tout [tu]; toute [tut]; tous [tu, tuz] adj. ou [tus] pron. toutes [tut]; touts [tu] adj., pron., adv. et n.
ÉTYM. Xe, tot; du lat. vulg. tottus, forme expressive de totus « tout entier, intégral » (a pris le sens de omnis « tout; chaque ». → Omni-).
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I Adj.
A Tout, toute (adjectif qualificatif). ⇒ Complet, entier, intégral. — REM. Tout n'est pas synonyme de ces adjectifs; il a une valeur moins nette, qu'il doit à sa forme monosyllabique et à ses rôles de mot grammatical.
1 a Employé devant un nom précédé de l'article défini. || Tout le, la, les (et nom). || Tout le jour, toute la nuit (→ 2. Mort, cit. 7). ☑ Tout le temps (supra cit. 4). ⇒ Toujours. — Toute la terre, toute la face de la terre (→ Nez, cit. 11). || Tout le grand (cit. 17) ciel bleu. ☑ Tout le monde. ⇒ Monde (II., 4.). — Tout le reste (→ Foyer, cit. 21); fam. tout le bazar, le bataclan, le tremblement (→ Poudre, cit. 18; scène, cit. 8), le saint-frusquin, le bordel, le toutim… ⇒ Reste (I., A., 5. : tout le reste). — Toute la marmaille (cit. 1 et 2), la smala (cit. 2). || Tout le pays, tout le village est venu : (par exagér.) il y a eu grande affluence. || Tout le plaisir des jours est en leurs matinées (cit. 1). — Tout le mal (→ Intention, cit. 4), toute la réalité (cit. 3) possible. ⇒ Possible (I., 2., a.). — C'est toute la question (cit. 12), tout le problème. || Avoir tout l'air, « toute la mine de… » (Molière, les Précieuses ridicules, 9). || Ça m'en a tout l'air. — ☑ Pour tout l'or (cit. 25 et supra) du monde. || Dans toute la force du terme. — C'est tout le portrait de son père.
b Avec l'article indéfini. || Tout un, une (et nom). || Tout un hiver (→ 2. Poêle, cit. 1), toute une année. || Tout un jour (→ Plage, cit. 1), toute une longue journée. || Tout un passé (1. Passé, cit. 9) de gloire, d'honneur… || Tout un homme, rien qu'un homme (→ Réfractaire, cit. 2). || « Toute une mer immense où fuyaient des galères » (cit. 1). || C'est tout un monde que chacun porte en soi (→ Solitude, cit. 11). || Il s'en fait tout un monde (I. 6.).
1 Tout un monde fatal, écrasant et glacé (…)
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, « Maison du berger », I.
2 Toute une nuit j'ai cru que mon âme était morte
Toute une longue nuit immobile et glacé
Quelque chose dans moi grinçait comme une porte (…)
Aragon, le Roman inachevé, p. 203.
♦ C'est tout un roman, toute une affaire, toute une histoire.
REM. Dans ce tour, tout renchérit sur le nom attribut et prend le sens de « véritable » plutôt que celui de « entier, intégral ». C'était toute une science (→ Tératologique, cit. Hugo). « Cet admirable Roman de Renart, qui est toute une épopée » (→ Fable, cit. 14). Devant un féminin, certains laissent tout invariable, comme s'il était adverbe (→ ci-dessous, IV.) : || « C'est tout une histoire » (France, Crainquebille, in Grevisse). || « Cinq ou six ! c'est tout une écurie ! » (Hugo, le Roi s'amuse, I, 4).
3 — (…) tu ne connais pas l'histoire de Mlle Perle ?… Oh ! mais c'est toute une aventure !
Maupassant, Mademoiselle Perle, Pl., t. II, p. 674.
4 Quant à les aimer (les femmes du monde), c'est toute une affaire.
France, le Lys rouge, IV.
5 Il (un bébé) connaît le monde par la bouche : c'est toute une méthode.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, p. 9.
5.1 Autrefois, Tomsk passait pour être située à l'extrémité du monde. Voulait-on s'y rendre, c'était tout un voyage à faire.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 310.
c Devant un possessif. || Tout mon, ton, son… || Tout mon sang se fige (cit. 2). || Toute mon ambition (→ Attacher, cit. 23). || Toute votre félicité… (→ Instabilité, cit. 2). || Toute sa personne (infra cit. 8). ☑ Tout son soûl (cit. 2 et 3). ☑ J'ai tout mon temps (→ Prier, cit. 18). || Toute sa petite famille. — ☑ De tout mon cœur (cit. 51, 52; et supra). || De toute ma hauteur (→ Flac, cit.). || De tout son poids, de tout son long (cit. 32).
d Devant un démonstratif. || Tout ce, cet… || Tout ce jour, tout cet été. — Tout ceci (→ Moi, cit. 7; préjuger, cit. 2), tout cela (→ 1. Louche, cit. 10; lourd, cit. 33; 3. mort, cit. 10; peine, cit. 14; prix, cit. 20). — Tout ça : l'ensemble du contexte. || Tout ça, c'est de la bêtise, (fam.) c'est des bêtises. || « Et tout ça, ça fait D'excellents français » (Maurice Chevalier, chanson). — Pour conclure une énumération. || … et tout ça. → Et tout (ci-dessous, supra cit. 77). ☑ Tout ça tout ça (sans pause) : et tout le reste. — Tout celui (→ Posséder, cit. 15), toute celle (→ Cacher, cit. 13). — Tout ce que…, ce qui… (→ 1. Bon, cit. 11; détailler, cit. 2; modèle, cit. 4; mourir, cit. 43; souffrance, cit. 6). || La liberté (cit. 23) consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. || Tout ce que je hais (→ Libre, cit. 12, Racine). || Tout ce qui lui passe par la tête (→ Insouciant, cit. 2). — (Désignant des personnes). || Tout ce qui vit, respire. || « Oh ! je porte malheur (cit. 41) à tout ce qui m'entoure ». — ☑ Prov. Tout nouveau, tout beau, tout ce qui est…
REM. Tout ce…, désignant des personnes, peut être repris par un nom au pluriel régissant un verbe au pluriel : || « Tout ce qui reste ici de braves janissaires (…) Sont prêts à vous conduire à la Porte sacrée » (Racine, Bajazet, v. 621-625). De nos jours, le singulier prévaut : || « Tout ce que la paroisse pouvait fournir de prêtres et d'enfants de chœur précédait le char » (Mauriac, le Mystère Frontenac, p. 215, in Grevisse).
6 (…) je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable (…)
Molière, Dom Juan, I, 2.
7 Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : « Ils ont aimé ! »
Lamartine, Premières méditations poétiques, « Le lac ».
8 Et nous retrouvions, nous sur qui la douleur passe,
Toute cette douceur dans toute ta beauté !
Hugo, les Contemplations, VI, VIII.
♦ ☑ Tout ce qu'il y a de…, suivi d'un nom pluriel. || Tout ce qu'il y avait à Paris de marauds (cit. 2). — REM. Avec ce tour l'accord du verbe peut se faire au singulier ou au pluriel.
9 Tout ce qu'il y a d'hommes sont presque toujours emportés à croire non pas par la preuve, mais par l'agrément.
Pascal, Opuscules, III, XV, De l'esprit géométrique, 2e éd. Brunschvicg, p. 185.
10 — (…) je veux que tout ce qu'il y a en France de merles un peu bien nés y soient solennellement rassemblés.
A. de Musset, Histoire d'un merle blanc, VIII.
11 Tout ce qu'il y avait de gens éclairés l'accueillirent, l'exaltèrent (Ronsard).
Sainte-Beuve, Tableau de la poésie franç. au XVIe s., p. 70.
12 Tout ce qu'il y a de grands hommes çà et là étouffés me semble composer (…) un cœur mystérieux (…)
Sainte-Beuve, Volupté, XIII.
♦ ☑ Fam. Tout ce qu'il y a de plus… (cit. 81 et 82) qualifiant un adjectif (ou un substantif adjectivé), au sens de « très ».
REM. 1. Dans cette expression, le verbe avoir reste souvent au présent même lorsque la principale est au passé (l'expression équivaut alors à un adverbe). → ci-dessous, cit. 15, Ramuz.
2. Lorsque le nom dont dépend l'adjectif est au pluriel, cet adjectif peut s'accorder avec lui : || « des embuscades tout ce qu'il y a de plus classiques » (J. Perret, Bande à part, p. 238); ou rester au singulier : || « des gens tout ce qu'il y a de plus honorable » (Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VIII, p. 106).
13 Il trouvait Louis-Philippe poncif, garde-national, tout ce qu'il y avait de plus épicier et bonnet de coton (Flaub., Éduc., II, 38); — M. Roque déclara le trépas de l'Archevêque « tout ce qu'il y avait de plus sublime » (ID., Ibid., II, 183).
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 691.
14 Sérieux, alors (…) — Tout ce qu'il y a de plus sérieux !
Alphonse Daudet, l'Immortel, X.
15 (…) c'était de nouveau maintenant un bel et bon chalet, tout ce qu'il y a de plus suffisant (…)
C.-F. Ramuz, la Grande Peur…, IV.
15.1 J'avoue que je me plais beaucoup avec lui, tout ce qu'il y a de plus lié avec les La Rochefoucauld.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 666.
♦ Tout ce qu'on fait de mieux comme…, tout ce qui se fait de mieux dans le genre.
