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toucher

1. toucher [ tuʃe ] v. tr. <conjug. : 1>
XIIe; tucher, tuchier 1080; lat. pop. °toccare, rad. onomat. tokk-
I V. tr. dir. A(Entrer en contact, avec mouvement).
1(Êtres vivants) Entrer en contact avec (qqn, qqch.) en éprouvant les sensations du toucher. Toucher un objet. palper, tâter. Elle « va toucher le radiateur [...] le fer est froid » (Plisnier). « Suivez-moi, dit Antoine, en lui touchant doucement l'épaule » (Martin du Gard). Je n'ai jamais touché une carte, jamais joué. Toucher du bois. Spécialt (cf. a. fr. et provenç. tocar, touchier « jouer, sonner ») Manipuler (les éléments d'un instrument de musique) pour en tirer des sons. « Le prince touchait languissamment les cordes de sa guitare » (Vigny). Voilà des années que je n'ai pas touché un piano. jouer. Toucher une personne, un animal. atteindre, attraper. La chatte se dérobait « à la seconde juste où j'allais la toucher » (Colette). « À l'école, souvent, il [Gandhi] touchait les intouchables » (R. Rolland). Ne me touche pas ! (En indiquant la partie du corps qui touche) Toucher du doigt. Fig. Toucher qqch. du doigt. Toucher du bout des doigts. effleurer. Toucher à pleines mains. manier. Lutteur qui touche le sol des deux épaules. Se prosterner en touchant le sol du front.
Spécialt Avoir, mettre le pied sur. Nous marchions « avec tant de vitesse et de légèreté, qu'à peine touchions-nous la terre » (Lesage). Toucher le fond.
Avoir des contacts érotiques, des relations sexuelles avec (qqn). Il « ne la touchait plus du tout, la traitait en camarade » (Zola). V. pron. Fam. et vieilli Se toucher : se masturber.
(Sans contact direct du corps) Toucher qqn, qqch. avec un bâton. Il n'est pas à toucher avec des pincettes. Toucher (avec le fleuret, le sabre) l'adversaire. touche. Absolt « À la fin de l'envoi, je touche » (Ed. Rostand). Toucher les bœufs, les faire avancer en les piquant légèrement de l'aiguillon. — Toucher la balle de sa raquette. Toucher sa bille.
(Avec un projectile ou un coup porté) atteindre. Toucher qqn à l'arcade sourcilière. frapper. Toucher la cible, le but. Il tira et toucha son adversaire à l'épaule. blesser. Absolt Il a été gravement touché. Touché coulé.
Fig. Joindre, arriver à rencontrer (qqn), par un intermédiaire (lettre, téléphone). atteindre, contacter. Où peut-on vous toucher ?
2(Choses) Entrer en contact avec (qqn, qqch.) au terme d'un mouvement. atteindre. Le bruit commun « à la cuiller qui touche l'assiette et au marteau qui frappe sur la roue » (Proust). Être touché par une balle, blessé. « l'ombre ne touchait pas encore les hautes terres » (Bosco).
Mar. Toucher le port : faire escale, mouiller. « La Romania, un cargo mixte qui venait d'Ostende, touchait Le Havre vers 5 heures du matin » (Martin du Gard). Nous avons touché terre à dix heures. Loc. Ne pas toucher terre : ne pas avoir le sens des réalités. Absolt Navire qui touche, qui entre légèrement en contact avec le fond, ou le quai, ou un autre navire, etc. ⇒ heurter; aussi tosser.
3(1585) Entrer en possession de, prendre livraison de (une somme d'argent). recevoir. Toucher de l'argent. fam. palper. Toucher un traitement, des mensualités ( émarger) . « Un légionnaire touchant [...] au service du roi 4 pesetas 10 par jour » (Mac Orlan). gagner. « En outre de la modique pension qu'il touchait, il continuait à récolter quelques petites sommes » (R. Rolland) . Toucher une prime, le gros lot. Toucher un chèque. encaisser. Turf Toucher un gagnant, un placé, le tiercé. Absolt Percevoir de l'argent. « vouloir toucher à deux guichets [...] vouloir cumuler les avantages les plus contradictoires » (Péguy).
Percevoir (autre chose que de l'argent). Toucher sa ration, sa part. « D'autres, qui ont déjà touché les nouvelles capotes bleu horizon, font les farauds » (Dorgelès).
4(Abstrait) (XIIe ) Vx Affecter, faire une impression sur. « Nous serions cruellement touchés de le perdre [ce que nous avons obtenu] » (La Rochefoucauld).
Mod. Procurer une émotion à (qqn), faire réagir en suscitant l'intérêt affectif. émouvoir, intéresser . « Pour plaire aux autres, il faut parler de ce qu'ils aiment et de ce qui les touche » (La Rochefoucauld). Ce reproche l'a touché. atteindre, blesser. Elle est touchée au vif ( offenser, piquer, vexer) . Sa mort nous a cruellement touchés. 3. affecter, éprouver.
(1610) Plus cour. Émouvoir en excitant la compassion, la sympathie et une certaine tendresse. attendrir; 2. touchant. Rien « n'était plus propre à me toucher que cette émotion contenue » (A. Gide). Nous sommes très touchés de votre sympathie. Je suis profondément touché par votre geste.
5Fig. Toucher un mot de (qqch. à qqn) :dire un mot de (qqch. à qqn). « faut-il vendre, faut-il pas vendre ? Si demain matin j'en touchais un mot au père Deutsch ? » (Colette).
B(1080) Sans mouvement
1Se trouver en contact avec; être tout proche de. jouxter. Qui touche une surface. tangent. « La maison de Mme Loiseau, qu'elle [l'église] touchait sans aucune séparation » (Proust). contigu.
2Fig. Avoir des rapports de parenté avec. Toucher de près qqn, une famille.
3Concerner; avoir un rapport avec. regarder. « Une chose qui leur est si importante et qui les touche de si près » (Pascal). Il connaît bien tout ce qui touche à l'histoire romaine (cf. Avoir trait).
V. pron. (récipr.) Être en rapport étroit. Loc. Les extrêmes se touchent. Fig. « Nous nous touchons par tant de points ! » (Balzac).
II V. tr. ind. (XIIe) TOUCHER À... AEntrer en contact avec.
1(Êtres vivants) Porter la main sur, pour prendre, utiliser. REM. Cet emploi est plus abstrait que le trans. dir.; il exclut la sensation de la personne qui touche. « Ne pas toucher aux objets exposés » (Sartre). « Il défendit expressément qu'on touchât à rien, qu'on entretînt ni qu'on réparât rien » (France). Cet enfant touche à tout. touche-à-tout. Je te défends d'y toucher ! Absolt, Fam. Pas touche ! défense de toucher.
(1564) (Négatif) Ne pas toucher à : ne pas utiliser, consommer. Il a à peine touché à son dessert. Ne pas toucher à la drogue. Ne pas toucher à son capital. entamer. Il n'a jamais touché à une arme, à un volant : il n' a jamais tiré avec une arme; jamais conduit.
(1283) (abstrait) Se mêler, s'occuper de (qqch.). « Qu'il est délicat de toucher à ce sujet ! » (F. Mauriac). aborder. S'en prendre (à qqch.), pour modifier, corriger. Personne n'ose toucher à cette coutume. Ton travail est parfait, n'y touche plus. « Toucher à cette légende, c'était s'attaquer à la religion de la monarchie » (Michelet).
♢ Y TOUCHER : (vieilli) être mêlé à qqch., y avoir part ou en être responsable. « Dirait-on qu'elle y touche avec sa mine froide ? » (Molière). Mod. Un air de ne pas y toucher, faussement ingénu. ⇒ sainte nitouche.
2Littér. ou didact. Atteindre, arriver à (un point qu'on touche ou dont on approche). Toucher au port. Toucher au but. « Ils s'en approchent sans cesse mais n'y touchent jamais » (Hugo). (À un point dans le temps). Toucher à son terme, à sa fin. Nous touchons ici à..., formule par laquelle un auteur signale qu'à ce point de son exposé il se trouve en présence de tel problème, qu'il est amené à le considérer. « Et nous touchons ici à une des lacunes de la radio » (Duhamel).
B
1Être en contact avec. Des poutres « qui touchent presque aux façades des maisons » (Sartre).
2(Abstrait) Concerner. Des secrets qui touchent à la défense nationale.
3Avoir presque le caractère de. confiner. « La maison, dont la simplicité touchait au dénuement » ( Robbe-Grillet).
toucher 2. toucher [ tuʃe ] n. m.
tochier v. 1150; de 1. toucher
1Un des cinq sens traditionnels, correspondant à la sensibilité cutanée qui intervient dans l'exploration des objets par palpation. tact. « Le toucher n'est qu'un contact de superficie » (Buffon).
2Action ou manière de toucher. attouchement, contact. Doux, rude au toucher. Littér. Jouir « du toucher d'une chose agréable » (Goncourt).
Toucher de balle : manière de frapper un ballon, une balle.
Mus. Manière de jouer, d'appuyer sur les touches, qui fait la qualité de la sonorité. Pianiste qui a un beau toucher.
Méd., chir. Mode d'exploration consistant à introduire un ou plusieurs doigts dans une cavité naturelle. Toucher rectal.
3Qualité que présente un corps pour la main qui le touche. « Cela avait le toucher de la soie tricotée avec du dur à l'intérieur » ( Aragon).

toucher verbe transitif (latin populaire toccare, du radical onomatopéique tokk-) Mettre sa main, ses doigts au contact de quelque chose, de quelqu'un, en particulier pour apprécier, par les sensations tactiles, son état, sa consistance, sa chaleur, etc. : Touche ce tissu et vois comme il est doux. Être, entrer en contact physique avec quelque chose, quelqu'un : L'ancre toucha le fond. Son visage touchait le mien. Être contigu, attenant à quelque chose : Ma maison touche la sienne. Atteindre quelqu'un, un animal, quelque chose par un coup porté, ou par un projectile : Toucher la cible en plein centre. Arriver en un lieu, l'atteindre, l'aborder : Nous avons touché terre à cinq heures. Contacter quelqu'un, entrer en rapport avec lui : Je le toucherai demain par téléphone. Atteindre, concerner quelqu'un, un groupe : Le chômage touche surtout les jeunes. Émouvoir quelqu'un, faire impression sur sa sensibilité : Votre geste m'a beaucoup touché. Recevoir une somme : Toucher son salaire. Gagner le tiercé, un gros lot, etc. Sens par lequel sont reçues les informations sur l'environnement qui sont perçues par contact cutané direct. Vieux. Jouer d'un instrument à clavier (toucher un orgue). Pêche S'emparer de l'hameçon, effleurer l'esche, en parlant du poisson. ● toucher (difficultés) verbe transitif (latin populaire toccare, du radical onomatopéique tokk-) Construction Être touché. 1. Être touché de, par (+ nom) : je suis très touché de votre offre amicale ; elle a été touchée par votre gentille lettre. 2. Être touché de (+ infinitif) : nous avons été touchés de le voir dans cet état. 3. Être touché que (+ subjonctif) : elle est touchée que vous ayez pensé à elle. Recommandation Sauf dans le cas où que est employé non pas comme conjonction, mais comme pronom relatif (comme dans je suis touché de ce qu'il a fait pour moi), éviter la construction être touché de ce que suivie de l'indicatif ou du subjonctif, tenue pour peu élégante. Emploi Toucher = jouer (d'un instrument à clavier). On disait autrefois toucher du piano, de l'orgue, du clavecin (ou toucher le piano, l'orgue, le clavecin), par opposition à pincer de la guitare, de la mandoline, du luth. On dit aujourd'hui jouer pour tous ces instruments. ● toucher (expressions) verbe transitif (latin populaire toccare, du radical onomatopéique tokk-) Familier. Toucher un mot (deux), quelques mots de quelque chose à quelqu'un, lui en parler brièvement ou incidemment. Familier. Toucher de près quelqu'un, être de sa parenté, de ses proches. ● toucher (synonymes) verbe transitif (latin populaire toccare, du radical onomatopéique tokk-) Mettre sa main, ses doigts au contact de quelque chose, de...
Synonymes :
- frôler
Arriver en un lieu, l'atteindre, l'aborder
Synonymes :
Atteindre, concerner quelqu'un, un groupe
Synonymes :
Émouvoir quelqu'un, faire impression sur sa sensibilité
Synonymes :
- ébranler
- émouvoir
Contraires :
- indifférer
Recevoir une somme
Synonymes :
Pêche. S'emparer de l'hameçon, effleurer l'esche, en parlant du poisson.
