments de cette entité. Ce qui est propre à l’idée de structure, c’est la forme en tant que telle. Une structure se réalise en fait à travers des relations déterminées, reliant des entités appartenant à un domaine déterminé; mais la structure comme telle est indépendante de ces relations et de ce domaine. De façon plus précise, une structure est définie par des propriétés formelles de relation, c’est-à-dire par des propriétés susceptibles de caractériser une relation en tant que telle, abstraction faite de la nature particulière des entités sur lesquelles elle opère et des aspects particuliers dont elle peut être affectée elle-même du fait qu’elle a tel ou tel domaine d’entités pour champ d’application. Ainsi, la réflexivité, la symétrie, la transitivité sont des propriétés formelles de relations.
Illustrons cela par deux exemples: l’un nous sera fourni par la conception mathématique de la structure, l’autre par le projet philosophique d’un système constructionnel.
Les Éléments de mathématique de N. Bourbaki prennent le concept de structure comme concept fondamental: ils présentent les mathématiques comme la science des structures. Ainsi, la théorie des ensembles ordonnés étudie en fait les structures d’ordre, c’est-à-dire les structures définies par une relation d’ordre. Or ce qui caractérise une relation comme relation d’ordre, ce sont certaines propriétés formelles (asymétrie et transitivité) qui sont indépendantes des ensembles particuliers que la relation ordonne et de l’espèce particulière d’ordination dont il s’agit. Ces considérations peuvent se généraliser pour des structures plus compliquées. L’une des conditions essentielles dans la définition d’une structure, c’est le caractère transportable de la relation qui la spécifie (cf. N. Bourbaki, Éléments de mathématique , Théorie des ensembles , chap. IV, paragr. 1, 3 et 4). Intuitivement, on peut exprimer cette condition en disant que cette relation doit être indépendante de son support (qui est de nature ensembliste); or ce par quoi elle a ce caractère, c’est son aspect formel.
L’idée de système constructionnel a été proposée par R. Carnap dans Der logische Aufbau der Welt (1928). Elle a été reprise depuis lors, sur d’autres bases, par N. Goodman dans The Structure of Appearance (1951). Elle consiste à élaborer une sorte de généalogie de concepts, sous la forme d’une construction partant d’un petit nombre de concepts fondamentaux et définissant à partir de là, de proche en proche, les autres concepts du système, de façon à couvrir finalement tout le champ de la connaissance rationnelle. Quoi qu’il en soit des difficultés qu’a rencontrées la mise en œuvre de cette idée et des objections qui lui ont été adressées, il est instructif de noter le rôle que Carnap entendait faire jouer à la notion de relation dans la réalisation de son projet. Selon lui, la science ne vise qu’à décrire les «propriétés structurelles» des objets. Un tel type de description se distingue aussi bien d’une description qui porterait sur les propriétés des éléments du domaine considéré que d’une description qui porterait, directement, sur les relations qui existent entre ces éléments (considérées dans leur aspect concret). Il consiste à mettre en évidence les propriétés formelles des relations qui entrent en jeu dans le domaine étudié. Selon Carnap, c’est précisément parce qu’elle porte sur ces structures que la science peut acquérir une validité intersubjective. Les expériences individuelles, dans leur contenu concret, sont incomparables. Si un accord intersubjectif est possible, ce ne peut être qu’au niveau de la description formelle des structures. C’est dire que la pensée discursive se situe au niveau des formes qui sont immanentes à l’expérience, non au niveau de l’expérience proprement dite. Bien entendu, il s’agit de dégager ces formes; c’est là précisément le but que s’assigne le programme constructiviste. Dans le système de Carnap, la relation de base qui est utilisée est la «reconnaissance de similarité» (Ähnlichkeitserinnerung ), qui est une relation asymétrique (deux expériences élémentaires x et y ont entre elles cette relation si elles sont reconnues comme partiellement semblables grâce à une comparaison de l’image mémorielle de x avec y ). Cette relation permet de définir la relation de «similarité partielle» (Teilähnlichkeit ) qui est réflexive et symétrique (deux expériences x et y sont partiellement semblables si la relation de reconnaissance de similarité vaut entre x et y ou entre y et x ). Grâce à cette relation, il sera possible de pratiquer sur les expériences élémentaires (considérées comme des unités indécomposables) une «quasi-analyse», c’est-à-dire de les partager en classes telles que deux expériences élémentaires appartenant à la même classe sont partiellement semblables entre elles et qu’aucune expérience élémentaire extérieure à une classe ne peut avoir cette relation avec toutes les expériences de la classe. Ces classes sont des «quasi-constituants» appelés «classes de qualité»; elles représentent les qualités sensibles.
La théorie des relations, en tant qu’elle étudie précisément les relations sous leur aspect formel, constitue le cadre le plus général de l’étude des structures et apparaît ainsi comme une discipline fondationnelle dont la signification stratégique est d’ordre tout à fait primordial.
relation [ r(ə)lasjɔ̃ ] n. f.
• 1284; lat. relatio « récit, narration » → relater
I ♦ Didact. Le fait de relater, de rapporter en détails; paroles par lesquelles on relate. ⇒ procès-verbal, récit. Relation orale, écrite. Relation d'un témoin. ⇒ témoignage. Faire la relation, une relation des événements. ⇒ compte rendu.
♢ (1400) Récit fait par un voyageur, un explorateur. Relation d'un voyage en Chine. — Vieilli Ouvrage de relation : récit de voyage. Terme de relation : mot indigène rapporté par un voyageur.
II ♦ (1268) Lien, rapport.
A ♦
1 ♦ Philos. Caractère de deux ou plusieurs objets de pensée en tant qu'ils sont englobés dans un même acte intellectuel. ⇒ rapport; connexion, corrélation. « L'essence des choses devant nous rester toujours ignorée, nous ne pourrons connaître que les relations de ces choses » (Cl. Bernard). Principaux types de relations. ⇒ analogie, appartenance, causalité, coexistence, correspondance, identité, inférence, opposition.
2 ♦ Cour. Caractère de deux ou plusieurs choses entre lesquelles existe un lien. ⇒ rapport; liaison. Établir une relation entre deux phénomènes. Mettre deux événements en relation. Ce que je dis n'a pas de relation avec ce qui précède (⇒ indépendant) . Je n'avais pas fait la relation. ⇒ rapprochement. Qui a une relation avec... ⇒ relatif. — Log. Relations binaires : univoque, biunivoque, inverse, réflexive, symétrique, transitive... Math. Liaison entre couples d'éléments. Relation entre deux variables (⇒ application, fonction, image) . Relation d'équivalence; relation d'ordre.
