RHÉTORIQUE
La rhétorique est l’art de dire quelque chose à quelqu’un; l’art d’agir par la parole sur les opinions, les émotions, les décisions, du moins dans la limite des institutions et des normes qui, dans une société donnée, règlent l’influence mutuelle des sujets parlants. C’est aussi la discipline qui prépare méthodiquement à l’exercice de cet art, en apprenant à composer des discours appropriés à leurs fins. C’est enfin la réflexion philosophique sur l’éloquence, sur la puissance de la parole dans les sociétés humaines et sur la capacité d’ajuster nos représentations aux représentations d’autrui qui en est le principe.
1. Ambivalence et disjonction
Cette définition cerne, avec un idéal, une réalité historique: dès l’Antiquité, entre la grammaire, art du discours correct, et la logique, art du discours vrai, la rhétorique, art du discours persuasif, est admise dans le trivium des disciplines scolaires fondamentales. Au fil des siècles, elle va transmettre les normes occidentales de la parole publique, élaborées par Aristote pour la démocratie athénienne et par Cicéron pour la république romaine, adaptées par Quintilien au projet civilisateur de l’Empire romain, puis par saint Augustin et les Pères de l’Église à l’univers des communautés chrétiennes. Centré sur la figure de l’orateur idéal – tour à tour orateur politique puis orateur chrétien et toujours vir bonus dicendi peritus («quelqu’un de bien qui parle bien») –, ce modèle est diffusé à la Renaissance dans l’Europe entière et ses extensions outre-mer, dans sa double dimension, pratique et spéculative, comme en témoignent les deux pôles entre lesquels oscille sa définition en France au XVIIIe siècle: «La rhétorique est l’art de faire un discours qui puisse persuader, c’est-à-dire éclairer l’esprit et attacher la volonté aux devoirs de la vie» (Balthazar Gibert dans sa Rhétorique , 1730); «La rhétorique est à l’éloquence ce que la théorie est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie» (Encyclopédie , 1765).
Mais ces valeurs historiques sont démenties par l’usage actuel du mot rhétorique, qui reste péjoratif en français courant et dénonce soit la grandiloquence déclamatoire du discours malhabile, soit l’habileté menaçante du discours manipulateur: évoquer la rhétorique d’un orateur, c’est éveiller dans son auditoire potentiel la vigilance critique. Et notre enseignement, secondaire et supérieur, qui enseigne bel et bien l’art du discours, soit sous la forme écrite et ritualisée de la dissertation, soit par la maîtrise orale de techniques d’expression, répugne à se dire rhétorique. Les œuvres mêmes qui ont osé s’intituler Rhétorique à partir de 1960 ne s’entendaient pas sur son objet, puisqu’elles visaient sous ce titre soit comme Perelman, venu de la philosophie du droit, l’argumentation en langue naturelle, soit comme le Groupe 猪, analysant les textes littéraires, l’écart constitutif de la figure de style. Les études nombreuses qui se sont développées depuis lors, dans l’alliance ou la schize, sont restées tributaires de cette dichotomie. Quant à l’histoire de la tradition rhétorique, son objet s’impose de soi mais non sa perspective: s’agit-il, comme le précisait Roland Barthes en 1970, de «faire tomber la rhétorique au rang d’un objet pleinement et simplement historique», désormais délaissé pour la science du texte, ou au contraire, comme le soutient, après Jean Paulhan, Marc Fumaroli, de revenir vers un «paradis» prémoderne où l’art de la parole vive faisait encore lien dans une communauté lettrée? Dans cette conjoncture incertaine où des représentations disjointes suscitent des sentiments ambivalents et des mouvements divergents, il importe de ressaisir le sens de cette discipline dans les avatars qu’elle a traversés depuis ses origines grecques.
2. Racines antiques: rhètôr, l’orateur
En grec, la rhétorique – rhétorikè , sous-entendu technè – est l’art de celui qui parle (rhètôr ). La tradition veut que la rhétorique soit née en Sicile, alors colonie grecque, au début du Ve siècle avant J.-C., lorsque la chute des tyrans d’Agrigente et de Syracuse fut suivie de contestations de propriétés plaidées par les intéressés eux-mêmes devant des jurys populaires. À cette occasion, certains plaideurs surent recourir à des procédés qui leur assurèrent la victoire; les premiers, Corax et Tisias, eurent l’idée de les noter, de les systématiser et de les enseigner moyennant salaire, inventant simultanément, dans le contexte d’une institution judiciaire démocratique, une discipline, la rhétorique, et un métier, celui de sophiste, qu’illustreront Gorgias, Protagoras et tant de «maîtres d’excellence» itinérants. On peut penser pourtant que, dès les lois de Dracon interdisant au VIIe siècle la vendetta et transférant à l’État l’arbitrage des conflits entre clans, et en tout cas avec les constitutions de Solon puis de Clisthène instaurant au VIe siècle à Athènes des institutions politiques démocratiques avec de larges assemblées, sont réunies les conditions d’un débat public libre et contradictoire, où le pouvoir qu’exerce sur l’auditoire celui qui parle ne relève plus de la magie ni d’une position d’autorité préétablie, mais tient à certaines propriétés intrinsèques dont il sait munir son discours.
Or chez Homère, déjà, c’est par le mot rhètèr qu’est désigné l’un des aspects de l’idéal humain auquel le précepteur d’Achille veut faire accéder son élève: «l’homme de parole et d’action», te rhètêr te prèktêr . Pour saisir la portée de ce mot clé, qui est un nom d’agent, il importe de comprendre à quel verbe d’action il correspond.
En grec, les verbes courants signifiant / dire, parler / reposent sur six racines différentes selon les nuances de sens et les temps. Au présent, on en compte quatre: 1-2. phèmi , dire, avouer, issu de la racine indo-européenne BHA révéler, source du latin fari , qui s’efface devant dicere , issu de DEIK montrer, comme dans le grec épideïknumi , démontrer, manifester; 3. lego , dire, parler, auquel correspondent les noms logos , le discours, et lexis , l’expression, issus de LEG/LOG cueillir, trier, énumérer... calculer, raisonner, discourir, source du latin loqui ; 4. agoreuo , parler en public, dérivé d’agora , la place publique et les affaires qui s’y traitent, issu de GER/GOR s’assembler. À l’aoriste actif, la forme courante correspondant à ces différents présents est 5. eïpon , je dis, issu de WEKW faire entendre, source du grec épos , chant épique, épopée, et du latin vox , la voix. Enfin, 6. le futur et le parfait actifs eïro , je dirai, eïrèka , j’ai dit, comme l’aoriste passif errhètè , on dit, sont issus de WER s’engager, donner sa parole, source du latin verbum , mot, parole, verbe et Verbe. Or c’est à cette racine WER que se rattache rhètor . Ainsi, même s’il prononce des discours, logos , sur la place publique, agora , lors de démonstrations épidictiques , même s’il révèle le bon côté des choses par l’euphémisme et donne voix aux absents par la prosopopée , c’est avec la racine WER l’action de s’engager, de donner sa parole qui confère au rhètôr son nom d’agent et sa fonction spécifique.
