1. si [ si ] conj. et n. m. inv.
• 842; lat. si REM. Si devient s' devant il, ils.
I ♦ SI, hypothétique. Introduit soit une condition (à laquelle correspond une conséquence dans la principale), soit une simple supposition ou éventualité. ⇒ 1. cas (au cas où), supposé (que).
A ♦
1 ♦ (Hypothèse pure et simple, avec l'indic.) « si je suis triste, je me trouve grotesque » (A. Gide). ⇒ quand. « Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là » (Hugo). Si tu peux le faire, fais-le. — Math. Si et seulement si.
2 ♦ (Potentiel : imp. de l'indic. dans la subordonnée; condit. prés. dans la principale) « Si l'on y regardait bien, on verrait le lutin » (Beaumarchais). Si c'était possible, ou ellipt si possible (⇒ sinon) .
3 ♦ (Irréel) « Si vous étiez vivants, vous prendriez Narbonne » (Hugo). Si j'avais su, je ne me serais pas dérangé. Si ce n'était que de moi... « Le nez de Cléopâtre : s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé » (Pascal). Loc. Vulg. Si ma tante en avait (deux), on l'appellerait mon oncle.
4 ♦ MÊME SI... renforce l'expression de la conséquence (dans la principale). Même s'il s'excusait, je ne lui pardonnerais pas. Même si vous êtes débutant, vous pouvez postuler. Ce défi est motivant, même si beaucoup abandonneront.
B ♦ (Dans une phrase dont la conclusion est sous-entendue, incomplète)
1 ♦ (Dans une phrase de compar.) Il se conduit comme s'il était mon père, comme il se conduirait s'il était mon père. « J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans » (Baudelaire). « Je me contemplai comme si j'eusse été un autre, ou plutôt comme si j'étais redevenu moi-même » (F. Mauriac). — (Exclam., pour rejeter une idée) « Comme si la raison pouvait mépriser aucun fait d'expérience ! » (Barrès). Comme si tu ne le savais pas !
2 ♦ (En phrase interrog., pour présenter une éventualité, une suggestion) « Et si elle se fâche ? si elle rompt ? Tant pis » (Romains). « si c'était moi qui te la donnais, la couronne » (A. Gide). — Littér. Ou si... « Êtes-vous souffrant, ou si c'est un méchant caprice ? » (Musset).
3 ♦ (En phrase exclam., la conclusion, aisément imaginable, restant implicite) « Dieu ! s'il allait me parler à l'oreille ! S'il était là, debout et marchant à pas lents ! » (Hugo). Si j'avais su ! Si vous m'en aviez parlé plus tôt !
4 ♦ (Optatif, exprimant un vœu) « Si je pouvais être ce monsieur qui passe ! » (Musset), que ne suis-je. ⇒ 1. être. « Si seulement je pouvais dormir ! » (A. Gide).
♢ (Souhait appliqué au passé) « Ah ! s'il avait pu l'empêcher ! si elle avait pu se fouler le pied avant de partir » (Proust).
C ♦ (Dans les expr.) S'il vous plaît. Si on veut. Si je ne me trompe, si je ne m'abuse. Si j'ose dire. Si je puis dire. Si je peux me permettre. Si on peut dire. Si tant est que...
♢ SI CE N'EST... : même si ce n'est pas..., en admettant que ce ne soit pas. ⇒ sinon. Un des meilleurs, si ce n'est le meilleur. — Sauf. « Jésus leur défend de rien emporter si ce n'est des sandales et un bâton » (Flaubert). Rien de neuf, si ce n'est que mon départ est avancé.
D ♦ N. m. inv. Hypothèse, supposition. Trop de si et de mais. Loc. Avec des si, on mettrait Paris dans une bouteille, en bouteille : tout est possible avec des suppositions ne tenant pas compte des réalités.
II ♦ SI, non hypothétique,sert à marquer la validité simultanée de deux faits.
1 ♦ (Introd. une comparaison-opposition) Une fois admis pour vrai que... Log. math. Si a < b alors b > a. — Cour. (valeur concessive) « Si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus sont d'un Dieu » (Rousseau).
2 ♦ (En corrélation avec une explication, une précision) « S'il s'acharne à rabaisser le génie, c'est par dépit » (Romains). S'il revient, c'est qu'il n'a pas d'amour-propre. S'il pleuvait, nous ne sortions pas, chaque fois que. ⇒ lorsque.
♢ Loc. C'est bien le diable si... C'est tant mieux, tant pis si... C'est ma faute si... C'est à peine si...
3 ♦ (Introd. une propos. à valeur de complétive) Douter, s'assurer, s'inquiéter si... Ne va pas t'étonner si...
4 ♦ (Introd. une interrog. ind.) Demander, savoir si... « Vous verrez bien si je fais mal » (Laclos). Dites-moi si cela vous convient; si c'est oui ou si c'est non. Ellipt Si oui... et si non...
♢ (Emploi exclam.) Combien, comme. « Vous pensez s'ils étaient fiers ! » (Romains).
⊗ HOM. Ci, scie, sis, six.
si 2. si [ si ] adv.
• 842; lat. sic
I ♦ (Affirmation ou opposition)
1 ♦ Vx Ainsi. « Et vraiment si ferai » ( La Fontaine). — Vieilli SI FAIT : mais oui (pour confirmer une affirmation). « Si fait, mon cher hôte, si fait » (Proust).
2 ♦ S'emploie obligatoirement pour OUI en réponse à une phrase négative. On ne vous a pas prévenu ? — Si. « Ce n'est pas du poison ? [...] — Si ! c'est du poison » (Hugo). « Il ne veut jamais. — Mais si, protesta Swann » (Proust). — En subordonnée complétive, oui restant possible Il dit que si. — QUE SI : renforce la réponse. « Ils n'ont pas besoin l'un de l'autre. — Que si » (Romains).
♢ Ellipt « Je vous agaçais, je vous froissais [...] Si ! si ! Je vous ai souvent froissée » (France).
♢ Il ne viendra pas, moi si, je viendrai.
II ♦ Adv. d'intensité
1 ♦ (Devant un adj. ou un adv.) À ce point, à un tel degré. ⇒ aussi, tellement. « Jamais il ne s'était senti si misérable, si inutile, si petit garçon » (Zola). « Je joue si mal ! » ( Duhamel). Nous sommes si peu de chose. Le temps passe si vite.
2 ♦ (En corrélation avec une consécutive introduite par que) « Le coup passa si près que le chapeau tomba » (Hugo). — Loc. conj. SI BIEN QUE... : de sorte que... Tant et si bien que...
♢ Vx ou littér. (avec un rel. autre que que) « Il n'est fruit si délicieux dont un souvenir amer ne risque de gâter la saveur » (Duhamel).
III ♦ Adv. de compar. Au même degré (que). ⇒ aussi. « Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur » ( Musset). On n'est jamais si bien servi que par soi-même. Il n'est pas si beau que ça, qu'on le dit. (Sans t. de compar.) Ce n'est pas si facile, si simple, si évident. ⇒ tellement.
IV ♦ SI... QUE, introduit une concessive impliquant une idée de degré variable. ⇒ aussi, pour (pour... que...), quelque (quelque... que...). « Si bref que soit un écrivain, il en dit toujours trop » (Léautaud). Si peu que ce soit.
⊗ CONTR. Non.
si 3. si [ si ] n. m. inv.
• 1646; des initiales de Sancte Iohannes dans l'hymne à saint Jean Baptiste → ut
♦ Note de musique, deuxième degré de l'échelle fondamentale, septième son de la gamme naturelle. Si naturel, si dièse, si bémol. — Ton correspondant. La messe en si de J.-S. Bach. — Cette note représentée.
● SI Abréviation désignant le système international d'unités. ● SI (homonymes) ci adverbe ci pronom démonstratif
si
conj. et n. m. inv. (Si s'élide en s' devant il, ils.)
rI./r conj. (Introduisant une proposition subordonnée conditionnelle.)
d1./d (Suivi de l'indicatif présent ou passé, avec une principale à l'indicatif ou à l'impératif, pour indiquer le caractère réalisable de la condition.) Si tu veux la paix, prépare la guerre.
d2./d (Suivi de l'imparfait de l'indicatif, avec une principale au conditionnel présent, pour indiquer le caractère non réalisé dans le présent ou irréalisable dans l'avenir de la condition.) Si j'étais en vacances, j'irais me baigner.
d3./d (Suivi du plus-que-parfait de l'indicatif, avec une principale au conditionnel passé, pour indiquer l'irréalité de la condition dans le passé.) Si la nuit avait été plus claire, on l'aurait vu s'enfuir.
d4./d (Dans une phrase exclamative.) Et s'il t'arrive un accident! (sous-entendu: que se passera-t-il?).
— Fam. Combien, comme. Vous pensez s'ils étaient contents!
rII./r conj. (Introduisant une proposition non conditionnelle.)
d1./d Chaque fois que. Si le matin je reçois une lettre, je suis de bonne humeur pour la journée.
d2./d Bien que. Si mes dépenses ne changent pas, mes ressources, elles, diminuent.
d3./d (En corrélation avec c'est que.) S'il n'est pas chez lui, c'est qu'il est au cinéma.
d4./d (Introduisant une proposition complétive ou une interrogative indirecte.) Excusez-moi si je vous dérange. Je verrai si ce que tu dis est vrai.
rIII/r (En loc.)
d1./d Si tant est que (+ subj.): en admettant que.
d2./d Loc. conj. Si ce n'est que: sauf que.
d3./d Si ce n'est: excepté.
rIV./r n. m. inv. Supposition. Assez de si et de mais.
————————
si
n. m. inv. Septième note de la gamme d' ut; signe qui la représente.
————————
si
adv.
rI./r adv. d'affirmation (en réponse à une phrase négative). Il n'était pas là hier.
— Si, je l'ai vu. ça ne t'intéresse pas?
— Si!
rII./r adv. d'intensité.
d1./d Tellement. C'est si triste!
d2./d (Avec une proposition consécutive.) Elle était si impatiente qu'elle ne tenait plus en place.
|| Loc. conj. Si bien que: de sorte que.
rIII/r adv. de comparaison. Aussi. Je n'avais jamais rien vu de si beau.
rIV./r Loc. conj. Si... que (pour introduire une proposition concessive). Si petit qu'il soit.
I.
⇒SI1, conj.
I. — [Si introd. la protase d'un syst. hyp. (si p, q); il marque que la protase p est telle que, dans tous les cas où elle est vérifiée, l'apodose q l'est également]
1. [L'hyp. porte sur le prés.; le syst. hyp. marque l'irréel du prés.]
a) [L'apodose q est à l'aspect de l'inaccompli]
) [Si + imp.; la condition envisagée — irréelle — appartiendrait au prés.] Le latin m'ennuie, et si ce n'était qu'il faut être reçu bachelier, je n'en ferais de ma vie (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 66). Je viens très peu. Si j'habitais chez Madeleine ou si j'y venais davantage, je gagnerais la partie (COCTEAU, Parents, 1938, II, 6, p. 243):
• 1. Je pense quelquefois que, si les hommes du siècle de Louis XIV pouvaient revenir au milieu de nous, avec leurs idées graves et leur forte raison, ils seraient bien étonnés de la manière dont on discute aujourd'hui les questions les plus importantes...
LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1820, p. 100.
Rem. Quand l'apodose se trouve dans le champ d'un élém. qui entraîne le subj., la lang. littér. peut y employer le subj. imp.: Il n'y a pas dans ce livre une ligne que la presque totalité de la France, si elle était libre, ne s'empressât de signer (CONSTANT, Esprit conquête, 1813, p. 132).
) [Si + p.-q.-parf. (de l'ind. ou du subj.); la condition envisagée — irréelle — appartiendrait au passé] Voilà un commandant de Gaëte, qui ne veut pas rendre sa place; eh bien! qu'il la garde! Si Capoue en eût fait de même, nous serions encore à la porte, sans pain ni canons (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1806, p. 703). Et cependant si l'image primitive avait totalement disparu de notre souvenir, comment devinerions-nous par quel caprice toutes ces inégalités se sont échafaudées de cette façon les unes sur les autres? (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 28). Si je l'avais voulu, vous seriez aujourd'hui dépouillés de tout (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 14).
b) [L'apodose q est à l'aspect de l'accompli] Bourrique!... Si tu n'étais pas un si brave homme, depuis longtemps je t'aurais envoyé paître! (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 107). Enfin il est certain que j'ai eu peur ou quelque sentiment de ce genre. Si je savais seulement de quoi j'ai eu peur, j'aurais déjà fait un grand pas (SARTRE, Nausée, 1938, p. 14).
Rem. Dans tous les ex. cités, le syst. hyp. marque l'irréel du prés. Mais il existe des cas où les mêmes formes signifient une potentialité (plus improbable que dans le cas où si est suivi du prés.); on ignore ce qui est (ou on ne veut pas le dire): si j'avais 100 000 F (il faut que je refasse mes comptes), je pourrais...; si j'avais réussi (je ne sais pas si c'est le cas), je pourrais...
2. [L'hyp. porte sur l'avenir]
a) [Type: si j'avais pu venir demain, je vous aurais montré... Irréel du fut.; je sais déjà que je ne pourrai pas venir demain]
b) [Type: s'il neigeait demain, nous irions dans les Vosges. Potentiel considéré comme improbable] Si vous faisiez la sauvage, alors, oui, on pourrait vous attacher aux quatre montants par les poignets et par les chevilles (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 236):
• 2. Quoi donc! se disait-il, si dans soixante jours je devais me battre en duel avec un homme très fort sur les armes, est-ce que j'aurais la faiblesse d'y penser sans cesse, et la terreur dans l'âme?
STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 454.
c) [Type: si j'arrivais un jour à achever cet ouvrage, j'aurais écrit l'œuvre de ma vie. Accompli potentiel, envisagé sous toute réserve] Voir MOIGNET, Systématique de la lang. fr., 1981, § 135.
3. [L'hyp. porte sur le passé; le syst. hyp. signifie l'irréel du passé]
a) [Si p est au p.-q.-parf. de l'ind., q au cond. passé] Si tu l'avais réellement aimée, tu aurais fait, au besoin, une absence de quelques mois et bien vite tu serais revenu près de celle qui t'appelait (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p. 242):
• 3. Si quelques mois plus tôt seulement j'avais entendu quelqu'un parler et raisonner comme ça, j'aurais sauté en l'air, mais maintenant je commençais à n'être plus si sûr d'un tas de choses dont j'avais été tellement certain.
Cl. SIMON, Le Sacre du printemps, Paris, Le Livre de poche, 1974 [1954], p. 184.
Rem. q peut se trouver à l'ind. (avec valeur de cond. passé): Si je fusse demeuré, la chose se trouvait accomplie (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 895). Tu ne t'attendais pas au double-six. Si je l'avais mis au commencement, cela changeait tout le jeu (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 47).
b) [Si p est au p.-q.-parf. de l'ind., q est au p.-q.-parf. du subj.] Elle n'avait pas la foi (...); cependant, si elle avait manqué la messe du dimanche, elle en eût été ennuyée, et fût entrée un instant à l'église (MONTHERL., Pitié femmes, 1936, p. 1086). C'était encore heureux qu'il y eût la fatigue. Si Rieux avait été plus frais, cette odeur de mort partout répandue eût pu le rendre sentimental. Mais quand on n'a dormi que quatre heures, on n'est pas sentimental (CAMUS, Peste, 1947, p. 1374).
c) [Si p est au p.-q.-parf. du subj., q au cond. passé] La veille, je me serais jeté dans la mer si l'on m'eût enlevé à l'armée (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 143). Et, par contre, si je n'eusse pas tenu ce journal en A. É. F., sans doute n'aurais-je rapporté de mon voyage au Congo que quelques « paysages » pour un nouvel Amyntas (GIDE, Journal, 1933, p. 1155).
d) [Si p et q sont au p.-q.-parf. du subj.] Ah! à cette heure, si c'eût été une course, il les eût dépassés tous; si c'eût été une lutte, il les eût étranglés tous, jetés tout disloqués à ses pieds! (MONTHERL., Songe, 1922, p. 8). Si son amour-propre eût été moins profondément blessé, Malorthy se fût décidé sans doute à rendre bon compte à sa femme de sa visite au château (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 70).
Rem. Le recours au p.-q.-parf. du subj., soit simultanément dans si p et q, soit dans si p, soit dans q, bien que beaucoup moins fréq. que le syst. corrél. p.-q.-parf./cond. passé, reste vivant dans la lang. littér.
B. — [La princ. n'est ni au cond., ni au subj.]
1. [L'hyp. porte sur le prés. (potentiel du prés.)]
a) [Dans une phrase à valeur générique ou itér. (si peut commuter avec lorsque, quand)] Quand on veut éviter d'être charlatan, il faut fuir les tréteaux; car, si l'on y monte, on est bien forcé d'être charlatan, sans quoi l'assemblée vous jette des pierres (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 28). — Ça chauffe donc? Tiens, ça chauffe? Un moment après, si l'émeute approche et gagne, il ferme précipitamment sa boutique et endosse rapidement son uniforme (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 291):
• 4. C'est un vieux camarade: une espèce de baromètre. Les jours de pluie, il est tout noir; si ça brouillasse, il prend la couleur des ardoises; mais, au plein soleil, il devient bleu, l'animal...
MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1019.
— [Si p est à un temps du passé] [Les sultans et les vizirs] non seulement pardonnent à un empoisonneur, mais encore le font premier ministre si le crime a été ingénieux (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 759). S'ils ont manqué de fidélité, ils ne croient pas avoir violé leur serment; s'ils ont pris sur eux des rôles qui répugnent à d'autres caractères, ils pensent avoir rendu de grands services (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 153).
b) [Si p formule une hyp. sur le prés., dont on ne sait pas si elle est vérifiée (potentialité épistémique)] Car il a votre âge, à peu près, s'il vit (SARTRE, Mouches, 1943, I, 1, p. 20).
c) [Si p exprime une éventualité qui justifie q] Pour le cas où.
— [Si p est au prés.] L'Autriche ne me fera pas la guerre. Si elle me la fait, j'ai 150 000 hommes en Allemagne, et autant sur le Rhin, et 400 000 Allemands pour lui répondre (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1809, p. 167). Si tu écris un jour un roman, lui dis-je, je t'ai trouvé un titre (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 200).
— [Si p est à l'imp. (éventualité plus improbable)] Je pars pour les rues. — Si, par hasard, j'y restais, je désire que MM. Brizeux, Antoni Deschamps et Émile Deschamps, sous les yeux de ma chère Lydia, examinent avec soin mes portefeuilles et impriment ce qui est digne de mémoire à leur avis et seulement cela (VIGNY, Journal poète, 1830, p. 927). Nous nous armons de plusieurs fusils et de pistolets pour résister, si l'on voulait employer la force pour nous retenir (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 61). — (...) Et vous, quel est votre café, si on voulait vous faire dire quelque chose? — Comment, mon café? — Oui, votre café habituel. — Je n'ai pas de café habituel, dit Alban, offensé (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 394).
d) [Si p expose une situation fictive entraînant des conséquences que l'on veut faire percevoir] Proposer de faire le procès à Louis XVI (...) c'est mettre la révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l'objet d'un procès, Louis peut être absous; il peut être innocent. Que dis-je? Il est présumé l'être jusqu'à ce qu'il soit jugé. Mais, si Louis est absous; si Louis peut être présumé innocent, que devient la révolution? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la liberté deviennent des calomniateurs (ROBESP., Discours, Jug. Louis XVI, t. 9, 1792, p. 122).
e) [Si p fixe les conventions, les règles à partir desquelles l'énonciateur déclare qu'il va démontrer, calculer, évaluer] Si on admet que..., si on prend pour (terme de) référence..., si on prend pour base... [Le commerce] ne saurait à lui seul nourrir toute la famille, cinq bouches, si on compte la bonne (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 12). Si on se limite aux congrès européens, le taux de participants des équipes chirurgicales [françaises] est inférieur à 10 % (Le Monde, 25 oct. 1989, p. 20, col. 2).
2. [L'hyp. porte sur l'avenir (potentiel du fut.)]
a) [L'apodose q est au fut.] S'il neige, nous irons dans les Vosges. J'attendrai la nuit, si je suis vivant, pour réfléchir. Mais vivant... Quand une mission est facile, il en rentre une sur trois (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 271). Écoute, Hugo (...) je n'ai pas reçu d'ordre à ton sujet. Mais si jamais j'en reçois, tu dois savoir que je ferai ce qu'on me commandera (SARTRE, Mains sales, 1948, 1er tabl., 1, p. 21):
• 5. Allemands et Italiens ont fait main basse sur les réserves. Amphoux entendait hier un de leurs officiers supérieurs, au restaurant, déclarer en riant: « Si les Anglais viennent à Tunis (je crois même qu'il disait: quand les Anglais viendront), ils ne trouveront plus rien, rien, rien! » et ceci en fort bon français.
GIDE, Journal, 1943, p. 164.
— [Si p a valeur générique] Une femme française qui épousera un étranger, suivra la condition de son mari. Si elle devient veuve, elle recouvrera la qualité de Française, pourvu qu'elle réside en France (Code civil, 1804, art. 19, p. 5).
— [Si p est à l'accompli] Si j'ai réussi à rendre ce que j'ai senti, il restera de mon portrait une des premières figures de l'histoire (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 649).
b) [L'apodose q est au fut. ant.] Ah! quand le songe de la vie sera terminé, à quoi auront servi ses agitations [de l'esprit], si elles ne laissent la trace de l'utilité! (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 4). Si nous sommes écrasés ici et à Madrid, les hommes auront un jour vécu avec leur cœur. Tu me comprends? Malgré la haine. Ils sont libres. Ils l'avaient jamais été (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 602).
c) [L'apodose q est au prés. à valeur de fut. ou à l'impér.] Je peux, ces vacances, si je vais à Trouville, prendre des informations sur lui, si ça t'amuse et si j'y pense (FLAUB., Corresp., 1853, p. 223). Si vous allez à Nîmes, faites un tour dans la vieille cathédrale (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1890, p. 39). Si, quand vous aurez atteint le passage, je ne suis pas apparu, barre-toi. — Si elle ne veut pas me suivre? — Tant pis (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 23).
3. [L'hyp. porte sur le passé (potentiel du passé)]
a) [Dans une phrase à valeur générique ou itér. (si peut commuter avec lorsque, quand; p et q sont à l'imp.)] Il la repoussait, du fond de ses rêves, si elle tentait de tromper son sommeil (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 391):
• 6. Aussi, un patriote s'en laissait imposer facilement s'il se trouvait dans les salons ou parmi les rassemblements d'officiers, tant il se voyait en minorité; mais sitôt qu'il était dans la rue ou parmi les soldats, il se retrouvait alors au milieu de la nation tout entière.
LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 960.
b) [Si p formule une hyp. sur le passé (potentialité épistémique)]
) [On ignore actuellement si cette hyp. était vérifiée] Pourtant si elle avait un amant, cette femme, il avait bien raison de la battre, son mari... — Il n'avait pas raison, mais c'est une excuse pour lui (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 87).
) [On se replace dans le passé de l'énonciateur qui ignorait si l'hyp. allait se vérifier] Voici venir une montagne d'eau qui s'avançait en mugissant et qui, si vous tardiez d'une minute, pouvait, ou vous entraîner, ou vous écraser contre le mur (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 52).
— [q est au passé simple] Le reste [de la troupe] demeura campé à une portée de fusil du tertre, prêt à venir à notre secours si nous fussions tombés dans une embûche (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 373). Le jeune homme fit un mouvement, Marthe se sentit perdue si la porte s'ouvrait (HUYSMANS, Marthe, 1876, p. 116).
— [Avec idée d'alternative dans le passé] Je m'entendais demander: « Tu m'aimes? » (...) Si je répondais oui, je me trouvais engagé au delà de mes vrais sentiments. Si j'osais dire non, je risquais de ne plus être aimé, et j'en souffrais (CAMUS, Chute, 1956, p. 1524). Si de but en blanc j'affichais mes intentions, nul doute que (...) se fût levée dans tous les milieux une vague de stupeurs et de fureurs qui eût fait chavirer le navire (DE GAULLE, Mém. d'espoir, t. 1, 1970, p. 51).
— [Avec valeur d'accompli] Peut-être craignais-je aussi et de l'offenser par des tentatives déplacées et de m'enchaîner plus étroitement, si par hasard j'avais réussi (CONSTANT, Cécile, Paris, Gallimard, 1951 [1830], p. 194). Et si peut-être j'eusse été m'effrayer du désordre où m'entraînait leur anarchie, ne savais-je point aussitôt me rassurer en me remémorant ces mots (GIDE, Journal, Feuillets, 1923, p. 779).
C. — Comme si, loc. conj.
1. [Introd. une prop. sub. hyp. à valeur irréelle, attribuant au procès réel de la princ. q un cadre ou une cause imaginaires]
) [Comme si p est à l'imp.] Elle s'avance ainsi, harmonieusement, heureuse de vivre et souriant d'un blanc sourire, comme si elle apercevait au loin dans l'espace un miroir reflétant sa démarche et sa beauté (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 118). Après tant d'années écoulées, ces cinq notes vibrantes, il me semble les entendre encore, comme si j'étais toujours là-bas, sur cette piste du Sud, ou comme si elles résonnaient près de moi (THARAUD, Fête arabe, 1912, p. 9).
♦ Comme si de rien n'était (fam.). En feignant d'ignorer ce qui est, ce qui s'est passé. À la fin il la trahit, pour son père; puis il lui revient comme si de rien n'était (MONTHERL., Fils personne, 1943, préf., p. 272).
♦ Tout se passe comme si. [Expr. par laquelle le locuteur avance une explication qu'il sait irréelle ou qu'il hésite à assumer] Nous sommes toujours, nous autres, la queue de quelque comète. Tout se passe comme si nous existions peu par nous-mêmes (GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p. 38).
) [Comme si p est au p.-q.-parf.: la cause fictive p est envisagée comme ant. à q] Le haschisch (ou herbe, c'est-à-dire l'herbe par excellence, comme si les Arabes avaient voulu définir en un mot l'herbe, source de toutes les voluptés immatérielles) porte différents noms, suivant sa composition et le mode de préparation qu'il a subie dans le pays où il a été récolté (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 351).
Rem. Rare, comme si p est au subj. imp.: Il y songeait peut-être trop. Pour moi, quand je suis là, portant cette cuvette, comme si je fusse l'ordonnance de ce fricoteur, c'est, sans doute, afin que je me rende bien compte que nous, les grands personnages, nous avons du mal à nous garder hors de la rubrique commune (AUDIBERTI, Mal court, 1947, I, p. 147).