Synonymes :
toucher verbe transitif indirect Porter la main sur quelque chose : Ne touchez pas au plat, il est brûlant. Prendre quelque chose, en prélever une partie : Toucher à son capital. Consommer une petite quantité d'un aliment, d'une boisson : Il a à peine touché à son repas. Se servir de quelque chose, pratiquer une activité : Il n'avait jamais touché à une raquette de tennis. Apporter des modifications à quelque chose : Ton dessin est parfait, n'y touche plus. Maltraiter quelqu'un physiquement : Si l'on touche à ses enfants, il devient féroce. Concerner quelque chose, quelqu'un, leur être relatif : Des secrets qui touchent à la défense nationale. Aborder une question, un sujet, en venir à l'examiner : Vous touchez là à un point crucial. Littéraire. Aborder un lieu, y arriver : Toucher au port. Être en contact avec quelque chose : Leur propriété touche à la forêt domaniale. Littéraire. Se rapprocher, être proche de quelque chose : Toucher à la maturité. Une prudence qui touche à la lâcheté.toucher nom masculin (de toucher) Le sens du tact ; usage de ce sens : Reconnaître un objet au toucher. Littéraire. Impression produite par un corps que l'on touche : Un toucher doux. Mode d'examen pratiqué dans ou à travers une cavité naturelle (toucher vaginal, toucher rectal, toucher buccal) au moyen d'un ou de plusieurs doigts, revêtus d'un doigtier, que l'on y introduit. Caractère du jeu d'un musicien. Manière de frapper un clavier. ● toucher (citations) verbe transitif indirect René François Armand Prudhomme, dit Sully Prudhomme Paris 1839-Châtenay-Malabry 1907 Académie française, 1881 Le vase où meurt cette verveine, D'un coup d'éventail fut fêlé. Le coup dut l'effleurer à peine : Aucun bruit ne l'a révélé. […] Personne ne s'en doute ; N'y touchez pas, il est brisé. Stances et poèmes, le Vase brisé Lemerretoucher (expressions) verbe transitif indirect Familier. Ne pas toucher une balle, jouer très mal ; rater son coup. Familier. Ne pas avoir l'air d'y toucher, sans avoir l'air d'y toucher, dissimuler par un air innocent des actions malveillantes ou perverses ; cacher son jeu. Toucher à sa fin, à son terme, à sa conclusion, être près de se terminer, de trouver une conclusion. Toucher juste, deviner la raison profonde de quelque chose. Toucher au bois, synonyme de frayer. ● toucher (synonymes) verbe transitif indirect Porter la main sur quelque chose
Synonymes :
- tripoter (familier)
Prendre quelque chose, en prélever une partie
Synonymes :
Concerner quelque chose, quelqu'un, leur être relatif
Synonymes :
- porter sur
Aborder une question, un sujet, en venir à l'examiner
Synonymes :
- traiter de
Littéraire. Aborder un lieu, y arriver
Synonymes :
Littéraire. Se rapprocher, être proche de quelque chose
Synonymes :
- confiner à
- tenir de
Toucher au bois
Synonymes :
toucher (expressions) nom masculin (de toucher) Toucher de balle, synonyme de touche. ● toucher (synonymes) nom masculin (de toucher) Le sens du tact ; usage de ce sens
Synonymes :
Littéraire. Impression produite par un corps que l'on touche
Synonymes :
Toucher de balle
Synonymes :

toucher
n. m.
d1./d Un des cinq sens, par lequel nous percevons, par contact ou palpation, certaines propriétés physiques des corps. (V. tact.) Surface rude au toucher.
d2./d MUS Sensibilité dans le jeu de certains instruments.
d3./d MED Mode d'exploration manuelle de certaines cavités naturelles. Toucher rectal, vaginal.
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toucher
v.
rI./r v. tr.
d1./d Mettre la main sur, se mettre en contact avec (qqn, qqch). Toucher légèrement. Toucher qqch du pied, avec une baguette.
|| Toucher les boeufs, les aiguillonner (sens 1) pour les faire avancer.
d2./d (Sujet n. de chose.) Entrer en contact avec. Voiture qui touche le trottoir en reculant.
|| MAR Toucher le port, y aborder, y mouiller.
Absol. Le navire touche, il touche le fond, un rocher, etc.
d3./d Atteindre avec une arme, un projectile. Il a été touché au bras.
Absol. En escrime, faire une touche (sens 2).
d4./d Recevoir (une somme d'argent). Toucher ses appointements.
|| (Absol.) (Afr. subsah.) Gagner de l'argent. Il touche bien: il gagne beaucoup d'argent.
Spécial. Toucher son salaire. Je te rembourserai quand j'aurai touché.
d5./d Fig. Entrer en communication avec (qqn). Toucher qqn par lettre, par téléphone.
d6./d Fig. Atteindre (qqn) dans sa sensibilité (en l'émouvant, le blessant, l'attendrissant). La remarque l'a touché au vif.
d7./d Fam. Toucher un mot de qqch à qqn, lui en parler sans s'étendre.
d8./d être en contact avec. Ma maison touche la sienne.
d9./d Avoir un rapport avec, concerner. Ce qui touche cette affaire m'intéresse.
d10./d Fig. Avoir des liens de parenté avec. Il a perdu qqn qui le touche de près.
rII./r v. tr. indir. Toucher à.
d1./d Mettre la main en contact (avec). Cet enfant touche à tout.
d2./d (Surtout nég.) Se servir (de). Il jura de ne plus toucher à un fusil.
d3./d (Surtout nég.) Prélever une partie (de). Ne pas toucher à un mets, à ses économies.
d4./d Apporter un changement (à). Toucher à un texte.
d5./d être presque arrivé (à un terme). Toucher à sa fin.
d6./d Parvenir (à un point, une question) au cours d'un développement. Nous touchons au sujet principal.
rIII/r v. Pron. (Récipr.) être contigu. Leurs maisons se touchent.

I.
⇒TOUCHER1, verbe trans.
I. — Empl. trans. dir.
A. — [Avec idée de mouvement] Toucher qqn/qqc.
1. [Le suj. désigne un animé ou une partie de son corps, qui entre en contact direct avec ce que désigne le compl.]
a) Entrer en contact avec quelqu'un, quelque chose. Synon. palper, tâter.
) [La partie du corps qui entre en contact n'est pas précisée, il s'agit fréq. de la main] Toucher un objet; toucher qqc. de sale. Il n'y a rien dans ses lettres [de Colette] que des odeurs, rien que ce qu'elle touche, que ce qu'elle mange, que ce qu'elle caresse (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1959, p. 267):
1. Ma main est crispée sur le manche du couteau à dessert (...). C'est ma main qui le tient. Ma main. Personnellement, je laisserais plutôt ce couteau tranquille: à quoi bon toujours toucher quelque chose? Les objets ne sont pas faits pour qu'on les touche. Il vaut mieux se glisser entre eux, en les évitant le plus possible.
SARTRE, Nausée, 1938, p. 156.
— [Le compl. désigne une partie du corps de la pers. qui subit le contact] Toucher le bras, la figure, les joues de qqn; (ne pas) toucher un cheveu de qqn. Sa main tremble-t-elle quand il prend la mienne et que je frissonne de tout mon corps rien qu'en la touchant? (DUMAS père, Darlington, 1832, I, 1er tabl., 3, p. 32).
♦ [En signe de salut pour conclure un accord] Toucher la main à/de qqn; toucher qqn dans la main. Elle toucha la main presque à tous les hommes. Puis elle embrassa Christine (ZOLA, Curée, 1872, p. 337). Jean de Metz (...) lui toucha la main, en signe qu'il lui donnait sa foi (A. FRANCE, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 97). Empl. pronom. réciproque. Le piquant est que tous deux [Danton et Royer-Collard] se soient rencontrés, coudoyés, se soient touché la main (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 4, 1863, p. 265).
En partic. [Le compl. désigne une pers. considérée comme objet sexuel] Caresser les zones érogènes; p. ext., avoir des rapports sexuels. La certitude lui vint (...) que cet enfant ne pouvait être de lui. Ainsi qu'il le disait, il ne la touchait jamais que pour le plaisir, très sûr des précautions radicales qu'il prenait (ZOLA, Travail, t. 2, 1901, p. 18). Clotilde informait avec aisance:Papa, tout à l'heure, le Tintin Maloret a essayé de me toucher sous la robe. L'Adélaïde poussa un cri d'effroi. On fit cercle autour de la petite qui répéta:Il a essayé de me toucher (AYMÉ, Jument, 1933, p. 237).
— [Le compl. désigne la tête ou le couvre-chef]
♦ [En signe de salut] Toucher son chapeau, sa casquette, son béret. Du plus loin qu'il me voit, il touche son bonnet et vient à moi (MÉRIMÉE, Jacquerie, 1828, p. 218).
♦ [Pour exprimer le doute sur le bon état de santé mentale d'une pers.] Le jeune homme (...) toucha son front (...) comme pour lui dire que tous les Anglais avaient quelque chose de travers dans la tête (MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 10).
Loc. fig.
Toucher le fond. Atteindre la limite extrême d'un état pénible moralement, intellectuellement, ou d'une situation dégradante. Il ne fallait pas la tuer [une mouche], bon Dieu! De toute la création, c'était le seul être qui me craignait; je ne compte plus pour personne. (...) je prends la place de la victime (...). Je suis mouche, je l'ai toujours été. Cette fois j'ai touché le fond (SARTRE, Mots, 1964, p. 206).
Toucher le fond de + subst. désignant cet état ou cette situation. Toucher le fond de la misère, de la solitude, du malheur. Une fois de plus, j'ai côtoyé une vérité que je n'ai pas comprise. Je me suis cru perdu, j'ai cru toucher le fond du désespoir et, une fois le renoncement accepté, j'ai connu la paix (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 244). Toucher le fond de + subst. désignant un état physique (rare). Un flot d'effroyable ivresse était monté dans sa chair (...). La chercheuse, la perverse qu'elle était, si peu gâtée par son mari et par son bellâtre d'amant, touchait là le fond de la sensation (ZOLA, Travail, t. 2, 1901, p. 36).
Ne plus toucher terre. V. ce mot II C 1 b et infra au fig.
) [La partie du corps qui entre en contact est précisée, en position de compl. circ.] Toucher qqn/qqc. de/ avec + subst. Toucher qqn/qqc. du doigt, du bout des doigts, des lèvres, du bout des lèvres; toucher qqn/qqc. de la main, avec la/les main(s); toucher le sol des/avec les genoux; toucher le sol du/avec le front. Le cheval s'élance à travers la flamme et la mitraille sans toucher de ses pieds rapides les blessés et les morts gisant sur son passage (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 343). Le martyre de ne pouvoir la toucher quand on est si proche d'elle, toucher seulement de la pulpe du doigt le grain de beauté, qui saille un peu, sur sa nuque sombre semée de poudre de riz (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 449).
SPORTS (lutte). Toucher (le sol) des épaules. Être vaincu en étant maintenu les deux épaules au sol. Le but recherché consiste, comme on le sait, à faire toucher le solc'est-à-dire le tapis de lutte (...)aux deux épaules de l'adversaire, autrement dit à le tomber (Comment parlent les sportifs ds Vie Lang. 1954, p. 374).
Au fig. Toucher des épaules, toucher terre. Être vaincu, dominé (physiquement ou intellectuellement). Pour un fils de Dieu incarné quelle réussite plus parfaite, plus inespérée que d'atteindre à l'agonie de l'esclave marron, du bandit des routes, que de toucher terre si bas? (ARNOUX, Juif Errant, 1931, p. 33). Sans rancune, les frêles créatures (...) ne touchent des deux épaules qu'au moment où elles sont sûres de savourer tous les avantages et toutes les conséquences d'une défaite (COLETTE, Jumelle, 1938, p. 112).
Faire toucher des/les épaules. On s'installait dans la guerre (...) nous avions repris le dessus, nous lui avions fait toucher les épaules à cette femelle; on était à présent comme mariés avec elle, la lune de miel était finie (VIALAR, Pt jour, 1947, p. 288).
) [La partie du corps qui entre en contact est précisée, en position de suj.] Doigts qui touchent qqc. La tunique en mousseline de pourpre ouvrait jusqu'à la hanche sa fente (...). Démétrios passa lentement la main par cette ouverture flottante, et ses doigts en corbeille touchèrent de leurs extrémités les contours du sein gauche en moiteur. Le mamelon se dressa dans la paume (, Aphrodite, 1896, p. 92). Après avoir monté à tâtons une vingtaine de marches, nos mains touchent une porte; ne trouvant pas de sonnette, je gratte doucement (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 300).
