SOCIÉTÉ
Les hommes vivent en société. Or, lorsqu’il s’agit de le définir, cet espace familier, dans lequel s’inscrivent toutes leurs pratiques – individuelles ou collectives –, et toutes leurs représentations, révèle une opacité inattendue.
L’analyse sociologique construit des niveaux de réalité sociale, des systèmes de relations: ordre du politique, de l’économique, du religieux ou, plus généralement, du culturel. Se voulant plus proche des faits, elle étudie, d’autre part, les groupes et les groupements (familles, clans, classes, ethnies, etc.), êtres collectifs qui ont les apparences, la cohésion et les contraintes de sous-sociétés dans la société, et qui posent, à leur échelle, le mystère du serment qui les constitue et les unifie. Mais réseaux de relations, niveaux structurés, groupes, tous ces objets sociologiques s’inscrivent dans une totalité particulière – la société globale –, unité concrète que les sujets découvrent dans l’intensité même des relations qui les unissent et les opposent à ceux qu’elles ne rassemblent pas, ordre ultime du sens, qui donne à chacun l’identité de son appartenance à l’un.
Doit-on chercher du côté du sujet la raison et le moyen de cette unité? Il apparaît bien que, dans leur multiplicité, les conduites, les pratiques sociales, les appartenances à divers groupements – famille, classe, ethnie –, sont en quelque sorte nouées dans et par l’agent social qui «traverse» les différentes couches et régions du social sans pouvoir être assigné exclusivement à l’une d’elles.
On ne saurait cependant réduire la société à n’être que le lieu où s’entrecroisent les volontés et les pratiques de sujets définis en dehors d’elle.
1. La société comme totalité
Le mystère que représente l’unité du social a été exposé par Cornélius Castoriadis dans L’Institution imaginaire de la société . «Qu’est-ce qui fait, se demande-t-il, que la société «tient ensemble», que les règles (juridiques ou morales) qui ordonnent le comportement des adultes sont cohérentes avec les motivations de ceux-ci, qu’elles sont non seulement compatibles, mais profondément et mystérieusement apparentées au mode de travail et de production, que tout cela à son tour correspond à la structure familiale, au mode d’allaitement, de sevrage, d’éducation des enfants, qu’il y a une structure finalement définie de la personnalité humaine dans cette culture, que cette culture comporte ses névroses et pas d’autres, et que tout cela se coordonne avec une vision du monde, une religion, telles façons de manger et de danser?»
Sans doute, le sociologue qui étudie la société globale voit-il en elle le phénomène social à la fois le plus vaste et le plus doté de réalité, un tout organique original à l’existence duquel concourt l’ensemble des institutions, des croyances, des comportements, qui constituent la chaîne et la trame de la vie collective? Mais peut-on ainsi penser la société comme un tout organique, c’est-à-dire comme une totalité réelle ? Existe-t-il, autrement que par l’arbitraire d’un acte épistémologique, une seule société globale dont on pourrait définir avec précision les frontières à la fois spatiales, historiques, culturelles et symboliques?
La notion de tout organique a un sens lorsqu’elle s’inscrit dans l’espace de la philosophie hegélienne qui, en vérité, ne connaît qu’un seul tout, l’Esprit, dont le devenir historique implique le parcours de différentes figures, de différents moments, qui sont autant de types de sociétés (monde grec, monde romain, etc.), jusqu’à l’achèvement dans la société ultime où il se possède lui-même, dans le «savoir absolu». Mais ces types de sociétés ne sont des totalités que dans la mesure où ce sont toujours l’unité et l’unicité de l’Esprit qui se manifestent en eux. Aussi, quels que soient les niveaux envisagés, ceux de l’économie, de la religion, du politique, sont-ils tous en correspondance réciproque parfaite, chacun d’eux, dans son ordre propre, exprimant le même tout que les autres. Cependant, le sociologue qui reprendrait à son compte la notion de totalité hégélienne dans laquelle tous les niveaux de la réalité sociale sont intégrés dans un jeu de miroirs où il n’y a pas d’extérieur, sans reprendre la philosophie elle-même d’où il l’extrait, priverait son discours de fondement et lui retirerait tout crédit. Il ne peut donc avoir recours isolément au postulat d’une temporalité unique qui mettrait chaque niveau, chaque pratique, à la même heure historique.
Une sociologie de la totalité doit à la fois supposer, ainsi que Michel Foucault l’a remarqué (Archéologie du savoir ): «qu’entre tous les événements d’une aire spatio-temporelle bien définie [...], on doit pouvoir établir un système de relations homogènes; [...] qu’une seule et même forme d’historicité emporte les structures économiques, les stabilités sociales, l’inertie des mentalités, les habitudes techniques, les comportements politiques, et les soumet tous au même type de transformation; [...] que l’histoire elle-même peut être articulée en grandes unités – phases ou stades – qui détiennent en elles-mêmes leur principe de cohésion...» Or, l’évolution des recherches historiques et sociologiques contemporaines indique une autre perspective méthodologique. Elle vise à organiser le tissu historico-social en séries qui possèdent leur propre périodisation et qu’affectent des mutations spécifiques. Mais peut-on se contenter d’empiler ou de faire s’entrecroiser des séries et se résoudre à toujours différer le moment d’effectuer la synthèse? L’analyse sociologique semble ici se trouver prisonnière de la suite d’obligations contraires – que Kant appelait «paralogismes» –, que sont bien la nécessité et l’impossibilité de fonder la société sur l’acte du sujet, de faire de la société une totalité, de mettre entre parenthèses le fait société pour étudier des régions qui n’existent que par lui. Ces paralogismes nous indiquent, en fait, que n’étant pas un objet sociologique, la société fait moins question pour la sociologie que pour ce qu’il nous faut bien nommer la métasociologie. C’est qu’elle ne renvoie ni à un tout organique intégrant réellement les différents éléments qui la constituent ni à un sujet ou à une intersubjectivité (un sujet pluriel) qui procéderait à l’institution de son monde. Elle réfère au symbolique en tant que par lui se constituent à la fois et en même temps un sujet du «sens» et un monde «sensé». Elle est l’acte par lequel sens est donné aux différents éléments d’un monde qui s’érige ainsi en monde «humain», et aux différents sujets, devenus tels d’être soumis à la loi. Et cet acte, que l’on qualifiera de politique, ne peut être compris qu’en posant la question de l’origine.
2. Typologie des sociétés globales
Avant que de s’interroger sur cet acte fondateur, il est intéressant de poursuivre – pour en préciser les limites – la démarche du sociologue qui entreprend de dénombrer et de classer les sociétés dans lesquelles il voit des réalités. Il ne peut y parvenir qu’à la condition de faire des regroupements à partir de critères jugés pertinents, c’est-à-dire de forger des types. «Il semblait, observe Durkheim dans les Règles de la méthode sociologique , que la réalité sociale ne pouvait être l’objet que d’une philosophie abstraite et vague ou de monographies purement descriptives. Mais on échappe à cette alternative une fois qu’on a reconnu qu’entre la multitude confuse des sociétés historiques et le concept unique mais idéal de l’humanité, il y a des intermédiaires: ce sont les espèces sociales.»
Ce souci de classement des sociétés globales dissimulera souvent une hiérarchisation des sociétés, de la plus simple à la plus complexe, de la plus «sauvage» à la plus «civilisée». En fait, le sociologue est pris entre deux tentations, celles-là mêmes qu’évoquait Durkheim: d’une part, il n’est jamais confronté qu’à des sociétés particulières qui ont une individualité telle que le culturalisme a pu, à juste titre, revendiquer le droit de les considérer chacune dans son être propre, irréductible à tout autre – et il est vrai que le regard ethnographique se doit, pour exister, de se soumettre à cet impératif –, le projet qui en résulte nécessairement est bien celui de multiplier les monographies; d’autre part, il est tenté de ne voir dans la diversité des sociétés que le mouvement même par lequel l’humanité, envisagée dans son unité et son unicité, organise son devenir ascendant jusqu’à ce point le plus élevé qui est, par une coïncidence admirable, la société du sociologue, celle qui a inventé la sociologie. Appréhendées comme des moments figés, les différentes sociétés sont alors identifiées à des étapes dans l’histoire des hommes. C’est pourquoi les typologies des sociétés globales apparaissent souvent contingentes et parfois même dérisoires dans leur schématisme. Mais n’est-ce pas là la conséquence inéluctable d’une démarche qui prend pour modèle celle du naturaliste et qui traite les sociétés comme des réalités closes, justiciables des descriptions, des analyses et des procédures de la science positive? La typologie des sociétés est le talon d’Achille des grandes théories sociologiques. Elle rend manifeste, en son intention même, ce que ces dernières doivent aux philosophies de l’histoire en même temps qu’au scientisme. Il ne paraît donc pas inutile de rappeler quelques-unes de ces classifications.
Durkheim posait la fiction d’unités sociales simples dont la combinaison expliquait les diverses espèces sociales. On a ainsi la «horde», groupe dont la simplicité est telle qu’il se résout immédiatement, lorsqu’on l’analyse, en individus juxtaposés; le «clan», première société réelle, juxtaposition de hordes, les «sociétés polysegmentaires simples», les «sociétés simplement composées», les «sociétés doublement composées», et ainsi de suite jusqu’aux «sociétés polysegmentaires complexes».
Plus élaborée, en apparence, la typologie qu’on trouve chez Marx est construite sur l’idée que l’infrastructure économique est déterminante. Elle donne à voir une succession «dialectique» de types sociaux qui s’engendrent les uns les autres en autant d’étapes allant de la société primitive sans classes à la société sans classes communiste:
– La communauté primitive est fondée sur la possession commune du sol, sur les liens de parenté, et sur une économie d’occupation de la nature (pêche, chasse, cueillette). Le mode de production asiatique est un mixte de propriété communautaire et de domination bureaucratique. Il y existe un surplus régulier de production permettant une différenciation sociale plus développée que dans la communauté primitive et l’apparition de groupes qui s’approprient ce surplus;
– La dualité de la propriété publique et de la propriété privée se développe avec le mode de production antique (la part foncière qui appartient en propre au citoyen augmente aux dépens de la propriété d’État, ce qui achève le passage de la communauté primitive aux sociétés fondées sur la propriété privée des moyens de production). Le mode de production esclavagiste, le mode de production germanique, le mode de production féodal, le mode de production capitaliste, le mode de production socialiste sont de la même manière spécifiés par Marx.
Ainsi, quel que soit son auteur, toute typologie donne toujours l’impression d’être une construction artificielle, entièrement tributaire des a priori du sociologue qui se donne en quelque sorte une matière sociale en forme de serrure pour mieux y faire tourner sa clef.
En construisant une typologie «plus proche des faits», Georges Gurvitch, dans son livre Déterminismes sociaux et liberté humaine , a voulu échapper au reproche de se soumettre à des catégories préalables. Rendue d’une extrême complexité par le souci de prendre effectivement en compte les différences les plus fines, elle aboutit à un édifice monstrueusement baroque: un tel résultat étant davantage à imputer à l’entreprise qu’à son auteur. Ce dernier distingue d’abord quatre types de sociétés archaïques possédant toutes une structure globale originale: les tribus à prépondérance clanique concurrencée par des bandes familiales (Australie, Indiens d’Amérique du Sud); les tribus qui réunissent des groupements variés et peu hiérarchisés, dont la cohésion résulte de leur soumission à un chef investi d’un pouvoir mythologique (Polynésie, Mélanésie); les tribus organisées par la représentation des divisions militaires, des familles domestiques et conjugales et parfois des clans (Amérique du Nord); celles, enfin, qui tout en conservant leurs divisions claniques se trouvent intégrées dans des États monarchiques édifiés sur la prédominance des groupements locaux et légitimés par une mythologie théogonique et cosmogonique qui intervient directement dans le fonctionnement de la structure sociale (Afrique noire). Gurvitch distingue ensuite six types de sociétés globales historiques. Il définit ainsi les sociétés charismatiques (Égypte, califats islamiques, Hittites, Perse, Japon, ancienne Chine), les sociétés patriarcales (grecques contemporaines de l’Iliade , juives contemporaines de l’Ancien Testament, latifundia romains, zadrugas slaves, monarchies franques), les sociétés féodales aux multiples hiérarchies (Moyen Âge européen, japonais, russe), les cités-États qui deviennent des empires (polis grecque, civitas romaine, villes italiennes de la Renaissance), les sociétés qui ont donné naissance à l’absolutisme éclairé et au capitalisme, ce dernier type ne concernant que l’Europe.
Si le nombre des types sociaux est relativement limité pour les sociétés protohistoriques et historiques, il tend à devenir indéfini dès que l’on aborde les périodes où l’industrialisation détermine un démarrage (take off ) dans la croissance économique. Ainsi, Gurvitch distingue-t-il la société démocratico-libérale, la société dirigiste, la société techno-bureaucratique, la société planifiée selon les principes de l’étatisme collectiviste, la société planifiée selon les principes du collectivisme pluraliste...
Mais il est sans intérêt de poursuivre cette énumération un peu vaine qui repose sur une approche erronée du «phénomène société» dont elle fait un «être» doté de la consistance du positif, comme s’il était certain que la société n’est qu’un fait parmi d’autres.
3. De l’origine de la société
La question du commencement
L’objet étudié par le sociologue, que ce soit un système de relations, un groupe ou même une société globale, est construit à partir d’un horizon qui, pour n’être pas précisément dessiné ni peut-être même aperçu, n’en est pas moins la condition transcendantale de sa constitution. Et c’est cet horizon que vise la question: «Qu’est-ce que la société?» Éluder cette question ou, ce qui revient au même, la réduire à une question de type positif, qui identifie la société à un ordre de réalité définissable sans ambiguïté et dans la pleine lumière du concept scientifique, est le symptôme d’un type d’occultation dont on aura à comprendre le sens.