) [Comme si p est à l'imp.] Une légère fraîcheur s'était déjà manifestée au bout de mes doigts; bientôt elle se transforma en un froid très-vif, comme si j'avais les deux mains plongées dans un seau d'eau glacée (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 362).
) [Comme si p est au p.-q.-parf. (de l'ind. ou du subj.), avec valeur d'antériorité ou non] Le teint, sans être maladif, était grisâtre, comme si le sang, sous la peau, eût été incolore (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 22). On ne me plaignait pas, mais on me traita comme si j'avais eu du chagrin (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 31).
Rem. Var. de comme si: (de) même que si, autant que si. La nouveauté des choses donnait le même repos que si l'on eût voyagé (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 9). Elle évoluait entourée de voyous, autant à l'aise que si elle eût toujours vécu en leur compagnie (RADIGUET, Bal, 1923, p. 37).
2. [Comme énoncé autonome, gén. sous forme exclam.; exprime le caractère inacceptable, invraisemblable de ce qui a été dit précédemment] Comme s'il en était capable! — Ah!... Vos maîtres ne se promènent pas souvent? (...) — Vous pensez! Comme si l'on n'avait pas autre chose à faire! (GIDE, Isabelle, 1911, p. 604). Comme si je pouvais songer à vivre loin de toi, mon grand (MARTIN DU G., Taciturne, 1932, I, 6, p. 1252).
3. Loc. verb. Faire comme si. Agir de la même manière qu'on le ferait dans le cas où. On pouvait faire tout ce qu'on voulait du moment qu'on lui demandait rien. Il nous prévenait franchement lui-même: « Faites donc comme si j'étais pas là! » (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 202).
— Empl. abs. Feindre. Ainsi, partout, l'on triche. Partout, l'on fait comme si... C'est insupportable (AUDIBERTI, Mal court, 1947, III, p. 185).
D. — Même si, loc. conj. [Introd. une prop. hyp. à valeur concess.; dans la phrase q même si p, même si signifie que q est vérifié y compris dans l'hyp. défavorable p]
1. [L'hyp. p est une hyp. potentielle]
a) [Potentiel du prés.] Sur le chemin où je suis, on ne peut s'arrêter, même si on le désire (CAMUS, État de siège, 1948, 3e part., p. 288).
b) [Potentiel de l'avenir] Il y a une autre garde autour du corps de Polynice et, même si tu parviens à le recouvrir encore, on dégagera son cadavre, tu le sais bien (ANOUILH, Antig., 1946, p. 177).
2. [L'hyp. est réalisée]
a) [Au prés.] Et même si ce n'étaient là que des rêves, il ne faut pas jouer avec les rêves des hommes (MAURIAC, Bâillon dén., 1945, p. 489).
b) [Dans le passé] Même s'il allait sans se presser, écoutant contre ses cuisses le sifflement des fougères entr'ouvertes, il avait l'impression de fuir (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 304).
3. [L'hyp. est une hyp. irréelle]
a) [Irréel du prés.] Trop d'orages. Même s'il manipulait nous n'entendrions pas (SAINT-EXUP., Vol nuit, 1931, p. 116). Même si je m'étais laissé tomber là, un œil, quelque part dans cette boue, je ne reviendrais pas pour le ramasser! (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 539).
b) [Irréel du passé] Même si je l'avais su, cela n'aurait rien changé. Même si cela t'avait intéressée, tu aurais eu du mal à comprendre ce qu'était l'union de ces deux êtres, de cette mère et de ce fils (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 25). Et son cœur était si plein d'inquiétude, le poids pesait si lourd sur son cœur, qu'elle aurait dit ces mots-là tout haut, même si elle eût été vraiment seule (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 105).
E. — Sauf si, excepté si. [Introd. une hyp. interdisant la réalisation de q] Vous devrez obligatoirement jouer dehors, sauf s'il pleut (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 47). V. excepté B 2 c ex. de Renard et de Giraudoux.
A. — [Si pose une rel. de type causal ou déductif]
1. [Si p, q signifie qu'il y a une rel. de cause à effet entre deux faits réels, objectifs] Étant donné que, puisque. Si la première scène commença à six heures du soir sous une joyeuse lumière, il n'est pas étonnant que nous soyons encore à minuit dans une atmosphère funèbre au tableau de la psyché (JOUVE, Avent. C. Crachat, Vagadu, 1963, p. 203).
— [q est une question rhét.] Si ce petit roman nous a fait retrouver après seize ans d'absence, ne t'appartenait-il pas, et pouvais-je le placer sous un plus amical patronage que le tien? (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 1).
— [Type: pardonnez-moi si j'insiste] À cinq heures du matin, quand le jour commença à paraître à travers les rideaux, Marguerite me dit: — Pardonne-moi si je te chasse, mais il le faut. Le duc vient tous les matins (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 124).
2. [Si annonce un raisonnement déductif, en expose la prémisse]
a) [Si p désigne une prémisse objective] Étant donné que. Mais si chaque coquille est dissymétrique, on pourrait bien s'attendre que, sur un millier d'exemplaires, le nombre de celles qui tournent leurs spires « dans le sens des aiguilles d'une montre » fût à peu près égal au nombre de celles qui tournent dans le sens opposé (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 15).
b) [Si p désigne seulement une éventualité: si p, il faut en conclure que q] Voyons, vous verrez bien où l'on vous tirera dessus! Si l'on vous tire dessus, les positions sont allemandes (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 269).
— [Dévoilant, par l'absurde, un mensonge] Si la Suisse n'a pas de marine, comment êtes-vous amiral? (MEILHAC, HALÉVY, Vie paris., 1867, III, 10, p. 76). « (...) Je dis que vous avez foutu le camp devant l'ennemi et livré la France. » Lambert, qui les écoutait sans rien dire, rougit et se penche vers le sergent: « Mais dis donc, mon petit pote, comment que ça se fait que tu soyes ici, si t'as pas foutu le camp? (...) » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 210).
3. [Si p décrit une situation réelle que q justifie] Pardonnez, lecteur sévère, je ne suis pas coupable. Si j'ai donné entrée dans mon trop sensible cœur au fatal poison de l'amour, il fut présenté par une enchanteresse, à laquelle vous n'auriez pas plus résisté que moi (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 2).
— En partic. Si..., c'est (que). Si je ne te donne rien pour ta fête depuis des années, ce n'est pas que je l'oublie, c'est par vengeance (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 16):
• 7. J'emprunte très volontiers et si je rends — je rends toujours et ponctuellement — c'est à cause de la conscience d'autrui (...), je ne voudrais pas qu'on pense que je suis un tapeur malhonnête.
SARTRE, Carnets de la drôle de guerre, Paris, Gallimard, 1983 [1940], p. 297.
4. [Le locuteur prend acte d'un propos, et en tire les conséquences] Eh bien, s'il n'y a plus de pain, je vais aller en chercher; si c'est ça, il n'y a plus qu'à partir. — C'est bien ici pourtant que monsieur Goujet travaille? — Ah! Goujet, oui! dit l'ouvrier, connu Goujet!... Si c'est pour Goujet que vous venez... allez au fond (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 527):
• 8. — C'est prévu, répéta Paul, c'est convenu. L'autre agita ses papiers jaunes. — Si c'est prévu, c'est marqué. Si vous le dites, c'est peut-être marqué.
J. ECHENOZ, L'Équipée malaise, 1986, p. 151.
5. [Type: si jamais j'ai été heureux, c'est bien dans cette maison. La vérité de p est présentée comme hyp., mais le fait évoqué est tel qu'il a toute chance d'être réalisé; d'où la certitude de q] Si l'on a jamais pu dire qu'un pays n'était pas mûr pour la liberté, c'est en parlant de la Grèce (ABOUT, Grèce, 1854, p. 217). Si une société a été constituée pour durer, c'était bien celle-là (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 289).
B. — [Si pose une rel. de type adversatif]
1. [L'énonciateur, tout en admettant la vérité de p, allant dans le sens d'une conclusion déterminée, avance un argument q qui contredit cette conclusion] Dans l'ancienne société féodale, si le seigneur possédait de grands droits, il avait aussi de grandes charges (TOCQUEVILLE, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 107). Je paraîtrais plutôt plus jeune que mon âge. — Je suis gros, c'est ce qui explique ton erreur; mais, si j'ai du ventre, je n'ai pas de rides (COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 2, p. 30).
— [La princ. comporte souvent un adv. adversatif] Mais, dira-t-on, si le roi ne jouit plus de la puissance législative, l'administration du moins lui appartient tout entière (LAMENNAIS, Religion, 1825, p. 31). Si le point 3 du plan de restructuration [de la chimie] ne pose pas véritablement de problème, en revanche les points 1 et 2 sont autrement épineux (Le Monde, 24 nov. 1989, p. 37, col. 3).
— [Type: qu'importe, si] Mais cette voie est dure, fatigante, pénible; qu'importe, si elle conduit au ciel? (LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1822, p. 133).
2. Littér. [Si p, q exprime une oppos. rhét., sans plus] Ainsi Londres est né de l'eau, si Lutèce est née de la boue (MORAND, Londres, 1933, p. 2). Tu n'étais qu'un visiteur occasionnel, que Maman n'attendait plus vraiment, si moi je l'espérais encore chaque soir (P. MERTENS, Les Éblouissements, Paris, éd. du Seuil, 1989 [1987], p. 251).
C. — 1. [Si p pose une rel. de type concess.; par si p le locuteur met en doute la vérité de q] Je compte sur votre amitié pour m'aider, Beauchamp, si toutefois le mépris ne l'a pas tuée dans votre cœur (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 404). Ça ne fait pas l'ombre d'un doute que la chose ne s'arrange, si on sait seulement s'y prendre (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 11).
— En partic. [Dans des tournures]
♦ [mettant en doute l'existence de ce qui est dénommé] Ce préjugé, si c'en est un, est fortifié chez moi par tant d'observations, que loin de chercher à le combattre, je m'en sers (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 87). À coup sûr, me dis-je, cette pauvreté-là, si pauvreté il y a, ne doit pas admettre l'économie sordide; un si noble visage m'en répond (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 69).
♦ [mettant en doute la nécessité, la possibilité ou la pertinence de ce qui est dit] Son extrême délicatesse est, s'il se peut, au-dessus de sa beauté touchante (STENDHAL, Amour, 1822, p. 68). Nous croirions même volontiers que pour bon nombre d'entre eux la Esmeralda n'était qu'un prétexte, si des voleurs avaient besoin de prétextes (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 475). [La déroute de l'homme d'affaires] avec 6,6 milliards de dollars en poche, est venue démontrer, si besoin était, la fragilité de ce marché (Le Monde, 17 oct. 1989, p. 25, col. 5).
♦ [exprimant les réserves du locuteur sur sa capacité à dire le vrai: si j'ai bonne mémoire, si je me souviens bien, si je ne me trompe, si j'ai bien compris] Et dans nos théâtres, naguère encore, il fut un temps où l'on sifflait. C'était, si notre mémoire est bonne, de 1824 à 1829; le roi d'alors, le clergé aidant, se préparait à renverser la Charte, et à priver le peuple de ses droits (MUSSET, Lettres Dupuis Cotonet, 1836, p. 658). Le fond de sa pensée, si j'ai bien compris, c'est que j'avais prémédité mon crime (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1193).
♦ [exprimant un doute sur la légitimité d'une dénom., d'une formulation: si (l')on peut/si (l')on ose dire, si (l')on peut s'exprimer ainsi] Au fond d'une cour assez spacieuse, s'élevait, en face de la porte, une maison, si toutefois ce nom convient à l'une de ces masures bâties dans les faubourgs de Paris, et qui ne sont comparables à rien, pas même aux plus chétives habitations de la campagne, dont elles ont la misère sans en avoir la poésie (BALZAC, Chabert, 1832, p. 65). La haute cheminée qu'ornait, si l'on peut dire, une reproduction, coloriée, de la Cléopâtre de Clésinger (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 8).
♦ [excusant ou feignant d'excuser le caractère trop hardi ou trop critique d'une formulation] J.-J. Rousseau donna, si je puis ainsi m'exprimer, des entrailles à tous les mots (JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 192). Mais dans ce corps fluet, on sentait circuler une résistance; il avait, si l'on peut dire, du noyau sous la peau (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 8). Il a un défaut, si on peut dire: il parle seul (GIONO, Regain, 1930, p. 25).
2. Locutions
a) Si ce n'est, loc. prép. et conj.
) [Dans une phrase nég., excepte un élém. de l'ensemble qui est nié] Synon. sinon.
— Si ce n'est + groupe nom. Il ne préférait véritablement aucune d'elles, si ce n'est celle auprès de qui il se trouvait (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 145). Il n'y a pas plus casanier, si ce n'est les tigres, que les conquérants au repos! (GIRAUDOUX, Amphitr. 38, 1929, I, 1, p. 16).
— Si ce n'est + prop. conj., gérondif ou inf. précédé d'une prép. Il ne s'est rien passé de remarquable à ce dîner, si ce n'est que le nom de David [qui vient de décéder] n'y a pas été prononcé (DELÉCLUZE, Journal, 1826, p. 305). Je n'entends pas prendre part à ce débat, si ce n'est pour essayer de mettre quelque discernement dans les principes que chacun a invoqués pour défendre son point de vue (MASSIS, Jugements, 1923, p. 267). Il est sévèrement interdit de porter assistance à toute personne frappée par la maladie, si ce n'est en la dénonçant aux autorités qui s'en chargeront (CAMUS, État de siège, 1948, 1re part., p. 224).