D’ailleurs, dans le discours lui-même (logos ), dont la logique règle les enchaînements valides, les analyses de Platon et d’Aristote distinguent trois plans: en toile de fond, ce dont il est question, l’affaire à traiter (pragma ); à l’avant-scène, la manière dont c’est dit, la tournure de l’expression (lexis ); et, entre les deux, comme nécessaire médiation, ce que dit l’orateur de cette affaire (rhèma ), le parti qu’il prend, la position qu’il défend – dite aussi thésis –, la proposition qu’il avance, le prédicat dont il qualifie les faits et qui emploie de façon neuve les mots de la langue. Telle est, au nom du WER, la fonction spécifique du rhètôr .
Quant au contenu initial de l’enseignement rhétorique, il est encore très divers chez les sophistes. Pour Gorgias, l’âme est de nature musicale, et seul le rythme, accordé à l’harmonie cosmique, peut impressionner la mémoire et mouvoir la volonté; poétiques et même incantatoires, les figures gorgianiques restent proches de la magie. Protagoras, au contraire, marque clairement l’entrée dans un univers sans transcendance où il appartient aux hommes de prendre collectivement en charge leur propre destin. Or, sans vérité ultime ni harmonie préétablie, la décision la meilleure – ou la moins mauvaise – pour l’avenir de la communauté sera, au jour le jour, celle qui, ralliant le plus de suffrages, aura l’accord du plus grand nombre: sur l’aporie se fonde la démocratie. Et la persuasion lui est nécessaire pour rallier l’opinion et rendre majoritaire ou fort un discours initialement minoritaire ou faible , d’ailleurs susceptible, à l’occasion (kaïros ), d’être supplanté à son tour par un discours rival. Si ce relativisme doublé d’activisme choque Socrate, Platon et leurs disciples philosophes, qui préfèrent aux affaires publiques la quête dialectique de l’Être, il n’est pas incompatible avec la synthèse que propose Aristote dans la Rhétorique . Prévue, à l’instar des Réfutations sophistiques , pour soumettre le discours public aux règles de la morale et de la logique, la Rhétorique d’Aristote va finalement lui reconnaître une spécificité irréductible. Car la persuasion n’appartient pas au seul discours (logos ), mais bien à son double accord, d’une part avec l’autorité morale de l’orateur et de sa cause (ethos ), de l’autre avec les sentiments qu’il éveille chez ceux qui l’écoutent (pathos ). C’est donc légitimement que l’orateur transforme les règles déductives du syllogisme en enthymème allusif, et en métaphore exemplaire les règles inductives de l’analogie, fondées sur une catégorisation stricte en espèces et en genres. Une règle suprême prévaut d’ailleurs sur toutes les autres, celle qui exige un discours adapté à ses fins et à son public, qui dit bien ce qu’il faut, comme il le faut et au bon moment; cette qualité décisive a nom prépon en grec, en latin decorum , de decet (il convient), ou bien aptum (adapté), en français convenance , à-propos , justesse , en anglais right , adequate , appropriate. Cette exigence, Aristote la précise en termes d’institutions; non sans paradoxe, la tradition en tirera un tableau quasi immuable du rôle de l’orateur dans la cité, ordonnant autour des grands lieux athéniens d’exercice de la parole publique l’ensemble des contraintes, des buts et des moyens, dont doit tenir compte celui qui parle s’il veut à bon escient agir sur son public.
Cependant, Aristote, à Athènes, comme plus tard Cicéron, à Rome, explicitent les règles de l’éloquence publique au moment où la démocratie cède à l’Empire d’Alexandre, la république à la dictature de César. Eloquentia obmutuit («l’éloquence s’est tue»), déplore Cicéron dans Brutus ; or celui-ci lui répond que la rhétorique comme étude et comme entraînement suffit à son bonheur. Ce sera, à la fin du Ier siècle de notre ère, la position de Quintilien et celle de Tacite, dans la Vie d’Agricola , pacificateur en Grande-Bretagne de barbares à romaniser, non moins que dans le Dialogue des orateurs : la culture rhétorique est perçue désormais comme la meilleure voie d’accès à la civilisation.
En Grèce, la disparition de la tribune politique amène les théoriciens de la rhétorique soit à se recentrer sur l’éloquence judiciaire, diplomatique et panégyrique, ce que font Hermagoras puis Hermogène, soit à effacer la frontière qu’Aristote avait tracée entre rhétorique et poétique en soumettant le théâtre et l’épopée, aussi bien que les orateurs anciens lus désormais par plaisir, à la juridiction d’une analyse rhétorique où, dans la variété des styles, prolifèrent, chez Théophraste et Denys d’Halicarnasse, les figures de pensée et de mots – diction, construction, signification: métaplasmes, schémas et tropes –, tandis que, dans le traité attribué à Longin, la notion même de persuasion est abolie par l’éblouissement du sublime.
Dans l’univers scolaire, ces deux positions vont s’entrelacer; cependant, l’immense héritage de la rhétorique antique, redistribué en une cascade de divisions mnémotechniques et lesté d’une série d’exercices amenant graduellement à analyser puis à produire des discours, continuera de subsumer la formation du prédicateur, de l’officier, de l’avocat, de l’homme de lettres même, sous la figure unique de l’orateur.
3. Invariants et variations
C’est ainsi que l’on trouve, moins dans l’université médiévale dominée par la dialectique que dans la classe de rhétorique des collèges à partir de la Renaissance, en latin chez les jésuites jusqu’au XVIIIe siècle, en français dans les lycées jusqu’à la fin du XIXe, des manuels qui retransmettent ne varietur la tradition classique telle qu’elle s’était fixée vers le IVe siècle de notre ère, sous la forme d’une méthode procédant étape par étape à la fabrication d’un discours: trouver quoi dire (inventio ), mettre en ordre ce que l’on a trouvé (dispositio ), rédiger ce que l’on a mis en ordre (elocutio ), présenter oralement ce que l’on a rédigé (actio ); en anglais, invention , method , style et delivery . À chacune de ces étapes est attaché un corps de savoir: à l’invention, ethos et pathos, et, pour le logos, arguments et lieux communs; à la disposition, un plan type en six parties: exorde, thèse soutenue et narration des faits, preuve de la thèse soutenue, réfutation de la thèse adverse, péroraison; à l’élocution, l’art de la période, des styles et des figures; à l’action, la maîtrise du geste et de la voix, et l’exercice de la mémoire. L’ensemble étant subordonné à la règle primordiale de convenance ou d’à-propos.