L’interrogation sur la société se situe dans un registre où le discours vacille, où le mythe doit prendre la relève de la scientificité qui a échoué à y répondre. C’est de cela que prend acte la problématique des penseurs du droit naturel qui, au XVIIIe siècle, ont inventé la question du commencement, la question de l’origine, comme question sur l’essence du social, et auxquels Freud d’une certaine façon fait écho.
On a donné en partage à ces penseurs – depuis l’avènement de la sociologie et le développement de l’idéologie marxiste – une ignorance, où ils seraient restés, des lois positives qui régissent la société, ainsi qu’une surévaluation du sujet philosophique qui instituerait, dans un acte libre, la communauté. Mais cette façon de concevoir leur apport se modifie singulièrement dès que l’on considère que l’approche sociologique occulte la question de l’institution du sens, au profit d’une illusion réaliste, car il s’agit là d’une occultation du politique, réduit, par la sociologie, à la politique, c’est-à-dire à un ensemble de pratiques qui ne peuvent se comprendre qu’en référence à ce qui les fonde et qui précisément le désigne. Cette vacillation du discours qui parle des origines de la société est semblable à celle du langage lorsqu’il veut rendre compte de son propre surgissement. Comment le langage pourraitil dire le monde muet qui l’aurait précédé? Comment pourrait-il signifier l’intrusion du sens sans renvoyer à l’existence d’un autre lieu du sens – Dieu par exemple – qui, de toute éternité, expliquerait, sans rien expliquer d’ailleurs, l’avènement humain du sens par un effet de délégation? Comment pourrait-il dire le monde des êtres solitaires et séparés qui aurait précédé la rencontre et l’alliance?
La question du commencement semble nous signifier que l’on s’est toujours, pour en parler, levés trop tard, comme la philosophie, dont Hegel disait que, oiseau de Minerve, elle ne se lève que la nuit. La pensée ne vient que le dimanche, quand l’œuvre d’un faire obscur est achevée.
Le discours sociologique peut, fantasmatiquement, se persuader d’un achèvement possible et croire dire le vrai du social dans sa clôture; il n’en reste pas moins que tout discours n’existe que dans cet écart par quoi le symbolique est impossible à rejoindre dans aucune parole. C’est ce qu’écrit Claude Lefort: «Il n’est pas de discours du symbolique et le discours est en exclusion à cet impossible discours du symbolique. Le discours se déploie à partir de l’impossibilité d’être déploiement du symbolique, faute d’être ce déploiement. Dans l’accès des hommes à la dimension symbolique du social leur est signifiée l’impossibilité de rejoindre le symbolique dans leur parole.»
Ce sera peut-être la fonction du «roman des origines» que de pallier le manque à dire. Toute société se pense à partir du mythe de son origine et de l’idée que ce mythe n’est pas une histoire morte rapportée pour satisfaire le goût du conte et la nostalgie des hiers. Ce mythe est perpétuellement énoncé comme légitimation de l’être social présent. Mais ce souci de narrer le commencement, s’il atteste de la présence sourde de la question, atteste aussi de son éludation par sa réduction à une séquence historique réelle et située. Il faut cependant noter une différence essentielle entre les mythes d’origine des sociétés dites sauvages, qui racontent le commencement absolu – celui dont les dieux sont les protagonistes – et les légendes et épopées des sociétés «historiques». Il s’agit là en effet de commencement relatif, de re-commencement, de re-départ après la rupture. Ainsi en est-il de l’histoire américaine des Pères fondateurs ou celle – française – de l’an I de la Révolution.
Il en va tout autrement avec le roman des origines auquel s’identifient les théories du contrat social et Totem et Tabou de Freud. Ce roman est un mythe que la raison se donne pour dire ce qui ne peut être dit, à partir du réel comme trace rétroactive de son avènement. Ce recours à une fiction n’est rien d’autre que la limite rencontrée par la théorisation lorsqu’elle vise ce qui ne pourrait être posé dans le réel que par illusion. Parler de mythe ici, c’est le faire dans le sens où l’entend Freud lorsqu’il dit que «la théorie des pulsions est notre mythologie».
Traiter de l’origine, dans ces conditions, ne conduit pas à réactiver la vieille problématique qui fait de la société le résultat de l’acte par lequel les hommes – définis comme pleinement sujets dans leur séparation – passent alliance. On ne saurait cependant oublier que le sujet n’est pas, hors du social qui l’institue tel. Car le «je» n’existe que par sa relation à autrui, et cette relation elle-même implique cet autre préalable qu’est le social, la loi, par quoi «je» et «tu» adviennent comme sujets en s’y assujettissant. Ce dont il s’agit se rapporte donc à une archéologie du sujet et du social.
Il faut pourtant prendre acte de cette aporie: la société n’est pas le produit d’un contrat entre des sujets existant antérieurement à celui-ci, et cependant la société implique ce contrat – jamais passé, toujours déjà là – par quoi elle advient. Ce qu’énonce la mise en scène du contrat, c’est que le corps social (c’est-à-dire le corps politique) naît d’un acte virtuel qui n’est pas un événement historique: le pacte de chacun avec tous, qui constitue le peuple comme peuple; acte fondateur que nulle dialectique économique, nulle logique des intérêts ou des besoins ne peut engendrer.
Pour Rousseau, ce pacte est un pacte de réciprocité sans transcendance, car toute souveraineté érigée en transcendance séparée du corps social est détournement du pacte ou, plus précisément, son inachèvement. On peut penser qu’il y a là une illusion: celle de la possibilité d’une transparence du social dans une réciprocité intégrale. Société des dieux, non des hommes. Freud nous montrera que le pacte implique un préalable, le meurtre du père, et que toute société est vouée à payer l’insolvable dette de ce meurtre où elle s’est engendrée. Elle est redevable à la nature de cet acte par lequel s’est engendré le symbolique, qui n’est pas la réciprocité entre les sujets, mais une réciprocité qui renvoie à un autre d’où elle tire sa possibilité. Ce meurtre du père, c’est l’affirmation d’une division originaire et de l’impossibilité d’une suture.
Le retour à l’origine n’implique donc pas le recours à une chronologie. Comment serait-il pensable de se faire le contemporain de l’avènement? Aussi, lorsque J.-J. Rousseau, dans son Discours sur l’origine de l’inégalité , écrit: «Ce n’est pas une légère entreprise de démêler ce qu’il y a d’originaire et d’artificiel dans la nature actuelle de l’homme et de bien connaître un état (l’état de nature) qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé et qui probablement n’existera jamais et dont il est pourtant nécessaire d’avoir des notions justes pour bien juger de notre état présent», il situe bien le sens de son entreprise, et l’on saisit parfaitement ce qu’il veut dire lorsqu’il ajoute: «Commençons par écarter tous les faits car ils ne touchent point à la question.»
Ainsi, la recherche de l’origine – en l’occurrence de l’originaire – ne saurait-elle se situer sur l’axe horizontal du temps, mais sur un autre axe perpendiculaire au sol caché. L’originaire est la question – toujours actuelle – à laquelle chaque société doit son être par la réponse qu’elle y donne. Cette définition de l’originaire oblige à penser l’histoire comme répétition et différence, à penser le devenir à l’intérieur de la répétition. Tout se passe comme si chaque société avait à inventer, sur une trame inchangée, une dramaturgie qui la spécifie comme société particulière. Une telle définition de l’originaire oblige cependant à penser le social à partir du politique, c’est-à-dire de l’acte par lequel s’organisent légitimité et pouvoir.
Limites de l’analyse marxiste
Les limites mêmes de l’explication économiste marxiste rendent compte de la priorité théorique et ontologique que l’on doit accorder au politique en tant qu’institution du sens. Marx a vu dans le politique l’instrument dont se sert la classe dominante pour instituer une unité de la société à son profit. Phénomène dérivé, le politique ne reçoit ainsi son être que d’une architecture secrète, fondatrice du social: l’infrastructure économique. Une société se laisse d’abord reconnaître comme type d’organisation du «faire» – le mode de production – qui distribue les agents sociaux selon ses lignes de force; ce système des représentations sociales n’est qu’un effet, effet d’optique, qui permet de nourrir le vécu imaginaire des agents sociaux et de leur donner les légitimations symboliques dont ils ont besoin pour fonctionner. Or, ce besoin de satisfactions symboliques et de légitimations ne peut surgir que de ce qui précède l’économie et lui donne sens: l’acte d’alliance, la loi, ce par quoi advient l’ordre de la culture, subversion de la nature. L’économie n’existe et n’agit que par son insertion dans la sphère du sens. C’est cette insertion qui rend pensable l’arrachement des hommes à l’immédiateté de leurs besoins et de leurs satisfactions.
En fait, l’analyse marxiste des idéologies repose sur une série d’oppositions qui paraissent contestables. Certains domaines de la réalité sociale ont une autonomie donnée par le réel lui-même, d’autres ne trouvent leur propre cohérence que par référence à ce qui est situé en dehors d’eux. Dans le tissu social, les relations matérielles sont ainsi séparées des relations symboliques. D’un côté, un monde brut, une praxis muette (qui serait le lieu producteur de l’histoire); de l’autre, les élaborations secondaires et tout un monde de langages. Cette péréquation du donné social n’est pas une péréquation épistémologique, validant un type de recherche, c’est une péréquation ontologique.
Le décalage ainsi indiqué, entre un ordre autonome (la praxis économique) et les langages qui en dérivent, implique l’existence d’un rapport de causalité toujours orienté dans le même sens: du réel au symbolique. C’est ainsi que, dans sa préface à l’édition anglaise de Socialisme utopique et socialisme scientifique , Engels donne une rapide analyse, tout à fait révélatrice de la façon dont il ordonne les domaines, des rapports qu’entretiennent la vision du monde calviniste et le capitalisme: «Le dogme calviniste répondait aux besoins de la bourgeoisie la plus avancée de l’époque. Sa doctrine de la prédestination était l’expression religieuse du fait que, dans le monde commercial de la concurrence, le succès et l’insuccès ne dépendent pas de l’habileté de l’homme, mais de circonstances indépendantes de son contrôle. Ces circonstances ne dépendent ni de celui qui veut ni de celui qui travaille; elles sont à la merci de puissances économiques supérieures et inconnues...»
Comment ne pas voir le caractère contingent d’une telle analyse qui est tout entière appuyée sur des inférences par simple ressemblance. Rien n’interdit, en toute logique, d’inverser le rapport et de faire du calvinisme la production de sens qui assignerait à l’économie une nouvelle signification, voire l’érigerait en signifiant majeur. Mais la théorie marxiste de l’idéologie appelle une autre critique. L’idéologie est présentée comme la projection, la représentation fausse que les hommes se font d’eux-mêmes. Or, cette production de l’illusion a une source assignable: la division de la société avec elle-même, sa division en classes antagonistes qui empêchent les agents sociaux de se regarder comme membres d’une communauté. L’idéologie est le substitut d’une communauté absente. Qu’en est-il cependant des sociétés primitives que ne travaille pas la lutte de classes? Qu’y deviennent les notions de division et de communauté?
Marx définit fondamentalement la société primitive par sa faiblesse économique. Elle est une société de subsistance. Une telle société, prisonnière de la rareté, accède à l’ordre symbolique en projetant dans le ciel son impuissance et sa dépendance face à ce qui la dépasse et la menace. La communauté n’est pas divisée avec elle-même, mais elle connaît une autre division: celle des besoins et de la pénurie, de la survie et de la mort. Une telle division renvoie, elle aussi, à l’économique, ce qui signifie que la division sociale n’est ni originaire ni indépassable, mais conjoncturelle. On peut dès lors envisager comme virtualisée et réalisable une société où le mode de production serait celui de l’abondance et de la réciprocité sociale. Dans une telle société, l’illusion ferait place à la conscience vraie, les hommes séjourneraient dans la vérité de leur société et pourraient se rendre les contemporains de la totalité des significations sociales.
À fonder la société sur un réel (l’économie) et à ne voir dans les langages que les effets de ce réel, Marx est amené à ne définir la société que sous la forme d’une machine économique avec son complément symbolique. La division qui traverse la société n’est que la projection d’une division réelle au niveau de l’économique. Or, une division réelle implique la possibilité d’une suturation réelle. La société, totalement réconciliée avec elle-même, devient certes concevable, et l’on peut en annoncer le triomphe inéluctable. Il reste qu’on voit mal pourquoi une telle société serait celle de la pleine conscience et non celle de l’harmonie muette, si tant est que le symbolique n’y est que le symptôme d’une déchirure causée par l’histoire et que l’histoire saura réduire.
Freud introduit une autre problématique qui reprend, du moins en apparence, le raisonnement des théoriciens du contrat puisqu’elle est une recherche de l’essence du lien social dans les circonstances premières où il s’est formé. Elle en diffère cependant, comme elle diffère de celles de Marx et de tous les penseurs sociaux qui ont imaginé une réponse adéquate aux difficultés que présente la question de l’origine de la société et de la clôture d’une déchirure première.
Freud a conceptualisé le fait que la violence est toujours au commencement. Caïn supprime Abel et Romulus tue Remus. Toute fraternité est homicide, toute organisation politique tire son origine d’un meurtre. Au commencement est le crime. Cette violence originaire qui, rétroactivement, se donne comme violation d’une loi qu’elle pose dans l’acte même de la transgression a ceci de particulier qu’elle crée une dette qui ne sera jamais réglée. De ce crime premier – qui ne saurait être de l’ordre du fait (voire du fait divers), mais qui est crime contre la loi après coup «découverte» comme ayant été là – traitent Totem et Tabou ainsi que Malaise dans la civilisation .