— [Dans une question rhét. présentant une affirm. comme la seule possible] Parle franchement. Par quels yeux puis-je voir la vérité, si ce n'est par les tiens? (MUSSET, Fantasio, 1834, I, 1, p. 180).
) [Dans une phrase positive, introd. un prédicat qui renchérit sur un premier prédicat] Et peut-être même. Tous les mouvements sont heureusement trouvés — et accusent un esprit sincèrement amateur de la forme, si ce n'est amoureux (BAUDEL., Salon, 1845, p. 37). Puisque tu trompais l'un, qui me prouve que tu ne tromperais pas l'autre? si ce n'est déjà chose faite (COCTEAU, Parents, 1938, II, 9, p. 252).
Rem. Rare, au sens de « à moins que »: Sa petite tête de fruit confit, à cheveux blancs et à moustache noire, si ce n'est le contraire: je ne sais plus bien (RENARD, Journal, 1905, p. 988).
b) Si pas, rare ou région. (Belgique). Synon. de sinon, si ce n'est. Il était en passe de devenir bienheureux, si pas tout à fait saint (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 54). C'est sûr qu'il est de plus en plus ému, sentimental, romantique, si pas larmoyant (A. STIL, Une Histoire pour chaque jour, Paris, Le Livre de poche, 1986, p. 158).
c) Si même... ne... pas. [Exprime le renchérissement] Et peut-être même. Il le fera, si même il ne l'a déjà fait, « il le fera et peut-être même l'a-t-il déjà fait ». Même la nouvelle que Hume, dans l'intervalle, était devenu le secrétaire du général Conway, et était par conséquent fort au courant de ce qui se passait, si même il n'y aidait pas, ne l'ébranla pas (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 226). L'ennemi perdra bientôt l'espoir de vaincre, si même, à l'heure où je vous parle, il ne l'a déjà perdu (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 461).
d) Si tant est que, loc. conj. [Dans l'énoncé q, si tant est que p, q est présenté comme vrai sous la réserve que soit vrai le préalable p]
— [La prop. est au subj.] Je n'attache aucun prix à ce roman, et je répète que ma seule intention, en le laissant reparaître devant un public qui l'a probablement oublié, si tant est que jamais il l'ait connu... (CONSTANT, Adolphe, préf. de la 3e éd., 1824, p. 5). J'entendais que le « front du Tchad », — si tant est qu'on pût donner ce nom à un ensemble d'actions forcément discontinues, — demeurât un front français (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 250).
— [La prop. est à l'ind.] M. Robert Darzac (...) ne cessait point sa cour, si tant est qu'on peut encore appeler « cour » les soins délicats et tendres dont on ne cesse d'entourer une femme de trente-cinq ans, restée fille et qui a déclaré qu'elle ne se marierait point (G. LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p. 21). Je mettais ma coquetterie — si tant est que j'en avais — à être négligé (SARTRE, Carnets de la drôle de guerre, Paris, Gallimard, 1983 [1940], p. 301).
D. — [Si p signifie sans plus la survenue (possible ou déjà réalisée) d'un événement et présente cet événement comme objet de jugement] Tout le monde s'en fout, jeune homme, si vous bouffez ou si vous ne bouffez pas... vous pouvez crever sous leurs yeux (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 253).
— [Fréq., exprime une appréciation sur la nécessité ou l'opportunité de p] C'est une chance si; c'est un miracle si; (c'est) heureux si. C'est un coup du ciel si je me suis trouvé là pour préserver ce livre du déshonneur de servir à envelopper du beurre et du fromage (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 433). Coincée, heurtée, précipitée, c'est merveille si la caisse arrive entière (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 688).
— [Fréq., q exprime un pronostic] Je me trompe fort si les exemples ne me donnent raison (GIDE, Si le grain, 1924, p. 358).
— (C'est) à peine/tout juste si. Au train dont je vais, c'est tout au plus si j'écrirai ces trois ou quatre [romans] (FLAUB., Corresp., 1869, p. 2).
III. — [Si, introducteur d'une interr. indir., signifie l'incapacité où est le locuteur d'attribuer à cette prop. la valeur « vrai » ou la valeur « faux »]
A. — [Si introducteur d'une interr. indir. après un verbe de connaissance]
1. [Corrélativement à un groupe introducteur affirmant l'ignorance ou l'impliquant. Si s'oppose à que: je ne sais pas si p/je sais que p. Par leur sens certains verbes exigent si et excluent catégoriquement que: je me demande si p; inversement des verbes affirmant la vérité excluent si: j'admets si p, j'affirme si p, j'avoue si p, je reconnais si p]
a) [Type: ne pas savoir si, ignorer si (groupes verbaux affirmant l'ignorance, le refus de savoir, l'impossibilité de savoir)] Il faisait de larges enjambées sans s'inquiéter si les femmes pouvaient le suivre (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 189). Il m'était impossible de deviner, entre tant d'autres paroles, si sous celle-là un mensonge était caché (PROUST, Prisonn., 1922, p. 19). Je n'ai pas eu le temps de vérifier si la place n'était pas déjà occupée par un autre. Alors, j'écarquille les yeux, j'allonge le bras, je tâte par-ci, par-là, mais prudemment, trop prudemment (BERNANOS, Crime, 1935, p. 822). Je n'arrive pas à comprendre s'il n'a vraiment rien ou s'il se fout de nous (J. ECHENOZ, L'Équipée malaise, Paris, éd. de Minuit, 1986, p. 118).
Rem. L'évocation d'un état d'ignorance dans le passé peut se faire de deux points de vue. Ou bien on tient compte de ce qui est advenu, de ce que l'on sait actuellement et l'on utilise que: À l'époque, j'ignorais qu'ils se connaissaient. Ou bien on se replace fictivement dans le présent de l'époque, on en fait le récit, et l'on utilise si: Comme j'ignorais si elle le connaissait,...
b) [Type: chercher à savoir, se demander si (verbes se fixant la recherche d'une connaissance)] Nous avions un extrême désir de savoir si les Russes ont quelque connaissance de ces différens pays (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 164). Les Barbares, afin d'éprouver si leurs enfants seront vaillants un jour, ont coutume de les exposer aux flots sur un bouclier (CHATEAUBR., Martyrs, t. 2, 1810, p. 14). Il est resté un moment debout pour voir si Jules se réveillait. Non, il est entré bien profond dans le sommeil (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 56). Rivière écoutait le son de la voix, pour connaître si la réponse était amère: elle n'était pas amère (SAINT-EXUP., Vol nuit, 1931, p. 86). L'opinion publique se souciait (...) de distinguer si elle dédaignait de parler par une profonde haine, ou si elle exécutait un vœu incompréhensible, ou si la langue était morte (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 144).
Rem. L'alternative si/que permet des effets de sens subtils. Ainsi va vérifier si tout est en place signifie l'ignorance du locuteur, tandis que va vérifier que tout est en place signifie une opération de contrôle d'un dispositif connu.
c) [Type: hésiter, douter si] Longtemps j'ai pu douter si Proust ne jouait pas un peu de sa maladie pour protéger son travail (GIDE, Journal, 1921, p. 694). Elle devait se prendre par la peau du cou pour y aller, empoisonnée à la pensée de « s'habiller », hésitant toujours au dernier instant si elle ne s'excuserait pas (MONTHERL., Pitié femmes, 1936, p. 1089).
d) [Type: l'avenir dira si] Poil de Carotte l'attendait avec inquiétude. — Je verrai, se dit-il, si j'aurai plus de succès; si, oui ou non, il déplaît maintenant à mon père que je l'embrasse (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 127). L'histoire dira si je me trompe, mais j'ai bien le sentiment que (...) notre alliance avec la Russie a été renouvelée sans condition (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 473).
e) [Type: décider si (suppose que l'on ne sait pas encore si...)] [L'abbé Blampois] décidait si une femme devait être mère, et si une mère devait nourrir (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 71)
2. [Type: savoir si. Après une princ. affirmant un savoir positif, si p n'est possible que dans des conditions partic.]
— [L'énonciateur se déclare au courant d'une décision, d'une option, mais se refuse à dire ce qu'il sait] Je sais s'il a décidé de partir, mais je ne peux te le dire. « (...) S'il se trouve quelques femmes dans les barques, la voix déclarera le nom de leurs époux. Tu sais, cruel, si l'on pourra nommer le mien. » Je voulus combattre les superstitions de Velléda (CHATEAUBR., Martyrs, t. 2, 1810, p. 98).
— [L'énonciateur utilise le prés. narratif] Dès qu'il entre, je sais s'il est en colère.
— [La princ. est une interr.] Le bonhomme avait de la finesse, et très vite il sentit que son hôte traversait une crise plus aiguë. « Qui sait, songea-t-il, si ce n'est pas le dernier effort du Mauvais Esprit? (...) » (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 116). Qui sait si refuge, loin d'être la prière, ne serait pas la folie? (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 8).
3. [Type: vous savez si j'y tiens, vous pensez s'il est peureux! Le locuteur en appelle au savoir d'un interlocuteur (réel ou fictif), mais ce savoir n'est pas spécifié; si peut alterner avec combien à valeur intensive] Priez pour moi, vous savez si je prie pour vous, et de quel cœur (LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1819, p. 68). On sait si, de nos jours, les rivalités de familles, les hostilités commerciales, les ambitions de carrière, les compétitions d'honneurs sont imprégnées de passion politique (BENDA, Trahis. clercs, 1927, p. 19). Vous pensez si l'état de notre ville a dû l'allécher (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 16).
♦ Dieu sait (pourtant) si. Dieu sait pourtant si j'ai autre chose à faire aujourd'hui, mais je vais tout de même perdre le temps qu'il faudra et te sauver, petite peste (ANOUILH, Antig., 1946, p. 181).
♦ P. antiphr. Vous connaissez mes opinions désespérées; vous savez si je vois la vie en beau (J.-J. AMPÈRE, Corresp., 1823, p. 239).
B. — [Type: demander si (verbe exprimant une demande d'inform.)] Le prince (...) lui demanda comment allaient les affaires de la Hongrie, ce qu'entreprenait le roi, s'il était encore en paix avec les infidèles, ou si la guerre avait recommencé (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 6). Le soir où je l'avais appris (...), j'envoyai, en véritable fou, notre jeune valet de pied s'informer si cette dame emmènerait à Balbec sa camériste (PROUST, Sodome, 1922, p. 752).
C. — [Type: dire si. Comme dans savoir si ou demander si, dire si exprime le fait qu'un des protagonistes ignore la vérité de p] Tu ne m'as pas dit si tu venais; il ne m'a pas écrit si tu as réussi.
— [À l'impér., s'apparente à une demande d'inform.] Quand tu me répondras, chère Olympe, dis-moi bien franchement comment elle va, si elle n'est pas trop triste (FLAUB., Corresp., 1849, p. 127).
D. — [Type: regarde si, tu vas voir si. Le locuteur interpelle son interlocuteur pour le contredire (si p est la reprise de ce qu'a dit ou de ce que pense l'interlocuteur)] [L'Empereur] le prenant rudement par la moustache, lui demanda s'il aurait bien le cœur de tuer son Empereur. Le soldat, les yeux mouillés, mettant aussitôt la baguette dans son fusil pour montrer qu'il n'était pas chargé, lui répondit: « Tiens, regarde si j'aurais pu te faire beaucoup de mal (...) » (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 88). La Tête : Trop tard, Auguste!... Auguste: Tu vas voir si c'est trop tard, Ondine! (GIRAUDOUX, Ondine, 1939, I, 1, p. 15).
IV. — [Si introd. une tournure interr. ou exclam.]
A. — [En tournure interr.]
1. [Si est proche de son usage hyp.]
a) [L'interr. exprime une demande, une invitation; elle est à l'imp. présentant la demande comme une éventualité dépendant de la volonté de l'interlocuteur]
) [À la 2e pers.] Si vous veniez dimanche? Si tu allais fermer la fenêtre?
) [Si tu voulais + inf., forme polie présentant la demande comme relevant de la décision de l'interlocuteur] — Si tu consentais à m'expliquer... — Dans un quart d'heure, tu comprendras (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 18). Oh! cher monsieur, si seulement vous vouliez bien ne pas user de mots si crus. C'est... c'est choquant (SARTRE, Huis clos, 1944, 5, p. 127).
— [À la 3e pers.] Si monsieur voulait bien descendre. La côte est un peu dure pour le cheval (GIDE, Isabelle, 1911, p. 604).
) [Avec nous ou on, associant le demandeur et son interlocuteur, créant une connivence] Si on redemandait un Pommard. — Si on finissait la soirée au théâtre? propose Maurice. Lecouvreur secoue la tête (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 20).
b) [L'interr. n'implique pas un interlocuteur; elle est à l'imp. exprimant l'éventuel] Et si on venait? Et si je me trompais. Et si j'avais gagné? Suzanne: Mais si l'on nous surprenait? Germain: Il n'y a pas de danger (BARRIÈRE, CAPENDU, Faux bonsh., 1856, I, 1, p. 2).
c) [Type: qu'est-ce que tu dirais si...? forme indir. de est-ce que je peux...?] — Ça ne fait rien si je fais tourner le compteur? — Ça ne fait rien (P. MODIANO, Rue des Boutiques Obscures, 1982 [1978], p. 32).
