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goût

goût [ gu ] n. m.
goust XIIIe; lat. gustus
I
1Sens grâce auquel l'homme et les animaux perçoivent les saveurs propres aux aliments. 1. goûter; déguster, gustatif. La langue et le palais, organes du goût chez l'homme. Aliment agréable au goût. « Physiologie du goût », ouvrage de Brillat-Savarin (1824). Perte du goût. agueusie.
2Saveur. sapidité; flaveur. Relever le goût d'une sauce. assaisonner. Goût acide, âcre, aigre, amer, âpre, doux, fade, fort, fruité, relevé, sucré. Aliment qui a bon goût ( délectable, délicieux, exquis, 2. fin, succulent) , qui a mauvais goût ( dégoûtant, mauvais) . Un goût indéfinissable. Un goût délicieux. Un sale goût. Goût de brûlé, de moisi, de pourri, de roussi. Vin qui a un goût de terroir, de pierre à fusil. Absolt Du goût : un goût marqué, reconnaissable. Aliment qui a du goût ( goûteux, sapide) , n'a pas de goût, n'a aucun goût ( insipide; fade) . Avoir un goût, un goût anormal et désagréable. Cette eau a un goût. Fig. « Cette journée avait une saveur faible [...] , un goût inconnu qui ne s'en irait plus » (France).
3Appétit, envie (dans des expr.). Ne prendre, ne trouver aucun goût à rien. « Je n'avais goût à rien » (A. Gide).
Loc. fig. Faire passer à qqn le goût du pain, lui ôter la vie; par ext. lui faire perdre l'envie de recommencer.
IIFig.
1Aptitude à sentir, à discerner les beautés et les défauts d'une œuvre d'art, d'une production de l'esprit. Avoir le goût délicat, difficile, fin, infaillible, sévère. Mauvais goût. Fiez-vous à son goût. Avoir un goût sûr. Par ext. Avis, jugement, opinion. À mon goût, ceci ne vaut rien.
2 ♦ LE BON GOÛT, ou absolt LE GOÛT : jugement intuitif des valeurs esthétiques, selon des normes sociales délicates. « Le goût, qui fait deviner le beau où il est » (E. Delacroix). Avoir du goût; manquer de goût. Être dénué de goût. Des gens sans goût. Elle n'a aucun goût. Homme, femme de goût. Contraire au bon goût. Une faute de goût. Femme habillée, coiffée avec goût. élégance (cf. Bon ton). Appartement arrangé avec goût, avec beaucoup de goût.
3 ♦ GOÛT DE, POUR (qqch.) :penchant accompagné ou non de l'aptitude à le satisfaire. ⇒ amour, disposition, vocation. Il a peu de goût pour ce genre de travail. Avoir un goût très vif, un goût passionné pour qqch. aimer, apprécier. Le goût du risque. Goût de paraître, de plaire. Mettez donc du goût dans ce que vous faites. cœur. Prendre goût à : se mettre à apprécier. ⇒ s'attacher. Reprendre goût à la vie. Perdre le goût du travail, des sorties. Faire qqch. par goût, non par nécessité.
Être au goût de. plaire. Cette mesure ne sera pas du goût de tout le monde. C'est à mon goût. convenance; gré, guise.
Au plur. Tendances, préférences qui se manifestent dans le genre de vie, les habitudes de chacun. Être liés par des goûts communs. Avoir des goûts très éclectiques. Des goûts bizarres, maladifs, dépravés. manie, singularité . Avoir des goûts simples. Changer ses goûts. Contrarier qqn dans ses goûts. Loc. prov. Des goûts et des couleurs on ne dispute point (mod. on ne discute pas). opinion. Tous les goûts sont dans la nature : il faut savoir admettre la diversité des goûts.
Spécialt Inclination amoureuse pour une personne. attirance, attrait, désir, faible, prédilection. Avoir du goût pour qqn. Trouver qqn à son goût. « Il a pris un goût vif pour de la passion » (Gautier).
4 ♦ DE (bon, mauvais) GOÛT, D'UN GOÛT (et adj.),se dit des choses qui dénotent, révèlent tel ou tel goût (bon ou mauvais). Édifice, bijoux de mauvais goût. Vêtements, meubles de bon goût. C'est du meilleur goût, d'un goût déplorable, discutable, douteux. Une plaisanterie de mauvais goût ( douteux) . Il serait de mauvais goût d'insister.
5 ♦ DANS LE, AU GOÛT... genre, manière, 1. mode, style. Tableau dans le goût classique, moderne. Ouvrage, ornement au goût du jour. « j'entreprends un nouveau procès dans le goût de celui des Calas » (Voltaire). semblable. Fam. Dans ce goût-là : de cette sorte. Vous avez raison, ce doit être qqch. dans ce goût-là.
⊗ CONTR. Dégoût. Antipathie, aversion, répulsion. Grossièreté, vulgarité.