Psychanalyse du lien social
Peut-être faut-il rappeler que l’originalité de la psychanalyse freudienne est de n’être ni une psychologie d’où ne pourrait jamais sortir une fois convertie en théorie politique qu’une psychosociologie des comportements ni une sociologie qui réduirait le sujet à n’être que l’effet ou le reflet de la société et de sa culture.
Elle n’est pas une théorie de la psyché, dans la mesure où elle fait du sujet psychologique un résultat: le produit d’une histoire qui est celle de son insertion dans l’ordre de la loi et du langage, celle par laquelle une «animalité» d’un type particulier entre dans les défilés symboliques de ce champ de l’autre où père et mère occupent des lieux assignés. Ainsi engendré par une histoire constituante, celle d’Œdipe, ce sujet entre alors dans une autre histoire, celle de sa vie d’individu, qui rejouera sans la répéter la séquence fondatrice. Une dialectique se noue entre une histoire originaire et une histoire devenir qui est la forme dont la première voit simultanément sa dette payée et occultée.
Mais la psychanalyse n’est pas non plus une sociologie, car elle s’intéresse essentiellement à la «préhistoire» de la société qu’elle prend également comme une résultante. Penser la société de cette façon revient à considérer la multiplicité concrète des figures historiques comme des êtres dont l’histoire est à référer à une histoire originaire, histoire fondatrice liée à l’œdipe puisqu’il y a connivence entre la menace dont se nourrit l’ordre psychique et cette autre menace, non moins symbolique, qui fonde l’ordre d’un pouvoir social, étant entendu qu’il n’est pas de société sans pouvoir. Ainsi faut-il distinguer le social comme figure historique et société globale particulière du social an-historique, pré-historique, en tant qu’avènement de lui-même. C’est de ce social originaire que nous entretient Freud dans un discours que Pierre Kaufmann résume ainsi: «La sociabilité totémique, figure inaugurale de la sociabilité humaine, a la mort pour fondement. Car la marque d’identification commune à ses participants, c’est du mort en tant que tel qu’elle est reçue. Aussi bien l’acte de mise à mort qui met fin à la domination du chef de la horde est-il aussi celui qui inaugure ce rapport médiat à l’absent où s’institue la fonction culturelle de l’ancêtre totémique, la capacité de l’absent à exercer dans le clan une puissance classificatrice.»
Il ne paraît pas nécessaire de reprendre dans le détail l’histoire que Freud, dans Totem et Tabou , présente comme l’histoire du commencement. Notons que le passage de la horde primitive – pure nature, pure animalité – à l’univers social passe par le meurtre du mâle dominant, commis par les fils coalisés, exclus de la jouissance. Et ce meurtre érige, rétroactivement, le géniteur mort en père, désormais immortel d’être devenu l’absent grâce auquel le symbolisme advient. Comme l’écrit Lacan: «Le symbole se manifeste d’abord comme meurtre de la chose.»
On peut se demander pourquoi Freud affirme avec tant de force la réalité historique de cette séquence qui est la séquence œdipienne, à la différence près que le père est tué, et tué par les fils réunis. P. Kaufmann a bien rendu compte de la nécessité de cette affirmation: «La mise à mort, écrit-il, est bien historique pour autant qu’elle est un acte collectif; les frères ne dévorent en commun que ce qu’ils ont tué en commun et c’est une même chose de dire que le meurtre s’accomplit réellement et qu’il instaure le social en tant que fondement du réel.» En dehors de cette hypothèse, qu’est-ce qui distinguerait le social de la névrose individuelle, laquelle, précisément, sépare du social? Mais qu’est-ce que le réel humain?
Freud explique l’investissement rétroactif de la fonction paternelle sur le géniteur assassiné et dévoré dans une fête cannibale par le remords des frères qui se découvrent parricides. Mais ce remords reste incompréhensible si l’on n’a pas recours à la notion d’un conflit intrapsychique originaire qui en dévoile la cause. La culpabilité, consubstantielle au lien social, renvoie à une scission originaire que Freud a située dans la nature même de l’homme et figurée par l’antagonisme «pulsion de vie - pulsion de mort».
La division originaire
On retrouve, dans Malaise dans la civilisation , la pulsion de mort, principe fondateur du social dans son conflit avec Éros. Pourquoi, se demande Freud, la société a-t-elle besoin d’unir entre eux les membres de la communauté par d’autres liens que ceux de l’utilité? Pourquoi se doit-elle de favoriser des identifications d’une intensité telle que se développent entre les individus des relations amicales? «L’homme n’est point cet être débonnaire au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité: pour lui, par conséquent, le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L’homme est en effet tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous les enseignements de la vie et de l’histoire, de s’inscrire en faux contre cet adage?»
La pulsion de mort dont il est question ici, sans être expressément nommée, n’est pas une notion construite pour les besoins d’une démonstration philosophique. Elle a été exigée par les difficultés rencontrées dans l’analyse de certaines névroses et introduite quelques années plus tôt dans Au-delà du principe de plaisir . Elle témoigne de ce que les spéculations freudiennes sont le prolongement nécessaire, dans le domaine où régnait la philosophie politique, des acquis de la psychanalyse. Il est clair, à cet égard, que les tendances agressives constituent une donnée instinctive aussi primaire que la donnée libidinale.
Au commencement n’est pas l’unité, l’harmonie, le principe d’où tout sortira. Au commencement est le conflit, la scission, la faille de l’être, et c’est dans l’originaire que s’enracine ce clivage qui interdit à la société d’être jamais en coïncidence avec elle-même. Aussi bien, l’annulation du conflit, c’est-à-dire la négation du caractère originaire de la pulsion de mort, est-elle une illusion dont les conséquences théoriques et pratiques mériteraient d’être analysées.
Les figures des sociétés en tant qu’elles se constituent d’abord comme sociétés politiques prennent forme à partir de ce qui sépare la société des frères du lieu d’où vient la loi, le père mort, c’est-à-dire de l’impossibilité où est le corps social de se saisir dans la plénitude d’une réciprocité de ses agents dans la transparence de leur volonté collective. Chaque société s’institue dans le type de rapport qu’elle entretient avec la division originaire où le social trouve son fondement et sa nature.
Il faut ici faire retour à Rousseau qui représente un important courant d’analyse de l’être dans la société. Son point de départ, reprise au niveau de la théorie politique du postulat inhérent à la philosophie depuis sa constitution au sein de la démocratie athénienne, est l’idée qu’il n’y a pas de conflit originaire; le conflit n’est inscrit ni dans la nature de l’homme ni dans celle de la société; il est de l’ordre de l’accident, du malheur surgi dans l’histoire. Les hommes, êtres de raison, n’ont pas de raisons ontologiques d’être ennemis des hommes. La malédiction n’est jamais que malentendu et rien n’interdit de penser que le temps viendra où l’histoire réparera la faille dont elle est la cause. La raison fondamentale du malheur social et de l’inégalité, c’est que la société n’est pas pleinement telle, mais un mixte de nature et de culture. La nature tient son équilibre d’elle-même tandis que la société ne peut trouver le sien que dans la négation totale, irrémédiable, de la nature. Il n’y a que deux harmonies possibles: l’harmonie naturelle ou l’harmonie culturelle, et cette dernière implique que les individus et les institutions soient conformes à l’essence même du social, à savoir la réciprocité, qui est la vérité du pacte.
On peut trouver dans ces conceptions la rationalisation du fantasme totalitaire: l’idée qu’un ordre social puisse transformer l’homme de telle sorte qu’il devienne, de part en part, son agent, l’idée d’une société où le désir et la loi coïncideraient non parce que celle-ci serait au service de celui-là, ce qui n’a pas de sens, mais parce que le désir y deviendrait désir social et désir exclusif de la loi. C’est à cela que fait ironiquement allusion l’écrivain soviétique dissident Zinoviev dans Les Hauteurs béantes , lorsqu’il évoque le système idéologique de l’U.R.S.S.: «Le socisme (c’est-à-dire le socialisme), écrit-il, est une société imaginaire qui pourrait se constituer si les individus agissaient entre eux exclusivement selon les lois de la société...» Le fond de cette conception est la définition moniste de la nature humaine, ce qui, du reste, rend difficilement compréhensible le passage de la nature à la culture, car si la nature est sans déchirure interne, pourquoi appellerait-elle la culture comme réponse à cette absence de question?
En plaçant la division dans la nature de l’homme, Freud prend en charge le paradoxe d’une culture qui s’origine dans la nature, mais la refoule et la déplace sans jamais l’abolir. L’ordre social renvoie à un ordre biologique spécifique qui, par son manque constitutif, rend possible le symbolique et le jeu des indéterminations historiques qui s’y rattachent. L’enjeu n’est pas seulement théorique. Marx installe également le conflit au cœur de l’être social: «L’histoire de toutes sociétés est l’histoire de la lutte de classes.» Mais il méconnaît l’irréductibilité du conflit qu’il transforme en un conflit de fait, assignable historiquement et historiquement dépassable. On connaît la réponse de Freud à ce qu’il appelle «l’illusion communiste». Sous l’apparence d’un naïf bon sens, elle touche à l’essentiel. Abolirait-on tous les privilèges «que rien ne laisserait prévoir quelles nouvelles voies la civilisation pourrait choisir pour son développement. Il faut, en tout cas, prévoir ceci: quelque voie qu’elle choisisse, le trait indestructible de la nature humaine l’y suivra toujours». S’il est vrai, par conséquent, que les sociétés renvoient – dans le mystère de leur fondation – au rapport à la loi, c’est-à-dire au politique, on peut penser les sociétés en fonction du type de distribution qu’elles opèrent de ces termes qui caractérisent le groupement humain, chacune d’entre elles tirant sa singularité de sa prise de position à l’égard de sa division, c’est-à-dire par la façon dont s’y institue le pouvoir et se symbolisent les légitimités.
4. Sociétés primitives et sociétés historiques
La comparaison entre des sociétés historiques et ces sociétés radicalement autres qu’on appelle sauvages éclaire singulièrement le débat précédent. L’œuvre de Pierre Clastres, en dépit de la nostalgie du «bon sauvage» qui s’y fait jour parfois, peut en être l’instrument. Elle pose en effet que le phénomène société est d’abord phénomène politique: «Le pouvoir est universel [...], il est immanent au social.» C’est ainsi que Clastres, polémiquant avec certains de ses collègues écrit: «Si on veut conserver les concepts marxistes d’infrastructure et de superstructure, alors faut-il, peut-être, accepter de reconnaître que l’infrastructure c’est le politique, que la superstructure c’est l’économique. Un seul bouleversement structurel, abyssal, peut transformer, en la détruisant comme telle, la société primitive, celui qui fait surgir en son sein ou de l’extérieur ce dont l’absence même définit cette société: l’autorité de la hiérarchie, la relation de pouvoir, l’assujettissement des hommes, l’État.» Ainsi, le social est-il déterminé par l’économie des significations qui organisent le politique et qui résulte comme d’une décision que personne n’aurait ni prise ni formulée, par rapport à l’originaire. Selon Clastres, qui s’est fondé sur les observations de différentes tribus indiennes d’Amérique, l’absence de l’État, dans les sociétés primitives, n’équivaut pas à une absence du politique, mais à une forme originale de sa présence: celle de l’effort constant que font ces sociétés sans État pour exorciser le pouvoir et mettre un frein à l’opposition qui existe entre les assujettis et ceux qui détiennent la force des armes et le pouvoir des mots clés de la tribu. Cette lutte contre la menace d’un clivage intérieur au groupe et qui l’opposerait à lui-même apparaît à Clastres comme une dimension à ce point essentielle de ces sociétés primitives que son échec n’est rien de moins que le signe de leur fin: «L’histoire des peuples qui ont une histoire est – dit-on – l’histoire de la lutte des classes. L’histoire des peuples sans histoire c’est – dira-t-on avec autant de vérité au moins – l’histoire de leur lutte contre l’État.»
Ce refus du clivage interne n’est cependant possible que parce qu’un autre clivage, une autre économie du symbolique s’imposent: la séparation radicale de la société d’avec le principe de son ordre. L’ordre social est soustrait à l’emprise des hommes et ceux-ci ne s’y conçoivent jamais comme les «inventeurs» de leur société. Si donc personne n’est soumis au pouvoir de l’un, c’est d’abord parce que tous sont soumis identiquement au grand autre. Parce qu’aucun ne jouit d’une proximité particulière avec le foyer du sens fondateur du social, aucun ne peut prétendre à un statut particulier l’autorisant à exercer un pouvoir séparé, édicter des lois et régir des sujets. La société sauvage est une société où l’absence de coercition par quelques-uns se double d’un total assujettissement de la société au symbolique posé comme autre du social. D’où il résulte, comme l’écrit P. Clastres, que «la propriété essentielle (c’est-à-dire qui touche à l’essence) de la société primitive c’est d’exercer un pouvoir absolu et complet sur tout ce qui la compose, c’est d’interdire l’autonomie de l’un quelconque des sous-ensembles qui la constituent, c’est de maintenir tous les mouvements internes, conscients et inconscients, qui nourrissent la vie sociale, dans les limites et dans la direction voulues par la société». Commentant Clastres, Marcel Gauchet, dans La Leçon des sauvages , précise: «La société primitive est société qui s’ordonne d’exclure que soit en permanence posée et explicitement posée en son sein la question de son fondement et de ses fins – qu’à cette question les agents sociaux puissent se rapporter comme à une question. Elle est société donnant à cette question une réponse telle que ne soit manifeste que la réponse sans qu’apparaisse la question.»