Au fig. Depuis qu'il l'aimait, disait-il, il allait si léger et soulevé d'une telle allégresse que ses pieds ne touchaient plus la terre (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 308).
b) En partic. [Le suj. désigne une pers.]
) Examiner, explorer à l'aide de la main, des doigts pour identifier par le contact quelqu'un ou quelque chose, pour en apprécier la consistance, l'état, la température. Synon. palper. Est-ce toi, Bertholin? est-ce toi?... Laisse-moi toucher ta figure, Bertholin n'a pas de barbe; oh! si j'étais trompée! (BOREL, Champavert, 1833, p. 21). Elle me fait toucher sa robe, pour me montrer combien elle est solide (BRETON, Nadja, 1928, p. 90).
Loc. fig. Toucher du doigt. Être près, proche de quelque chose. Toucher du doigt le but, la fin. J'accomplissais le rêve de toute ma vie [en faisant ce voyage en Espagne], je touchais du doigt un de mes désirs les plus ardemment caressés (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 145).
P. ext. Avoir une perception claire, évidente. Dégoût de la vie (...).Toute ma journée dévorée par des séances stériles. Touché du doigt tous mes ennuis (...). Le sentiment de l'irrémédiable brise les ressorts de la volonté (AMIEL, Journal, 1866, p. 267). Une bonne assemblée sera bien forcée d'examiner nos plaintes (...), de voir et de toucher du doigt l'inégalité de nos charges (SAND, Souv. de 1848, 1876, p. 48).
Faire toucher du doigt; faire toucher au doigt et à l'œil (vx). Démontrer, convaincre par des preuves tangibles. Je ferai toucher au doigt et à l'œil les conséquences terribles du système des intérêts révolutionnaires, pris pour base de l'administration (CHATEAUBR., Mél. pol., t. 2, 1816, p. 128). Il faut (...) désabuser le peuple (...), l'agiter, l'émouvoir, lui montrer les maisons vides, lui montrer les fosses ouvertes, lui faire toucher du doigt l'horreur de ce régime-ci [de Louis Bonaparte] (HUGO, Nap. le Pt, 1852, p. 66).
Absol. Utiliser le tact, le sens du toucher. Voir, entendre, toucher; avoir besoin de toucher. (Dict. XIXe et XXe s.).
MÉD. Examiner au moyen du toucher. On touchera la femme de temps à autre seulement, pour juger des progrès du travail, et de la marche de la tête de l'enfant. On évitera (...) surtout de (...) porter plusieurs doigts sans nécessité dans le vagin. Des attouchemens fréquens (...) sont inutiles (BAUDELOCQUE, Art accouch., 1812, p. 203).
) Avoir fréquemment quelque chose entre les mains et s'en servir, l'utiliser avec dextérité. Synon. manier, manipuler. (Dict. XIXe et XXe s.).
Loc. Ne jamais, ne pas, ne plus toucher qqc. Ne pas, ne plus pratiquer une activité en relation avec l'objet désigné. Redoutant l'hérédité de son grand-père Tonneau, il s'était juré de ne jamais boire une seule goutte de vin et de ne jamais toucher une carte (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 220). Les opinions politiques d'Alain! Je te demande un peu si elles valent la peine qu'on s'en irrite! Pour moi surtout qui n'ai touché de ma vie un bulletin de vote (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, III, 1, p. 223).
En partic. Porter la main sur les touches, sur les cordes d'un instrument de musique pour en tirer des sons. L'artiste touche le clavier de la main gauche et glisse l'archet de la main droite sur les cordes (MAUGIN, MAIGNE, Nouv. manuel luthier, 1929 [1869], p. 321). [Le compl. désigne un instrument de mus.] Jouer. Toucher du clavecin, du luth, de l'orgue; toucher joliment d'un instrument de musique. [Le curé] avait du goût pour la musique et touchait agréablement de l'harmonium poussif (ARNOUX, Zulma, 1960, p. 20). P. méton. Jouer, exécuter. Toucher un air, un morceau de musique. Je prie Eugénie de me chanter une romance, de me toucher quelque chose sur le piano (KOCK, Cocu, 1831, p. 110).
Au fig., fam. Toucher la/une corde (sensible), toucher la grosse corde (vx). Aborder, devant quelqu'un, un sujet auquel il est particulièrement sensible, qui lui tient à cœur. Le général: (...) vous n'avez pas de petits-enfants, vous? La baronne: (...) je dois vous prévenir que si vous touchez cette corde-là, vous allez avoir le vilain spectacle d'une vieille femme en pleurs (FEUILLET, Scènes et com., 1854, p. 207).
) Porter, poser la main sur quelqu'un, quelque chose. (Dict. XXe s.).
Loc. fig. Toucher du bois.
En partic. fréq. au passif. [Le suj. et le compl. désignent une pers.] Appliquer un coup avec violence. Synon. frapper. Toucher qqn à l'arcade (sourcilière), au menton, au visage; toucher qqn du gauche. Genero est touché (...). Il va à terre (L'Auto, 3 août 1933, p. 2 ds GRUBB Sports 1937, p. 74). Lorsqu'il était touché, (...)M. Cerdan (...) touchait alors sous tous les angles (L'Équipe, 29 sept. 1969 ds PETIOT 1982).
P. anal. Atteindre en ayant un effet nuisible, néfaste. Selon l'expression de ses amis (...) Mouret « était touché ». Ses cheveux avaient grisonné en quelques mois, il fléchissait sur les jambes (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1042). Ma parole, je pers la boussole (...) Je sais bien que je suis touché puisque je ressens ma fatigue jusque dans les moelles. Mais, tout de même, avoir dormi 24 heures sans s'en rendre compte, sans le savoir, ça c'est très grave (CENDRARS, Moravagine, 1926, p. 181).
) Au fig. Toucher un mot, quelques mots de qqc. à qqn. Échanger (quelques paroles) incidemment avec quelqu'un sur un sujet précis; parler d'une question succinctement, sans s'étendre. Tous les soirs, il s'empare de mon journal (...). Je t'avoue que ça me prive; et, si tu pouvais lui en toucher un mot... sans que cela ait l'air de venir de moi! (LABICHE, Deux timides, 1860, 3, p. 162).
2. [Le suj. désigne un animé qui entre en contact indirect avec ce que désigne le compl.]
a) Toucher qqn/qqc. + compl. de moyen. Entrer en contact avec quelqu'un, quelque chose à l'aide d'un intermédiaire. Toucher qqn/qqc. du bout d'une baguette, d'un bâton. Le shérif m'avait touché de sa canne d'ébène en signe de prise de possession (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 136).
BIJOUT. Toucher de l'or, de l'argent. Contrôler le titre d'un objet d'or, d'argent en l'éprouvant à l'aide de la pierre de touche. (Dict. XIXe et XXe s.).
En partic. Conduire le bétail à l'aide d'un fouet, d'un aiguillon. Le père Caillaud, de la Priche, lui offrit d'en prendre un [des bessons] pour toucher ses bœufs (SAND, Pte Fad., 1849, p. 20).
Spécialement
ESCR. Atteindre, suivant les règles, un adversaire avec le fleuret, l'épée ou le sabre. Ma pointe voltige: une mouche! Décidément... c'est au bedon, Qu'à la fin de l'envoi, je touche (ROSTAND, Cyrano, 1898, I, 4, p. 47).
TENNIS, fam. Ne pas toucher une balle. Jouer très mal, être totalement dominé par un adversaire. (Ds PETIOT 1982).
b) Atteindre par un projectile. On conte des merveilles de son adresse à tirer à balle. Sur un cheval lancé au galop, il touche un tronc d'olivier à cent cinquante pas (MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p. 307). Mon adjudant a été touché une fois à la fesse, tout le monde riait (GIRAUDOUX, Siegfried, 1928, I, 6, p. 38).
Absol. Maurice, le bras en écharpe, s'exerçait à tirer de la main gauche (...), faisait jaillir des étincelles du pavé et criait « touché » d'une voix perçante (A. FRANCE, Révolte anges, 1914, p. 370).
Au fig., empl. abs. Toucher juste. Agir de la manière la plus adéquate, dire ce qui convient précisément. Vous avez touché juste en observant dans mes œuvres les sursauts de l'âme vers le royaume peut-être chimérique de la vérité et de la liberté sans bornes (RODIN, Art, 1911, p. 251). « Le difficile », murmura-t-il, « c'est de ne pas avoir l'air de céder à Antoine. » Il vit qu'il avait touché juste (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 738).
c) Au fig. Entrer en rapport avec quelqu'un à l'aide d'un support intermédiaire (lettre, appel téléphonique); p. ext., prendre contact avec quelqu'un par n'importe quel moyen. Synon. atteindre, joindre. [Rambert] avait décidé de partir. Comme il était recommandé (dans son métier, on a des facilités), il avait pu toucher le directeur du cabinet préfectoral (CAMUS, Peste, 1947, p. 1285). J'avais pris une journée de congé et j'étais allé faire du cheval chez des amis à la campagne... On a eu toutes les peines du monde à me toucher par téléphone (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 115).
— [Le suj. désigne ce qui s'étend, progresse] Atteindre; se propager plus avant. Dès 1930 un grand effort fut fait pour toucher les campagnes. De nombreuses œuvres affirment la présence du christianisme au Japon (Philos., Relig., 1957, p. 54-12).
3. Vieilli, PEINT. Peindre par touches. Toucher de main de maître. Pour les arbres, il ne faut pas que le reflet soit complètement un reflet (...) quand on touche par dessus les clairs ou gris, la transition est moins brusque (DELACROIX, Journal, 1854, p. 176). P. anal., littér. Décrire généralement avec talent. Tout cela [la vie d'Aurélie au pensionnat] est bien touché, pas trop appuyé, d'une grande finesse d'analyse (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 2, 1862, p. 19).
4. [Le suj. désigne une chose]
a) Entrer en contact avec quelqu'un, quelque chose au cours ou au terme d'un déplacement, d'une trajectoire. Une bombe avait touché un camion, tombé en travers du chemin (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 517).
b) MAR. [Le suj. désigne un navire, une embarcation]
) Atteindre un lieu, aborder, faire escale. Toucher un port, un rivage, la terre ferme. La flottille anglaise doit toucher après-demain la presqu'île de Quiberon (FEUILLET, Bellah, 1850, p. 285). Nous étions à bord de l'Italia, le premier transatlantique italien qui (...) filait à Gênes, son port d'attache, faire le plein, touchait Marseille, Barcelone, Malaga (CENDRAS, Bourlinguer, 1948, p. 26).
) Entrer en contact (volontairement ou accidentellement). Toucher le fond; toucher une roche, le sable. Le canot vint toucher les rochers (...) la chanoinesse s'élança sur le rivage (FEUILLET, Bellah, 1850, p. 28). Absol. Heurter accidentellement, plus ou moins violemment avec la quille ou le fond d'un bâtiment. Un choc m'apprit que le Nautilus avait heurté la surface inférieure de la banquise (...). En effet, nous avions « touché », pour employer l'expression marine (VERNE, Vingt mille lieues, t. 2, 1870, p. 154).
5. P. anal. Atteindre, parvenir à un certain niveau. Pierre monta (...) dans une voiture superbe et publicitaire qui démarra. Le compteur toucha les cent cinquante kilomètres à l'heure insensiblement, avec la nonchalance d'une trottinette (MORAND, Homme pressé, 1941, p. 300).
6. Au fig.
a) [Le suj. désigne qqc. d'abstr.] Provoquer une impression affective ou intellectuelle déterminée; affecter d'une manière précise. Toucher l'âme, le cœur, l'esprit, le goût. Ce qui me terrorisait jadis ne me touche plus. J'envisage de mourir sans trembler, alors qu'autrefois la pensée de disparaître me faisait une impression (...) pénible (GREEN, Journal, 1935, p. 38):
2. Ce qui me touche par excellence, c'est la lutte consciente et volontaire de l'homme contre le monde, sous tous ses aspects; le mineur défonçant l'Oural et le kolkozien déniaisant le paysan pour édifier le socialisme, — ou bien Rodrigue « piochant » Hegel ou Marx, mettant patiemment de l'ordre dans les pensées (...) pour se faire une conception du monde...
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 65.
Absol. Dans ses œuvres d'orgue Reinken cherche à étonner plus qu'à toucher (PIRRO, J.-S. Bach, 1919, p. 24).
— [Le suj. désigne des propos, des paroles] Toucher au vif. Irriter, froisser, blesser. Ceci rappelle un mot de Bernardin de Saint-Pierre qui touche au vif Chateaubriand (SAINTE-BEUVE, Chateaubr., t. 1, 1860, p. 202). À la violence des épithètes qu'il me donnait, je pouvais connaître que mes raisons l'avaient touché au vif (AYMÉ, Vaurien, 1931, p. 16).