16 Le cabinet florentin avec des tentures était tout ce qu'on fait de mieux comme confessionnal moderne.
Aragon, les Cloches de Bâle, II, XXII.
e (Employé devant un nom sans article, dans des loc.). || Avoir toute licence (cit. 6 et 7), toute liberté. || Donner toute satisfaction. ⇒ Entier, plein. || Avoir tout intérêt, un intérêt évident et grand (→ Lest, cit. 4). ☑ Tout compte (infra cit. 4) fait. — ☑ À toute force (cit. 56; et supra). ☑ À toute extrémité. ☑ À toute allure (→ Filer, cit. 27; descendre, cit. 38), à toute vapeur (→ Jugulaire, cit. 1), à toute vitesse : à la vitesse la plus grande possible (→ Marqueur, cit. 2). ☑ Fam. À toute berzingue, à toute pompe : à toute vitesse. ☑ À toute bride (cit. 13). ☑ À toute volée (→ Gifler, cit. 2). — De toute éternité (→ Éternel, cit. 13). ☑ De tout temps (supra cit. 28). ☑ De toute beauté : très beau. ☑ De tout cœur : de bon cœur. — ☑ En toute franchise : très franchement. || En toute innocence; en tout respect (→ Lutiner, cit. 1). ☑ En tout bien (2. Bien, cit. 75 à 78) tout honneur. ☑ En toute hâte (→ Laper, cit. 2). || En toute liberté (→ Négligé, cit. 3), en toute sûreté (→ Étrange, cit. 7). || En toute vérité (→ Lumière, cit. 19). ☑ En toute simplicité. ☑ Selon toute apparence : d'une manière très probable (→ Rêve, cit. 9).
16.1 Jacques s'était levé, en toute politesse (…)
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 95.
REM. Seules les expressions consacrées sont en usage; on ne peut dire normalement, malgré le modèle de de toute beauté, de toute splendeur, de toute perfection; ainsi l'exemple de Queneau, ci-dessus, est stylistique.
♦ Spécialt. ⇒ Tout-puissant, toute-puissance.
REM. On a formé sur ce modèle quelques composés (vx ou littér.), dérivés d'expressions du type tout jeune, où tout, adverbe, modifie un adjectif.Sa toute-bonté (→ Santé, cit. 15). || « Sa toute-présence immanente (de Dieu) » (Gide, Journal, 6 janv. 1933). « Dans cette combinaison (tout) devient une sorte d'exposant quantitatif, et marque le plus haut degré » (G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §464).
17 Quoique nous fussions à la toute fin de l'hiver.
Paul Bourget, Voyageuses, p. 210.
f (Adj. employé en apposition). — Vx ou littér. || Un siège où elle se ramasse toute (→ Sangloter, cit. 3). — Cour. (devant une préposition). || Elle était toute à son travail. || La vérité est toute à tous (→ Devoir, cit. 11). || Tout, toute de…, en…, dans…
REM. Dans cet emploi, tout, adjectif, équivaut à tout entier, et se distingue par le sens de tout, adverbe. Cf. Je suis toute à vous (→ ci-dessous, cit. 22, France) et je suis tout à vous (→ ci-dessous, IV., 1., b), qui, lorsque c'est une femme qui parle, peuvent avoir des valeurs très différentes. — Dans des phrases comme « Elle était vêtue toute en blanc » (Gide, la Porte étroite, in Grevisse) ou « Une robe toute en satin » (→ Frou-frou, cit. 2), seul l'accord permet de distinguer l'adjectif de l'adverbe. Cette distinction est impossible au masculin singulier et lorsque l'adverbe lui-même s'accorde (→ ci-dessous IV., A., 1., a, Accord de tout, adv.).
18 Laisse-moi désormais toute à mon désespoir (…)
Molière, Tartuffe, II, 3.
19 C'est l'épreuve; acceptons-la toute !
Hugo, les Quatre Vents de l'esprit, III, XXVII.
20 Ton âme en me parlant me bouleverse toute.
Hugo, Ruy Blas, III, 3.
21 Elle, toute à la violence de ses idées et de ses souvenirs, continua (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Vengeance d'une femme », p. 411.
22 (…) depuis que j'ai le bonheur (…) de vous connaître, j'ai été toute à vous. Est-ce que j'aurais pu être à un autre ?
France, le Lys rouge, XXXIV.
23 Sa pensée était toute à son frère (…)
Émile Henriot, Aricie Brun, III, III.
24 Ma mère, toute à son fardeau, toute à la fièvre sacrée de ses devoirs (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, I, VI.
25 Il est tout dans le trait, le ton, la formule et la flèche, il prodigue les raccourcis et les réactions vives de l'esprit.
Valéry, Variété II, p. 139.
♦ Littér. || Tout, toute de… : tout entier formé de…
26 (…) il s'enchantait à la pensée d'une existence toute de conquête spirituelle, de possession intérieure (…)
F. Mauriac, le Mal, X.
27 Contrée toute d'espace et d'appel qui compose sur le sol un site comme il faudrait avoir l'âme (…)
Roger Caillois, le Rocher de Sisyphe, p. 117.
g Fam. || C'est tout… (suivi d'un nom sans article) : la collection entière (désignée par ce) présente tel caractère. || C'est tout crapule et compagnie.
28 — C'est tout espions, dans ce pays (…)
R. Dorgelès, les Croix de bois, VI.
29 À les prendre un à un, remarquez, c'est tout bons garçons et pas maniérés pour un sou.
M. Aymé, Travelingue, XIX.
REM. Ce tour est à rapprocher de la construction plus rare avec le pluriel (où tout est pris au sens I, B, 1) : || « Ce sont toutes fables que vous contez là » (Littré); || « C'étaient tous comtes, vicomtes » (Flaubert, l'Éducation sentimentale, in Grevisse) : ce ne sont, ce n'étaient que…
h Pour tout… (suivi d'un substantif sans article) : en fait de…, sans qu'il y ait rien d'autre. ⇒ Pour (I., 3.); seul (→ Apprêt, cit. 1; faiseur, cit. 14; haranguer, cit. 3; 3. mal, cit. 2; prière, cit. 1). ☑ Pour tout potage (cit. 4 et supra). — REM. L'emploi du pluriel pour tous (→ ci-dessous, I., B., 1.)…, fréquent dans l'ancienne langue, semble réservé de nos jours aux substantifs qui ne s'emploient qu'au pluriel (N'avoir pour tous gages…).
30 Dans ces phrases (…) « Pour toute ambition, pour vertu singulière, Il excelle à conduire un char dans la carrière » (Rac., Brit., 1471-72); « Pour toute réponse, Mlle Bernard fondit en larmes » (A. Hermant, Le rom. de Loup, 157); il est visible que, là, toute a le sens restrictif de seule.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §443.
31 Ils avaient pour tout domestique une servante (…)
Hugo, les Misérables, I, I, I.
i Devant un nom sans article, qualifiant le sujet ou le nom attribut (ou épithète).
REM. Cette construction ne se distingue pas toujours de celle où tout est adverbe (→ ci-dessous, IV., 5.). — Elle était encore toute mansuétude et charité (Duhamel, Pierre d'Horeb, p. 247) peut signifier soit : « elle était tout entière faite de mansuétude » (tout qualifie le sujet — ce cas est en fait très rare et n'apparaît distinctement que dans des exemples du type : elle est toute courage, où tout ne peut pas qualifier l'attribut); soit : « elle était la mansuétude même » (tout qualifie l'attribut. Cf. « Il était toutes ténèbres » [M. Bedel, in Grevisse]).
32 (…) il est toute science (…)
Molière, le Médecin malgré lui, II, 1.
33 La solitude est tout mouvement et toute harmonie (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, I, VIII, 3.
34 Ce sont les souhaits innocents d'un enfant qui désire être toute vue pour s'émerveiller des rayons et des ombres, tout odorat pour respirer la bonne odeur des prairies, tout ouïe pour jouir des oiseaux chanteurs, et tout cœur pour accueillir les sourires de l'amitié.
M. Barrès, le Mystère en pleine lumière, p. 216.
REM. Avec ouïe, tout est adverbe.
35 Cet homme, mon aîné de trente ans, était envers moi toute simplicité et bienveillance.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, XVIII, IX, p. 100.
j Littér. (Employé avec un pronom, en général sous la forme tout). || Tout moi (cit. 54) : tout mon être. || De tout lui-même : de tout son cœur, de tout son être.
36 Ayant enfin choisi de jouer cette partie (…) il la joue de tout lui-même.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XXI, XVII, p. 257.
REM. 1. Tout désignant l'intégralité, la totalité d'une œuvre, s'emploie devant le nom d'un auteur. Lire tout Racine, tout Madame de La Fayette. — Devant un titre comportant un article, tout reste invariable. Lire tout les Hommes de bonne volonté, tout Une ténébreuse affaire, etc. — Si le titre commence par un article féminin singulier, certains grammairiens préfèrent l'accord (lire tout ou toute la Chartreuse de Parme). Avec un article féminin pluriel il vaut mieux éviter ce tour, avec ou sans accord (tout ou toutes les Fleurs du mal, les Femmes savantes) et dire j'ai lu en entier, « les… ». — Si l'article ne fait pas partie du titre, on accorde tout dans la mesure où le titre désigne un genre littéraire, un texte… Toutes les Oraisons funèbres de Bossuet, les Méditations de Lamartine (mais évidemment pas : toutes Leurs Figures, de Barrès).
2. Devant un nom de ville sans article, tout, généralement invariable, peut désigner la totalité de la ville (il voyait tout Nagasaki; → Sabord, cit. 2) ou tous les habitants. Tout Rognes fauchait (→ Sentir, cit. 3). Presque tout Stamboul (→ Monter, cit. 25). Tout Alençon (→ Présentation, cit. 1). Cependant, l'accord est assez rare et ne se justifie guère que lorsqu'il s'agit de la totalité matérielle que constitue la ville. Enfin, si le nom de ville est suivi d'un complément, l'article défini s'intercale entre tout et le nom propre : « Tout le Paris du XIIe siècle. »
37 — (…) tout Naples peut rendre témoignage de ma naissance.
