retenir [ r(ə)tənir; rət(ə)nir ] v. tr. <conjug. : 22>
• 1050; lat. retinere
I ♦ Conserver; mettre en réserve pour soi, en vue d'un usage futur.
1 ♦ Garder (ce qui appartient à autrui); refuser de donner. ⇒ détenir. Hôtelier qui retient les bagages d'un client insolvable. — Garder (une partie d'une somme) pour un usage particulier. ⇒ déduire, prélever. On retient une part de notre salaire pour la Sécurité sociale, la retraite (⇒ retenue) .
2 ♦ (1250) Faire réserver. Retenir une chambre dans un hôtel. « Ils retinrent une table, ils arrêtèrent un menu » (Zola). Retenir sa place dans le train. ⇒ 2. louer. Retenir une date pour une réunion. ⇒ réserver.
♢ Engager d'avance. Retenir un chauffeur pour le week-end.
3 ♦ (fin XIIe) Conserver, garder dans sa mémoire, ne pas oublier. ⇒ se souvenir. « Quiconque a beaucoup vu peut avoir beaucoup retenu » (La Fontaine). Retenez bien ce que je vous dis. C'est un nom, un mot qu'on retient, facile à retenir. Pronom. (pass.) Cela se retient facilement. Retenir un chiffre. Il a retenu la leçon, il en a tiré profit. Je retiendrai de cette conférence, j'en retiendrai que l'avenir est sombre.
♢ Loc. fam. Je le retiens : je me souviendrai de lui, en mal.
4 ♦ Dr. Admettre, garder (un chef d'accusation, un argument). Le jury n'a pas retenu la préméditation.
♢ Cour. Prendre en considération (un fait, une idée) pour en tirer parti. Nous regrettons de ne pouvoir retenir votre proposition. Retenir la candidature de qqn.
5 ♦ Réserver (un chiffre) pour le reporter une colonne plus à gauche, dans une opération (⇒ retenue). 28 + 6, je pose 4 et je retiens 1.
II ♦ (1170) Ne pas laisser aller, empêcher de se mouvoir librement.
1 ♦ Faire rester avec soi; faire demeurer (qqn) quelque part. ⇒ garder. Il m'a retenu plus d'une heure (cf. Tenir la jambe). Je ne veux pas vous retenir plus longtemps. Retenir qqn à dîner. Je ne vous retiens pas : vous pouvez disposer (formule de congédiement). Duroy « se retira. On ne le retint pas [...] et il sortit tout à fait troublé » (Maupassant). — Retenir qqn captif, prisonnier, comme otage. Retenir des journalistes en otages.
♢ (Choses) ⇒ immobiliser. Le mauvais temps, la grippe le retient à la maison. « Sans doute que ses occupations la retiennent ailleurs » (A. Gide). Plus rien ne la retenait à la vie. ⇒ attacher.
2 ♦ Être un objet d'intérêt pour. Retenir le regard de qqn. Votre lettre a retenu toute notre attention. « quoiqu'au premier abord elle attirât moins l'œil que la Sérafina, elle le retenait plus longtemps » (Gautier).
3 ♦ Maintenir (qqch.) en place, dans une position fixe. ⇒ accrocher, amarrer, arrêter, attacher, fixer, tenir. Cheveux retenus par un ruban. Câble qui retient un mât.
4 ♦ (Sujet chose) Ne pas laisser passer, conserver ou contenir. De petits bouts de bois retenaient « le limon et les pierres sans boucher le passage à l'eau » (Rousseau). Barrages, écluses qui retiennent l'eau. — Retenir la lumière, la renvoyer. « L'échancrure de mer, en bas, retenait une laiteuse clarté » (Colette).
5 ♦ (Sujet personne) S'abstenir, différer d'exhaler, de laisser apparaître, de prononcer. Retenir son haleine, son souffle. Retenir ses larmes, un geste d'irritation. ⇒ réprimer. Retenir un cri. Rire qu'on ne peut retenir (⇒ incoercible, irrépressible) . « Lorsque Jérôme se trouva seul, [...] il ne put retenir un soupir de satisfaction » (Martin du Gard). — Par ext. Retenir sa langue : s'empêcher de parler, par prudence ou discrétion.
6 ♦ (1690) Saisir, tirer en arrière, afin d'empêcher de tomber, de partir, d'aller trop vite. ⇒ arrêter. Retenir qqn par le pan de sa veste, par le bras. — Retenir un cheval, modérer son allure. — Par métaph. « Comment n'avait-elle pas saisi ce bonheur-là [...] Pourquoi ne pas l'avoir retenu à deux mains [...] quand il voulait s'enfuir ? » (Flaubert).
♢ Retenir qqch., l'empêcher de tomber.
7 ♦ Empêcher d'agir. Retenez-moi, ou je fais un malheur ! (phrase qui permet de faire connaître sa colère sans la manifester).
♢ (Sujet chose) ⇒ empêcher. La discrétion le retint de parler. Je ne sais ce qui me retient de lui dire ce que je pense. « Je partirais volontiers — Qu'est-ce qui vous retient ? »
III ♦ SE RETENIR v. pron.
1 ♦ Faire effort pour ne pas tomber. Se retenir au bord d'un précipice, sur une pente glissante. Il descendit jusqu'à la berge « en se retenant aux branches des troènes » (Nizan). ⇒ s'accrocher, se cramponner, se rattraper.
2 ♦ S'abstenir, différer de céder à (un désir, une impulsion). ⇒ se contenir, se contraindre. Elle se retenait pour ne pas pleurer. « Elle ne peut se retenir d'y faire sans cesse allusion » (F. Mauriac). ⇒ s'empêcher.
♢ Par euphém. Différer de satisfaire ses besoins naturels. Retiens-toi, on va arriver !
⊗ CONTR. Abandonner, céder. 1. Lâcher, laisser, libérer. Animer, entraîner, exciter.