RELIG. [En empl. part. passé dans la loc.] Inspirer des émotions d'ordre religieux, spirituel. Je suppose que le comte a été touché par la grâce (AYMÉ, Cléram., 1950, IV, 10, p. 241).
b) Émouvoir en suscitant une sympathie profonde, des sentiments d'affection. La mort de Zacharie les avait emplis de pitié pour cette tragique famille des Maheu (...) la mère les touchait, cette pauvre femme qui venait de perdre son fils, après avoir perdu son mari, et dont la fille n'était peut-être plus qu'un cadavre (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1557). Il y avait dans sa voix, dans son sourire, une espèce d'abandon qui aurait touché Henri, autrefois; mais depuis la crise de novembre, il avait perdu à l'égard de Dubreuilh toute chaleur de cœur (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 259).
Absol. [La beauté des pommiers en fleurs] touchait jusqu'aux larmes parce que, si loin qu'on allât dans ses effets d'art raffiné, on sentait qu'elle était naturelle, que ces pommiers étaient là en pleine campagne comme des paysans, sur une grande route de France (PROUST, Sodome, 1922, p. 781). Quand on est de plain-pied avec les hommes, il est beaucoup plus difficile de les considérer comme des fourmis: ils touchent (SARTRE, Mur, 1939, p. 72).
7. [Le suj. désigne une pers.] Recevoir quelque chose de dû au terme d'un contrat.
a) [Le compl. désigne une somme d'argent] Se faire payer ou donner de l'argent, une somme d'argent. Proudhon (...) ne condamnait pas la propriété individuelle, mais voulait empêcher qu'un propriétaire touche un revenu sans travailler (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1968, p. 163):
3. — (...) puisque tu vas à Montsou pour la paye, rapporte-moi donc une livre de café (...) — Je te chargerais bien de passer aussi chez le boucher (...). Cette fois, il leva la tête. — Tu crois donc que j'ai à toucher des mille et des cents... La quinzaine est trop maigre avec leur sacrée idée d'arrêter constamment le travail.
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1282.
SYNT. Toucher une allocation, des appointements, un arriéré, un chèque, des dividendes, des droits, des gages, des intérêts; toucher son mois, des mensualités, une paie, une pension, un pourcentage, des revenus, une retraite, une ristourne, un salaire, un traitement; toucher tant par jour, par semaine, par mois; toucher de l'argent, un pourcentage sur la recette; toucher une somme d'argent.
En partic. Gagner. Toucher le tiercé, un gagnant, le gros lot. Jacques (...) avait touché un placé dans la première (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 274).
b) P. ext. Percevoir quelque chose qui est régulièrement, périodiquement attribué. Toucher une ration de pain, de tabac. Cependant, après chaque repas, quand il était à la maison, la coutume était demeurée que je touchasse mes bonbons, sauf si j'en avais été privée par punition (BARRÈS, Enn. Lois, 1893, p. 151). D'autres, qui ont déjà touché les nouvelles capotes bleu horizon font les farauds (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 65).
B. — [Sans idée de mouvement]
1. Être en contact avec quelque chose dans l'espace. Je viens, avec les deux [blouses de lit] d'en faire confectionner une seule (...) pour m'ensevelir. Elle a un capuchon, garni de dentelle autour, de la véritable dentelle de fil,tu sais si j'ai horreur de toucher de la dentelle de coton (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 69).
2. Au fig.
a) Avoir un rapport de parenté avec quelqu'un, avec une famille. Toucher qqn de près. La plupart de ceux qui touchaient le mort même de loin furent nommés l'un après l'autre [dans un testament] (TOULET, J. fille verte, 1918, p. 301).
b) Concerner plus ou moins directement. J'ai une explication grave et sérieuse à vous demander, une explication qui touche mon honneur! (DUMAS père, Mlle de Belle-Isle, 1839, III, 3, p. 58). Cette personne indifférente à tout ce qui ne constitue pas son étroit univers, à tout ce qui ne la touche pas directement, ne connaît aucune des lois de la « gens » (...). Ce n'est pas de sa part bienveillance ou sympathie naturelle: elle ne pense jamais aux autres, fût-ce pour les haïr (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 127).
En ce qui touche. En ce qui concerne. Synon. touchant2. Les peuples ne sont pas plus que les hommes disposés à reconnaître et à confesser le vrai en ce qui touche leurs propres intérêts (A. DE BROGLIE, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 30).
II. — Empl. trans. indir.
A. — Entrer en contact avec.
1. [Le suj. désigne un animé]
a) Toucher à qqc.
) Porter la main sur quelque chose; prendre quelque chose pour le déplacer, le manipuler. Ce bon Fleury est venu me voir avec un diable d'enfant qui touchait à tout (DELACROIX, Journal, 1847, p. 183). En entendant du bruit dans son bureau, j'ai entrebâillé la porte et j'ai vu Marie penchée sur des feuillets manuscrits.Qu'est-ce que vous fabriquez? (...) Je vous ai dit de ne jamais toucher à ces papiers (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 161).
Rare. [Le suj. désigne un animal] Un déclic doit se produire si l'animal touche à la proie proposée, et derrière lui s'abattra aussitôt une sorte de couperet de bois pour fermer le pertuis à ras du sol (GIDE, Journal, 1938, p. 1302).
Loc., vx. [Pour conclure un marché; en signe d'accord, d'amitié] Toucher à qqn dans la main; toucher dans la main de qqn. (Dict. XIXe et XXe s.).
Empl. abs. Touche-là! Synon. tope-là. Touchez-là, vous avez la parole d'un homme qui n'a jamais failli à celle qu'il a donnée (BALZAC, Marâtre, 1848, III, 6, p. 90).
) [Souvent en parlant d'un enfant] Faire usage de quelque chose, utiliser quelque chose sans y être autorisé. La mère parlant (...) de son enfant, de sa manie de toucher aux allumettes, de sa crainte qu'il n'incendiât la maison (GONCOURT, Journal, 1894, p. 552).
P. ell., pop. [Pour interdire de toucher à qqc.] Pas touche! pas touche, bébé! (Dict. XXe s.).
) Prélever une partie de quelque chose, entamer quelque chose. Toucher à son argent, à ses bénéfices, à son capital. [Auguste] est resté quinze ans petit employé de commerce, avant d'oser toucher à ses cent mille francs (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 120).
En partic. [Le compl. désigne une nourriture, une boisson; fréq. dans des phrases nég.] Le bouillon sifflait dans les cuillers. Ensuite, vint le bouilli. Chanteau, très gourmand, y toucha à peine, se réservant pour le gigot (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 817). Je la trouvais bouleversée, se refusant à toucher à un seul plat du repas (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 64).
) [Le compl. désigne une activité, un objet spécifique à cette activité] Ne jamais/ne pas toucher à qqc. Ne pas se servir de quelque chose, ne pas se livrer à une activité. Jamais dans la maison on ne touche à une aiguille (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p. 31).
b) Toucher à qqn. Porter la main sur quelqu'un avec une certaine violence. Loc. pop. Touche pas à mon pote. (Dict. XXe s.).
— [P. méton.] Toucher à un cheveu (de la tête) de qqn. Malmener, maltraiter. Si j'apprends qu'on a seulement touché à un cheveu de sa tête, j'en fais mon affaire personnelle. Mettez-vous ça sous la casquette (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 40).
En partic. Avoir des relations sexuelles avec quelqu'un. Il se révoltait, il voyait rouge à la pensée que Philippe pourrait un jour toucher à cette femme (ZOLA, Nana, 1880, p. 1370). Je n'ai pas l'habitude de refuser ce qu'on m'offre et voilà six mois que je n'ai pas touché à une femme (SARTRE, Mains sales, 1948, 6e tabl., 3, p. 239).
c) Au fig. [Le compl. désigne qqc. d'abstr.]
) S'intéresser à quelque chose dans la perspective d'en faire l'étude, d'en parler; traiter de quelque chose, d'un sujet. Ce dictateur s'agite, rendons-lui cette justice (...). Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets; ne pouvant créer, il décrète (HUGO, Nap. le Pt, 1852, p. 54). J'ai relu ces vacances L'Ennemi des lois de Barrès (...) que cela m'a paru léger! Qui oserait aujourd'hui toucher à Fourier ou à Saint-Simon avec si peu de sérieux! (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 212).
) Apporter des modifications, des corrections; en partic., modifier en portant atteinte, en dégradant quelque chose. Toucher à un texte, à un vers; toucher à une loi, aux libertés, au droit de grève. La femme a traîné quelque temps (...) n'osant plus sortir, dans la certitude obstinée qu'on assassinait au coin des rues, depuis le jour où l'on avait touché à la rente (ZOLA, Travail, t. 2, 1901, p. 279).
— [Le compl. désigne une pers. en tant qu'ayant un certain comportement, certaines qualités ou caractéristiques morales, intellectuelles, certains traits de caractère] Critiquer quelqu'un. Malheur à qui touche à ma mère, je n'ai plus alors de scrupules! Si je le pouvais, j'écraserais cette femme comme on écrase une vipère (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 366). Coryse s'écria, fâchée qu'on touchât au vieil abbé qu'elle aimait beaucoup.Encroûté!... lui!... jamais de la vie! (GYP, Mariage Chiffon, 1894, p. 71).
Loc. fam. Ne pas avoir l'air d'y toucher; sans avoir l'air d'y toucher. Dire ou faire quelque chose en adoptant un air faussement ingénu. Pendant le dîner, sans avoir l'air d'y toucher (...) tout en vidant quelques coupes joyeuses (...) Je serais bien aise de vous voir entreprendre ce garçon (MUSSET, On ne badine pas, 1834, I, 2, p. 9). Pauliet était habile et avec son air de n'y pas toucher il avait l'art de poser les questions (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 219).
2. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé] Atteindre, approcher de très près.
a) ) [Le compl. désigne un lieu, un point dans l'espace] Toucher à son port d'attache. Des paquebots partent régulièrement chaque mois d'Albion, et vont toucher aux différents points des colonies espagnoles (CHATEAUBR., Congrès Vérone, t. 2, 1838, p. 258).
Au fig. Toucher au but. Atteindre l'objectif fixé, le terme d'une entreprise. Ce n'est pas vrai que je sois content, ce soir (...) je ne me sens plus la force de te faire du mal... Mais nous touchons au but, je te jure. Tout sera bientôt liquidé, réglé (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, II, 6, p. 198). Hilbert et son école (...) croyaient toucher au but et démontrer, non seulement la non-contradiction de l'arithmétique, mais aussi celle de la théorie des ensembles (BOURBAKI, Hist. math., 1960, p. 63).
) [Le compl. désigne un état physique ou mor.] Toucher au bonheur; toucher au bout de ses souffrances. Je crois toucher au bout de mes forces (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 266).
b) [Le compl. désigne un point dans le temps] Toucher à son terme, à son heure dernière. L'insurrection de Paris touche à sa fin. Les affaires ont l'air de reprendre à Rouen (FLAUB., Corresp., 1871, p. 271). Marianne: (...) Élisabeth touche à la trentaine sans en avoir l'air. Rose: Pour cela non, elle n'en a pas l'air (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, I, 1, p. 157).
B. — Être en contact avec.
1. Être contigu, attenant. Il (...) court au cimetière, qui touche à notre maison et qu'un mur sépare du jardin (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 225). Cette robe, très ample et qui touche presque à terre, me paraît bien gênante au début (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 158).
2. Être lié par des rapports de parenté. Je croyais que vous touchiez aux Montgommeri par le cœur, comme par le nom (LABICHE, Prix Martin, 1876, I, 4, p. 20).
3. [Le compl. désigne qqc. d'abstr.]
a) Concerner. Sa confiance (...) demeurait intacte sur les questions vraiment philosophiques: celles qui touchent à la constitution, aux facultés, à la destination, de l'homme (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 229). Les étranges conditions de sa vie font de lui [Flaubert] le plus aveugle bonhomme pour tout ce qui ne touche pas à l'art et au style (MAURIAC, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p. 163).
b) Être presque assimilable à quelque chose. C'était un honnête gentilhomme (...) riche et d'une ancienne famille, mais d'une simplicité d'esprit qui touchait à l'idiotisme (FEUILLET, Sibylle, 1863, p. 8):
4. Comme la tragédie fait à l'histoire et à la psychologie, le genre cosmogonique touche aux religions, avec lesquelles il se confond par endroits, et à la science, dont il se distingue nécessairement par l'absence de vérifications.
VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 136.
III. — Empl. pronom.
A. — Être en contact, être près l'un de l'autre. Les portes et les fenêtres des sept ateliers voisins se touchent sur la courette où nous sommes (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 169).