goût nom masculin (latin gustus) Un des cinq sens, renseignant sur les saveurs et la composition des aliments. Saveur de quelque chose, caractéristique reconnaissable par le sens gustatif : Un goût salé, amer. Un goût de brûlé. Capacité à discerner ce qui est beau ou laid selon les critères qui caractérisent un groupe, une époque, en matière esthétique : Elle a du goût. Maison meublée avec goût. Attirance pour un aliment, une boisson, quelque chose ou quelqu'un : Il a le goût du risque. Littéraire. Impression qui reste de quelque chose : Le goût amer des souvenirs.goût (citations) nom masculin (latin gustus) François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Le goût est le bon sens du génie. Essai sur la littérature anglaise Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Une belle âme ne va guère avec un goût faux. Lettres, à Falconet Élie Fréron Quimper 1718-Montrouge 1776 Le goût est un prince détrôné qui, de temps en temps, doit faire des protestations. L'Année littéraire, 1755 Charles Maurras Martigues 1868-Saint-Symphorien 1952 Académie française, 1938 Il n'y a point de majesté qui tienne devant les certitudes de la raison comme devant les règles du goût. De Démos à César Le Capitole Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Le goût mûrit aux dépens du bonheur. Journal, 13 janvier 1908 Gallimard Nathalie Sarraute Ivanovo, Russie, 1900-Paris 1999 On a dit que ce que les gens supportent le moins, c'est d'être accusés de chanter faux. Je crois que d'être soupçonné de manquer de goût est plus pénible. Les Fruits d'or Gallimard Anne Louise Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein, dite Mme de Staël Paris 1766-Paris 1817 Le bon goût en littérature est, à quelques égards, comme l'ordre sous le despotisme, il importe d'examiner à quel prix on l'achète. De l'Allemagne Isaac Félix, dit André Suarès Marseille 1868-Saint-Maur-des-Fossés 1948 Le goût est le génie du talent. Valeurs Grasset Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Le goût est fait de mille dégoûts. Choses tues Gallimardgoût (difficultés) nom masculin (latin gustus) Orthographe Avec un accent circonflexe sur le u, de même que dans les dérivés dégoÛt et ragoÛt (mais contrairement à égout, qui se rattache à goutte). Emploi Au goÛt, du goÛt de qqn. On dit plutôt, en tournure affirmative : cela est à mon goÛt, et, en tournure négative : cela n'est pas de mon goÛt. Sens GoÛt = saveur, sensation produite sur les papilles de la langue. Un goÛt salé, sucré, amer, acide. Recommandation Éviter d'employer goÛt au sens d'« odeur » (un goÛt de renfermé). ● goût (expressions) nom masculin (latin gustus) À, selon mon goût, selon ma manière personnelle d'apprécier les choses. Au goût du jour, selon la mode, les critères, les choix de l'époque. Avoir un goût, avoir une saveur désagréable. Avoir du goût, avoir une bonne saveur. Avoir du goût pour quelque chose, quelqu'un, être attiré par eux, les aimer, les apprécier. Avoir, prendre, reprendre, etc., goût à quelque chose, l'aimer, l'apprécier, se mettre à l'aimer, à l'apprécier, à s'y intéresser. Familier. Dans ce goût-là, de ce goût-là, de cette sorte, de cette espèce. Dans le goût + adjectif ou nom, dans cette manière, ce genre, ce style : Un opéra dans le goût italien. De goût, d'un goût + adjectif, dont l'ensemble des caractéristiques dénotent chez son auteur ou son possesseur telle ou telle appréciation du beau : Des illustrations d'un goût exquis. De mauvais goût, d'un goût douteux, qui heurte, choque les convenances ou les susceptibilités. (Être) au (du) goût de quelqu'un, lui plaire, lui convenir. Familier. Faire passer le goût de quelque chose à quelqu'un, faire qu'il n'ait plus envie de recommencer. Homme, femme de goût, personne qui sait apprécier et discerner ce qui est beau, ce qui convient. N'avoir plus de goût, n'être plus apprécié, désiré par quelqu'un. Trouver quelqu'un, quelque chose à son goût, avoir pour eux une attirance. ● goût (synonymes) nom masculin (latin gustus) Saveur de quelque chose, caractéristique reconnaissable par le sens gustatif
Synonymes :
- effluves
- exhalaisons
Attirance pour un aliment, une boisson, quelque chose ou quelqu'un
Synonymes :
Contraires :
Avoir du goÛt pour quelque chose, quelqu'un
Contraires :
- dégoût
- répugnance
- répulsion

goût
n. m.
rI./r
d1./d Sens par lequel on perçoit les saveurs.
d2./d Saveur. Un dessert au goût sucré.
d3./d Appétit. Il n'a de goût pour rien.
Fig. Faire passer à qqn le goût du pain, le tuer, le faire disparaître.
rII./r Fig.
d1./d Faculté de discerner et d'apprécier les qualités et les défauts d'une oeuvre. Se fier à son propre goût. Avoir le goût sûr. Il n'a aucun goût.
(Avec la Prép. de et un qualitatif.) Une oeuvre d'un goût raffiné, qui révèle un goût raffiné. Une plaisanterie de mauvais goût.
d2./d Absol. Bon goût. Un intérieur décoré avec goût.
d3./d Inclination pour qqch, plaisir éprouvé à faire qqch. Avoir le goût de la lecture.
Prendre goût à qqch, commencer à l'aimer.
|| (Plur.) Loc. prov. Chacun ses goûts. Tous les goûts sont dans la nature.
d4./d Loc. Dans le goût (de): à la manière (de). Un tableau dans le goût de Raphaël.
|| Au goût du jour: conforme à la mode du moment.

⇒GOÛT, subst. masc.
I. — [En tant que phénomène physiol., la faculté gustative de l'être vivant étant seule en cause] Sens de la sapidité :
1. La sensation du goût est une opération chimique qui se fait par voie humide, comme nous disions autrefois, c'est-à-dire qu'il faut que les molécules sapides soient dissoutes dans un fluide quelconque, pour pouvoir ensuite être absorbées par les houppes nerveuses, papilles ou suçoirs, qui tapissent l'intérieur de l'appareil dégustateur.
BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 40.
A. — Langage courant Un des cinq sens grâce auquel hommes ou animaux ont la faculté de percevoir les saveurs (réduites, lorsque l'odorat n'intervient pas, au salé, au sucré, à l'amer, à l'acide). Altération du goût, physiologie du goût; avoir du, ne pas avoir de goût; goût développé. Tant que dure ce rhume on perd totalement l'odorat et même le goût (GEOFFROY, Méd. pratique, 1800, p. 117) :
2. Le goût, mon cher, c'est un organe délicat, perfectible et respectable comme l'œil et l'oreille. Manquer de goût, c'est être privé d'une faculté exquise, de la faculté de discerner la qualité des aliments, comme on peut être privé de celle de discerner les qualités d'un livre ou d'une œuvre d'art...
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Rosier Mme Husson, 1887, p. 683.
Perdre le goût du pain. Mourir :
3. Eh! mon Dieu! ne vous défendez pas; (...) et puisque ce pauvre Samuel a perdu le goût du pain (...). Je connais la personne qui possède l'acte de décès de Samuel Ewart.
A. FRANCE, Jocaste, 1879, p.107.
Faire passer le goût du pain à qqn (pop.). Menacer de mort; tuer. Victor : Alors c'est dans un accès de saoûlographie qu'y a fait passer le goût du pain? Julot : Pas du tout, c'est un crime passionnel : c'est émouvant au possible (J. LÉVY, Gosses Paris, 1898, p. 15).
B. — P. méton. La saveur elle-même. Bon, mauvais goût; goût agréable, désagréable, exquis, fade, infect, (de) pourri, (de) roussi, (de) terroir; avoir le goût dans la bouche; goût d'alcool, de café, de lait, de miel, de viande; goût de rien. Mais quoique très-nourrissants alors et pectoraux, leur goût [des dattes] diffère autant des premiers [fruits dans leur fraîcheur], que le goût des figues sèches diffère de celui des figues fraîches (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 66). On mange ici, par repas, une languette d'une espèce de brioche sans goût (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 19) :
4. Le gibier fait les délices de nos tables; c'est une nourriture saine, chaude, savoureuse, de haut goût, et facile à digérer toutes les fois que l'individu est jeune.
BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 87.
5. ... il y avait eu en moi, irradiant une petite zone autour de moi, une sensation (goût de la madeleine trempée, bruit métallique, sensation du pas) qui était commune à cet endroit où je me trouvais et aussi à un autre endroit (chambre de ma tante Octave, wagon du chemin de fer, baptistère de Saint-Marc).
PROUST, Temps retr., 1922, p. 873.
Rem. 1. Parfois goût de... signifie « goût rappellant... »; aussi trouve-t-on indifféremment les expr. goût de ou comme un goût de : goût d'herbe, de fiel. 2. Dans l'expr. petit goût de revenez-y, petit atténue d'une façon plaisante une gourmandise trop évidente. Certains emplois de petit goût de sont d'ailleurs susceptibles de valeurs affectives. La sénéka a un petit goût amer et aromatique (CHATEAUBR., Voy. Amér. et Italie, t. 1, 1827, p. 104).
C. — Par synesthésie. Odeur.
Rem. Cette déformation, admise d'ailleurs par Ac., s'explique par le fait que la sensation gustative est réduite à peu de chose sans l'intervention de la sensation olfactive, d'où une certaine confusion. Et c'est un goût de vétiver dans le parfum d'aisselle de la nuit basse (SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p. 222).
En partic. Quand le feu est intérieur (...) une odeur (...) appelée par les houilleurs goût fin, avertit l'exploitant qu'un incendie se prépare (HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Exploitation mines, 1905, p. 1330).
D. — P. ext. (dans des syntagmes verbaux). Appétit ou envie que suscitent une sensation agréable ou l'habitude de certaines saveurs. Prendre goût (à certains aliments).
Mettre en goût. Ah! ce bouillon m'a mis en goût... Va me chercher un poulet et une bouteille de bordeaux (LABICHE, Prix Martin, 1876, II, 12 , p. 73).
E. — P. métaph. Disposition psychologique, état d'âme et d'esprit provoqué par une chose abstraite. Tu connais le goût des baisers, toi (SALACROU, Terre ronde, 1938, I, 4, p. 161).
Goût de cendre. V. cendre ex. 4.
II. — Au fig. [En tant que phénomène psychol. dans un cont. soc.] Faculté psychique de discernement analogue au sens du goût. Tous les hommes sont capables d'éprouver (...) ces trois phases [impression, conception, expression] de modifications successives ou simultanées de l'acte du goût (CHAIGNET, Sc. beau, 1860, p. 71) :
6. Le problème esthétique, c'est-à-dire le problème de l'expression du goût, de la beauté, a été abordé de bien des côtés différents, par la métaphysique, par la psychologie, par la sociologie, par l'histoire de la nature et l'histoire de l'art, par les mathématiques.
GRIVEAU, Élém. beau, 1892, p. 1.
SYNT. a) Goût + adj. Goût bizarre, charmant, délicat, déplorable, détestable, douteux, excellent, excessif, exquis, extrême, grossier, insensé, raffiné, sûr, vulgaire. b) Subst. + goût. Faute, gens, homme, merveille, note de goût; perversion, règle, sûreté du goût. c) Verbe + goût. Acquérir du goût, affiner le goût, déformer le goût, développer le goût, émousser le goût, épurer le goût, (se) fier au goût, former le goût, manquer de goût, s'en remettre au goût. d) Adv. + goût. Beaucoup de goût, peu de goût, moins de goût.
A. — Emploi gén. :
7. ... le Goût, c'est-à-dire cette aptitude fine et délicate à discerner les qualités ou les défauts dans les œuvres des autres et dans les siennes propres et à les apprécier par un jugement sain.
D'INDY, Compos. mus., t. 1, 1897-1900, p. 15.
B. — En partic.
1. [Sans qualificatif, avec valeur laud.] Sentiment du beau, habitude du beau ou de ce qui est considéré comme tel. Ceux qui se croient du goût en sont plus orgueilleux que ceux qui se croient du génie (STAËL, Allemagne, t. 2, 1810, p. 216). Le naturel de l'élégance, par le coquet décor de l'appartement, par le goût des colifichets meublants (GONCOURT, Art XVIIIe s., t. 2, 1882, p. 20) :
8. Lorsqu'on a cessé de juger au nom du goût pour percevoir la profondeur et la délicatesse de l'inspiration, combien d'œuvres se sont vivifiées qui semblaient mortes!
HOURTICQ, Hist. Art, Fr., 1914, p. 380.
2. Bon goût : aptitude à percevoir le beau/mauvais goût : incapacité de distinguer le beau du laid. Le bon goût est à l'esprit ce qu'une oreille juste est aux sons (DURAS, Ourika, 1824, p. 31). Il était bien loin, sans doute, de ce technicien méticuleux qui prodiguait sur ses fresques en relief, avec un mauvais goût pervers et candide, des ornements de métal et des pierres transparentes (FAURE, Hist. art, 1914, p. 401).
Loc. De bon goût, d'un bon goût, de mauvais goût, d'un mauvais goût, d'un goût douteux. Qui révèle la faculté ou non de discernement d'un individu et son degré d'éducation. Des bronzes dorés, d'un très-bon goût, relèvent le vif éclat du vernis posé sur ce bois (NOSBAN, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 96).
C. — P. méton. Le jugement en lui-même et, p. ext. l'ensemble des habitudes et des éléments esthétiques ou intellectuels choisis et constituant la mode de l'époque. Flatter le goût; le goût moderne; le goût de la clientèle. À Paris, on est presque forcément entraîné vers le goût à la mode (BONSTETTEN, Homme Midi, 1824, p. 78). Il leur eût fallu d'abord contracter des goûts et des habitudes (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 219). « Les changements dans le goût du public » ont des causes générales (Arts et litt., 1935, p. 76-02).
Locutions
À mon/son (etc.) goût. À (mon) avis. Passepartout : T'es un lâche, toi! sais-tu bien? Si tu vois ou si tu entends un homme, tu n'as qu'à m'appeler, je lui ferai son affaire. Finot : Fais à ton goût, ce n'est pas le mien (CTESSE SÉGUR, Mém. âne, 1860, p. 253).