● retenir verbe transitif (de tenir, d'après latin retinere) Empêcher quelqu'un, un animal, quelque chose de poursuivre le mouvement commencé en le tirant, en le ramenant vers soi : Retenir par le bras un ami qui veut partir. Empêcher quelqu'un, quelque chose de tomber : J'ai retenu au dernier moment le vase qui allait tomber. Garder ce qui appartient à quelqu'un : L'hôtelier retient les bagages des clients qui ne paient pas. Empêcher quelqu'un de partir, l'obliger à demeurer dans un lieu : Un visiteur m'a retenu ici jusqu'à 7 heures. Empêcher quelqu'un d'agir d'une certaine façon : Je ne sais ce qui me retient de le gifler. Maintenir quelque chose en place, l'empêcher de se déplacer, de s'échapper : Barrage construit pour retenir les eaux. Garder en soi : La moquette retient bien la chaleur. Ne pas manifester un mouvement ou une réaction, notamment pour dissimuler ce qu'on ressent : Retenir un mouvement de colère, une exclamation. Fixer quelque chose dans sa mémoire : Je n'ai pas retenu son numéro de téléphone. Considérer une idée, une proposition comme dignes d'intérêt : Retenir un projet. Attirer les regards de quelqu'un, susciter son intérêt : Ce projet a retenu l'attention de la commission. S'assurer à l'avance la présence, le concours de quelqu'un pour faire quelque chose : Retenir un ami pour un bridge. Se faire réserver quelque chose pour pouvoir en disposer le moment voulu : Retenir sa chambre à l'hôtel. Prélever une partie d'une somme : Retenir sur les salaires la cotisation de la Sécurité sociale. Faire une retenue dans un calcul arithmétique. ● retenir (citations) verbe transitif (de tenir, d'après latin retinere) Alphonse Allais Honfleur 1854-Paris 1905 En dormant à moitié, il avait beaucoup retenu. Ne nous frappons pas Revue Blanche ● retenir (difficultés) verbe transitif (de tenir, d'après latin retinere) Conjugaison Comme tenir. Emploi Recommandation Éviter le pléonasme retenir d'avance, retenir à l'avance. En revanche, on dit correctement retenir longtemps à l'avance, un peu à l'avance, etc. ● retenir (expressions) verbe transitif (de tenir, d'après latin retinere) Je ne vous retiens pas, se dit à quelqu'un pour le congédier ou lui indiquer courtoisement qu'il peut se retirer. Familier. Je vous (le) retiens, se dit à quelqu'un ou de quelqu'un qui s'est mal acquitté d'une tâche, de quelque chose qui s'est révélé insuffisant. ● retenir (synonymes) verbe transitif (de tenir, d'après latin retinere) Empêcher quelqu'un, un animal, quelque chose de poursuivre le mouvement commencé...
Synonymes :
Empêcher quelqu'un, quelque chose de tomber
Synonymes :
- bloquer
Garder ce qui appartient à quelqu'un
Synonymes :
- détenir
Contraires :
- redonner
- rendre
Empêcher quelqu'un d'agir d'une certaine façon
Synonymes :
- maîtriser
Contraires :
- engager
- entraîner
- exciter
- inviter
- pousser
Maintenir quelque chose en place, l'empêcher de se déplacer, de s'échapper
Synonymes :
- tenir
Garder en soi
Contraires :
- laisser passer
Ne pas manifester un mouvement ou une réaction, notamment pour...
Synonymes :
- avaler
- étouffer
- ravaler
- refouler
- refréner
- rentrer
- réprimer
Contraires :
- exprimer
- extérioriser
- laisser échapper
Fixer quelque chose dans sa mémoire
Synonymes :
Contraires :
- oublier
Considérer une idée, une proposition comme dignes d'intérêt
Contraires :
- écarter
- éliminer
- exclure
S'assurer à l'avance la présence, le concours de quelqu'un pour...
Synonymes :
- engager
- inviter
- prier
Se faire réserver quelque chose pour pouvoir en disposer le moment...
Synonymes :
- louer
Prélever une partie d'une somme
Synonymes :
- décompter
- déduire
- défalquer
- prendre
● retenir
verbe intransitif
En parlant d'une femelle de mammifères, devenir grosse après une saillie.
retenir
v.
rI./r v. tr.
d1./d Garder (ce qui est à autrui). Retenir des marchandises en gage.
|| Prélever, déduire d'une somme. Retenir une cotisation.
d2./d Garder dans sa mémoire. Retenir sa leçon.
|| ARITH Retenir un chiffre (dans une opération), le réserver pour l'ajouter aux chiffres de la colonne suivante, vers la gauche.
d3./d Réserver. Retenir une place d'avion.
|| Cour. Considérer favorablement; agréer. Retenir une candidature.
rII./r v. tr.
d1./d Faire demeurer en un lieu. La fièvre le retient alité.
d2./d Maintenir en place, contenir. Barrage qui retient l'eau.
— Fig. Retenir l'attention.
d3./d Empêcher d'agir ou de se manifester. Retenir ses larmes.
d4./d Saisir, maintenir pour empêcher d'aller, de tomber, etc. Retenir qqn au bord d'une pente.
rIII/r v. Pron.
d1./d Saisir qqch pour ne pas tomber, se rattraper. Se retenir à une branche.
d2./d S'empêcher de (faire qqch). Se retenir de rire.
|| Absol. Différer de satisfaire un besoin naturel.
⇒RETENIR, verbe
I. — Empl. trans.
A. — Empêcher un mouvement d'éloignement, contrarier un élan.
1. Empêcher (quelque chose) de s'écarter, de s'éloigner, de tomber, en tenant, en tirant vers soi ou en bloquant.
a) [Le suj. désigne une pers.] Retenir ses cheveux avec une barrette; retenir la porte à deux mains. Elle a croisé les doigts et retient un de ses genoux dans ses mains (SARTRE, Nausée, 1938, p. 181):
• 1. La navigation par éclusées qui consiste à retenir les eaux dans les parties hautes des vallées pour les lâcher périodiquement, de façon à constituer un flot qui entraîne un convoi de bateaux (...) a disparu.