♢ Caractère de deux ou plusieurs choses dont l'existence (ou la modification) de l'une entraîne l'existence (ou la modification) de l'autre, des autres. ⇒ dépendance. Relation de cause à effet. « L'étroite relation qu'il y a toujours entre les idées de l'intelligence humaine et l'état social d'un peuple » (Fustel de Coulanges). — Géom. Relations métriques : dans un polygone, dans le triangle rectangle, rapports entre les mesures des côtés. — Les relations d'incertitude en mécanique ondulatoire.
♢ (1643) Mus. Rapport (entre sons, intervalles). Relation enharmonique.
3 ♦ Liaison entre deux points géographiques. Les relations aériennes entre Paris et l'Amérique du Sud ont doublé.
B ♦ (XVIe)
1 ♦ Lien de dépendance ou d'influence réciproque (entre des personnes). ⇒ commerce, contact, liaison, rapport. Les relations entre les hommes, les relations humaines. Relations d'amitié. « La plus banale relation renferme, à l'état de bourgeon imperceptible, une amitié complète » (Romains). — Relations amoureuses. Relations sexuelles. Absolt Rapports sexuels. Ils ont eu des relations ensemble. — Relations sociales, professionnelles, mondaines. Relations de voisinage, de vacances. — Nouer une relation, des relations avec qqn. ⇒ sympathiser. — Bonnes, cordiales relations; mauvaises relations, relations tendues (cf. Être en bons, en mauvais termes) .
♢ Au plur. Le fait de communiquer, de se fréquenter. ⇒ fréquentation. Avoir des relations suivies avec qqn. Cultiver, entretenir des relations avec un collègue. Cesser, interrompre toutes relations. Ils n'ont plus de relations. — Relations épistolaires. ⇒ correspondance. — Loc. EN RELATION(S). Être, rester en relations avec qqn. « Il l'avait mis en relations avec un quincaillier de la rue de Passy » (Romains). Être en relation d'affaires avec qqn.
2 ♦ Connaissance, fréquentation d'une personne. « La maxime qui veut que les mariages se fassent par relations garde sa valeur » (Romains ). Obtenir un emploi par relations. ⇒fam. copinage, piston. — Loc. Avoir des relations : connaître des gens influents. ⇒ accointance. Il a des relations au gouvernement, dans la police.
3 ♦ (1829) Personne avec laquelle on est en relation, on a des relations d'habitude, d'intérêt. ⇒ connaissance. Ce n'est pas un ami, seulement une relation. Une relation à cultiver. « Il donnait à dîner à quelques relations personnelles qu'il avait dans la ville » (Nizan).
4 ♦ Lien moral et variable entre groupes (peuples, nations, États). Tension, détente dans les relations internationales. — Spécialt Relations diplomatiques : rapports officiels que deux États établissent entre eux et qu'ils entretiennent par l'intermédiaire de missions permanentes. — Relations commerciales, culturelles, universitaires, entre pays. Ministère des Relations extérieures, des Affaires étrangères.
♢ (1957; d'apr. l'angl. public relations; la forme normale serait « relations avec le public ») RELATIONS PUBLIQUES : ensemble des méthodes et des techniques utilisées par des groupements (entreprises, syndicats, partis, États), et spécialt par des groupements d'intérêt, pour informer le public de leurs réalisations, promouvoir leur image de marque, susciter de la sympathie à leur égard à l'extérieur et favoriser les bonnes relations à l'intérieur. ⇒ communication.
C ♦ Sc. Tout ce qui, dans l'activité d'un être vivant, implique une interdépendance, une interaction (avec un milieu). Les relations de l'homme avec ses semblables, avec le monde, les choses. Relations des êtres vivants avec le milieu (⇒ écologie) . — Philos. La relation du sujet et de l'objet. — Physiol. Fonctions de relation, qui ont pour effet de mettre l'organisme animal en relation avec le milieu extérieur. Les fonctions de relation comprennent l'activité nerveuse (sensation, réponse musculaire, etc.), les diverses régulations.
● relation nom féminin (latin relatio) Action de rapporter en détail ce dont on a été le témoin ou dont on a eu connaissance ; récit qu'on en fait : Faire la relation des événements auxquels on a participé. Caractère, état de deux ou plusieurs choses entre lesquelles existe un rapport : Relation de cause à effet. Lien d'interdépendance, d'interaction, d'analogie, etc. : La relation de l'homme avec le milieu géographique. Liaison assurée par un moyen de transport, une voie de communication : La relation aérienne Paris - New York. Personne qu'on connaît, avec laquelle on a des rapports mondains, professionnels, etc. : Une relation d'affaires. Mathématiques Nom donné à certaines égalités. Pour deux ensembles E1 et E2, propriété sur l'ensemble produit E1 times ; E2, c'est-à-dire propriété des couples (x1, x2) où x1 ∊ E1, x2 ∊ E2. ● relation (difficultés) nom féminin (latin relatio) Orthographe On écrit plutôt au singulier : entrer, être, mettre, rester en relation ; mais au pluriel obtenir par relations (= grâce à des relations). ● relation (expressions) nom féminin (latin relatio) Être, entrer, se mettre en relation(s) avec quelqu'un, le connaître, le fréquenter ou entrer en rapport avec lui. Mettre en relation, établir un rapport entre des choses, considérer qu'elles sont liées l'une à l'autre ; faire que des personnes se rencontrent, leur servir d'intermédiaire, les présenter l'une à l'autre. Calcul des relations, partie de la théorie des relations établissant des lois formelles qui régissent les fonctions permettant de construire de nouvelles relations à partir de relations données. Théorie des relations, partie fondamentale de la logique moderne comprenant le calcul des relations ainsi que l'étude des différents types de relations et de leurs propriétés générales. Fonctions de relation, ensemble des fonctions sensorielles, nerveuses, psychiques et motrices des animaux, qui leur permettent une relation de connaissance et d'intervention dans le milieu extérieur. ● relation (homonymes) nom féminin (latin relatio) relations forme conjuguée du verbe relater ● relation (synonymes) nom féminin (latin relatio) Action de rapporter en détail ce dont on a été...
Synonymes :
- exposé
- histoire
- rapport
- récit
Caractère, état de deux ou plusieurs choses entre lesquelles existe...
Synonymes :
- corrélation
- dépendance
- liaison
- lien
Lien d'interdépendance, d'interaction, d'analogie, etc.
Synonymes :
- contact
- rapport
Personne qu'on connaît, avec laquelle on a des rapports mondains...