Selon son goût. Vous nous aviez promis monts et merveilles, nous devions devenir tous des richards, et la vérité est que nous ne gagnons pas plus qu'ailleurs, avec des embêtements en plus, selon mon goût (ZOLA, Travail, t. 1, 1901, p. 292).
Dans le goût de; du goût de. À la manière de, dans le style, à la mode de. Au fond [de la Prédication de saint Étienne, par Carpaccio] des édifices, dans le goût de ceux qui à cette époque devaient border la place de l'Atmeidan (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 85).
Dans ce goût-là. De cette manière-là. Eh! bien, ma petite, mon amoureux passe son temps à travailler dans ce goût-là (BALZAC, Cous. Bette, 1946, p. 39).
Au goût du jour; arranger au goût du jour. Pour le mettre au goût du jour, on pose le socle sur des griffes de lion (VIAUX, Meuble Fr., 1962, p. 65).
Expr. Cela dépend des goûts. (Dict. XIXe et XXe s.). Tous les goûts sont dans la nature (Dict. XIXe et XXe s.). Chacun ses goûts.
[P. réf. à l'adage du lat. médiév. gustibus et coloribus non est disputandum] Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Il ne faut pas disputer des goûts et des couleurs (SENANCOUR, Obermann, t. 1, 1840, p. 116).
D. — P. ext. Attraits pour certaines choses concrètes ou abstraites, considérées comme sources de plaisir ou dignes d'intérêt, pouvoir d'en jouir ou d'en tirer satisfaction.
SYNT. a) Goût de + verbe. Goût de paraître, de plaire. Ses allées et venues pour gagner ces pays jaunâtres de minerai mirent du moins le jeune professeur en goût de visiter tous les pays qui entourent Metz (BARRÈS, C. Baudoche, 1909, p. 143). b) Goût de + subst. Goût de (l') analyse, de (l') apparat, de l'art, de l'aventure, du bonheur, de la catastrophe, de la dépendance, de la dépense, de la destruction, de l'éternité, de la lecture, du luxe, du malheur, de la mort, du mystère, du panache, du paradoxe, du parfum, de la perfection, de la plaisanterie, du plaisir, de la poésie, de la possession, de la pureté, du sacrifice, du sang, du suicide. Nous comprenons que Pierre Corneille ait aimé chez ces personnages le goût violent de l'absolu (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 39). Ils ont un goût prononcé du scandale (Civilis. écr., 1939, p. 40-04). Il faut que tu aies le goût du martyre pour garder une attitude critique sans rien faire pour les empêcher de venir au pouvoir (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 371). c) Goût + adj. Goûts sédentaires, sexuels, simples. Il se trompait comme tous ceux qui s'obstinent à considérer les goûts homosexuels, dès qu'ils n'habitent pas des êtres physiologiquement anormaux, comme des tendances acquises (GIDE, Et nunc manet, 1951, p. 1130). d) Goût pour. Goût pour l'ostentation, pour rien. Il ne doit la vie qu'à son goût pour l'astronomie (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 293).
Loc. Goût à. [N'avoir (de)] goût à rien; perdre, prendre, reprendre goût à. Insensiblement Bernard avait pris goût au jeu (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 155).
Rem. 1. Lang. littér. Passion. Octave ne passait plus devant la porte de Marie sans entrer, repris d'un singulier goût, d'un coup de passion, qu'il ne s'avouait même pas (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 260). Une des grandes passions de ma chétive vie, la plus constante, la plus ruineuse et la plus bizarre, c'est mon goût du Parlement (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1907, p. 134). 2. Vieilli. Avoir, se sentir du goût pour qqn. Avoir une inclination. Suis-je fat, ou serait-il vrai qu'elle a du goût pour moi? (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 505). Voilà pourquoi vous rougissez! Vous vous sentez du goût pour lui, n'est-ce pas? Allons, dites (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 382).
Prononc. et Orth. : [gu]. D'apr. LITTRÉ le t ne se lie pas dans le lang. cour. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1er quart XIIIe s. goust « les aliments, la nourriture » (RECLUS DE MOLLIENS, Miserere, 153, 1 ds T.-L.) seulement chez cet auteur; 2. a) XIIIe s. « saveur (ici au fig.) » (St Brandan, 9, 19, ibid. : esperituel goust); b) ca 1276 venir bien a goust « plaire, convenir » (ADAM DE LA HALLE, Feuillée, éd. A. Langlois, 176); c) 1379 « appétit, envie » (J. DE BRIE, Bon Berger, 152 ds T.-L.) : pour leur donner goust de manger); 3. ca 1282 « sens par lequel on discerne les saveurs » (Gouvernement des rois, 30, 32, ibid.). B. 1. 1564 « sentiment d'appréciation qui pousse à préférer telle ou telle chose » (Indice et recueil universel de tous les motz principaux des livres de la Bible s.l. [Paris], p. 157 r°); 1643 en partic. dans le domaine du jugement esthétique (POUSSIN, Lett. à M. de Chantelou, p. 211 ds BRUNOT t. 6, p. 714, note : Quant ausy jaurei fet quelque chose de bon goût, je vous le dédirei); 2. 1686 « sympathie pour une personne » (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. M. Monmerqué, t. 7, p. 525). Du lat. gustus « action de goûter, dégustation; saveur (au propre et au fig.) ». Fréq. abs. littér. : 11 574. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 16 878, b) 15 257; XXe s. : a) 15 351, b) 17 412. Bbg. BAHNERS (K.). Zum bon sens bei Boileau. Die Neueren Sprachen. 1969, t. 68, pp. 350-353. - BARRÈRE (J.-B.). L'Idée de goût de Pascal à Valéry. Paris, 1972, 308 p. - BROOKS (H.F.). Taste, perfection and delight in Guez de Balzac's criticism. Studies in philology. 1971, t. 68, pp. 70-87. - LITMAN (Th. A.). Le Sublime en France (1660-1714). Paris, 1971, 286 p. - MECZ (I.). Rem. sur le goût ds la critique d'art, de Félibien à Roger de Piles. In : [Mél. Fouché (P.)]. Paris, 1970, pp. 225-232.

goût [gu] n. m.
ÉTYM. Déb. XIIIe, goust « aliments »; gost, XIIe; du lat. gustus « action de goûter qqch.; goût, saveur ».