BOURDE, Trav. publ., 1929, p. 334.
— P. métaph. On aura beau dire: sans la musique enregistrée, quelle eût été notre souffrance de ne pouvoir retenir au passage la plainte insaisissable! Quand le rejouera-t-on à Paris, ce quintette? (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 129).
b) [Le suj. désigne la chose qui retient] Julien, animé dans ce moment d'une force surhumaine, tordit un des chaînons de la chaîne qui retenait l'échelle (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 358). L'étranglement retient un tampon de coton imbibé d'eau physiologique supportant un organe vivant (CAMEFORT, GAMA, Sc. nat., 1960, p. 157).
— Au fig. Attirer, fixer. Retenir l'intérêt. Il paraissait insignifiant, rien dans sa personne ne retenait le regard (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 17). Une certaine carte retint mon attention (SARTRE, Mots, 1964, p. 193).
2. Freiner (l'élan, la course d'un animal, d'un attelage). Il retint un peu son cheval et ses regards cherchaient la jeune femme entre les volets rapprochés (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 190).
— Au fig. Contenir. Les justes bornes dans lesquelles le luxe doit être retenu (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 257).
♦ Retenir sa langue. S'abstenir de trop parler. Alphonsine, vexée, pensa à lui demander: — C'est-il là, fend-le-vent, que t'as fait ton apprentissage pour si ben savoir retenir ta langue (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 47).
♦ Retenir son souffle, var., retenir son haleine. Toutes les bouches retenaient leur haleine, comme si elles eussent craint d'ajouter le moindre souffle au vent qui secouait les deux misérables (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 450).
— MUS. [En parlant de l'émission d'un son, de l'exécution d'un morceau, d'un air] Dans la prononciation de cette lettre [g] le sifflement produit par le ton de la voix est d'abord retenu dans la bouche et poussé ensuite au dehors par une très petite ouverture (LA MADELAINE, Chant, 1852, p. 168). Empl. abs. Cette réalisation [d'un fragment de fugue cité par l'auteur] (...) demande à être jouée avec douceur et en retenant imperceptiblement (KOECHLIN, Écrit. fugue, 1933, p. 103).
3. Empêcher la manifestation extérieure d'une émotion. Synon. contenir, réprimer. Retenir un geste de colère, un mouvement d'énervement; retenir un cri, un rire, un sourire. À la vue de cette humble habitation où rien n'était changé, Bernard ne put retenir son émotion (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 183). Il fit le compte de ce qu'il avait en poche, et ne put retenir une grimace (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 658).
♦ Retenir ses larmes, ses sanglots. Ses paupières battirent sans pouvoir retenir une larme qui glissa jusqu'à son menton (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 77).
4. Empl. abs. [En parlant d'une femelle de mammifères] Devenir grosse après une saillie. Je m'occupe à faire saillir ici sept belles juments que j'enverrai chez moi si elles retiennent (Cl. SIMON, Les Géorgiques, Paris, éd. de Minuit, 1981, p. 56).
B. — Retenir qqn
1. a) Tenir quelqu'un pour l'empêcher de partir, de s'éloigner. Marthe, voulant retenir Eric. Mon fils! Mon fils! S'il allait s'exposer!... (SCRIBE, Bertrand, 1833, II, 6, p. 159). Ils ne se savaient point guettés de la sorte, lui la retenait pour la baiser derrière l'oreille, tandis qu'elle recommençait à s'attarder sous les caresses (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1245).
— Faire rester près de soi. Puis, comme elle s'esquivait discrètement, il la retint d'un geste de la main (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 96). Il ne voit rien, mais il reste en arrière et retient Jaume par le bras (GIONO, Colline, 1929, p. 93).
b) Empêcher, par force, quelqu'un de quitter un lieu, de se déplacer:
• 2. Il y aura dans chaque arrondissement, près du tribunal de première instance, une maison d'arrêt pour y retenir les prévenus; et, près de chaque cour d'assises, une maison de justice pour y retenir ceux contre lesquels il aura été rendu une ordonnance de prise de corps.
Code instr. crim., 1808, art. 603, p. 789.
♦ Retenir captif, prisonnier. Elle est entre nos mains, faible, isolée et gisante: nous pouvons d'ailleurs, à la moindre apparence suspecte, la retenir prisonnière jusqu'au jour de la délivrance (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 291).
— [Le suj. désigne une cause] La fièvre me retint une semaine au lit (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 191). La cave [d'une pension anglaise] était célèbre. D'autres voluptés encore y retenaient mes compagnons (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 217). Au passif. Être retenu par ses obligations.
c) Faire en sorte que quelqu'un reste auprès de soi, ne vous quitte pas. Synon. garder. Adrienne se gardait de m'attirer ou de me retenir. Ce n'est pas toujours par l'amour que la captation commence (COLETTE, Sido, 1929, p. 68). Et Richard ne l'avait pas arrêtée, il ne l'appelait pas. Il restait là, cloué. C'était Jeanne, pourtant. Jeanne. Il ne l'avait pas retenue: est-ce qu'on retient sa jeunesse? (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 230).
♦ Retenir (qqn) à + inf. Elle me retenait à dîner, la soirée s'ensuivait par conséquent (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 272).
♦ Je ne vous retiens pas! [Expr. par laquelle on congédie] Dieu ce que je suis fatigué! Je ne vous retiens pas, Mizzi, comme Henriette n'est pas là... (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 141). Rare. [Avec plus] Merckens: Vous me renvoyez? Judith: Je ne vous retiens plus. Merckens: Adieu, mademoiselle. Judith: Adieu, monsieur (BECQUE, Corbeaux, 1882, IV, 2, p. 221).
2. Empêcher quelqu'un de faire une chose qu'on juge inopportune. Synon. dissuader. Quelques-uns, des étourdis, le voyant qui s'en allait, avaient bien proposé de lui courir après; on les a retenus (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 220). Rare, avec compl. de + inf. Retenir qqn de faire une bêtise. N'assoiffez pas qui vous voulez retenir de boire (GIDE, Journal, 1943, p. 221).