Synonymes :
- fréquentation
relation
n. f.
rI./r Fait de relater; narration, récit. Témoin qui fait une relation fidèle des événements.
rII./r
d1./d Rapport (entre des choses). Relation de cause à effet.
d2./d Rapport (entre des personnes). Relations amicales, amoureuses, mondaines.
d3./d Personne avec qui on est en relation. Une simple relation de travail.
|| Absol. Avoir des relations: connaître des gens influents, haut placés.
|| Loc. être, se mettre en relation(s) avec qqn.
d4./d Rapport (entre groupes organisés, pays, etc.). Relations internationales.
|| Relations publiques: ensemble des moyens mis en oeuvre par des organismes publics ou privés pour établir un climat favorable au sein de leur personnel et avec l'extérieur, afin d'informer le public de leurs activités et de favoriser leur rayonnement.
d5./d BIOL Fonctions de relation: fonctions par lesquelles est assuré le contact entre un être vivant et son milieu.
d6./d MATH Liaison déterminée entre des ensembles ou des éléments de ces ensembles. Relation d'appartenance, par laquelle un élément appartient à un ensemble. Relation binaire, qui porte sur des couples d'éléments d'un même ensemble. Relation d'équivalence.
⇒RELATION, subst. fém.
A. — [Entre deux ou plusieurs choses, deux ou plusieurs phénomènes]
1. Rapport, liaison qui existe, est conçu comme existant entre deux choses, deux grandeurs, deux phénomènes. Synon. rapport. Il y a, on peut établir une étroite relation entre ces deux faits; des relations se déduisent (de principes). Les faits de l'homme commandent les relations de la pensée avec ses objets, le développement des groupes humains commande le développement de la terre et du ciel (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 48). Il est clair que musique et architecture sont des arts (...) dans lesquels la matière et la forme ont des relations beaucoup plus intimes entre elles que dans les autres (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 83).
— La relation de (qqc.) et de (qqc.); les relations du fini et de l'infini, de l'astronomie et de la statistique. Seule, la relation du langage et du silence nous permet d'entrevoir la nature profonde de l'art (PICON, Usage lecture, t. 1, 1960, p. 216):
• 1. Les relations de la fièvre et du calme à l'intérieur de l'activité créatrice qui m'avaient induit à hasarder à propos de Keats la maxime suivante : « Le calme suprême est fils de la fièvre »...
DU BOS, Journal, 1927, p. 180.
— Locutions
♦ Être en relation(s) avec. Être en rapport avec. Il faut qu'ils [les centres supérieurs] étendent dans tous les sens leurs ramifications, de manière à être en relations avec les différentes régions de l'organisme (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 203). Le développement de l'astronomie est en étroite relation avec les progrès des mathématiques (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 157). Mettre en relation avec. Mettre en rapport avec. Un procédé nouveau de représentation fut bientôt utilisé qui mit en relation l'écriture et l'expression phonique (ALARCOS-LLORACH ds Langage, 1968, p. 527).
♦ Avoir relation à (vx). ,,Être en rapport avec`` (Ac. 1798-1878). Ce que vous dites là n'a aucune relation à la chose (...) dont il s'agit (Ac. 1798-1878). Avoir relation avec (vieilli). Avoir une ressemblance, un point commun avec. Ce que vous dites là n'a aucune relation (...) avec la chose dont il s'agit (Ac.). V. ambivalent ex. 3.
— PHILOS., usuel. La saine philosophie ne sépare donc jamais la logique d'avec la science; la méthode et la doctrine ne pouvant, en chaque cas, être bien jugées que d'après leurs vraies relations mutuelles (COMTE, Esprit posit., 1844, p. 73):
• 2. ... notre esprit s'accommode mal d'une diversité d'apparence anarchique, et il s'efforce instinctivement de trouver des relations de similitude et de causalité dans les phénomènes qu'il observe.
Aspects habitat rur. Fr., 1953, p. 11.
♦ Relation de ... à ... Relation de cause à effet; relations de contenant à contenu. La relation de l'objet à notre œil, telle qu'elle s'inscrit sur la rétine (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 322). L'étude de la musique devrait donc avant tout être celle de la relation, de la double relation de l'objet au sujet (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 171).
— Spécialement
♦ MUS. Rapport entre deux tonalités. Relations enharmoniques, harmoniques. L'étude de la mélodie nous a déjà révélé l'existence de relations d'intonation (D'INDY, Compos. mus., t. 1, 1897-1900, p. 95).
♦ BIOL. Relation nucléoplasmique. V. ce mot s.v. nuclé(o)-.
♦ ANAT., ART DENT. Situation (d'un organe par rapport à un autre), en partic., situation définie à partir des rapports entre la mandibule et le massif cranio-facial (d'apr. BAT. 1972).
♦ ENVIRONNEMENT. Relation dose-effet. Relation entre la dose de substance polluante absorbée et un effet particulier (d'apr. Nucl. 1975). On ne peut en aucune manière considérer comme clos le chapitre de l'étude des relations dose-effet (Envir. Écol. 1982).
♦ ZOOTECHNIE. Relations nutritives. ,,Pour un aliment ou une ration, rapport entre la quantité totale de matières digestibles et celle des matières énergétiques`` (Agric. 1977).
2. PHILOS., SC.
a) HIST. PHILOS.
) [Chez Aristote] L'une des dix catégories, caractère de deux ou plusieurs objets de pensée en tant qu'ils sont conçus comme étant, ou pouvant être compris dans un acte intellectuel unique, de nature déterminée, comme l'identité, la coexistence, la succession, la correspondance, la causalité, la filiation (d'apr. LAL. 1968).
) En partic. [Chez Kant] L'une des quatre catégories, comprenant les rapports de substance à accident, de cause à effet, et d'action réciproque, auxquels correspondraient les sujets catégoriques, hypothétiques et disjonctifs (d'apr. LAL. 1968).
b) LOG., PHILOS., MATH., SC.
) LOG. Rapport d'interdépendance entre deux ou plusieurs variables, défini sur la base d'un principe commun tel que toute modification de l'une d'entre elles entraîne la modification des autres (d'apr. THINÈS-LEMP. 1975). Logique de (la) relation. À côté de relations universelles comme celles d'inclusion (...), d'implication (...), de comparaison (...), de qualification (...) et de causalité (...), on trouve [dans le langage documentaire] des relations très spécifiques (COYAUD, Introd. ét. lang. docum., 1966, p. 60). Si, dans une proposition, telle que « A est fils de B », « Q est le quotient de M par N », on fait abstraction des termes considérés et qu'on n'envisage que la forme du lien qui les unit, celle-ci est appelée relation (LAL. 1968).
♦ Théorie des relations. Partie fondamentale de la logique moderne, qui comprend le calcul des relations et l'étude des divers types de relations et de leurs propriétés. (Ds GDEL).
♦ Calcul des relations. Calcul dont l'objet est d'établir les lois formelles qui régissent les fonctions permettant de construire de nouvelles relations à partir des relations données (Ds GDEL).
♦ Jugement de relation. Jugement, proposition, tel que A est plus grand que B, A est le fils de B, dans lequel est seule envisagée la relation qui unit les termes, abstraction faite des termes eux-mêmes (d'apr. MORF. Philos. 1980, s.v. relation).
♦ Proposition de relation. Synon. de jugement de relation (ibid.).
♦ Relation binaire. Relation qui unit deux termes, comme fils de dans A est fils de B (d'apr. LAL. 1968).