———
I
1 Sens grâce auquel l'homme et les animaux perçoivent les saveurs propres aux aliments. Goûter; déguster, gustation, gustatif. || La langue et le palais, organes du goût. || Avoir le goût fin, usé. || Épices, liqueurs qui émoussent le goût (→ Breuvage, cit. 2; échelonner, cit. 1). || Aliment (cit. 1) qui flatte le goût, agréable au goût (→ Apprêter, cit. 11; arrière-bouche, cit.; besoin, cit. 8). || Sensations, plaisirs du goût. || Dépravation (→ Dépraver, cit. 10), perversion du goût.Physiologie du goût, ouvrage de Brillat-Savarin (1824).
1 Le goût est celui de nos sens qui nous met en relation avec les corps sapides, au moyen de la sensation qu'ils causent dans l'organisme destiné à les apprécier. Le goût, qui a pour excitateurs l'appétit, la faim et la soif, est la base de plusieurs opérations dont le résultat est que l'individu croît, se développe, se conserve et répare les pertes causées par les évaporations vitales.
Brillat-Savarin, Physiologie du goût, Médit., II, 6.
1.1 Pour éclaircir l'idée, assez obscure, que les littérateurs de toutes les nations se sont faite du mot goût on en est souvent revenu à la signification simple de ce mot. Les plaisirs du goût, dans le sens propre, ce sont ceux que sent un enfant auquel sa mère vient de donner une belle pêche (…) À mesure que l'homme vieillit, il perd le goût des fruits et des sucreries, qui charmaient son enfance, et contracte celui des choses piquantes et fortes (…) Cette soif toujours croissante pour les aliments d'un goût piquant, cet éloignement pour ceux qui n'ont qu'une saveur douce et suave, voilà l'image, peut-être un peu trop vulgaire, mais d'ailleurs fort exacte, des révolutions de la musique de l'an 1730 à l'an 1823.
Stendhal, Vie de Rossini, VII, p. 150-151.
REM. La première occurrence est au sens II, 1.
2 Le corps veut que nous mangions, et il nous a bâti ce théâtre succulent de la bouche tout éclairé de papilles et de houppettes pour la saveur. Il suspend au-dessus d'elles comme le lustre de ce temple du goût, les profondeurs humides et avides des narines.
Valéry, Mélange, p. 69.
2 a Saveur (d'un aliment). || Le goût d'une viande. Fumet. || Odeur et goût. Flaveur. || Relever le goût d'une sauce. Montant (donner du montant); assaisonner (cit. 1). || Avoir un goût acide, âcre, aigre, alliacé, amer, âpre, astringent, douceâtre, doux, fade, fort, fruité, mielleux, moelleux, nidoreux, relevé, vineux. || Aliments qui ont bon goût, qui ont un goût exquis (cit. 10). Appétissant, délectable, délicieux, exquis, fin (→ Chair, cit. 56; confiserie, cit. 1; conserve, cit. 1; corps, cit. 3; cru, cit. 1; cuire, cit. 9; flamber, cit. 4; fondant, cit. 1). || Avoir un goût désagréable, exécrable ( Dégoûtant). || Un sale goût. || Goût de brûlé, de fumée, de moisi, de pourri, de roussi, de vieux. — ☑ Loc. (1617). Vx. Plat de haut goût, très relevé, très épicé.Vin qui a un goût de terroir, un goût de fût, de bouchon, de pierre à fusil, de piqué.Cette liqueur a un goût indéfinissable. || Cela vous laisse un mauvais goût dans la bouche.
3 Quand j'écrivais l'empoisonnement d'Emma Bovary, j'avais si bien le goût d'arsenic dans la bouche, j'étais si bien empoisonné moi-même que je me suis donné deux indigestions (…) très réelles, car j'ai vomi tout mon dîner.
Flaubert, Correspondance, 951, 1868 (Lettre à Taine).
4 (…) dans la mémoire enchantée des amis, le moindre lapin de chou prend, à la longue, un goût de lièvre ?
G. Duhamel, Salavin, III, XI.
Un petit goût (et adj.; et de et subst.) : un goût léger. || Ce plat a un petit goût amer. || Ce vin a un petit (un léger) goût de framboise. — ☑ Loc. fam. Un goût de revenez-y (agréable); un goût de trop peu (d'une chose agréable dont on ne dispose pas en suffisance).
Absolt. || Du goût : un goût nettement reconnaissable (agréable ou non). || Cette viande a du goût, manque de goût. || Cette sauce n'a aucun goût, il faut la relever. || Ça n'a pas de goût, ce plat !
Un goût : un goût anormal et désagréable. || Cette eau a un goût.
b (1564). Impression faite sur les sens (lorsqu'il ne s'agit pas d'un aliment). || Ce tabac a un mauvais goût, un drôle de goût. || Un goût de renfermé. Odeur.
(Av. 1563). Fig. || Goût d'amertume (cit. 10) que laisse un échec. || Goût de mélancolie qui s'attache à certains souvenirs.
5 (…) cette journée avait une saveur faible, étrange, persistante, un goût inconnu qui ne s'en irait plus.
France, le Lys rouge, IV.
6 Oh ! si tu savais, si tu savais, terre excessivement vieille et si jeune, le goût amer et doux, le goût délicieux qu'a la vie si brève de l'homme !
Gide, les Nourritures terrestres, III.
7 Une ville sans concierge ça n'a pas d'histoire, pas de goût, c'est insipide telle une soupe sans poivre ni sel, une ratatouille informe.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 194.
3 Appétit, envie (dans des expressions). || Manger d'un plat, d'un mets avec goût, avec plus de goût que d'un autre. Déguster, goûter. || Je ne me sens aucun goût pour ce plat. || N'avoir, ne prendre, ne trouver goût à rien.
8 Je n'avais goût à rien; j'allais à table comme on marche au supplice; je n'avalais quelques bouchées qu'au prix de grands efforts (…)
Gide, Si le grain ne meurt, I, V.
Loc. fig. (1656). Faire perdre, faire passer à qqn le goût du pain, lui ôter la vie; par ext., lui faire perdre l'envie de recommencer.
9 (…) répétez-le que vos filles entreront chez moi, malgré moi, et je vous fais perdre le goût du pain.
M. Jouhandeau, Tite-le-Long, XXII.
Loc. Vx. Mettre qqn en goût. Allécher.
———
II Fig.