Ces préceptes, illustrés de nombreux exemples, s’accompagnent d’exercices gradués, en latin et en français: dès la classe de troisième, les progymnasmata , fixés au Bas-Empire par Aphtonios, repris dans le Candidatus rhetoricae des pères Pomey et Jouvancy de 1662 à 1892, vont de l’amplification, qui consiste à rédiger une ou deux pages à partir d’un argument bref accompagné de consignes linguistiques (forme affirmative ou interrogative, véhémente ou mesurée, d’ironie ou de respect, etc.), jusqu’à la fable, alliant à une narration une sentence morale, en passant par la chrie , illustrant une sentence-titre au moyen d’un dialogue et vice-versa. En classe de première ou rhétorique viennent les compositions de longue haleine, où l’élève mobilise, autant que sa compétence formelle, ses connaissances historiques et son jugement esthétique ou éthique. Le parallèle «à la Plutarque» – Condé et Turenne, Richelieu et Mazarin, Descartes et Newton, Corneille et Racine – se tient au discours indirect; mais c’est au discours direct que s’exprime l’élève de rhétorique dans les discours proprement dits: la declamatio ou harangue, civile ou militaire (lettre d’un père à son fils le conseillant sur ses études; Hannibal, lors du passage des Alpes, soutient le courage de ses troupes épuisées), et la disputatio ou controverse ou cause, où s’affrontent plusieurs partis (discours de deux sénateurs marseillais conseillant tour à tour au Sénat de leur ville, alors assiégée par César, l’un la résistance, l’autre la reddition). Chaque élève accède donc au monde adulte des fonctions politiques, culturelles et morales, en incarnant à la première personne une gamme de personnages historiques ou fictifs pris dans des situations précises; libre créatif, surprenant s’il le peut – les copies de Michelet, Flaubert, Jaurès en témoignent éloquemment – dans l’exécution d’une performance assignée, comme en un théâtre où la trame d’une intrigue étant fournie et les rôles distribués, chacun composerait à sa guise ses répliques. La maîtrise de la parole en acte s’acquiert donc par identification à distance: tel est le ressort théâtral de la formation rhétorique, de l’Antiquité au XIXe siècle. Avec la dissertation, qui triomphe en France vers 1890, l’élève n’est plus un orateur potentiel mais un critique en herbe: Corneille et Racine... seul survit ici le parallèle littéraire, au discours indirect.
Ainsi déployée sur la très longue durée, la rhétorique peut donner l’impression d’avoir vécu sans histoire jusqu’à l’éclipse de 1860-1960. Elle a connu pourtant une alternance de temps forts et de temps plus faibles: après le millénaire de constitution tumultueux et fécond qui va de la démocratie athénienne à l’intégration effective des cultures gréco-latine et judéo-chrétienne dans le Bas-Empire romain, les invasions barbares marquent une rupture forte, et, si les grands reconstructeurs – Isidore de Séville, Bède le Vénérable en Angleterre, Alcuin à Paris – ont recours à la rhétorique, qui produit quelques belles œuvres au Moyen Âge (Rectorique , en langue d’oïl, de Brunetto Latini, 1266; Li Leys d’Amor , recueil provençal anonyme de 1356), il faut attendre la Renaissance italienne pour qu’elle retrouve vraiment sa subtilité et son faste antiques. Fer de lance de la Contre-Réforme catholique, par la prédication, l’architecture et la peinture, la rhétorique baroque est tenue en suspicion dans les milieux protestants (Ramus, Talon, Fouquelin, 1555) et gêne les catholiques hostiles aux jésuites (Pascal en 1647, Lamy en 1675) qui finissent par obtenir du pape en 1773 la suppression de cette compagnie. Cependant, les institutions parlementaires anglaises puis américaines lui assurent dans le monde anglo-américain une vitalité (Campbell en 1776, Blair en 1783) qui fait école en France chez les libéraux, de la Restauration au second Empire (Cormenin en 1836). Ainsi, avec le traditionnel barreau, la chaire, surtout catholique, et la tribune, en plein développement, sont les grands foyers d’éloquence de l’Europe moderne. Il est vrai que la rhétorique qui s’y déploie reste obstinément fidèle à la tradition antique, et l’enseignement qui y prépare, plus soucieux de transmettre l’héritage que de l’enrichir d’innovations radicales. Mais cet héritage étant lui-même tissé de fils très contrastés, la rhétorique abrite, tout au long de sa longue histoire, de multiples variations, dont la question des styles offre un bon exemple.
Dès ses origines grecques, la rhétorique se projette au pluriel dans l’espace qui l’environne: à la chaude Asie Mineure l’exubérance composite, à la froide Sparte le laconisme lapidaire, à Athènes la pureté tempérée, la mesure, l’équilibre attique. D’ailleurs, l’exceptionnelle liberté de parole ou parrhésie – racine WER – de la tribune athénienne ne saurait s’exporter en Italie, où elle attenterait à la dignitas du Sénat. Car Rome reste longtemps sensible à la hiérarchie des styles, héritée du système indo-européen des castes né de la révolution néolithique; c’est autour des trois fonctions du pasteur nomade, du laboureur sédentarisé et du guerrier que s’ordonne la «roue de Virgile»: Bucoliques , le berger, les moutons, la houlette, les pâturages, l’ombrage du hêtre, style humble; Géorgiques , le laboureur, les bœufs, le soc, le champ, l’arbre fruitier, style tempéré, aurea mediocritas ; Énéide , le guerrier, le cheval, le glaive, le champ de bataille, le cèdre et le laurier, grand style. Ces caractères géographiques et ces tons liés à des styles de vie devenant tempéraments personnels et choix réglés par l’à-propos, le glorieux Bossuet peut méditer sur l’humilité pastorale des paraboles de Jésus-Christ, et l’habile Pétrarque déjouer ces oppositions convenues en inventant une nouvelle construction poétique, la terza rima : «Pastor, arator, eques, pavi, colui, superavi, / Capras, rus, hostes, fronde, ligone, manu. » [Berger, paysan, chevalier, j’ai mené, cultivé, soumis, / Les chèvres, la campagne, l’ennemi, au rameau, à la houe, au poignet.]
Aussi longtemps qu’on écrit en latin, alternent et rivalisent copia et brevitas , l’abondance radieuse de Cicéron et l’énigmatique densité de Sénèque; et dans la France des Lumières, si le style noble s’oppose encore au style bas, l’énergie le dispute au goût – Diderot à Voltaire – sans que la rhétorique se départisse de ses consignes primordiales: variété et convenance. Les romantiques vont briser la roue de Virgile mais, au même moment, les nationalismes naissants reterritorialisent les qualités du style: au français la clarté, à l’espagnol abundancia (la richesse), à l’italien belleza (l’élégance), à l’allemand Nachdrücklichkeit (l’énergie). La tradition rhétorique modifie donc peu ses instruments, mais, au fil des siècles, elle sait en jouer sélectivement dans des partitions changeantes, réinterprétées au gré des sensibilités et des besoins de la cause, harmonisant le divers selon la vocation concertante de sa muse, Polymnie.
4. Controverses
Et pourtant, la rhétorique n’a pas unanimement séduit. Sans parler des philosophes, métaphysiciens ou mathématiciens, trop en quête de vérité pure pour s’intéresser à ce réglage éphémère de l’à-propos que requièrent les affaires publiques, ni des piétistes qui placent leur idéal intimiste dans la famille et le travail artisanal bien fait, certains éducateurs d’élite rejettent la rhétorique comme inutile ou pernicieuse. Le chancelier d’Aguesseau, en 1716, estime que, avec une solide formation juridique, pratiquer les mathématiques pour le raisonnement, la traduction multiple pour la justesse d’expression et les cantates de Vivaldi pour le souffle et la voix prépare mieux à l’exercice de la magistrature que le trop «scholastique» Quintilien. Les jansénistes de Port-Royal ne rédigent aucune rhétorique, réprouvant la débauche d’émotions et l’esprit d’orgueilleuse émulation que suscite, par sa théâtralité espagnole, cette discipline païenne, animée d’une morale héroïque révolue. Ces critiques tendent invinciblement soit à réduire le trivium au couple que forment logique et grammaire, soit à remplacer la rhétorique par la musique, qui ravit sans rien dire. Car c’est ici la persuasion même, l’influence mutuelle de paroles incertaines et troublantes, qui est réprouvée, au nom de la liberté de conscience individuelle ou d’un appel divin personnel, secret et direct.