À l’opposé de ce clivage radical entre l’ordre de la loi et l’ordre social, qui caractérise la société sauvage, la société historique est celle où le social ne renvoie jamais qu’à lui-même et ne s’explique qu’à partir de lui-même. D’un côté, une société suspendue à son dehors et de l’autre une société qui réincorpore l’autre dans l’espace social et rapporte la division qui était celle de l’ordre profane et de son autre sacré à l’opposition entre les individus et entre les groupes. Cette désacralisation de ce qui est source et fondement du social, cette transformation du symbolique déchu en simple fonctionnalité, rendent compte de ce que le social devient à la fois le lieu de la transparence, où des volontés libres se rencontrent et passent contrat, et le lieu de déterminismes semblables à ceux des choses et, comme eux, justiciables du savoir de la science, l’important étant que désormais le social soit posé comme totalement connaissable. La loi renvoie désormais aux hommes, mais ceux-ci sont définis hors du clivage intérieur d’où pourrait naître l’équivalent d’une transcendance à la production de leur société. Elle est création utilitaire. Est perdu ce que les anciens savaient, à leur façon, à savoir que les institutions sociales sont d’origine divine. Lorsque Sophocle, dans Œdipe roi , parlait de la prohibition de l’inceste et de ces lois «les plus hautes, nées de l’éther céleste dont l’Olympe seul est le père, qui n’ont pas été engendrées par la nature mortelle des hommes et qu’aucun oubli jamais n’endormira car en elles gît un grand dieu qui ne vieillit pas», il disait cette impossibilité de réduire le symbolique à la fonctionnalité. De même, les Hébreux voyaient dans la loi un don fait à Moïse par un dieu caché et innommable. Faut-il pour autant affirmer la vérité du discours mythique ou religieux? Il y aurait quelque naïveté à le faire. Cependant, ces discours disent le paradoxe que l’on vient d’exposer: le symbolique n’est pas de l’ordre d’une activité constituante d’un sujet et, en même temps, il doit l’être. Il faut définir un «sujet» qui soit pris dans le dédoublement impensable du constituant et du constitué, comme le montre L’Histoire des origines de Freud.
Quant à la modernité, sa forme la plus pure nous est donnée par la «grande Révolution française», celle-là dont Hegel disait qu’elle était «l’aurore d’un monde nouveau», et qui a été la première intervention dans l’histoire d’une société se représentant à elle-même sa propre institution, sans se réclamer d’aucune autre légitimité que celle du peuple, donc d’elle-même.
Il faut en prendre acte: la réduction du symbolique au monde profane est en même temps avènement du fait révolutionnaire, c’est-à-dire de cette capacité d’un appel de la société contre elle-même que double l’illusion de «la bonne société» possible et donc à faire. La révolution est le seul événement qui nous place devant un problème de commencement. Et la révolution est une idée moderne. L’Antiquité n’a certes pas ignoré les transformations sociales violentes, mais celles-ci n’étaient pas pensées comme des commencements; elles s’inscrivaient dans la continuité de l’ordre du monde. Lorsque le philosophe théorisait le changement, il le faisait à partir d’un schème cyclique. La révolution n’avait de sens qu’au plan astral, en tant que parcours assigné aux étoiles dont le déplacement n’est pas une histoire, mais l’image mobile de l’éternité. De même, la rébellion dans le monde médiéval, le défi à l’autorité établie ne peuvent-ils être pensés en termes de révolution. Il ne s’agit jamais de la mise en question d’un ordre fondé en nature et en Dieu, mais seulement d’une contestation de la personne et de la pratique d’un souverain inapte à occuper le lieu du prince. La révolution est cette idée neuve en Europe (puis dans le monde) qui résulte du bouleversement du champ des significations, et d’où s’induisent une nouvelle manière de rapporter le social à lui-même et une nouvelle manière de concevoir la politique comme entreprise profane d’aménagement par les hommes d’un espace qui ne relève plus que d’eux.
C’est dans le nouveau rapport à la loi qu’il faut chercher le principe d’unité de la société moderne et, accessoirement, la raison de ce que l’économique y apparaisse comme lieu privilégié de la compétition, susceptible d’être érigé en cause fondatrice du social. Mais la forme nouvelle que prend le politique est marquée du sceau de l’ambiguïté. Les sociétés ont un fondement véritable quand le symbolique (d’où se libelle la loi fondamentale organisant la communauté) est de l’ordre de l’altérité. C’est le cas non seulement des sociétés sauvages, mais aussi des sociétés historiques autres que la société moderne, car le prince, le despote ne tire sa légitimité ni de lui-même ni de ses sujets, mais de la tradition, des ancêtres, des morts. La loi ne renvoie pas au pacte des égaux, mais au père mort. Lorsque le social et le politique deviennent profanes, ils suscitent l’idée qu’ils sont à aménager de façon utilitaire. Mais que devient la sacralité de la loi? que devient la communauté? C’est l’inquiétude qui anime John Adams lorsqu’il prophétise: «Est-il possible que le gouvernement des nations tombe aux mains d’hommes qui enseignent le plus triste des credo, disant que les hommes ne sont que des lucioles et que ce «tout» n’a pas de père? Est-ce là la bonne façon de faire de l’homme en tant qu’homme un objet de respect? Ou bien s’agit-il de faire de l’assassinat même une chose aussi peu importante que la chasse au pluvier, et de l’extermination de la nation des Rohillas quelque chose d’aussi innocent que d’avaler les mites qui se trouvent sur un fromage?» Freud nous a rappelé que c’est une illusion de croire que nous pouvons être souverains de nous-mêmes. En effet, la division originaire implique que le symbolique n’a aucune transcendance et qu’il n’est pas pensable en terme de réalité, c’est-à-dire d’instrumentalité.
Il reste que, en expliquant ainsi le lien social, nous laissons posée une question: celle de l’articulation entre la société considérée comme ordre symbolique qui s’origine d’une «décision » et la société considérée comme ordre de déterminismes. Or, il faut pouvoir à la fois rendre compte du social comme «donation de sens» et comme «machine». Alors voit-on se nouer le social comme pacte et ordre des choses. La difficulté d’une telle opération est illustrée par le marxisme qui est voué à unir l’exigence scientiste de la société définie comme mode de production au devenir nécessaire, et l’exigence morale de l’engagement révolutionnaire.
société [ sɔsjete ] n. f.
• v. 1180; lat. societas « association », de socius « compagnon, associé, allié » → social
I ♦ Relations entre des personnes qui ont ou qui mettent qqch. en commun.
1 ♦ Dr. Contrat de société : acte par lequel plusieurs personnes (⇒ associé) décident de mettre en commun des moyens, des biens et de partager ce qui en résulte; la personne morale ainsi créée (cf. infra, III, 3o). — Société coopérative. ⇒ coopérative.
2 ♦ (XVIe) Vx Relations entre des personnes; vie en compagnie, en groupe. ⇒ commerce, relation. « Le plaisir de la société entre les amis se cultive par une ressemblance de goût » (La Bruyère). — Cour. DE SOCIÉTÉ : qui s'exerce en société, dans les réunions amicales, familiales. Jeux de société : jeux distrayants qui peuvent se jouer à plusieurs.
3 ♦ LA SOCIÉTÉ DE (qqn) :relations habituelles avec une ou plusieurs personnes. ⇒ compagnie. Rechercher la société des femmes. ⇒ fréquentation. — En société, dans la société de qqn (cf. En compagnie).
II ♦ (XVIIe-XVIIIe)
A ♦
1 ♦ État particulier à certains êtres, qui vivent en groupes plus ou moins nombreux et organisés. « La société est l'union des hommes, et non pas les hommes » (Montesquieu). ⇒ communauté. La vie en société. ⇒ social. Chez la fourmi, « le fait de vivre en société efface l'inhumanité de son existence » (Queneau).
2 ♦ (XVIIe-XVIIIe; du sens précéd.) Ensemble des individus entre lesquels existent des rapports durables et organisés, le plus souvent établis en institutions et garantis par des sanctions; milieu humain par rapport aux individus, ensemble des forces du milieu agissant sur les individus (contrainte sociale). ⇒ communauté, groupe. Société politique. La « société civile. On la peut définir [...] société d'hommes unis ensemble sous le même gouvernement et sous les mêmes lois » (Bossuet). Mod. La société civile : l'ensemble des citoyens qui n'appartiennent pas au monde politique. Relatif à la société. ⇒ collectif, public, social. Phénomène, problème de société. ⇒ sociétal. Évolution de la société. Avoir une dette envers la société. Être au ban de la société.
♢ UNE SOCIÉTÉ : groupe social limité dans le temps et dans l'espace. « Humaine ou animale, une société est une organisation » (Bergson). Sociétés d'abeilles, de termites. ⇒ colonie. Les sociétés primitives. Société féodale. Les valeurs, la culture d'une société. Les institutions, les usages, les coutumes d'une société. « Une société ne saurait subsister sans un gouvernement » (Montesquieu). « Le réseau de lois et de rites, l'édifice de conventions et de consentements qui définit une société organisée » (Valéry). — Type d'état social. La société capitaliste. La société sans classes. La société de consommation.
3 ♦ Didact. Tout groupe social, important ou non, permanent ou non, organisé ou spontané. ⇒ association , collectivité, communauté; clan, famille, tribu. « Toute société partielle, quand elle est étroite et bien unie, s'aliène de la grande » (Rousseau).
B ♦
1 ♦ (XVIIe) Ensemble de personnes réunies pour une activité commune ou par des intérêts communs. « Je réunis autour de moi une société d'écrivains » ( Chateaubriand). ⇒ entourage. Société mêlée.
♢ (1860) Groupe de personnes actuellement réunies. ⇒ assemblée, assistance, compagnie. Toute la société se mit debout.
2 ♦ Les personnes qui ont une vie mondaine, les couches aisées, oisives. ⇒ monde. Les usages de la bonne société. La haute société, ou absolt la société. ⇒ aristocratie, gentry, fam. gratin (cf. Le grand monde, la haute). La haute société internationale. ⇒ jet-set(anglic.). « Se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société » (Stendhal).
III ♦ (XVIIe) Groupe organisé et permanent, institué pour un but précis.
1 ♦ Compagnie ou association religieuse. ⇒ congrégation. La Société de Jésus.
2 ♦ Organisation fondée pour un travail commun ou une action commune. Société savante (⇒ institut) . Société sportive. ⇒ 1. club. « Je ne me pardonnerais pas d'être entré par mégarde dans une société de pêcheurs à la ligne » (Romains) . Membres d'une société. ⇒ sociétaire. — Société secrète : organisation clandestine qui poursuit en secret des menées subversives (politiques, sociales).
3 ♦ Personne morale créée par un contrat de société, dont le patrimoine social est constitué par les apports de chaque associé. Créer, vendre, dissoudre une société. Siège social d'une société. Gérant, directeur d'une société. Le capital d'une société. Détenir des parts, des actions dans une société (⇒ actionnaire) . Statuts d'une société. Impôt sur les sociétés, sur leurs bénéfices. — Société privée, nationale, nationalisée. ⇒ affaire, compagnie, entreprise, établissement, firme, maison. Société nationale des chemins de fer français (S. N. C. F.). Société d'économie mixte. La société et ses filiales, ses succursales. Réunion de plusieurs sociétés. ⇒ cartel, conglomérat, groupe, holding, trust. Société multinationale.
♢ Dr. Société de moyens. Société de capitaux, société par actions. — Société civile, ayant une activité non commerciale. Société civile professionnelle (S. C. P.), entre personnes exerçant une même profession libérale ou entre officiers ministériels. Société civile immobilière, qui a pour objet de construire au nom de copropriétaires. — Société commerciale, qui réalise des opérations commerciales à but lucratif. Société anonyme (S. A.), dont le capital est constitué par voie de souscription (⇒ 2. action) . Société à responsabilité limitée (S. A. R. L.), dont les parts sociales ne sont pas négociables. Société de personnes, par intérêt, dont la part de chaque associé est personnelle et généralement non cessible. Société en nom collectif, dont les associés ont la qualité de commerçants et sont personnellement et solidairement responsables de toutes les dettes sociales. Société en commandite.
♢ Société d'assurance. ⇒ compagnie, mutuelle. Société de crédit. ⇒ établissement. Société financière. Société d'ingénierie. Société de services. Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (S. A. F. E. R.). — Fin. Société de bourse, qui a le monopole du courtage des opérations de bourse (remplace l'agent de change). Société civile de placement immobilier (S. C. P. I.). Société d'investissement (cf. Fonds commun de placement). Société d'investissement à capital variable. ⇒ sicav.
4 ♦ Dr. internat. Association d'États. Hist. La Société des Nations ou S. D. N. (remplacée par l'Organisation des Nations Unies, depuis 1946).