1 (1564). Aptitude à sentir, à discerner les beautés et les défauts (notamment dans le domaine esthétique et intellectuel, selon les critères sociaux en usage dans un groupe). → ci-dessus cit. 1.1. (Chez une personne). || Le goût de qqn, son goût. || Je m'en rapporte à votre goût. || Fiez-vous à son goût. || Ce que nous appelons beauté dépend de notre goût plus que de notre jugement. || Écrivain qui suit son goût (→ Cuistre, cit. 3).Avoir le goût bon, délicat, difficile (cit. 26), fin, sûr, exquis (cit. 10), infaillible, sévère. || Goût naturel (→ Cadence, cit. 2), personnel, parfait (→ Art, cit. 59). || Former (cit. 24) le goût de qqn (→ Correction, cit. 3). || Épurer (cit. 9) son goût. || Goût qui s'affine (cit. 2), s'élargit ( Éclectisme). || Avoir le goût gâté (cit. 28), faux (1. Faux, cit. 24). || Dépravation, perversion du goût. || C'est le côté faible (cit. 32) de son goût. || Ôter le goût à qqn (→ Entaille, cit. 14). || Affadir, corrompre (cit. 9) le goût de qqn. || Goût détestable, défectueux (cit. 2), émoussé (cit. 5), grossier, vulgaire. || Mauvais goût (→ Arrangeur, cit. 1; biais, cit. 3; entortillage, cit. 2). || L'évolution du goût en matière artistique, musicale. || Avoir un goût médiocre.Par ext. Avis, jugement, opinion. || Juger selon son goût (→ Arbitrairement, cit. 2), par son goût (→ Fanatisme, cit. 1). || Sur ce point, son goût n'est pas le mien. || À mon goût (→ Ballade, cit. 3) ceci ne vaut rien.
10 Consultes-en ton goût : il s'y connaît en maître (…)
Molière, la Gloire du Val-de-Grâce, 360.
11 (…) le goût des gens est étrangement gâté là-dessus (…)
Molière, Critique de l'École des femmes, 6.
12 Votre goût a servi de règle à mon ouvrage.
La Fontaine, Fables, V, 1.
13 (…) il est bien plus difficile de donner du goût à ceux qui n'en ont pas que de former le goût de ceux qui ne l'ont pas encore tel qu'il doit être.
Fénelon, De l'éducation des filles, V.
14 La société des femmes gâte les mœurs et forme le goût (…)
Montesquieu, l'Esprit des lois, XIX, VIII.
15 Il ne suffit pas, pour le goût, de voir, de connaître la beauté d'un ouvrage; il faut la sentir, en être touché. Il ne suffit pas de sentir, d'être touché d'une manière confuse; il faut démêler les différentes nuances. Rien ne doit échapper à la promptitude du discernement (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Goût, I.
16 En littérature ancienne, Huet était du meilleur goût, du plus sain et du plus fin, du plus délicat et du plus sévère : en français, il est sujet à se tromper, à confondre, à ne point marquer nettement les différences.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 3 juin 1850, t. II, p. 175.
16.1 Puis un homme plutôt d'un goût appris que d'un goût instinctif, de ce goût universel qui s'étend à tout, à une forme de meuble, à un détail de toilette, à la particularité élégante d'une plante (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. I, p. 299.
2 (1643). || Le bon goût, ou, absolt, le goût : « Faculté de juger intuitivement et sûrement des valeurs esthétiques, en particulier dans ce qu'elles ont de correct ou de délicat » (Lalande). Beau, délicatesse, esthétique.REM. Dans cet emploi, plus encore que dans le précédent, les critères du goût, parfois donnés pour absolus, sont fonction du système de valeurs du groupe social. Dans la plupart des exemples, le goût est bourgeois, cultivé, urbain, etc., et sert à exclure les autres groupes sociaux (→ Commencer, cit. 10; 2. critique, cit. 4; empreindre, cit. 11; fanatique, cit. 9). || Avoir du goût; manquer de goût, être dénué de goût (→ Classique, cit. 2; écrire, cit. 50 et 51; éreinter, cit. 3; esprit, cit. 139). || Faute de goût. || Affadissement du goût. || Gens sans goût. Béotien, philistin (→ Cabaler, cit. 3; copiste, cit. 3).Homme, femme, gens de goût (→ Céans, cit. 3; enhardir, cit. 4; exercer, cit. 47).Universalité, pérennité du goût (→ Existence, cit. 15). || Relativité du goût. || L'évolution du goût selon les époques, les modes. || Règles universelles du goût selon les classiques (→ 2. Critique, cit. 11 et 13; arrêt, cit. 13). || Théorie contraire de la relativité du goût (→ ci-dessous, cit. 18, Voltaire). || Ouvrage qui pèche contre le goût. || Trait qui offense le (bon) goût (→ Caporalisme, cit. 1). || Le goût manque à certains artistes, à certains écrivains de génie (→ Arranger, cit. 2).Le Temple du goût, ouvrage de Voltaire.Par ext. || Femme habillée, coiffée avec goût. Élégance, grâce, 2. ton (bon ton). || Meubles choisis avec goût. || Un petit appartement arrangé avec goût, avec beaucoup de goût.
17 (Celui-là) a le goût défectueux. Il y a donc un bon et un mauvais goût, et l'on dispute des goûts avec fondement.
La Bruyère, les Caractères, I, 10 (→ Art, cit. 59; et défectueux, cit. 2).
18 Mais, me direz-vous, n'y a-t-il point des beautés de goût qui plaisent également à toutes les nations ? il y en a sans doute en très grand nombre (…) mais, au milieu de cet accord général, les coutumes de chaque peuple introduisent dans chaque pays un goût particulier (…) Si les nations d'Europe, au lieu de se mépriser injustement les unes les autres, voulaient faire une attention moins superficielle aux ouvrages et aux manières de leurs voisins, non pas pour en rire, mais pour en profiter, peut-être de ce commerce mutuel d'observations naîtrait ce goût général qu'on cherche si inutilement.
Voltaire, Essai sur la poésie épique, I, Des différents goûts des peuples.
19 Le goût peut se gâter chez une nation; ce malheur arrive d'ordinaire après les siècles de perfection.
Voltaire, Dict. philosophique, Goût, I.
20 (…) il y a mille gens de bon sens contre un homme de goût, et mille personnes de goût contre une d'un goût exquis.
Diderot, Lettre sur les sourds et muets.
21 Que de beautés pourtant nous coûtent les gens de goût, depuis Scudéri jusqu'à La Harpe !
Hugo, Préface de Cromwell, 12.