Dans cet univers de monades modernes en phase d’individualisation, la tradition rhétorique comme voie d’accès humaine à la parole commune devient incompréhensible: attaques et solutions de rechange se multiplient donc. Or de l’extérieur s’en trouve délimité un ultime carré, la rhétorique proprement dite, Rhetorica perennis , fidèle à quatre principes: l’antagonisme est premier et son harmonisation passagère; les causes doivent être légitimées par une valeur acceptable; cette activité requiert réflexion, art et méthode; une cause pour être entendue doit convaincre et toucher. Autour de ce noyau, d’où nous pourrions repartir aujourd’hui, gravitent des antirhétoriques, ou des néo-rhétoriques, qui récusent l’un ou l’autre de ces principes.
Bienvenue tant que le rapport de forces entre Réforme et Contre-Réforme reste indécis, la rhétorique de controverse théologique devient intempestive dès lors qu’est décidée, par les traités de Westphalie en 1648, la territorialisation des deux religions – cujus regio , ejus religio – qui mène à la révocation de l’édit de Nantes. Une religion unique, un État centralisé, un monarque absolu n’ignorent pas tout de la rhétorique, mais développent, contre le modèle sophistique et démocratique athénien, une néo-rhétorique autoritaire ou propagande, qui lie la persuasion à l’un plutôt qu’au multiple; le culte de l’empereur à Rome en offre le premier exemple, dont s’inspirent tour à tour Louis XIV et Napoléon. C’est contre cette rhétorique absolutiste que luttent les philosophes des Lumières.
Au lendemain du désastre de Chéronée, Démosthène soutenait que, même s’il avait été évident depuis le début que la résistance à l’impérialisme macédonien était vouée à l’échec, seule cette ligne de conduite était digne de l’honneur d’Athènes. Rendant à la cité sa fierté dans la défaite, l’orateur jouait là un rôle capital: distinguer du succès la valeur et l’idéal de soi. Aux antipodes de ce modèle classique de légitimation des causes, même perdues d’avance, s’est manifesté de façon récurrente un usage technique du savoir rhétorique, réduit à la «troposchématologie». Pour prouver que la Bible n’a rien à envier à la culture gréco-latine, Bède le Vénérable y relève force tropes et figures; à la Renaissance, les partisans des langues modernes les comptent pour montrer qu’un poème grec ou latin ne perd pas à être traduit en italien, espagnol, anglais ou français; avec la préciosité (euphuism ), le culte du détail rhétorique se fait voie d’accès à la dignité. Ainsi, à défaut de légitimer le culte de la marchandise, la publicité contemporaine déborde-t-elle d’ingéniosité figurale. C’est à cette micro-rhétorique décorative, qui place la valeur dans la richesse du matériau et la prouesse technique, que Victor Hugo déclare la guerre.
À quoi bon étudier la rhétorique? L’éloquence de l’illettré persuade souvent mieux que l’éloquence du lettré. Cette question brutale est posée dès l’Antiquité, et Quintilien prend la peine d’y répondre. Certes, un orateur inculte, défendant spontanément une cause qui lui tient à cœur, a parfois une force de conviction et des accents de sincérité qu’un orateur professionnel atteint rarement; mais, s’il est émotif, il sera versatile et ne pourra soutenir des engagements pris sans réflexion; et, s’il est trop pénétré de son objet, il sera l’homme d’une seule cause, sourd aux objections et bientôt délaissé pour son obstination. Dans l’Europe moderne, la question se pose avec acuité en Angleterre, où la rhétorique très classique de l’Église établie se voit concurrencée par la vive éloquence des sectes, où des laïcs parfois illettrés, sélectionnés pour leur puissance oratoire et formés dans des stages rapides, deviennent des prédicateurs infatigables, forçant le respect par leur conviction, mais hommes d’une seule cause, assurément. Les missionnaires-patriotes pendant la Révolution française, les populistes panslaves en Russie, les militants ouvriers de l’Internationale socialiste fonctionneront sur ce mode, que l’on peut appeler l’antirhétorique de l’enthousiasme. Quintilien n’avait pas prévu que, à l’ère industrielle, elle deviendrait massive, organisée, puis captive de la propagande.
Si, avec la démocratisation de la parole publique, la tradition rhétorique paraît trop lettrée pour survivre, avec la montée de l’esprit scientifique, elle paraît en revanche trop pathétique pour satisfaire aux nouvelles exigences de la raison. À la fin du XVIIIe siècle, par exemple, se dessine dans le judiciaire un mouvement hostile aux plaidoiries d’avocats et proposant de confier à un juge-expert le soin d’appliquer la loi à l’abri de toute pression larmoyante. Selon une réflexion de Montesquieu reformulée par Condorcet, «le jugement est comme un syllogisme dont la loi constitue la majeure, la qualification du fait, la mineure, et la sentence, la conclusion». La logique, comme art du syllogisme, et la grammaire, pour l’exactitude de la qualification, seraient donc les seules disciplines requises par le barreau. Il faudra, sous la Terreur, l’expérience des procès expéditifs puis des exécutions sommaires pour que la défense de l’opprimé recouvre quelque légitimité. Mais, passée la vague du romantisme, le pathétique vers 1880 est de nouveau contesté, y compris en littérature, par l’antirhétorique de l’idée pure; et c’est ce mépris du cœur que déplore Brunetière quand, après la suppression de la rhétorique du programme des collèges en 1890, il en prononce post mortem l’apologie, peut-être prémonitoire: «Nous ne vivons pas seulement de pain, d’algèbre et d’exégèse, mais de toute parole qui vient du cœur de nos semblables et qui pénètre jusqu’au nôtre. Si la rhétorique est l’art de faire valoir cette parole, ni la logique ni la dialectique ne prévaudront jamais contre elle.»
5. Perspectives
La conjoncture actuelle paraît assez favorable au retour de la rhétorique, puisque, dans trois autres disciplines au moins, la philosophie du langage, l’anthropologie culturelle et la linguistique générale, resurgissent des concepts comme discours , genres , circonstances , moment , dialogue , interaction , émotion , polyphonie , ajustement , convenance , qui dans la réflexion rhétorique traditionnelle furent longtemps le pain et le sel.