— (…) vous parlez devant un homme à qui tout Naples est connu (…)
Molière, l'Avare, V, 5.
38 Et, durant tout un jour, j'ai eu toute Venise,
Venise, tout entière à moi.
H. de Régnier, Vestigia flammæ, « Soir vénitien ».
♦ (V. 1820). || Tout-paris, le tout-paris : les personnes les plus notables de Paris, tout ce qui compte à Paris (→ Annuaire, cit.). — REM. On trouve aussi, plus rarement, le Tout-Londres, le Tout-Nice, le Tout-New York. — Par anal. || Le Tout-Cinéma : tous les milieux connus, en vue, du cinéma.
39 Ce soir « le tout Paris illustre » est réuni aux Italiens, dans une représentation privée.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 27 nov. 1883, t. VI, p. 196.
40 Je n'avais aucune envie de faire partie du Tout-Paris et de parader en vêtements de fête : mais cela m'amusait de voir de près des notoriétés et de belles toilettes.
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 362.
k (Suivi d'un nom sans article, dans des tours elliptiques à fonction d'adj.). || « Le travail professionnel toutes catégories » (in Gilbert). || Atterrissage tous temps, par tous les temps. || Un film tous publics, pour tous les publics. || Un véhicule tous terrains, pour tous les terrains (plus cour. : tout [adv.] terrains).
B Adj. indéfini.
1 (Xe). || Tous [tu], Toutes : l'ensemble, la totalité de…, sans excepter une unité, et, par ext., le plus grand nombre, la généralité de… — Tous, toutes les… (→ Malédiction, cit. 8; mariage, cit. 13; pauvreté, cit. 12; pavillon, cit. 5; série, cit. 3). || Tous les hommes. || Toutes les âmes (→ Aptitude, cit. 5). || Tous les autres (cit. 22 et 34). ⇒ Tutti quanti. || Entre toutes les femmes. — Toutes les connaissances, toutes les matières (⇒ Encyclopédie). || « La chair (cit. 59) est triste, hélas, et j'ai lu tous les livres » (Mallarmé). ☑ Tous les moyens sont bons. ☑ En voir, en dire de toutes les couleurs. || De toutes les morts, la plus basse (→ Martyre, cit. 7). || Toutes les armes de tous les pays (→ Carabine, cit. 1). || « Ton premier coup d'épée égale tous les miens » (→ Atteindre, cit. 26). || Toutes les fois que… : chaque fois que… || Tous, toutes les… du monde (II., 6.). || Tous les genres, toutes les espèces, toutes les sortes… — Toutes ces histoires. || Tous ceux-ci. — Tous nos amis. || Tous vos souhaits accomplis (→ Attendre, cit. 64). || Tous vos beaux arguments (cit. 13). || Toutes nos paroles, tous nos silences (→ Dérouler, cit. 6). || Avec toutes ses parties. ⇒ 1. Complet. || De toutes ses forces.
♦ (Devant un nom sans article). || L'amas de toutes connaissances acquises (→ Authentique, cit. 16). || Un récepteur (cit. 3) de toutes ondes… || Toutes choses (au sens de tout, II., 2., a.). → Contretemps, cit. 4; faner, cit. 7; fasciner, cit. 2; lui, cit. 47; magicien, cit. 7; mêler, cit. 26; positif, cit. 12; subordonné, cit. 2. || « Toutes choses sont sorties du néant (cit. 12) et portées jusqu'à l'infini ». — REM. Pour le singulier toute chose → ci-dessous, 4. — Toutes sortes (cit. 3; et supra) de… ☑ Toutes et quantes fois. — Cesser toutes relations. || Avoir tous pouvoirs sur… — Pour tous avantages…
41 Il mêle à toutes choses de subtiles considérations d'amour-propre.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, p. 14.
♦ (Devant un nom de nombre, avec ou sans article). || Tous deux (cit. 2), tous trois (→ Larron, cit. 6; lecture, cit. 8; pieux, cit. 3). || Toutes deux (→ Pincé, cit. 11; pis-aller, cit. 2). — Tous les deux, les trois, les quatre (→ Démentir, cit. 8; détour, cit. 4; plaisanterie, cit. 6).
42 L'emploi de l'article paraît emphatique; il sert aussi à mettre en relief les (…) personnes indiquées, à faire ressortir leur individualité (…) L'absence de l'article au contraire les réunit en bloc (…)
K. Nyrop, Grammaire historique, t. V, §434.
43 Nous irons tous les trois, c'est-à-dire tous deux,
Dans ce vallon sauvage (…)
Hugo, les Voix intérieures, VII.
44 Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », XIV.
45 Elle nous donna tort à tous les deux (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, IV.
♦ Tous, toutes, suivi d'un nom (sans article) et d'un participe ou d'un adjectif. — (1676). || Toutes affaires cessantes. || Tous feux éteints. || Toutes proportions gardées. || Toutes choses égales (infra cit. 7) d'ailleurs. — (Concret). || Toutes voiles dehors.
46 Le train (…) remontait, tous feux éteints, dans la nuit d'automne (…)
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, II, Visage.
♦ (Dans des tours prépositionnels, avec ou sans article). ☑ À tous les coins de rue. ☑ À tous coups (cit. 64 et 66), à tous les coups. ☑ À tous crins. ☑ À tous égards (cit. 8). ☑ À toutes jambes (cit. 17; et supra). → Sauver, cit. 16. ☑ À tous moments. ☑ À toutes mains (→ Gibelin, cit. 1). ☑ À toutes sauces (vx), à toutes les sauces. ☑ À tous vents. ☑ À toutes voiles. — ☑ De tous côtés (cit. 26), de tous les côtés (cit. 27). ☑ De tous les diables, comme tous les diables (cit. 12 et 13), intensif. ☑ De toutes les façons, les manières. ☑ De toutes mains (cit. 69). ☑ De toutes parts (cit. 14). ☑ De tous, en tous points (supra cit. 89). ☑ De toutes pièces (infra cit. 12; et infra cit. 33). — Dans tous les cas (cit. 29 et 30). || Dans tous les genres (cit. 39). — ☑ En tous lieux (1. Lieu, I.). → Attente, cit. 26; fable, cit. 14. || En tous pays. || En tous points. ☑ En tous sens, dans tous les sens (cit. 40; et supra). ☑ En toutes lettres (cit. 8; et supra).
REM. 1. Dans cet emploi de tous, toutes, l'omission de l'article, en dehors des locutions figées et des noms de nombres, relève du style littéraire ou juridique.
2. Dans certaines locutions traitées ci-dessus, il y a hésitation entre le pluriel et le singulier de l'indéfini (ci-dessous, 4.). Ex. : De toute part et De toutes parts (cit. 15).
2 Littér. || Tous, toutes, employé devant un nom sans article, pour récapituler une suite de termes, sans en excepter un (après une énumération, une liste, etc.). ⇒ Autant (de).
47 (…) qu'éprouva-t-elle ? Apprit-elle ?… Comment s'y prit-elle… ? Tous mystères, restés tels à jamais (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Dessous de cartes… », p. 248.
48 (…) Novepont, Clairefontaine, Martinville-le-Sec (…) toutes terres vassales de Guermantes (…)
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 167.
49 Un petit bordeaux, un petit bourgogne, un demi-setier de picolo, de beaujolais, enfin tous vins qui t'iront droit au cœur (…)
Charles Vildrac, le Paquebot Tenacity, II, 3.
3 (XIVe). || Tous, toutes (marquant la périodicité). a Devant une unité de temps. || Tous les jours (cit. 40, 41, et supra), tous les mois, tous les ans (→ Laine, cit. 3) : une fois par jour, par mois, par an… ⇒ Chaque. || Toutes les heures (→ 1. Marron, cit. 7). || Tous les matins (→ Aurore, cit. 16), toutes les nuits (→ Dormir, cit. 36). || Tous les lundis (→ Plume, cit. 19). — Tous les premiers de l'an. || Tous les trente-six du mois. || Tous les combien — Tous les deux ou trois jours (→ Nettoyer, cit. 13). || Toutes les seize (→ 1. Mort, cit. 7), les vingt-quatre heures (→ Salve, cit. 1). || Tous les quatre ou cinq ans (→ Sauvagerie, cit. 3). || Toutes les cinq minutes (→ Lessive, cit. 1; sommeiller, cit. 1).
50 (…) la plate-bande dont elle cueillait les fleurs, tous les premiers vendredis de chaque mois (…)
Flaubert, Mme Bovary, I, III.
51 (…) tous les samedis, confession : il avouait n'importe quoi (…) tous les dimanches, communion (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, IV.
b Devant une unité de longueur. || Une borne tous les kilomètres. || Tous les dix mètres, il s'arrêtait.