22 Le goût seul, aussi rare peut-être que le beau; le goût qui fait deviner le beau où il est et qui le fait trouver aux grands artistes, qui ont le don d'inventer.
E. Delacroix, Écrits, II, p. 87.
23 J'ai revu Musset et je lui disais qu'une nation n'a de goût que dans les choses où elle réussit. Les Français ne sont bons que pour ce qui se parle ou ce qui se lit. Ils n'ont jamais eu de goût en musique ni en peinture.
E. Delacroix, Journal, 26 févr. 1852.
3 (1538). || Le goût (de qqn) pour (qqch.); le goût de (qqch.) : penchant accompagné ou non de l'aptitude à le satisfaire. Amour; et aussi disposition, vocation…
a Le goût de qqn, son goût, un goût, le goût.(Sans compl.). || Céder à son goût. || Mettre du goût à ce qu'on fait, de l'intérêt. Cœur.(Avec compl.). || Le goût de qqn pour qqch. || Le goût de qqch. || Montrer dès l'enfance un goût très net, très décidé pour le dessin, pour la musique. || Son goût des langues s'accompagne de dons réels (→ Expression, cit. 11). || On peut avoir du goût pour un art et n'y faire preuve d'aucun goût (→ ci-dessous, cit. 24, La Rochefoucauld). || Il a peu de goût pour ce genre de travail. || Avoir un goût très vif, un goût passionné pour une chose, s'y intéresser vivement. Aimer, apprécier (→ Ancien, cit. 16). || Donner à un enfant du goût pour la chimie (cit. 1), lui donner le goût de la chimie. || La difficulté (cit. 2) du métier commençait à lui en donner le goût. || Goût du décor (→ Éclairer, cit. 13). || Avoir le goût des arts (→ Besoin, cit. 26). || Le goût du beau, des beaux meubles, des beaux livres, de l'exotique (cit. 7), du merveilleux, de la solitude, de la plaisanterie, du risque, du danger (→ Aristocratie, cit. 10; courage, cit. 17). || Le goût d'une activité, d'un type d'objet; ce collectionneur a le goût des objets du XVIIIe siècle. Amateur, amoureux; -phile.Le goût de (et inf.). || Le goût de jardiner, de s'instruire, de lire, d'enseigner (→ Aiguille, cit. 5; apostolat, cit. 1 et 2; assemblée, cit. 6; constant, cit. 2). || Pousser le goût de l'ordre jusqu'à la méticulosité. — ☑ Loc. Prendre goût à (qqch.), commencer à l'aimer, à l'apprécier. || Il reprit goût à la vie. — ☑ Perdre le goût de… || Perdre le goût de la solitude, de la société, du travail, de l'épargne (cit. 5). — ☑ N'avoir goût à rien (→ Éparpiller, cit. 23). — ☑ En goût. || Être en goût de travailler, en éprouver présentement le désir, y être disposé. (Av. 1613). || Mettre en goût de. || Cela m'a mis en goût. — ☑ Par goût. || Travailler par goût plutôt que par nécessité (→ Amuser, cit. 13). — ☑ Au goût de (qqn) : qui plaît à (qqn). || Être au goût de. Plaire. || Cela est à mon goût, à ma convenance. Gré, guise. || Cette plaisanterie ne fut pas de son goût, à son goût. || Composez cette sauce à votre goût. || Dites-moi votre goût. || Mangez à votre goût.
Au plur. (→ ci-dessous, cit. 26, 30, 32 et 34). Tendances, préférences individuelles qui se manifestent dans le genre de vie, les habitudes. || Être liés par des goûts communs. || Affinité de goûts ( Caractère), contrariété de goûts. || Avoir des goûts dispendieux, fastueux (cit. 5), des goûts de luxe, de grandeur, des goûts modestes. || Ses goûts l'ont ruiné (→ Accoutumance, cit. 2; éminemment, cit. 1; empoisonner, cit. 6).Personne de goûts vulgaires, de goûts belliqueux. || Des goûts très éclectiques. Dilettantisme. || Des goûts bizarres, maladifs, dépravés. Manie, singularité. || Changer (cit. 17 et 19) de goût, ses goûts. || Contrarier qqn dans ses goûts. || Sacrifier ses goûts. — ☑ Loc. prov. (souvent iron.). Des goûts et des couleurs on ne discute, on ne dispute (cit. 4) point. Opinion. Rare (au sing.). || Du goût et des couleurs… → ci-dessous, cit. 31. — ☑ Tous les goûts sont dans la nature; chacun ses goûts : il faut savoir admettre la diversité des goûts.
24 Ce terme de goût a diverses significations, et il est aisé de s'y méprendre : il y a différence entre le goût qui nous porte vers les choses, et le goût qui nous en fait connaître et discerner les qualités, en s'attachant aux règles. On peut aimer la comédie sans avoir le goût assez fin et assez délicat pour en bien juger, et on peut avoir le goût assez bon pour bien juger de la comédie sans l'aimer. Il y a des goûts qui nous approchent imperceptiblement de ce qui se montre à nous; d'autres nous entraînent par leur force ou par leur durée.
La Rochefoucauld, Réflexions diverses, Du goût.
25 On renonce plus aisément à son intérêt qu'à son goût.
La Rochefoucauld, Maximes, 390.
26 Notre amour-propre souffre plus impatiemment la condamnation de nos goûts que de nos opinions.
La Rochefoucauld, 13.
27 Ah ! tu prends donc, pendard, goût à la bastonnade ?
Molière, Amphitryon, I, 2.
28 (…) les femmes docteurs ne sont point de mon goût.
Molière, les Femmes savantes, I, 3.
29 Ses ministres, ses généraux, ses maîtresses, ses courtisans s'aperçurent, bientôt après qu'il fut le maître, de son faible plutôt que de son goût pour la gloire.
Saint-Simon, Mémoires, IV, LI.
30 — Si vous étiez capable de le morigéner (…) je vous dirais de vous opposer à ses goûts; mais, faible comme je vous vois avec eux, laissez-le barbouiller, crayonner.
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 872.
31 Veux-tu mettre un habit neuf à une vieille sentence ? tu n'en as pas besoin pour dire que du goût et des couleurs il n'en faut pas disputer.
A. de Musset, Fantasio, II, 1.
32 Elle lui plaisait par sa conversation, par ses manières de voir, par ses goûts, par son esprit, et par un peu de malice qui est le hochet de l'esprit.