2. [Si est proche de son usage en interr. indir.]
a) [Comme morph. interr., commutable avec est-ce (que), si n'est att. que dans le cas d'une seconde question, coord. par ou] Eh bien! Grange, qu'est-ce que je fais aujourd'hui? Est-ce que je continue à épierrer le champ aux Sardières? Ou si je vais à Sagne-Rouge semer l'avoine? Il s'en ferait temps... Maintenant, moi je dis ça... ici ou là ça m'est égal, vous n'avez qu'à dire, mais dites-le (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 129). Voulez-vous que je vous la porte [votre soupe]? Ou si vous voulez vous lever? (ARAGON, La Semaine Sainte, 1958, p. 212).
b) [À la 1re pers., si p? est la réponse d'une question de l'interlocuteur (« tu me demandes si...? »)] Clotilde: Vous le connaissez? Le plombier: Si je le connais? C'est un monsieur capable, vous savez. C'est lui qui a construit la maison d'ici (Tr. BERNARD, M. Codomat, 1907, I, 2, p. 140).
B. — [En tournure exclam.]
1. [Si est proche de son usage hyp.]
a) [L'exclam. est au prés.]
) [Type: si on ne peut plus parler, maintenant! Sert à protester face à une objection, une contestation] Ah! bien, murmura-t-il, si vous vous arrêtez à ces histoires! (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1049). Une clameur indignée, unanime, retentit (...). — Si on ne peut plus s'amuser maintenant, dit un monsieur très convenable (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 16).
) Du diable si. [Formule d'agacement] Du diable si j'y comprends qqc., si je sais où il est. La petite a dû avoir à lutter ferme... Il faut qu'elle y tienne bien! Du diable, par exemple, si je devine pourquoi! (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p. 472). J'avais composé un sonnet, de quatorze vers (...). Du diable si je me le rappelle encore! (ROMAINS, Knock, 1923, I, p. 3).
— [Atteste la vérité d'une affirm.] Je suis tombé plus de mille fois chez Adèle, à n'importe quelle heure du jour; du diable, si, au grand jamais, elle a mis plus de six secondes à venir ouvrir la porte! (COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 3, p. 44).
b) [L'exclam. est à l'imp. exprimant l'irréel]
) [Exprime un souhait qu'on sait irréalisé ou quasiment irréalisable] Si seulement il pouvait se taire! Si tu disais vrai! Un matin, elle ne l'entend plus. Il est parti. Ah! si c'était pour toujours! Le soir, il est revenu (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 317).
♦ Si ce n'était que, s'il n'y avait que. [Laisse entendre qu'il y a pire] — Monsieur Morice, est-ce que la lumière vous gêne? Alors lui, éclatant: — Ah! si ce n'était que la lumière! Mais, c'est le paysage, monsieur Mirbeau, le paysage tout entier! (GIDE, Journal, 1910, p. 289). — Qu'est-ce qui ne va pas? La santé? Joseph a fait un geste vague et légèrement dramatique: — Oh! si ce n'était que la santé! (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 10).
♦ Si seulement. [Privilégie un souhait] — (...) On ne pourra pas la payer. — Je vais aller parler à Trarieux dès demain, dit Henri. — Si seulement on pouvait gagner encore un mois ou deux: on est presque à flot (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 234).
— [Au p.-q.-parf., quand la situation est placée dans le passé] On disait avec pitié: Cette bonne Mme Dargent! Je me taisais, je passais... Ah! si on avait su! Ils n'avaient de ton œuvre que le reflet, mais ils l'auraient vu en moi resplendir et se consumer! (BERNANOS, Mme Dargent, 1922, p. 10).
♦ Si seulement. [Privilégie un regret] Qui aurait pensé ça hier au soir, alors que nous étions à bavarder gentiment tous les trois?... Si seulement vous m'aviez dit que c'était la fille de Marthe... Nous sommes allées à l'école ensemble (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 99).
) [Suggère les réactions ou les sentiments du locuteur face à une situation] Si je ne me retenais pas! Si ces voyageurs qui ne s'intéressent qu'à leurs plaisirs ou à leurs affaires se doutaient où, moi, je vais! (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 8).
— [Au p.-q.-parf., quand la situation est placée dans le passé] [Elle était] fagotée! Une jupe de cycliste, des mocassins jaunes aux mollets, si vous aviez vu! (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 140).
) [Type: si je m'attendais! Marque la surprise] — Ah! saperlotte, ah! c'est toi, balbutiait Quenu, si je m'attendais, par exemple!... Je t'ai cru mort (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 638).
) [Type: si je vous disais que. Annonce le caractère extraordinaire de ce qui va être dit] Si je vous disais, mon cher, que depuis vingt-six ans de ménage, je n'ai jamais eu avec elle la moindre scène, pas la plus petite altercation (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1117).
2. [Si est proche de son usage en interr. indir., l'exclam. est au prés.]
a) [Si commute avec est-ce que, le tour exprime le plus souvent la désapprobation ou le regret]
— [L'énoncé est positif] Ah ben! vous v'là beau! Si c'est Dieu permis de s'met' dans des états pareils! (GIDE, Isabelle, 1911, p. 610). Si c'est des façons! Une petite de quinze ans! (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 15).
— [L'énoncé est nég.] Si c'est pas dommage! Si c'est pas malheureux! Longuement, pitoyablement, il avait haussé les épaules: — Si ce n'est pas une calamité! (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, p. 23).
♦ [Exprime simplement l'évidence] Si c'est pas beau! Claude se mit à rire, en entendant cette musique. Il dit à son compagnon: — Si l'on ne jurerait pas que tous les amoureux de Paris s'embrassent là dedans! (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 870). Il a inventé de m'appeler: Olive [l'énonciateur s'appelle Olivier] Dis, si ce n'est pas charmant? (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1103).
b) [Type: si je le sais! Le locuteur confirme une évidence; le tour signifie « je suis particulièrement bien placé pour le savoir »] Madame de Terville: (...) mais vous savez comme on se laisse entraîner. Edmond: Si je le sais! (LECLERCQ, Prov. dram., Espr. désordre, 1835, 13, p. 272). Vous connaissez la violence de ses sympathies et de ses antipathies (...) — Si je la connais! dit amèrement la baronne (FEUILLET, J. de Trécœur, 1872, p. 18). — (...) Vous ne vous souvenez pas, un jour, je vous ai joué un tour... Vous êtes tombé en arrière dans une auto électrique... — Ah, s'écria joyeusement Pradonet, si je m'en souviens! Vous m'avez eu ce jour-là (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 212).
V. — Empl. subst. masc. plur.
A. — Suppositions, hypothèses. Avec des si on mettrait Paris en bouteille.
B. — Arguties. Chercher des si et des mais. V. mais1 III ex. de Mérimée, peut-être B 1 ex. de Bernanos.
Prononc. et Orth.: [si]. Dans s'il, s'ils, si se réduit à la cons. Ds CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 192 (entre autres), ex. de non élision, si il (c'est le personnage qui parle). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Introd. une prop. hyp. A. l'hyp. conditionne un procès dont la réalisation est probable dans le présent ou l'avenir, ou qui est simplement visé dans un avenir proche ou lointain 1. la sub. est à l'ind. a) 842 à l'ind. prés.; la régissante, au fut.; antériorité logique de l'hyp. par rapport à la conséquence qui en est tirée (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p. 2, 19-22: Si Lodhuuigs sagrament que son fradre Karlo iurat conseruat, et Karlus meos sendra, de suo part non lo209s tanit, si io returnar non l'int pois [...], contra Lodhuuuig nun li iu er [pour le mode et le temps de tanit, v. ibid., notes, p. 9, 20; R.-L. WAGNER, Phrases hyp., Paris, 1939, p. 93; G. DE POERCK ds Vox rom. t. 15 1956, pp. 211-214]); fin Xe s. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 461 : Si alcuns d'els beven veren, Non aura mal); ca 1100 se (Roland, éd. J. Bédier, 87; 615); b) ca 1050 la régissante est également à l'ind. prés. (St Alexis, éd. Chr. Storey, 60: S'or ne m'en fui, mult criem que ne t'em perde; 100); ca 1100 si; se (Roland, 316; 987); c) id. la régissante est à l'impér. (ibid., 273: N'en parlez mais, se jo nel vos cumant); d) id. la régissante est au subj. prés. de volition (ibid., 3897: Tut seie fel, se jo mie l'otrei!); e) ca 1225 la sub. et la régissante sont au fut. [surtout en agn., MOIGNET 1973, p. 243] (Auberon, éd. J. Subrenat, 947); 2. après une régissante nég., l'hyp. nég. ell. du verbe, exprime une notion d'exception, de restriction: si ... non ca 1100 (Roland, v. non I C), v. aussi sinon. B. L'hyp. conditionne un procès présenté comme éventuel 1. a) la sub. est à l'imp. de l'ind. ) 937-52 la régissante est à la forme en -roie (fut. hyp.); le rapport des temps marque l'antériorité logique de l'hyp. (Jonas, éd. G. de Poerck, 182: por icel edre es mult iret [...] in qua non laborasti neque fecisti ut cresceret [...] e jo ne dolreie de tanta milia hominum si perdut erent? [cf. Jonas IV, 10-11] v. R.-L. WAGNER, op. cit., p. 41 et p. 303); ca 1130 (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 305; 427); ca 1135 (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 585); ) ca 1130 la régissante est à l'ind. prés., le fait est présenté comme indubitable (Gormont et Isembart, 215: Se tu esteies ore occis, Dunc n'ai jeo mais suz ciel ami); b) ca 1100 la sub. est au subj. imp.; la régissante à la forme en -roie surtout dans les textes agn. (Roland, 1804 : Se veïssum Rollant einz qu'il fust mort, Ensembl'od lui i durriums granz colps); ca 1170 (MARIE DE FRANCE, Lais, éd. J. Rychner, Equitan, 96); 2. la sub. et la régissante sont à l'imp. du subj.: expr. de l'atténuation déférente dans l'époque présente ou future du locuteur ca 1050 (St Alexis, 202: Se tei ploüst, ci ne volisse estra; v. R.-L. WAGNER, [i]op. cit., p. 36); ca 1135 (Couronnement de Louis, réd. AB, 1549: se j'osasse perler, Ge demandasse). C. L'hyp. est présentée comme non éventuelle, sans perspective d'avenir 1. irréel du passé a) la sub. est à l'imp. du subj. ) ca 1050 la régissante, de même; set (St Alexis, 448 : Set a mei sole vels une feiz parlasses, Ta lasse medre, si la [re]confortasses); id. se (ibid., 486); ca 1100 (Roland, 1717); ) ca 1050 la régissante est au p.-q.-parf. du subj. (St Alexis, 490: Si me leüst, si t'oüsse guardét); ca 1100 (Roland, 1728); b) la sub. est au p.-q.-parf. du subj. ) ca 1150 la régissante est à l'imp. du subj. (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 775: S'il eüssent juré lor mort, Ne se combatissent plus fort); ca 1180 (MARIE DE FRANCE, Fables, éd. K. Warnke, III, 36); ) ca 1160 la régissante est au p.-q.-parf. du subj. (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6941: Se ne vos eüsse atendu, Contr'els fusson la fors issu, Ja n'eusson ocis treis cenz); 1160-74 (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 7047); c) la sub. est au p.-q.-parf. de l'ind. ) 1160-74 la régissante est à la forme en -roie comp.; la conséquence, comme l'hyp. se réfère au passé (ID., ibid., 5488: Mult lor sereit mesavenu S'il aveient le rei perdu; v. le comment. de R.-L. WAGNER, op. cit., p. 245); ca 1200 (Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 2592: S'ele avoit son coutel grant acheré, Son ronchi li aroit ja escoué), cf. R.-L. WAGNER, op. cit., p. 454; acheré élém. verbal ou adj.?; déb. XIVe s. (Anc. Coutumier de Picardie, éd. J. Marnier, p. 130, ibid., p. 246); ) 1176-81 la régissante est à la forme en -roie simple, la conséquence étant contemp. du locuteur (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 3532: Se ele an et alee fors, Ne seroit pas en tel martire); 2. irréel du prés. a) ca 1100 la sub. et la régissante sont à l'imp. du subj. (Roland, 1769: Jo oi le corn Rollant! Unc nel sunast, se ne fust cumbatant; 3764); b) 1176 le verbe de la sub. est à l'imp. de l'ind.; celui de la régissante, à la forme en -roie (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 509: Donc porroie molt petit Se de moi puissance n'avoie!). D. Introd. une formule de souhait; mode subj. ca 1150 se + suj. + verbe (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 382: se Dex m'aïst [cf. ibid., 582: si m'aïst Diex, v. si3 2]); ca 1135 (Couronnement de Louis, réd. AB, 168: se Dex me beneïe!), empl. équivoque où se, bien qu'étant à l'orig. à identifier avec si adv. en tête d'une prop. en parataxe, se rapproche de la conj. hyp. au point d'avoir pu être confondu avec elle, v. MOIGNET 1973, p. 340 et ID. ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 15, 1, pp. 272-273. E. Introd. une formule de regret [souhait accompagné d'une expr. d'insatisfaction; v. MÉNARD Synt. 1973, § 267c, rem.]; imp. du subj. 1174-77 (Renart, éd. M. Roques, 4468: Renart, [...] Voirement estes mes comperes, Se vos ne feüsiez si lierres). F. Empl. subst. ) ca 1274 « restriction, condition restrictive » par un si que... (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 1700); fin XIIIe s. par nul si (Chastelain de Couci, éd. J. E. Matzke et M. Delbouille, 485); ) 1546 des si et des mais « des objections » (RABELAIS, Tiers Livre, X, éd. M. A. Screech, p. 80, 11); ) 1718 « hypothèse, supposition » (Ac.: avec un si on mettroit Paris dans une bouteille). II. La prop. introd. par si n'a pas valeur hyp. A. si introd. une concess., une adversative 1. 2e moit. Xe s. valeur concess. « bien que, malgré que » mode ind. sed (St Léger, éd. J. Linskill, 169: Sed il non ad lingu'a parlier [Lethgiers], Deus exaudis lis sos pensaez; 171; 173); 2. ca 1100 valeur adversative, d'oppos.; mode ind. (Roland, 1913: Se fuït s'en est Marsilies, Remés i est sis uncles; 2905); ca 1150 (Charroi de Nîmes, 1336; 1345); 3. ca 1170 marque à la fois condition et oppos. « même si » a) mode ind. (MARIE DE FRANCE, Lais, Yonec, 123: Gentil oisel ad en ostur! Se li segred vus sunt oscur, Gardez ke seiez a seür!); b) ca 1176-81 mode subj. (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier au lion, 552: Le chevalier siudre n'osai [...] Et, se je bien siudre l'osasse, Ne sai ge que il se devint). B. Introd. une interr.; mode ind. 1. fin Xe s. interr. indir. (Passion, 180: Si conjuret [...] Que209llor dissest per pura fied Si vers Jesus, fils Deu, est il); ca 1050 (St Alexis, 128: Set il fut graim, ne l'estot demander); spéc. a) ca 1150 avec ell. du verbe d'interr. (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1405: Li reis [...] I envëad [...] Un prodome, par espison, Si a); b) 1673 transformée en interr. dir. reprenant la question ant., p. ell. du verbe d'interr. (MOLIÈRE, Malade imaginaire, I, 5: Vous avez donc guéri de ces maux quelquefois? — Moi? si j'en ai guéri...! ah! vraiment je le crois); 2. ca 1170 interr. dir. [en l'absence de verbe princ. de sens interr.] (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 1110: Dame, fet il, s'il vos remanbre del nain qui hier vos correça...?); XIIIe s. ou se introd. le second membre d'une double interr. « ou est-ce que » (Isopet de Lyon, 1702 ds T.-L., 287, 46: ,,dis nous`` font il ,,es tu trovee Ceste robe? ou se l'as amblee?``). C. Introd. une sub. à valeur complét.; mode ind. 1160-74 (WACE, Rou, II, 3733: Ne por ceu s'il est gemble nel doiz mie aviler); 1176-81 (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier au lion, 110). D. 1505 introd. une prop. exprimant la conséquence d'un fait exprimé dans la prop. précédente; mode ind. si ... ce + verbe; si ... c'est (GRINGORE, Folles Entreprinses, I, 15 ds HUG.). Si, relevé dans les plus anc. textes (Serments, Jonas, St Léger) ainsi qu'en agn. et dans les dial. de l'ouest dep. St Alexis (= si type I; FEW t. 11, p. 561a, I 1), est issu du lat. si (anc. sei; même mot que si + particule déictique -c [e] = sic, v. si2; au sens le plus anc. « en ce cas, ainsi » sans valeur subordonnante, sens perceptible dans des phrases du type Quiesce, si sapis (PLAUTE, Mostellaria, 1173; cf. ID., Captivi, 632), particule introd. une prop. cond. « si, quand, toutes les fois que », supposition réelle [mode ind.], potentielle ou irréelle [mode subj.]; une cond. à valeur concess. [subj.] « même si, quand bien même », du type si Bona Fortuna veniat, ne intromiseris, PLAUTE, Aulularia, 100; une complét. après des verbes exprimant un sentiment [ind.] (dolere, gaudere, cognoscere, ferre si), l'étonnement [id.] (mirari [PLAUTE, Captivi, 545] mirum est, haud mirum si), l'effort [subj.] (conari [CÉSAR, B. G., 1, 8, 4]), l'attente [id.] (exspectare [ID., ibid., 2, 9, 1]); une interr. indir. [ind.] (scire, quaerere, videre... si); de là, à basse époque, p. ell. d'un verbe d'interr., introd. une interr. dir. (déb. IIIe s., TERTULLIEN, BLAISE Lat. chrét., v. aussi Lat. Gramm. 1964, p. 464, § 249). L'empl. de si [+ subj.], notamment en poésie, pour exprimer un souhait, semble être une survivance de son empl. sans valeur subordonnante « en ce cas » (VIRGILE, En., VI, 187-188), cf. sic introd. une optative, cf. si2. Voir ERN.-MEILLET; ERN.-TH., § 258, 321, 348, 379. La forme a. fr. se [FEW t. 11, p. 561a I 2 a] relevée dep. St Alexis (où elle coexiste avec si), domine, à l'exception de l'ouest, dans tout le domaine gallo-rom.; elle est issue de la forme b. lat. se relevée dans la moit. nord de la Gaule (ca 576 [ms. VIIe s.] GRÉG. DE TOURS, Hist. Franc., III, XV, éd. H. Omont, t. 1, p. 89, 46; déb. VIIe s. [ms. déb. VIIIe s.] Form. andecav., § 23, éd. K. Zeumer, p. 12, 1: tamquam se) due soit à un affaiblissement de si, d'usage très fréq. (FEW t. 11, p. 563, note 15), soit à l'infl. de quid (MEYER-L. t. 1, § 613; cf. la forme a. fr. sed, set [St Léger, St Alexis, supra] peut-être p. anal. avec la conj. a. fr. qued, qet [Ste Eulalie, Jonas, St Alexis] représentant le lat. quid, v. que1. À partir du 2e quart du XIIIe s., apparaissent peu à peu dans l'aire de se du domaine d'oïl, des formes si (cf. 1233, Metz ds GDF.), qui progressivement évincent le type se devenu rare (cf. ESTIENNE, Precellence, p. 313 ds HUG.). L'orig. de ce si [= si type II] propre au nord du domaine gallo-rom. est discutée. FEW t. 11, p. 562a et b soutient l'hyp. selon laquelle il serait issu de se il (> s'il > si) précédant une cons. (cf. ca 1180, MARIE DE FRANCE, Fables ds HENRY Chrestomathie, p. 161, 14: s'i vus plet; 1re moit. XIVe s., Passion, ibid., p. 9, 19: s'i muert; cf. éd. Gr. Frank, 873). Dans cette hyp., dans le domaine de l'ouest, si type I se serait confondu avec si type II. Bbg. ANTOINE (G.). La Coordination en fr. Paris, 1962, t. 2, pp. 945-1010. — BLUMENTHAL (P.). Über « gemütliches si » in mittelalterlichen Erzählungen. Mél. Meier (H.). Bonn, 1980, pp. 55-67. — BORILLO (A.). Rem. sur l'interr. indir. en fr. In: Méth. en gramm. fr. Paris, 1976, pp. 15-39. — BRUCKER (Ch.). L'Adv. si, ses coordonnées et ses fonctions textuelles dans un ms. de moy. français... Mél. Naïs (H.). Verbum 1985, pp. 21-34. — CARON (J.). Essai d'analyse sém. exp.: la conj. si. Ling. Sémiol. 1977, n ° 4, pp. 101-121. — CORNULIER (B. de). Effets de sens. Paris, 1985, pp. 183-192. — CULIOLI (A.). À propos des énoncés exclam. Lang. fr. 1974, n ° 22, pp. 6-15. — CUQ (J.-P.). Élém. d'analyse pragmatique de l'expr. de l'hyp. en fr. mod. Inform. gramm. 1985, n ° 26, pp. 36-40. — DAMOURETTE (J.). Fr. mod. 1941, t. 9, pp. 72-77. — DARDEL (R. de). La Forme de la conj. lat. si en rom. Z. rom. Philol. 1978, t. 94, pp. 257-265. — DELAVEAU (A.). Questions sur l'analyse de si. LINX 1980, t. 1, n ° 2, pp. 7-34. — DUCROT (O.). 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II.
⇒SI2, adv.
I. — [Morphème de compar. exprimant un rapport d'égalité ou le degré d'intensité]
A. — [Dans une phrase positive]
a) [Fréq. dans une phrase exclam., en partic. introd. par un présentatif] C'est si bon de sentir qqn près de soi. Henri lui sourit: — Écoute, il est tard et nous sommes tous les deux un peu crevés. Mais sortons ensemble un de ces soirs, et tâchons d'avoir une vraie conversation; il y a si longtemps que ça ne nous est pas arrivé! (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 469).
b) [Dans une phrase complexe] Cette fraternité mystérieuse, au long de ma vie si peu gaie, à certaines heures si bouleversée, m'a exaltée et soutenue (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 922). Les touristes (...) s'arrêtent devant la charmante église de la place de Joinville, si florentine de ton (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 21).
— [L'élém. modifié par si est opposé à un autre élém.] Ses yeux, si clairs d'habitude, étaient devenus foncés de colère (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 586):
• 1. L'idée de lever les yeux sur elle était un trait d'audace. À la voir si calme, quand je ne l'étais plus, à la trouver si parfaitement jolie, tandis que j'avais tant de motifs pour me déplaire avec ma tenue de collège (...), j'éprouvais je ne sais quel sentiment subalterne, comprimé, humiliant...
FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 85.
— [La prop. modifiée par si a une valeur causale ou justificative] Mais il se pourrait bien qu'elle l'ignorât encore; elle est si naturelle avec lui (GIDE, Journal, 1905, p. 151). Et puis vous savez, je les sentais si nerveux, si pressés... Ils m'auraient peut-être envoyé promener (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 19). Il me semble que j'allais mourir, si dur fut le déchirement (GREEN, Mille chemins ouverts, p. 230 ds GREV. 1980, § 2649, p. 1350).
Rem. Si adv. d'intensité modifie un adj. ou un adv. (ou bien un part.); il est exceptionnel avec un verbe ou un syntagme prép.: Comment se peut-il que je sois un être si sensible et si vulnérable, et à la fois si à l'abri des assauts des importuns, si possédant son bonheur et sa tranquillité (PONGE, Parti pris, 1942, p. 30).
2. Rare. [Exprime un rapport de compar. (implique une prop. sous-entendue du type... que je le constate, ... que cela vient de se passer); la commutation avec aussi est possible] Je ne puis étudier sérieusement [le piano], tant que mon poignet reste si douloureux et si raide (GIDE, Journal, 1914, p. 418). Il songea brusquement à Jenny, et s'étonna de l'avoir, depuis une heure, si facilement, si totalement oubliée (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 638).
— [L'élém. de réf. est ce qui a été dit précédemment] Au sortir d'une crise si violente, après un si grand bouleversement et une tension si prolongée des esprits, la littérature s'est faite bien différente de ce qu'elle fut (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 11):
• 2. Emportés par leur existence torrentueuse ils [les hommes d'argent] ne sont ni époux, ni pères, ni amants (...). À de si terribles dépenses de forces intellectuelles, à des contractions morales si multipliées, ils opposent non pas le plaisir, il est trop pâle et ne produit aucun contraste, mais la débauche...
BALZAC, Fille yeux d'or, 1835, p. 331.
B. — [Dans une phrase nég., exprime la compar. d'égalité, en concurrence avec aussi]
1. Rare, vieilli. [La prop. nie un rapport d'égalité] Les faits ne sont pas si complaisants que les idées (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 418). Trois grands aigles volaient à moitié hauteur du rocher et ne paraissaient pas si gros que des corbeaux (FROMENTIN, Été Sahara, 1857, p. 61).
2. [La prop. nie un degré d'intensité élevé]
— [La prop. est suivie d'une sub. en que exprimant une opinion, un jugement] Ça n'est pas si facile que tu crois, que l'on croirait; je ne suis pas si entêté que j'en ai l'air, qu'on le prétend. Mon dieu! Ils ne sont pas si coupables qu'ils le pensent (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 42). Inutile de vous inquiéter pour Anthelme: l'événement n'est pas si proche que je l'aurais cru, le médecin n'attend rien avant la semaine prochaine (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1372).
— [La prop. est suivie de que ça, que cela] Le métier de commerçant n'est pas si rose que ça (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 29). Le canal s'étire le long de la voie, Moûlu dit: « Finalement, c'est pas si détruit que ça. » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 277).
♦ Si peu que ce soit. Le gamin accourt, les yeux déjà brillants du plaisir qu'il aura de faire quelque chose d'imprévu — si peu que ce soit (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 97).
— [La prop. n'est pas suivie d'un terme de réf. en que, mais sous-entend une telle prop.: jamais je n'ai été si heureux (que je ne le suis en ce moment); l'idée n'est pas si mauvaise (qu'on aurait pu le croire au premier abord, qu'on le disait, etc.)] Jamais, de sa vie, il n'avait éprouvé de si captivantes félicités (BALZAC, Langeais, 1834, p. 347). Elle est pas si mal la mignonne (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 15). Jamais je n'ai tant et si utilement médité (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 136).
3. En partic. [Dans des tours exceptifs] Les ministres ne sont que des gens d'affaires, et ne sont si importants que parce que la terre du gentilhomme leur maître est très considérable (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 77). Elle ne l'embrassait si farouchement que pour avoir des raisons de se taire (NIZAN, Conspir., 1938, p. 156).