● société nom féminin (latin societas) Ensemble d'êtres humains vivant en groupe organisé : Les hommes vivent en société. Milieu humain dans lequel quelqu'un vit, caractérisé par ses institutions, ses lois, ses règles : Les conflits entre l'individu et la société. Tout groupe social formé de personnes qui se réunissent pour une activité ou des intérêts communs : Une société brillante entourait le nouvel élu. Familier. Ensemble des personnes actuellement réunies : Saluer la société. Compagnie de quelqu'un, d'un groupe, relations habituelles avec eux : Rechercher la société des femmes. Droit Contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun soit des biens, soit leur activité en vue de réaliser des bénéfices qui seront ensuite partagés entre elles ou pour profiter d'une économie ; personne morale née de ce contrat. ● société (citations) nom féminin (latin societas) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 L'individu qui pense contre la société qui dort, voilà l'histoire éternelle, et le printemps aura toujours le même hiver à vaincre. Politique P.U.F. Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Fondez une Société des honnêtes gens, tous les voleurs en seront. Propos d'un Normand, tome III Gallimard Émile Augier Valence, Drôme, 1820-Paris 1889 Académie française, 1857 Crève donc, société ! Les Effrontés, I, 7, le marquis Michel Lévy Jacques Bainville Vincennes 1879-Paris 1936 Académie française, 1935 Le pouvoir d'oublier, très fort chez les individus, l'est encore plus dans les sociétés humaines. Lectures Fayard Georges Bernanos Paris 1888-Neuilly-sur-Seine 1948 Les vrais ennemis de la société ne sont pas ceux qu'elle exploite ou tyrannise, ce sont ceux qu'elle humilie. Nous autres Français Gallimard Louis, vicomte de Bonald château du Monna, près de Millau, 1754-château du Monna, près de Millau, 1840 Académie française, 1816 La littérature est l'expression de la société, comme la parole est l'expression de l'homme. Pensées sur divers sujets Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 L'Homme n'est l'homme que parce qu'il a su se réunir à l'homme. Histoire naturelle, De l'homme Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 Les gens du monde ne sont pas plus tôt attroupés qu'ils se croient en société. Maximes et pensées Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 La société est composée de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d'appétit et ceux qui ont plus d'appétit que de dîners. Maximes et pensées Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 Il n'y a de société vivante que celle qui est animée par l'inégalité et l'injustice. Conversations dans le Loir-et-Cher Gallimard Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Dans la nature, toutes les espèces se dévorent : toutes les conditions se dévorent dans la société. Le Neveu de Rameau Joseph Arthur, comte de Gobineau Ville-d'Avray 1816-Turin 1882 Une société n'est, en elle-même, ni vertueuse ni vicieuse ; elle n'est ni sage ni folle ; elle est. Essai sur l'inégalité des races humaines Paul Henri Thiry, baron d'Holbach Edesheim, Palatinat, 1723-Paris 1789 Dans les individus de l'espèce humaine, ainsi que dans les sociétés politiques, la progression des besoins est une chose nécessaire ; elle est fondée sur l'essence même de l'homme, il faut que les besoins naturels, une fois satisfaits, soient remplacés par des besoins que nous nommons imaginaires, ou besoins d'opinion : ceux-ci deviennent aussi nécessaires à notre bonheur que les premiers. Système de la nature Julien Offray de La Mettrie Saint-Malo 1709-Berlin 1751 Je sens tout ce que demande l'intérêt de la société ; mais il serait sans doute à souhaiter qu'il n'y eût pour juges que d'excellents médecins. L'Homme machine François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Les hommes ne vivraient pas longtemps en société s'ils n'étaient les dupes les uns des autres. Maximes Claude Lévi-Strauss Bruxelles 1908 Qui dit homme dit langage, et qui dit langage dit société. Tristes Tropiques Plon Claude Lévi-Strauss Bruxelles 1908 La vie sociale consiste à détruire ce qui lui donne son arôme. Tristes Tropiques Plon François Mauriac Bordeaux 1885-Paris 1970 Académie française, 1933 Les êtres nous deviennent supportables dès que nous sommes sûrs de pouvoir les quitter. Thérèse Desqueyroux Grasset Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole. Allocution aux curés de Milan, 5 juin 1800 Pierre Joseph Proudhon Besançon 1809-Paris 1865 Ce ne sont pas les hommes qui gouvernent les sociétés, ce sont les principes ; à défaut de principes, ce sont les situations. De la justice dans la révolution et dans l'Église Pierre Joseph Proudhon Besançon 1809-Paris 1865 L'homme n'est homme que par la société, laquelle, de son côté, ne se soutient que par l'équilibre des forces qui la composent. Qu'est-ce que la propriété ? Pierre Joseph Proudhon Besançon 1809-Paris 1865 L'homme et la société se servent réciproquement de sujet et d'objet. Système des contradictions économiques Raymond Queneau Le Havre 1903-Paris 1976 La férocité, c'est une des catégories cardinales de l'homme en société. Gueule de pierre Gallimard Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 La nature a fait l'homme heureux et bon, mais […] la société le déprave et le rend misérable. Rousseau juge de Jean-Jacques Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon Paris 1760-Paris 1825 La société ne vit point d'idées négatives, mais d'idées positives. Le Système industriel Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon Paris 1760-Paris 1825 La société tout entière repose sur l'industrie. L'Industrie Émile Zola Paris 1840-Paris 1902 Une société n'est forte que lorsqu'elle met la vérité sous la grande lumière du soleil. Correspondance, à Louis Ulbach, 6 novembre 1871 Fasquelle Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Nulle société ne peut exister sans morale. Il n'y a pas de bonne morale sans religion. Il n'y a donc que la religion qui donne à l'État un appui ferme et durable. Allocution aux curés de Milan, 5 juin 1800 Ralph Waldo Emerson Boston 1803-Concord, Massachusetts, 1882 Partout, la société conspire contre l'humaine nature de chacun de ses membres. Society everywhere is in conspiracy against the manhood of every one of its members. Essays, Self-Reliance Guanzi mort en 644 Les quatre principes de la vie en société sont : les convenances, la justice, l'intégrité et la modestie. Traduction D. Tsan Mao Zedong, Mao Tsö-tong ou Mao Tsé-toung Shaoshan, Hunan, 1893-Pékin 1976 L'existence sociale des hommes détermine leur pensée. Citations du président Mao Tsé-Toung, XXII William Makepeace Thackeray Calcutta 1811-Londres 1863 Il est impossible, dans notre société telle qu'elle est, de ne pas être parfois un snob. It is impossible, in our condition of society, not to be sometimes a snob. Les Snobs ● société (expressions) nom féminin (latin societas) En société, devant un public formé de ses relations, de ses amis, etc. Fait de société, phénomène considéré comme particulièrement caractéristique d'une époque et d'une société. La (bonne) société, le groupe social que l'on considère comme possédant le bon goût, les bonnes manières, l'élégance, etc. La haute société, les personnes les plus en vue par leur position sociale, leur fortune, etc. L'honorable société, nom donné à la mafia. Jeux de société, jeux propres à distraire dans des réunions amicales, familiales ou mondaines. La société civile, le corps social, par opposition à la classe politique. Société secrète, organisation clandestine, structurée, dont les membres sont étroitement liés par des règles impératives. Société d'intérêt collectif agricole (S.I.C.A.), organisme dont la fonction est de créer ou de gérer des installations et des équipements, ou d'assurer des services, au bénéfice des agriculteurs d'une région rurale ou de l'ensemble des habitants de cette région. Société financière, établissement de crédit qui effectue des opérations bancaires sans faire appel aux dépôts du public, mais avec les seuls fonds provenant du groupe dont il fait partie. Impôt sur les sociétés, impôt sur les bénéfices des sociétés, institué en 1948. Société d'acquêts, dénomination de la communauté d'acquêts, adjointe parfois à un régime matrimonial de séparation des biens. Société anonyme (S.A.), celle dont le capital est divisé en actions négociables et qui est constituée entre des actionnaires qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. Société civile, société ayant pour objet une activité civile, mais qui peut adopter une forme commerciale. Société civile immobilière (S.C.I.), société civile qui a pour objet la construction et la vente d'immeubles. Société civile de placement immobilier (S.C.P.I.), société de placements financiers regroupant des personnes possédant des parts d'immeubles. Société civile professionnelle (S.C.P.), société regroupant des personnes physiques exerçant une profession libérale ou des officiers ministériels. Société commerciale, société de personnes (société en nom collectif, société en commandite) ou société de capitaux (société anonyme, société à responsabilité limitée). Société d'économie mixte, société anonyme dont une partie des actions appartient à une personne morale de droit public et l'autre partie est détenue par des personnes privées. Société en nom collectif, société dans laquelle les associés ont la qualité de commerçant et sont tous tenus solidairement et indéfiniment des engagements de la société sur tous leurs biens personnels. Société à responsabilité limitée (S.A.R.L.), société dont le capital est divisé en parts sociales, qui ne peuvent être cédées à des personnes étrangères à la société qu'avec le consentement de la majorité en nombre des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, et dont les associés ne supportent les pertes que jusqu'à concurrence de leurs apports. Société animale, groupement d'individus d'une espèce animale présentant une structure sociale caractéristique. Société littéraire, réunion d'écrivains rassemblés par une même conception esthétique ou pour la défense d'objectifs littéraires identiques. Société civile, association d'individus reposant sur un contrat social et dont les liens de réciprocité instituent un ordre économique ou politique. ● société (synonymes) nom féminin (latin societas) Ensemble d'êtres humains vivant en groupe organisé
Synonymes :
- collectivité
- communauté
Tout groupe social formé de personnes qui se réunissent pour...
Synonymes :
- bande
- cercle
- clan
- groupe
- troupe
Familier. Ensemble des personnes actuellement réunies
Synonymes :
- assemblée
- réunion
Compagnie de quelqu'un, d'un groupe, relations habituelles avec eux
Synonymes :
- commerce
- fréquentation
Éthologie. Société animale
Synonymes :
- communauté animale
société
(îles de la) princ. archipel de la Polynésie française, 1 647 km²; 142 000 hab.; ch.-l. Papeete. Il est formé des îles du Vent (1 173 km²; 123 000 hab.), qui comprennent notam. Tahiti, et des îles Sous-le-Vent (472 km²; 22 230 hab.), dont Bora Bora.
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société
n. f.
aA./a
d1./d Vieilli ou litt. Relations habituelles que l'on a avec qqn. Trouver plaisir à la société de qqn.
d2./d DR Contrat de société: "contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter" (Code civil français).
aB./a
rI./r état des êtres qui vivent en groupe organisé. La vie en société.
|| Ensemble d'individus unis au sein d'un même groupe par des institutions, une culture, etc. La société industrielle.
— Société de consommation, dont le système économique crée sans cesse de nouveaux besoins et pousse à consommer.
rII./r Ensemble d'individus unis par des goûts, une activité, des intérêts communs.
d1./d Réunion de personnes qui s'assemblent pour le plaisir, la conversation, le jeu. Une brillante société.
d2./d Ensemble des classes sociales favorisées. La haute société.
rIII/r
d1./d Groupe organisé de personnes unies dans un dessein déterminé. La Société des gens de lettres. Société protectrice des animaux.
d2./d DR Personne morale issue d'un contrat de société groupant des personnes qui sont convenues de mettre certains éléments en commun dans l'intention de partager des bénéfices ou d'atteindre un but commun. Société civile. Société commerciale.
— Société mère, qui détient au moins 50 % du capital d'autres sociétés dites filiales.
|| (Afr. subsah.) Groupe informel de personnes qui s'associent temporairement dans un but lucratif.
— Faire société: se mettre à plusieurs (pour un achat, un projet).
⇒SOCIÉTÉ, subst. fém.
I. A. — État de vie collective; mode d'existence caractérisé par la vie en groupe; milieu dans lequel se développent la culture et la civilisation. Individu et société; nature et société; l'homme en société; vivre en société; concept, conception de la société.
— [P. oppos. à individu] Si chacun de nous vivait d'une vie purement individuelle, s'il n'y avait ni société ni langage, notre conscience saisirait-elle sous cette forme indistincte la série des états internes? (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 110). C. H. Cooley — le seul sociologue américain qui ait conçu la réalité sociale comme un tout et qui ait insisté sur l'impossibilité d'opposer l'individu et la société comme les termes d'une alternative (Traité sociol., 1967, p. 16).
— [P. oppos. à nature] Jamais l'homme n'est en face des conditions de sa propre activité. La société fait écran entre la nature et l'homme. Être en face de la nature et non des hommes, c'est la seule discipline. Dépendre d'une volonté étrangère, c'est être esclave (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p. 156):
• 1. .... [Rousseau et Montesquieu] admirent comme base de la science de la société, ou du moins établirent dès l'entrée la bonté native de l'homme, et un prétendu état humain de pure nature antérieur à la société, et meilleur que la société. « L'homme est né bon, dit J.-J. Rousseau, et la société le déprave... Tout ce qui n'est pas dans la nature a des inconvéniens, et la société civile plus que tout le reste ».
BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 90.
B. — 1. Vieilli. Ensemble de relations éphémères ou durables, de rapports organisés ou fortuits que les êtres humains entretiennent entre eux. Ils partirent. Cette séparation me brisa le cœur. Ma société intime, presque réduite à ma famille, se trouvoit diminuée de ceux qui en faisoient le charme le plus précieux (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p. 33). Ces hommes (...) n'ayant point une soirée à donner à l'amitié et à la société! Ouvriers solitaires et renfoncés, vivant loin de la vie, avec une pensée et une œuvre! (GONCOURT, Journal, 1860, p. 711).
2. P. méton.
a) Compagnie, présence habituelle de quelqu'un. Synon. fréquentation. Société agréable, aimable; recherche de la société des femmes. Toute la maison a été dîner hier chez monsieur de Warberg, et comme la société de sa femme m'ennuie, j'ai pris le prétexte de ma santé pour rester chez moi (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1666). Mon ami Shaw (...) dit que désirer la société permanente d'une jolie femme, jusqu'à la fin de ses jours, c'est comme si, sous prétexte que l'on aime le bon vin, on voulait toujours avoir la bouche pleine (MAUROIS, Sil. Bramble, 1918, p. 132).
b) En société (avec). En compagnie (de). Je suis toujours languissant et faible, peu expansif, et taciturne en société (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 224). L'homme isolé, peut souvent plus qu'en société avec mille autres (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 74).
— P. anal. [À propos de plantes] Originaire d'Amérique du Nord (...), le sapin géant y vit en société avec (...) le thuya et diverses autres espèces (COCHET, Bois, 1963, p. 43).
c) Vieilli. Ensemble, réunion de personnes. Oh! la banban [Gervaise qui boite]! Et ce mot: la Banban, courut dans la société (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 442). Après le dîner, il faut que je parte (...). Je quitte la société et je redescends du côté du faubourg Saint-Honoré (VALLÈS, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 321).