♦ Relation ternaire. Relation qui unit trois termes comme quotient... de... par... dans Q est le quotient de M par N (d'apr. LAL. 1968).
♦ Relation combinatoire. ,,Relation entre deux propositions P et Q telle que P n'implique pas Q et Q n'implique pas P`` (PHÉL. Ling. 1976).
♦ Relation de dépendance. ,,Relation entre deux propositions P et Q telle que P implique Q et Q n'implique pas P`` (PHÉL. Ling. 1976).
♦ Relation de solidarité. ,,Relation entre deux propositions P et Q telle que P implique Q et Q implique P`` (PHÉL. Ling. 1976).
) MATH. Liaison entre des paires d'éléments. Relation linéaire, vectorielle. Les mathématiques étudient des relations entre objets (parallélisme, appartenance, ordres, équivalences, fonctions, etc.). La notion de relation est donc une notion de base des mathématiques (BOUVIER-GEORGE Math. 1979).
— P. méton. Formule, fonction, équation exprimant la liaison (égalité, différence, équivalence) de deux ou plusieurs variables. Relation algébrique, analytique, numérique; relation symétrique, asymétrique; relation réflexive, transitive; relation d'équivalence. Je n'ai guère parlé que de l'espace, et surtout de l'espace quantitatif, pour ainsi dire, c'est-à-dire des relations mathématiques dont l'ensemble constitue la géométrie (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 6). Considérons un triangle quelconque. Nous nous proposons de trouver des relations trigonométriques entre ses éléments, c'est-à-dire des relations entre ses côtés et ses angles (ROUX, MIELLOU, Géom., 1946, p. 226).
— Relation métrique. V. métrique2. Relation d'ordre. V. ce mot I B 1 b math.
) PHYS. Relation + subst. (+ tiret) + subst. Relation masse-luminosité. Relation période luminosité (SCHATZMAN, Astrophys., 1963, p. 87). On est conduit à interpréter l'effet Hubble par une relation vitesse-distance (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 173). Relation parcours-énergie. ,,Relation mathématique liant le parcours d'une particule et son énergie`` (Nucl. 1975).
— Relations d'incertitude. Relations fondamentales de la mécanique quantique, dues à W. Heisenberg, d'après lesquelles, notamment, l'incertitude relative à la position d'un corpuscule est inversement proportionnelle à l'incertitude relative à sa quantité de mouvement au même instant. Relations d'incertitude entre deux grandeurs canoniquement conjuguées (L. DE BROGLIE, Bases interprét. mécan. ondul., 1963, p. 58).
— Relation de + n. de physicien. Électrons dont l'énergie cinétique satisfait à la relation de Planck (M. DE BROGLIE, Rayons X, 1922, p. 37). Il résulte de ce fait et comme conséquence des relations de Maxwell, que le champ électrique n'est plus dans le plan de l'onde alors que l'induction s'y trouve (PRAT, Opt., 1962, p. 125).
♦ Relation d'Einstein ou relation masse-énergie. La présence du carré de (...) [la] vitesse [de la lumière] dans la relation d'Einstein donnant l'équivalence masse-énergie (PRAT, Opt., 1962, p. 15). V. masse1 II B ex. de Joliot, Curie.
c) GRAMM., LING. ,,Rapport existant entre deux termes au moins, ces termes pouvant être des phonèmes, des morphèmes ou des phrases`` (Ling. 1972). Relations grammaticales, syntaxiques; relation de synonymie, d'antonymie, d'hyponymie, d'hyperonymie; relations syntagmatiques, paradigmatiques. Les deux axes fondamentaux du langage (...) sont définis par le type de relation qui les caractérise: la relation « ou...ou » (appelée opposition, ou corrélation par L. Hjelmslev, ou sélection par R. Jakobson) pour le paradigmatique; et la relation « et...et » (dite combinaison, ou relation au sens strict par Hjelmslev, ou contraste par A. Martinet) pour le syntagmatique (GREIMAS-COURTÉS 1979).
— Relation avec..., relation de... à..., relation entre... et... Par cela même que ces mots [oui, non] forment une proposition toute entière, ils sont nécessairement isolés dans le discours; ils n'ont de relation directe avec aucun autre mot (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 75). Le signe (consistant dans la place des mots) de la relation entre verbe transitif et complément d'objet (« cuire la pâte, labourer la terre », etc.) (BALLY, Lang. et vie, 1952, p. 81). La relation du mot au signifié s'estompe, le signe linguistique cesse d'être symbole pour devenir chose et l'acte de langage perd sa signification essentielle (Traité sociol., 1968, p. 263).
♦ En relation avec... Il reste encore difficile de distinguer ce qui appartient au signifiant, au signifié en relation avec son signifiant ou au seul signifié (GUIRAUD ds Langage, 1968, p. 449).
— En partic. ,,Rapport d'une proposition dite relative à une proposition dite principale`` (MAR. Lex. 1951).
— De relation. Qui marque un lien, une relation avec, ou qui est relatif à (d'apr. MOUNIN 1974). Accusatif de relation. V. accusatif I ex. 5. Adjectif de relation. Adjectif dérivé d'un nom et qui exprime l'existence d'un rapport entre le nom auquel l'adjectif est joint et le nom dont l'adjectif est dérivé, comme les problèmes sucriers, les élections présidentielles (d'apr. Ling. 1972, s.v. relationnel). Synon. adjectif relationnel. Adverbe de relation. Adverbe relatif au temps, au lieu, ou à la quantité (d'apr. MOUNIN 1974).
B. — [Entre deux ou plusieurs personnes]
1. Gén. au plur.
a) Rapport qui lie des personnes entre elles, en partic., lien de dépendance, d'interdépendance ou d'influence réciproque. Synon. commerce, communication, liaison, lien, rapport. Relations affectives, chaleureuses, cordiales; relations épisodiques, espacées, étroites, intermittentes, permanentes, suivies; relations professionnelles; relations superficielles, tendues; bonnes, mauvaises relations; amorcer, briser, entretenir, interrompre, rompre des, ses relations (avec qqn); cesser toute relation (avec qqn). Le monde est ainsi organisé, qu'un dîner en ville coûte au bas mot dix francs à un homme bien élevé, et tout en proportion. Il n'y a point de relations gratuites (GONCOURT, Journal, 1860, p. 852). Ne perdez pas votre temps [artistes] à nouer des relations mondaines ou politiques (RODIN, Art, 1924 [1917], préf., p. XVI). V. excellent I A 1 g ex. de Romains et jusque(s) I A 2 c ex. de Ambrière.
— Avoir des relations (de tel type) (avec qqn). Type épatant, a toujours eu les meilleures relations avec les officiers de pont. Vous vous entendrez bien avec lui (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 21).