4 Tout, toute (suivi d'un nom sans article) : un quelconque, n'importe quel; un individu pris au hasard parmi l'ensemble, la totalité des individus semblables (avec une valeur proche de chaque, mais distincte). → 1. Personne, cit. 19; placé, cit. 40; plus, cit. 45. — REM. Sans préposition, cet emploi a une valeur générale et didactique (proverbes, sentences, lois…). — Tout Français jouira (cit. 15) des droits civils… || Toute langue (cit. 38) vit, travaille, respire. || Toute personne… ⇒ Chacun, quiconque (→ Dépôt, cit. 15). || « Apprenez (cit. 35) que tout flatteur… ». ☑ Toute peine mérite salaire (cit. 9). — (Avec une préposition). || À tout âge. ☑ À tout coup (cit. 72). ☑ À toute heure (cit. 87, 88; et supra). ☑ À tout hasard (infra cit. 40). ☑ À tout propos (supra cit. 3; et cit. 10). ☑ À tout événement (cit. 18). || À tout point de vue. ☑ À tout prix (infra cit. 17). ☑ À toute occasion (supra cit. 12). ☑ À toute épreuve (cit. 17 et 19). — À tout venant (→ Déplaire, cit. 16; opulence, cit. 2). — ☑ Contre toute attente. — De tout côté. ☑ De toute façon, de toute manière (infra cit. 19). || De tout point (1. Point, cit. 90). || De toute nature. || Des poissons de toute sorte (→ Folâtrer, cit. 3). ☑ En tous sens (supra cit. 40). ☑ De tout temps, en tout temps (supra cit. 28). || En toute saison (→ Pied, cit. 9); en toute occasion (supra cit. 17). ☑ En tout cas (cit. 25 à 28). ☑ En tout genre (cit. 37). || « En tout temps, en tout lieu » (1. Lieu, cit. 2). ☑ En tout état de cause : quelle que soit la situation. ⇒ Aussi. — ☑ Avant toute chose, sur toute chose : avant tout, plus que tout (premièrement, préférablement). || En toute chose, il faut considérer (cit. 9) la fin. — REM. Le tour toute chose a une valeur proche du pronom neutre tout (II., 2.). → Content, cit. 7; différent, cit. 13.
52 Ils suivent au hasard le projet ou le rêve.
Toute porte qui s'ouvre ou tout vent qui s'élève.
Hugo, les Chants du crépuscule, XXXV.
53 Tout orage a son temps toute haine s'éteint
Le ciel toujours redevient pur
Toute nuit fait place au matin (…)
Aragon, le Roman inachevé, p. 85.
♦ ☑ Loc. Tout un chacun, ou, rarement, tout chacun (Claudel, l'Otage, I, 2).
54 On savait pas comment l'prendre…, i's faisait vomir par tout un chacun.
H. Barbusse, le Feu, IX.
55 N'y a-t-il pas une orthographe et une grammaire admises, seules admises, et tout un arsenal d'enseignement et d'examens pour les imposer à tout un chacun ?
M. Cohen, Grammaire et Style, p. 7.
REM. Avec un substantif abstrait, il est parfois difficile de distinguer tout, adj. indéfini (« toute espèce de… ») et tout, qualificatif (« intégral, en entier »). Abandonner toute pudeur. Perdre toute dignité. Laissez toute espérance (cit. 17). Avoir toute honte bue (cit. 35).
♦ Toute sorte de… (avec un complément au singulier ou, plus souvent, au pluriel, et l'accord du verbe commandé par le complément). ⇒ Sorte (supra cit. 3). — Toute espèce de…, s'emploie de la même façon.
♦ (V. 1200). || Tout, toute autre…, qualifiant le pronom autre. || « Tout autre (cit. 68) que mon père(…) ». || Toute autre (cit. 70) se serait rendue… || Toute autre histoire, n'importe quelle autre… || Toute autre (cit. 17) considération (→ aussi Plaisir, cit. 11; 2. planer, cit. 4). — REM. On trouve partois tout invariable au féminin, dans tout autre chose.
56 (La Bruyère) était assez intelligent pour comprendre, mieux encore que tout autre chose, les raisons qu'on pouvait avoir de ne le lire point ou de le lire mal (…)
Émile Faguet, l'Art de lire, p. 114.
57 (…) éviter d'être remarquable par son élégance comme par tout autre chose (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XXV, XXXIV, p. 277.
REM. 1. Répétition de tout, tous, adj. — Régulière devant des noms juxtaposés ou de genres différents (cf. cependant « tout son corps et son âme fermentaient », R. Rolland, Jean-Christophe, l'Adolescent, p. 68), la répétition est facultative dans une énumération : « toutes les affections, haines, curiosités… » (Lanson), ou lorsqu'il y a « quelque analogie » (Le Bidois) entre les noms juxtaposés : « tous les instincts et les sens de l'homme primitif » (Maupassant). Toute son angoisse et sa fatigue avaient fondu (cit. 14).
2. Tout en phrase négative. — La négation s'applique alors au caractère total, global, et non à l'ensemble qualifié par tout. Il ne plaidait pas toute cause, il choisissait (→ Malaisé, cit. 6).
58 (…) elle n'attendait jamais passivement du dehors toute jouissance (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, VI.
♦ Lorsque tout, tous est sujet d'un verbe à la forme négative, la négation porte sur tout. Dans tout ce qui reluit n'est pas or, le sens n'est pas « rien de ce qui reluit n'est or », mais bien « ce qui reluit n'est pas, dans sa totalité, de l'or » (cf. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1933). Toute jalousie (cit. 2) n'est point exempte de quelque sorte d'envie.
59 Tout animal n'a pas toutes propriétés.
La Fontaine, Fables, II, 17.
60 Tous ceux qui connaissent leur esprit ne connaissent pas leur cœur.
La Rochefoucauld, Maximes, 103.
———
II Pron. (XIe).
1 a Tous [tus], Toutes (représentant un ou plusieurs noms, pronoms, exprimés avant). || « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » (cit. 23). || Nous mourrons (cit. 3) tous. || Ce sont tous des ignorants (→ Malade, cit. 7), des fainéants (→ Protéger, cit. 6). || Toutes se retournaient (→ Morue, cit. 1). || « Comme nous les avons tous reçus (ces dons), nous en sommes tous comptables » (→ Grâce, cit. 25). || « Si railleuses, toutes » (→ Gêner, cit. 26). — Elles (les étoiles) se tiennent l'une à l'autre toutes attachées (→ 1. Dépendre, cit. 7). — La première, la pire (→ Jalousie, cit. 22), la dernière de toutes. ☑ Une fois (cit. 3) pour toutes. — Tous ensemble (1. Ensemble, cit. 4 et 7) : en masse. || Ils tapaient tous à la fois (→ Marteau, cit. 1), tous en même temps. || Tous tant que nous sommes (→ Cagotisme, cit.; minute, cit. 2). || « Tous pâles, graves, sévères (cit. 2), les proscrits (…) ». — Tous et toutes (→ Régiment, cit. 4). || « Cette part de l'autre sexe (cit. 3) que nous contenons tous, et toutes ». — (Avec un impératif). || Regardez (cit. 10) tous ! — Récapitulant un ensemble, une énumération. || « Vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir » (Montesquieu, les Lettres persanes, 30, in Grevisse). — Nous tous (→ Poule, cit. 1). || Au milieu de vous tous (→ 1. Bombe, cit. 4). || Eux tous (→ Personnification, cit. 1), elles toutes.
61 — (…) Vous tous, soyez témoins !
Hugo, Hernani, III, 7.
62 C'était, parmi elles toutes, à qui graverait le plus avant son épitaphe dans son cœur.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le plus bel amour… », p. 92.
b Tous [tus], toutes (en emploi nominal) : tous les hommes, tout le monde, et, par ext., une collectivité entière. — (En fonction de sujet). || Tous s'inclinèrent (cit. 16). || Tous ensemble furent massacrés (cit. 1). — (Compl. indirect). || Elle se donnait (cit. 74) à tous. — Chacun… tous… || « Chacun (cit. 4) en a sa part et tous l'ont tout entier ». || L'expérience (cit. 37) de chacun est le trésor de tous. || Chacun est responsable (1. Responsable, cit. 2) de tous. — Être irrité (cit. 24) contre tous. — Envers (cit. 1 et 2) et contre tous. — (Avec un possessif). || C'est notre faible (cit. 42) à tous. || Notre ouvrage à tous (→ Navire, cit. 14). || En leur nom à tous (→ Occupation, cit. 5).
63 Quant aux femmes, elles étaient toutes, à son avis, charmantes et irréprochables. Elle dînait chez toutes.
France, le Lys rouge, X.
REM. Quand tous, toutes est objet direct, il doit s'appuyer sur un pronom personnel ou relatif objet. Je les reconnaissais tous (→ Papillon, cit. 4). Les grands esprits les voient toutes (→ Blesser, cit. 12). Toutes, oui, je vous aime (→ Excepté, cit. 9).
64 Alors, il se livra aux sports, avec fureur. Il essaya de tous, il les pratiqua tous.
R. Rolland, Jean-Christophe, Nouvelle journée, III, p. 1531.
65 Où s'enfonçaient, où se cachaient alors mes turbulences de la veille (…) Le flot de mon amour les avait recouvertes toutes.
Gide, l'Immoraliste, II, I.
66 (…) ses dents pures que sa grande bouche montrait toutes quand elle riait (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, II.
2 Tout (pronom ou nominal, équivalant à un « neutre » ou à un collectif) : l'ensemble des choses dont il est question, soit au sens fort « toutes choses » (ex. : le temps qui détruit tout; → Appui, cit. 31); soit, par ext., « beaucoup de choses, la plupart des choses en question » (ex. : je consens qu'une femme ait des clartés [cit. 19] de tout). — Tout, opposé à rien. ⇒ Rien (cit. 16; et 48, 49, 51, 52). — Tout est quelque chose. || Rien n'est rien (→ Néant, cit. 13, Hugo). || À propos (cit. 3) de tout et de rien. — Tout, fors (cit. 1), hormis (cit. 2, 3 et 6), hors (cit. 14), sauf (→ Honneur, cit. 10)… || Tout est à tous (→ Mien, cit. 23). — « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » (cit. 11). || Tout se tait (→ Midi, cit. 1; muet, cit. 16). || « Là, tout n'est qu'ordre (cit. 16) et beauté ». || Tout arrive ! ☑ Tout vient à point… ☑ Tout passe (cit. 71 et 72). || « Tout ! Tout a disparu » (cit. 17). || Tout recommence (cit. 7 et 8). || Tout se sait (1. Savoir, cit. 66), tout se (cit. 7) dit. || Tout est bien (→ Jour, cit. 39). || Tout va bien, très bien. — ☑ Loc. prov. Tout est bien qui finit bien : ce qui finit bien peut être considéré comme entièrement bon, heureux (malgré les difficultés passagères). — Tout est pur (cit. 18) chez les purs. || Hors de là, tout est vain (→ Génie, cit. 30).