♦ Jeu de société. Jeu (p. oppos. aux jeux et sports de plein air) qui réunit plusieurs personnes. Une dévote qui ne pouvait à seize ans souffrir qu'on l'embrassât dans des jeux de société (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 28). À la danse je préférais les petits jeux de société et les charades qui étaient en grande faveur chez mon parrain (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 505).
d) En partic. Groupe de personnes entretenant des relations mondaines, qui se réunissent pour se distraire, pour le plaisir de la conversation. Société brillante, mondaine, parisienne. On y jouissait d'une société fort agréable en hommes et en belles dames (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 96). La princesse savait le regret qu'avait Mme de Cambremer d'être restée à la porte de la haute société aristocratique, où personne ne la recevait (PROUST, Fugit., 1922, p. 665).
♦ Talent de société. Talent propre à distraire dans une réunion de salon. Il m'eût peut-être fait du tort: ses talents de société éclipsaient les miens; il devenait le héros de la fête (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 332). Surtout avec moi, qui n'ai rien que mon génie, et qui suis (...) absolument dépourvu de brillant, et sans conversation, et sans talent de société, et presque sans intelligence après tout! (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 157).
♦ Vers de société. Vers faciles propres à distraire dans une réunion de salon (d'apr. LITTRÉ).
♦ La société. L'ensemble des personnes qui ont une vie sociale ou mondaine. On ne peut vivre dans la société après l'âge des passions. Elle n'est tolérable que dans l'époque où l'on se sert, de son estomac pour s'amuser, et de sa personne pour tuer le temps (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 36). La (bonne) société. Synon. le monde, le gratin (fam.), la haute (fam.). Proust prit son essor dans la société lors de l'affaire Dreyfus, chez Geneviève Halévy (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 103).
♦ La haute, la meilleure société. L'ensemble des personnes les plus connues pour leur naissance, leur fortune, leur culture, leur influence, leur pouvoir, etc. Synon. le grand monde. Les trois quarts de ses personnages [de M. Ohnet] appartiennent à la meilleure société, sont ducs, marquis ou comtes: dans chacun de ses romans vous trouverez la description consciencieuse d'un vieux château de famille (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 351). Elle était retournée à Paris et y avait institué un ouvroir, tâche qui l'avait mise en rapport avec la haute société parisienne (BILLY, Introïbo, 1939, p. 28).
♦ La bonne société. L'ensemble des personnes importantes, dont les idées, les manières sont conformes aux valeurs en vigueur. Il faut bien que tu lui montres que nous connaissons de la bonne société, quelque chose d'élevé (JANIN, Âne mort, 1829, p. 142). Un inspecteur général me protégeait, la bonne société d'Aurillac voulait bien me recevoir, ma jeune femme me portait l'affection la plus tendre (SARTRE, Mots, 1964, p. 153).
II. A. — Communauté organisée d'individus conçue comme une réalité distincte de l'ensemble des individus qui la composent. Société idéale, future. C'est dans la société enfantine que les histoires de fées et de lutins, après avoir émerveillé les grandes personnes, trouvent leur suprême auditoire (DÉVIGNE, Légend. de Fr., 1942, p. 13):
• 2. Non, dit-on, la société n'existait pas; les hommes étaient agglomérés, mais point associés: la constitution arbitraire de la propriété et de l'état, ainsi que le dogmatisme intolérant de la religion, le prouvent. Rhétorique pure: la société existe du jour où les individus, communiquant par le travail et la parole, ont consenti des obligations réciproques et donné naissance à des lois et à des coutumes. Sans doute la société se perfectionne à mesure des progrès de la science et de l'économie...
PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 372.
♦ Société conjugale. Communauté dont l'équilibre repose sur la vie de couple. Faites régresser au delà d'un certain point la division du travail sexuel, et la société conjugale s'évanouit pour ne laisser subsister que des relations sexuelles éminemment éphémères (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 24). Les diverses adaptations sollicitées par la société conjugale et par les nouveaux groupements familiaux achèvent cette mise en place de la personnalité (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 153).
— P. anal. Communauté organisée d'animaux. Deux méthodes mathématique et attrayante qui régissent l'ensemble de l'univers matériel et les sociétés d'animaux industrieux (FOURIER, Nouv. monde industr., 1830, p. 73). L'homme d'aujourd'hui, né de l'évolution biologique et prenant sa place, simplement sa place, dans la hiérarchie des sociétés animales après la société simple de certains insectes, de certains oiseaux comme les chauve-souris, les sociétés d'animaux migrateurs comme celle des hirondelles, ou celle des bandes de criquets, enfin les sociétés à travail collectif dont le modèle est fourni par les castors, les termites, les abeilles (Univers écon. et soc., 1960, p. 62-15).
— P. métaph. La statue est seule. Même dans une société de statues, chacune est seule; il y a donc du sauvage et du rustique dans la statue (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 219).
B. — 1. Communauté d'individus organisée autour d'institutions communes (économiques, politiques, juridiques, etc.) dans le cadre d'un état ou plus généralement dans le cadre d'une civilisation à un moment historique défini. Société actuelle, ancienne, moderne, de classes; crise, problème de société; rôle de la femme dans la société. Les sentiments, la culture, le bonheur; j'ai besoin de penser que dans la société sans classe l'humanité s'accomplira sans rien renier d'elle-même (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 195).
— [L'accent est mis sur les instit. pol., jur., etc.] Société démocratique. J'ai vécu (...) [le système politique] qui résultait de la constitution de 1790, le système républicain de 1793, le système de guerre et de conquête sous Buonaparte, et enfin l'établissement d'une nouvelle société basée seulement sur les besoins des hommes (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 413).
— [P. oppos. à société politique] Société civile. La société civile n'est évidemment pas née en juin 1988 (...). C'est même une réalité permanente, puisqu'on pourrait la définir comme ce qui, dans la société, n'est pas directement la société politique, c'est-à-dire qu'elle n'exerce pas le pouvoir d'État (La Croix, 19 juill. 1988, p. 9, col. 1).
— [L'accent est mis sur l'organ. écon.] Société bourgeoise, capitaliste, industrielle, libérale, paysanne, socialiste. Rome était essentiellement une société agricole et guerrière (DURKHEIM, Divis. trav., 1902, p. XXII). Keynes est mort et, avec lui, les politiques du « plein emploi ». La question qui se pose maintenant est: la troisième révolution industrielle va-t-elle conduire à la société du chômage ou à la société du temps libre? (Le Nouvel Observateur, 4 déc. 1978, p. 81, col. 2).
♦ Société d'abondance, de consommation. Société dans laquelle les individus sont incités à satisfaire (au moyen de l'argent) des besoins artificiellement créés, pouvant aller jusqu'au gaspillage. Avec le crépuscule de la société d'abondance c'est la fin de la société permissive qui a fait un si mauvais usage de la liberté (Le Monde, 17 janv. 1974 ds GILB. 1980). V. consommation ex. 7.
♦ Société post-industrielle. V. post- B 1 c.
— [L'accent est mis sur un ensemble de valeurs, un mode de vie] Société chrétienne, occidentale, permissive. L'infiltration du christianisme dans les sociétés barbares pose-t-elle un autre problème de contact que l'infiltration de l'Islam dans les sociétés animistes de nos jours? (Philos., Relig., 1957, p. 44-8). Les bandits ordinaires de la « société de violence » dont parle l'avocat général (L'Express, 7 oct. 1978, p. 149, col. 1).
♦ Société de communication. Société dans laquelle les moyens d'information et de communication les plus divers ont une grande importance dans la vie quotidienne. Une expérience en vraie grandeur de ville câblée par fibres optiques permet de préfigurer l'avenir de la société de communication. Grâce à un réseau télévisé bidirectionnel, les habitants ont à leur disposition l'interrogation d'une banque de données, la participation directe aux émissions, les échanges mutuels (L'Express, 28 juill. 1979, p. 56, col. 3).
— [L'accent est mis sur une situation historique définie] Société antique, contemporaine, médiévale. Nous avons vu comment le mouvement général de transition, qui s'accomplit au milieu de la société européenne du treizième au quatorzième siècle, devait se faire ressentir dans la marche de l'esprit humain (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 85). Le système juridique de la société féodale peut d'ailleurs être caractérisé par la prépondérance très accentuée des différents ordres du droit social non étatique sur le droit individuel (Traité sociol., 1968, p. 200).
— [L'accent est mis sur le classement ethnol.] Société archaïque, civilisée, matriarcale, patriarcale, primitive. Le problème du primitivisme d'une société est généralement posé par le contraste qu'elle offre avec ses voisins proches ou lointains (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p. 126):
• 3. Le monde qui a pratiqué la chasse aux têtes, est aussi celui qui a connu la maison des hommes et qui, d'une façon générale, possède encore cette institution, tant dans les sociétés à descendance utérine que dans les sociétés de type patriarcal. Est-ce à dire que toute société où existe la maison des hommes est ou fut une société de chasseurs de têtes?
CUISINIER, Danse sacrée, 1951, p. 75.
2. P. méton. Formes économiques et politiques, conduites sociales, valeurs morales engendrées par une communauté. Ce n'est pas en tant qu'il décrit une société pourrie que Proust fait œuvre révolutionnaire (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 153). Dans une société cosmopolite comme fut l'hellénisme et comme l'est notre civilisation, un certain intérêt pour le mythe prend volontiers la forme de la gnose (Philos., Relig., 1957, p. 36-16).
SYNT. Base, classe, constitution, destruction, étude, évolution, fonctionnement, intérêt, liens, lois, maux, progrès, structure, transformation de la société; sciences de l'homme et de la société; histoire, origine, structure des sociétés; en marge de, au nom de la société; utile à la société; réformer la société; être mis au ban de la société.
III. A. — Association d'individus soumis à un règlement (pouvant être juridique), fondée sur une communauté d'idées, d'intérêt(s) ou de travail. Société d'anthropologie, d'auteurs, de bibliophiles, de bienfaisance, de concerts, d'encouragement à, de gens de lettres, de géographie, de gymnastique, d'histoire, de secours mutuels; société fraternelle, littéraire, philharmonique, populaire; académies et sociétés savantes; faire partie, être membre d'une société. La société encyclopédique: quel était le but de l'institution? De dîner une fois par mois avec des boyards russes et des magnats hongrois (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 272):
• 4. Telles sont aussi les sociétés zoologiques, créées au cours du siècle en France, Angleterre (1826) et ailleurs et qui demeurent très vivantes, ou d'autres encore, plus spécialisées, comme les sociétés entomologiques. Ces diverses sociétés ont assuré la publication et la diffusion de nombreux travaux d'ordre systématique.
Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 403.
♦ Société de courses. Société pour l'amélioration de la race chevaline, qui organise les paris sur les hippodromes. Il a été dit que les sociétés de courses étaient placées sous la tutelle de l'État. Comment cette tutelle s'exerce-t-elle? (P. ARNOULT, Les Courses de chevaux, 1967, p. 63).
♦ Société léonine. V. léonin1. Société protectrice des animaux.
♦ Société secrète. Association clandestine composée d'un nombre limité de personnes qui poursuivent des menées subversives à caractère politique, social ou religieux. J'ai connu jadis un vieux sénateur de la République qui, dans sa jeunesse, avait conspiré avec toutes les sociétés secrètes contre Charles X (FRANCE, Jard. Épicure, 1895, p. 73). Ce qu'il est intéressant de noter, ce sont les contacts d'Agrippa (...) avec des sociétés secrètes (CARON, HUTIN, Alchimistes, 1959, p. 39).
— En partic. Association religieuse, ordre religieux. Il en est de même des églises; le gouvernement respectant tous les cultes, les protège également, et encourage les sociétés religieuses qui en construisent de nouvelles (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 36). Société de Jésus (vx). Compagnie des Jésuites. Sûr de son affaire, il s'écrit: La société sera satisfaite! (C'est la société de Jésus) (COURIER, Pamphlets pol., Procès, 1821, p. 103).
B. — 1. DR. Contrat entre deux ou plusieurs personnes qui conviennent de mettre quelque chose en commun dans un but lucratif en vue du partage des bénéfices résultants; p. méton., personne morale issue de ce contrat. Grande, grosse, importante société; société coopérative; type de société; siège de la société; constitution, liquidation d'une société. Je vous ai dit sans doute que mon ami Pagnerre était un des actionnaires de la nouvelle société qui possède les théâtres du boulevard (FLAUB., Corresp., 1863, p. 121). Les dix-huit compagnies du Nord et du Pas-de-Calais entrent en liquidation, comme toutes les autres sociétés minières, dont le patrimoine est transmis, dans toute la France, à des établissements publics nationaux (CHENOT, Entr. national., 1956, p. 39).
♦ Société d'acquêts. Contrat qui, dans le régime de la séparation de biens, stipule que l'ensemble des économies et des biens acquis par les époux sera divisé entre eux à la dissolution du mariage. En se soumettant au régime dotal, les époux peuvent néanmoins stipuler une société d'acquêts, et les effets de cette société sont réglés comme il est dit aux articles 1498 et 1499 (Code civil, 1804, art. 1580, p. 292).
♦ Société de fait. Association de deux ou plusieurs personnes qui mettent leurs biens en commun avec partage des bénéfices et des pertes, sans contrat écrit ni statut. (Dict. XXe s.).