— Au sing. Ce jour-là, je chassais aux environs du village qu'il habite. Je m'y trouvais arrivé de la veille et sans aucune autre relation que l'amitié de mon hôte (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 5).
— En partic. Relations épistolaires. Communication, contact par écrit. Le trafic des marchandises et le mouvement des voyageurs ont été considérablement facilités, de nos jours, par la commodité des relations épistolaires (ALBITRECCIA, Gds moyens transp., 1931, p. 147).
— Loc. En relation(s)
♦ Entrer, rester en relation(s) avec qqn; mettre des personnes en relation; se mettre en relation avec qqn. Je souhaiterais beaucoup par Jean Baruzi entrer en relation avec [Loisy] (DU BOS, Journal, 1927, p. 184). La formation du jury que j'avais institué (...) m'avait permis d'entrer en relations avec un éminent mathématicien-philosophe (GIDE, Robert, 1930, p. 1334).
♦ Être en relation(s) (de tel type) (avec qqn). Goethe (...) a été en relations personnelles avec la plupart des physiciens et des naturalistes de son temps, et il a partagé beaucoup de leurs vues essentielles (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 59). Monseigneur était en relations suivies avec lui (BILLY, Introïbo, 1939, p. 176).
— Relation + compl. prép. précisant la nature ou l'orig. de la relation. Relations de travail, de vacances; relations d'amitié, d'amour, de tendresse. Il faudrait décomposer la gauche actuelle en deux parties, et tracer entre elles une ligne de démarcation qui empêche désormais la confusion, sans exclure les bonnes relations de voisinage et les coopérations momentanées (GAMBETTA, 1869 ds Fondateurs 3e Républ., p. 72). J'ai coupé toute relation de subordination entre nos troupes et le commandement britannique (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 448).
— P. méton. Personne (influente) que l'on connaît, avec laquelle on entretient des relations (mondaines, professionnelles). Inviter une relation de travail, de vacances; avoir, entretenir, utiliser des relations; bien choisir ses relations. Nicolas avait appris à connaître tous les habitués de la maison, discernant à merveille les vrais amis des relations banales (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 176). Assez gênés l'un et l'autre, mon interlocuteur s'étant aperçu qu'il n'appartenait pas à mon genre de relations (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 226).
♦ Par relations. Mariage par relations. C'est par relations que ça s'est passé. Ça s'est organisé comme ça, dans des conversations (...). Je suis ce que l'on appelle un fils de famille (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 2e tabl., p. 66).
b) Au plur. Rapports (généralement amoureux, sexuels). Relations entre hommes et femmes; relations conjugales, homosexuelles; relations amoureuses, charnelles, physiques, sentimentales, sexuelles; relations adultères, illégitimes. Pour passer des soirées agréables avec ces gens, il fallait (...) soit entretenir des relations intimes avec l'un ou l'autre des conjoints (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 152).
♦ Absol. L'après-midi baisers un peu, moi restant sage, — et hier au soir, relations (LÉAUTAUD, Journal littér., 1, 1903, p. 62).
2. Spécialement
a) PHILOS., PSYCHOL., SOCIOL., usuel. Rapport, lien impliquant une interdépendance, une interaction avec un milieu. Relations de l'homme avec ses semblables; la relation du sujet et de l'objet; relations inter-humaines, inter-individuelles. V. autoécologie s.v. auto- ex. de Hist. gén. sc.
— Relation + compl. prép. précisant les éléments entre lesquels il y a relation.
♦ Relation de... à ..., relation de... avec..., relation entre... et ... Il n'y a rien de plus complexe pour les hommes que les relations avec les hommes (JANET, Obsess. et psychast., t. 1, 1903, p. 347). Relations entre le patient et le médecin (FREUD, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p. 476). La relation de père à fils renvoie à tout un système de rapports intersubjectifs (Philos., Relig., 1957, p. 38-5). La relation de l'individu avec les autres (...) apparue comme la péripétie fondamentale dans l'étude de l'homme (Traité sociol., 1968, p. 348).
[Dans le cadre de l'action éducative, pédag.] ,,Lien de dépendance ou d'influence réciproque entre parents et enfant; maître et élève, groupe et individu`` (LEIF 1974). Changements dans la relation entre professeurs et étudiants (ANTOINE, PASSERON, Réforme Univ., 1966, p. 211). P. ell. de la prép. La relation père-fils, c'est-à-dire celle même qui définit le rapport stable entre les classes d'âge consécutives (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p. 263). Relations maître-élève. ,,Relations pédagogiques qui lient le maître à l'élève au cours de la situation éducative`` (Éduc. 1979). Instaurer un système de relations maître-élèves très différent (B. SCHWARTZ, Réflex. prospectives, 1969, p. 5).
b) MÉD., PSYCHOL., PSYCH. Lien qui unit le malade au monde qui l'entoure. Relation(s) médecin-malade. La thérapie par le milieu vise à offrir au malade des modes de relation assez différents de ceux qu'il rencontre dans son milieu habituel (BLEAND. 1976).
— Relations interpersonnelles. ,,Commun dénominateur des problèmes d'adaptation tels qu'ils se posent dans le mariage, l'expérience familiale et le travail`` (BLEAND. 1976). L'analyse et la présentation systématique de l'influence sur le traitement des (...) heures pendant lesquelles le malade n'est pas avec son psychothérapeute, et, d'une manière plus générale, de toutes les relations interpersonnelles (BLEAND. 1976).
— Relation d'objet. V. ce mot II B 2 a ex. 8.
— Délire de relation. ,,Système délirant basé sur le caractère sensitif de la personnalité et selon lequel les faits les plus hétérogènes sont rapportés au moi`` (PIÉRON 1973). Synon. délire d'interprétation, délire de signification.
c) MÉD., PHYSIOL. Fonction de relation. Fonction qui établit des liaisons entre l'organisme et le milieu ambiant (d'apr. Lar. Méd. t. 3 1972). Synon. fonctions animales (Lar. Méd. t. 3 1972). Les fonctions de relation ou en général toutes celles qui appartiennent à la vie animale (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 206).
♦ Vie de relation. ,,Ensemble des fonctions de relation`` (Méd. Biol. t. 3 1972, s.v. vie animale). La vie de l'homme se compose de deux vies: la vie organique et la vie de relation (...). Le cerveau est la source de la vie de relation, ainsi nommée parce qu'elle nous met en relation avec le reste de l'univers (STENDHAL, Hist. peint. Ital., t. 2, 1817, p. 41).
d) SOCIOL., PSYCHOL. SOC. Vie de relation(s). Mode de vie tourné vers les relations avec l'extérieur. Les anciens (...) sur cette vie de relation de l'homme avec ses semblables, n'avaient pas d'autre idée que celle que présente le mot de société (P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 152). Une vie de relation ardente et animée (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 125).
e) LING. Langue de relation. ,,Langue commune au moyen de laquelle des gens de parlers différents communiquent entre eux: le swahili de brousse`` (MOUNIN 1974). Synon. langue véhiculaire.