La plupart des philosophes actuels l’ignorent encore, et le cas de Michel Meyer – soutenant que la rhétorique, comme art duel de «problématiser» en questions nos objets de pensée et de «négocier la distance entre les sujets» que nous sommes, doit nécessairement renaître quand les idéologies s’effondrent – reste exceptionnel. Pour que la jonction avec la pensée contemporaine ait quelque chance de s’établir, encore faut-il que la rhétorique soit autre chose qu’un fatras d’étiquettes grecques rehaussant le commentaire de texte et se prêtant bien à l’hydre scholastique («Au vers 4, le mot souligné est-il une synecdoque ou une métonymie?»). C’est pourquoi il importe de dépasser les esquisses caricaturales ébauchées à la hâte dans les années 1960 et de réécrire l’histoire de la rhétorique de façon complète, approfondie, méditative; sans idéalisation excessive toutefois; et sans perdre de vue que, durant son éclipse, le monde a beaucoup changé: roman, image, cinéma, sciences humaines, sociales, cognitives, technologie des communications, marché mondial et géopolitique, une rhétorique pour notre temps ne peut les esquiver; si une renaissance de la rhétorique renouvelée est envisageable, une simple restauration ne l’est pas.
Quant à sortir la rhétorique de son berceau gréco-latin pour l’étendre au monde entier, la chose ne va pas de soi. Il paraît clair que toutes les civilisations, orales ou lettrées, ont développé des arts de bien dire, poétiques et pragmatiques; mais aucune n’a allié exactement comme à Athènes les techniques d’écriture, mathématique et littéraire, et les institutions de libre parole. Le bien-dire liturgique des brahmanes dans l’Inde des castes et le bien-dire administratif des mandarins dans la Chine impériale, le bien-dire mémoriel des griots dans l’Afrique des palabres et le bien-dire herméneutique des docteurs de la Loi pour les trois religions du Livre ne sauraient être assimilés sans précaution; en l’absence d’une «rhétorique comparée» digne de ce nom, qui ne se contente pas d’appliquer à des données ethnographiques quelques concepts occidentaux comme métaphore ou narration , mais qui confronte les conceptions du bien-dire des différentes traditions culturelles appréhendées dans leurs catégories, le caractère universel des concepts rhétoriques qui nous sont familiers reste purement hypothétique.
En linguistique générale, cependant, on commence à voir aboutir les recherches d’une génération pionnière qui connaît les deux traditions et, en toute connaissance de cause, introduit dans la théorie linguistique des principes qui s’inspirent de la rhétorique. C’est le cas pour la grammaire polylectale de Michel Le Guern, qui redéfinit le concept même de LANGUE en admettant que la variation lui est constitutive: deux interlocuteurs peuvent se parler et se comprendre sans employer exactement les mêmes formes, syntaxiques, lexicales ou phoniques (la plupart des gens dit / la plupart des gens disent ; mettre la table / mettre le couvert ; il fait frais avec è ouvert ou é fermé) et sans qu’aucune des deux variantes ou «lectes» ne soit considérée comme une «faute» ni un «écart à la norme». Les locuteurs cessent donc d’être interchangeables: souvent A, qui dit a, ne pourrait pas dire b, et B, qui dit b, ne pourrait pas dire a; et pourtant, s’ils se comprennent, c’est que chacun d’eux sait – ou sent – que a dit par A est l’équivalent de b dit par B; ils peuvent d’ailleurs à l’occasion s’en assurer par un réglage explicite, le malentendu, au moins partiel, étant l’un des moteurs les plus puissants de la conversation. Avec le même refus du «locuteur-auditeur idéal» unique («l’objet de la linguistique est l’activité de LANGAGE appréhendée à travers la diversité des langues, des textes et des prises de parole»), la théorie de l’énonciation d’Antoine Culioli (1992) insiste sur quelques propriétés rhétoriques primordiales: cette équivalence entre formes qui permet l’ajustement entre interlocuteurs par-delà leurs singularités; la plasticité du langage humain, qui «se prête à l’axiomatique euclidienne ET à l’image poétique»; son intersubjectivité, chacun se réglant sur l’image qu’il a de l’image que l’autre a de ce qui est en question, intégrant donc en soi-même de l’altérité; enfin, cet engagement dans la parole (WER) qui d’un simple locuteur fait un véritable énonciateur . De telles propriétés, récentes en linguistique, et voie d’accès à la complexité du sens et de la communauté parlante, sont la fine fleur d’une rhétorique quintessenciée, soucieuse moins de former des phrases correctes, grammaticales ou logiques, que de dire pleinement quelque chose à quelqu’un.
rhétorique [ retɔrik ] n. f. et adj.
• v. 1130; lat. rhetorica, du gr. rhêtorikê (tekhnê), de rhêtôr « orateur »
I ♦ N. f.
1 ♦ Art de bien parler; technique de la mise en œuvre des moyens d'expression (par la composition, les figures). Poétique et rhétorique. « La rhétorique est à l'éloquence ce que la théorie est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie » (Diderot). Figures, fleurs de rhétorique. — Traité de rhétorique, ou rhétorique. La rhétorique d'Aristote. — La rhétorique de la publicité. ⇒ stylistique.
♢ Anciennt Classe de rhétorique, et n. f. (1591) la rhétorique : classe de première dans les lycées français. « J'étais en rhétorique en 1887 (la rhétorique, depuis lors, est devenue première) » (Valéry). — En Belgique, Classe terminale du « secondaire supérieur » (succédant à la classe dite syntaxe puis poésie).
2 ♦ Littér. Moyens d'expression et de persuasion propres à qqn. Employer toute sa rhétorique à convaincre qqn. « la rhétorique de Lucrèce » (Camus).
3 ♦ Péj. Éloquence ou style déclamatoire de rhéteur (2o). ⇒ déclamation, emphase. « La rhétorique sociale n'a jamais pris sur moi. Ni aucune rhétorique. Je n'aime pas les phrases. Je n'aime que les faits » (Léautaud).
II ♦ Adj. (1877) Qui appartient à la rhétorique, en a le caractère. Procédés rhétoriques. — Recherches rhétoriques.
● rhétorique nom féminin (latin rhetorica, du grec rhêtorikê) Ensemble de procédés constituant l'art du bien-dire, de l'éloquence. Littéraire. Déploiement d'éloquence, de moyens oratoires, pour persuader ; style emphatique et déclamatoire. Autrefois, classe des collèges et des lycées où se terminaient les « humanités » par l'étude de la rhétorique. (C'est, depuis 1885, la classe de première.) En Belgique, classe de terminale des lycées. ● rhétorique (citations) nom féminin (latin rhetorica, du grec rhêtorikê) Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 En France tout finit par des fleurs de rhétorique. Le Libertinage Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! Les Contemplations, Réponse à un acte d'accusation, I, 7 ● rhétorique (difficultés) nom féminin (latin rhetorica, du grec rhêtorikê) Orthographe Attention à la place du h : rhé-. Ne pas se laisser influencer par des mots comme pléthorique. ● rhétorique (expressions) nom féminin (latin rhetorica, du grec rhêtorikê) Chambres de rhétorique, sociétés littéraires, créées dès le XIVe s. en Artois et en Flandre. (Elles donnèrent des œuvres dirigées contre la domination espagnole.) ● rhétorique (synonymes) nom féminin (latin rhetorica, du grec rhêtorikê) Littéraire. Déploiement d'éloquence, de moyens oratoires, pour persuader ; style emphatique et...