♦ P. iron. Retenez-moi, ou... [Exclamation par laquelle on feint de ne pouvoir se contenir] Les chefs s'agitent et se répandent en discours qui signifient, sommairement: « Retenez-moi, retenez-moi, ou je vais faire un malheur » (DUHAMEL, Refuges de la lecture, 1954, I ds ROB.).
— [Le suj. désigne le motif, la cause] J'ai hésité à l'interroger et finalement je ne l'ai point fait. La crainte de le voir ajouter à un vol un mensonge, m'a retenue (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1156). Il avait une espèce de panique qui le retenait de toucher à cette loque vagissante (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 320).
♦ Je ne sais pas ce qui me retient de... J'ai bien envie de... Sale frappe, va! Je ne sais pas ce qui me retient d'amocher ta large petite gueugueule en or! (MARAN, Batouala, 1921, p. 97).
C. — Au fig.
1. Garder en mémoire. Retenir une expression, un air. Nous coucherons (...) à Blaye, dont les remparts sont de Vauban (si j'ai bien retenu ma leçon), à Blaye, patrie de Jauffré-Rudel (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 160). Empl. pronom. passif. Mallarmé de qui les vers se retiennent si aisément (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 18).
♦ Retenir que, ce que... Il ne faut pas parler tout haut!... Jamais!... Et autant que possible, il ne faut pas parler du tout... Retenez bien ça... (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 108). Voyez-vous, Mademoiselle Céleste, un jeune prêtre comme moi, dans son premier contact avec une nouvelle paroisse, doit être très discret, très prudent (...). Retenez aussi que j'appartiens à un autre diocèse (BERNANOS, Crime, 1935, p. 737).
♦ Fam. Je la retiens, celle-là! [Expr. soulignant le caractère saugrenu d'une assertion] Le général: (...) avant de parler écus, ne doivent-ils pas vous faire la cour [vos prétendants]? Nina: La cour?... Ah! je la retiens, celle-là... (VILLARS, Précieuses du jour, 1866, p. 21).
♦ Fam. Je te (vous/le/les) retiens! [Formule par laquelle on signifie à qqn qu'il a dépassé certaines bornes] Brotonneau: — Je le retiens, cet Honoré! Louise: — Qu'est-ce qu'il y a? (FLERS, CAILLAVET, M. Brotonneau, 1923, III, 3, p. 20).
— ARITHM. Faire une retenue. Supposons que nous ayons à multiplier 372 par 465. (...) nous écrivons 465 au-dessous de 372 et procédons comme il suit: 5 fois 2 font 10, je pose 0 et je retiens 1, 5 fois 7 font 35, 35 et 1 font 36, je pose 6 et je retiens 3, 5 fois 3 font 15, 15 et 3 font 18, je pose 8 et je retiens 1 (BERKELEY, Cerveaux géants, 1957, p. 242).
2. Conserver, après un examen critique, après une sélection. Retenir une candidature, un témoignage. Voici terminée notre exploration sur les finances communales. Il resterait beaucoup de choses à voir, il y aurait encore bien à dire. Nous avons voulu retenir l'essentiel, indiquant ce qui nous est apparu le plus important au cours de notre propre expérience (FONTENEAU, Cons. munic., 1965, p. 102).
3. Garder une partie d'une somme due, d'un traitement, etc. Synon. opérer une retenue. Il lui serait retenu mille livres sur son traitement (MAUROIS, Sil. Bramble, 1918, p. 184).
4. Ne pas mettre en circulation, ne pas rendre public. Retenir des informations, un rapport. Crois ce que tu veux; peut-être suis-je lasse de retenir ce secret, peut-être le remords? (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 111).
5. Demander à l'avance la disposition d'un service. Synon. réserver. Retenir une chambre, une place de théâtre. Elle avait retenu tout un étage à l'Auberge de Guillaume pour s'assurer un silence relatif (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 225).
♦ Retenir qqn. S'assurer de la disponibilité de quelqu'un, l'engager à l'avance. Voilà-t-il pas une belle affaire que leur bal? Si vous êtes curieux de savoir ce qui s'y passe, je vous le dirai, moi; on m'a retenue pour être au vestiaire (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p. 71).
6. DR. Garder contre quelqu'un un chef d'accusation. On n'a rien retenu contre lui. Mais peut-être n'aura-t-elle rien dit, on ne pourra retenir contre lui que le fait de nous connaître, elle aura eu pitié... (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 256).
♦ Retenir une cause. Se juger compétent pour un procès; maintenir ce procès au rôle pour le juger de suite (d'apr. Lar. encyclop.; dict. XIXe et XXe s.).
II. — Empl. pronom. réfl.
A. — Se retenir à. Se tenir à quelque chose de fixe pour ne pas tomber, ne pas être entraîné. Synon. se raccrocher. On pose les pieds au petit bonheur: on fait des faux pas, on se retient aux parois (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 182). Elle se cabra. Il dut se retenir au pommeau de la selle (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 416).
B. — 1. Se retenir de + inf. Ne pas exécuter ce qu'on a envie de faire. Synon. s'empêcher de, s'abstenir de. Des femmes, tout en tâchant d'offrir leur meilleur sourire, ne se retenaient pas de sangloter, et enfonçaient leur bouche dans leur mouchoir (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 93).
Rem. En raison de la valeur nég. inhérente de se retenir, la nég. du régime inf. est exclue. La nég. est possible en recourant à la prép. pour. Enfin, il quitta le banc, se retenant pour ne pas fuir de toute la longueur de ses grandes jambes, s'éloignant pas à pas (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 630). Lui aussi se retenait pour ne pas rire (VAILLAND, op. cit., p. 46).
— [Le verbe compl. de se retenir n'est pas exprimé mais il figure dans le cont.] On bâillait de faim, les hommes surtout, sans se retenir (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 163). Elle a une telle intensité de caractère que l'on a envie d'éclater en sanglots, mais on se retient (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 77).