3. Au plur. Liens entre groupes, peuples, nations, états. Relations commerciales, économiques, intercommunales, juridiques, militaires, politiques, professionnelles, sociales; le développement des relations internationales. Le type des relations sociales serait la relation économique, débarrassée de toute réglementation et telle qu'elle résulte de l'initiative entièrement libre des parties (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 180). Les relations culturelles et universitaires entre la France et l'étranger (Encyclop. éduc., 1960, p. 35).
— Relations diplomatiques. ,,Rapports officiels que deux États établissent entre eux et qu'ils entretiennent par l'intermédiaire de missions permanentes`` (Jur. 1981). P. méton. Service officiel, ministère qui correspond à ces relations. Chacun des trois gouvernements examinera séparément, dans un proche avenir, le rétablissement de relations diplomatiques avec les quatre pays susmentionnés (Charte Nations Unies, 1946, p. 159). Le Mexique fut le premier à nationaliser les sociétés anglo-américaines en 1938 malgré le blocus décidé aussitôt par celles-ci et la rupture des relations diplomatiques de la part de la Grande-Bretagne (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1966, p. 522).
— Relations extérieures. V. extérieur I B 3 écon., pol.
— ÉCON. Relations monétaires internationales (Fin. 1976).
— SOCIOL., SOCIOL. DU TRAVAIL
♦ Relations humaines. ,,Ensemble des relations qu'ont entre eux, à l'occasion de leur travail, les membres d'une entreprise`` (TEZ. 1968). La méthode des relations humaines a été l'objet de sévères critiques tant de la part de certains psychologues ou sociologues que de la part des syndicalistes (BRANC. Écon. 1978). Une direction des relations humaines pourra comprendre un département des relations sociales et un département des relations extérieures (Univers écon. et soc., 1960, p. 42-16). V. modifier B 1 b ex. de L. Cros.
♦ Relations industrielles. Ensemble des relations entre employeurs et employés, des facteurs d'influence capables de créer un climat de collaboration (d'apr. GRAW. 1981).
♦ Relations publiques. ,,Rapports qu'un groupe, une entité sociale doivent avoir avec leur public pour réaliser les buts à caractère social qu'ils se proposent`` (BIROU 1966). Service des relations publiques, de la presse et de la documentation (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 27).
♦ Relations sociales. ,,Rapports entre personnes ou entre groupes sociaux`` (BIROU 1966). En partic. [Dans le cadre d'une entreprise] ,,Organisation tendant à prévenir les mouvements d'hostilité entre les divers groupes qui collaborent et même à créer un climat de compréhension et de sympathie`` (FOULQ. Sc. soc. 1978).
C. — Action de relater, rapporter, de faire connaître ce dont on a eu connaissance, dont on a été le témoin; p. méton., ce rapport. Synon. compte rendu, rapport, récit, témoignage. Relation écrite, manuscrite, orale, quotidienne, régulière; relation fantaisiste, fidèle, mensongère; relation des événements, d'un fait historique; écrire, faire une relation. Je résolus d'écrire à Cropette, en lui faisant une relation enthousiaste de notre voyage (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 157):
• 3. Ainsi parla M. Robert Darzac, et ceci n'est point une relation approximative de son récit. Nous avions jugé (...) cette narration si importante que nous fûmes d'accord (...) pour la retracer aussi fidèlement que possible.
G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 32.
— En partic. Récit fait par un voyageur, un explorateur. Il y a maintenant plus de voyageurs et de relations de voyage que de place dans les journaux pour publier ces récits (Civilis. écr., 1939, p. 42-10).
— Loc. vieillie. Ouvrage de relation. Récit décrivant un voyage, les circonstances d'un voyage. (Ds ROB. 1985).
— LING. Terme de relation (Ac. 1878). Mot d'une langue étrangère repris dans un écrit par un voyageur. Synon. pérégrinisme.
REM. 1. Relationné, -ée, adj. Qui a beaucoup de relations. Ce n'est pas le plus spirituel, le plus instruit, le mieux relationné des hommes, mais celui qui sait devenir miroir et peut refléter ainsi sa vie, fût-elle médiocre, qui devient un Bergotte (PROUST, Temps retr., 1922, p. 722). 2. Relationner, verbe trans. Établir une relation entre, avec deux ou plusieurs éléments, mettre des personnes en relation. Non plus la fausse relation, mais la fausse situation. La fausse relation relationnait deux consciences inconscientes l'une de l'autre (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 167). Empl. abs. [Dans des petites annonces] Entrer en relation (avec quelqu'un). Voulez-vous relationner? Droit d'entrée gratuit (Le Nouvel Observateur, 2 févr. 1976, p. 74, col. 1).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1220 faire relatïon « rapporter, relater » (GAUTIER DE COINCI, Mir., éd. V. F. Koenig, I Mir 44, 615); b) 1284 jur. « rapport, témoignage » (Chart. ds Mém. et doc. inéd. relat. à l'Hist. de la Fr.-Comté, VII, 545 ds GDF. Compl.); c) 1602 en partic. « narration, faite par un voyageur, d'une expédition lointaine » (L. FROES, Relations des Pères Loys Froes et Nicolas Pimenta, cité ds ARVEILLER, Bbg. n ° 223); d'où 1690 terme de relation (FUR.); 2. ca 1265 « lien, rapport » (BRUNET LATIN, Tresor, II, 44, éd. F. J. Carmody, p. 212); 3. a) 1657 « lien entre des personnes » (PASCAL, Provinciales, XVII, éd. R. Lafuma, p. 455); b) 1694 avoir relation avec qqn (Ac.); c) 1721 avoir des relations (MONTESQUIEU, Lettres persanes, t. 2, p. 76); d) 1755 relations sociales (ROUSSEAU, Discours sur l'inégalité, p. 184); e) 1813 plur. « personnes de connaissance » (JOUY, Hermite, t. 4, p. 119); 4. 1634 mus. relations, fausses relations (MERSENNE, Questions harmoniques, p. 18 et préf., p. 11); 5. a) 1765 (Encyclop. t. 14: Relation en Géométrie ou Arithmétique, est l'habitude ou le rapport de deux quantités l'une à l'autre en raison de leur grandeur); b) 1889 relations algébriques (BERGSON, Essai donn. imm., p. 159); 6. 1814 vie de relation (MAINE DE BIRAN, Journal, p. 25). Empr. au lat. relatio « action de rapporter un fait, un témoignage » (en partic. dans le domaine jur.) et « lien, rapport ». Fréq. abs. littér.:5 835. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 7 415, b) 5 398; XXe s.: a) 6 877, b) 11 461. Bbg. QUEM. DDL t. 11, 22, 31.
relation [ʀ(ə)lɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1268, au sens II.; lat. relatio « récit, narration ». → Relater.