♦ « Tout vous est aquilon (cit. 1), tout me semble zéphir ». || Tout s'est bien passé. — (Dans la langue des sciences). || Tout se passe (cit. 139) comme si… — ☑ Tout est là : là réside tout le problème; il n'y a rien d'autre. || La vie !… tout est là ! (→ Lyrisme, cit. 2). — ☑ Tout est dit (1. Dire, infra cit. 30; cit. 112). ☑ Tout n'est pas rose (2. Rose, cit. 3.1). — Il sait tout; il nie (cit. 2 et 5) tout. || J'ignore (cit. 9) tout de toi. || J'ai tout entendu. — Tout oser, tout essayer. ☑ Pour tout dire : en somme. || Qui peut tout dire arrive à tout faire (cit. 63). || C'est tout dire (→ Rieur, cit. 1). — Tout casser, tout démolir. ☑ Fam. Une noce à tout casser (→ Pince-cul, cit.). — ☑ Faire tout au monde pour… — ☑ À tout faire (→ Intrigue, cit. 6) : utilisable en toutes circonstances, pour toutes sortes de choses. Spécialt. || Bonne à tout faire. — ☑ À tout prendre (cit. 8 et 10), tout bien considéré (→ Scélérat, cit. 1). — Donner (cit. 23) tout, tout ce qu'on a. || Manquer (cit. 3 et 22) de tout, de tout ce dont on a besoin. || Tout perdre en voulant tout gagner. || Avoir tout à gagner (cit. 15) à… — Essayer de tout (→ Fusil, cit. 7). || Il y a des raisons (cit. 69) pour tout. || Rire de tout (→ Obliger, cit. 14). ☑ Avoir réponse à tout. — ☑ Il faut de tout pour faire un monde (cit. 32). || Un peu de tout. || Le pire de tout (→ Opportunisme, cit. 2). — On se fait, on s'habitue à tout. — Tout compris (→ 1. Le, cit. 17). || Tout bien compté, considéré, examiné, pesé… — (Souvent péj.). N'importe quoi. || Capable (cit. 15 et 16) de tout. || Propre (cit. 17 et 18) à tout et bon à rien. || Tout lui est bon, tous les moyens.
67 Cette fille voulait aussi
Qu'il eût du bien, de la naissance,
De l'esprit, enfin tout; mais qui peut tout avoir ?
La Fontaine, Fables, VII, 5.
68 (…) tout tournait autour d'eux, les lampes, les meubles, les lambris, et le parquet (…)
Flaubert, Mme Bovary, I, VIII.
69 Elle a tout ressenti, tout supporté, tout éprouvé, tout souffert, tout perdu, tout pleuré.
Hugo, les Misérables, I, V, XI.
70 Tout est beau, tout est pur, tout est doux, tout est tendre,
De tout ce qu'alentour je vois.
H. de Régnier, Vestigia flammæ, « Soir vénitien ».
♦ Tout (résumant une série de termes; → Imprimer, cit. 38). || « Un souffle, une ombre, un rien (cit. 84), tout lui donnait la fièvre ». || Court (1. Court, cit. 6) de bras, de jambes, de cou, de nez, de tout (→ aussi Forge, cit. 6; fors, cit. 2; gréement, cit. 1).
REM. Place de tout. — Tout, objet direct d'un verbe à un temps composé, se place régulièrement avant le part. passé (ex. : « J'ai tout aimé, tout vu, tout su », Comtesse de Noailles, les Éblouissements). Quand il est complément d'un infinitif, il se place généralement avant. Bonne à tout faire. À tout prendre. C'est tout dire. Qui sait tout souffrir peut tout oser (cit. 1). — Avec un temps simple, l'antéposition de tout est littéraire (→ ci-dessus, d'autres exemples).
71 Ce grand mouvement, qui tout entraîne, rend bien petites les ambitions, les intrigues et les choses du jour.
Chateaubriand, Note sur la Grèce, Avant-propos de la 2e édition, I.
72 (…) l'Intelligence elle-même, en tant que bête et animal impénétrable, qui tout pénètre.
Valéry, Eupalinos, p. 68.
♦ Tout peut être détaché en fin de phrase, généralement pour reprendre le terme tout déjà exprimé (→ Quoi, cit. 39). || « Il fallait tout oser, pour empêcher la guerre, tout ! » (→ Pacifiste, cit. 2). || Tout est dehors, tout… (→ Parmi, cit. 6).
♦ Tout (attribut). || Être tout pour (qqn) : avoir une extrême importance. || Mon père (cit. 7) était tout pour moi. — L'amant qui n'est pas tout n'est rien (→ Préférer, cit. 11).
♦ ☑ (XVIIe). C'est tout (marquant la fin d'une énumération ou d'une déclaration catégorique). || Et c'est tout. || Ce sera tout pour aujourd'hui. || Un point (1. Point, cit. 74), c'est tout. — Vx. || C'est tout que (de)…, suivi de l'infinitif : il suffit de… — ☑ Ce n'est pas tout : il reste encore quelque chose (→ Illuminer, cit. 1; recréer, cit. 2). || Ce n'est pas tout de…, que de… : ce n'est pas assez (3.). Fam. || C'est pas tout de s'amuser. ☑ C'est pas tout ça… : il y a qqch. d'autre à faire.
73 (…) ce n'est pas tout que d'être civil, il faut être aussi raisonnable (…)
Molière, le Malade imaginaire, I, 1.
74 Le renard dit au bouc : Que ferons-nous, compère ?
Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.
La Fontaine, Fables, III, 5.
75 Qu'est-ce qu'on me veut ! Je demande ma liberté. Ce n'est pas tout ça. Pourquoi m'a-t-on amené dans cette cave ? Alors il n'y a plus de lois.
Hugo, l'Homme qui rit, II, IV, VIII.
76 On trinque… — Merci, répond Charles… Il ajoute que c'est pas tout ça, faut qu'il aille prévenir Marceline.
R. Queneau, Zazie dans le métro, XIII.
♦ ☑ (1784). Voilà tout. S'emploie dans le même sens, pour marquer que ce qui est ainsi fini, borné, n'était pas très important (→ Blanchir, cit. 3; milieu, cit. 13; nez, cit. 29; non, cit. 26; puer, cit. 1).
♦ ☑ Après (cit. 82 à 88) tout : après avoir tout considéré, envisagé (sert généralement à écarter comme négligeable ou insuffisant un ensemble d'objections). ⇒ Demeurant (au), enfin (II., 4.). — Malgré (cit. 5) tout. || Nonobstant (cit. 1) tout. || En dépit de tout (→ Sentiment, cit. 19). — ☑ Avant tout : de préférence à tout le reste. ☑ Par-dessus tout (→ Forme, cit. 53). — Vx. || Sur tout. ⇒ Surtout. || Au-dessus de tout. — ☑ Comme (cit. 18) tout : extrêmement. — Plus que tout (→ Objectiver, cit. 2).
♦ ☑ En tout. a De tout point, à tous égards, complètement (→ Contrôler, cit. 1; 1. faux, cit. 48; inférieur, cit. 8 et 10; réalité, cit. 12). || Mon exposé était en tout conforme… (→ Prouver, cit. 5).
b Au total. || En tout, douze serviteurs (cit. 1; et → aussi Gros, cit. 6). || Il y avait en tout et pour tout trois personnes.
♦ ☑ (Fin XIXe). Fam. Et tout : et le reste. || Et tout et tout (→ Gastronome, cit. 1).
77 Alors, monsieur le président, voilà que je fus pris de cette maladie subite (…) et même contagieuse et cangreneuse et tout (…)
Alphonse Daudet, Port-Tarascon, III, V.
78 (…) moi qu'étais si heureuse, si contente et tout de m'aller voiturer dans l'métro (sic).
R. Queneau, Zazie dans le métro, I.
78.1 Mais sa passion de Chopin, Ravel, Rameau et tout et tout était si grande (…)
René Fallet, le Triporteur, XXV, p. 261.
♦ Tout de… (Tout, construit avec un « partitif » [de, dont]). || Il ignore tout de cette affaire. — Fam. || Avoir tout de… : avoir toutes les qualités, les caractéristiques de… || Il a tout du snob (→ aussi Mais, cit. 33).
79 Pour Fanny, elle avait tout d'une mère, la patience infatigable, l'inquiétude (…)
Alphonse Daudet, l'Évangéliste, VI.
80 Elle avait tout de la petite fille qu'on a tirée du lit dans sa longue chemise pour la montrer aux invités de maman.
Elsa Triolet, Mille regrets, p. 135.
3 (Vieilli). || Tout (désignant une totalité d'êtres vivants, de personnes; on emploie plutôt tout le monde, de nos jours). || Vous commandez (cit. 35) à tout. || « Tout est abattu, tout est désespéré » (cit. 17). || Tout, jusqu'à sa servante, est prêt à déserter (→ Démon, cit. 9). — ☑ Prov. (mod.). Il faut de tout pour faire un monde (cit. 32). — REM. Tout est encore employé dans ce sens pour reprendre et résumer une série de noms de personnes. || « Femmes, moine, vieillards, tout était descendu » (La Fontaine, Fables, VII, 9).
81 Tout m'est suspect : je crains que tout ne soit séduit (…)
Racine, Britannicus, V, 1.
82 Quand on arriva à onze heures et demie du soir à la hauteur de Varennes, la fatigue l'avait emporté, tout dormait dans la voiture.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, XIII.