2. Empl. abs.
a) Ne pas se livrer, ne pas se libérer. Décidément, Mérimée se retient trop; il est trop exempt par système: il l'est, à la longue, devenu par nature (SAINTE-BEUVE, Poisons, 1869, p. 101).
b) P. euphém. Différer de satisfaire un besoin naturel. L'enfant découvre le plaisir de « se retenir » mais y renonce pour faire à sa mère le plaisir d'aller régulièrement à la selle (DELAY, Psychol. méd., 1953, p. 157).
Prononc. et Orth.:[], (il) retient []. BARBEAU-RODHE 1930: se retenir [], []. Et aussi je retiens []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. ca 1050 « garder pour soi une partie de ce qu'on a reçu » (Alexis, éd. Chr. Storey, 99); 2. 3e quart XIIIe s. « garder à part, conserver (un chiffre) pour la suite du calcul » (Comput, ms. Bibl. Nat. fr. 7929 [actuellement 2021] f ° 9 ds LITTRÉ); 3. a) 1546 « recevoir et conserver (un trait caractéristique, ici, le nom) » (RABELAIS, Tiers Livre, L, éd. M. A. Screech, p. 334, l. 70); b) 1588 « conserver, garder (un trait, une habitude, une tradition) » (MONTAIGNE, Essais, III, 8, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 922); 4. 1585 « prélever (une partie d'une somme) » (DU FAIL, Contes et discours d'Eutrapel, Œuvres facétieuses, éd. J. Assézat, t. 1, p. 317). B. Trans. 1. ca 1050 « réserver, garder (pour quelqu'un) » (Alexis, éd. Chr. Storey, 407); 2. fin XIVe s. « réserver, garder ou faire garder pour mettre à la disposition de quelqu'un » (FROISSART, Chron., éd. G. Raynaud, t. 9, p. 191); 3. 1694 retenir une datte (Ac.). C. Trans. 1. a) ca 1100 « prendre et garder auprès de soi à son service » (Roland, éd. J. Bédier, 789); b) ca 1315-17 « engager, louer » (ici, des marins) (Assises Jérusalem, éd. H. L. Zeller, 28 R.r. 27); 2. a) ca 1100 « ne pas laisser partir, faire prisonnier » (Roland, éd. J. Bédier, 3948); b) 1656 « maintenir (dans une disposition, un état), ne pas permettre de s'écarter, de sortir de » (PASCAL, Pensées, Œuvres compl., éd. L. Lafuma, Seuil, 451-620, p. 559); 3. a) 1155 « garder près de soi, faire rester, inviter » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 6658-59 ds T.-L.); 1548 retenir à souper (DU FAIL, Baliverneries ou contes nouveaux, op. cit., t. 1, p. 160); b) 1667 je ne te retiens plus « va-t-en » (RACINE, Andromaque, IV, 5). D. Trans. 1. déb. XIIe s. « maintenir, tenir pour empêcher l'action de » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1731 ds T.-L.); 2. a) XIIIe s. « empêcher la dégradation de, maintenir en bon état » (Les Lorrains, ms. Berne 113, f ° 38c ds GDF.); b) 1690 « maintenir pour empêcher la chute de, fixer » (FUR.); 3. a) ca 1225 « ne pas laisser aller (un aliment, un liquide) » ici « garder en son corps » (PEAN GATINEAU, St Martin, 6375-6378 ds T.-L.); b) 1691 retenir le temps (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. Monmerqué, t. 10, p. 31); 4. a) ca 1485 retenir de « empêcher de » (Mistère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 3160); b) 1538 retenir que « empêcher que » (EST., p. 632); 5. a) 1538 « réprimer, empêcher (quelqu'un) de s'emporter ou de fauter » (ibid., s.v. contineo et reprimo); b) 1538 retenir son haleine, ses larmes (ibid., s.v. comprimo et contineo); 1553 retenir sa langue (Bible, Imprimerie Jean Gérard, Sapience, I, p. 26); 6. a) 1694 absol. « freiner, empêcher la voiture d'aller trop vite » (Ac.); b) 1762 manège « ne pas vouloir se porter librement en avant » (Ac.). E. Pronom. 1. déb. XIIe s. « s'empêcher de, s'abstenir de » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 648 ds T.-L.); 1726 se retenir « réprimer un besoin, une envie (ici, de rire) » (LESAGE, Le Diable boiteux, p. 338); 2. 1538 absol. « se contenir » (EST., s.v. cohibeo). F. Pronom. ca 1130 « s'accrocher, se maintenir pour ne pas tomber » (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 400). G. Trans. 1. ca 1165 « mettre et garder dans sa mémoire, ne pas oublier » (Troie, 28 ds T.-L.); 2. a) fin XIVe s. « considérer, noter » (FROISSART, Chron., éd. S. Luce, t. 4, p. 176); 1545 retenir les péchez (CALVIN, Institution, IV, VI, 3, éd. J.-D. Benoit, t. 4, p. 108); 1690 retenir une cause (FUR.); b) 1866 (VILLARS, loc. cit.). H. Trans. 1174-76 « garder par devers soi ce qui appartient à autrui » (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 2668). I. 1311 « concevoir, en parlant des humains » (De la Houce, ms. Turin ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 2); 1678 en parlant des chevaux (GUILLET, 1re part., p. 200). J. Adj. retenu 1538 (EST., s.v. retineo); 1559 « circonspect, sage » (AMYOT, Vie des hommes illustres, Périclès, XIV ds LITTRÉ). K. 1718 « tenir à nouveau » (LE ROUX, p. 451). L. 1874 « susciter l'intérêt de, être l'objet de » retenir l'attention (MALLARMÉ, Dern. mode, p. 807). Du lat. retinere « retenir, arrêter, contenir ». Fréq. abs. littér.:7 601. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 9 223, b) 9 724; XXe s.: a) 10 453, b) 12 958. Bbg. BRADEMANN (K.). Die Bezeichnungen für den Begriff des « Erinnerns » im Alt- und Mittelfranzösischen. Tübingen, 1979, pp. 276-290.
retenir [ʀ(ə)təniʀ; ʀətniʀ] v. tr.