❖
———
I Didact. (d'abord en dr.). Le fait de relater, de rapporter en détails; paroles par lesquelles on relate. ⇒ Compte (rendu), histoire, narration, procès-verbal, rapport, récit. || Relation orale, écrite. || Relation régulière, quotidienne. ⇒ Journal, mémoire. || Relation d'un témoin. ⇒ Témoignage. || Faire la relation, une relation de… (→ Intention, cit. 11). || Ample relation (→ Informer, cit. 12), relation en détail (cit. 16).
♦ (1400). Récit fait par un voyageur, un explorateur… (→ Inonder, cit. 11). — ☑ Loc. (Vieilli). Ouvrage de relation : récit décrivant les circonstances d'un voyage dans des contrées peu connues. ☑ Terme de relation : mot observé dans une langue étrangère, au cours d'un voyage, et rapporté par un voyageur.
1 L'orthographe propre des sites écossais, qui doit être inviolable dans un ouvrage de relation, me paraissant fort indifférente dans un ouvrage d'imagination qui n'est pas plus destiné à fournir des autorités en cosmographie qu'en littérature, je me suis permis de l'altérer en quelques endroits (…)
Charles Nodier, Contes, « Trilby », Préface.
———
II (Lat. philos. relatio).
1 Philos., log. Ce qui caractérise deux ou plusieurs objets de pensée, lorsqu'ils sont, peuvent être ou doivent être englobés dans un acte intellectuel unique de nature déterminée, et dans la mesure où ils le sont. ⇒ Jugement. REM. Dans leur emploi le plus général, rapport et relation ne se distinguent que par les usages, le second étant plutôt du langage didactique, et impliquant la possibilité d'une mise en forme (relations logiques). — ⇒ Rapport; connexion, corrélation, liaison, lien (logique). || Qui a une relation avec… ⇒ Relatif. || Établissement d'une relation par l'esprit. ⇒ Comparaison, rapprochement; rapporter. || L'essence (cit. 4) des choses et leurs relations. || Relations intelligibles entre une pluralité de termes (ensemble, série…). ⇒ Ordre, organisation, structure. || Principaux types de relations. ⇒ Analogie, appartenance, causalité; et aussi coexistence, correspondance, dépendance, fonction, harmonie, identité, rapport. || Relation causale, relation de cause à effet (→ Déterminisme, cit. 4). — Les mathématiques (cit. 7) étudient des relations (→ aussi 2. Ensemble, cit. 18). — Hist. de la philos. || La relation est l'une des dix catégories d'Aristote.
2 Sur toute chose, autant nous savons de ses relations, soit de celles qui déterminent sa constitution interne, soit de celles qui la lient à d'autres choses, autant nous savons de son existence; et il semble que, tous rapports ôtés, de même qu'il ne resterait rien de la relation, il ne resterait rien de l'existence…
Renouvier, Dilemmes de la métaphysique pure, Introd., V.
2 a Log. Lien existant entre plusieurs termes d'une expression (proposition ou fonction propositionnelle). || Relations binaires (relation univoque, biunivoque; relation inverse, converse, relation « produit »), ternaires, etc. — Math. Liaison entre couples d'éléments. || Relation entre deux variables. || Relation d'un ensemble vers un autre ensemble. ⇒ Application, correspondance, fonction (cit. 17). || Relations binaires dans un ensemble : relation réflexive, symétrique, transitive; relation antiréflexive, antisymétrique, asymétrique. || Relation d'équivalence, relation d'ordre.
b Sc., log. Caractère de deux objets qui sont tels qu'une modification de l'un entraîne une modification de l'autre. ⇒ Dépendance. || Sans relation avec… ⇒ Indépendant. — Géom. || Relations métriques : dans un polygone, dans le triangle rectangle, Rapports entre les mesures des côtés. — Les relations d'incertitude (cit. 6), en mécanique ondulatoire.
c Cour. || Il y a une étroite relation entre ces deux faits, entre ceci et cela. ⇒ Connexité (→ Exemple, cit. 33). || Faire la relation avec…, entre… — REM. On emploie plus souvent rapport.
3 Philos. a Chez Kant, L'une des quatre catégories, comprenant le rapport de substance à accident (jugement catégorique), de cause à effet (jugement hypothétique), et d'action réciproque (jugement disjonctif).
b Caractère de deux objets de pensée, tel que le fait de poser le premier implique la pensée du second, mais en exclut l'affirmation (thèse, antithèse; posé, opposé). Cf. Hamelin (in Lalande).
4 Log. class. Lien qui unit les termes des propositions où le prédicat n'est pas pensé comme une manière d'être du sujet (opposé à jugement, proposition d'inhérence; ⇒ Inhérent); énoncé de ce lien.
5 Gramm. Rapport, lien entre deux éléments de langage, et, spécialt, entre une proposition dite relative et une principale.
♦ Mise en rapport des unités dans le discours, créant une syntagmatique. || Les éléments de relation. ⇒ Grammatical, syntaxique.
6 Vieilli ou littér. (On emploie plutôt rapport). Ressemblance ou rapport de convenance ⇒ Accord. || Avoir une relation avec… (→ Avoir qqch. en commun). || Il y a peu de relation de nos actions avec les lois fixes et immobiles (cit. 15).
3 Maints auteurs écrivent aujourd'hui d'assez bons livres, qui pourraient aussi bien en écrire d'autres tout aussi bons. Je ne sens point entre eux et leur œuvre de relation secrète (…)
Gide, Journal, 31 déc. 1929.
4 Relation (…) Rapport qu'ont entre eux les deux sons qui forment un intervalle, considéré par le genre de cet intervalle. La relation est juste quand l'intervalle est juste, majeur ou mineur; elle est fausse quand il est superflu ou diminué.
Rousseau, Dict. de musique, Relation.
♦ Par ext. Rapport entre deux tonalités relatives.
8 Zootechn. || Relation nutritive : rapport entre les matières azotées et non azotées, dans une ration alimentaire.
———
III (XVIe).
1 Activité ou situation dans laquelle plusieurs personnes sont susceptibles d'agir mutuellement les unes sur les autres; lien de dépendance ou d'influence réciproque. ⇒ Commerce, communication, contact, correspondance (vx), liaison, rapport (cit. 21); attache, lien. || Les relations entre les hommes, les relations humaines (→ Grandeur, cit. 30), sociales (→ aussi Artificiel, cit. 5). ⇒ Société; solidarité… — Relations d'amitié, de sentiment. || « Ces douces relations de vie et de cœur » (→ Cimenter, cit. 5, Lamartine). || Relations superficielles (→ Homme, cit. 47), professionnelles, mondaines (cit. 4). || Relations de voisinage (→ Fréquent, cit. 2), de vacances. — Nouer une relation, des relations avec qqn. ⇒ Accointance, connaissance. || Briser des relations. ⇒ Rompre; rupture, séparation. — Bonnes, cordiales relations; mauvaises relations, relations tendues. ⇒ Terme (être en bons, en mauvais termes); cf. Être bien, au mieux…; mal… avec quelqu'un.