Synonymes :
- emphase
- faconde
- pathos
- pompe
● rhétorique
adjectif
Relatif à la rhétorique : Procédés rhétoriques.
rhétorique
n. f.
d1./d Art de bien parler; ensemble des procédés qu'un orateur emploie pour persuader, convaincre. Figures de rhétorique.
d2./d Péjor. Pompe, emphase.
d3./d (Belgique) Classe terminale de l'enseignement secondaire. Il est en rhétorique. (Abrév. Fam. rhéto.)
⇒RHÉTORIQUE, subst. fém. et adj.
I. — Subst. fém.
A. — Technique du discours; ensemble de règles, de procédés constituant l'art de bien parler, de l'éloquence. Enseignement de la rhétorique; maître, professeur de rhétorique; préceptes de rhétorique. Il considérait la rhétorique comme une chose grave; quand il faisait du style, l'hyperbole l'emportait au delà de sa pensée, et il employait des expressions magnifiques pour des sujets assez pauvres (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 102):
• 1. Il semble (...) qu'il y ait rhétorique partout où les mots prennent le pas sur la pensée, se mettent en évidence, appellent l'attention sur leur ordre et leur composition. Ainsi parle-t-on des belles phrases et des « raisonnements sonores » par lesquels un écrivain, un orateur cherche à séduire son public; du « beau vers », ce moule tout fait où le poète s'efforce de couler sa pensée.
PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 206.
— P. méton.
♦ Livre traitant de cette technique ou de cet art. Ces syllabes naturelles ou physiques ne sont pas exactement les mêmes que celles qui sont reconnues et avouées par les grammaires, les rhétoriques, et les poétiques des différentes langues (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 323). Je dévorais tous les traités d'éloquence; je savais par cœur la rhétorique d'Aristote et les discours sur l'éloquence de Fénélon (JOUY, Hermite, t. 1, 1811, p. 96).
♦ Vieilli. Classe de l'enseignement secondaire (correspondant à l'actuelle première) où l'on enseignait la rhétorique. Quelques années de seconde et de rhétorique employées à mal apprendre le grec et le latin (VIGNY, Journal poète, 1847, p. 1261). Lorsque nous étions en rhétorique, il arriva qu'un jour notre professeur s'attarda assez longuement à un rapprochement, qu'il considérait sans doute avec quelque complaisance. Entre L'enfer du Dante de la Divine Comédie et l'idée que purent s'en faire par la suite les romantiques et particulièrement Hugo (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 59).
Rhétorique supérieure. Première supérieure. Brillant élève de lettres en rhétorique supérieure à Condorcet (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. LXXII).
— HIST. LITTÉR. Chambres de rhétorique. [En Flandre et en Artois, au XIVe s.] Sociétés littéraires. Les chambres de rhétorique [des poètes flamands] ont eu beau cultiver et mettre en scène la poésie, aucun talent n'a tiré de cette matière une grande et belle œuvre (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 252).
Rem. 1. On relève un empl. de rhétorique s'appliquant à des faits autres que des faits de discours: Un seul mot couvre de sa clameur répétée le placard de publicité ou l'annonce de spectacles: Sensation! Sensationnel! L'anglicisme répond, en écho:Exciting! C'est ce que Valéry appelait la « rhétorique du choc » (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 52). 2. Le concept de rhétorique est actuellement réexaminé sous l'impulsion de la sémiotique discursive et textuelle et reformulé dans le cadre d'une tentative pour constituer une nouvelle rhétorique générale et une théorie littéraire contemporaine: La rhétorique est considérée par certains comme le second chapitre, après la linguistique, de la sémiotique générale. La rhétorique est une étude du discours, et ces procédés de discours sont pour la plupart codés (REY Sémiot. 1979). 3. Dans le cadre de la sémiotique générale, le concept de rhétorique est appliqué à des langages autres que le langage articulé: rhétorique de la publicité, du message publicitaire, rhétorique de l'image.
B. — En partic.
1. Ensemble des moyens d'expression, des procédés stylistiques propres à une personne ou à un groupe de personnes. J'empruntai des ressources à la langue figurée, je puisai dans les profondeurs de ma rhétorique, je jonchai le chemin de la débutante de toutes les épithètes que peut imaginer un homme de style; je l'élevai sur un trône de périodes, orné de trophées d'érudition pittoresque (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 81). Le petit soldat (...) acquérait les grâces balancées et fleuries du tourlourou parisien. Il en apprenait la rhétorique, les épanouissements galants, les entortillements de style, si flatteurs pour les dames (ZOLA, Page amour, 1878, p. 956).
— En partic. Ensemble des expressions, des figures de style propre à un écrivain ou à une école littéraire. Rhétorique romantique. [V. Hugo] nous avait conquis par ses fortes allures de géant, il nous ravissait par sa rhétorique puissante (ZOLA, Doc. littér., Musset, 1881, p. 74):
• 2. L'exigence de la révolte, à vrai dire, est en partie une exigence esthétique. Toutes les pensées révoltées (...) s'illustrent dans une rhétorique ou un univers clos. La rhétorique des remparts chez Lucrèce, les couvents et les châteaux verrouillés de Sade, l'île ou le rocher romantique, les cimes solitaires de Nietzsche, l'océan élémentaire de Lautréamont, les parapets de Rimbaud...
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 316.
2. Péj. Ensemble de procédés d'éloquence apprêtés, déclamatoires et pompeux. Faire de la rhétorique. Notre excellent Norpois a beau écrire (en sortant un des accessoires de rhétorique qui lui sont aussi chers que « l'aube de la victoire » et le « Général Hiver »): « Maintenant que l'Allemagne a voulu la guerre, les dés en sont jetés », la vérité c'est que chaque matin on déclare à nouveau la guerre (PROUST, Temps retr., 1922, p. 796). Arsène commença de soupçonner que pour son confesseur, l'expression de « Créature infernale » était de pure rhétorique (AYMÉ, Vouivre, 1943, p. 51).
— [En parlant d'un écrivain] Style pompeux et artificiel. Le vrai talent littéraire, c'est d'écrire des livres comme on écrit des lettres, absolument. Tout ce qui n'est pas cela n'est que pathos, pose, rhétorique, enflure (LÉAUTAUD, Journal littér., 1, 1906, p. 249). Je ne puis plus croire une seule des paroles que vous avez écrites. Votre œuvre n'est que rhétorique, un monument de mauvaise littérature (MONTHERL., Pitié femmes, 1936, p. 1188).
Rem. On relève des empl. de rhétorique dans son accept. péj. pour parler de réalités artistiques (mus., archit., sculpt.): Exécrable musique romantique, d'une rhétorique orchestrale à vous faire aimer Bellini (GIDE, Journal, 1907, p. 246). Quand l'ornement, au lieu de suivre la forme, devint lui-même forme, l'art gothique ne fut plus qu'une rhétorique (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 195). À quoi tient notre indifférence à la sculpture romaine dont la gloire couvrit trois siècles, sinon à ce qu'elle nous apparaît comme rhétorique et non comme création? (MALRAUX, Voix sil., 1951, p. 614).