A. de Musset, Nouvelles, « Emmeline », IV.
33 (…) le goût du sacrifice n'est qu'une forme de la prodigalité de la vie.
Montherlant, le Songe, VII.
34 (…) ainsi trouvant parmi nos sentiments actuels des répugnances folles et des goûts condamnables, nous y reconnaissons les ondes affaiblies d'un ébranlement qui, trente ans plus tôt, agita les groupes de cellules dont nous sommes les descendants.
A. Maurois, le Cercle de famille, I, I.
35 (…) le goût désintéressé du nouveau (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIV, p. 236.
36 Je me sentais si incapable de tuer quelqu'un, qu'il valait décidément mieux que j'y renonce et que j'en finisse tout de suite. Non que l'expérience m'eût manqué, on avait même fait tout pour me donner le goût, mais le don me faisait défaut.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 87.
Par plais. Il a du goût pour la peinture.
Loc. Régional (Québec). Avoir le goût de… : aimer (dans des contextes où le français central n'emploie pas cette expression). || « J'ai le goût du Québec » (slogan). || As-tu le goût de te promener ? Envie.
b (1676). Spécialt. Inclination amoureuse. Attachement, attirance, attrait, caprice, désir, faible, faiblesse. || Avoir du goût pour qqn (→ Enfant, cit. 43). || Elle a un goût prononcé pour les chauves. Prédilection. || Prendre du goût pour une femme (→ Couleuvre, cit. 4).En appos. || Amour-goût (→ Amour, cit. 15).Être au goût de qqn, lui plaire. || Trouver qqn à son goût (→ Coqueter, cit. 1).Goûts spéciaux, contre nature. Homosexualité, perversion (→ En, cit. 18).Par ext. Attachement passager, amourette (→ Appas, cit. 13; carabin, cit. 1).
37 (…) d'une fille on risque la vertu,
Lorsque dans son hymen son goût est combattu (…)
Molière, Tartuffe, II, 2.
38 Peut-être que Dorante prendra du goût pour ma sœur (…)
Marivaux, le Jeu de l'amour et du hasard, I, 4.
39 (…) elles n'étudient pas assez l'art de soutenir notre goût, de se renouveler à l'amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, V, 7.
40 (…) 2o L'amour-goût, celui qui régnait à Paris vers 1760 (…) C'est un tableau où, jusqu'aux ombres, tout doit être couleur de rose, où il ne doit entrer rien de désagréable sous aucun prétexte, et sous peine de manquer d'usage, de bon ton, de délicatesse, etc. (…) rien n'y étant passion et imprévu, il a souvent plus de délicatesse que l'amour véritable, car il a toujours beaucoup d'esprit (…)
Stendhal, De l'amour, I.
41 Je serais un peu plus sot qu'il ne convient, si jamais je me laissais entraîner à avoir du goût pour cette grande poupée blonde. Ce raisonnement le laissa plus froid et plus calculant qu'il n'avait jamais été.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XIV.
42 (…) il a pris un goût vif pour de la passion, et s'est trouvé tout surpris et tout désappointé quand son désir a été assouvi.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, VI.
43 (…) tu disais que j'avais des goûts spéciaux. — Mais non, protesta M. de Guermantes qui, en effet, n'avait pas dit ces mots et ne croyait peut-être pas chez son frère à la réalité de ce qu'ils désignent.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 153.
4 (1690). De (tel ou tel) goût : qui marque, dénote, révèle (tel ou tel) goût (bon ou mauvais). || Voilà qui n'est pas de bon goût (→ Enjouement, cit. 8). || Édifice, bijou de mauvais goût (→ Chrysocale, cit. 1; façade, cit. 6), d'un goût détestable. || Vêtements, meubles de bon goût, d'un goût discret. || Toilettes d'un mauvais goût criard (cit. 4), d'un goût douteux (cit. 8). || Architecture d'un goût luxuriant (→ Entrecolonnement, cit.), d'un goût baroque.
44 Il ne s'agit point si les langues sont (…) mortes ou vivantes, mais (…) si les livres qu'elles ont formés sont d'un bon ou d'un mauvais goût.
La Bruyère, les Caractères, XII, 19.
45 Ce ne sont que dorures, incrustations, brèches et marbres de couleur chiffonnés comme des étoffes, que guirlandes de fleurs, lacs d'amour, anges bouffis, tout cela enluminé, fardé, d'une richesse folle et d'un mauvais goût sublime.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 229.
46 Le bâtiment où se trouve la bibliothèque, dont on veut faire un musée, est du goût le plus pur et le plus délicieux (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 41.
Allusion, plaisanterie de mauvais goût, d'un goût douteux. || Il serait de mauvais goût d'insister.
Dans le goût de, dans le goût (et adj.). Genre, manière, mode, style. || Tableau dans le goût classique, moderne. || Vases ornés dans le goût de l'antiquité. || Poème dans le goût élégiaque.Par ext., fam. || C'est un scandale dans le goût de l'affaire Stavisky, analogue à… ( Genre).
47 (…) j'entreprends un nouveau procès dans le goût de celui des Calas (…)
Voltaire, Lettre à Mme du Deffand, 2934, 24 sept. 1766.
48 Sans vouloir déprécier les qualités de M. Dargaud, qui sont trop dans le goût du jour pour ne pas se recommander d'elles-mêmes, je demanderai à suivre de préférence un historien plus sévère, et dont le jugement et la marche m'inspirent toute confiance.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 11 août 1851, t. IV, p. 411.
49 La seconde salle, merveilleusement tapissée, meublée, décorée, selon le goût chinois (…)
Claude Farrère, la Bataille, VI.
Au goût de (et un nom temporel). || Au goût de la saison. — ☑ Cour. Au goût du jour.
50 Sans doute mes modèles étaient vieux jeu; mais maintenant je me suis mis au goût du jour (…)
Valery Larbaud, Barnabooth, p. 16.
(En emploi libre). || Le goût romantique. || Le goût oriental, italien.
51 Botticelli appartient au goût florentin comme le Tintoret au goût vénitien. Il l'aime : il ne lutte pas contre lui; mais il lui échappe comme le Tintoret échappe au goût vénitien (…)
Malraux, les Voix du silence, p. 399.
CONTR. Dégoût. — Antipathie, aversion, répugnance, répulsion. — Grossièreté, vulgarité.
DÉR. Goûteux.
COMP. Dégoût, dégoûter. — Avant-goût, arrière-goût, ragoût.

Encyclopédie Universelle. 2012.