ÉTYM. XIIe; « prendre possession de », v. 1050; de re-, et tenir, d'après le lat. retinere.
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♦ Réserver pour soi (dans un contrat). || « Il a affermé sa terre, mais il a retenu les bois et les vignes » (Littré).
♦ Mod. Garder ce qui appartient à autrui, refuser de lui donner ce qui lui revient. ⇒ aussi Confisquer (supra cit. 2), détenir (supra cit. 1). || Retenir l'argent qu'on doit à qqn (→ Effronté, cit. 2). — Hôtelier qui retient les bagages d'un client insolvable (⇒ aussi Rétention, rétentionnaire).
♦ Absolt. Dr. || Donner (cit. 15) et retenir ne vaut.
♦ Déduire d'une somme à payer (à un domestique, à un employé, etc.). ⇒ Précompter, prélever, rabattre (supra cit. 1). || Vous avez cassé cet objet, je vous en retiendrai le prix sur vos gages. || Retenir tant pour cent du salaire d'un employé pour la Sécurité sociale, la retraite. ⇒ Retenue (I., 2.).
2 (V. 1050). Faire réserver (ce qu'on veut trouver disponible). ⇒ Arrêter, assurer (supra cit. 46 : s'assurer de), 2. louer (supra cit. 10), réserver. || Retenir une loge au théâtre (→ Pardonnable, cit. 2), une chambre dans un hôtel. || Retenir une place (→ Haleine, cit. 22). || Vous retenez le 15 pour notre réunion. ⇒ Réserver. — Par pléonasme. || Retenir qqch. d'avance, à l'avance.
1 Il était rentré à son auberge juste à temps pour repartir par la malle-poste où l'on se rappelle qu'il avait retenu sa place.
Hugo, les Misérables, I, VIII, III.
2 En passant devant le comptoir, ils retinrent une table, ils arrêtèrent un menu, disant qu'ils seraient de retour dans une heure.
Zola, Thérèse Raquin, XI.
♦ (1553). S'assurer de la disponibilité de (qqn). || Je te retiens pour un tarot, pour travailler ce soir.
♦ ☑ Fam. Je le retiens, se dit ironiquement d'une personne dont on a à se plaindre, dont les services n'ont pas donné satisfaction (avec influence du sens 3. : je m'en souviendrai). || Ah ! vous, je vous retiens pour faire les commissions !
3 (V. 1155). Conserver, garder dans sa mémoire. ⇒ Souvenir (se). || « … Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu ». ⇒ Apprendre (cit. 2, La Fontaine). || Retenez bien ce que je vais vous dire. || Formule (cit. 14), sentence facile à retenir. || C'est un nom, un mot qu'on retient (→ Rappeler, cit. 21). || Ne pas retenir facilement les dates, les noms propres (→ fam. Être brouillé avec). — Absolt. || Il s'appliquait, il comprenait, il retenait (→ 2. Moyen, cit. 19).
♦ Je retiendrai de cette conférence, j'en retiendrai que… (et l'indic.). || Je retiens qu'il a menti.
3 Il avait beaucoup vu, beaucoup éprouvé, beaucoup appris; tout retenu. Sa mémoire et son cœur conservaient les vibrations persistantes des émotions anciennes, ce qui n'est pas un don commun.
A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, p. 278.
4 (1690). Dr. || Le tribunal a retenu cette clause, a décidé qu'elle était de sa compétence.
♦ (1877). Admettre, garder (un chef d'accusation, un argument, une excuse). || Le jury n'a pas retenu la préméditation. || Le tribunal retiendra certainement l'excuse de force majeure.
4 — Mais, Messieurs, disait un des jurés (…) répondre non à ces questions ne veut point dire que vous croyez qu'il n'y a pas eu d'effraction, que cela ne se passait pas la nuit, etc.; cela veut dire simplement que vous ne voulez pas retenir ce chef d'accusation.
Gide, Souvenirs de la cour d'assises, I.
♦ (1891). Cour. Prendre en considération un fait, une idée pour en tirer parti prendre comme élément d'appréciation, objet de réflexion ou d'étude, comme ligne de conduite, etc. (→ Article, cit. 19; contingent, cit. 3; malade, cit. 22; protocole, cit. 3). || Retenir une solution, un projet, une suggestion. || Nous regrettons de ne pouvoir retenir votre proposition. || La solution retenue…
5 (…) l'ingratitude des historiens qui n'ont retenu sur lui (Henri III) que les injures des pamphlets catholiques et protestants.
J. Bainville, Hist. de France, IX, p. 179.
5 (1740). Réserver (un chiffre) pour le reporter une colonne plus à gauche, dans la catégorie d'unités qui est la sienne. || Additionner 28 et 6. || « 8 et 6 = 14, je pose 4 et je retiens 1 ». ⇒ Retenue (I., 4.).
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1 (Compl. n. de personne). Faire rester avec soi; faire demeurer (qqn) quelque part. ⇒ Garder. || Il m'a retenu plus d'une heure pour me raconter ses histoires. ⇒ Coincer (fam., supra cit. 1), cramponner (fam., supra cit. 2), tenir (→ aussi Prendre au collet). || Je ne veux pas vous retenir plus longtemps. || Retenir qqn à dîner (1. Dîner, cit. 2), à souper. ⇒ Inviter (→ Mielleux, cit. 3). — ☑ Je ne vous retiens pas : vous pouvez partir (formule de congédiement). — (Avec un attribut du compl. d'objet). || Retenir qqn captif, prisonnier (cit. 2), comme otage. — Par ext. || Retenir un navire dans un port. ⇒ Consigner.
6 Les deux hommes se saluèrent (…) et Duroy tout aussitôt se retira. On ne le retint pas (…) et il sortit tout à fait troublé, comme s'il venait de commettre une sottise.
Maupassant, Bel-Ami, I, III.
7 (…) c'était Thérèse qui, pour le remercier et obtenir de nouvelles assurances, le retenait sur le seuil.