II. — Adj. Qui appartient, est relatif à la rhétorique ou concerne son étude.
A. — [Corresp. à supra I A] Exercices rhétoriques; figure rhétorique. Que si je m'avise à présent de m'informer de ces emplois, ou plutôt de ces abus du langage, que l'on groupe sous le nom vague et général de « figures », je ne trouve rien de plus que les vestiges très délaissés de l'analyse fort imparfaite qu'avaient tentés les anciens de ces phénomènes « rhétoriques » (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 45).
B. — 1. [Corresp. à supra I B 1] « (...) nous mangerons le poulet d'honneur et nous boirons le vin eucharistique ». Dans les premiers temps, papa et maman donnaient mille raisons à leur refus, peu soucieux qu'ils étaient d'accepter cette invitation saugrenue (...). Ils comprirent bien vite que l'offre de M. Wasselin était surtout une effusion rhétorique (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 87).
— [Corresp. à supra I B 1 en partic.] J'ai repris (...) Les Orientales de Hugo. (...) Quelle prodigieuse invention rhétorique! Tout y est: la force, la grâce, le sourire et les plus pathétiques sanglots. Quelle ressource! Quel soulèvement poétique! Quelle science du vers, et dont il se joue! (GIDE, Journal, 1929, p. 955).
2. [Corresp. à supra I B 2] Les phrases rhétoriques et apprêtées de Jean-Jacques Rousseau (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 122).
REM. Rhétoriser, verbe intrans., hapax. La langue s'acheva et se fixa sans Montaigne. Balzac rhétorisa sans lui (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 448).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694-1740: rhetorique; dep. 1762: rhé-. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. a) ca 1150 « celui des arts libéraux qui enseigne l'art de l'éloquence » ici, allégorie représentée sur une œuvre d'art (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4992); ca 1160 (Eneas, 2208 ds T.-L.: De deviner ne sai son maistre [de la Sibylle de Cumes] [...] De retorique et de musique, De dïalectique et gramaire); b) 1er tiers XVe s. [ms.] premiere rettorique « art d'écrire en prose » (Règles de la seconde rhét. ds Rec. d'arts de seconde rhét., éd. E. Langlois, p. 11); id. seconde rettoricque « art d'écrire en vers; poétique » (ibid.); ca 1405 couleurs de rethoricque « ornements du style » (JACQUES LEGRAND, Des rimes, ibid., p. 1); fin XVe s. fleur de rethoricque (JEAN MOLINET, Faicts et dictz, éd. N. Dupire, LXIII, 30, t. 2, p. 856); 2. 1269-78 désigne le ,,De inventione rhetorica`` de Cicéron (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 16167); 3. a) fin XIVe s. « habileté, élégance dans l'art de s'exprimer » (FROISSART, Chron., éd. G. Raynaud et S. Luce, II, § 106, t. 9, p. 171, 27: Il [Jehan Lion] parloit de si biau retorique et par si grant art); 1593 la rhetorique de [qqn] « son habileté à s'exprimer » (Satyre Ménippée, IX, Harangue recteur Rose, éd. Ch. Read, p. 136: Je suis meu d'une indicible ardeur de mettre avant ma retohorique); 1689, 4 sept. épuiser sa rhétorique (SÉVIGNÉ, Lettres, éd. G. Gailly, t. 3, p. 524); b) 1748 péj. « affectation de style pompeux et vide de sens » (MONTESQUIEU, Esprit des lois, XXVIII, 1 ds Œuvres, éd. R. Caillois, t. 2, p. 793: les lois des Wisigoths [...] sont puériles, gauches [...] pleines de rhétorique, et vides de sens); 4. 1591 Bayonne « classe où l'on enseigne la rhétorique » (ds J. M. DREVON, Hist. d'un collège, 1889, p. 351 d'apr. P. ZUMTHOR ds Z. rom. Philol. t. 72 1956, p. 348). B. Adj. 1509 « de rhétorique » (LEMAIRE, Illustr., I, 32 ds HUG.: les rhetoriques couleurs). A empr. au lat. rhetorica (ars) « rhétorique », gr. ; rhetorici, masc. plur. « les ouvrages de rhétorique de Cicéron », rhetorica, neutre plur. « les préceptes de rhétorique ». À rapprocher de couleurs de rethoricque [A 1 b], colours rethorienes (1212, ANGIER, trad. Dial. S. Grégoire, 183 ds MEYER, n ° 23, p. 342b). B empr. à l'adj. lat. rhetoricus « de rhétorique ». Fréq. abs. littér.:659. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 642, b) 690; XXe s.: a) 1 180, b) 1 174. Bbg. ARRIVÉ (M.). Poétique et rhétorique. In: Les Sciences du lang. en France au XXe s.: art. recueillis par B. Pottier. Paris, 1980, pp. 59-92. — BARTHES (R.). L'Anc. rhétorique. Communications. 1970, n ° 16, pp. 172-229. — GOHIN 1903, p. 233. — KEHRLI (P.). Rhétorique et poésie... Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1976, t. 14, n ° 2, pp. 21-50. — KERBRAT-ORECCHIONI (C.). L'Énonciation de la subjectivité dans le lang. Paris, 1980, pp. 210-216. — REBOUL (O.). La Rhétorique. Paris, 1984, pp. 5-8. — Rhétorique gén. par J. Dubois, F. Edeline... Paris, 1970, pp. 8-27.
rhétorique [ʀetɔʀik] n. et adj.
ÉTYM. V. 1130, n. f., également rectorique, en anc. franç.; lat. rhetorica, du grec rhêtorikê (tekhnê), de rhêtôr « orateur ».
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I N. f.
1 Art de bien parler; technique de la mise en œuvre des moyens d'expression du langage (par la composition, les figures).
1 Rhétorique, art de parler sur quelque sujet que ce soit avec éloquence et avec force. D'autres la définissent l'art de bien parler, ars bene dicendi (…) Il n'est pas nécessaire d'ajouter que c'est l'art de bien parler pour persuader (…) Le chancelier Bacon définit très philosophiquement la rhétorique, l'art d'appliquer et d'adresser les préceptes de la raison à l'imagination, et de les rendre si frappants pour elle, que la volonté et les désirs en soient affectés (…) Aristote définit la rhétorique un art ou une faculté qui considère en chaque sujet ce qui est capable de persuader (…) La rhétorique est à l'éloquence ce que la théorie est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie.
Encycl. (Diderot), Rhétorique.
♦ La rhétorique traditionnelle comprenait quatre parties, trois pour la préparation du discours : invention (infra cit. 2), disposition (⇒ Discours, infra cit. 18; division), élocution; et une pour la prononciation (ou action); on y ajoutait parfois la mémorisation (memoria). ⇒ aussi Dialogisme, ethos, ithos, 1. lieu (lieu commun), pathos, topique. || Les figures de rhétorique. ⇒ Figure; trope. || Enseignement de la rhétorique, professeurs de rhétorique (→ Grammairien, cit. 2; hellénique, cit. 1; langage, cit. 21). || Éloquence (cit. 5 et 11) et rhétorique. || Les fausses couleurs (→ Besoin, cit. 55), les fleurs (cit. 36), les agréments, les ornements de la rhétorique (→ Prédication, cit. 2). — (V. 1265). || Une rhétorique, ouvrage qui traite de cette technique; théorie, méthode de rhétorique. || Traité de rhétorique (→ Classer, cit. 4; haut, cit. 58). ⇒ Méthode (oratoire). || La rhétorique d'Aristote, de Cicéron, de Quintilien, de Longin… || La rhétorique de Pascal, nom donné traditionnellement à l'ensemble des pensées sur le style et l'art de persuader dans les premières pages des Pensées. || Les rhétoriques du XVIIe, du XVIIIe siècle. || La rhétorique de Fontanier.