Au fig. Être très proche, se ressembler. Il n'y a pas de hasard dans les lectures. Toutes mes sources se touchent: Pascal, Racine, Gide. Les siècles n'y font rien. C'est la même nappe souterraine (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 173).
B. — Fam. Se masturber. Elle vous raconte avec un petit ton calme qu'elle a des envies de se tuer pour être tranquille, (...) qu'elle se touche quatorze fois par jour (JANET, Obsess. et psychasth., t. 2, 1903, p. 26). Le collégien qui se touche Évoquant tes fesses et tes seins En apprenant l'histoire de France (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 250).
REM. 1. Touchement, subst. masc., vx ou littér. Action de toucher. L'important n'est pas de vivre, mais de mourir et d'être consommé! Et de savoir en un autre cœur ce lieu d'où le retour est perdu, Aussi fragile à un touchement de la main que la rose qui s'évanouit entre les doigts! (CLAUDEL, Cantate, 1913, p. 329). 2. Touche-pipi, subst. masc. inv., fam. Attouchements réciproques des zones érogènes. Jouer à, jeu de touche-pipi. Nous lisions souvent ensemble, des poètes de l'amour courtois, mais souvent nous n'allions pas plus loin pour faire une partie de touche-pipi (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 81). 3. Touche-touche (à), loc. adv., fam. De façon très rapprochée, côte à côte. Var. à tout-touche. (Ds ROB. 1985). Mêmes échoppes minuscules installées à touche-touche (DRUON, Roi de fer, 1955, p. 52). 4. Touchoter, verbe trans. Manipuler maladroitement, toucher légèrement; effleurer. En voyant touchoter avec des doigts si bêtes mes bibelots par ce joli petit animal qui s'appelle Mme de Bonnières, j'étais furieux de montrer ces choses à pareille femmelette (GONCOURT, Journal, 1886, p. 570).
Prononc. et Orth.:[], (il) touche []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1re Section. Trans. dir. I. Entrer en contact avec A. Suj.: être animé ou telle partie de son corps 1. ca 1100 « entrer en contact avec quelqu'un ou quelque chose par l'intermédiaire d'un objet, d'un instrument » (Roland, éd. J. Bédier, 1316: Deus le guarit, qu'el cors ne l'ad tuchet); 1130-40 (WACE, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 694: Dame [...] ne t'ous tocher); 2. ca 1100 « faire avancer des bêtes » (Roland, 861: sur un mulet, od un bastun tuchant); fin XIIIe s. (PERROT DE NEELES, éd. L. Jordan, 44 ds T.-L.: touce des esperons le boin ceval); 3. a) 1121-34 « entrer en contact avec quelqu'un ou quelque chose par quelque partie du corps » (PHILIPPE DE THAON, Bestiaire, éd. E. Walberg, 912: veeir, oïr, parler, tuchier e odurer); ca 1145 (WACE, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1710: le raim tochierent); b) ca 1145 « avoir des rapports sexuels avec » (ID., ibid., 537: ja ne sera d'ome tochiee); c) ca 1300 ne pas toucher (à) terre « marcher, courir, danser avec légèreté, rapidité, aisance » (GUILLAUME DE SAINT-PATHUS, Miracles de Saint-Louis, éd. P. B. Fay, p. 124: il sembloit que ele ne touchast a terre); 1655 (CYRANO DE BERGERAC, Les Estats et empires de la lune, éd. F. Lachèvre, p. 10: je ne touchois presque point à la terre); 1732 (LESAGE, Gil Blas, éd. Étiemble, p. 839: à peine touchions nous la terre); d) 1456 toucher la main à qqn (en signe de salut, d'amitié) (ANTOINE DE LA SALE, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 120: lui toucha la main); ca 1470 toucher qqn en la main (G. CHASTELLAIN, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 4, p. 385); ca 1485 touchez là! (Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 17709: touchez la); e) 1539 toucher du bout du doigt/des doigts (EST., s.v. doigt); 1576 faire toucher du doigt (LARIVEY, Facétieuses nuits de Straparole, 7e nuit, fable 4, f° 83 v°: je vous feray [...] toucher au doigt vostre tort); f) 1774 fig. toucher le fond de (BEAUMARCHAIS, Mém. contre Goëzman, éd. 1828, p. 308: ceci ne touche pas le fond de la question); g) ) 1877 en parlant de quelqu'un qui est vaincu à la lutte (A. DAUDET, Nabab, p. 113: je suis à terre [...] les épaules ont touché); ) 1900 fig. (BARRÈS, Appel soldat, p. 439: un terrain qu'il touche de ses deux épaules); 1906 (ID., Cahiers, t. 4, p. 266: toucher terre); h) 1882 toucher du fer (par superstition) (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Oncle Sosthène, p. 21); 1904 toucher du bois (BATAILLE, Maman Colibri, III, 4, p. 21); 4. a) ca 1138 « aborder un sujet, une question; mentionner » (GEOFFROI GAIMAR, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 1637: tucher m'estuet [empl. intrans.]) , 1241-57 (St François, éd. A. Schmidt, 1235 ds T.-L.: touche tout son porpos); b) 1286-1316 toucher un mot (JEAN MAILLARD, Roman du Comte d'Anjou, éd. M. Roques, 4724: Mez onques mot ne li toucha); 5. 1176 « contrôler le titre d'un objet en or » (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 4202: por ce toche an l'or a l'essai); 6. a) ca 1200 « jouer d'un instrument de musique » (Renart, éd. E. Martin, branche IX, 662: cor tocher); b) 1553 « jouer (un air, un morceau de musique) » (La Bible, impr. J. Gérard, I Cor. 14b ds FEW t. 13, 2, p. 9b); c) 1579 toucher une mauvaise corde (LARIVEY, Vefve ds Anc. Théâtre fr., t. 5, p. 121: vous lui touchiez une trop mauvaise corde); 1774 toucher la corde sensible (J. DE LESPINASSE, Lettres à M. de Guilbert, éd. E. Asse, p. 94); 7. a) 1311 « recevoir (une somme d'argent) » (Texte ds Mém. de la Sté de l'hist. de Paris, t. 30, p. 223 ds Fonds BARBIER: recevoient et touchoient [...] quarante livres), attest. isolée; à nouv. 1578 (RONSARD, Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 17, p. 394: la main [...] aura le pris touché); 1585 (Lettres missives de Henri IV, t. 3, p. 70 ds GDF. Compl.: touchent argent); b) 1807 p. ext. « recevoir (notamment dans le vocabulaire militaire) » (COURIER, Lettres Fr. et Ital., p. 740: je ne touche aucune ration); 1892 (ZOLA, Débâcle, p. 1: toucher les vivres); 8. a) 1547 « atteindre avec un projectile » (N. DU FAIL, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 20: que je touche le blanc [ici au fig.: que j'aille droit au but]); 1636 (MONET : il a touché le blanc); b) 1846 fig. toucher juste « atteindre son but » (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, p. 146); av. 1860 (LAMARTINE, s. réf. ds DOCHEZ 1860); c) 1872 escr. « atteindre (son adversaire) » (LITTRÉ); av. 1876 (G. SAND, s. réf. ds GUÉRIN 1892); 9. a) 1610 « palper, explorer avec la main un objet pour en reconnaître la forme, la nature, les caractéristiques » (D'URFÉ, Astrée, t. 2, p. 254: voulurent toucher le charbon pour sçavoir s'il estoit chaud); b) 1812 méd. « examiner au moyen du toucher vaginal » (BAUDELOCQUE, loc. cit.); 10. a) 1621 peint. (R. FRANÇOIS, Essay des Merveilles de Nature, p. 202 ds BRUNOT t. 6, p. 689, note 11: le Peintre touche bien, c'est-à-dire, fait bien la carnation du nud); b) 1662 p. ext. litt. « exprimer, décrire (par l'écriture) » (MOLIÈRE, Les Fâcheux, avertissement, éd. R. Bray, t. 2, p. 152: toucher [...] un petit nombre d'Importuns); 11. 1623 « atteindre un lieu par mer, y aborder » (SOREL, Les Nouvelles fr., p. 142: ils toucherent la terre); 12. av. 1964 « prendre contact, entrer en rapport avec quelqu'un » (J. ROMAINS, s. réf. ds Lar. encyclop.). B. Suj.: être inanimé 1. ca 1140 « rencontrer, atteindre, heurter » (Voyage Charlemagne, éd. G. Favati, 549: [arme] qui m'at en char tuchet); 2. [i]ca 1160 fig. « éprouver, altérer » (Troie, éd. L. Constans, 1353: quant ire e mautalenz les toche); 1550 (RONSARD, op. cit., t. 1, p. 254: le tens qui encor ne nous touche); 3. 1539 fig. « atteindre, gagner (en parlant de ce qui s'étend, progresse) » (EST., s.v. ville: ville ferue et touchee de rage); 4. 1642 mar. « atteindre (une terre, un port) » (OUDIN Fr.-Ital.: toucher terre); 5. 1874 « parvenir à son destinataire (en parlant d'une correspondance, d'une communication) » (Gazette des tribunaux, 16-17 nov., p. 1103c ds LITTRÉ Suppl. 1877: n'ont pas été touchés par la notification). C. 1. a) Ca 1150 « affecter; faire une impression sur (dans le domaine affectif) » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 5940: l'amour de lui au cuer li touche); 1540 (Amadis de Gaule, 1er livre, éd. H. Vaganay-Y. Giraud, p. 285: son frere et Olinde estoient touchez par grand amour l'ung de l'aultre); b) ca 1485 relig. (Mistere du Viel Testament, 28473: ma grace touche [...] ceulx qu'i me plait); 2. mil. XVe s. « émouvoir » (P. CRAPILLET, Trad. du « Cur Deus homo », éd. R. Bultot et G. Hasenohr,347: il vient pour toy touchier); 1567 (RONSARD, op. cit., t. 14, p. 157: toucher [...] mon ame); 1571 (ID., ibid., t. 15, p. 302: nul ne peut par larmes la toucher [la mort]); 3. ca 1470 fig. toucher au vif (G. CHASTELLAIN, op. cit., t. 5, p. 184: quand ce vint à toucher au vif du cas); 1559 (AMYOT, Vies des hommes illustres, Pélopidas, f° 202 v°: cette parole toucha au vif Thebe); ca 1485 sens propre (Mistere du Viel Testament, 28427: que noz ennemis on touche au vif). II. Être en contact avec. 1. ca 1270 « avoir à faire avec, concerner » (Seneschaucie, éd. D. Oschinsky, 1971, 47 ds MÖHREN Landw. Texte 1986, p. 258: choses ke touchent sa baillie); 1400-17 expr. en ce qui touche « en ce qui concerne » (NICOLAS DE BAYE, Journal, éd. A. Tuetey, t. 1, p. 8); 2. 1579 toucher de près qqn « être son proche parent, son allié » (LARIVEY, Laquais ds Anc. Théâtre fr., t. 5, p. 80: ce qui vous touchoit de plus près [votre fille]); 1588 « avoir un lien de parenté » (MONTAIGNE, Essais, III, 9, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 968: ceux qui me touchent); 3. 1580 « être en contact avec quelque chose dans l'espace; être contigu » (ID., ibid., I, 31, p. 204: cette Isle [...] touchoit quasi l'Espaigne). 2e Section. Trans. indir. I. entrer en contact avec A. toucher à quelque chose ou quelqu'un (suj.: être animé) 1. ca 1145 « porter la main sur » (WACE, Conception ND, 1693: toche a la biere de tes mains); 2. 1283 fig. « s'occuper de quelque chose, en aborder l'étude, en parler » (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, 19: des biens qui pueent venir au baillif [...] toucherons nous un petit briement); 3. a) ca 1360 « porter atteinte à » (FROISSART, s. réf. ds DOCHEZ 1860: que le dépit et l'outrage [...] touchoit trop grandement à la majesté royale); b) 1450-65 y toucher « être mêlé à quelque chose » (CHARLES D'ORLÉANS, Poés., éd. P. Champion, p. 360: Soubz visieres de Semblant qu'on n'y touche); 1834 (MUSSET, loc. cit.); c) 1538 « porter atteinte à quelque chose, y introduire des modifications, des corrections, des restrictions, etc. » (EST. ds FEW t. 13, 2, p. 6a); 1539 (EST.: on n'a point touché aux temples [...] il ne toucha a la ville); 4. a) 1539 « prendre, prélever une partie de quelque chose » (EST.: ne toucher au tribut, ne l'accroistre ne diminuer); b) 1564 ne pas toucher à une nourriture, une boisson (RONSARD, op. cit., t. 12, p. 149: ma levre au gobelet n'a touché pour y boire; p. 216: je suis Tantale [...] qui ne puis toucher Au doux fruit que je sens sur ma levre aprocher); 1580 (MONTAIGNE, op. cit., I, 34, p. 220: qu'on n'auroit pas touché à sa bouteille); 1588 (ID., ibid., III, 13, p. 1101: je n'y toucheray point [à un mets]); 5. 