4. [Type: je ne suis pas si bête! Justifie ce qui a été dit: « Je ne suis pas bête au point de »] Bien entendu, je ne vous demande pas de l'épouser; je ne suis pas si bête (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 64).
C. — [Dans une interr. ou une hypothétique, avec une prop. de compar. sous-entendue: où cours-tu si vite? (que je te vois courir); est-ce si terrible? (que tu le pensais); étais-je si malheureux, alors? (que je le croyais)] Comment avons-nous pu nous tourmenter les uns les autres et nous rendre si malheureux? (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 8):
• 3. Thérèse s'interroge: « Étais-je si heureuse? Étais-je si candide? Tout ce qui précède mon mariage prend dans mon souvenir cet aspect de pureté (...) ».
MAURIAC., Th. Desqueyroux, 1927, p. 183.
— [La question se termine par que ça, que cela] Tu as si faim que ça? Si elle est si mauvaise que ça tu dois être content d'être débarrassé (GIONO, Regain, 1930, p. 213). — Vous êtes si curieux que ça? Alors, lisez-le dans les journaux, comme vous me disiez ce matin (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 222).
II. — [Si dans la prop. princ. établit une corrél. avec une sub.]
A. — [Si annonce une sub. de conséq.: il y a une rel. de cause à effet entre le niveau d'intensité qu'exprime si et le procès de la sub.]
1. [La princ. est positive, la sub. introd. par que est à l'ind.]
a) [Si porte sur un adj. qualificatif, un part. passé empl. comme adj. exprimant un état] C'est si évident qu'il est inutile d'insister; il est si fatigué qu'il devra s'arrêter. [Mouchette] possède (...) une voix charmante, un filet de voix plutôt, si fragile qu'on croit toujours qu'il va se briser (BERNANOS, Mouchette, 1937, p. 1266). La coupure du rocher au-dessus de nos têtes jointes était si étroite, et le ciel qui s'y enchâssait si lointain et si calme, que les variations du jour (...) ne parvenaient plus jusqu'à nous (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 160).
b) [Si porte sur un adv.] Il dormait si profondément que...; il s'est si souvent trompé que... Dorothée est si prodigieusement coquette que le plaisir d'être admirée l'emporte chez elle sur l'orgueil de l'affranchie (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 117). Puis il m'a serré la main qu'il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1126).
♦ Si bien, loc. adv. De manière si satisfaisante ou si complète que, à tel point que... Le mal se cache si bien, le secret est si universellement gardé, que chacun est ici la dupe de tous (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 4). [Élie était] tellement perdu dans ses paperasses, et si bien reconnu pour « un peu original », qu'il était considéré comme incapable de se gouverner seul (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 752).
Faire si bien que, loc. verb. Agir de telle manière que, faire en sorte que. Leuwen eut soin de ne pas serrer ses mots et ses lignes, et fit si bien qu'il supprima les sept lignes relatives au général Fari sans qu'il y parût (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 252).
♦ Tant et si bien que. Elle se cramponne en se plaquant de tout son poids, de toutes ses forces, tant et si bien que le pêne en biseau finit par fonctionner de lui-même, pénétrant dans la gâche (ROBBE-GRILLET, La Maison de rendez-vous, Paris, éd. de Minuit, 1980 [1965], p. 131, coll. Double).
— Si peu, loc. adv. [Porte sur un adj., un adv., ou un verbe] C'est si peu crédible que, il y va si peu souvent que. L'eau, par endroits, était si peu profonde que les reins des bêtes émergeaient, se pressaient côte à côte dans un moutonnement confus (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 21).
Si peu de + subst. Anton. de tant de + subst. Les railleries ont si peu de durée que chacun s'empresse d'en tirer toute la fleur (BALZAC, Langeais, 1834, p. 247).
c) [Si porte sur l'élém. nom. d'une loc. verb.] J'ai si faim que...; j'ai eu si peur que... Tout cela, aujourd'hui, me fait si mal que je ne trouve plus les mots pour te dire ce que j'ai décidé (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 132).
Rem. Après une princ. affirm., que n'introd. pas, en principe, de groupe inf. Cf. cependant: Que vous soyez si mal luné que de persister dans votre projet maniaque et de vous entêter à me farcir la cervelle avec votre espagnole, je vous déclare sournois, libertin (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p. 177).
2. [La princ. est nég.; ce qui est nié, c'est que le niveau d'intensité soit capable de provoquer le procès de la sub.]
a) [La sub. est introd. par que (le verbe est gén. au subj.)]
— [La sub. est affirm.] Le procès Zola n'a pas si bien réussi qu'on doive avoir envie de recommencer dans des conditions pires (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 243).
— [La sub. est nég. (elle comporte le morphème nég. ne)] L'écart n'est pas si grand qu'il ne puisse être comblé. Cependant, le changement de leur physionomie n'avait pas été si prompt que je n'eusse surpris dans les traits de ma mère une expression mélangée de cupidité et d'insistance, et dans le regard de mon père une sorte de vacillement (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 172). Elle ne s'était pas reprise si vite, que Justin n'eût été blessé par ce vous inconscient (ARLAND, Ordre, 1929, p. 460).
b) Littér. [La sub. est une prop. inf. introd. par (que) de] Mais la joie d'une si hautaine victoire — n'est pas si douce encore, n'est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d'être vaincu sans bataille (GIDE, Tentative amour., 1893, p. 72). Je ne suis pas si sot de pleurer après mon enfance non plus qu'après l'enfance du monde (GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p. 28). Aussi n'étions-nous pas si légers d'escompter du conflit déclaré où l'on nous engageait quelques occasions de franchise (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 15).
3. [La princ. est une interr., suivie d'une sub. au subj.; le tour incite à une réponse nég.] Le cas est-il si désespéré qu'on doive renoncer? Cet univers est-il si gai par lui-même, qu'il faille encore ajouter par notre spectacle à ses drames et à ses angoisses? (Le Monde, 12 sept. 1972 ds S. ALLAIRE, Le Modèle synt. des syst. corrél., 1982, p. 110).
Rem. Si et tant sont en distribution compl. Tant est exclu avec les constituants que modifie si (adj., adv.). Inversement si ne peut modifier un verbe, rôle dévolu à tant (il lit tant, il a tant lu... que), ou le groupe nom. précédé de de (il s'est donné tant de peine... que). En revanche, si est commutable avec tellement qui, lui, ne connaît pas de spécifités distributionnelles.
B. — [Si adj. ou adv. est la base d'une prop. concess.; la prop. concess. signifie que le procès qu'elle décrit n'a pas atteint un niveau tel qu'il puisse empêcher la réalisation du procès de la princ.]
1. [Type: si + adj. ou adv. + que... (le tour est possible également avec aussi, quelque, tout)]
a) [Le verbe est au subj.] Si tranquille que j'aie été à la surface, moi aussi j'ai été ravagé et, faut-il le dire, je le suis encore quelquefois (FLAUB., Corresp., 1857, p. 194). Il me fallait non seulement l'aimer [Silbermann], mais prendre son parti contre tous, si difficile et si ingrate que fût l'entreprise (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 69). Si mal que je le dise, je traduis à peu près ma peine de malade (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1935, p. 9).
— [La princ. comporte souvent un adv. de sens concess.] Si dur, si triste, si pénible que soit l'isolement, il flatte néanmoins notre instinct d'antivasselage (AMIEL, Journal, 1866, p. 442). Si longtemps que ça ait duré, on a pourtant touché le bout (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 309):
• 4. Mais, si désireux que je fusse de rétablir la confiance anglaise, je ne pouvais cependant engager encore les divisions françaises en voie de réunion, sans être fixé davantage sur les véritables intentions de l'ennemi.
FOCH, Mém., t. 2, 1929, p. 51.
b) [Except. le verbe est à l'ind.] Si cruels qu'ils pourront être [les conflits à venir], leur bêtise fera pâlir leur cruauté (VALÉRY, Œuvres, t. 1, Lettre sur la Société des Esprits, 1980 [1933], p. 1145).
Rem. On trouve parfois pour si + adj. + que: Pour si pauvre que pouvait être M. Joseph, il ne manquait pas d'endroits, disait-on, où il aurait pu se loger plus à son aise (GIONO, Le Moulin de Pologne, p. 9 ds GREV. 1980, § 2673, p. 1363). V. pour III C 2 ex. de J. Bousquet et de Cendrars.
2. [Type; si + adj. ou adv., sans que, mais avec invers. du suj.] J'ai le sentiment très net que cette hypothèse, si étrange soit-elle, peut permettre de mieux saisir ce qu'est l'histoire (G. MARCEL, Journal, 1918, p. 136). Si jolie fût-elle, la midinette qu'une entremetteuse m'eût artificiellement procurée n'eût nullement pu se substituer pour moi à celle qui, la taille dégin-gandée, passait en ce moment (PROUST, Prisonn., 1922, p. 171). Si précieux me soit leur suffrage, j'ai d'ailleurs eu plus d'ambition que de leur servir de porte-parole (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 10).
III. — Si bien que, loc. conj. [Introd. une prop. sub. de conséquence, toujours à l'ind.] Pourquoi, quand je suis à Paris, est-ce que je passe tout mon temps chez toi, quoique tu en dises, si bien que j'ai cessé à cause de cela de voir bien du monde? (FLAUB., Corresp., 1854, p. 57). La maison de bois frissonnait du sol à la cheminée et semblait osciller sur sa base, si bien que ses habitants, entendant les mugissements et les clameurs aiguës du vent, sentant tout autour d'eux l'ébranlement de son choc, souffraient en vérité de presque toute l'horreur de la tempête (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 227).