1.1 Plus on dédaigne la rhétorique, plus il sied de respecter la grammaire (…) Le style est comme le cristal, sa pureté fait son éclat.
Hugo, Odes et Ballades, Préface de 1826.
1.2 Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe !
Hugo, les Contemplations, I, 7.
2 Car il est évident que les rhétoriques et les prosodies ne sont pas des tyrannies inventées arbitrairement, mais une collection de règles réclamées par l'organisation même de l'être spirituel. Et jamais les prosodies et les rhétoriques n'ont empêché l'originalité de se produire distinctivement. Le contraire, à savoir qu'elles ont aidé à l'éclosion de l'originalité, serait infiniment plus vrai.
Baudelaire, les Curiosités esthétiques, IX, IV.
3 C'est là le domaine des figures, dont s'inquiétait l'antique « Rhétorique », et qui est aujourd'hui à peu près délaissé par l'enseignement. Cet abandon est regrettable.
Valéry, Variété, Enseignement, Œ., t. I, Pl., p. 1440.
3.1 La rhétorique dont il sera question ici est ce méta-langage (dont le langage-objet fut le « discours ») qui a régné en Occident du Ve siècle avant J.-C. au XIXe siècle après J.-C. (…) Ce méta-langage (discours sur le discours) a comporté plusieurs pratiques, présentes simultanément ou successivement, selon les époques, dans la « Rhétorique » :
1- Une technique, c'est-à-dire un « art », au sens classique du mot : art de la persuasion, ensemble de règles, de recettes dont la mise en œuvre permet de convaincre l'auditeur du discours (et plus tard le lecteur de l'œuvre), même si ce dont il faut le persuader est « faux ».
2- Un enseignement : l'art rhétorique, d'abord transmis par des voies personnelles (un rhéteur et ses disciples, ses clients), s'est rapidement inséré dans des institutions d'enseignement; dans les écoles, il a formé l'essentiel de ce qu'on appellerait aujourd'hui le second cycle secondaire et l'enseignement supérieur; il s'est transformé en matière d'examen (exercices, leçons, épreuves).
3- Une science, ou en tout cas, une protoscience (…)
4- Une morale : étant un système de « règles », la rhétorique est pénétrée de l'ambiguïté du mot : elle est à la fois un manuel de recettes, animées par une finalité pratique, et un Code, un corps de prescriptions morales, dont le rôle est de surveiller (c'est-à-dire de permettre et de limiter) les « écarts » du langage passionnel.
5- Une pratique sociale : la Rhétorique est cette technique privilégiée (puisqu'il faut payer pour l'acquérir) qui permet aux classes dirigeantes de s'assurer la propriété de la parole.
♦ Renaissance, réhabilitation de la rhétorique dans la théorie littéraire contemporaine. || Rhétorique et Littérature (Kibédi Varga). || La Rhétorique restreinte (G. Genette). || Rhétorique générale (Groupe μ, 1970). — Rhétorique et communication. || « Nouvelle rhétorique » et théorie de l'argumentation (Perelman).
3.2 La rhétorique, qui est un ensemble d'opérations sur le langage, dépend nécessairement de certains caractères de celui-ci. Nous verrons que toutes les opérations rhétoriques reposent sur une propriété fondamentale du discours linéaire : celle d'être décomposable en unités de plus en plus petites.
Groupe μ, Rhétorique générale, p. 30.
♦ La rhétorique de… (suivi du nom d'un type de discours). || La rhétorique de l'argot, de la publicité; la rhétorique publicitaire.
2 Anciennt. || Classe de rhétorique, et, n. f. (1591), la rhétorique : classe de l'enseignement secondaire où l'on enseignait particulièrement la rhétorique, correspondant à l'actuelle première (→ Avancer, cit. 61; grand, cit. 10; quitter, cit. 25). || Rhétorique supérieure : première supérieure.
4 J'étais en rhétorique en 1887 (La rhétorique, depuis lors, est devenue première : grand changement dont on pourrait déjà tirer une réflexion infinie).
Valéry, Variété, Essais quasi politiques, Œ., t. I, Pl., p. 1134.
♦ Régional (Belgique). Classe terminale classique du secondaire supérieur (succédant à la syntaxe et à la poésie), appelée aussi première classique.
3 Littér. || La rhétorique de qqn, les moyens d'expression et de persuasion qui lui sont propres. || Employer toute sa rhétorique à convaincre qqn, à plaider une cause… || « Vous y perdrez votre rhétorique » (Académie).
5 Je vous écoute dire, et votre rhétorique
En termes assez forts à mon âme s'explique.
Molière, Tartuffe, III, 3.
4 Ensemble de procédés d'expression (figures, images…) propres à un écrivain.
6 (…) son vocabulaire témoigne pourtant d'une sensibilité nouvelle (…) Mœnia mundi, les remparts du monde, sont une des expressions-clés de la rhétorique de Lucrèce.
Camus, l'Homme révolté, p. 48.
5 Péj. Éloquence ou style déclamatoire de rhéteur (2.). ⇒ Déclamation, emphase (cit. 2); rhéteur, rhétoricien. || Rhétorique exaltée (→ Appel, cit. 9), fuligineuse (cit. 5), bavarde (→ Amplification, cit. 2). || Littérature, talent littéraire (cit. 7) opposés à rhétorique (→ Noblesse, cit. 8). || Dégagé de toute rhétorique (→ Préluder, cit. 3).
7 Il est bien vrai que je suis un mauvais citoyen. La rhétorique sociale n'a jamais pris sur moi. Ni aucune rhétorique. Je n'aime pas les phrases. Je n'aime que les faits.
Paul Léautaud, Propos d'un jour, p. 83.
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II Adj. et n. m.
1 Adj. (1611; rhetoric « conforme aux règles d'une composition littéraire harmonieuse », v. 1510). Qui appartient à la rhétorique, qui a le caractère de la rhétorique. || Procédés, phénomènes rhétoriques (→ 1. Que, cit. 56). || Figures rhétoriques. ⇒ Trope. || Fonctions, facteurs rhétoriques. || Force rhétorique d'une figure.
8 Le style des scènes antiques était vain pour un chrétien parce qu'il était une expression rhétorique du monde.
Malraux, les Voix du silence, p. 222.
♦ Qui concerne l'étude de la rhétorique. || « Recherches rhétoriques » (Communications, no 16, 1970).
2 N. m. || Le rhétorique : ce qui ressortit à la rhétorique en tant que technique de l'expression ou en tant que champ d'étude; ensemble des procédés, des effets que la rhétorique utilise, produit. || Le rhétorique et le stylistique.
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DÉR. Rhétoricien, rhétoriqueur.
Encyclopédie Universelle. 2012.