1797 « faire usage de quelque chose » (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, p. 1740: toucher à un pistolet). B. Toucher à quelque chose (arriver, parvenir à) 1. 1176-81 « arriver à tel lieu, en être tout proche » (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 6440: ele i toche [à la tour]); 1170-83 fig. (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 446: en la veie esteit de pechié, Mais n'i aveit uncor tuchié); 1547 fig. toucher au but (N. DU FAIL, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 123); 1655 fig. toucher au port (CYRANO DE BERGERAC, Les Estats et empires du soleil, éd. F. Lachèvre, p. 188); 2. a) 1635 « parvenir à telle époque, à tel événement » ici, trans. dir. (CORNEILLE, Médée, V, 4: ce royal hyménée Dont nous pensions toucher la pompeuse journée!), 1659 (F. DE BOISROBERT, Epistres en vers, éd. M. Cauchie, t. 2, p. 163: je touche à mon climaterique); b) 1673 toucher à son heure dernière, à sa fin, etc. « être près de mourir » (RACINE, Mithridate, V, 4: le Roi touche à son heure dernière); 1677 (ID., Phèdre, I, 2: la Reine touche presque à son terme fatal); 1763 (VOLTAIRE, Hist. de l'Empire de Russie, t. 2, p. 168: Mme de Maintenon [...] touchait à sa fin); c) 1733 toucher au terme (MARIVAUX, Heureux stratagème, éd. F. Deloffre, p. 93: nous touchons au terme); 1736 toucher à la fin (DESTOUCHES, Le Dissipateur, éd. 1757, p. 72: nous touchons à la fin des deux ans de veuvage); 1739 toucher à sa fin (PRÉVOST, Le Philosophe anglois, éd. 1777, t. 5, p. 23: [mes peines] touchoient à leur fin). II. Être en contact avec 1. a) ca 1150 « être en contact avec, être attenant, contigu » (Thèbes, éd. L. Constans, 3854: les manches [...] a terre tochent); b) ca 1345 « être presque au contact de quelque chose » (Isopet-Avionnet, éd. J. Bastin, t. 2, p. 249: si que aus oreille leur touche [la bouche]); 2. 1267 « avoir un rapport avec, concerner » (Bonne-Nouv., KP3A, A. Loiret ds GDF. Compl.: en tant comme a lui tuiche); 1283 (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, op. cit.,57: querele qui touche a la persone; § 553 [var.]: chose qui touche a proprieté); 3. 1567 « être lié à quelqu'un par le sang ou par alliance » (RONSARD, op. cit., t. 14, p. 174: ceux qui luy touchoient); 4. 1739 fig. « être très voisin de, être presque assimilable à » (PRÉVOST, op. cit., p. 10: si le bonheur touche de si près à la peine). 3e Section. Intrans. 1. apr. 1515 mar. « heurter de la quille le fond ou un ouvrage » (E. DE LA FOSSE, Voyage, p. 9 ds GDF. Compl.: nous touchasmes en glisçant sur une roche); 1529 — mil. XVIe s. ([J. CRIGNON], Le Discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier de Dieppe, éd. Ch. Schefer, 1883, p. 5); 2. 1964 pêche « mordre à l'hameçon » (Lar. encyclop.). 4e Section. Pronom. 1. av. 1558 [éd. 1574] « être en contact, être tangents » (MELLIN DE SAINT-GELAIS, Œuvres compl., éd. P. Blanchemain, t. 1, p. 202: espics [de blé] non se touchans); 1580 (MONTAIGNE, op. cit., II, 12, p. 571: ne pouvoir jamais [...] arriver à se toucher [il s'agit de l'hyperbole]); 2. 1657-62 fig. « avoir des rapports étroits, des points communs » (PASCAL, Pensées, éd. L. Lafuma, n° 83, p. 509: les sciences ont deux extrémités qui se touchent); 1751 se toucher de près (CRÉBILLON fils, Ah quel conte, éd. 1779, p. 250); 1755 expr. les extrêmes se touchent (MIRABEAU, L'Ami des hommes, éd. 1756, t. 1, p. 328); 3. 1655 « se masturber » (CYRANO DE BERGERAC, op. cit., p. 66: quand je me touche par la pièce du milieu); 1766 (BUFFON, Hist. nat., t. 14, p. 135: [le babouin] est insolemment lubrique, et affecte [...] de se toucher). D'un lat. pop. toccare « heurter, frapper », propr. « faire toc », issu du rad. onomat. tok évoquant le bruit sec produit par le choc de deux objets durs (v. SCHUCHARDT ds Z. rom. Philol. t. 22, p. 397 et t. 23, p. 331; EWFS; FEW t. 13, 2, pp. 14-16, s.v. tokk-). Cf. toc, tocsin, toquer et les correspondants de toucher dans les autres lang. rom.: esp., port., cat., a. prov. tocar, prov. touca, ital. toccare, roum. toca. Fréq. abs. littér.:14 693. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 20 052, b) 21 116; XXe s.: a) 20 857, b) 21 514. Bbg. Neue Beiträge zur rom. Etymologie... Heidelberg, 1975, pp. 266-279. — NICHOLSON (G.-G.). Ét. étymol. R. Ling. rom. 1929, t. 5, pp. 32-40. — QUEM. DDL t. 10, 19, 40.
II.
⇒TOUCHER2, subst. masc.
A. — Un des cinq sens comprenant différentes classes de sensations (cutanées, kinesthésiques, thermiques, etc.), qui permet d'apprécier la consistance des objets et d'effectuer leur exploration par palpation. Synon. tact. Toucher actif, passif; délire, illusions, obsession du toucher; organe, récepteurs, sensation du toucher. Il y a (...) dans le toucher deux phénomènes: conscience du toucher de la peau, conscience de l'effort musculaire; d'où la perception des corps sous ce double rapport. Ce sens nous donne encore l'idée des formes (BROUSSAIS, Phrénol., leçon 14, 1836, p. 482). On veut montrer que le toucher n'est pas spatial par lui-même, qu'on essaye de trouver chez les aveugles ou dans les cas de cécité psychique une expérience tactile pure et de montrer qu'elle n'est pas articulée selon l'espace (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 251).
B. — 1. [Corresp. à toucher1 I A 1 b ] Usage du sens du toucher; action, manière de toucher. Délicatesse du toucher; toucher délicat, doux. Encadrés dans des échafaudages blancs, les ouvriers manient des objets grisâtres et fragiles avec des gestes délicats, très rapides, un toucher presque féminin (CHARDONNE, Dest. sent., II, 1934, p. 177). Angélina (...) regardait (...) cette grande main d'homme, déliée et puissante, tout à la fois souple et forte, une main qui semblait douce au toucher et en même temps ferme et blonde comme le cœur du chêne (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 65).
2. Sensation, impression tactile produite par un corps que l'on touche. Toucher doux, granuleux, moelleux, rude, soyeux, velouté. Les graphites naturels ont un toucher gras (COFFIGNIER, Coul. et peint., 1924, p. 494). Ses mains, on s'y attachait tellement qu'il fallait faire effort pour les lui rendre (...) après le chaud toucher de la peau, il y avait le mouillé des ongles. Assujettissant contact (MORAND, Champions du monde, 1930, p. 101).
C. — Spécialement
1. MÉD. Procédé d'examen des cavités naturelles à l'aide d'un ou de plusieurs doigts. Synon. palpation. Toucher buccal, rectal, rhino-pharyngé, vésical. [La symphyse du pubis] peut ainsi effectuer de véritables mouvements de chevauchement qu'on suit assez aisément en pratiquant le toucher vaginal sur la femme debout (G. GÉRARD, Anat. hum., 1912, p. 169).
2. MUS.[Corresp. à toucher1 I A 1 b ] Manière de jouer d'un instrument de musique à clavier ou à cordes, spécifique à un musicien. Toucher délicat, doux, vigoureux; variété de touchers; toucher du clavier. Il convient d'étudier le toucher en même temps que le doigté (SELVA, Techn. piano, 1908, p. 2). J'aimais à la folie le toucher d'Annalena. Si surprenante que fût l'habileté qu'elle y montrait, jamais je n'y trouvai l'occasion de douter de la sincérité de son émotion. La belle musicienne avait l'âme fort sensible et l'agilité de ses mains angéliques ne ressemblait en rien à l'adresse irritante et vulgaire des virtuoses (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 166).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) mil. XIIe s. « un des cinq sens » (SAMSON DE NANTEUIL, Proverbes de Salomon, éd. C. C. Isoz, 6769: le tochier); b) 1636 spéc. « le tact, ou sens tactile, sensibilité au contact et à la pression » (MONET: l'araigne a le toucher fort delicat); 2. 1553 « action, manière de toucher » (RONSARD, Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 5, p. 108: un simple toucher [avec une femme] [...] me foudroïe); 3. 1560 « exercice actif du sens du toucher » (ID., ibid., t. 10, p. 285: plus souefve au toucher); 4. 1625 mus. (CAMUS, Palombe, p. 258: le toucher des cordes); 1636 (MERSENNE, Harmonie universelle, Traité des instruments à cordes, p. 163: le beau toucher [d'un organiste]); 5. 1759 méd. (Mme LE BOURSIER DU COUDRAY, Abrégé de l'art des accouchements, p. 30 ds BRUNOT t. 6, p. 610, note 3); 1845 toucher rectal, toucher vaginal (BESCH.); 6. 1762 « impression tactile produite par un corps que l'on touche » (ROUSSEAU, Émile, éd. Ch. Wirtz, p. 390: le toucher dur et meurtrissant du violoncelle); 7. 1904 pêche « façon propre à chaque espèce de poisson de mordre à l'hameçon » (Nouv. Lar. ill., s.v. touche). Empl. subst. de toucher1. Fréq. abs. littér.:290. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 368, b) 388; XXe s.: a) 438, b) 446. Bbg. MEIER (H.). Die Benennung der fünf Sinnesvermögen... Rom. Forsch. 1979, t. 91, pp. 50-78.

1. toucher [tuʃe] v. tr.
ÉTYM. XIIe; var. tochier, tuchier (1080), touchier, etc., en anc. franç.; soit d'un lat. pop. toccare, formation onomat. « faire toc » (cf. toquer, conservé dans toutes les langues romanes); soit (Guiraud) d'un roman tudicare, doublet de tuditare, de tundere « frapper, battre » (cf. toucher les bœufs).
Établir ou avoir des points communs avec (une surface, un corps).
———
I Trans. dir.
A Entrer en contact avec (qqn ou qqch.), de façon légère ou violente.
1 (Le sujet désigne une personne, un animal). Entrer en contact avec (qqn, qqch.), en éprouvant les sensations du toucher.REM. La partie du corps en contact n'est pas toujours désignée, surtout s'il s'agit de la main (→ Tenir). — Toucher un objet. Palper, tâter (→ Marquer, cit. 56; noce, cit. 2; propre, cit. 27; radiateur, cit. 1). || La sculpture (cit. 1) se laisse toucher. || Toucher qqch. avec (la main, le pied, le bras).
Se pencher (cit. 6) jusqu'à toucher le sol avec le front. Prosternement, cit.Lutteur qui touche le sol des épaules (absolt, qui touche des épaules), qui est battu.
Spécialt. Toucher avec le pied, ou les pieds. || Toucher la pédale (cit. 2), d'un piano.Loc. Toucher le fond de l'eau : pouvoir se tenir debout dans l'eau; avoir pied.Loc. fig. Toucher le fond. Fond.Toucher terre (avec le pied).Par exagér. || Avec tant de vitesse qu'à peine touchions-nous la terre (→ Marcher, cit. 7; et aussi galop, cit. 1). — ☑ Par métaphore. Il ne touchait pas terre (→ Inonder, cit. 16).
Absolt. Être informé par le sens du toucher. || Voir, entendre (cit. 49), toucher (→ Exercer, cit. 3; foi, cit. 41).
Spécialt. a (Cf. provençal, esp., ital., tocara. → Toccata). Manipuler les éléments (→ Touche) d'un instrument de musique, spécialt, d'un instrument à cordes. || Toucher les cordes d'une guitare (cit. 3). Vibrer (faire). || Toucher le clavier (→ Glacer, cit. 22), le piano, l'orgue.Abusivt (par attraction de jouer). || Toucher du piano, de tous les instruments (cit. 7).S'oppose à sonner.