83 Les femmes en sabots cirés, les paysans en blouse neuve, les petits enfants qui sautillaient nu-tête devant eux, tout rentrait chez soi.
Flaubert, Mme Bovary, I, IX.
———
III N. m. (XIIIe).
1 a L'ensemble dont les éléments viennent d'être désignés (→ Déposition, cit. 1; fagot, cit. 2; jeter, cit. 7; meuble, cit. 6). || Je déposai le tout (→ Planche, cit. 3). || « Et le drôle (cit. 2) eut lapé le tout en un moment ».
84 Il montra son passeport, sa lettre de mission. Il prépara quelques autres papiers (…) Le fonctionnaire examina le tout (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XX, XXVII, p. 276.
b L'ensemble des choses dont on parle; l'unité qu'elles forment. ⇒ 2. Ensemble (cit. 1 et 2), total, unité. || Le tout et la partie, et les parties (cit. 1 et 2). || Décomposer un tout. ⇒ Analyse, division, partage. || Former un tout. ⇒ Composer, composition (→ Solidairement, cit.). || Portions d'un tout homogène. || Réunir, comprendre dans un tout. ⇒ Englober. || L'intégrité du tout. || Un tout indivisé (→ Nageur, cit.). || Un individu (cit. 1) forme un tout reconnaissable. || Le tout de l'œuvre (→ Opéra, cit. 3, Valéry). || « L'homme (cit. 44) est un tout indivisible, un tout à l'égard du néant » (→ Homme, cit. 51, Pascal). || La structure d'un tout.
85 Que la matière soit éternelle ou créée, qu'il y ait un principe passif ou qu'il n'y en ait point; toujours est-il certain que le tout est un, et annonce une intelligence unique; car je ne vois rien qui ne soit ordonné dans le même système, et qui ne concoure à la même fin, savoir la conservation du tout dans l'ordre établi.
Rousseau, Émile, IV.
85.1 La mort d'un parent menace la vie de chacun de ses proches : la souillure de la mort peut les atteindre à leur tour et les faire périr. Souvent, ils se rachètent du trépas en mutilant leurs corps, généralement en se coupant un doigt : ils offrent ainsi la partie pour conserver le tout.
Roger Caillois, l'Homme et le Sacré, p. 30.
86 (…) je me jugeai suffisamment pourvu d'exemples. En réalité, je ne l'étais pas (…) Il était urgent de se résigner à un sacrifice, et de procéder au tout en se refusant à mettre la dernière main aux parties (…) Le tout se fit, et c'était l'essentiel; car, en bien des cas, il est le juge suprême des parties.
É. Littré, Comment j'ai fait mon dictionnaire…, p. 8.
87 (Il) avait envie de penser à lui-même et à son existence comme à des touts.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XXIV, III, p. 30.
♦ Blason. L'ensemble de l'écu. — ☑ Loc. Brochant sur le tout. ⇒ Brocher.
2 L'ensemble de toutes choses. || Le tout, le grand tout (souvent écrit avec la majuscule). ⇒ Univers (→ Exact, cit. 15; nature, cit. 49).
88 Il faut dans le grand tout tôt ou tard s'absorber (…)
Hugo, les Quatre Vents de l'esprit, III, X.
3 Ce qu'il y a de plus important, d'essentiel; le point capital (⇒ Important, principal). || Le tout est de… (→ 1. Penser, cit. 13). — ☑ Loc. Jouer, risquer le tout pour le tout (→ Oser, cit. 2). — ☑ Fam. C'est pas le tout de rigoler…
89 — Aujourd'hui, dit Carlos à sa créature, nous jouons le tout pour le tout; mais heureusement les cartes sont biseautées, et les pontes sont très jeunes !
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 784.
90 Ce n'est pas le tout d'aimer le peuple, il faut être juste; ce n'est pas le tout d'être juste, il faut aimer le peuple et le servir.
René Johannet, Éloge du bourgeois franç., p. 214.
4 (XVIe). Vx ou littér. || Le tout (de qqn) : ce qui compte le plus pour qqn; son seul centre d'intérêt. || « Enfin il en est fou (1. Fou, cit. 31), c'est son tout, son héros ».
B (1213; del tout, 1080). || Du tout. — Vx ou littér. Complètement, absolument. || Cela est du tout admirable (Bossuet, Troisième sermon, « Purification »; et → ci-dessous, cit. Montherlant, Paulhan). — ☑ (1694). Mod. Du tout au tout : complètement, en parlant d'un changement (toutes les circonstances envisagées étant modifiées en leur inverse). → Dose, cit. 2. || Changer du tout au tout. || Différence du tout au tout.
♦ ☑ Pas du tout (→ Profond, cit. 15; raison, cit. 18; retaper, cit. 3). Renforce la négation, du tout jouant le rôle d'un adverbe (« absolument pas »). || Il ne fait pas froid du tout (→ 2. Sourire, cit. 6). || Point du tout (→ Attendre, cit. 91; 1. aube, cit. 2; dévisager, cit. 1; entrer, cit. 53; humaniser, cit. 6; nenni, cit.; obliger, cit. 16). || Plus du tout (→ 1. Souvenir, cit. 8). || Rien du tout. ⇒ Rien (cit. 18 et supra; 77 et supra; 99, 100 et 101). || Sans du tout (→ ci-dessous, cit. Gide). — Ellipt. || Du tout : pas du tout, aucunement (→ ci-dessous, cit. Balzac, Brunot). — Vx. || « Je ne puis du tout demeurer » (Molière, Amphitrion, II, 6). → aussi Office, cit. 6, Molière.
91 (…) Ce que j'ai à vous dire ne veut point du tout de retardement.
Molière, Don Juan, IV, 6.
92 Croyez-vous que je le blâme ? du tout. Il a toujours été ainsi.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 937.
93 pas du tout est quelquefois raccourci en du tout : Du tout, du tout, bégaya François; pourquoi donc que j'y serais allé dans votre jardin ? (É. Souvestre, Clairières, 13); — Pas d'argent, n'est-ce pas ? du tout, du tout, du tout (A. Daudet, Immortel, 14).
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 502.
94 Je commençais chaque phrase sans du tout savoir comment je la finirais (…)
Gide, Journal, 17 mars 1922.
95 Après quoi il doit aussi veiller à ce que le fait soit du tout semblable à ce qu'il veut prouver (…)
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 224.
96 Le jour où un puis deux confesseurs (…) lui posèrent des questions qui lui déplurent, elle cessa de se confesser du tout.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 17.
96.1 (…) à ton âge surtout on peut changer du tout en quinze jours; change, mais dans ton essentiel reste ce que tu es.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 282.
C ☑ (1975, inP. Gilbert). Le tout ou rien : une solution extrême, sans compromis. || Des partisans du tout ou rien. — Se dit d'un dispositif binaire. || « Les capteurs ont été choisis du type “tout-ou-rien” pour éviter un traitement informatique complexe » (Sciences et Avenir, juin 1980, p. 4).
———
IV Adv. de quantité. Entièrement, complètement; d'une manière absolue, intégrale. ⇒ Absolument, 1. bien, complètement, entièrement, exactement, extrêmement. — REM. Tout a une valeur plus faible, moins précise que ces adverbes, qui correspondent plutôt à la forme renforcée tout à fait (→ ci-dessous, 1., c.). Voir aussi Très.
1 (XIe). a Devant des adjectifs les règles d'accord sont traitées ci-dessous. || Tout jeune (cit. 8). || Tout chétif et malingre (→ Moutard, cit. 1). || Tout ému (→ Pivot, cit. 1). || Tout bouillant (cit. 2 et 3) de colère. || Tout entier, entière. ⇒ Entier (cit. 13 à 19). || La ville tout entière (→ Nettoiement, cit.). || La porte s'ouvrit toute grande (cit. 18). — Tout fait. ⇒ Faire (cit. 267 à 270). || Tout petit (→ Manière, cit. 14; scarabée, cit. 2). || Un tout-petit. ⇒ Tout-petit. || Tout enfant (→ Paresseux, cit. 8). — Fam. || Tout gosse, tout môme… — Tout nu (→ Moût, cit. 2), tout nus (→ Mur, cit. 11; nef, cit. 3). || Un homme tout rond, tout réjoui (cit. 7). — Tout prêt (cit. 12 et 16) à…, de… || Tout seul (cit. 27; et supra). || C'est tout naturel. || Tout cru, tout vif. || Il est venu nous le raconter tout chaud, immédiatement, tout de suite. || Tout pareil. || C'est son père tout craché. — Fam. || C'est du tout cuit.
REM. 1. Seul l'usage détermine les adjectifs devant lesquels tout est d'usage normal (ex. : entier, petit, jeune, nouveau), avec lesquels il forme de véritables adjectifs composés : une toute jeune fille (→ Noble, cit. 8); une toute petite mare (cit. 2), de tout petits faits (→ Matière, cit. 15). Il s'emploie assez fréquemment avec des participes adjectivés : toute frémissante (cit. 3); toute frissonnante (cit. 2); « des jours (…) tout fragrants (cit.) d'odeurs ». « Tout suffocant et blême quand sonne l'heure » (Verlaine). Tout morfondu (cit. 4); elle était tout étourdie (cit. 3). — Dans de nombreux cas, tout a une valeur stylistique que n'a pas très : « une petite femme toute vive, tout énergique » (→ Janséniste, cit. 3); des qualités toutes françaises (→ Précieux, cit. 6); il peut même jouer parfois un rôle de diminutif (cf. Tout fou « un peu fou »).
2. Tout sert à former des composés avec quelques adjectifs : tout-puissant, tout-fécond (Voltaire, in Littré).
3. Tout, employé avec un participe passé adjectivé, prend une nuance temporelle (→ Déjà) : « je suppose ici les mines toutes trouvées » (Buffon); tout fait, etc. C'est tout vu.