♦ Société civile. ,,Société dont l'objet constitue une activité non commerciale et qui n'a pas adopté la forme anonyme, à responsabilité limitée, en nom collectif ou en commandite`` (Jur. 1985). Nous ne pouvons en ce moment entrer plus à fond dans la critique des sociétés civiles et de commerce (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 250). À 72 ans, Henri Jannès (...) lance une nouvelle croisade: contre les sociétés civiles immobilières qu'il accuse de pratiquer des frais de gestion exorbitants aux dépens de leurs 100 000 souscripteurs (Le Point, 5 janv. 1976, p. 64, col. 1).
— [P. oppos. à société civile]
♦ Société commerciale et, p. ell., société. Société qui a pour objet l'accomplissement d'opérations commerciales, à but essentiellement lucratif, régie par les règles du droit civil et le code du commerce. Les ventes de la société commerciale à l'étranger sont ainsi passées de 397 000 tonnes (...) en 1952 à 550 000 tonnes en 1953 (Industr. fr. engrais chim., 1956, p. 18). Société de capitaux. Société commerciale dans laquelle chaque associé n'est tenu responsable des dettes qu'à la proportion de son apport. La difficulté de l'articulation entre la société papetière et la société forestière, celle-ci société de personnes devant être, en fait sinon en droit, une simple filiale de celle-là, société de capitaux (Industr. fr. bois, 1955, p. 25). Société de personnes, en nom collectif (p. oppos. à société de capitaux). Société commerciale dans laquelle les associés sont responsables sur tous leurs biens de l'ensemble des engagements de la société. La Société constituée sous forme de nom collectif... est transformée, à partir de ce jour, en Société à responsabilité limitée (Contrat de société, 1928 ds Doc. hist. contemp., p. 161). Société mère. Importante société de capitaux qui détient plus de la moitié du capital d'une autre appelée filiale. Les participations. Outre celle de Goodrich il faut citer celle de l'US Rubber au capital d'Englebert par l'intermédiaire de la société mère belge (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 43). Société par actions. Société de capitaux dans laquelle la participation de chacun des associés est matérialisée par des actions transmissibles. Aujourd'hui, nous avons progressé. On ne vole plus, on fait des coups de bourse et on monte des sociétés par actions (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 42). Société en commandite et, p. ell., commandite. Société filiale et, p. ell., filiale.
♦ Société anonyme (S.A.). Société de capitaux d'au moins sept personnes, dont les actions sont transmissibles et où la personnalité de chaque associé disparaît derrière la personnalité morale de la société. Avec les sociétés anonymes par actions tout lien personnel entre le propriétaire et l'objet de sa propriété disparaît (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 257). Société à responsabilité limitée (S.A.R.L.). Société de capitaux dont les parts sociales ne sont transmissibles qu'à un autre associé (pour toute cession à un tiers, l'agrément des autres associés est requis). Il existe une forme de société, intermédiaire entre les sociétés de personnes et celles de capitaux: la loi française de 1925 a précisé le fonctionnement des « sociétés à responsabilité limitée » (SARL) qui groupent plusieurs associés, propriétaires de « parts sociales » du capital (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1968, p. 22). Société (de) portefeuille. Société de capitaux qui possède de nombreuses actions dans des sociétés, les contrôle et les dirige financièrement, sans s'occuper de l'exploitation. Synon. holding. Cette société n'est plus qu'une société de portefeuille depuis qu'elle a constitué en 1951, une filiale (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 37).
♦ Société d'économie mixte. Société anonyme dans laquelle l'État ou une collectivité locale sont associés à des capitaux privés. Apporter des garanties d'emprunt, des dons en terrains, des participations financières aux offices d'HLM (...) et parfois à des sociétés d'économie mixte (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 266). Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (S.A.F.E.R.). Société d'économie mixte qui a pour objectif l'amélioration de la structure des exploitations familiales. Éviter à la fois l'éclatement des exploitations et la concentration des propriétés. Ceci s'exprime notamment dans l'action des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) et dans celle du crédit agricole (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 370). Société d'investissement. Société anonyme qui gère un portefeuille de valeurs mobilières en répartissant les risques. Le principal mérite des sociétés d'investissement et des fonds communs de placement réside dans leurs possibilités d'attirer l'épargne vers des emplois intéressant immédiatement les activités économiques du pays (Univers écon. et soc., 1960, p. 30-16). Société d'investissement à capital variable (S.I.C.A.V.). Société d'investissement qui peut accueillir à tout moment un nouvel actionnaire et laisse libre tout actionnaire de quitter la société; p. méton., action appartenant à cette société. La reprise amorcée au lendemain des élections vire à l'euphorie avec les mesures de René Monory en faveur de l'épargne investie en actions françaises (...). Le Crédit lyonnais a recueilli en deux jours, pour sa « SICAV 5 000 », 50 millions de Francs (L'Express, 7 oct. 1978, p. 117, col. 1).
♦ Société par intérêts. ,,Société à laquelle chaque associé est réputé n'avoir donné son consentement qu'en considération de ses coassociés et qui exige leur collaboration personnelle à la poursuite du but social, d'où il résulte que la part sociale de chacun d'eux, appelée intérêt, n'est transmissible qu'en vertu d'une clause expresse et avec le consentement des coassociés`` (CAP. 1936).
— Règle de société. Règle de partage des bénéfices entre chaque associé. (Ds DG, ROB., Lar. Lang. fr.).
— P. méton.
♦ Entreprise gérée par une société. Société immobilière, industrielle ; véhicule, voiture de société. La société aura extrait 10 000 tonnes métriques de charbon, dont le quart a été dirigé sur Paris (E. SCHNEIDER, Charbon, 1945, p. 145). Vous possédez une première expérience marketing ou commerciale acquise dans une société agro-alimentaire auprès d'une clientèle industrielle (L'Express, 18 avr. 1981, p. 157, col. 1).
♦ Société de service et de conseil en informatique (S.S.C.I.). Société commerciale qui offre l'assistance d'un personnel spécialisé pour la mise au point ou l'exploitation de systèmes informatiques, bureautiques, télématiques (d'apr. Bureautique 1982).
2. DR. INTERNAT. Société des Nations (S.D.N.). Organisation internationale d'états qui visait à maintenir la paix, instituée par le traité de Versailles en 1919 et dissoute en 1947 au profit de l'Organisation des Nations Unies. Cette situation ne pourrait, en effet, être modifiée qu'avec l'assentiment du Conseil de la Société des Nations, avec le consentement du Gouvernement des États-Unis (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 573).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: societé; dep. 1740: société. Étymol. et Hist. 1. a) 1176-84 « compagnie, relations entre des êtres humains » (GAUTIER D'ARRAS, Eracle, éd. G. Raynaud de Lage, 4242); 1355 « union, alliance » (BERSUIRE, Tite-Live, B.N. 20312ter, f ° 16 ds GDF. Compl.); 1580 la société de qqn « sa compagnie » (MONTAIGNE, Essais, I, 28, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 193); 1649 « commerce ordinaire que l'on a avec quelqu'un » (LA ROCHEFOUCAULD, Apologie de M. Le Prince de Marcillac ds Œuvres, éd. D.-L. Gilbert et J. Gourdault, t. 2, p. 449); b) 1560 « sentiment d'alliance et d'amitié qu'on éprouve pour quelqu'un, et le lien qui en résulte » (La Bible, impr. A. Rebul, Machabees, I, 8, 17); 2. a) 1467 « groupement professionnel » (doc. ds BARTZSCH, p. 43); b) 1656 La Société « la congrégation des Jésuites » (PASCAL, Onzième lettre ... écrite aux révérends pères jésuites, Les Provinciales, Œuvres compl., éd. L. Lafuma, p. 420); 1690 « compagnie de gens qui s'assemblent pour vivre selon les règles d'un institut religieux » (FUR.); c) 1668 « union de plusieurs personnes qui sont jointes pour quelque affaire, pour quelque intérêt » (LA FONTAINE, Fables, I, VI, 3); d) 1740 « association de savants » (Ac.); e) ca 1770 Société patriotique (A. COCHIN, Les Sociétés de pensée et la révolution en Bretagne, I, 25 ds QUEM. DDL t. 11), 1790 Société Fraternelle des Patriotes des deux sexes amis de la constitution (BRUNOT t. 9, p. 812); 1842 société secrète (MOZIN-BIBER); 3. a) 1615 compagnie et société « association de personnes finançant ou gérant en commun une entreprise » (Décl. juill. ds KUHN, p. 162); 1636 société (MONET); b) 1656 acte de société (Lettre patente, mars ds KUHN, p. 162); 1872 règle de société « règle qui donne les moyens de partager une somme avec plusieurs associés d'après la quotité de leurs mises » (LITTRÉ); c) 1673 société anonyme (SAVARY); 1857 société en nom collectif (J. VALLÈS, L'Argent, p. 165); 4. a) 1650 « coterie » (MENAGE, Origines, p. 233: « Coteries est un vieux mot François qui signifie compagnie et societez de villageois, unis pour tenir d'un Seigneur quelque heritage, dont vient le mot de certaines coustumes de tenir en coterie, c'est à dire société »); 1690 « toute compagnie de personnes qui s'assemblent habituellement pour le jeu, la conversation, etc. » (FUR.); b) 1756 la société « les gens qui ont des salons, y reçoivent pour la conversation, pour le jeu, et ceux qui les fréquentent » (VOLTAIRE, Mœurs, 134 ds LITTRÉ); 1832 la haute société (RAYMOND); 5. a) 1670 « communauté des êtres humains, unis par leur nature et par les lois de la vie collective » (BOSSUET, Duchesse d'Orléans ds LITTRÉ); b) 1753 « groupe social (d'animaux) » (BUFFON, Hist. nat., t. 4, p. 95). Empr. au lat. societas « association, réunion, communauté, compagnie, union politique, alliance, association commerciale ou industrielle », dér. de socius « compagnon, associé, allié », d'où aussi en a. fr. la forme pop. soisté « compagnie » (fin XIIe s. ds T.-L.), usitée surtout au sens de « métayage (terme de coutume) » (XIIIe s. ds GDF. et T.-L.) et qui survit dans les parlers de l'Ouest et de l'Yonne dans le dér. souater « se prêter réciproquement ses chevaux pour les travaux agricoles », « travailler en commun », etc. (v. FEW t. 12, p. 19b). Fréq. abs. littér.:16 161. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 37 235, b) 18 711; XXe s.: a) 20 702, b) 14 477. Bbg. ARVEILLER (R.). R. Ling. rom. 1981, t. 45, p. 249. — BLOCHW.-RUNK. 1971, p. 316 (s.v. société d'abondance). — DUB. Pol. 1962, pp. 423-424. — HOTIER Cirque 1973 [1972], p. 77. — JOUVENEL (B. de). « Société »... R. internat. Philos. 1961, t. 55, pp. 42-60. — PROVOST (G.). Approche du discours politique... Langages. Paris, 1969, n ° 13, pp. 67-68. — QUEM. DDL t. 11 (s.v. société d'agriculture; fraternelle; patriotique), 16, 22, 24 (s.v. société câblée). — TOURNIER (M.). Un Vocab. ouvrier en 1848... Thèse, St Cloud, 1975, pp. 104-105. — VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], p. 309.
société [sɔsjete] n. f.
ÉTYM. V. 1165; lat. societas « association », de socius « compagnon, associé, allié ». → Social.
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1 Vx. Contrat d'association. || Faire société avec… : s'associer (→ Commun, cit. 5, La Fontaine). || Ouvrage fait en société, en collaboration.
♦ Mod. Dr. || Contrat de société, par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter (cf. Code civil, art. 1832). → ci-dessous, le sens III.
2 a (XVIe, Montaigne). Vx. Relations entre des personnes; vie en compagnie, en groupe. ⇒ Commerce (II., 1.), relation (→ 1. Reposer, cit. 14). || Une société, un ménagement d'intérêts (→ Amitié, cit. 6). — Les douceurs (cit. 12) de la société. || Dans la société (→ Appeler, cit. 37). — Vieilli. Relations mondaines; vie sociale. || Les plaisirs (cit. 34) de la société.
1 Le plaisir de la société entre les amis se cultive par une ressemblance de goût (…).
La Bruyère, les Caractères, V, 61.
♦ ☑ Loc. Vx. Faire société à qqn.
1.1 Eh bien, elle me fait société… elle découpe… elle est très-adroite !… elle parle, elle babille, elle gazouille… elle me raconte sa vie de pension.
E. Labiche, Moi, II, 7.
b … de société : qui s'exerce en société, dans les réunions mondaines ou amicales, familiales, etc. (1761). || Talents de société.
♦ (1834). Cour. || Jeux de société : jeux distrayants qui peuvent se jouer à plusieurs.
c Franç. d'Afrique. Fait de s'associer, de mettre en commun les biens, les moyens de plusieurs personnes; groupe, coopérative créé(e) par initiative personnelle (d'après I. F. A.). — ☑ Loc. Faire société : se réunir pour une opération économique commune. — Fam. (même sens que a, ci-dessus). Se réunir entre amis.
3 Relations habituelles avec une ou plusieurs autres personnes. ⇒ Compagnie (1.); → Cramponner, cit. 2. || La société des femmes. ⇒ Fréquentation (→ Goût, cit. 14). || « N'ayant de société que moi-même » (→ Raffinement, cit. 4, Rousseau). — En société, dans la société de qqn. ⇒ Commun, compagnie (en). → Avantageux, cit. 15. ⇒ aussi Avec.
2 Mes livres font ma joie, et presque ma seule société.
P.-L. Courier, Correspondance, IV, 10 sept. 1793.
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II (XVIIe-XVIIIe).
1 Vx (sauf dans : en société et de société). État particulier à certains êtres, qui vivent en groupes plus ou moins nombreux et organisés. ⇒ Sociabilité (opposé à nature, sauvagerie). → Homme, cit. 80, Rousseau; égalité, cit. 5, Montesquieu. ⇒ Communauté, union; communion (humaine). — ☑ Loc. Vivre en société, vie en société. || Le besoin de la société (→ Homme, cit. 82).