1 Rien ne le divertit tant qu'une belle voix accompagnée d'un luth touché délicatement.
A. R. Lesage, Gil Blas, VIII, XI.
b Manier, manipuler habituellement (une substance, un objet déterminé, un instrument). || Toucher du fer (→ Œil, cit. 52). || Toucher du (le) bois : jouer aux échecs, aux dames. — ☑ Loc. (Négatif). Ne pas, ne plus toucher qqch. : ne pas, ne plus pratiquer une activité liée à cet objet. || Je n'ai jamais touché une carte (→ Joueur, cit. 3).
2 (…) un autre, spirituel et paresseux, surnommé La Toque, le seul qui ne touchât jamais une rame sous prétexte qu'il ferait chavirer le bateau (…)
Maupassant, l'Inutile Beauté, « Mouche ».
c (Le compl. désigne un être vivant, son corps, une partie du corps). || Toucher une personne, un animal (→ Aimer, cit. 37; approche, cit. 6; perdre, cit. 64; ronronner, cit. 1). || Toucher un être sacré (1. Sacré, cit. 1 et 8). || Gandhi osa toucher les intouchables (→ Paria, cit. 1). || Ne me touchez pas ( Noli me tangere). || Toucher la main de qqn, pour dire bonjour (→ ci-dessous, II., 1. : touchez là).Toucher qqn de la main (→ Acanthe, cit. 2), du doigt (cit. 13), avec le dos de la main (→ Pâtée, cit. 1). || Toucher du bout des doigts. Chatouiller, effleurer (→ Frémir, cit. 15; pouce, cit. 7). || Toucher à pleines mains. Manier (→ Peloter, cit. 2). || Toucher légèrement. Attoucher. || Toucher des, avec les lèvres… (cit. 14).
REM. Les emplois peuvent ou non avoir une connotation érotique, mais celle-ci n'est pas lexicalisée (à la différence du sens d).
3 (…) les vieillards ont besoin de toucher, quelquefois de leurs lèvres, le front d'une femme ou la joue d'un enfant, pour croire encore à la fraîcheur de la vie et éloigner un moment les menaces de la mort.
Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, IV, 1.
d (Le compl. désigne une personne). Avoir un, des contacts érotiques avec…Toucher pour caresser, émouvoir sexuellement ( Touche-pipi).
3.1 Ils allaient au catéchisme le jeudi et à l'église le dimanche ils touchaient des filles l'été aux champs ils n'avaient que quelques sous.
Tony Duvert, Paysage de fantaisie, p. 108.
Avoir des relations sexuelles avec…
4 Lui (Jean), ne la touchait plus du tout, la traitait en camarade avec qui l'on a des intérêts communs.
Zola, la Terre, IV, II.
e (Le sujet désigne la partie du corps qui touche). || Main, doigt qui touche qqch. (→ Céder, cit. 12; éternel, cit. 18; journal, cit. 10).
f (En parlant d'un contact violent). || Le boxeur a touché son adversaire au menton. Frapper.
g (Sans contact direct du corps). Toucher, atteindre. || Toucher qqn avec un instrument, d'un instrument. || Toucher qqn de sa baguette magique (→ Galopin, cit. 1; pantoufle, cit. 1). || Toucher de l'or avec une pierre de touche ( Touchau). || Toucher (avec le fouet) un cheval, un bœuf, pour le faire avancer. Absolt. || Touche, touche ! Fouetter (→ 1. Mèche, cit. 6).
Spécialt, escr. || Toucher (avec le fleuret, le sabre) l'adversaire. Touche.Absolt. || À la fin de l'envoi (cit. 2), je touche.
Toucher la balle de sa raquette (cit. 1). || Il n'a pas touché une balle, se dit d'un joueur de jeu de balle ou de ballon (football, tennis, en particulier) qui a très mal joué. || Toucher la bille, au billard.Loc. fig. Toucher sa bille : être très compétent dans un domaine, dans sa partie. || En économie politique, elle touche drôlement sa bille, la nénette !
Atteindre avec un projectile. || Lancer (1. Lancer, cit. 2) des pierres contre les arbres et n'en toucher aucun. || Il tira et toucha son adversaire à l'épaule. Blesser. || Toucher la cible, le but. Absolt. || Toucher : faire mouche. || Toucher juste. Porter.
5 Toucher, c'est simple : le but n'est pas loin, et il est grand, mais le fer adverse impose au vôtre un petit changement d'angle, la crainte de la riposte vous ramène, et sur cent attaques vous touchez une fois.
Jean Prévost, Plaisirs des sports, p. 100.
Fig. Joindre (qqn) par un intermédiaire (lettre, coup de téléphone). || Où peut-on vous toucher ? Joindre, rencontrer.
2 Vx. || Toucher un tableau, l'exécuter en posant des touches (→ Paysagiste, cit.). Absolt (→ Empâter, cit. 1). Fig. Peindre (III.).
6 (…) pour mieux conserver l'estime et le respect qu'on doit aux vrais dévots, j'en ai distingué le plus que j'ai pu le caractère que j'avais à toucher (…) et ne me suis servi, dans cette peinture, que des couleurs expresses et des traits essentiels (…)
Molière, Tartuffe, Premier placet.
3 (Sujet n. de chose). Entrer en contact avec (qqn, qqch.) au terme d'un mouvement. Atteindre. || Le chalut (cit. 1) soudain toucha le fond. || Lorsque le médaillon toucha sa poitrine… (→ Han, cit. 3). || Bruit de la cuiller qui touche l'assiette (→ Renaître, cit. 4). || La torpille touche le but (cit. 2). || Être touché par une balle. Blesser (→ Indifférent, cit. 15). || Rayon, lumière, soleil qui touche un corps (→ Inflexion, cit. 1; parasol, cit. 3). || L'ombre ne touchait pas encore les hautes terres (→ Mamelon, cit. 3).Par métaphore. Atteindre. Gagner. || La révolution (cit. 14) touche l'Afrique et s'étend en Amérique.
Mar. (Le sujet désigne un navire). || Toucher le rivage, le port. || Toucher terre. Aborder. || Toucher un port, ou, absolt, toucher, s'y arrêter pour peu de temps. Escale (faire), relâcher.
7 (…) la Romania, un cargo mixte qui venait d'Ostende, touchait Le Havre vers 5 heures du matin et repartait une heure plus tard, sans y faire station.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 97.
Navire qui touche le fond, dont les œuvres vives entrent en contact avec le fond (à la suite d'une manœuvre volontaire — échouage — ou accidentellement). || Toucher la roche, le sable (même sens).
8 La barque lancée toucha le sable et glissa dessus comme si elle allait gravir toute la plage en y enfonçant sa quille (…)
Maupassant, l'Inutile Beauté, « Champ d'oliviers », I.
Absolt. || Toucher : heurter accidentellement et avec plus ou moins de violence le fond, une tête de roche, etc. (plus rarement, un quai, un autre navire, etc.).
8.1 (…) au moment où le brick sombrait, la mer était haute, c'est-à-dire qu'il avait plus d'eau qu'il ne lui en fallait pour franchir, sans les heurter, toutes roches qui n'eussent pas découvert à mer basse. Donc, il ne pouvait y avoir eu choc. Donc, le navire n'avait pas touché. Donc, il avait sauté.
J. Verne, l'Île mystérieuse, III, IV.
4 (1585). Sujet n. de personne. Entrer en possession de…, prendre livraison de… (une somme d'argent). Recevoir (→ Nier, cit. 11). || Toucher de l'argent (→ Accord, cit. 8), un joli paquet (cit. 10). Palper. || Toucher tant par jour, par mois. Gagner (→ Corps, cit. 46; fixe, cit. 11). || Toucher un traitement ( Émarger, cit. 2), des mensualités (→ Durant, cit. 5), des revenus (→ Avance, cit. 11), des intérêts (→ Principal, cit. 3), des dividendes (→ Expliquer, cit. 19), un arriéré (cit. 6), une pension (→ 1. Outre, cit. 17), un pourcentage (cit. 1), une ristourne (cit.). || Toucher un chèque. Encaisser. || Toucher le gros sac.Absolt. || Il touche : il reçoit de l'argent.
9 — Je n'irai pas donner quittance de ce que je ne reçois pas; et il faut bien que je touche quelque chose. — Mon Dieu ! vous toucherez assez (…)
Molière, l'Avare, II, 5.
(Turfisme). || Toucher un gagnant, un placé (1. Placer, cit. 19), le tiercé…Absolt. || Toucher à deux guichets (→ Incompatible, cit. 5; et aussi nombre, cit. 19).
Percevoir (autre chose que de l'argent). || Soldat qui touche sa ration de tabac.
10 D'autres, qui ont déjà touché les nouvelles capotes bleu horizon, font les farauds.
R. Dorgelès, les Croix de bois, IV.
10.1 Hier soir, j'ai touché deux œufs, des vrais œufs. En rentrant chez moi, mon pied a manqué le trottoir, je les ai cassés tous les deux.
M. Aymé, le Passe-muraille, p. 255.
5 Fig. (Dans le domaine affectif; sujet n. de chose abstraite). Vieilli ou littér., en emploi général. Affecter de telle manière, faire telle impression sur… (→ Poésie, cit. 18). || Les mêmes biens ne touchent pas également notre goût (→ Accoutumer, cit. 16). || Ce qui touche l'esprit si agréablement (→ Entretenir, cit. 14).Au passif. || Nous serions cruellement touchés de perdre ce que nous avons obtenu (cit. 1).
Mod. Procurer une émotion à (qqn), faire réagir en suscitant l'intérêt affectif. Émouvoir, intéresser; flatter. || Toucher les sens (→ Agréer, cit. 14), le cœur (cit. 139), l'âme (→ Mot, cit. 29; 1. roman, cit. 6), l'imagination (→ Poète, cit. 10). Adresser (s'), aller. || « Rien ne touche son goût, tant il est difficile » (cit. 26). || Sentir la beauté, en être touché. Pénétrer (→ Goût, cit. 15). || Ce qu'ils aiment (cit. 46) et ce qui les touche. || Se laisser toucher. Persuader. || Incapable d'être touché des intérêts d'autrui. Indifférent (→ Déraisonnable, cit. 2).Touché au vif.Absolt. || « L'exemple (cit. 5) touche plus que ne fait la menace ».Spécialt (relig.). || La grâce, Dieu l'a touché.
11 Mais que sert de parler de ces trésors cachés
À des esprits que Dieu n'a pas encor touchés ?
Corneille, Polyeucte, IV, 3.
12 S'il est ordinaire d'être vivement touché des choses rares, pourquoi le sommes-nous si peu de la vertu ?
La Bruyère, les Caractères, II, 20.
13 (…) il aime encore tout ce qui touche plus particulièrement les sens, la musique, les fleurs, les beaux habits, la chasse, les beaux chevaux (…)
Th. Gautier, les Grotesques, III, p. 69.
14 L'éloge leur plaît autant qu'à d'autres; mais le blâme les touche au vif, parce qu'ils sont trop portés à se blâmer eux-mêmes, et à grossir leurs plus petites fautes.
Alain, Propos, 15 oct. 1911, Les méchants.
14.1 (…) il n'y a aucune proportion raisonnable entre ce qui nous touche, et ce qui touche les autres; nous sentons l'un physiquement, l'autre n'arrive que moralement à nous, et les sensations morales sont trompeuses (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 49.
(1610). Plus cour. Émouvoir en excitant la compassion, la sympathie et une certaine tendresse. Attendrir (→ Frémissement, cit. 10). || Mots venus du cœur (cit. 91) qui touchent le lecteur. || Que rien ne peut toucher. Inexorable (cit. 5), inflexible (cit. 2). || Sa douleur, ses souffrances m'ont touché (→ Ilotisme, cit. 2; peiner, cit. 2). || Rien n'était plus propre à me toucher que cette émotion contenue (cit. 18). || Confiance qui touche qqn. Désarmer (→ Dos, cit. 16; 1. savoir, cit. 62).Absolt, vieilli. || Qqch. qui touche. Touchant (→ Faner, cit. 2). || « La principale règle est de plaire (cit. 23) et de toucher ».
6 Fig. Vieilli. Prendre en passant comme objet d'attention, de réflexion, de travail. Aborder, effleurer. || J'ai déjà touché ce sujet. — ☑ (1559, du Bellay, in D. D. L. : toucher quelque mot de…). Mod. Toucher qqch., un mot de… : dire un mot de… || Je lui en ai touché un mot, deux mots.
15 (…) l'ouvrage qui est joint à la traduction des Caractères (…) est tout différent des deux autres que je viens de toucher (…)
La Bruyère, Disc. sur Théophraste.