97 Le matelot qui suivait le prêtre se sentait sur la langue une envie toute méridionale de causer.
Maupassant, l'Inutile Beauté, « Champ d'oliviers », II.
98 Je vois une toute vieille dame, aux blanches anglaises, appuyée sur le bras d'un homme en blouse, qui porte son sac de nuit à la main.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 8 janv. 1871, t. IV, p. 145.
♦ (Avec une loc. adjective). || « Vous avez la physionomie toute je ne sais comment » (H. Monnier, Scènes populaires, p. 266).
♦ ☑ Tout autre : entièrement autre, complètement différent (dans ce tour, tout est adverbe, et reste en principe invariable, lorsqu'il modifie autre; → Montrer, cit. 39; possible, cit. 13). || C'est une tout autre affaire. || Dire (1. Dire, cit. 22) tout autre chose (cf. « Toute autre considération serait superflue », ci-dessus, I., B., 4.).
REM. 1. Avec un masc. sing. (tout autre homme), il y a ambiguïté sur le sens.
2. Beaucoup d'auteurs font l'accord, soit par confusion avec le tour traité ci-dessus (I., B., 4.), soit par réaction contre la règle officielle d'accord (→ ci-dessous, REM. sur l'accord) : une toute autre valeur (→ Négation, cit. 6).
99 Il la conçut (l'intervention) d'une toute autre manière qu'on ne le dit ordinairement.
Pierre Gaxotte, la Révolution franç., VIII, p. 204.
100 L'Univers n'est-il pas plus complexe que nos pensées et d'une toute autre complexité.
A. Maurois, Mes songes que voici, IX.
101 (…) les Anciens avaient, pour ainsi dire, tout un autre univers que nous (…)
102 Le maire du quatrième arrondissement est tout un autre homme (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, IV, II, 1.
♦ Le tout premier, la toute première : celui, celle qui est exactement, réellement le premier (ne pas confondre avec tout le premier, ci-dessous). || Les toutes dernières (→ Géométrique, cit. 4).
103 Il fit ses toutes premières classes au collège Louis-le-Grand (…)
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, VI, 16 nov. 1863, I.
104 Les tout derniers chapitres me paraissent beaucoup moins bons (…)
Gide, Journal, 27 nov. 1946.
105 Que la toute première lecture du monde, à l'école primaire, en soit une description chaleureuse (…)
106 Un des tout premiers noms que j'avais inscrits sur une liste était celui d'Oppenheimer.
J. Romains, Passagers de cette planète…, p. 93.
b Invariable, devant un tour prépositionnel. || Tout en…, à…, de… || Portail tout en granit (→ Rehausser, cit. 3). || Les édifices tout en façade (cit. 9). || Ce temple est tout de marbre (→ Architrave, cit. 2). || Être tout en larmes. — Il, elle est tout à ses projets, entièrement à ses projets (→ ci-dessus, I., 1., f., le tour : elle est toute à… où tout est adjectif). (Formule de politesse). || Je suis tout à vous (cf. Bien à vous, fidèlement vôtre, etc.).
107 Le moment où elles seront tout à leur projet sera quelquefois celui même de leur abandon.
Diderot, Sur les femmes.
108 Il y avait de grands espaces pleins de bruyères tout en fleurs (…)
Flaubert, Mme Bovary, II, IX.
109 (…) On porte cette année des robes tout en loutre.
France, l'Anneau d'améthyste, in Œ., t. XII, XV, p. 200.
c (Dès 980). Invariable, devant un adverbe ou une préposition. || Tout autrement (cit. 6). || Tout bonnement (cit. 3), tout naturellement (→ Jour, cit. 53). || Tout simplement (→ Engouer, cit. 2; magicien, cit. 4). || Tout doucement (→ Avaler, cit. 31). — Tout aussi… || Tout aussi intolérable (cit. 7). || Je ferais tout aussi bien de recommencer (cit. 1). — Tout autant, tout aussi peu (→ Fréquenter, cit. 8). — Tout aussitôt (→ Retenir, cit. 6; soulagement, cit. 1). — À tout jamais, où tout renforce l'expression à jamais. — Tout bas (→ Liaison, cit. 2; maléfice, cit. 4), tout haut (cit. 106, 107, 110 et 111); tout fort. — Tout exprès (→ Fournisseur, cit. 2; jasmin, cit. 1). || Tout plein (de)… ⇒ Plein (cit. 15, 51 à 53). || Tout juste (cit. 42; et supra). || C'est tout juste si… || Tout comme (si)… ⇒ Comme (cit. 14 à 17). — Vx. || Tout ainsi que (→ Pierre, cit. 9). || Tout au contraire. — ☑ Tout ensemble : en même temps (→ Qualifier, cit. 1; sérieux, cit. 1). || Tout à la fois. — ☑ Tout beau (1. Beau, III.). — Vx. || Tout bien (→ 2. Port, cit. 6, Marot). — Tout doux (→ Filet, cit. 13). || Tout franc (→ 1. Lever, cit. 29). ☑ Tout net (supra, cit. 30; → Ribambelle, cit. 1). || Se fâcher (cit. 12) tout rouge. || Tout court (1. Court, cit. 25; et supra). — ☑ Tout de go (cit. 1 et 2). ☑ Tout à trac. — Tout contre (1. Contre, cit. 5), tout près (→ Folie, cit. 12; recul, cit. 2). || Tout proche (cit. 1). || Tout là-haut (→ Recoin, cit. 4). || Tout au loin (→ Phrase, cit. 18). || Tout autour (1. Autour, cit. 17), tout alentour (→ Lande, cit. 2). || C'est tout à côté. || Tout en haut (→ Phare, cit. 1), en bas. || Tout le long de… (→ Putois, cit.). || Tout au bout. — Tout droit. || Tout de travers (→ 1. Placer, cit. 15). || Tout d'une pièce (cit. 30 à 32). ☑ Tout d'une traite.
♦ ☑ Loc. Tout à coup, tout d'un coup. ⇒ Coup (cit. 83 à 88). — ☑ Tout à l'heure. ⇒ Heure (cit. 91 à 95). — ☑ Tout au moins (cit. 22; et supra). ☑ Tout au plus (cit. 95 à 97). → Au maximum, tout juste. — Tout d'abord. — ☑ Tout de bon. ⇒ 1. Bon (cit. 125 et 126). ☑ Tout de même. ⇒ Même (III., 4. et 5.). || Tout de même (III., 6.) que… (→ Régisseur, cit. 3). ☑ Tout de suite : aussitôt, sans délai. ⇒ Suite (cit. 9; supra et infra). — Tout au long, tout du long. || Tout de son long (cit. 30 et 31). — REM. Le cas est différent de « de tout son long », où tout est adjectif et modifie « son long ».
♦ Vx (renforçant un superlatif). || « Quelque bœuf (…) Tout le plus gras du pâturage » (La Fontaine, XI, 1). — C'est tout le contraire (→ Possible, cit. 24). — || « Tout le premier, toute la première, tout les premiers » (Sainte-Beuve, les Causeries du lundi, I, p. 92), toutes les premières.
110 De tout ce qu'il adviendra dans les jours prochains, Dieu veuille que la nation (et que vous-mêmes tout les premiers) ne fasse pas les frais.
♦ ☑ Tout à fait (renforce à l'origine l'ancienne loc. à fait « à mesure que… », fait à fait que…). ⇒ Fait (cit. 33 et 34); absolument, 1. bien, complètement, entièrement, pleinement, totalement. || Ce n'est pas tout à fait pareil. ⇒ Exactement. || Il est tout à fait soûl. ⇒ Fin (adverbe : fin soûl); → aussi Comme tout (où tout est pronom).
110.1 (…) la partie est toujours presque perdue, elle ne l'est jamais tout à fait.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 256.
110.2 Du reste, il avait déjà des exceptions : son père qui était un homme « tout à fait miraculeux », et un vieux notaire qui était « tout à fait bon pour lui » et qu'il admirait pour une profonde connaissance du droit (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 483.
♦ ACCORD DE TOUT adv.
♦ En ancien franç., tout, malgré sa fonction d'adverbe, était normalement accordé, en tant qu'adjectif, avec l'adjectif qu'il modifiait. Cet usage était encore vivant au XVIIe s. : une chose qui vous est toute acquise (→ Possession, cit. 7, Molière). Son âme toute entière (→ Développer, cit. 16, La Bruyère). Physionomie toute honnête (→ Manière, cit. 40, Molière). Toute entière (→ 1. Sens, cit. 6, Molière). « C'est Vénus toute entière à sa proie attachée » (Racine. — N. B. Ce vers célèbre est souvent orthographié selon les règles modernes d'accord, notamment dans les éditions scolaires>). Divers stratagèmes tous prêts à se produire (→ Main, cit. 33, Molière). Des hommes qui nous sont tous contraires (→ Récuser, cit. 1, La Rochefoucauld). — N. B. Tous n'est pas ici le pronom pluriel, et il faut lire [tu] et non pas [tus]. L'accord avec le pluriel a été le premier abandonné, et Vaugelas écrit : « Ils sont tout autres que vous ne les avez vus »; mais « elles sont toutes estonnées »; cf. Racine, « Nos vaisseaux sont tout prêts » (Andromaque, v. 790); « Vous êtes en des lieux tout pleins de sa puissance » (Britannicus, v. 712); La Bruyère : « (vases) tout enrichis de pierreries » (les Caractères, I, 78); « personnages tout différents » (les Caractères, II, 103), etc.