Prononc. et Orth.:[si]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Marque l'enchaînement, l'articulation des membres d'un énoncé 1. adv. de reprise, introd. une régissante après une circ. 842 une compar. (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p. 2, 4: d'ist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo); 937-952 une temp. (Jonas, éd. G. de Poerck, 172: co videbat [...] qe cum gentes venirent ad fidem si astreient li Iudei perdut); fin Xe s. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 398: En pas que209l vidren li custod, Si s'espauriren de pavor); ca 1050 une hyp. (St Alexis, éd. Chr. Storey, 100: Se lui'n remaint [de l'aumône] sil rent as poverins; 152); ca 1150 une concess. (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 1338: s'ai ore mez granz sollers de vache et ma gonelle et mes conroiz si gastes, Si ai ge non Guillelme Fierebrace); 2. articule deux membres d'un énoncé, marquant a) 881 une succession log. « aussi, c'est pourquoi » (Ste Eulalie, 24 ds HENRY Chrestomathie, p. 3: Volt lo seule lazsier si ruouet Krist); 2e moit. Xe s. (St Léger, éd. J. Linskill, 66: Por ciel tiel duol rova's clergier [Ewruins] Si s'en intrat in un mostier); fin Xe s. (Passion, 416: Dunc reconnossent lo senior, Si l'adorent cum redemptor); b) 2e moit. Xe s. succession chronol. (St Léger, 201: Garda, si vid grand claritet; 206: Torne s'als altres, , si lor dist); fin Xe s. (Passion, 394; 402; 467); c) ) marque la conformité « de même, pareillement » ca 1050 le rappel du verbe de la prop. précédente est assuré par faire (St Alexis, 147: Del duel s'asist la medre jus a terre; Si fist la spuse danz Alexis a certes; 207); ca 1100 le verbe de la prop. précédente est repris (Roland, éd. J. Bédier, 1328: Trenchet le cors e la cheveleüre, Si li trenchat les oilz e la faiture); ) marque la manière ca 1165 le verbe estre est repris (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 15283: Dut bien la dame estre esfrëee; Si fu ele); 1176-81 le verbe est rappelé par faire (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier de la charrette, éd. M. Roques, 5195: Por mon seignor Gauvain l'estuet auques esjoïr, si fet ele); d) ca 1050 marque une oppos. « et cependant » (St Alexis, 395: Tant l'ai vedud [Alexis], si nel poi aviser; 579); ca 1100 (Roland, 1596: Enceis nel vit [Rollant] sil recunut); e) ca 1100 marque une conséq. (Roland, 598: Dunc perdreit Carles le destre braz, Si remeiendreint les merveilleuses oz). II. A. Compar. 1. en corrél. avec cum(e), introd. une compar. a) 842 expr. de la conformité (Serments de Strasbourg, op. cit., p. 2, 5: si salvarai eo cist meon fradre Karlo [...] si cum om per dreit son fradra salvar dift); 937-952 (Jonas, 168: si cum dist e le evangelio) fin 'Xe s. (Passion, 27); b) ca 1050 expr. de l'égalité (St Alexis, 536: Unches en Rome nen out si grant ledice Cum out le jurn as povres ed as riches Pur cel saint cors [d'Alexis] qu'il unt en lur bailie); 2. adv. compar. d'égalité, le second terme de la compar. n'est pas exprimé ca 1050 (ibid., 8: Bons fut li secles; ja mais n'ert si vailant); ca 1100 (Roland, 250: Vos n'irez pas uan de mei si luign; 599). B. Manière 937-952 « ainsi, de cette manière » qualifie un verbe (Jonas, 6: scio enim ego [...] quoniam propter me si est venude cise tempestes); fin Xe s. (Passion, 187: Ensobre tot si l'escarnissent: ,,Di nos [...]``); ca 1050 (St Alexis, 16). C. Intensité, degré 1. 2e moit. Xe s. qualifie un adj. (St Léger, 10: aanz Que li suos corps susting si granz); ca 1050 (St Alexis, 608); 2. id. dans une exclam.; qualifie un adv. (ibid., 109: si pou vus ai oüt!); id. un adj. (ibid., 409: Si grant dolur). D. Conséq. terme d'appel annonçant une conséc. 1. intro. par que a) fin Xe s. si + adj. (Passion, 126: Si fort sudor dunques suded [Jesus], Que cum lo sags a terra current De sa sudor las sanctas gutes); ca 1050 (St Alexis, 110); b) fin Xe s. si + verbe (Passion, 375: Par soa mort si l'a vencut [Jesus, Satanam] Que contra omne non a vertud); ca 1050 (St Alexis, 137; 166); 2. id. le subordonnant que n'est pas exprimé (ibid., 116: Si at li emfes sa tendra carn mudede Nel reconurent li dui sergant sum pedre; 148). E. Concess; 1. 1180-90 en corrél. avec com(e) introd. une concess.; mode ind. (ALEXANDRE DE PARIS, Alexandre, III, 5885 ds Elliott Monographs, XXXVII, p. 275: Si navrés com il iert, ens el champ les conduit); 2. déb. XIIIe s. en corrél. avec que; mode subj. (Chastoiement d'un père à son fils, éd. A. Hilka et W. Söderhjelm, version A, 4490). De l'adv. lat. sic issu de si [anc. sei] + particule déictique -c(e) « ainsi, de cette manière ». De ce sens sont issus différents empl., notamment: réponse affirm., d'abord avec reprise du verbe sur lequel porte l'interr., puis l'adv. empl. seul (TÉRENCE, Phormio, 316: [ais] Phaniam relictam solam? — Sic; 813) [III 3]; expr. d'une prière, d'un souhait dans la lang. poét. (ERN.-TH., § 258) dont l'accomplissement est soumis à une condition exprimée dans la prop. suiv.; mode subj. (VIRGILE, Buc., IX, 31-32; HORACE, Odes, I, III, 1: Sic te diva potens Cypri, Sic fratres Helenae [...] Ventorumque regat pater [...], Navis [...]; Reddas incolumen); le même fait s'observe en a. fr. [III 2, cf. Ph. MÉNARD, Manuel du fr. du Moy. Âge, 1976, § 197, rem. 2]; après une prop. part. équivalant à une temp., sic, placé en tête de la princ., marque une transition « alors, ensuite » (VIRGILE, Aen., I, 225: cum Juppiter aethere summo Despiciens mare velivolum... sic vertice caeli Constitit); apparu dans la lang. poét., cet empl. se répand à basse époque dans la lang. vulg., sic servant à introd. la princ. après une prop. temp. (IVe s., CHIRON, Mulomed., 452: Cum avide bibit [sic] pleno ventre aqua, sic dolorem patiuntur; fin IVe s. Peregr. Aether., 37, 4, v. LÖFSTEDT, p. 231) [I 1]; parallèlement, sic est relevé dans des textes où il marque une simple suite dans le temps « là-dessus, puis » (IVe s., FILASTRIUS, 127, 1: prius propheta legatur et apostolus et sic evangelium [cf. I 2]; VÄÄN., § 369; BLAISE Lat. chrét.). Bbg. ALLAIRE (S.). « Ce n'est pas si grave »: si compar. ou si intensif? Regards sur un probl. d'ambiguité. Z. fr. Spr. Lit. 1989, t. 49, n ° 1, p. 1-35; Le Modèle syntaxique des syst. corrél. Lille, 1982, 601 p. — GAMA (N. V. de). Cf. bbg. si1. — HASSELROT (B.). La Constr. si grand qu'il soit et ses concurrents dans le fr. contemp. R. Ling. rom. 1970, t. 34, pp. 39-47. — IMBS Prop. 1956, pp. 48-49, 66-68, 120-133, 426-438. — JONAS (P.). Si et aussi dans les syst. comp. d'égalité niée à deux termes en fr. contemp. R. Ling. rom. 1973, t. 37, pp. 292-341. — LEHMANN (G.). L'Empl. mod. de l'adv. fr. tellement comp. à celui de si et du tant d'intensité. Lund, 1959, 30 p. — PLANTIN (Ch.). La Genèse discursive de l'intens.: le cas du si intensif. Langages. 1985, n ° 80, pp. 35-54. — ROUVERET (A.). Les Consécutives. Ling. Investig. 1977, t. 1, pp. 197-234. — WARTBURG (W. von). Si und sic. Mél. Frings (Th). Berlin, 1956, pp. 264-282.
III.
⇒SI3, adv.
I. — [Contredit un énoncé nég.; si est en distribution compl. avec oui qui exprime une réponse positive ou confirme un énoncé positif]
A. — [Contredit un énoncé comportant une nég. ou exprimant un doute] Il s'occupe beaucoup de vous... Vous ne le croyez pas? — J'en doute un peu... — Si. Il s'occupe beaucoup de vous (COLETTE, Sido, 1929, p. 118). — Cela aura un terme. — Non, aucun. Toujours en avant... — Si, mon vieux, dit Raphaël avec une sorte de tendresse confuse: si, il y en aura un (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 387). Daniel supplia: — « Tu ne vas pas t'en aller? » — « Si. » Son visage [de Jacques] était de bois (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 277).
♦ [Fréq. associé à mais] César: Puisqu'on me force à parler, je vais te répondre. Panisse: Non, César, non. On ne te force pas. César: Mais si, mais si. On me force (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 1er tabl., 9, p. 33). — Les femmes ne savent pas ce qu'elles veulent. — Mais si. Elle sait très bien qu'elle en a marre des histoires de Frédé et de sa famille (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 185).
♦ [Associé à que exclam.] — Je ne vous croyais pas si poltron. — Hé, que si! dit-il en riant à demi (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 492). Escartefigue: Tu ne me crois pas? Panisse, grave: Oh! que si, je te crois! (PAGNOL, Fanny, 1932, 2, p. 14).
♦ Vieilli ou littér. Si fait! — Je vous demande pardon, madame, mais de qui parlez-vous? — Vous le savez bien. — Pas le moins du monde. — Oh! si fait (MUSSET, Mouche, 1854, p. 304). L'Appariteur: — Mais alors il n'y a personne pour présider? Le Chœur: Si! si! si fait! Il y a quelqu'un! (CLAUDEL, J. d'Arc, 1939, p. 1205).
B. — [Contredit un refus que l'interlocuteur manifeste par des gestes, par son comportement] Boubouroche (...): Asseyez-vous donc, monsieur... Voulez-vous prendre un distingué? (Mimique discrète du monsieur). Si fait! Si fait! (Au garçon:) Deux distingués, Amédée (COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 3, p. 39). Sans m'en douter, je vous agaçais, je vous froissais. Elle secoua la tête. Il insista. — Si! si! Je vous ai souvent froissée (FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 347).
II. — [En réponse à une question rhét. de forme nég. invitant à une réponse affirm. (ex. n'ai-je pas, est-ce que je n'ai pas raison? n'est-ce pas, est-ce que ce n'est pas joli?), il est possible de répondre soit par si (en corrél. avec la forme nég. de la question) soit par oui] — Ne vois-tu pas qu'elle est malheureuse? — Mais si, je le vois bien! — oui, je le vois bien, qu'elle est malheureuse. Un long silence régna encore. — Magdeleine, dit Stephen, ce jour ne vous rappelle-t-il rien? — Oh si! (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 298). La Reine: (...) Ce n'est pas du poison, cette affreuse liqueur? Dis? Ruy Blas: Si! C'est du poison (HUGO, Ruy Blas, 1838, V, 4, p. 456). N'ai-je pas eu autrefois le plaisir de vous rencontrer chez Mallarmé ou ailleurs? Il me semble que si (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1899, p. 45).
— [En réponse à une question exprimant un ordre indir.] Tu ne pourrais pas m'aider un peu? — Si/oui, tout de suite.
III. — Rare. [Comme élém. d'interr. rhét., après une interro-nég.] Synon. n'est-ce pas? Voyons, dit Anne en saisissant ma main par-dessus la table, vous allez troquer votre personnage de fille des bois contre celui de bonne écolière, et seulement pendant un mois, ce n'est pas grave, si? (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 75). Je ne peux pas passer ma vie à te tenir la main, si? (G. CONCHON, L'Apprenti gaucher, p. 56 ds GREV. 1980, § 2181, p. 1068).
Prononc. et Orth. V. si2. Étymol. et Hist. Affirm. (valeur issue de l'adv. de manière) 1. ca 1050 introd. un second impér. dans une phrase jussive (St Alexis, éd. Chr. Storey, 220: Quar me herberges pur Deu an ta maison [...]; Tut soi amferm sim pais pur sue amor); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 21), cf. Chr. MARCHELLO-NIZIA, Dire le vrai, l'adv. si, 1985, pp. 143-145; 2. 1120-50 mot initial d'une formule de souhait; mode subj. (Grant mal fist Adam, I, 62 ds T.-L., 618, 12: si Deus me salt); ca 1130 (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 208: Si m'aït Deus; 220); ca 1150 (Charroi de Nîmes, 582: Si m'aïst Diex), cf. le tour concurrent avec se hyp. n'entraînant pas la post position du suj. (ibid., 382: Se Dex m'aïst, v. si1 I D), cf. MOIGNET 1973, pp. 245; 340; Chr. MARCHELLO-NIZIA, op. cit., pp. 89-92; 3. après une assertion nég. ou une interr., introd. une réponse affirm. ayant valeur d'oppos. a) ca 1170 faire supplée dans la réfutation ou la réponse le verbe de l'assertion ou de la question (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 216: ,,Lesse m'aler. — Vos n'iroiz. — Je si ferai``); 1176 (ID., Cligès, éd. A. Micha, 657: Ne sai don la dolors m'est prise. Ne sai? Si faz. Jel cuit savoir); ca 1215 (RAOUL DE HOUDENC, Eles, 397 ds Trouvères belges, éd. A. Scheler, 1879, p. 262: Cant ilh n'i part, et ke li grieve, Grieve? Si fait, tez est lor vie); 1651 si fait loc. adv. (LORET, Muze hist. ds LIVET Molière: Je pense que ce n'est pas elle [...] — Ce ne l'est pas — Si fait); cf. Chr. MARCHELLO-NIZIA, op. cit., pp. 123-127 et 213-214; b) 1176-81 avoir de la question est repris dans la réponse (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier de la charrette, 777: ,,Vasax, por coi M'avez feru [...] Quant devant moi ne vos savoie, Ne rien mesfet de vos avoie? — Par foi, si avïez, fet cil); c) déb. XIIIez s. estre de l'assertion est repris dans la réponse ``(RAOUL DE HOUDENC, Vengeance Raguidel, 1988 ds T.-L.); d) 1456 si empl. seul dans le discours indir. « oui » (ANTOINE DE LA SALLE, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. Knudson, p. 14: ,,Ha! ma dame``, dirent elles en riant, ,,et que si``); ca 1462 (Cent Nouvelles nouvelles, éd. Fr. P. Sweetser, p. 45, 221: le musnier demande à ma dame s'elle l'avoir [le diamand] à l'entrée du baing, et elle dit que si); ca 1535 en réponse à une question nég. (NICOLAS DE TROYES, Grans Parangon des nouvelles nouvelles, éd. E. Mabille, 1869, p. 132: Ne avez vous pas bien congneu la verité [...]? — Si, respondit la dame). V. si2.
STAT. — Si1, 2 et 3. Fréq. abs. littér.:237 105. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 360 491, b) 308 006; XXe s.: a) 321 559, b) 342 458.
BBG. — PLANTIN (Ch.), Oui, non, si: ét. des enchaînements dans le dialogue. Thèse, Paris, 1978, 234 p. — POHL (J.). Cf. bbg. oui et non. — WILMET (M.). Cf. bbg. oui et non. — WUNDERLI (P.). Cf. bbg. oui et non.
IV.
⇒SI4, subst. masc.
MUS. Septième note de la gamme de do majeur; p. méton., tonalité dont la note si est la tonique. Si majeur; si mineur. Rondo pour piano et orchestre en si bémol, terminé par Czerny (PROD'HOMME, Symph. Beethoven, 1921, p. 26).
Prononc. et Orth.:[si]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1646 (NIVERS, La gamme de Si, nouvelle méthode, pour apprendre à chanter les nuances [titre cité ds A. AUDA, Les Gammes musicales, Ixelles, 1947, p. 376]); cf. 1636 (MERSENNE, Harmonie universelle, Traitez de la voix et des chants, L. VI, p. 342: ie di donc que si l'on fait suivre za, inventé par le sieur le Maire, apres la 6 syllabe La [...] Sur quoy il faut remarquer qu'il [za] est plus aisé à entonner que la syllabe SI, BI ou NI, à raison qu'il n'est pas nécessaire de changer l'ouverture de la bouche dont on prononce le la qui precede; ID., ibid., p. 192: l'on a a desia inventé la syllabe ni pour le ton qui suit la; mais parce que sa prononciation est trop semblable à celle du mi, i'aimeroy mieux que l'on usast de ci). Formé à partir des init. de Sancte Iohannes dans l'hymne lat. de St Jean Baptiste de Paul Diacre (cf. fa), ou forgé arbitrairement (cf. MERSENNE, supra), pour désigner la 7e note de la gamme en complément à la gamme de 6 notes de Gui d'Arezzo. Fréq. abs. littér.:119.
S. I. ou SI
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♦ Sigle de système (II., 3.) international d'unités.
Encyclopédie Universelle. 2012.