16 Dis donc, cette affaire des Ranch, dont nous parlions hier matin, faut-il vendre, faut-il pas vendre ? Si demain matin j'en touchais un mot au père Deutsch ?
Colette, la Fin de Chéri, p. 18.
B (1080). Sans mouvement.
1 Se trouver en contact avec…, et, par ext., être tout proche de… || Qui touche une surface. Tangent. || Hommes massés (1. Masser, cit. 4) au point que la poitrine des uns touchait presque le dos des autres.Un pendu (cit. 13) dont les pieds touchaient presque le plancher. || L'église touchait la maison. Attenant, contigu, limitrophe (→ Mitoyen, cit. 1). || Les objets qui nous touchent ou nous environnent (→ Exciter, cit. 14; ordre, cit. 2).
2 Toucher… de près, de loin : avoir des rapports de parenté avec… || Toucher de près quelqu'un, une famille.Un homme qui ne nous touche de rien (→ Dépouiller, cit. 21).
17 La plupart de ceux qui touchaient le mort même de loin furent nommés l'un après l'autre (…)
P.-J. Toulet, la Jeune Fille verte, IX.
3 (Sujet n. de chose). Concerner; avoir un rapport avec… Regarder. || « Une chose qui les touche de si près » (→ Indifférence, cit. 8). || « Sire, j'en ai trop dit, mais l'affaire (cit. 4) vous touche ». || « Personne ne voit des mêmes yeux (cit. 38) ce qui le touche et ce qui ne le touche pas ». || En ce qui touche… : en ce qui concerne… (→ Ironie, cit. 1; notre, cit. 13; satire, cit. 2).
18 Je viens, par un avis qui touche votre honneur,
Témoigner l'amitié que pour vous a mon cœur.
Molière, le Misanthrope, III, 4.
———
II Trans. indir. || Toucher à… (XIIe).
A Entrer en contact avec…
1 (Dans l'ordre physique, en parlant d'êtres vivants). Porter la main sur…REM. À la différence du transitif direct, toucher à… ne marque jamais un contact violent; il exclut la sensation du sujet, pour porter l'attention sur l'objet de l'action. — Toucher à une chose impure (cit. 3). || Animal qui touche à la proie proposée dans le piège (cit. 2). || « N'y touchez pas, il est brisé » (cit. 31). || Ne pas toucher aux objets exposés (→ Pertinence, cit. 1). || Toucher aux cordes (cit. 20) sensibles.Absolt. || Défense de toucher.
19 Sa récompense, c'est de pouvoir maintenant toucher aux souvenirs réservés de la nuit du 14 octobre. Y toucher comme à un rouleau d'étoffe somptueuse, ou comme à une grappe de bijoux.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, VI, p. 95.
Vx. Toucher à qqn dans la main, toucher dans la main (cit. 29) de qqn, en signe de marché conclu, d'accord (→ Gant, cit. 1).Absolt. || Touchez là ! (→ Sergent, cit. 1).
(En mettant l'accent sur l'intervention du sujet qui utilise l'objet). || Je n'osais pas toucher aux outils (cit. 3). || Ne touche pas au feu (→ Dessous, cit. 8). || Il défendit qu'on touchât à rien (→ Expressément, cit. 2; objet, cit. 3). || Cet enfant touche à tout. Déranger; touche-à-tout.Pop. Pas touche, bébé, n'y touche pas.(1636). || Toucher à un plat, à la nourriture. Manger, prendre (→ Dégoût, cit. 1; frugal, cit. 2; malade, cit. 3). || À quoi l'on n'a point touché. Intact.Ne pas toucher à son capital. Entamer (→ Fric, cit. 2; situation, cit. 2).Il n'a jamais touché à une arme (→ Navigateur, cit. 2), à un volant (→ Frousse, cit. 3) : il n'a jamais tiré avec une arme, jamais conduit.
20 Un jour l'on te dirait (…) ne mange pas de ce fruit, et tu n'oserais en manger; je te défends ce légume ou cet animal, et tu te garderais d'y toucher.
Diderot, Suppl. au voyage de Bougainville, III.
21 — J'ai fait serment de ne plus tenir un cornet, répondit-il, et de ne plus toucher à une carte; mais, puisque vous voilà, jouons à croix ou pile l'argent que nous avons sur nous.
A. de Musset, Nouvelles, « Fils du Titien », VII.
21.1 Simon éprouvait tant de respect pour Mlle Saulnier qu'il s'abstenait de la déshabiller par la pensée, lui qui ne pouvait voir une femme nubile sans l'imaginer au lit. Pas touche, Mlle Saulnier ! Une vraie jeune fille, une pure jeune fille (…)
Roger Ikor, les Fils d'Avrom, Les eaux mêlées, p. 482.
Spécialt. || Toucher à (qqn) : avoir des contacts érotiques avec (qqn).REM. Cet emploi est plus abstrait que l'emploi analogue du trans. (toucher à une femme / toucher une femme).
(1538; abstrait). Se mêler, s'occuper de (qqch.). || Toucher à tout (→ Encyclopédique, cit. 2). || Toucher délicatement (cit. 4) à des matières délicates. || Il est délicat (cit. 11) de toucher à ce sujet. Aborder.(Surtout en emploi négatif). S'en prendre à (qqch.), pour modifier, corriger. Changer (→ Coutume, cit. 3; retouchable, cit.). || Il vaut mieux ne pas toucher à ce texte. || Constitution à laquelle personne n'ose toucher. Intangible.(En attaquant). || Toucher à l'honneur de qqn. Offenser.Y toucher (vieilli) : être mêlé à la chose en question, y avoir quelque responsabilité (→ Avec, cit. 86). || « Et vous n'y touchez pas, tant vous semblez doucette » (cit. 1).Mod. Un air de ne pas y toucher, faussement ingénu. Dissimulé, hypocrite, malicieux. || Sainte n'y touche. Nitouche.
22 Le journalisme touche à tout dans cette époque, à l'industrie, aux intérêts publics et privés, aux entreprises nouvelles, à tous les amours-propres de la littérature et à ses produits.
Balzac, Une fille d'Ève, Pl., t. II, p. 124.
23 Il s'était avisé de douter que saint Denys l'aréopagite fût jamais venu en France. Toucher à cette légende, c'était s'attaquer à la religion de la monarchie.
Michelet, Hist. de France, IV, IV.
2 Littér., didact. Atteindre, arriver à… (un point qu'on touche vraiment ou dont on approche de très près). || Je touche au but (cit. 6) du premier coup. || « Que l'autre touchait presque au bout de la carrière » (cit. 1). || Ils s'en approchent mais n'y touchent jamais (→ Asymptote, cit. 1).(À un point dans le temps). || Toucher à son terme, à sa fin. Courir (→ Force, cit. 10; palingénésie, cit. 1). || « Peut-être nous touchons à notre heure (cit. 69) dernière » (→ aussi Désennuyer, cit. 5; matin, cit. 21; maturité, cit. 3 et 4).
24 Cependant la température du corps diminue, touche à son étiage; et au dehors celle de l'atmosphère tombe elle aussi au point le plus bas du cycle de vingt-quatre heures.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XVII, p. 226.
Nous touchons ici à…, formule par laquelle un auteur signale qu'à ce point de son exposé il se trouve en présence de tel problème et qu'il est amené à le considérer (→ Fugitif, cit. 17; malentendu, cit. 2; monothéiste, cit.; saillant, cit. 4).
B (Dans le même sens que I., B.).
1 Être en contact avec… || « Et dont les pieds touchaient à l'empire (cit. 10) des morts » (→ aussi Extrémité, cit. 5; fleur, cit. 4). || Des poutres qui touchent presque aux façades des maisons (→ Métropolitain, cit. 2).
2 (Abstrait). Concerner, embrasser (→ Assignable, cit. 2; géographie, cit. 4; grondement, cit. 5; monde, cit. 49).Par la parenté (→ Ancêtre, cit. 10).
25 — Il me semble, en effet, que cette question de la prohibition touche au centre même de l'âme américaine. Vous n'en convenez pas toujours.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, V.
Avoir presque le caractère de… || La maison dont la simplicité (cit. 9) touchait au dénuement. Confiner (→ aussi Faire, cit. 115).
——————
se toucher v. pron.
(Récipr.). Être en contact l'un avec l'autre, très près l'un de l'autre (→ Assembler, cit. 3; couleur, cit. 1; difformité, cit. 1; fiançailles, cit. 4; incendie, cit. 3).Fig. Être voisin, en étroit rapport (→ Hérésiarque, cit. 2; organiser, cit. 6).Les extrêmes se touchent.
26 — Nous nous touchons par tant de points ! répondis-je. N'appartenons-nous pas au petit nombre de créatures privilégiées pour la douleur et pour le plaisir (…)
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 820.
Fam. Par euphém. || Se toucher : se masturber. || Celui-là, il se touche la nuit !
26.1 Moi, disait Charles-Hubert, égrillard, tu veux que je te dise mon idée ? Cette gosse-là, elle se touche. T'as pas remarqué ? Elle a les yeux qui lui descendent jusqu'au milieu de la figure.
J. Dutourd, Au bon beurre, p. 107.
(Faux pron.).Se toucher le front, pour signifier que qqn est fou, dérangé.
——————
touché, ée p. p. adj.
|| Objet touché. || Adversaire touché, en escrime. || Argent, chèque touché.(Personnes; psychologique). || Touché de piété (cit. 1), de reconnaissance, de respect. || Je suis touché, profondément touché. Ému. || Touché par qqch. Sensible (→ Exhortation, cit. 3).
DÉR. Touchable, 1. touchant, 2. touchant, touchau, touche, 2. toucher, touchette, toucheur.
COMP. Attouche. — Retoucher. — Touche-à-tout, touche-pipi, touche-touche (à). — Sainte-nitouche.
————————
2. toucher [tuʃe] n. m.
ÉTYM. 1361; toukier, fin XIIe; inf. subst. de toucher.
1 Un des cinq sens (I., 1.) traditionnels, comprenant l'ensemble des sensibilités (cutanées, kinesthésiques, etc.) qui interviennent dans l'exploration des objets par palpation. Tact (→ Autant, cit. 43; contact, cit. 1; dimension, cit. 3; étendue, cit. 3; généralement, cit. 1; obtus, cit. 1; palpable, cit. 1). || Les diverses espèces de toucher (→ Réceptivité, cit. 1). || Illusions (cit. 7) du toucher. || Toucher passif (cit. 2) et actif. || Sensible, non sensible au toucher. Palpable, tangible; impalpable. || Relatif au toucher. Haptique.
1 On a dit souvent, et d'une manière bien vague, que toutes les sensations pouvaient se réduire à celles du toucher, sens général répandu dans toutes les parties où viennent aboutir les extrémités nerveuses qui sont censées rayonner du cerveau comme de leur centre unique.
Maine de Biran, Du physique et du moral de l'homme, II, §III.
2 Mais rien ne remplace le toucher, la palpation, la main qui passe dans les plis et replis d'un quartier comme dans ceux d'un velours.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XVIII, p. 131.
2.1 Le toucher des Vertébrés, source de références spatiales (…) apparaît comme extrêmement subtil. A l'inverse de la vision dont la perception est d'abord synthétique, le toucher analyse, recrée les volumes à partir du déplacement de la main et des doigts, dans un couple tact-mouvement qui intègre le toucher au domaine accessible à la perception figurative.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. II, p. 117.
2 a Action ou manière de toucher. Attouchement, contact. || Doux, rude, gras (cit. 29) au toucher (→ Grossir, cit. 2; maroquin, cit. 2; rêche, cit. 2). || Jouir du toucher d'une chose agréable (→ Sensation, cit. 5). Poét. || Le toucher du vent, de l'ombre (→ Frémissant, cit. 4; 1. ombre, cit. 4).
3 Se trouver en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 15 janv. 1866, t. III, p. 9.
b (1690). Mus. Manière de jouer d'un instrument à touches ou à cordes, qui fait la qualité de la sonorité. || Un toucher sensible, délicat, vigoureux. || Le toucher du clavecin, du piano.
c (1872). Méd., chir. Mode d'exploration consistant à introduire le doigt, la main dans une cavité naturelle. Investigation, palpation. || Toucher rectal, vaginal, mitral…
3 (1762). Qualité que présente un corps au toucher. || Toucher velouté (→ Labour, cit. 3), moelleux.
4 Jacqueline mit dans la main d'Armand quelque chose dont il ne comprit point la nature. Cela avait le toucher de la soie tricotée avec du dur à l'intérieur.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XXII.

Encyclopédie Universelle. 2012.