3 Nous naissons, nous vivons pour la société.
Boileau, Satires, X.
4 La société est l'union des hommes, et non pas les hommes; le citoyen peut périr, et l'homme rester.
Montesquieu, l'Esprit des lois, X, III.
2 (Ce sens se dégage aux XVIIe et XVIIIe s. du précédent; → Oppression, cit. 1; 2. politique, cit. 10, Rousseau). Ensemble des individus entre lesquels existent des rapports durables et organisés (⇒ Relation, III., 1.), le plus souvent établis en institutions et garantis par des sanctions; milieu humain par rapport aux individus, ensemble des forces du milieu agissant sur les individus (contrainte sociale). ⇒ Communauté, corps (corps social), groupe, humanité, monde (II., 4.). || Société civile, politique. || L'homme et la société. ⇒ Homme (cit. 83 à 85); individualisme (cit. 5). || Relatif à la société. ⇒ Collectif, public, social. || Rôle, travail de chacun dans la société : fonction sociale. || Place de la femme dans la société. || Problème de société. ⇒ Sociétal. — La société se venge, punit (cit. 7; → Punition, cit. 1). || Payer sa dette envers la société. — Organisation de la société. ⇒ Ordre (I., 5. : ordre social). || Castes (cit. 2), classes, degrés, milieux (cit. 28) de la société (→ Bon, cit. 54; 2. dîner, cit. 3). — Évolution, mouvement (→ Philosophie, cit. 10) de la société. || La société sans classe (→ Dialectique, cit. 5).
5 La société humaine peut être considérée en deux manières. Ou en tant qu'elle embrasse tout le genre humain, comme une grande famille. Ou en tant qu'elle se réunit en nations; ou en peuples composés de plusieurs familles particulières, qui ont chacune leurs droits. La société considérée de ce dernier sens, s'appelle société civile. On la peut définir (…) société d'hommes unis ensemble sous le même gouvernement et sous les mêmes lois.
Bossuet, Politique tirée de l'Écriture, I, VI, III, Conclusion.
♦ (Après 1650). || Une, des sociétés. Groupe social humain, limité dans le temps et dans l'espace (→ Gouvernement, cit. 20, Montesquieu). || Les sociétés humaines (→ Convulsion, cit. 9; flexueux, cit. 3). || Sociétés dites primitives (4.; → Inégalité, cit. 9; primitivisme, cit.). || Les sociétés modernes, contemporaines, industrialisées. — Les valeurs d'une société (→ Raz, cit. 2). ⇒ Civilisation, culture; religion (cit. 19). || Mœurs, coutumes, conventions, usages… dans une société. || Les sociétés chrétiennes (→ Place, cit. 30); esclavagiste, féodale (→ Posséder, cit. 11), capitaliste (→ Rapprocher, cit. 3), socialiste (3.). || Société industrielle (→ Redonner, cit. 4). — Sociétés nationales : les nations, les peuples. ⇒ État (III.). — Sociétés closes et sociétés ouvertes (→ Démocratie, cit. 8, Bergson). || Les valeurs d'une société. ⇒ Civilisation, culture, idéologie, religion.
6 Humaine ou animale, une société est une organisation; elle implique une coordination et généralement aussi une subordination d'éléments les uns aux autres; elle offre donc, ou simplement vécu ou, de plus, représenté, un ensemble de règles ou de lois.
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, p. 22.
7 (…) une société est (…) un être vivant, mais qui se distingue des autres en ce qu'il est avant tout constitué par une conscience. Une société est une conscience vivante, ou un organisme d'idées.
A. Espinas, Des sociétés animales, p. 361 (Paris 1878).
8 Chaque être vivant, chaque individu, chaque tendance s'efforce de rompre ou de désagréger le puissant appareil d'abstractions, le réseau de lois et de rites, l'édifice de conventions et de consentements qui définit une société organisée.
Valéry, Regards sur le monde actuel, Œ., t. II, Pl., p. 971.
8.1 Les anathèmes des jeunes contre la société de consommation vont souvent dans le même sens, nous le savons, que la crainte des hommes mûrs de voir tarir les ressources de la planète.
A. Sauvy, Croissance zéro ?, 1972, p. 30.
8.2 Pense aux atrocités qui se déroulent dans le monde moderne, à ce sentiment de l'absurde qui nous gagne tous, à la nécessité de lutter contre tant d'oppression, de tabous, contre l'étouffement de notre société de consommation (…)
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 18.
3 Didact. Groupe social, important ou non, permanent ou non, organisé ou spontané… ⇒ Association, collectivité, communauté (2.), masse, réunion; et aussi église, parti…; clan, famille, tribu (→ Assouplissement, cit.; religion, cit. 20). || Sociétés partielles et société globale (→ ci-dessus).
9 Toute société partielle, quand elle est étroite et bien unie, s'aliène de la grande.
Rousseau, Émile, I.
10 (…) il existe des sociétés, c'est-à-dire des agrégats d'êtres humains. Parmi ces agrégats, les uns sont durables, comme les nations, d'autres éphémères comme les foules, les uns très volumineux comme les grandes églises, les autres très petits comme la famille quand elle est réduite au couple conjugal. Mais, quelles que soient la grandeur et la forme de ces groupes et de ceux qu'on pourrait énumérer — classe, tribu, groupe professionnel, caste, commune — (…) ils sont formés par une pluralité de consciences individuelles, agissant et réagissant les unes sur les autres.
4 (1753, Buffon). Groupe social (d'animaux). → Éclaircir, cit. 15. || Sociétés animales (→ ci-dessus, cit. 6).
10.1 Pour un témoin extérieur, il n'y a, en effet, de commun à une société de fourmis et à une société humaine que l'existence de traditions qui assurent, d'une génération à l'autre, la transmission des chaînes opératoires permettant la survie et le développement du groupe social.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. II, p. 11.
1 (XVIIe). Ensemble de personnes réunies pour une activité commune ou par des intérêts communs. || La ville est partagée en diverses sociétés (→ Assemblage, cit. 11). || « Je réunis autour (1. Autour, cit. 11) de moi une société d'écrivains ». ⇒ Entourage. || Société mêlée.
2 (1860, in D. D. L.). Sens concret. Vieilli ou par plais. Groupe de personnes actuellement réunies. ⇒ Assemblée, compagnie. || Toute la société se mit debout (→ 1. Patron, cit. 7; et aussi 1. foudre, cit. 4). Fig. || Une société de rosiers (→ Pépinière, cit. 1). — Un cabinet de société (→ Sabler, cit. 3).
10.2 Mais il s'interrompit brusquement, en voyant entrer mademoiselle Saget, qui avait poussé la porte de la boutique, après avoir aperçu de la chaussée la nombreuse société causant chez les Quenu-Gradelle.
Zola, le Ventre de Paris, II, 1873, in D. D. L., II. 16.
♦ ☑ Loc. Bonsoir, la société !
3 Les personnes qui ont une vie mondaine, sociale (I., 3.). Par ext. || Les couches plus aisées ou plus oisives de la société. ⇒ Monde (III., 2.). — ☑ (1871). Loc. La bonne société. || Les usages de la bonne société. ⇒ Bienséance, convenance(s), éducation. — ☑ (1835). La haute société. Cf. Les gens du beau monde. — La société la plus choisie (cit. 23). — Absolt. || La société. ⇒ Aristocratie, gentry, gratin (fig.), haut (la « haute »)…; → High-life, cit. 2. || Prendre place, se répandre (cit. 11 et 13), être introduit, reçu dans la société (→ Hiérarchie, cit. 12). || Fréquenter la société. — Les plus brillants (cit. 11) partis de la société rouennaise (→ aussi Faubourg, cit. 4). — Hist. || La cour, la société, le clergé (→ Désagrément, cit. 4).
11 (…) une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XLI.
11.1 (…) cette partie de la société qu'on appelle « la société » (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl, p. 435.
12 Le public de l'écrivain (au XVIIe siècle) reste strictement limité. Pris dans son ensemble, on l'appelle la société et ce nom désigne une fraction de la cour, du clergé, de la magistrature et de la bourgeoisie riche.
Sartre, Situations II, p. 134.
REM. Ce sens tend à vieillir.
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III (1467; répandu XVIIe). Groupe organisé et permanent, institué pour un but précis.
1 Compagnie ou association religieuse. ⇒ Congrégation. || La société de Jésus (→ Diffamation, cit. 1), et, absolt (vx), la société. ⇒ Jésuite. — La société des amis (Quakers).
2 Organisation fondée pour un travail commun ou une action commune. || Société scientifique, savante (⇒ Institut), des gens de lettres (⇒ aussi Académie, cercle…). || Société poétique (⇒ Athénée), philharmonique (cit.), chorale, de musique… || Société des Comédiens-Français (⇒ Sociétaire). || Société des auteurs. || Société sportive. ⇒ aussi Club. || Société de bienfaisance, de coopération, d'entraide, de secours (Croix-Rouge, etc.). Hist. || Sociétés philanthropiques du XVIIIe siècle. || Sociétés politiques de la Révolution française : société des Droits de l'Homme (les Cordeliers; → Ramifier, cit. 4), des Amis de la Constitution (Feuillants), des Jacobins. ⇒ Club. || Être admis, reçu dans une société. ⇒ Récipiendaire. || Les membres d'une société.
13 Je ne me pardonnerais pas d'être entré par mégarde dans une société de pêcheurs à la ligne. — (…) je veux dire dans une petite bande de gens qui se payent de mots comme les autres, de grades et de rites, de menus jeux de société (…) qui s'offrent de petites distractions (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IX, XXIII, p. 191.
♦ (1842). || Société secrète : association qui se constitue et fonctionne en secret, souvent afin de poursuivre des menées subversives (politiques, sociales…). → Maçonnerie, cit. 2; partial, cit. 1. || Être affilié à une société secrète. || Société secrète des carbonari. ⇒ Carbonarisme, charbonnerie.
♦ (1804). Dr. || Société de fait, résultant d'une collaboration effective sans contrat (→ ci-dessous, 3.) ni statuts.
3 (1636). Dr., cour. Personne juridique issue du contrat de société (I., 1.), et considérée comme propriétaire d'un patrimoine (patrimoine social). || Sociétés civiles, qui ont pour objet principal des opérations civiles, non commerciales (à l'exception des sociétés à objet civil et à forme commerciale, considérées comme sociétés commerciales). || Société civile immobilière (S. C. I.). || Société civile professionnelle. || Société coopérative, mutuelle. ⇒ Coopérative, mutualité. || Société de crédit (agricole, maritime…), qui fournit à ses adhérents des fonds, des crédits. || Société de crédit mobilier, d'épargne, de prévoyance, d'assurance (mutuelles), de capitalisation. — (1636; société anonyme, 1673). Spécialt. || Société commerciale; absolt, société : société qui réalise des opérations commerciales à but lucratif (opposé à association, à société civile). ⇒ Affaire, compagnie (3.), entreprise (I., 3.), établissement (II., 3.). || Droit des sociétés. — Société par intérêts : « société dans laquelle la part sociale (de chaque associé), appelée intérêt, n'est transmissible qu'en vertu d'une clause expresse et avec le consentement des coassociés » (Capitant). ⇒ aussi Raison (sociale). || Société en nom collectif, comportant pour chaque associé l'obligation personnelle et solidaire au paiement des dettes. || Société en commandite simple. || Société en participation (cit. 4, et supra). || Société léonine. || Convention de croupier (3.), dans une société. — Sociétés par actions (V.), comportant des associés à responsabilité limitée (et parfois illimitée : garants ou commandités) dont la part sociale est représentée par des titres, négociables en Bourse, de valeur identique (actions). || Société anonyme (cit. 5, et supra). || Société de services. || Société de conseil, société conseil, qui vend ses conseils. || Société de services et de conseils en informatique. — Statuts, règlement d'une société. || Constituer, fonder, former (⇒ Constitution), dissoudre, liquider une société (⇒ Liquidation). || Apport de capitaux, de fonds dans une société. ⇒ aussi Fournissement. || Répartition des capitaux, des bénéfices d'une société. ⇒ Actionnaire, intérêt, part. || Comptabilité, bilan, dividendes, réserves d'une société. || Société à capital variable. — Direction, conseil d'administration, comité d'entreprise, gérant, fondé de pouvoir…, assemblée générale d'une société. || Siège d'une société. — Activité d'une société. || Société financière, industrielle, immobilière… (⇒ Omnium). || Société privée, semi-publique, d'État, nationale… — Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (S. A. F. E. R.). || Sociétés d'intérêts collectifs agricoles. || Groupement, consortium, union de sociétés. || Entreprise, monopole qui contrôle plusieurs sociétés. ⇒ Cartel, holding, trust… || Sociétés multinationales. ⇒ Multinational, n. f. — Arithm. || Règle de société, permettant le calcul des parts revenant à chaque associé.
14 Ce n'est donc pas en multipliant les offres d'alliance et les concessions à de telles couches sociales que l'on ira vers le socialisme. Elles n'ont qu'un seul point commun avec la classe ouvrière : la haine des trusts et des sociétés multinationales.
Roger Garaudy, Parole d'homme, p. 220.
4 Dr. internat. Association d'États (→ Puissance, cit. 25). Hist. || La Société des Nations ou S. D. N. (remplacée par l'Organisation des Nations Unies depuis 1946). → Organisme, cit. 4.
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CONTR. (De I., 2.) Isolement, solitude.
DÉR. Sociétaire. V. Sociétal.
Encyclopédie Universelle. 2012.