♦ La règle officielle (formulée en 1704 dans le Dict. de l'Académie) est la suivante : 1- Tout est invariable au masculin (→ Mâchicoulis, cit. 1; planter, cit. 1; sifflet, cit. 5). Tout chargés d'infamie (→ Descendre, cit. 11). Ces vers tout remplis d'elle (→ Devoir, cit. 13), etc.
2- Tout est variable en genre et en nombre devant les adjectifs féminins commençant par une consonne ou par un h aspiré : toute belle (→ Attrait, cit. 16). Je suis toute disposée (→ Préjuger, cit. 1). Tendresse toute platonique (cit. 1). Portes qui s'ouvrent toutes grandes. Elle est toute honteuse (mais on écrit : des manières tout honnêtes, le h étant muet). Le cas des semi-voyelles est indécis : des mains tout oisives ou toutes oisives (Grevisse).
111 Tout enfant elle s'escrimait à faire des vers (…)
Mérimée, Colomba, V.
112 Et la Vatnaz, comme si elle eût profité à ce changement de fortune, paraissait plus gaie, tout heureuse.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, VI.
113 Une petite robe grise, d'un gris léger un peu lilas, mélancolique comme un crépuscule et tout unie (…)
Maupassant, Notre cœur, I, II.
114 — Oui, il y a des heures où vous m'apparaissez, tout éperdue de réalité, toute frémissante de vie, tout inconnue encore de moi (…)
Paul Hervieu, les Tenailles, II, 6.
115 (…) une certaine licence, tout humble, toute plébéienne (…)
M. Barrès, la Colline inspirée, XVII.
116 La graphie officielle est absurde, car elle présente (…) au féminin (…) tout comme un adjectif si l'adjectif dont il est complément coalescent commence par une consonne, mais comme un affonctif (adverbe) si cet adjectif commence par une voyelle.
J. Damourette et É. Pichon, Essai de grammaire…, §2834.
REM. Selon Damourette et Pichon, tout dans ces emplois est bien un adjectif « coalescent » d'adjectif, comme dans fin prêt; grand ouvert, etc.; ces adjectifs manifestent une tendance à l'invariabilité ou à la variation en genre seulement. Ce serait le cas de tout, qui n'a que deux formes phonétiques [tu] ou [tut] au masculin; [tut] au féminin. En fait, la règle de Vaugelas, prescrivant d'écrire : tout tristes au lieu de tous tristes supprimait une équivoque avec tous pronom (prononcé [tus]) : « … dans ce vers du Cid (1351) : “Un excès de plaisir nous rend tous languissants”, on peut douter — du moins à la lecture — si le poète veut donner à entendre la totalité des personnes (…) ou seulement un extrême degré de langueur » (G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §457). Par contre, la graphie illogique et officielle tout, devant un féminin commençant par une voyelle, est souvent remplacée par toute (et plus rarement, au pluriel, par toutes); la langue littéraire moderne, « sans s'inquiéter si (tout) a une valeur d'adverbe ou d'adjectif (…) l'accorde (de plus en plus) avec l'adjectif auquel il se rapporte » (Le Bidois, §458). Cf. de nombreux ex. in Le Bidois, Grevisse; et → aussi laiteux, cit. 4, Giono; paysage, cit. 9, Valéry.
2 Tout en…, suivi d'un p. prés. (gérondif) : marque la simultanéité. ⇒ Temps (en même temps que); → Finement, cit. 1; garder, cit. 63; 1. laitier, cit. 2; lare, cit. 3; lécher, cit. 3; mâcher, cit. 9; mince, cit. 15; ratisser, cit. 1; réclamer, cit. 2. || Tout en l'écoutant et en savourant (cit. 4) le son de sa voix. || « Tout en chantant sur le mode mineur » (1. Mineur, cit. 2). — REM. Tout en… marque la simultanéité et, dans certains cas, l'opposition (en réunissant dans le temps deux circonstances apparemment peu conciliables).
117 (…) tout en me souhaitant du génie, elle se réjouissait que je fusse sans esprit (…)
France, le Petit Pierre, I.
♦ Régional. || Tout courant, tout parlant. || Elle arriva tout courant, en courant.
3 (XVe). || Tout… (suivi d'un nom ou adj. attribut) que…, exprime la concession (→ Quelque… que; si… que).
a Construit avec l'indicatif. || Tout riche que je suis : bien que…, quoique je sois riche (→ Paysannerie, cit. 1; et aussi tenir, cit. 93). || Tout puissant qu'il est (→ Plus, cit. 72). || Tout lassé (cit. 16), tout prévenu que j'étais (→ Attente, cit. 31). || « Rancé, tout vieux et tout malade qu'il était » (→ Plonger, cit. 19).
118 (…) toute belle, toute pleine d'attraits, toute aimable que je la trouve.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 9.
N. B. Pour l'accord, → ci-dessus, rem.
119 Toute dépaysée et terrifiée qu'elle était, elle goûtait le soulagement d'être plus anonyme ici que partout ailleurs.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VI, III, p. 26.
119.1 Et, de plus, ajouta Passepartout, je me charge de lui, tout colonel qu'il est.
J. Verne, le Tour du monde en 80 jours, p. 245.
b (Avec le subjonctif, « soit que l'affirmation se pense d'une façon moins assurée, soit […] par analogie avec la syntaxe de si… que » [G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §1579]).
120 (…) tout notre gendre que vous soyez, il y a grande différence de vous à nous (…)
Molière, George Dandin, I, 4.
121 Tout formidable que soit ce sublime, il le cède encore à la vision du livre de Job.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, II, V, IV.
122 Enfin, ses jalousies, toutes fréquentes qu'elles fussent, se laissaient deviner et ne s'exprimaient point.
Pierre Louÿs, la Femme et le Pantin, IX.
123 (…) cet appel, tout médiocre qu'il fût, c'était le premier appel (…)
F. Mauriac, la Robe prétexte, XII.
♦ Vx. || Tout (employé seul comme concessif). || Nos pères, tous grossiers (cit. 6, Molière)…, tout grossiers qu'ils étaient.
124 Oui, je te chérirai, tout ingrat et perfide (…)
Corneille, Horace, II, 5.
REM. Avec tout… que, concessif, il arrive que l'accord du féminin ne se fasse pas, lorsqu'il s'agit de nom de chose. || « Le cœur se réveille, tout poudre qu'il est » (Bossuet). || « Tout rêverie que soit l'invisible » (Henriot, in Grevisse).
4 Fam. Tout (adverbial, modifiant un verbe).
REM. Cette construction est restée très vivante dans la langue parlée; cf. Ton assiette est tout posée de travers (ex. parlé). « Cette tournure semble avoir (…) perdu la faveur des littérateurs. Elle a pourtant des racines anciennes » (Damourette et Pichon, §2831).
5 Littér. || Tout (en emploi adverbial, peut renforcer un nom épithète ou attribut; il reste généralement invariable). || Existence qui est tout passivité, tout inactivité (cit. 2). || Il était tout hésitation (cit. 3) et regrets. || On l'attend (→ Mars, cit.), tout giboulées et tout bourrasques. — ☑ Loc. Être tout sucre et tout miel (→ Doucereux, cit. 3). ☑ Tout yeux tout oreilles (→ Loup, cit. 8); tout oreilles (cit. 4). — Par assimilation plaisante. ☑ Je suis tout ouïe [tutwi]. — ☑ Ils sont tout feu (cit. 72) pour…; tout feu tout flamme. — Comm. || Tout laine. || Cravate tout soie.
125 C'est de la tête aux pieds un homme tout mystère (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
126 (…) quand elle le voyait malheureux, souffrant, courbé sous le poids des peines, elle était tout cœur, tout pitié, tout amour, elle eût donné son sang pour rendre Hulot heureux.
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 385.
N. B. — Cf. le commentaire de G. Mayer : « Il se fait en quelque sorte dans l'esprit du sujet parlant une identification du porteur et de la qualité et tout renforce le caractère affectif de cette identification. En somme on considère que dans le sujet, tout ce qui n'est pas la qualité envisagée cesse de compter pour faire place à la qualité avec laquelle le sujet, non seulement s'identifie, mais se confond » (G. Mayer, la Qualification affective…, p. 104).
127 Le corps de madame est tout plaie !
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 754.
128 Ce n'est pas tout laine (…)
J. Vallès, l'Enfant, XXI.
129 (…) celle-ci était un jeune animal tout ardeur et tout force, — une enfant de l'amour.
Paul Bourget, la Geôle, VIII.
REM. Lorsqu'on fait l'accord de tout dans une construction de ce type on le considère comme un adj. qualifiant le sujet (→ ci-dessus, I., 1., h). L'ambiguïté est fréquente au masc. sing. L'ex. de Molière « un homme tout mystère » peut être interprété de trois façons : « un homme entièrement mystère (adverbe) »; « un homme qui est tout le mystère, le mystère intégral »; ou « un homme tout entier mystère ».
6 Dans des tours elliptiques formant un composé à valeur adjectivale ou nominale. || « De nouveaux amplis tout transistors » (in P. Gilbert). || Chauffage, cuisinière tout électrique (P. Gilbert). || Horloge tout électronique. — Le « refus du tout nucléaire » (le Nouvel Obs., 15 juin 1981, p. 23).
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CONTR. Aucun, nul, rien. — Division, élément, fraction, lot, morceau, partie, pièce.
DÉR. Toutim.
COMP. Anti-tout, casse-tout, en-tout-cas, fait-tout, fourre-tout, mêle-tout, risque-tout, stop-tout, 1. surtout, 2. surtout, tout-à-l'égout, tout-compris, toute-bonne, tout-en-un, toute-épice, toutefois, toute-présence, toute-puissance, toute-science, tout-fait, tout-fou, tout-petit, tout-puissant, tout-va (à), tout-venant, va-tout.
HOM. Toue, toux.
Encyclopédie Universelle. 2012.