5 (…) si nous restons ensemble dans les relations de père à fille, vous aurez un plaisir faible, mais durable (…)
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 824.
6 (…) il y a chez l'homme moyen plus de ressources que nous ne pensons. La plus banale relation renferme, à l'état de bourgeon imperceptible, une amitié complète.
J. Romains, Quand le navire…, I.
7 L'Histoire détermine le contenu des relations humaines dans sa totalité et ces relations — quelles qu'elles soient, si intimes ou si brèves qu'elles puissent être — renvoient à tout. Mais ce n'est pas elle qui fait qu'il y ait des relations humaines en général (…) si la constitution d'un groupe ou d'une société (…) doit être possible, c'est que la relation humaine (quel qu'en soit le contenu) est une réalité de fait permanente (…)
Sartre, Critique de la raison dialectique, p. 179.
♦ (1857). Sociol. || Vie de relation.
7.1 Nous sommes encore en pleine survivance et l'ouvrier des villes sort encore de son itinéraire vital pour assister à un match, pêcher à la ligne, voir un défilé; il possède encore une vie de relation, restreinte, mais qui peut aller jusqu'à participer à l'activité d'une société, pourtant de plus en plus ses activités de relation directe, hors du circuit vital, sont localisées dans l'adolescence et la période préconjugale, où la participation directe est nécessaire à la survie collective.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. II, p. 200-201.
♦ (Plur.). || Les relations : les modalités pratiques, concrètes par lesquelles deux ou plusieurs personnes communiquent ou se fréquentent. ⇒ Fréquentation; frayer (avec qqn). || Avoir des relations suivies, espacées…, de loin en loin (→ Connaissance, cit. 32). || Cesser, interrompre ses relations (→ Perdre de vue). || Ils n'ont plus de relations. — Relations épistolaires. ⇒ Correspondance; correspondre.
8 Je t'engage toujours à fréquenter Alfred; les relations que tu auras avec lui te seront agréables et utiles (…)
Flaubert, Correspondance, 25, 19 nov. 1838.
♦ Absolt. Le fait de connaître, de fréquenter des gens influents. || Avoir des relations (→ Fortune, cit. 37), de nombreuses relations. || Cultiver, utiliser ses relations. || Obtenir un emploi par relations. ⇒ 1. Piston.
9 La maxime qui veut que les mariages se fassent par relations garde sa valeur. L'idée de « relations » s'est seulement étendue et assouplie pour chacun, à mesure que sa famille accédait à des nouvelles couches sociales, ou que la Société même admettait dans son sein des rapports plus variés, un jeu plus libre (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XII, IV, p. 56.
♦ ☑ Loc. En relation ou en relations. || Être, se mettre en relation avec qqn. ⇒ Accointer (s'), rapprocher (se), voir… || Rester en relation (→ Patron, cit. 15).
10 Il l'avait mis en relations avec un quincaillier de la rue de Passy, qui acceptait de participer à l'affaire pour deux cent mille francs.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XVIII, p. 130.
♦ Spécialt. || Relations amoureuses. ⇒ Amour, flirt, intrigue, liaison… — Spécialt. || Relations charnelles, sexuelles… ⇒ Commerce, rapport, union (→ Préventif, cit. 2). || Relations homosexuelles. — (1875). Absolt. Rapports sexuels. || Vaginisme entraînant des relations douloureuses. || Ils ont eu des relations ensemble.
2 (1829). Personne avec laquelle on est en relation, on a des relations d'habitude, d'intérêt (professionnelles, mondaines, etc.). ⇒ Connaissance(s); → Conduire, cit. 3. || Ce n'est pas un ami, seulement une relation. || Il a rencontré une ancienne relation.
11 Le mercredi soir, le préfet Cattan recevait. Il donnait à dîner à quelques relations personnelles qu'il avait dans la ville.
P. Nizan, le Cheval de Troie, I, V.
3 (XVIIIe). Lien entre groupes (peuples, nations, États). → 3. Droit, cit. 62 et 67; 1. peuple, cit. 15. || Bonnes, mauvaises relations entre deux communautés. || Tension, détente dans les relations internationales. || Relations commerciales. — Spécialt. || Relations diplomatiques. || Rupture des relations diplomatiques. — Relations culturelles, universitaires, entre pays. — Ministère des Relations extérieures, remplaçant le ministère des Affaires étrangères en 1981.
12 La guerre n'est donc point une relation d'homme à homme, mais une relation d'État à État, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu'accidentellement (…)
Rousseau, Du contrat social, I, IV (1762).
13 (…) l'ambassadeur autrichien à Belgrade, aurait d'ores et déjà reçu, en même temps que l'ordre de remettre la note, l'instruction formelle de rompre les relations diplomatiques et de quitter immédiatement la Serbie, au cas probable où, le lendemain, samedi, à six heures du soir, le gouvernement serbe n'aurait pas accepté, sans discussion, les exigences autrichiennes.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 101.
4 (1957; d'après l'angl. public relations, la forme normale serait « relations avec le public ».) || Relations publiques : ensemble des méthodes et des techniques utilisées par des groupements (entreprises, syndicats, partis, États…), et, spécialt, par des groupements d'intérêt, pour « créer un climat de confiance dans leur personnel (…) et dans le public, en vue de soutenir leur activité et d'en favoriser le développement » (C. Salleron). — REM. On emploie aussi abusivement, dans la langue du commerce, la forme anglaise public-relations.
5 Sc., philos. Ce qui, dans l'activité d'un être vivant (et surtout d'un être conscient), implique une interdépendance, une interaction avec un milieu. || Les relations de l'homme avec ses semblables, avec le monde, les choses… (→ Musée, cit. 5). — Philos. || La relation du sujet et de l'objet. — Absolt. || « Le pour-soi est fondement (…) de toute relation, il est la relation » (Sartre, l'Être et le Néant, p. 429).
♦ Physiol. || Fonctions de relation (→ Homme, cit. 86), qui ont pour effet de mettre l'organisme animal en relation avec le milieu extérieur ou intérieur. || Les fonctions de relation comprennent l'activité nerveuse (sensation, réponse musculaire, etc.), les diverses régulations…
14 (…) la vie de relation, terme si sagement employé par les physiologistes, pour exprimer les sensations purement animales (…)
Maine de Biran, Du physique et du moral de l'homme, II, I.
♦ Psychan. || Relation d'objet : rapport du sujet avec les éléments du monde extérieur qu'il appréhende de façon plus ou moins fantasmatique. || Relation d'objet orale, génitale. || Relation d'objet paranoïde.
❖
DÉR. 2. Relateur, relationné, relationnel.
Encyclopédie Universelle. 2012.