F. Mauriac, la Fin de la nuit, VII.
♦ (Sujet n. de chose). || Une attaque de goutte (2. Goutte, cit. 2) le retenait chez lui. ⇒ Immobiliser. || Une grippe le retient au lit. || Le mauvais temps nous a retenus toute la journée à la maison. ⇒ Emprisonner. || La destinée qui nous retient ici. ⇒ Enchaîner (supra cit. 12). || Une fascination (cit. 4) affreuse le retenait cloué sur place. ⇒ Clouer. — Fig. || Les derniers liens qui retenaient son âme à ce monde. ⇒ Attacher.
8 Sans doute que ses occupations la retiennent ailleurs (…) marmonna-t-il.
Gide, Isabelle, V.
♦ Par ext. Maintenir dans un certain état (d'infériorité, de dépendance…). → Évasif, cit. 2; progressif, cit. 2; prolétariat, cit. 1.
♦ Retenir qqn dans l'obéissance, le devoir (→ Blâme, cit. 4; honneur, cit. 52).
2 Retenir qqn : conserver son amitié, son affection, son estime, etc. (→ Lien, cit. 15; négliger, cit. 11). — (1559). Compl. n. de personne. Être de la part de qqn l'objet d'une attention soutenue, d'un intérêt durable, d'un examen approfondi. || Chaque fois qu'une étymologie (cit. 10) m'intéresse, me retient, m'amuse… — Retenir le regard, l'attention de qqn (→ Caractère, cit. 4; écrire, cit. 61).
9 (…) quoiqu'au premier abord elle attirât moins l'œil que la Sérafina, elle le retenait plus longtemps.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, II.
10 Il suffit d'un intérieur élégant pour faire la fortune d'un avocat. Cela attire le client, le séduit, le retient.
Maupassant, Pierre et Jean, IV.
3 (Compl. n. de chose). Maintenir en place, dans une position fixe; attacher à. ⇒ Accrocher, amarrer, arrêter, attacher, cramponner, fixer, maintenir, tenir. || Retenir les cheveux de qqn par un ruban. — (Le sujet désigne la chose qui retient). || Un ruban retenait ses cheveux. — Au p. p. || Cheveux retenus par un ruban (→ Boucle, cit. 5). || Tentes retenues à terre par des amarres et des piquets (1. Piquet, cit. 1).
4 (1690). Sujet n. de chose. Ne pas laisser passer, s'écouler, se perdre; conserver sur soi ou contenir en soi. || Ce sable ne retient aucune flaque (→ Autant, cit. 22). || Une sorte de grillage retenait le limon et les pierres (→ Crapaudine, cit. 1). || Ouvrage qui sert à retenir l'eau. ⇒ Barrage, chaussée, écluse, retenue (II., 3.). — Retenir la lumière : la renvoyer au lieu de l'absorber, et former ainsi une surface lumineuse, alors que la source lumineuse n'est pas visible (→ Follet, cit. 4; front, cit. 3).
11 L'échancrure de mer, en bas, retenait une laiteuse clarté qui n'avait plus sa source dans le ciel.
Colette, la Naissance du jour, p. 198.
♦ Empêcher d'avancer, de s'étendre, d'envahir. ⇒ Contenir. || Les digues (cit. 1) qui retiennent les eaux de la mer.
5 (1538). Sujet n. de personne; compl. n. de chose. S'abstenir, différer d'exhaler, de laisser couler, de laisser apparaître, de prononcer, etc. || Retenir son haleine (cit. 8 et 9), son souffle (→ Ramper, cit. 5). || Retenir ses larmes (⇒ Dévorer; → Gronder, cit. 15; peine, cit. 26), ses pleurs (cit. 4). || Retenir un cri (→ Démarche, cit. 1), un soupir, un rire, un sourire, une moue (cit. 4), un bâillement (→ Péroraison, cit. 1), un geste d'impatience. ⇒ Étouffer (supra cit. 24), réprimer. || Rire qu'on ne peut retenir. ⇒ Incoercible. || Retenir sa colère, sa curiosité. ⇒ Comprimer (supra cit. 4), contraindre; → Commander, cit. 5. — ☑ Retenir sa langue : s'abstenir de trop parler.
12 (…) Tahoser, éperdue, se pencha sur le front du dormeur, retenant son souffle, pressant son cœur de sa main, et y posa un baiser peureux, furtif, ailé (…)
Th. Gautier, le Roman de la momie, VI.
13 Mais j'aimais le goût des larmes retenues, de celles qui semblent tomber des yeux dans le cœur, derrière le masque du visage.
Valery Larbaud, Enfantines, Rose Lourdin.
14 Lorsque Jérôme se trouva seul (…) il ne put retenir un soupir de satisfaction (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 243.
6 (1538). Compl. n. de personne ou de chose. Saisir, tirer en arrière, afin d'empêcher de tomber, de partir, d'aller trop vite. ⇒ Arrêter. || Elle fût tombée, si Christophe ne l'avait retenue (→ Pied, cit. 7). — Par métaphore. || Retenir qqn sur la pente dangereuse. — Retenir qqn par le pan (cit. 1) de sa veste, par le bras (→ Raide, cit. 5). || Serrer qqn dans ses bras pour le retenir. ⇒ Étreindre. — Retenir un cheval : modérer son allure (→ Accélérer, cit. 1; arrêter, cit. 7; jockey, cit. 1; quadrige, cit.). — Retenir un objet qui va tomber (→ aussi Ouvrir, cit. 30).
15 Pour Dieu, Fée aux Miettes, lui dis-je, en imposant fermement mes deux mains sur ses épaules, afin de la retenir au bond : Ne vous obstinez donc pas à faire des tours de force pareils si vous ne voulez vous estropier (…)
Charles Nodier, Contes, « Fée aux miettes », XI.
16 (…) et d'ailleurs, je ne réponds pas que Rosette n'eût pas fait la Putiphar et ne m'eût retenu par le coin de mon manteau.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, XII.
17 Une main prend sa main et la serre. « C'est toi, Schneider ? » « Oui. » Ils se taisent, côte à côte, la main dans la main (…) Brusquement Schneider retire sa main, Brunet veut la retenir mais Schneider se dégage d'une secousse et se dilue dans le noir.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 293.
♦ Par métaphore. || Retenir le temps qui passe, les instants qui s'envolent.
18 Comment n'avait-elle pas saisi ce bonheur-là, quand il se présentait ! Pourquoi ne pas l'avoir retenu à deux mains, à deux genoux, quand il voulait s'enfuir ?
Flaubert, Mme Bovary, II, VII.
7 (V. 1155). Compl. n. de personne. Empêcher d'agir (une personne sur le point de faire qqch.). ☑ Retenez-moi, ou je fais un malheur ! (s'emploie surtout ironiquement, en parlant d'un fanfaron qui cherche des prétextes pour s'esquiver). — Par métaphore. || La peur retient son bras. ⇒ Enchaîner (supra cit. 2).
19 Les chefs s'agitent et se répandent en discours qui signifient, sommairement : « Retenez-moi, retenez-moi, ou je vais faire un malheur ».
G. Duhamel, Refuges de la lecture, I.
♦ (Sujet n. de chose). Empêcher d'agir, de parler… || Une invincible timidité me retenait (→ Quérir, cit. 3).
20 Mais n'est-il pas notoire que les terreurs de l'avenir ont retenu bien peu de gens disposés à n'être retenus par aucune autre chose. Pour le reste des hommes, il est des freins plus naturels, plus directs, et dès lors plus puissants.
É. de Senancour, Oberman, XLIV.
♦ Retenir de, suivi de l'inf. ⇒ Empêcher. || La crainte de soupçonner à tort m'a retenu d'accuser personne (cit. 36).
21 Elle geignait; il fallait que Marie la retînt de se mettre à genoux.
F. Mauriac, la Fin de la nuit, X.
21.1 Je suis ici dans un bien sale trou. On s'y embête effroyablement et je ne sais ce qui me retient de m'en aller.
R. Queneau, le Chiendent, p. 402.
♦ Par ext. ⇒ Arrêter, modérer. || Retenir l'élan, la volonté de qqn (→ Mettre une barrière, un obstacle, s'opposer à). — Le fanatisme (cit. 4), fureur aveugle et stupide que la raison ne retient jamais.
22 Son injuste accusation, si légère soit-elle, et sans diminuer en rien mon amitié, retient mon abandon, et je ne suis plus rien dès que je ne suis plus naturel.
Gide, Journal, 4 oct. 1914.
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se retenir v. pron.
1 (Déb. XIIe). Faire effort pour ne pas tomber (en saisissant qqch., etc.). || Se retenir au bord d'un précipice, sur une pente glissante. — Se retenir à… ⇒ Accrocher (s'), cramponner (se), rattraper (se). || Se retenir à une touffe d'herbe (→ Contraste, cit. 6). — Pop. || Se retenir après (cit. 89) le garde-fou, après une corde.
23 Bloyé descendit jusqu'à la berge de la rivière qui passait au bas du verger, en se retenant aux branches des troènes et des sorbiers (…)
P. Nizan, le Cheval de Troie, I, I.
2 (V. 1265). S'abstenir, différer de céder à un désir, à une impulsion, à un sentiment. ⇒ Contenir (se), contraindre (se); → Impatience, cit. 1; nouer, cit. 13. || Se retenir pour ne pas…, suivi de l'inf. (→ Modèle, cit. 9). || Comme je me suis retenu pour ne pas t'envoyer promener ! (cit. 16).
♦ Se retenir de (faire qqch.). ⇒ Empêcher (s'); → Anticiper, cit. 7; formation, cit. 3; parfait, cit. 3.
24 Mâtho s'était d'abord retenu de combattre, pour mieux commander tous les Barbares à la fois.
Flaubert, Salammbô, XIII.
25 Elle ne peut se retenir d'y faire sans cesse allusion (…)
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II, XII.
♦ (V. 1820). Absolt et par euphém. Différer de satisfaire ses besoins naturels. || Enfant qui ne sait pas se retenir. ⇒ Incontinence.
26 Alors Mme Baugan tirait les draps et, prise à la gorge par la triste et ignoble odeur, l'excellente personne disait en bougonnant :
— Oh ! Revaud ! vous n'êtes pas raisonnable ! vous ne pourrez donc jamais vous retenir !
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, II, La chambre de Revaud.
3 (1762). Techn. (D'un cheval). Ne pas porter franchement en avant.
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retenu, ue p. p. adj.
♦ (→ les emplois généraux ci-dessus, par ex. : cit. 13).
♦ Spécialement.
1 Gardé, mis en réserve pour soi. || Justice retenue (vx), rendue par le souverain (opposé à justice déléguée). — Spécialt. Qui a été réservé. || Place retenue.
27 Au Moulin-Rouge des carafes frappées pleines de champagne rosé (…) de petits papiers où il y a écrit au crayon : Retenue sur les tables vides (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 20 mai 1857, t. I, p. 144.
2 (1452). Qui fait preuve de retenue (III.). ⇒ Discret, réservé. || Il faut que les monarques soient extrêmement retenus sur la raillerie (cit. 6). — Vx. || Être retenu à (…), suivi de l'inf. || « Il faut être très retenu à prononcer sur les ouvrages de ces grands hommes » (Racine, Iphigénie, Préface, citant Quintilien). — Par ext. || Une grâce un peu retenue et voilée (→ Faire, cit. 36).
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CONTR. Abandonner, attribuer, céder. — Oublier. — Écarter. — Dépêcher. — Libérer, relâcher. — Déverser. — Accélérer, entraîner. — Lâcher. — Animer, engager (à). — Exciter. — (De se retenir, 2.) Éclater. — (Du p. p.) Libre. — Débridé, dévergondé, effréné, expansif, extravagant.
DÉR. Retenue. — (Du même rad. lat.) V. aussi Rétenteur, rétention.
Encyclopédie Universelle. 2012.